Mercredi 6 mai 2015
- Présidence de M. Alain Milon, président -Audition de M. Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP)
La réunion est ouverte à 11 heures.
M. Alain Milon, président. - Nous accueillons ce matin M. Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Notre commission traite très régulièrement des questions en lien avec l'hôpital, et c'est pour cela qu'il m'a paru intéressant d'entendre le directeur général du premier ensemble hospitalo-universitaire français, et même européen. Je rappelle que l'AP-HP représente, de manière schématique, à peu près 10 % du système hospitalier public français, en termes d'activité, de personnel ou de budget.
M. Martin Hirsch a été nommé au mois de novembre 2013, il y a donc un an et demi. S'il en est d'accord, je lui demanderai d'effectuer en introduction un point de situation de l'AP-HP, en soulignant les principaux enjeux auxquels elle est aujourd'hui confrontée à ses yeux, ainsi que les grands objectifs qu'il est chargé de mettre en oeuvre depuis sa prise de fonction.
Au-delà des problématiques particulières de l'AP-HP, ce qui nous intéresse est également de voir comment celle-ci se situe dans le contexte plus général des réformes de l'organisation des soins - je pense notamment à l'articulation ville-hôpital, à la promotion de l'ambulatoire, à la notion de parcours de soins, aux coopérations hospitalières que le projet de loi sur la santé veut renforcer - mais également, dans le contexte de l'effort de maîtrise des dépenses d'assurance maladie, avec des objectifs d'économies, par rapport à la progression tendancielle des dépenses, qui viennent d'être précisés par le Gouvernement. La question du temps de travail des personnels hospitaliers fait aujourd'hui l'actualité - et c'est d'ailleurs un point que le Sénat avait voulu soulever lors du dernier PLFSS - mais ce n'est ce n'est certainement pas le seul levier que vous entendez utiliser au cours des prochaines années.
Monsieur Hirsch, je vous laisse la parole pour un propos introductif et les membres de la commission vous poseront ensuite leurs questions.
M. Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP. - Je vous remercie de me recevoir au sein de cette commission des affaires sociales, avec laquelle j'ai déjà eu l'occasion de travailler sur d'autres sujets, et dont je sais l'expertise et l'influence.
L'AP-HP a adopté un projet d'établissement ainsi qu'un projet stratégique pour les années 2015 à 2019, qui fixe plusieurs objectifs clairs et concrets. Notre premier objectif est de disposer d'un CHU qui joue pleinement son rôle au sein de son territoire, ce qui implique de mettre en oeuvre une coopération avec les autres acteurs de ce territoire. Il s'agit d'un axe fort de notre stratégie, qui se caractérise par un effort important d'ouverture, et qui se situe sur ce point en rupture avec la pratique précédente. De manière très concrète, cette orientation se traduit par la mise en place de postes de médecin partagés entre CHU et hôpitaux locaux ; ces coopérations seront par ailleurs mises en place de manière privilégiée avec les territoires les moins bien dotés, et notamment la Seine-Saint-Denis.
Celui de nos objectifs que je considère comme central, et qui transcende tous les autres, est la garantie d'un accès égalitaire à des soins de qualité. Si la France dépense beaucoup pour son système de santé, elle n'est pas épargnée par les phénomènes d'inégalité dans l'accès aux soins, qui peuvent notamment se traduire par des délais longs - j'en vois chaque jour le reflet dans les sollicitations qui me sont adressées. La logique de coopération, de renforcement des parcours et de réorganisation hospitalière est entièrement tournée vers la satisfaction de cet objectif. Une meilleure organisation hospitalière, qui doit notamment passer par un ajustement horaire ou un fonctionnement amélioré des plateaux techniques, doit permettre d'éviter les pertes de chance. Je souhaite que, quel que soit leur point d'entrée dans le système de soins, tous les patients puissent parvenir à un service de pointe dans les mêmes conditions et les mêmes délais. C'est pourquoi doivent être mises en place, au-delà des formes de coopération traditionnelles, des fonctions de correspondants de l'AP-HP. Les notions de parcours des patients et d'échange entre les différents acteurs du soin doivent être concrétisées sur le terrain.
Le rattrapage de notre retard en matière de systèmes d'information constitue également une priorité forte. Un nouveau système d'information permettant la communication avec les autres acteurs, y compris sur le dossier médical, sera mis en place. Un conseil du numérique a par ailleurs été récemment installé, qui doit réfléchir sur les outils d'avenir et accélérer la transition numérique. Je souhaite que le wifi soit prochainement accessible à l'ensemble des patients dans tous nos hôpitaux.
