- Jeudi 12 janvier 2017
- Institutions européennes - L'Italie et l'Union européenne : rapport d'information et avis politique de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, René Danesi, André Gattolin, Mme Gisèle Jourda et M. Simon Sutour
- Questions sociales et santé - Perturbateurs endocriniens : rapport d'information, proposition de résolution européenne et avis politique de Mme Patricia Schillinger et M. Alain Vasselle
- Nomination de rapporteurs
Jeudi 12 janvier 2017
- Présidence de M. Jean Bizet, président -La réunion est ouverte à 9 h 05.
M. Jean Bizet, président. - Permettez-moi de vous présenter tous mes voeux de bonheur, de santé et de réussite.
J'ai le plaisir d'accueillir les auditeurs de la deuxième promotion de l'Institut du Sénat, qui travailleront dans nos murs de début décembre à fin mars, et leur souhaite la bienvenue.
Institutions européennes - L'Italie et l'Union européenne : rapport d'information et avis politique de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, René Danesi, André Gattolin, Mme Gisèle Jourda et M. Simon Sutour
M. Jean Bizet, président. - Vous avez reçu le rapport d'information rédigé à la suite du déplacement à Rome d'une délégation rassemblant Gisèle Jourda, Pascal Allizard, René Danesi, André Gattolin, Simon Sutour et moi-même.
Le référendum constitutionnel du 4 décembre 2016 s'est traduit par un rejet de la réforme institutionnelle souhaitée par le gouvernement de Matteo Renzi, puis par la démission de celui-ci. Cette refonte de l'organisation des pouvoirs italiens, au niveau tant national que territorial, était présentée comme la mère de toutes les réformes par le président du Conseil, au pouvoir depuis février 2014. Elle comprenait trois volets : la révision de la loi électorale, le changement de statut du Sénat et la modification de l'organisation territoriale. Matteo Renzi voulait faciliter la prise de décision au niveau national, en limitant les conflits de compétence entre l'État et les régions et en s'appuyant sur une majorité parlementaire stable et renforcée. Le bicamérisme actuel, en effet, est tellement parfait qu'il paralyse parfois la prise de décision...
Le référendum a, de fait, cristallisé des oppositions diverses, visant pour certaines le coeur de la réforme et pour d'autres la politique menée et le style de Matteo Renzi - surnommé il Rottomatore, le démolisseur - depuis son arrivée au pouvoir en février 2014. Les partisans du « non » ont couvert tout le spectre politique. Compte tenu de ces approches différentes, il apparaît aujourd'hui contestable de voir dans le référendum du 4 décembre la victoire d'une majorité populiste, a fortiori eurosceptique, même s'il apparaît clair aujourd'hui que seul le Parti démocrate et quelques formations centristes s'inscrivent dans une dynamique pro-européenne. La victoire du non constitue plutôt une nouvelle manifestation, dans nos démocraties occidentales, de l'affirmation d'une ochlocratie, au sein de laquelle le choix rationnel du peuple est remplacé par la manifestation d'humeur de la foule.
Le retrait du pouvoir de Matteo Renzi n'a pas ouvert pour autant une période d'instabilité à la tête de l'État, un cabinet dans la lignée du précédent ayant été nommé dès le 12 décembre, sous la direction de Paolo Gentiloni, l'ancien ministre des affaires étrangères, et par ailleurs ami personnel de Matteo Renzi. Ce nouveau gouvernement aura pour principale mission la refonte de la loi électorale et l'organisation d'un nouveau scrutin. Il devra également assurer la présidence du G7. Le gouvernement va devoir trouver une majorité au sein du Parlement pour faire adopter une nouvelle loi électorale. La tâche n'apparaît pas simple, compte tenu des positions divergentes entre les principaux mouvements et de l'émiettement des groupes parlementaires : 23 formations sont ainsi représentées. Les divergences pourraient conduire à des élections au mieux à l'automne prochain. Il n'est pas à exclure que le gouvernement aille jusqu'au terme de l'actuelle législature censée se terminer en février 2018.
Un vote aujourd'hui se traduirait par une consolidation, voire une victoire du Mouvement 5 étoiles (M5S). Reste à connaître l'ampleur de celle-ci, qui conditionnerait sa capacité à réunir une majorité autour de lui pour gouverner le pays. Le positionnement idéologique du mouvement reste difficile à déterminer, canalisant toutes les protestations et combinant programme social, soutien aux petites et moyennes entreprises, rejet de l'Union européenne et position dure sur l'immigration. Ses représentants sont issus de toutes les sensibilités politiques. La personnalité de Beppe Grillo, ancien comique et inéligible en raison d'une condamnation pour homicide involontaire, et le mode d'organisation de sa formation plaident, en outre, pour une forme d'isolement. Le parti appartient en effet à une entreprise spécialisée dans la sécurité informatique et ne dispose pas de structures classiques comme de fédérations locales ni de permanences. Le parti multiplie par ailleurs les coups d'éclat. Le dernier, tenté au Parlement européen avec Guy Verhofstadt il y a 48 heures, est du plus mauvais effet.
M. André Gattolin. - M. Verhofstadt a aussi un peu joué avec eux...
M. Jean Bizet, président. - Mais la main tendue était celle de M. Verhofstadt.
Le M5S, qui préside aux destinées de Rome, n'y a pas fait preuve d'un grand professionnalisme, même s'il continue à garder une place importante au sein de la population en tant que mouvement antisystème. L'échec du référendum est sans doute à corréler à l'absence de relance économique, alors même que le gouvernement Renzi a entrepris de profondes réformes en ce sens depuis 2014. Le taux de chômage demeure à un niveau relativement haut : 11,7 %. Le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé, à 37,1 %, soit le double de la moyenne européenne, ce qui place le pays en troisième position derrière la Grèce et l'Espagne. Ce n'est pas rien ! Heureusement, le modèle social italien joue un rôle important d'amortisseur social, avec une solidarité familiale envers les jeunes.
