- Mercredi 11 mai 2016
- Simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation - Examen du rapport et du texte de la commission
- Bilan annuel de l'application des lois - Communication
- Désignation d'un rapporteur
Mercredi 11 mai 2016
- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -Simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation - Examen du rapport et du texte de la commission
La réunion est ouverte à 9 h 31.
Mme Valérie Létard, rapporteure. - Nous devons examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation, adopté par l'Assemblée nationale le 17 mars dernier.
C'est en réalité la seconde fois que le Sénat examinera ces dispositions. En effet, cette demande d'habilitation à légiférer par ordonnances, déjà présentée par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, avait été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif.
Créée en 1953 après plusieurs expérimentations locales, la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC, qu'on appelle communément « 1 % logement » est une contribution versée par les employeurs du secteur privé d'au moins vingt salariés. Cette contribution est fixée à 0,45 % des rémunérations versées.
Le réseau du « 1 % logement », rebaptisé depuis 2009 « Action Logement », collecte cette contribution et la redistribue. Il est composé de plusieurs entités : l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL), tête de réseau des collecteurs, les collecteurs interprofessionnels du logement (CIL), l'Association pour l'accès aux garanties locatives (APAGL) et l'Association foncière logement (AFL).
Le réseau Action logement dispose de 3,7 milliards d'euros pour mener à bien ses missions, qui vont dans plusieurs directions : aides aux personnes physiques, aides aux personnes morales et financement des politiques publiques nationales - tout particulièrement des programmes de renouvellement urbain (PNRU et NPNRU).
Objet de critiques de la Cour des comptes à plusieurs reprises, le réseau Action Logement a dû par le passé modifier son mode de fonctionnement dans trois directions : diminution du nombre de collecteurs, renforcement du rôle de pilotage de l'UESL, réduction des coûts de fonctionnement et amélioration de la gestion du réseau.
Cependant, malgré ces réformes successives, les difficultés subsistent. La réduction du nombre de CIL et l'émergence de collecteurs de taille significative dont le champ d'action peut aller au-delà de leur territoire pose inéluctablement la question de l'adaptation d'un statut associatif à ces entités. En outre, les regroupements de CIL n'ont pas mis un terme à la concurrence stérile et contre-productive entre ces organismes pour attirer les « grands comptes ». Enfin, les coûts opérationnels des collecteurs ont atteint en 2014 un palier, autour de 280 millions d'euros par an, après avoir baissé régulièrement depuis 2008. La poursuite de la baisse des coûts semble difficile sans mise en place d'une réforme plus radicale du réseau.
Par ailleurs, on constate une implication insuffisante des CIL dans le traitement social de la garantie des risques locatifs (GRL) ou encore des difficultés récurrentes dans l'attribution des logements de l'Association foncière logement aux salariés des entreprises cotisantes.
Les partenaires sociaux ont décidé en avril 2015 d'engager une réforme en profondeur d'Action logement. Je vous ai fait distribuer un double schéma, présentant l'organisation actuelle et celle qui est aujourd'hui proposée, pour plus de clarté.
Ils ont ainsi proposé une nouvelle organisation d'Action Logement comprenant une structure faîtière, une structure chargée de la collecte de la PEEC, dite structure « services », une structure de détention et de gestion des participations dite structure « immobilière », l'Association foncière logement (AFL) et l'Association pour l'accès aux garanties locatives (APAGL).
La structure faîtière, qui demeurera un organisme paritaire, sera chargée de définir les orientations générales du dispositif et de piloter et contrôler les différentes instances mises en place. Cette structure conclura avec l'Etat les conventions quinquennales relatives aux emplois de la PEEC. Elle devra fixer les orientations stratégiques et les objectifs en matière de produits et services rendus par Action Logement.
Les CIL seront remplacés par une structure unique chargée de la collecte de la PEEC et de la distribution des emplois de cette participation en fonction des orientations données par la structure faîtière.
Une troisième structure sera chargée de recueillir les titres détenus par les organismes collecteurs. Elle pourra acquérir des titres émis par des sociétés immobilières.
Au niveau régional, un comité régional Action Logement (CRAL) composé de façon paritaire représentera Action Logement et aura vocation à identifier les besoins dans les territoires.
L'APAGL et l'Association foncière logement (AFL) verront leurs compétences respectives confortées. Leur champ de compétence sera cependant modifié. En effet, pour l'APAGL, il s'agit de prévoir le pilotage du nouveau dispositif de sécurisation des loyers dit dispositif Visale. Pour l'AFL, une modification de son objet est nécessaire afin de l'autoriser à diversifier éventuellement ses programmes de construction en vendant des logements neufs en accession à la propriété.
Le projet de loi qui nous est soumis prévoit d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de traduire sur le plan juridique cette nouvelle organisation - c'est l'article 1er -, de modifier l'objet de l'APAGL et de l'AFL afin de tirer les conséquences de leurs nouvelles activités - c'est l'article 2. L'article 3 prévoit que les ordonnances devront être publiées dans un délai de 8 mois et l'article 4 que le projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de trois mois suivant la publication des ordonnances.
Nos collègues députés ont peu modifié ce dispositif. Outre des amendements rédactionnels, ils ont prévu que serait mis en place un comité consultatif chargé d'associer les partenaires du dispositif non seulement à la définition des emplois de la PEEC en direction de la construction, la réhabilitation et l'acquisition de logements locatifs sociaux, mais aussi au suivi de la distribution de ces emplois ; que seraient instaurées des règles relatives à l'absence de conflits d'intérêts au sein des nouvelles structures ; et enfin que les acquisitions de titres immobiliers par Action Logement se feraient sous le contrôle de l'État.
La réforme proposée, qui s'inscrit dans le prolongement des efforts de rationalisation précédemment entrepris, présente d'indéniables avantages.
Ainsi, cette nouvelle organisation devrait permettre d'offrir un meilleur service aux entreprises et donc aux salariés quelle que soit la taille de l'entreprise. Elle devrait favoriser une plus grande transparence dans les critères de distribution et la répartition effective de la collecte.
Sur le plan financier, la réforme a le mérite de mettre fin à une concurrence inutile et coûteuse entre les collecteurs. La centralisation de la collecte permettra en outre de poursuivre la baisse de 10 % des coûts de fonctionnement, à laquelle s'est engagé Action Logement dans la convention quinquennale.
Enfin, elle donnera à Action Logement une meilleure visibilité. Les partenaires dans les territoires auront désormais un seul interlocuteur régional clairement identifié avec lequel ils pourront discuter et négocier des conventions régionales.
Plusieurs interrogations, inéluctables en cas de recours à la procédure de législation par ordonnances, ont pu se poser quant aux effets de cette réforme sur les organismes HLM et quant à la répartition territoriale de cette collecte - je ne vous cache pas que j'aurais préféré modifier directement les textes plutôt que de voter une habilitation à légiférer.