Notre plan stratégique porte également sur la transition vers l'ambulatoire, qui constitue une transformation quasi-révolutionnaire de nos habitudes. A terme, l'objectif est de parvenir à 45 % d'ambulatoire en moyenne pour l'ensemble des services.
A côté de ces objectifs généraux, une stratégie particulière sera développée sur deux sujets précis. En ce qui concerne les urgences tout d'abord, le temps de prise en charge - qui est actuellement de l'ordre de quatre heures en moyenne - devra être divisé par deux. Pour ce faire, des voies différenciées d'accès aux urgences devront être définies, selon le caractère prioritaire ou non des cas qui se présentent. Je tiens à souligner que, malgré l'activité très intense des services d'urgences au cours des derniers mois, en raison notamment d'une forte épidémie de grippe saisonnière et de l'impact de la grève des libéraux, le choc a bien été absorbé et que le temps de prise en charge, s'il n'a pas diminué, a pu rester constant. J'insiste par ailleurs sur notre stratégie en matière de cancer, sur laquelle je souhaite prendre plusieurs engagements. En premier lieu, les patients doivent pouvoir avoir accès à un rendez-vous dans des délais rapides, idéalement une semaine. En second lieu, les femmes ayant été prises en charge pour un cancer du sein doivent pouvoir bénéficier, le cas échéant, d'une reconstruction mammaire sans reste à charge.
Alors que l'AP-HP porte à elle seule la moitié de la recherche clinique française, travaillant avec de nombreux acteurs comme les universités du territoire et l'Inserm, il est indispensable qu'elle puisse continuer d'investir et d'innover, à hauteur de 400 millions d'euros par an. Cela passe par la mise en place de départements hospitalo-universitaires. Il est par ailleurs urgent de remédier à la vétusté de nos locaux : il est inacceptable que les services de gériatrie comptent encore des chambres à quatre lits pour des soins de longue durée. Au cours des dernières années, la modernisation de l'offre de soins a principalement porté sur la rive gauche au détriment du Nord de Paris ; afin de remédier à cette situation, plusieurs opérations importantes seront programmées au cours des prochaines années. Un grand hôpital du Nord et de l'Est de Paris sera créé à partir des sites de Lariboisière, Bichat et Beaujon. Une opération est en outre actuellement en cours à Avicenne.
Le projet social de l'AP-HP devra être à la hauteur de ces enjeux. Un protocole portant sur la déprécarisation des agents a été conclu la semaine passée avec la CFDT. Nous travaillons par ailleurs sur les sujets de la formation professionnelle, de l'organisation et des conditions de travail. S'agissant plus spécifiquement du temps de travail, d'autres modèles d'organisation devront être trouvés. Ces évolutions feront l'objet de négociations.
J'en viens enfin au cadre économique et budgétaire général de l'AP-HP. Notre plan global de financement pluriannuel inclut à la fois les contraintes liées à l'évolution de l'Ondam et les objectifs propres à l'AP-HP, à savoir le retour à l'équilibre l'an prochain. Nous savons que les conditions seront difficiles au cours des prochaines années et impliqueront des efforts de productivité importants ; 150 millions d'économies doivent être réalisés chaque année. Il s'agit là d'un véritable défi, qui explique en partie la nécessité de revoir l'organisation du travail. Disposer d'effectifs stables et lutter contre l'absentéisme nous permettrait d'éviter d'avoir recours à des remplacements souvent coûteux, ou qui peuvent déstabiliser l'emploi du temps des agents.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Merci, Monsieur le directeur général pour vos propos liminaires. J'ai cinq questions à vous poser. La première concerne l'importance de l'AP-HP dans le paysage hospitalier français. On entend, en effet parfois, que les hôpitaux parisiens sont privilégiés par rapport aux autres en ce qui concerne l'attribution des moyens financiers. Qu'en est-il ? Ma deuxième question concerne un sujet d'actualité puisqu'elle porte sur la renégociation des accords sur le temps de travail qui va s'ouvrir au sein de l'AP-HP. Quels en sont les enjeux ? Comment se situe l'AP-HP au regard des problématiques d'attractivité de l'hôpital public par rapport aux autres structures ? Ma quatrième question est relative aux fondations hospitalières, dont la création a été rendue possible par la loi HPST. Vont-elles permettre de mieux gérer les fonds d'origine privée destinés à la recherche ? Enfin, je voudrais savoir dans quelle mesure l'AP-HP est concernée par le processus de restructuration du service de santé des armées.