Les autorités italiennes ont, par ailleurs, révisé à la baisse en octobre dernier les prévisions de croissance pour 2016 et 2017. L'Italie pâtit notamment d'une augmentation du coût du travail et d'une stagnation de la productivité depuis son intégration au sein de la zone euro. Le Fonds monétaire international estime aujourd'hui que l'Italie ne devrait pas recouvrer le niveau de richesse qu'elle atteignait en 2007 avant le milieu des années 2020. La croissance potentielle semble de fait réservée à une partie des régions italiennes et limitée à quelques secteurs. Les deux provinces de Brescia et de Bergame sont ainsi considérées comme les plus industrialisées d'Europe. Cependant, 80 % de la richesse reste concentrée au nord du pays, où sont installés la plupart des « districts industriels » les plus dynamiques et les plus innovants comme les produits pharmaceutiques ou les dispositifs médicaux. L'Italie a inventé, au travers de ces districts industriels, ce que l'on nomme aujourd'hui les clusters. Il y a vingt ans, j'avais rédigé un de mes premiers rapports sénatoriaux sur ce sujet et avais proposé que l'on s'inspire en France de cette approche.
Cette atonie de la croissance, conjuguée à une dette colossale - 132,7 % du PIB -, explique pour partie la remontée des taux obligataires à dix ans depuis le mois d'août dernier, passant de 1 % à l'époque à 2,1 % actuellement. Au-delà de la dette publique, des interrogations subsistent sur le secteur bancaire. Celui-ci est grevé par des créances douteuses estimées à 356 milliards d'euros, dont 198,9 milliards d'euros seraient irrécouvrables, soit une hausse de 50 % depuis 2012. La Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), plus vieille banque du monde et troisième établissement financier du pays, symbolise à elle seule la fragilité du secteur. Un nouveau plan de recapitalisation de 8,8 milliards d'euros a été annoncé à la fin de l'année 2016 ; 6,5 milliards seraient versés par l'État. Mais il doit être rapidement appliqué pour éviter d'emporter le système bancaire italien, voire celui de ses voisins.
Passé ce rapide aperçu de la situation nationale, venons-en à la position européenne de l'Italie. La campagne référendaire a coïncidé avec un raidissement de la position du gouvernement italien dans un certain nombre de dossiers européens. Cette attitude ne saurait traduire un quelconque euroscepticisme mais dénote plutôt une volonté de participer activement à la relance du projet européen à la veille du soixantième anniversaire du traité de Rome.
La situation budgétaire de l'Italie constitue cependant un sujet de crispation avec la Commission européenne. Les autorités italiennes souhaitent que soit mieux pris en compte l'impact de la crise migratoire dans l'appréciation du déficit public. Selon le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), 180 746 personnes avaient atteint les côtes italiennes en 2016, un niveau sans précédent. Le chiffre s'élevait à 154 000 en 2015. L'itinéraire vers l'Italie est aujourd'hui le plus emprunté, compte tenu notamment de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie. Entre 55 % et 60 % des opérations de sauvetage sont réalisées directement par la marine italienne. Plus de 180 000 demandeurs d'asile sont désormais hébergés au sein de centres d'accueil italiens, les demandes ayant atteint un niveau record cette année. L'Italie n'est plus un pays de transit. Et le plan de relocalisation européen peine à donner des résultats. Seuls 2 000 réfugiés ont été transférés hors du pays. Les Italiens sont assez exemplaires et montrent leur grand coeur, en agissant au-delà des obligations réglementaires européennes.
À ce défi s'ajoute celui de la reconstruction suite aux tremblements de terre d'août et octobre 2016 dans le centre du pays. Le coût des rénovations est estimé à 2,8 milliards d'euros. Je vous propose d'ailleurs que nous adressions un avis politique à la Commission européenne pour qu'elle prenne à sa charge le financement de la basilique de Saint-Benoît, saint patron de l'Europe, à Nurcie. Seule sa façade est aujourd'hui debout. Ce serait un geste symbolique fort, sur lequel, j'imagine, nous sommes tous d'accord.
Les négociations sur la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel ou les instruments de défense commerciale ont souligné la volonté italienne de voir l'Union adopter une stratégie ambitieuse, au risque que sa position maximaliste ne ralentisse le processus décisionnel. L'Italie voudrait que l'Union s'investisse massivement dans le soutien à la jeunesse et à l'éducation, la promotion d'une défense européenne et la réforme de l'Union économique et monétaire.
Le Sénat italien souhaite être au service de cette ambition. Notre réunion de travail à Rome le 13 décembre dernier avec nos homologues de la commission sur les politiques de l'Union européenne doit constituer, à ce titre, le prélude à une coopération plus approfondie entre les deux assemblées. Trois thèmes de travail ont été définis : le marché unique du numérique, en complément de la demande de nos collègues du Bundesrat ; la concurrence, notamment en matière agricole, un sujet qui évolue un peu selon les recommandations de la task force qui nous ont été proposées le 14 novembre dernier ; et les ressources propres de l'Union européenne - nous devrions bientôt auditionner à ce sujet Mario Monti.
M. André Gattolin. - Nous attendons cette audition depuis longtemps : nous l'évoquions déjà en 2014 !
M. Jean Bizet, président. - Elle devrait avoir lieu prochainement.
Les deux commissions vont désormais s'attacher à approfondir ensemble ces trois axes de travail avant le soixantième anniversaire du traité de Rome, le 25 mars 2017. J'aimerais que nous puissions émettre des recommandations à cette occasion, en lien avec le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne.