Cette réforme a soulevé, dans les organismes HLM, plusieurs sujets d'inquiétude. Le premier concernait la distribution de la PEEC entre organismes. Le Gouvernement m'a indiqué que des règles spécifiques seraient prévues dans les ordonnances afin de garantir l'absence de discrimination entre les organismes de logement filiales d'Action Logement et les autres : inscription d'un principe d'équité, publication des directives de l'UESL relatives aux emplois, contrôle renforcé de l'Etat.
Le deuxième sujet d'inquiétude tenait au fait que le projet de loi prévoit que la collecte de la PEEC pourra, comme c'est le cas actuellement, être utilisée pour acquérir des titres dans des organismes HLM. L'introduction, par les députés, d'une disposition visant à soumettre au contrôle du ministre du logement les prises de participation dans les organismes HLM devrait les rassurer. Ce contrôle pourrait prendre plusieurs formes : inscription d'un principe de distribution maîtrisée des dotations en fonds propres ; possibilité pour l'État de s'opposer, au cas par cas, à une augmentation de capital ; contrôle a posteriori, enfin, assuré par l'agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS).
Le troisième point d'inquiétude concerne le respect des clauses d'agrément. En effet, le projet de loi prévoit un transfert automatique des parts des CIL vers la nouvelle structure immobilière. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas appliquer cette clause d'agrément considérant, d'une part, que le changement d'actionnaire n'était dû qu'à la réorganisation d'Action Logement et, d'autre part, qu'il convenait d'éviter des situations de blocage qui empêcheraient la constitution de la structure immobilière d'Action Logement et remettraient en cause la réforme dans son ensemble.
J'en viens aux conséquences de la réforme sur les territoires. Bien que l'étude d'impact jointe au projet de loi précise que « la répartition et l'éventuelle péréquation opérée sur les fonds de la PEEC s'exerceront (...) avec une réelle équité dans le traitement et la prise en compte des besoins des territoires », ajoutant que « cette proximité territoriale associée à une animation nationale doit favoriser des interactions fortes avec les acteurs locaux », je me suis longuement interrogée sur les modalités de redistribution de la collecte entre les territoires.
Action logement, la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et la ministre m'ont apporté plusieurs éléments de précision. Ainsi, selon la DHUP, le principe de mutualisation des fonds entre les territoires, qui existe déjà dans l'organisation actuelle, devrait être maintenu. La répartition de la PEEC devrait être établie en fonction des besoins des territoires identifiés par les structures locales d'Action Logement et en application des objectifs fixés par la convention quinquennale.
La ministre du logement, Emmanuelle Cosse, nous a également précisé, lors de son audition, qu'une déclinaison territoriale de la mobilisation d'Action Logement était nécessaire et pas uniquement dans les zones très urbaines.
Les représentants d'Action Logement, que j'ai reçus à deux reprises, m'ont également confirmé que la réforme visait principalement « à renforcer le lien avec les territoires et leurs représentants élus ». La nouvelle organisation d'Action Logement conservera un ancrage territorial, avec la mise en place de comités régionaux d'Action Logement (CRAL). Ainsi, dans chaque région, Action Logement sera clairement identifié, soit au niveau politique, avec les CRAL, soit au niveau technique avec des délégations régionales.
Selon Action Logement, le CRAL aura notamment pour missions de représenter politiquement Action Logement au niveau territorial ; de recueillir et faire la synthèse des besoins des entreprises et des salariés dans les principaux bassins d'emploi de la région ; de conclure au nom d'Action Logement des conventions cadres de territoires pluriannuelles avec les conseils régionaux et les EPCI représentatifs des principaux bassins d'emploi de la région ; de veiller à la distribution équitable des produits et services proposés par Action Logement ; enfin de suivre et évaluer l'activité des filiales immobilières d'Action Logement évoluant dans la région.
Chaque CRAL disposera de crédits d'ingénierie, qui seront mobilisés pour accompagner les territoires dans l'identification de leurs besoins locaux, poser des diagnostics ou encore étudier des projets.
Par ailleurs, au niveau national, le comité des partenaires devrait jouer un rôle de vigie quant aux orientations et à la distribution de la PEEC entre les territoires. Lors de son audition, Mme Emmanuelle Cosse a précisé que des représentants des collectivités territoriales siégeraient au sein du comité des partenaires aux côtés de l'Union sociale pour l'habitat, ce dont je me félicite.
La ministre nous a également assuré que l'ANCOLS, qui contrôle Action Logement, aurait les moyens de mener à bien ses missions. Il me semble essentiel que l'on puisse savoir quelles sommes sont collectées et comment elles sont redistribuées.
Enfin, je tenais à rappeler que la ministre s'est engagée à nous transmettre l'ordonnance avant sa publication.
En conclusion, au vu de ces éléments, je vous propose d'adopter le projet de loi sans modification. Je serai extrêmement vigilante sur les dispositions de l'ordonnance et sur la mise en oeuvre de cette réforme afin d'éviter, d'une part, que la concurrence entre CIL ne se transforme en concurrence entre organismes sous actionnariat d'Action Logement et organismes sans actionnariat d'Action Logement et, d'autre part, que certains territoires ne soient oubliés par cette nouvelle organisation. Je n'hésiterai pas à procéder aux corrections que j'estimerai nécessaires lors de l'examen du projet de loi de ratification des ordonnances. Car vous aurez compris que ce texte engage d'énormes transformations dans les politiques du logement s'appliquant à nos territoires et dans l'accompagnement des salariés par Action Logement.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Merci de cet excellent exposé. Nous avons tous été frappés par la force et la résolution qui se dégagent de vos conclusions.
Mme Élisabeth Lamure. - Je remercie Valérie Létard de son réalisme. Ainsi qu'en témoigne sa conclusion, elle a posé de bonnes questions.
M. Marc Daunis. - Comme toujours.
Mme Élisabeth Lamure. - L'article 1er tend à autoriser le Gouvernement à prendre toutes mesures visant à rationaliser et à simplifier la collecte, est-il écrit. Mais où est la simplification ? Nous avions une organisation très simple, bien que perfectible, et voilà que l'on ajoute un étage à la fusée. Sans compter que les députés ont créé un comité consultatif, soit encore un organisme supplémentaire. Tout cela est si simple que notre rapporteure a eu besoin de nous mettre un schéma sous les yeux, en nous expliquant que c'était compliqué. Elle pose, au reste, la bonne question, celle de la répartition de la collecte au plan local. Nous ne voulons pas d'une répartition centralisée puisque ce que ce que nous attendons, ce sont des moyens qui reviennent dans les territoires, ce qui suppose que les décisions y soient prises. Les réponses de la ministre sont-elles de nature à nous rassurer sur ce point ? Je m'interroge.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - J'approuve totalement le rapport de Valérie Létard, et avec le groupe socialiste, nous partagerons sa vigilance quant à un éventuel décalage entre l'ordonnance et les engagements de la ministre. Les textes sont toujours susceptibles de fluctuer au gré des vents, et le projet de loi de ratification sera l'occasion d'exercer notre vigilance.