M. Martin Hirsch. - En réponse à votre première question, les choses ont profondément changé. Il y a plusieurs années, le directeur de l'AP-HP négociait directement son budget avec le ministre des finances et le ministre de la santé. La création de l'Ondam et des ARS et la tarification à l'activité ont largement modifié ce mode de fonctionnement. L'AP-HP participe largement aux efforts de maîtrise des dépenses hospitalières, notre déficit s'est d'ailleurs réduit en 2014. En ce qui concerne les postes budgétaires forfaitisés, les dotations pour la psychiatrie et la gériatrie sont à peu près stables et on observe une baisse des dotations d'investissement.
Sur la renégociation du protocole d'application des 35 heures, nous nous démarquons de ceux, notamment à la FHF, qui demandent une évolution du cadre législatif et règlementaire. La négociation qui s'ouvre vise donc simplement à réviser le protocole signé en 2002. Il s'agit d'opérer les adaptations rendues nécessaires par les mutations de notre activité. Je préfère que les journées de RTT soient moins nombreuses mais qu'elles puissent effectivement être prises par les personnels plutôt que stockées indéfiniment sur des comptes épargne-temps. Il s'agit également de renforcer la visibilité à la fois pour les personnels et pour les chefs de services. Une meilleure organisation du travail doit permettre de prendre des engagements en termes de niveau de l'emploi.
Les hôpitaux parisiens ne souffrent pas de manque d'attractivité pour diverses raisons (la localisation géographique et l'excellence de la recherche, notamment). Il n'y a pas non plus, contrairement à ce qui a pu être écrit çà et là, de médecins mercenaires au sein de nos hôpitaux. Globalement, les flux des départs et des arrivées restent équilibrés et ne démontrent aucune hémorragie. Au-delà des difficultés qui touchent certaines spécialités, il y a, par contre, un véritable phénomène de concurrence déloyale de la part des structures privées.
Le décret d'application relatif aux fondations hospitalières n'est paru que le 21 août 2014. Nous avons créé une telle fondation, dont les statuts doivent être approuvés par un décret qui doit être publié prochainement. Ces structures sont de nature à stimuler la recherche médicale des centres hospitaliers. Nous sommes d'ailleurs attentifs aux avancées qui pourraient être réalisées à l'occasion de la loi de santé, actuellement en discussion, et qui permettraient de valoriser nos brevets ainsi que notre activité à l'international.
L'AP-HP a bien évidemment collaboré aux travaux de restructuration du service de santé des armées. Le SSA souhaite recentrer ses activités vers le soutien opérationnel sur les théâtres d'opérations. Cela passe par des accords de coopération avec les hôpitaux de l'AP-HP.
Mme Nicole Bricq. - Je voudrais vous interroger sur les implications de l'article 42 du projet de loi pour la croissance et l'activité, actuellement en discussion. Cet article permet aux CHU de créer des filiales dans le but de valoriser leur activité de recherche. Quel regard portez-vous sur ces dispositions ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ma question porte sur le temps de travail et sur la journée de douze heures. Les organisations syndicales y sont opposées mais il semble que les personnels y soient parfois favorables. Les expérimentations qui sont menées dans certains services le sont en toute illégalité alors que cela peut aller dans le sens de la volonté des professionnels et de l'intérêt du service. Quelle est votre position à ce sujet ?
M. Michel Amiel. - Ma question porte sur l'articulation entre la médecine de ville et l'hôpital. Le manque de médecins libéraux entraîne un engorgement des urgences. Comment faire pour canaliser cet engorgement et séparer les véritables urgences des cas qui relèvent davantage d'une consultation classique ?
Mme Hermeline Malherbe. - Ma question va dans le même sens.
Mme Laurence Cohen. - J'ai quatre questions à vous poser. La première concerne le projet d'hôpital Nord que vous avez évoqué, avec la fusion des hôpitaux Bichat et Beaujon, qui pourrait occasionner la suppression de 600 lits. Avez-vous des éléments à nous donner pour connaître plus précisément l'impact de cette fusion ? L'ONG « Sauvons les enfants » a récemment classé la France au 23ème rang en ce qui concerne la santé des mères et des enfants. A ce titre, les regroupements de maternités nous interpellent. Vous avez parlé d'une moyenne de quatre heures d'attente aux urgences. Comment expliquer, dans ces conditions, la fermeture des urgences de l'Hôtel-Dieu ? Vous avez pris des engagements sur une réouverture partielle, pouvez-vous nous en dire plus ? Enfin, j'ai lu dans un hebdomadaire que la réforme envisagée du temps de travail à l'hôpital pourrait entraîner 4 000 suppressions de postes. Cela nous semble inacceptable.