M. André Gattolin. - Ce rapport d'information est très fidèle à la richesse de nos entretiens.
Au sein de la commission d'enquête sur l'avenir de l'espace Schengen, nous avons auditionné l'ambassadeur d'Espagne en France, M. Ramón de Miguel, qui a dressé un tableau sombre de l'efficacité italienne. Nous avons évoqué les frontières terrestres, avec les enclaves de Ceuta et Mellila, et les frontières maritimes. Les Espagnols sont touchés depuis longtemps par les migrations et ont mis en place des dispositifs efficaces. Mais la coopération est insuffisante : Frontex ne peut se substituer aux garde-côtes des pays européens, et les Espagnols ont du mal à travailler avec l'Italie. Ils apprécient leur générosité et leur humanisme mais les jugent excessivement laxistes sur leur contrôle maritime. Je suis intervenu pour évoquer notre déplacement romain. Ces regards croisés sont intéressants. L'ambassadeur espagnol, qui a travaillé dans la Commission Delors et a été directeur général à Bruxelles, s'exprime assez librement. Il n'est pas simple de faire collaborer sur un même territoire deux corps de contrôles aux frontières, italien et espagnol. L'Espagne est aussi une route de migration, comme l'Italie, mais, confrontée plus tôt au problème, elle a mis en place des procédures et des moyens plus développés. Cela montre les difficultés et les disparités persistantes.
M. Pascal Allizard. - Ne tombons pas dans le piège d'opposer l'Espagne à l'Italie. L'Espagne bénéficie d'accords avec le Portugal et le Maroc : les routes maritimes sont totalement fermées par les garde-côtes. Actuellement, peu de Syriens, quelques Afghans et surtout de nombreux Africains, de l'Est et de l'Ouest, traversent la Méditerranée. Les Africains de l'Ouest ne pouvant passer par l'Espagne remontent le Nil et se dispersent sur les 400 kilomètres de côte libyenne non sécurisée. Les Italiens réalisent des efforts colossaux pour relocaliser les migrants sur le territoire national, alors que la France n'en fait pas le dixième... Cette générosité a pu avoir un impact négatif dans le résultat du référendum.
Mme Fabienne Keller. - C'est très intéressant de disposer d'une monographie sur un autre État membre. Le plan du rapport révèle en miroir une analyse des difficultés de la France, comme le manque de perspectives de la jeunesse, la panne de croissance, les réfugiés, les débats sur le Sénat, mais avec un regard italien. Je regrette de n'avoir pu me joindre à vous !
Qu'ont donné les réformes menées depuis un an sur le coût du travail ? Pourraient-elles s'appliquer dans d'autres pays du sud de l'Europe ? Qu'en est-il du risque bancaire ? Avec Yvon Collin, je me suis rendue en Italie lorsque ce pays envisageait de développer une aide Nord-Sud de long terme pour faire face aux migrations économiques, notamment par le biais de la Cassa depositi e prestiti, la Caisse des dépôts italienne. Ont-ils toujours des difficultés politiques et financières, et où en est ce projet d'aide Nord-Sud ?
Organiser un événement à l'occasion de l'anniversaire du traité de Rome est une excellente idée, mais il y a un vrai risque : l'article 50 risque d'être activé pour le Brexit à une date proche du 25 mars et risque d'écraser les commémorations...
M. René Danesi. - Je salue la qualité rédactionnelle de l'avis politique pour la reconstruction de la basilique de Nursie, évoquant très diplomatiquement l'héritage culturel et symbolique de cet édifice, sans mentionner les racines chrétiennes de l'Europe.
Ce rapport est une véritable somme sur l'Italie, qui fait le point sur l'ensemble des questions préoccupant les Italiens et l'ensemble de l'Union européenne. Vous me rappelez mes humanités avec l'ochlocratie : peu de pays y échappent, et nous l'avons connue en 2012 lors de l'élection présidentielle, avec un vote déterminé par l'humeur plutôt que par la raison raisonnante. C'est une crise de la démocratie représentative qu'on observe aux États-Unis avec l'importance croissante des médias et en Italie avec le M5S. Les sautes d'humeur risquent d'être permanentes.
Vous avez réalisé un excellent travail sur la coopération avec le Sénat italien. Les trois thèmes retenus pour une coopération sont essentiels, comme le numérique ou la concurrence, un des moteurs de l'unification européenne, mais qui a montré toutes ses faiblesses. Curieusement, en matière de concurrence, l'Europe a tendance à agir comme la France avant 1939, blottie derrière la ligne Maginot tandis qu'elle signait des traités avec les pays d'Europe centrale leur garantissant son aide en cas d'agression... C'est contradictoire. On a ouvert l'Europe à la concurrence mondiale tout en essayant d'empêcher l'émergence de concurrents européens sur le marché mondial. On veut favoriser les PME en Europe sans les faire trop grossir pour éviter qu'elles nous concurrencent à l'international, et on s'étonne ensuite de la concurrence des Américains et des Chinois. L'Europe ne peut continuer ainsi, inversons la tendance. La concurrence est un fait politique essentiel, saisissons-nous-en. On part aussi du principe que la concurrence serait une bonne chose en soi, je suis loin d'en être convaincu... Nous verrons ce qui se passera aux États-Unis dans les mois à venir.