En amont, il faudra insister sur trois sujets, qui doivent être pris en compte dans la rédaction de l'ordonnance. Le rôle, tout d'abord, du comité consultatif. Je rassure au passage Elisabeth Lamure, en rappelant que dès le départ, s'était exprimée l'exigence d'une instance susceptible de vérifier la manière dont se répartit la collecte, sachant que nous entendons éviter une tendance à laquelle porte le climat ambiant, et qui conduirait à mettre les moyens dans les zones tendues. J'ai toujours été opposée à la centralisation du 1 %, mais tous les partenaires sociaux ont fait ce choix. Il s'agit, via ce comité, de limiter la tendance à la concentration des moyens sur les seules zones tendues.
Mon deuxième sujet de préoccupation est d'ordre constitutionnel. Alors que la PEEC peut être considérée comme un prélèvement obligatoire d'intérêt général, on en capte une partie pour prendre des participations dans certaines sociétés HLM, au risque de créer une rupture d'égalité entre les organismes HLM. Il est clair qu'une société HLM dotée de fonds propres a d'autant plus de facilités à acheter du foncier onéreux. Pendant longtemps, on a argué que les organismes HLM avaient besoin de fonds propres. Mais le Président de la République a annoncé la mise en oeuvre de prêts de haut de bilan ouverts par la Caisse des dépôts à tous les organismes HLM. Je souhaiterais donc, pour le moins, qu'il soit précisé dans l'ordonnance que l'utilisation de la PEEC pour prendre des participations prévue par le projet de loi d'habilitation soit destinée à s'éteindre. On sait bien que ce sont avant tout les grosses sociétés, qui produisent beaucoup, qui seront ainsi capitalisées, ce qui ne sera pas sans effets, soit dit en passant, sur les territoires.
Ce qui m'amène à la question de la répartition de la PEEC dans les territoires. La structure faîtière va devenir l'actionnaire de toutes les sociétés locales. Or, nombreuses sont celles où les partenaires locaux réalisent un travail commun pour répondre aux besoins spécifiques de leur territoire. Si c'est désormais Paris qui décide des grands choix, tous les équilibres territoriaux qui s'opéraient ne reposeront plus que sur les collectivités locales - à supposer, de surcroît, qu'elles parviennent à trouver le bon échelon. Un tel changement d'actionnaire est contraire, par son automaticité, au droit des sociétés, a fortiori s'agissant de sociétés coopératives, pour lesquelles l'affectio societatis est très important. Je suis donc très réservée. Cela dit, l'Etat assurera un contrôle : il devra se montrer soucieux de préserver l'harmonie locale et, en cas de difficultés, jouer le rôle de médiateur de dernier recours.
Les territoires doivent être entendus, le groupe socialiste y insiste. Alors que la désertification menace, les bourgs-centres, les villes moyennes, les zones agglomérées ont le sentiment de ne pas être entendus ; ils ont pourtant plus que jamais besoin d'être accompagnés dans leurs mutations. Il y a là un enjeu important que le Sénat doit porter. La ministre a été impressionnée par notre convergence sur ce point et je crois qu'elle y sera sensible dans la rédaction de l'ordonnance. Il faudra y veiller.
M. Michel Le Scouarnec. - Je ne tire pas les mêmes conclusions que Marie-Noëlle Lienemann de cet excellent rapport. Le groupe Communiste républicain et citoyen n'est pas favorable à ce texte. Alors que l'on manque de moyens pour créer de nouveaux logements, qu'apporte-t-il pour y remédier ? La ministre, lors de son audition, a indiqué qu'il s'agissait de créer plus de logement social. Mais avec quel argent ? Les sommes collectées ne vont pas augmenter.
Il est à la fois question de concentrer les moyens et de parvenir à une plus juste répartition, deux objectifs qui me semblent mal conciliables. Et d'autant moins avec les grandes régions qui résultent de la loi NOTRe. Ce que l'on appelle le 1% logement, au reste à tort, puisqu'il se solde en un 0,45 %, est insuffisant pour créer de nouveaux logements sociaux. Une bonne partie est absorbée par l'APL et par l'ANRU. À cette insuffisance de moyens, le texte n'apporte pas réponse.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Notre rapporteure, que je remercie pour son travail, peut-elle nous fournir quelques précisions sur le fonctionnement de cette organisation nouvelle ? Que sait-on du rôle dévolu aux CRAL ? Rien, sinon qu'ils seront composés paritairement. Le projet d'ordonnance ne dit rien de ce que sera leur mission. C'est un manque, qui mérite d'être comblé. La question est loin d'être indifférente, puisque les CRAL seront les premiers interlocuteurs des territoires.
Même chose pour les délégations régionales. Comment fonctionneront-elles ? Bénéficieront-elles d'une délégation financière ? La validation des dossiers qu'elles examineront sera-t-elle de leur ressort, ou de celui de l'échelon national ? N'oublions pas que ces délégations seront les seuls contacts des collectivités locales et de leurs habitants, et la seule garantie du bon fonctionnement de l'organisation nouvelle.
M. Daniel Dubois. - Ce texte est l'occasion de reposer un certain nombre de questions. Pour moi, la problématique du logement social tient, à moyen terme, à la question du financement et à celle des acteurs opérationnels du logement. Or, je m'inquiète de constater que l'on nous propose ici une réforme par étages, sans cohérence. Premier étage de la fusée, on réorganise Action Logement, on recentralise, on reconcentre, pour que l'argent soit « mieux piloté » : en clair, piloté par l'Etat - qui n'a plus d'argent pour financer le logement social, et qui en cherche !
Deuxième étage de la fusée, on parle de mettre en place des prêts pour recapitaliser un certain nombre d'organismes. Troisième étage de la fusée, on envisage la création d'une Foncière qui prendra, comme l'a souligné Marie-Noëlle Lienemann, des participations dans de grosses sociétés de niveau national. Autrement dit, on reconcentre, et on donne la main à l'Etat sur des moyens qu'il n'a plus. L'Etat va tout piloter alors qu'il ne met plus un sou !
Il y a là, pour moi, un vrai sujet d'inquiétude. On procède par petits bouts, sans expliquer la cohérence et l'on réforme pourtant de fond en comble la politique du logement, par ordonnance. Cela me trouble. Marie Noëlle Lienemann l'a dit autrement, mais je crois que nos points de vue convergent. Rappelez-vous l'habilitation que l'on nous demandait, naguère, sur le logement intermédiaire, au motif de l'urgence. L'ordonnance n'a pourtant été publiée qu'un an et demi après, preuve que nous aurions eu tout loisir d'en débattre dans le cadre de la loi Alur.
Mme Sophie Primas. - Daniel Dubois m'ôte les mots de la bouche. Voilà l'expression même du mal français : un organigramme extrêmement complexe, au prix de coûts de fonctionnement importants qui seraient mieux utilisés dans l'opérationnel. Avec la nouvelle proposition, on s'éloigne du terrain, comme l'a souligné Daniel Dubois. Cela signe aussi un éloignement des élus, fort malvenu à l'heure où les gens descendent dans la rue et reprochent aux politiques de ne plus être opérationnels. Comment ne pas perdre la main sur une organisation, quand elle devient une hydre ?
J'ajoute que la méthode retenue est complexe : comme pour la loi territoriale, on découpe les lois relatives au logement en morceaux, interdisant ainsi toute vision globale. De fait, on peine à comprendre l'objectif final. On nous appelle à voter des lois contradictoires entre elles, qui confisquent le pouvoir, disqualifient les élus et finissent par faire descendre les Français dans la rue.
M. Yves Rome. - Je me félicite en tous points de ce rapport et partage les objectifs de ce texte qui motivent une organisation nouvelle. Il est vrai, cependant, que quelques inquiétudes demeurent quant à l'organisation des comités régionaux, les CRAL. Sachant ce que sont devenues les régions, quelle sera la place du département ? Il faudra être tout particulièrement vigilants à la rédaction de l'ordonnance sur ce point. Dans ma culture, c'est le département qui a toujours été le lieu où se fédèrent les acteurs du logement ; c'est à son échelon qu'est assuré l'arbitrage entre entreprises et salariés. Eu égard à ce qu'est devenue ma région, désormais dénommée Hauts-de-France, je m'interroge sur la manière dont sera assurée l'articulation avec les départements.
Mme Valérie Létard, rapporteure. - Comme je l'ai dit dans ma conclusion, nous avons toujours la possibilité, en bout de parcours, de vérifier que les préconisations sont prises en compte et les engagements tenus. N'oublions pas que tant le Gouvernement qu'Action Logement ont rappelé que cette proposition de réforme émanait des partenaires sociaux eux-mêmes, à l'unanimité. Pourquoi n'avoir pas conduit la réforme à l'échelle des régions, étant entendu que le système associatif n'est pas le mieux adapté à une organisation aussi lourde ? On peut se poser la question. Mais ce n'est pas le choix qui a été fait, ni par les partenaires sociaux, ni par le Gouvernement, qui a validé leur choix.
La structure faîtière, dans laquelle Elisabeth Lamure voit une structure supplémentaire, n'est que l'équivalent de ce qu'était l'UESL jusqu'à présent. Il est vrai, en revanche, que le comité consultatif est une création. Mais il s'agissait de s'assurer que les élus pourront exercer leur contrôle et seront associés aux décisions d'emploi de la PEEC. Qu'est-ce qui restera à l'échelon national, qu'est-ce qui redescendra sur les territoires, là est la question. Je ne saurais, pour l'heure, vous apporter la réponse, puisque c'est au sein de l'instance faîtière que cette répartition va s'élaborer, sous le regard de l'Etat.
Comment sera répartie la collecte ? Il m'a été indiqué que dans les zones tendues, la production de logements neufs serait privilégiée, tandis que dans les zones sans tension, la réhabilitation serait préférée, au motif qu'il ne s'agit pas de créer des logements pour qu'ils restent vides. Mais je mets comme vous en garde : il ne faudrait pas qu'en faisant tout remonter au niveau national on en vienne à oublier les spécificités des territoires, leurs évolutions, et les besoins d'intervention qui sont les leurs, y compris dans les zones moins denses. Il nous faudra obtenir des réponses plus fines tant au cours de l'élaboration de l'ordonnance que des débats en séance.
Sur la capitalisation, Marie-Noëlle Lienemann et Daniel Dubois ont posé des questions justes. Pour éviter tout risque, il s'agira de mener un travail en finesse, comme je le soulignais dans mon intervention liminaire.
Dominique Estrosi-Sassone s'interroge sur le rôle des CRAL et des délégations régionales. J'insiste sur le fait que les CRAL auront mission, comme je l'ai indiqué, de conclure des conventions cadres de territoires pluriannuelles avec les conseils régionaux et les EPCI représentatifs des principaux bassins d'emploi de la région. C'est là que pourront être prises des orientations quant à la répartition des crédits. Mais cela suppose un vrai échange d'information entre le niveau national et le niveau régional. Il doit être bien clair qu'il ne s'agit pas d'appliquer stricto sensu des règles nationales, mais bien de prendre en considération les réalités territoriales. Autrement dit, d'adapter avec souplesse les grandes ambitions nationales aux territoires, qui ne sont pas uniformes. Là doit s'exercer notre vigilance.
Qui décidera ? Les délégations régionales auront une délégation de signature, mais on ne sait rien de plus. D'où l'importance du comité consultatif, qui devra être vigilant et du contrôle de l'Ancols, qui devra clairement nous renseigner sur l'emploi des crédits.
Je rejoins M. Le Scouarnec dans son souci d'appeler l'attention sur les territoires non tendus.
Mme Primas déplore qu'on légifère par ordonnance sur un sujet si lourd de conséquences pour les territoires. Nous le déplorons tous.
M. Rome a raison de mettre l'accent sur les régions. Comment se nouera le partenariat avec les territoires ?
On nous demande de signer un blanc-seing et de faire une confiance aveugle à Action Logement et à l'Etat. Certes, l'Assemblée nationale a voté à une grande majorité ce texte, dont le Gouvernement ne manque pas de rappeler qu'il a été voulu par les partenaires sociaux. Mais il reste des inquiétudes, ainsi que je le rappelle sans équivoque dans mon rapport, qui nous appellent à la vigilance. La ministre, face à ce rapport, aura conscience des précisions que nous attendons, et nous ne manquerons pas de le lui rappeler en séance. Nous sommes face à une situation délicate : une somme d'argent significative destinée à la production de logements va être centralisée sans que soit assurée la capacité d'action des élus, qui ne seront pas membres de la structure faîtière, laquelle relève des partenaires sociaux. Il nous faut donc des garanties et nous devrons rester mobilisés pour éviter qu'au terme du processus, l'ordonnance ne soit pas en ligne avec nos attentes et nos interrogations. Auquel cas, nous ne manquerions pas de manifester notre désaccord. N'oublions pas que nous sommes l'assemblée des territoires et de leurs élus. À nous de veiller à ce que les outils qui vont être mis en place au service de l'aménagement du territoire et de la production équilibrée de logements soient adaptés. Nous verrons si les engagements sont respectés. La balle est dans le camp de l'Etat et des partenaires sociaux. À eux de transformer l'essai et de nous montrer que les élus ont raison de croire en leur parole.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Le rapport très structuré de Mme Létard retient des formulations fortes. Elle pourrait le compléter en soulignant combien notre exigence de vigilance fait ici consensus.
Mme Élisabeth Lamure. - J'ai pris acte de la détermination de Valérie Létard, mais beaucoup d'incertitudes demeurent. Chacun, au sein du groupe Les Républicains, se déterminera en conscience. Pour ma part, je m'abstiendrai.
M. Alain Bertrand. - Je crains que comme à l'accoutumée, le monde rural - faut-il le qualifier de « zones détendues » ? - ne passe à la trappe. Or, nous avons besoin de logements. Faudra-t-il s'en remettre aux choix parisiens, ou pourra-t-on faire du local ? Je voterai avec beaucoup de réserves.
M. Joël Labbé. - Beaucoup d'interrogations demeurent : pour l'heure, je m'abstiendrai, dans l'attente des réponses de la ministre.