M. Éric Bocquet. - La situation du secteur bancaire italien est impressionnante, même si nous la connaissions. L'ampleur des chiffres est sidérante. Un tiers des créances douteuses de la zone euro sont détenues par des banques italiennes. La banque centrale italienne a triplé son engagement auprès des banques italiennes. Qu'en est-il de l'origine et de la nature des créances douteuses ? Le risque est considérable...
M. Simon Sutour. - Monsieur Danesi, l'Europe doit aider le patrimoine culturel des zones touchées. Le titre est très approprié. Rassurez-vous, une précision indique que c'est une église dédiée au saint patron de l'Europe... Mais soyons modestes, il s'agit d'un avis politique de notre commission et non d'une décision de la Commission européenne.
Je me félicite du déplacement de notre délégation et du maintien de liens forts avec le Sénat italien, de même qu'avec le Bundesrat allemand. La coopération interparlementaire est essentielle. Agissons de même avec les pays du sud de l'Europe, avant la fin de la mandature, notamment avec l'Espagne, qui compte 45 millions d'habitants.
L'Espagne et l'Italie sont des pays qui, au-delà de leurs sensibilités politiques différentes, ont fait le choix de la croissance et de l'emploi, en témoigne la victoire de cette position dans le débat européen. L'Italie est un pays fondateur de l'Europe qui, malgré ses difficultés, ne se porte pas si mal. Son influence dans l'Union européenne continue à être forte : les deux principaux candidats à la présidence du Parlement européen sont italiens.
M. René Danesi. - Avant notre rencontre avec l'ambassadeur espagnol, j'étais persuadé que le droit de la mer obligeait à recueillir toute personne, à la mener à bon port et à lui donner gîte et couvert. Or, selon l'ambassadeur espagnol, un pays peut renvoyer immédiatement un migrant - et l'Espagne le fait. Il tenait des propos peu amènes envers l'Italie. L'Italie applique-t-elle le droit ou fait-elle du sentiment ? Peut-on avoir une information objective ?
M. Alain Richard. - Cela relève du droit de séjour sur le territoire et non du droit de la mer. Ce n'est pas parce qu'un étranger a touché le sol national qu'on est obligé de l'y garder. Voyez les officiers de la police de l'air et des frontières qui patrouillent à l'aéroport de Roissy la nuit pour contrôler les arrivées, et ce n'est pas lié au droit de la mer. Le droit de la mer n'interdit pas de renvoyer un sans-papiers à son lieu d'origine, s'il est sûr. Il n'y a pas de droit à un titre de séjour.
M. André Gattolin. - Au-delà de la zone maritime immédiate, le droit de la mer oblige à porter secours à toute personne et de la mener à terre. Mais, en Libye, la situation pose problème en l'absence d'accord, sans État réel ni sécurité. Lorsqu'ils arrivent en avion, les migrants peuvent demander l'asile si leur renvoi dans leur pays d'origine met leur vie en danger, à la différence des migrants économiques.
L'ambassadeur précisait que les demandeurs d'asile sont accueillis en Espagne, à la différence des migrants économiques, qui sont renvoyés dans leur pays. L'Espagne a un accord avec le Maroc qui le lui permet.
M. Jean Bizet, président. - Monsieur Danesi, vos interrogations sont en partie satisfaites.
L'ochlocratie, du grec ?÷ëïò (ochlos), la foule, ne concerne pas seulement l'Italie, même si le M5S en est l'expression même. Les démocraties peuvent être mortelles, et l'émotion ne doit pas l'emporter sur la raison. C'est la raison d'être des assemblées dûment élues. Nous connaissons plusieurs exemples d'exécutifs pouvant être paralysés par l'émotion publique, et ce risque existe pour tout gouvernement.
J'apprécie vos remarques sur le commerce international. L'Union européenne s'est enferrée dans la rigidité d'une Direction générale de la concurrence créée il y a soixante ans lors du traité de Rome et qui ne correspond plus à la réalité locale. Pour être un bon compétiteur, il faut avoir des champions mondiaux : relisez mon rapport de 2013. La Direction générale de la concurrence, avec les autorités nationales de la concurrence, ses déclinaisons locales, empêchait tout regroupement ou toute position dominante sur un marché pertinent. Voyez les derniers propos d'Emmanuel Macron, qui appelait de ses voeux l'émergence d'un Google européen, estimant qu'un Google français ou allemand n'aurait aucun sens.
M. Simon Sutour. - Vous l'approuvez ?
M. Jean Bizet, président. - Oui, sur ce point. Madame Keller, nous avons eu une intéressante réunion sur le coût du travail avec M. Gianfranco Dell'Alba, délégué de la Confindustria auprès de l'Union européenne. Matteo Renzi a mis en place un Jobs Act avec deux volets : l'augmentation des contrats à durée déterminée de 12 à 36 mois et un contrat à durée indéterminée à protection croissante, où le licenciement est facilité durant les trois premières années. Ce programme produit des effets, mais le chômage des jeunes atteint 37 %, ce qui explique l'échec de M. Renzi malgré ses avancées sur l'éducation ou le travail.
Le gouvernement italien a décidé d'injecter 6,5 milliards d'euros à la BMPS pour soulager les petits porteurs, mais il y a un risque systémique pour l'État italien, surmontable à condition que ce plan soit très vite appliqué ; or l'État italien a tergiversé durant trois semaines avant d'agir.
Il ne faudrait pas que les cérémonies d'anniversaire du traité de Rome soient occultées par le déclenchement de l'article 50. Les présidents des parlements nationaux se réuniront le 17 mars à Rome. Je souhaite que l'image de l'Europe qui est donnée soit la plus large possible.
Mme Fabienne Keller. - Fait-on quelque chose à cette occasion ?