M. Gérard César. - Que Valérie Létard ne m'en veuille pas, malgré l'excellence de son rapport, je voterai contre ce texte, parce que nous n'avons pas les réponses aux questions que nous nous posons.
M. Michel Le Scouarnec. - Ce que j'ai entendu renforce ma conviction : je voterai contre.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le groupe socialiste votera pour, avec grande vigilance cependant.
M. Daniel Dubois. - Prenant acte du fait que les partenaires ont voulu cette réforme, je voterai, avec le groupe UDI-UC, ce texte, non sans préciser une nouvelle fois que je regrette la méthode retenue, qui consiste à procéder par morceaux, sans cohérence globale.
M. Bruno Sido. - Je conçois, au vu des schémas qui nous ont été distribués, et qui en disent plus qu'un long discours, que cette organisation demande à être simplifiée. Le sujet, qui intéresse tant les ruraux que les urbains, est complexe. Je m'abstiendrai, estimant que la procédure retenue par le Gouvernement n'est pas la bonne.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Rien ne nous interdit de proposer des amendements d'ici à vendredi.
Les articles 1er, 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vais à présent mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, dont l'intitulé ne témoigne guère du souci de simplification dont il se veut porteur, mais enfin...
Le projet de loi est adopté sans modification.
Bilan annuel de l'application des lois - Communication
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Il me revient ce matin de vous présenter le bilan d'application des lois relevant du champ de compétences de notre commission. Cet exercice est aussi primordial que délicat : il s'agit d'analyser quantitativement mais aussi qualitativement les textes règlementaires pris au cours de l'année écoulée au regard des attentes que nous avons formulées dans les textes que nous avons examinés.
L'étude de certains textes anciens n'étant plus jugée pertinente, le rapport établi cette année examine l'application de 30 lois promulguées depuis 2004 jusqu'au 30 septembre 2015, soit de la loi du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, à la loi du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La loi relative aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat, promulguée au mois de mars dernier, ne sera donc étudiée que l'année prochaine.
Comme les années précédentes, afin d'apprécier l'objectif du Premier ministre énoncé dans la circulaire du 29 février 2008 relative à l'application des lois, le calendrier établi cette année pour l'élaboration du rapport permet l'étude des mesures réglementaires prises dans un délai de six mois suivant la promulgation des textes. Les mesures réglementaires publiées jusqu'au 31 mars 2016 entrent ainsi dans le champ d'étude de notre bilan.
Sur les 30 lois dont l'application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, 11 sont totalement applicables.
Parmi celles-ci, quatre le sont devenues à la faveur de l'abandon de dispositifs, notamment parce que la promulgation de nouvelles lois a rendu sans objet certaines de leurs dispositions.
Comme l'année dernière, il est à noter qu'aucune des lois dont l'application est suivie par la commission des affaires économiques n'apparaît comme totalement inapplicable.
En revanche, l'étude des 19 lois partiellement applicables dont l'application est suivie cette année par notre commission aboutit à un bilan plus contrasté.
L'activité législative de la commission a été conséquente durant la session parlementaire 2014-2015 avec, notamment, la promulgation de la loi « Transition énergétique » et de la loi d'avenir agricole qui, par leur contenu et leur longueur, prévoient des mesures réglementaires d'application nombreuses et importantes.
Ainsi la loi « Transition énergétique », avec 215 articles à l'issue de son examen parlementaire, renvoie-t-elle à 181 mesures réglementaires.
Lors des débats parlementaires, la ministre chargée de l'énergie s'était engagée, de façon très volontariste au vu de l'ampleur de la tâche, à ce que tous les textes soient parus avant la fin de l'année 2015, soit avant même l'expiration du délai de six mois après promulgation prescrit par les circulaires du Premier ministre.
Or, au 31 mars 2016, soit à la fin de la période d'étude du présent rapport et un peu plus de sept mois après la promulgation de la loi, seules 54 dispositions sur 179 (c'est-à-dire 30 %) étaient devenues applicables, un grand nombre de mesures étant encore annoncées en préparation ou soumises à consultation.
Parmi les principaux points noirs figure l'absence du texte d'application-clé de la loi, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) censée décliner l'évolution du mix énergétique et dont la présentation, désormais promise pour le 1er juillet, n'a cessé d'être repoussée. Ces reports successifs témoignent manifestement de la difficulté à mettre en oeuvre, de façon crédible, l'objectif de diversification du mix électrique à l'horizon 2025 dont notre commission avait souligné, au cours des débats, le caractère à la fois néfaste et irréaliste. Ils pèsent en outre sur les entreprises de la filière en maintenant de fortes incertitudes sur le devenir du parc électronucléaire national.
Parmi les autres absences marquantes, on pourra également citer celles du décret relatif aux « travaux embarqués », cependant annoncé pour la mi-mai, et des textes d'application du complément de rémunération, encore en cours d'examen par la Commission européenne.
À l'opposé, on signalera, parmi les motifs de satisfaction, la publication rapide des textes d'application des mesures en faveur des industries électro-intensives, que le Sénat avait largement contribué à étoffer, ainsi que la parution des budgets carbone et de la stratégie bas-carbone dans lesquels, conformément à nos demandes, il a été tenu compte de la spécificité du secteur agricole.
J'ajoute que depuis le 1er avril 2016, un certain nombre de textes, non pris en compte par convention dans le rapport, ont été publiés, portant le taux des mesures rendues applicables à 38 %. Parmi les textes les plus importants, on signalera le nouveau cadre réglementaire des concessions hydroélectriques et la définition des conditions de mise en oeuvre du chèque énergie.
Sans mésestimer l'importance du travail de préparation puis du temps de consultation sur les nombreux textes attendus, le bilan apparaît donc globalement contrasté et reste, en tous les cas, éloigné des annonces du Gouvernement.
Le 25 avril dernier, le Président de la République a réaffirmé, en ouverture de la quatrième conférence environnementale, que « tous les textes d'application seront pris d'ici l'été ».
Je tiens cependant à attirer votre attention sur une disposition introduite par l'article 14 relative à l'installation d'équipements de contrôle et de gestion active de l'énergie. Le Gouvernement a estimé qu'un décret n'était pas nécessaire, car ces dispositions seraient déjà appliquées par l'article R. 131-26 du code de la construction et de l'habitation. Une telle analyse me semble critiquable, dans la mesure où cet article ne vise que les bâtiments de plus de 1 000 m2 et ne mentionne pas les cas dans lesquels ces dispositions ne s'appliquent pas pour des raisons techniques ou juridiques, ou lorsqu'il existe une disproportion manifeste entre leurs avantages et leurs inconvénients de nature technique ou économique, précisions que nous avons ajoutées dans la loi. J'interrogerai donc la ministre sur ce point lorsque nous l'auditionnerons conjointement avec la commission de l'aménagement du territoire, normalement dans les semaines qui viennent, pour dresser précisément un bilan de la mise en oeuvre de la transition énergétique.
Autre texte examiné pour la première fois cette année, la loi relative aux ondes électromagnétiques. Deux des neuf mesures attendues existaient déjà avant l'entrée en vigueur de la loi, et le décret fixant des exigences de qualité auxquelles doivent répondre les organismes vérifiant le respect des valeurs limites des champs électromagnétiques est devenu inutile. Le Gouvernement travaille actuellement à l'élaboration des quelques mesures réglementaires encore attendues, dont la non-publication à ce jour s'explique par la multiplicité des avis préalables requis, par le temps exigé pour la consultation publique et par leur caractère interministériel.
Enfin, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, texte majeur de l'actuelle législature en matière d'agriculture, est, près de deux ans après avoir été voté, applicable à environ 70 %. Ce chiffre peut paraître faible, mais il faut noter que les principales mesures d'application des 96 articles du texte, comme celles relatives aux groupements d'intérêt économique et environnemental, au médiateur des relations commerciales agricoles ou encore à la couverture sociale des candidats à l'installation, ont été prises dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi.
Les dispositions relatives à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et au renouvellement des générations en agriculture ont, quant à elles, fait l'objet d'une mise en application assez incomplète : ainsi les dispositions sur le registre agricole ne sont toujours pas applicables, de même que celles sur la compensation agricole. En outre, le titre consacré à la politique de l'alimentation et aux mesures en matière sanitaire n'est que partiellement applicable, la quasi-totalité des dispositions réglementaires nécessaires pour appliquer la nouvelle législation en matière d'encadrement des conditions de délivrance des médicaments vétérinaires étant encore en attente.
D'après les informations fournies par le Gouvernement, l'année 2016 devrait cependant voir les derniers textes réglementaires d'application adoptés.
Lorsqu'on se penche sur le stock des lois plus anciennes suivies par la commission, force est de constater que très peu de mesures règlementaires ont été prises sur les lois antérieures à 2014, à quelques rares exceptions.
S'agissant de la mise en oeuvre pratique de la loi de juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (ESS), applicable à 87 %, il apparaît que des solutions de financement au profit des acteurs de l'ESS ont été développées et sont d'ores et déjà disponibles, mais que les acteurs ne se sont pas encore totalement appropriés ces nouveaux dispositifs. À cet égard, l'année 2016 sera une année « test ». En outre, il semble qu'un effort de pédagogie sur la loi ESS doive être fait au profit d'acteurs qui forment un ensemble très disparate dépourvu d'une représentation unifiée. Certains dispositifs de la loi ou de ses mesures d'application sont parfois mal ressentis : c'est le cas, notamment, du décret relatif aux entreprises commerciales de l'ESS ou de la généralisation de la technique de l'appel à projets. De manière générale, il existe un déficit d'accompagnement des acteurs de l'ESS sur les dispositifs de financement qui leur sont offerts, alors que la « culture » des acteurs de l'ESS (en métropole ou outre-mer) reste encore essentiellement celle du subventionnement.
En ce qui concerne la loi de juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, il est important de préciser que, dans le cadre de la réforme du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), le pouvoir réglementaire a pris un décret en Conseil d'État visant à substituer à une logique de guichet un dispositif d'appel à projets national. Le but est de favoriser la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation ou la transmission des entreprises de proximité appartenant au secteur du commerce, de l'artisanat ou des services, qui apportent un service à la population locale et dont la clientèle est principalement composée de consommateurs finaux. L'appel à projets n'a été clos qu'à la fin du mois de janvier 2016, de sorte qu'un premier bilan qualitatif de la réforme ne peut être encore dressé de façon précise. Il conviendra d'attendre la fin de l'année pour déterminer si l'objectif poursuivi par la loi de recentrer le FISAC en lui donnant une plus grande efficacité s'est réalisé. Toutefois, le montant prévu par la loi de finances initiale pour 2016 au profit du FISAC ayant été réduit à 13 millions d'euros en crédits de paiement, le nombre de projets susceptibles d'être accompagné sera en tout état de cause limité.
Deux ans après l'adoption de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) en mars 2014, seulement 60 % de ses dispositions sont applicables, ce qui est loin d'être satisfaisant. Il convient de préciser que la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a modifié plusieurs dispositions de la loi, dont l'impact sur l'adoption des mesures règlementaires est encore difficile à mesurer. Pour l'instant, on peut constater que la loi dite Macron a amélioré la sécurité juridique des dispositions relatives à la protection des locataires lors de vente à la découpe, à la protection des locataires âgés ou encore à l'application dans le temps des dispositions de la loi Alur en matière de rapports locatifs. La loi Macron a également apporté des précisions en matière d'habitat participatif en prévoyant notamment d'aligner les règles de remboursement des parts sociales d'une coopérative d'habitants en cas d'exclusion sur celles prévues en cas de retrait volontaire du sociétaire.
Enfin, si les règles introduites dans la loi de mars 2014 relative à la consommation afin de renforcer la transparence dans les négociations commerciales sont jugées efficaces, le dispositif de renégociation tarifaire prévu à l'article 125 en cas de variation du coût des matières premières n'a fait l'objet d'aucune mise en oeuvre par les acteurs, en raison de sa complexité. Par ailleurs, le dispositif d'alerte en cas de dépassement des délais de paiement n'a pas été mis en oeuvre en pratique, alors qu'il était directement applicable. Néanmoins, l'intervention d'un décret le 27 novembre 2015, précisant les conditions de certification et d'attestation des informations relatives aux délais de paiement, devrait favoriser cette mise en oeuvre en 2016.
Sur les 30 lois dont l'application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, 17 ont été votées selon la procédure accélérée, dont une seule des trois lois examinées pour la première fois cette année.
Nous ne pouvons que nous étonner de constater que 8 lois dont l'application est encore étudiée par la commission cette année, promulguées entre 2004 et 2014 après engagement de la procédure accélérée ou après déclaration d'urgence pour les lois antérieures à la révision constitutionnelle de 2008, ne soient encore que partiellement applicables.
Par ailleurs, sur les 30 lois considérées, trois ont fait l'objet, depuis le bilan établi l'année dernière, de la remise d'un rapport en vertu de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, avec de 4 à 8 mois de retard sur le délai annoncé par la loi : la loi d'avenir agricole, la loi relative à l'économie sociale et solidaire et la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
Au total, ce sont à peine 55 % des rapports attendus par le Parlement en application de l'article 67 de la loi de simplification du droit qui ont été établis par le Gouvernement.
Comme l'année dernière, je tiens enfin à déplorer la grave défaillance dont fait preuve l'administration en ce qui concerne la remise des rapports au Parlement. Les chiffres sont éloquents : 5 rapports prévus par des lois dont nous assurons le suivi ont été rendus au cours de la période étudiée cette année, tandis que 74 autres sont encore attendus. Non seulement l'inefficacité de la mesure est depuis longtemps démontrée, mais ces rapports ont aussi un coût : des agents de l'administration centrale sont mobilisés pour produire ces documents dont on connaît tous le sort. La loi « Transition énergétique » prévoit à ce jour, à elle seule, la remise de 23 rapports : 1 dont la demande est issue du projet de loi initial, 2 demandés par amendement gouvernemental, 2 demandés par le Sénat et 18 demandés par l'Assemblée nationale. Ceci me semble déraisonnable. Je crois donc, mes chers collègues, qu'il nous faut absolument poursuivre le combat que notre commission a déjà engagé contre cette solution de facilité qui consiste à prévoir la remise d'un rapport sur un dispositif dont on ne peut obtenir l'adoption dans la loi.