M. Jean Bizet, président. - Nous présenterons des propositions d'ici à la fin février pour valoriser la date du 25 mars.
Mme Fabienne Keller. - Nous pourrions organiser un événement avec des jeunes européens, en parallèle d'autres événements institutionnels.
M. Jean Bizet, président. - Nous ferons des propositions dans ce sens que vous validerez.
Monsieur Bocquet, les sommes bancaires en jeu ne sont pas neutres : près de 360 milliards d'euros. L'essentiel est de protéger les petits porteurs, et c'est jouable pour les professionnels.
M. Éric Bocquet. - Quelles sont l'origine et la nature des créances douteuses ?
M. Simon Sutour. - On peut bien l'imaginer...
M. Jean Bizet, président. - Il est difficile de tout creuser... L'Italie, pays fondateur de l'Union, est très respectueuse du couple franco-allemand, mais souhaiterait que la France s'intéresse aussi à elle...
M. Simon Sutour. - On pourrait être polygame...
M. Jean Bizet, président. - L'Italie nous a donné de nombreux grands Européens, avec Mario Monti, Mario Draghi et Federica Mogherini, et peut-être bientôt Antonio Tajani...
M. Simon Sutour. - Ou Gianni Pitella.
M. Jean Bizet, président. - Ils sont des Européens convaincus et ont une réflexion d'excellente qualité. Nous avons de très bonnes relations avec nos collègues sénateurs italiens. Je vous propose de publier ce rapport et que notre commission fasse des notes d'étapes sur le sujet bancaire.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport d'information et a adopté, à l'unanimité, l'avis politique suivant.
Questions sociales et santé - Perturbateurs endocriniens : rapport d'information, proposition de résolution européenne et avis politique de Mme Patricia Schillinger et M. Alain Vasselle
M. Jean Bizet, président. - Nous allons entendre la communication de Patricia Schillinger et Alain Vasselle sur les perturbateurs endocriniens.
Il s'agit d'un sujet difficile et sensible. Il recouvre des enjeux de santé publique auxquels il doit être répondu. Il concerne aussi les industriels et les agriculteurs qui doivent savoir précisément à quelles obligations ils sont soumis. Nous devons donc d'abord bien identifier ce qu'on entend par « perturbateurs endocriniens », avant d'évaluer si la réglementation européenne est ou non adaptée aux enjeux qui sont en cause. La présentation par la Commission européenne de deux projets d'acte en juin dernier nous en fournit l'occasion.
C'est donc tout l'intérêt du rapport d'information de nos deux collègues, qui vous a été adressé, et de la proposition de résolution européenne qu'ils nous soumettent, dont vous avez également pu prendre connaissance.
Je donne la parole à nos rapporteurs
Mme Patricia Schillinger. - Le système hormonal ou système endocrinien permet de réguler le développement et le fonctionnement de l'organisme. Différentes glandes telles que la glande thyroïde ou les glandes génitales sécrètent une hormone qui se fixe à un récepteur et déclenche une réaction d'un organe tiers ou l'expression d'un gène.
Les perturbateurs endocriniens altèrent le fonctionnement du système hormonal et empêchent que l'organisme ne réponde de manière adéquate. On les retrouve partout autour de nous - il est donc difficile de s'en prémunir - : dans la nourriture et l'eau potable par le biais des pesticides et des contenants alimentaires mais aussi dans l'air que l'on respire où ils sont propagés lors de l'utilisation des pesticides et des biocides. Ils sont également présents dans certains médicaments et dans les produits cosmétiques. Les plus connus du grand public sont les phtalates, que l'on retrouve dans la matière plastique, et le bisphénol, présent notamment dans les biberons et les revêtements intérieurs des boîtes de conserve.
Parmi plusieurs études scientifiques qui ont mis en évidence les dangers des perturbateurs endocriniens, une étude américaine publiée le 17 juin 2015 a suivi pendant plusieurs décennies des enfants dont les mères avaient été exposées au DDT - un pesticide dont la substance active est un perturbateur endocrinien utilisé dans les années cinquante et soixante et interdit depuis. Cette étude a montré une multiplication des cancers du sein chez les filles et des cancers des testicules chez les garçons directement imputables à l'exposition au DDT. En outre, d'autres études recensent des cas plus nombreux de puberté précoce chez les jeunes filles et de malformation génitale chez les garçons, ainsi qu'une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes. De même, les cas de diabète de type 2, d'obésité et d'autisme recensés sont en hausse.
De nombreux indices mettent en cause la responsabilité des perturbateurs endocriniens, mais leur mode d'action ne permet pas toujours d'établir un lien de causalité entre la perturbation endocrinienne et la maladie. En effet, leur mode d'action diffère de celui des autres substances toxiques, pour lesquelles la dose fait le poison : plus la dose est forte, plus l'effet toxique observable est élevé. Toute substance dont il est impossible de trouver une dose maximale sans effet toxique observable est interdite.
Selon la Société internationale d'endocrinologie, les perturbateurs endocriniens n'ont pas directement d'effet néfaste sur une cellule ou un organe, ce qui génère un temps de latence qui rend l'effet indésirable plus difficile à détecter. De plus, ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la période d'exposition : le danger est ainsi plus grand pour les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans. En outre, ils peuvent agir selon une relation dose-réponse non linéaire avec des effets à faibles doses plus importants qu'avec des doses plus élevées. Enfin, les effets peuvent se transmettre à la descendance et la multitude des perturbateurs endocriniens entraîne un effet cocktail difficile à analyser.
Compte tenu de ces éléments, il est difficile de considérer les perturbateurs endocriniens comme les autres substances toxiques, et ce malgré les contestations des toxicologues.
Aujourd'hui, la réglementation européenne n'est pas adaptée pour répondre aux enjeux de santé publique que pose l'utilisation de perturbateurs endocriniens. D'une part, les réglementations transversales comme REACH (Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques), qui permet l'enregistrement des substances chimiques utilisées par les industriels, ou CLP (Classification, étiquetage et emballage des substances chimiques et de leurs mélanges), qui crée un système d'étiquetage permettant d'informer les utilisateurs, ne prennent pas en compte les caractéristiques particulières des perturbateurs endocriniens. D'autre part, parmi les règlements sectoriels, seuls un règlement du 21 octobre 2009 relatif aux produits phytopharmaceutiques et un règlement du 22 mai 2012 relatif aux produits biocides prévoient que les substances reconnues comme perturbateurs endocriniens ne sont pas autorisées.
Ces deux règlements prévoient également que, au plus tard en décembre 2013, la Commission européenne présente un acte d'exécution dans le cas des produits phytopharmaceutiques et un acte délégué dans le cas des biocides pour déterminer les critères permettant l'identification d'un perturbateur endocrinien. Aucune proposition de définition n'ayant été présentée, une action en carence a été intentée contre la Commission européenne par la Suède, rejointe par la France, les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark, mais aussi par le Conseil et le Parlement européen, le 4 juillet 2014. Le Tribunal de l'Union européenne a alors condamné le 16 décembre 2015 la Commission pour ne pas avoir proposé dans le délai imparti une définition des critères d'identification des perturbateurs endocriniens. La Commission a finalement présenté ces critères d'identification le 15 juin 2016.
Le choix de recourir à un acte d'exécution et à un acte délégué respectivement sur la base du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques et du règlement relatif aux produits biocides appelle trois critiques : les critères d'identification d'un perturbateur endocrinien quel que soit le produit dans lequel il est utilisé ne peuvent pas être définis, ce qui est regrettable notamment dans le cas des produits cosmétiques appliqués sur la peau. En outre, les dispositions prévoyant déjà l'évaluation des substances actives et l'interdiction de celles identifiées comme des perturbateurs endocriniens sauf dérogation particulière ne pourront pas être modifiées faute de mandat de la Commission. Enfin, le Conseil ou le Parlement européen ne pourront qu'opposer leur veto aux propositions de la Commission, mais pas les amender.
M. Alain Vasselle. - Ce qui a guidé notre réflexion, ce sont les enjeux de santé publique. La France n'en fait pas assez en matière de prévention, alors que cela pourrait générer des économies substantielles pour l'Assurance maladie.
La Commission européenne a présenté ses deux projets d'acte le 15 juin 2016 et les a modifiés à trois reprises par la suite. Nous n'avons disposé que de versions anglaises... S'appuyant sur la définition proposée par l'OMS, la Commission estime qu'une substance sera reconnue comme perturbateur endocrinien si elle montre des effets indésirables sur un organisme sain ou sa progéniture, si elle altère le fonctionnement du système endocrinien et si ses effets indésirables sont une conséquence du mode d'action endocrinien. Or ces critères ne semblent satisfaire aucune des parties en présence.
Pour les associations de défense de la santé et de l'environnement, le niveau de preuve demandé est trop élevé et les études scientifiques standardisées ne permettront d'identifier qu'un nombre très limité de perturbateurs endocriniens. Pour remédier à cela, les critères d'identification des perturbateurs endocriniens doivent pouvoir être mis en évidence sur la base de protocoles approuvés par la communauté scientifique mais qui ne sont pas encore reconnus par l'OCDE.
Ces associations préconisent donc de définir plusieurs catégories en fonction du niveau de preuve dont on dispose pour identifier la substance comme perturbateur endocrinien. L'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) suggère trois catégories : perturbateurs endocriniens avérés, présumés et suspectés. Les deux premières catégories seraient interdites ; pour la troisième, des restrictions seraient mises en oeuvre.
En revanche, pour les industriels et les agriculteurs, les perturbateurs endocriniens doivent être évalués comme n'importe quelle substance toxique. Ils préconisent une évaluation fondée sur le risque prenant en compte la puissance de la substance et l'exposition à celle-ci.
Face aux enjeux sanitaires et économiques, il nous apparaîtrait judicieux d'appliquer le principe de précaution. Celui-ci prévoit que l'absence de certitudes scientifiques ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives, mais aussi proportionnées, visant à prévenir un risque pour la santé.
Pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) que nous avons auditionné, les critères présentés par la Commission sont trop restrictifs et exigent un niveau de preuve difficile à atteindre compte tenu des connaissances scientifiques actuelles. Rappelons que les perturbateurs endocriniens sont un concept récent formulé en 1991 seulement. Nous proposons donc que les trois critères à prendre en compte pour identifier une substance comme perturbateur endocrinien soient les suivants : elle est connue ou présumée pour ses effets indésirables sur un organisme sain ou sa progéniture ; elle présente un mode d'action endocrinien et altère donc les fonctions du système endocrinien ; il est biologiquement plausible que ses effets indésirables soient une conséquence du mode d'action endocrinien.
Ces critères sont ceux défendus par le gouvernement français. En considérant que ces effets doivent être connus ou présumés et en établissant que le lien entre la perturbation et l'effet néfaste sur la santé est biologiquement plausible, on prend en compte les caractéristiques particulières du système endocrinien, notamment le temps de latence entre la perturbation endocrinienne et l'effet néfaste.