Je vous encourage en revanche à solliciter aussi régulièrement que possible le Gouvernement par des questions écrites sur la mise en oeuvre de lois dont l'examen a été assuré par notre commission, afin d'obtenir des réponses précises des ministères concernés.
Pour finir, je voudrais rappeler que, depuis la disparition de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, ce sont les commissions permanentes qui assument désormais le travail de suivi sur les textes qui relèvent de leurs champs de compétences. Comme cela avait été proposé à l'issue du renouvellement sénatorial de 2014, des binômes de rapporteurs majorité - opposition ont donc été désignés pour effectuer cette mission de contrôle sur les principaux textes adoptés ces derniers mois. Aussi je vous incite, mes chers collègues, à poursuivre votre mobilisation pour conduire des auditions et à vous investir dans ces travaux qui permettent une véritable approche qualitative de l'application des lois.
En conclusion, je vous informe qu'un débat aura lieu en séance publique sur ce bilan d'application des lois au cours de la prochaine semaine de contrôle, le mardi 7 juin.
D'ici là, je vous invite à prendre connaissance du bilan sectoriel détaillé qui procède à une analyse fouillée de l'application de toutes les lois que nous suivons, qui sera prochainement publié au sein du rapport d'information de notre collègue Claude Bérit-Débat.
M. Marc Daunis. - En dehors des éléments anecdotiques ou quantitatifs, je crois que nous aurions du mal à livrer des éléments précis sur le contrôle de l'application de la loi. Or il s'agit d'un domaine majeur de notre travail de parlementaires. Il est souvent question de simplification, lors même que beaucoup de lois que nous votons ne font pas l'objet d'une évaluation de leur impact. Je souhaite faire une proposition pour sortir de ce constat : ne serait-il pas possible d'organiser de façon systématique au sein de la commission un travail d'évaluation sur les textes majeurs qui nous sont renvoyés ? Notre pays prend conscience de la nécessité de simplifier la loi, mais il y a encore un déficit dans la culture de l'évaluation.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je souscris tout à fait à ces propos : nous avons un pouvoir et un devoir de contrôle qu'il nous faut exercer pleinement. Nous avons désigné des binômes de rapporteurs pour suivre l'application des principales lois votées par notre commission. La restitution des travaux pourrait commencer d'ici la fin de l'année.
M. Roland Courteau. - S'agissant de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le taux d'application s'élève actuellement à 38 %. Le Conseil supérieur de l'énergie s'est réuni de manière très régulière ces derniers temps pour donner son avis sur des projets de décrets et d'arrêtés pris en application de cette loi. Le chantier est immense tant ce texte est vaste et important. L'annonce du gouvernement d'une publication de toutes les mesures règlementaires encore attendues d'ici cet été va se traduire par une intensification du nombre de réunions du Conseil supérieur de l'énergie.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Sur la loi Alur, dont je suis chargée du suivi avec Dominique Estrosi-Sassone, l'évaluation pourrait à mon sens se focaliser sur un sujet en particulier - le nombre de décrets parus n'apportant pas à lui seul un éclairage suffisant. L'évaluation des politiques publiques ne devrait pas porter simplement sur les statistiques fournies par les ministères eux-mêmes, mais plutôt vérifier l'atteinte de finalités définies en amont. Des outils spécifiques existent dans les pays anglo-saxons, qui permettent de mettre en lumière les dysfonctionnements à partir de chiffres autonomes.
Les citoyens s'emparent de plus en plus du sujet de l'évaluation des politiques publiques à la faveur du développement des nouveaux moyens de communication. Je me demande s'il ne faudrait pas une obligation dans chaque loi de définir le cadre de l'évaluation, en précisant le degré de transparence des données produites et mises à la disposition du public. Cela permettrait d'avoir un regard des citoyens sur les territoires concernant la mise en oeuvre des normes. À ce titre, il serait par exemple précieux d'avoir une vraie observation des loyers partagée par l'ensemble des acteurs locaux pour donner la possibilité aux décideurs nationaux d'engager, le cas échéant, une régulation.
M. François Calvet. - Il est toujours frappant de constater la vitesse à laquelle des normes sont produites, qui n'ont parfois même pas le temps de s'appliquer. La jurisprudence peine également à suivre tant l'évolution du cadre normatif est rapide. Les études d'impact sont encore très lacunaires et il y aurait lieu de renforcer le travail effectué en amont de la présentation d'une loi, ce qui aboutirait peut-être à voter moins de textes. Il serait sans doute bon aussi de disposer d'une étude globale et comparée de la manière dont sont construites les lois dans les autres pays européens. En prenant le temps d'évaluer soigneusement la loi avant de la discuter, nous pourrions améliorer la qualité de la production législative.
M. Franck Montaugé. - Dans un contexte général de désaffection citoyenne à l'égard des partis politiques, la question de la fabrication de la norme est posée. Le groupe de travail sur les normes agricoles, présidé par Daniel Dubois, est directement confronté à cette problématique. Si je pense qu'il ne faut pas toujours imiter en matière politique les pratiques des entreprises, pourquoi ne pas s'inspirer des démarches qualité qui sont développées dans le secteur privé ? Il importe de réfléchir du point de vue de la méthodologie : la question des objectifs et critères d'évaluation est en effet centrale, tout comme l'indépendance de la production statistique, qui découle du principe de la séparation des pouvoirs.
M. Martial Bourquin. - Sur ce sujet, nous sommes placés en face de notre rôle de parlementaires : l'objectif serait d'aboutir à des lois plus simples et plus fluides, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Quand une nouvelle loi est votée, elle devrait en remplacer une ou plusieurs autres. Le phénomène d'empilement rend inévitablement plus difficile la publication à temps des décrets d'application et l'étude de l'impact des lois. Ne négligeons pas notre responsabilité dans cette situation : combien de lois avons-nous votées sur la dernière décennie pour lesquelles aucun texte d'application n'est paru ?
Le projet de loi pour une République numérique a apporté une innovation majeure, en introduisant une interactivité entre le public, le législateur et le gouvernement. Cette méthode sera certainement amenée à se généraliser dans les années à venir. Quand on vote des lois, avoir une évaluation systématique est décisif et participe de la crédibilité du Parlement. Avec Alain Chatillon, nous suivons l'application de la loi relative à la consommation et nous avons pu constater les progrès significatifs réalisés en matière de délais de paiement. Parfois, mieux vaudrait discuter pour lever certains blocages plutôt que de légiférer à nouveau.
M. Gérard Bailly. - Sur le terrain, les professions libérales et certains acteurs de l'économie nous disent souvent d'arrêter de légiférer. Ce phénomène d'inflation législative a sa part de responsabilité dans l'image négative qu'une partie de l'opinion peut avoir des parlementaires. Le rôle du rapporteur devrait être renforcé et pouvoir aller beaucoup plus loin, au-delà du vote de la loi, afin de suivre sa mise en application et la conformité des décrets publiés.