En revanche, une application proportionnée du principe de précaution ne conduit pas à définir une catégorie de perturbateurs endocriniens potentiels. Les agriculteurs comme les industriels s'inquiètent de voir apparaître une liste noire de substances considérées comme étant potentiellement des perturbateurs endocriniens, qui, même si elles ne sont pas formellement interdites, seront rejetées par les distributeurs et les consommateurs. Une étude menée par le cabinet Redqueen indique que 60 substances seraient concernées. Cela aurait pour conséquence de remettre en cause la viabilité des exploitations dont la rentabilité baisserait de 40 % en moyenne.
Par ailleurs, la Commission a proposé de modifier le cadre réglementaire relatif à l'usage de ces substances dans le cadre des produits phytopharmaceutiques en s'appuyant sur l'article 78 du règlement relatif à ces produits. Celui-ci prévoit que la Commission peut en modifier les annexes pour prendre en compte les évolutions des connaissances scientifiques et techniques. Alors qu'aujourd'hui une dérogation à l'interdiction des perturbateurs endocriniens est possible en cas « d'exposition négligeable », elle propose de l'autoriser « en cas de risque négligeable lié à l'exposition dans les conditions réalistes les plus défavorables ».
La Commission va au-delà de son mandat en remettant en cause des dispositions essentielles du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques. Face aux objections nombreuses des États membres, elle a décidé le 21 décembre 2016 de proposer cette modification dans un acte d'exécution distinct de celui présentant les critères d'identification des perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques.
Enfin, les critères proposés par la Commission pour identifier un perturbateur endocrinien distinguent l'être humain des autres organismes vivants, organismes non ciblés. Dans sa version du 8 décembre 2016, elle a ajouté un paragraphe aux deux projets d'acte afin de ne pas interdire les substances dont le mode d'action réside précisément dans la perturbation du système endocrinien des organismes nuisibles, si l'effet néfaste de cette substance n'est pas avéré sur les êtres humains.
Nous nous opposons à ce type de mesures dont on ne peut évaluer les conséquences sur la santé et l'environnement, compte tenu des connaissances scientifiques actuelles et de la difficulté de démontrer avec certitude l'absence d'effet néfaste sur la santé. Nous présentons donc une proposition de résolution européenne exprimant nos objections.
De nouvelles études viennent tous les jours modifier la connaissance que nous avons de ces questions, et les scientifiques eux-mêmes ne sont pas unanimes. J'ai souvent critiqué le principe de précaution ; mais, en matière de santé publique, il est justifié, car ces produits n'agissent pas de la même façon que les produits toxiques.
M. Jean Bizet, président. - Nos deux rapporteurs auront l'occasion de nous faire des rapports d'étapes. Nous ne referons pas aujourd'hui le débat sur le principe de précaution. Mais, pour être applicable, il doit être à mon sens proportionné, provisoire et réversible.
M. Michel Raison. - Félicitations à nos rapporteurs, car le sujet est complexe ! Avec le principe de précaution, tout dépend de l'interprétation qu'on en fait, de l'endroit où l'on place le curseur. Mais, dès lors que le risque est semi-avéré et que cela concerne la santé publique, il faudrait l'appliquer même s'il n'était pas dans la Constitution.
Il est normal que les études se contredisent comme sur la pollution diffuse et multifactorielle... Je souscris à la résolution.
M. Daniel Raoul. - Que signifie un perturbateur endocrinien avéré ? Il peut y avoir une perturbation sanitaire, mais il peut y avoir seulement un effet biologique, comme lorsque vous appliquez un portable éteint sur l'oreille : il y a un échauffement biologique.
M. René Danesi. - Avec ou sans principe de précaution, je souscris à cette résolution. Des lobbies très puissants oeuvrent pour maintenir ces questions dans « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». Les produits cosmétiques ne sont pas pris en compte, c'est dommage. Pour ma part, cela ne m'inquiète pas, parce que je n'utilise que des produits végétaux - Mme Schillinger connaît certainement Weleda, dont le siège est tout près de chez nous.
Le point 28 préconise « la création, sous les auspices de l'Organisation des Nations unies, d'un groupe sur le modèle du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)... » La composition de ce groupe est pourtant contestable : on y trouve des scientifiques, mais ils sont minoritaires. Les groupes de travail donnent souvent la possibilité aux groupes de pression de freiner la réflexion.
M. André Gattolin. - C'est la dimension temporelle qui est la plus importante : on n'a aucune certitude sur l'effet à long terme. Il suffit d'aller à Bruxelles pour savoir qu'il y a plus de lobbies chimiques et bancaires que de personnes qui travaillent sérieusement sur le sujet... Cela aboutit à un clair-obscur volontaire qui immobilise tout.
Votre point 21 - « considérant que des critères d'identification reposant sur des éléments peu probants auraient pour conséquence de diminuer la production et la rentabilité des exploitations agricoles, et d'autres secteurs d'activité de manière excessive » - me dérange : on parle d'effets peu probants, alors qu'ailleurs il est question d'effets plausibles ; je suis inquiet d'entendre ce type d'arguments de nature économique, qu'on entend aussi concernant le bisphénol A ou les néonicotinoïdes... Il existe d'autres produits, et la baisse de rentabilité n'est pas avérée, au contraire : l'agrobiologie permet une rentabilité à long terme, sans compter les aménités collectives qu'elle apporte, car ce sera toujours la puissance publique qui devra compenser les externalités négatives. Je ne vois pas l'intérêt d'ajouter ce point.
M. Alain Vasselle. - Monsieur Raoul, seul l'effet sanitaire est pris en compte - il n'y a pas d'ambiguïté.
Monsieur Gattolin, la notion de « peu probant » au point 21 désigne ce qui est ni avéré ni présumé. Si l'on mettait dans la liste les produits dont on est incapable de prouver la plausibilité de l'effet sur la santé, on irait beaucoup trop loin. Mais on pourra prendre les mesures d'usage : appeler à utiliser des produits de substitution ou limiter l'exposition. Page 25 du rapport : « les industriels mettent en avant les coûts liés au développement des molécules, et indiquent que, depuis 1993, on est passé d'environ 1 000 substances actives utilisables à 484 aujourd'hui. Depuis 2011, seules 19 substances actives nouvelles ont été développées, ce qui rend la substitution difficile ». Si vous le souhaitez, on pourrait ajouter « entrant dans la catégorie des suspectés ».
M. Daniel Raoul. - Cela me rassurerait que l'on cite la définition de l'Anses.
M. André Gattolin. - La réduction de la productivité n'est pas avérée, même si le produit est un peu plus cher ou plus rare à court terme.
M. Alain Vasselle. - Nous parlons du marché d'aujourd'hui.
M. Michel Raison. - Il n'y a pas que le coût du produit qui compte, il y a aussi son efficacité.
M. André Gattolin. - Je serais totalement satisfait si vous ajoutiez « à court terme », car, à long terme, nous payons l'utilisation de produits nocifs.
M. Alain Vasselle. - Nous le disons dans le rapport. Faut-il encore modifier le point 21 ? Je ne le crois pas.
M. Michel Raison. - Nous ne disposons pas non plus de mesures sur les produits de substitution. Or il y a plus de métaux lourds dans le sol des exploitations bio, à cause des produits utilisés...
M. André Gattolin. - Sur ce point, le débat est ouvert...
Mme Patricia Schillinger. - Nous avons écrit le point 28 parce que les États ne travaillent pas assez ensemble. Pour ce travail, il faut une structure qui garantisse que des écrits soient produits. Nous interdisons le bisphénol A, mais il n'existe pas d'interdiction au niveau européen ni mondial. Naturellement, ce groupe devra être constitué d'experts.
Il est vrai que rien n'est spécifié sur les cosmétiques. C'est la raison pour laquelle nous avons ajouté le point 22. Weleda, chez nous, est maintenant internationalement reconnue ; nous ne savons pas comment les autres produits sont faits.
M. Daniel Raoul. - À propos du point 28, je pense la même chose que René Danesi sur les groupes de travail de l'ONU. Pourquoi ne pas ajouter que les perturbateurs endocriniens gagneraient à être placés dans les priorités des programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique (PCRD) ?
M. Jean Bizet, président. - Je crois que cela ressort de la fin du texte qui nous est proposé.
M. André Gattolin. - Sans parler du GIEC, il s'agit d'avoir un groupe d'experts internationaux indépendants - nous pourrions le dire ainsi.
Mme Patricia Schillinger. - Soit.
M. Daniel Raoul. - Le point 27 auquel vous faites référence va moins loin que ma proposition.
M. Jean Bizet, président. - Il pourrait être complété dans ce sens.
M. Alain Vasselle. - La notion de plausibilité m'a préoccupé jusqu'à hier soir. Elle reposera sur l'annexe XI du règlement REACH, qui définit les éléments de preuve. Si, aujourd'hui, nous nous appuyons sur des méthodes d'essai reconnues par l'OCDE, que personne ne conteste, la plausibilité permettra de prendre en considération de nouvelles méthodes non standardisées, car la standardisation prend un certain temps. Deux études suffiront pour que la mise sur le marché du produit soit prononcée ; on n'attendra pas qu'il y ait un faisceau d'études. J'ai accepté ces conclusions radicales, parce qu'il s'agit de santé publique et parce que nous ne sommes pas capables de démontrer que des produits perturbant le système endocrinien des insectes n'aient pas d'effet sur celui de l'homme. Nous ne pouvons pas contourner le principe de précaution en cette matière.
M. Jean Bizet, président. - Je rejoins les compliments à nos deux rapporteurs. Continuez ! Vous avez eu l'intelligence de ne pas vous limiter aux secteurs qui sont toujours visés. Le point 26 pointe à raison la nécessaire harmonisation entre les avis des agences nationales et européennes. Le dîner de travail que nous avons partagé avec le commissaire Andriukaitis nous a montré toute l'actualité d'une telle exigence.
Le dialogue est indispensable. Je suis assez séduit par la proposition de Patricia Schillinger sur le modèle du GIEC. Il faudra néanmoins que ce groupe soit composé de scientifiques. Beaucoup de produits phytopharmaceutiques sont basés sur la perturbation endocrinienne des prédateurs et sont très efficaces. Il faudra expertiser leurs effets sur l'homme.
Je propose que l'on ajoute au point 28 « composé de scientifiques indépendants et de haut niveau. »
Mme Patricia Schillinger. - L'idéal serait que M. Andriukaitis réunisse des membres des commissions des affaires européennes de tous les pays membres pour leur parler de vive voix, au lieu de toujours communiquer par l'intermédiaire de notes.
M. Jean Bizet, président. - Cette proposition pourra apparaître dans l'avis politique.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante et l'avis politique qui en reprend les termes et qui incite en outre le commissaire en charge de ces questions à organiser une rencontre avec les parlementaires intéressés pour un dialogue constructif.
Nomination de rapporteurs
M. Jean Bizet, président. - Des actes délégués doivent être pris par la Commission européenne sur les courtiers d'assurance. Nous devons éviter la surtransposition.
Je vous propose de désigner des rapporteurs pour examiner l'évolution prochaine de la réglementation européenne dans ce domaine. Avant que ces actes délégués ne soient présentés, nous pourrions formaliser, lors de notre prochaine réunion, un avis politique qui serait adressé à la Commission européenne.
Jean-Paul Emorine et Richard Yung pourraient travailler ensemble sur ce dossier.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 10 h 45.