M. Yannick Vaugrenard. - Cette question dépasse les clivages et est liée à un comportement politique qui a considérablement évolué : la loi est de plus en plus réactive, c'est-à-dire suscitée par des événements, et tournée vers le court terme, négligeant le rôle de l'étude d'impact et de l'évaluation. Il est aussi important de discuter de la loi que de son application à l'issue de sa promulgation. Nous auditionnons les ministres en vue de l'examen de chaque projet de loi, mais pourquoi ne pas les entendre un an après afin de dresser un bilan de la mise en oeuvre effective du texte ?
Sur chaque projet de loi, nous sommes plus ou moins influencés par des associations, syndicats ou lobbies qui nous conduisent à déposer des amendements, parfois du domaine règlementaire. Nous critiquons le fait que les lois soient bavardes, mais il nous faudrait également faire preuve d'une forme d'autodiscipline.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je suis favorable au renforcement du rôle du Parlement et notamment des commissions. La présidence du Sénat a engagé un travail important au titre des articles 34 et 37 de la Constitution, afin de veiller à un meilleur respect du domaine de la loi en écartant les amendements de nature règlementaire.
M. Bruno Sido. - Nos concitoyens considèrent que la loi est votée trop lentement. Un certain nombre d'amendements déposés sur le récent projet de loi pour une République numérique n'étaient pas à mon avis du domaine législatif et ont contribué à allonger les débats. Il en va de même en ce qui concerne les néonicotinoïdes, sujet de nature infra-règlementaire. En application de l'article 41 de la Constitution, il faudrait rigoureusement écarter tout ce qui relève du domaine règlementaire dans le débat parlementaire afin de gagner du temps et ainsi répondre à l'attente de nos concitoyens.
Mme Élisabeth Lamure. - La délégation sénatoriale aux entreprises organise demain avec le Conseil d'État une matinée d'étude consacrée à la simplification du droit. À cette occasion, j'ai demandé une note afin d'étudier la situation chez nos homologues européens, en prenant l'exemple de l'Allemagne, de la Suède et des Pays-Bas. Dans ces trois pays, des mesures très contraignantes s'agissant de l'élaboration des lois ont été appliquées. La simplification nécessite d'avoir recours à des politiques de long terme.
M. Ladislas Poniatowski. - Je voudrais défendre les parlementaires. Certes, nous sommes bavards - un texte de loi peut passer d'une quinzaine à une cinquantaine d'articles à la suite de son examen parlementaire -, mais d'un autre côté certains décrets d'application tardent à paraître ou ne sont jamais publiés. Il y a un phénomène boule de neige : les lois sont volumineuses, tout comme nos différents codes, bien plus épais qu'à l'étranger. Nous sommes souvent contraints de déposer des amendements pour combler un décret qui n'a pas été pris ou a été tronqué, allant dans le sens contraire à la volonté du législateur. Voilà pourquoi nous sommes bavards.
M. Joël Labbé. - Je ne crois pas que la question des néonicotinoïdes relève uniquement du domaine règlementaire. Sinon, cela signifierait que les firmes et les lobbies, dont le poids pèse aussi sur les agences, auraient le pouvoir de décider à notre place. Notre image dans l'opinion publique s'en trouverait par ailleurs dégradée si c'était le cas. Je revendique le fait que les politiques puissent avoir leur mot à dire sur ces sujets.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pourquoi est-on amené à légiférer autant et à entrer dans le détail ? Parce qu'on s'aperçoit fréquemment que les textes d'application pris par l'administration sont éloignés sinon contraires à l'esprit de la loi qui a été votée. Il pourrait y avoir un mécanisme prévu par la Constitution, qui donnerait la faculté au Parlement de suspendre la mise en oeuvre d'un décret en raison de sa contrariété avec l'intention du législateur.
M. Robert Navarro. - Depuis douze ans que je suis parlementaire, je cherche à comprendre comment il est possible d'améliorer notre travail collectif. Un certain nombre de personnes dans nos administrations s'opposent au changement et rédigent des textes nombreux et extrêmement techniques. Or l'expression de nos différences est une richesse. Je m'oppose à cette idée que l'opinion aurait forcément raison face à la représentation nationale. Nous devons assumer pleinement notre mandat : la démocratie, ce n'est pas l'opinion de la rue. L'intérêt supérieur de la République doit prévaloir sur les intérêts corporatistes. Il nous faut faire preuve de vigilance et défendre le travail des parlementaires.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Le Sénat effectue un travail important pour écarter les amendements introduisant des dispositions de nature règlementaire, tandis que l'Assemblée nationale est moins rigoureuse sur ce point. Il serait en effet précieux de disposer d'une étude comparée sur la manière dont les lois sont votées dans les grands pays européens. Le contrôle de l'application des lois, qui porte principalement sur les décrets et les arrêtés, pourrait aussi s'intéresser aux circulaires. Bien que n'ayant aucune portée juridique, la circulaire est appliquée par les fonctionnaires sur le territoire. Trop souvent, on s'aperçoit du décalage qui existe entre le décret et la circulaire, et à plus forte raison avec la loi.
L'exemple de la loi relative à la solidarité et de renouvellement urbain (SRU) et de la délivrance des certificats d'urbanisme et des permis de construire en milieu rural est à cet égard éloquent. Nous avions observé, à l'époque, que les services de l'urbanisme avaient commenté non pas la loi qui avait été votée, mais le projet de loi qui avait été présenté, et finalement avaient rédigé une circulaire disant exactement le contraire de la loi. Pour corriger cette situation, il a été nécessaire de voter une nouvelle loi pour rédiger un texte qui valait suppression de la circulaire.
Je prendrai un second exemple, à propos de la loi de modernisation de l'économie (LME), qui contenait des dispositions concernant l'urbanisme commercial. Les parlementaires avaient ainsi souhaité, de façon constante, limiter le développement des grandes surfaces à la périphérie des villes. Au mois d'août suivant, en 2009, le directeur d'une administration centrale a rédigé une circulaire précisant que, si l'on interprète l'esprit dans lequel la loi a été votée, on peut considérer que les grandes surfaces peuvent augmenter, sans demander d'autorisation, de 1 000 mètres carrés en une seule fois les surfaces dont elles disposent. Il a fallu une proposition de loi pour arrêter définitivement le flux créé par cette interprétation non seulement erronée, mais particulièrement déplacée, de la part de l'administration.
M. Marc Daunis. - Je souhaiterais que nous organisions collectivement au cours d'une réunion la manière dont nous allons mener nos travaux d'évaluation dans les différents binômes de rapporteurs qui ont été constitués.
M. Daniel Gremillet. - Il y a une incompréhension de la société vis-à-vis du politique. J'étais persuadé qu'une circulaire pouvait en chasser une autre, sans qu'il soit besoin de voter une loi. Cela révèle à mon sens un problème d'autorité.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous remercie.
Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Ladislas Poniatowski en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 561 (2015-2016) ratifiant l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.
La réunion est levée à 11 h 45.