M. Martin Hirsch. - Madame Bricq, l'article 42 de la loi « Macron » répond en effet à des problèmes concrets qui se posent aux hôpitaux souhaitant valoriser leur activité de recherche et faire valoir leur expertise dans les appels d'offres internationaux. Cela va, selon moi, dans le bon sens.
Monsieur Godefroy, sur la journée de douze heures, je fais le même constat que vous. On observe une divergence entre les demandes de certains personnels et la position des syndicats. Par ailleurs, la santé des professionnels et la sécurité des patients doivent primer. Il ne me paraît donc pas souhaitable de chercher à utiliser la journée de douze heures comme un outil d'efficience, mais elle est mise en oeuvre dans certains services où cette organisation paraît améliorer le service rendu.
Monsieur Amiel et Madame Malherbe, la réponse à votre question concernant l'articulation médecine de ville/hôpital passe par une stratégie globale que nous nous efforçons de mettre en oeuvre. Elle passe, par exemple, par l'installation de maisons médicales en amont des services d'urgences ou encore par la politique d'orientation des patients via le 15. Nous avons, à l'AP-HP, pris des mesures de réorganisation des urgences avec la création d'une « fast-track ». Deux projets de plateformes ambulatoires sont par ailleurs en cours de développement à l'hôpital Claude-Bernard et à l'Hôtel-Dieu.
Madame Cohen, concernant le projet d'hôpital Nord, sa capacité n'a pas encore été fixée, et je ne vois donc pas comment peuvent déjà quantifier la diminution du nombre de lits qui en résulterait. Le choix de la fusion sur un nouveau site, qui n'a pas encore été choisi, s'explique par le fait que cette solution est moins coûteuse que la rénovation des deux hôpitaux existants. Je veux néanmoins souligner deux tendances qui marqueront les développements futurs de notre système hospitalier. Le développement des soins ambulatoires et de l'hôpital de jour font que ce n'est pas le nombre de lits qui détermine le service rendu. Par ailleurs, il n'y a pas de relation directe entre le nombre de lits et les effectifs.
Nous assistons à deux phénomènes qui ont des effets contraires sur les besoins en capacité d'accueil de nos hôpitaux. Ces besoins diminuent avec la réduction de la durée de séjour mais augmentent avec le vieillissement de la population. Ces deux mouvements conjugués entraînent globalement une baisse du besoin capacitaire.
S'agissant des maternités, les regroupements qui ont été opérés, comme par exemple celui de Necker et de Port-Royal, s'avèrent avoir des effets très positifs. Par ailleurs, nous travaillons à mieux articuler les différents établissements afin que les patients puissent être efficacement réorientés vers des structures disposant de places disponibles. L'année dernière l'AP-HP a opéré 1 000 accouchements de plus que l'année précédente.
M. Gilbert Barbier. - Etes-vous favorable au maintien de la tarification à l'activité, qui n'est pas appliquée à tous les domaines, notamment en psychiatrie ? À la suite du développement de la chirurgie ambulatoire, avez-vous identifié le nombre de lits excédentaires ? Quelle est votre politique en matière de dépassement d'honoraire ? Comment gérer la continuité des soins dans la mise en oeuvre de la nouvelle règlementation relative au temps de travail des internes ?
Mme Catherine Génisson. - Quel est le niveau de l'absentéisme à l'AP-HP ? Disposez-vous de statistiques relatives à la réhospitalisation des patients ayant subi une chirurgie en ambulatoire ? En matière d'organisation du temps de travail, nous sommes face à un paradoxe : il y a une demande des personnels soignants pour des journées de douze heures mais elle est préjudiciable tant aux patients qu'aux soignants. Elle me paraît par exemple pas concevable dans les services de réanimation. Il me semble par ailleurs qu'un accord global n'a pas de sens. J'avais pu constater, lors de la mise en place des 35 heures, la très faible adhésion des personnels soignants à cette mesure, même si les choses ont changé. Il faut adapter les 35 heures en fonction des services et veiller à ce que les temps de récupération soient pris régulièrement et non de façon cumulée. Dans quelles conditions vous engagez-vous dans cette négociation ?
Mme Catherine Procaccia. - Vous n'avez pas évoqué la situation du Val-de-Marne. Dans ce département, des maisons médicales, avec de larges amplitudes d'horaires, ont été mises en place depuis plus de dix ans avec l'objectif de désengorger les services d'urgences des hôpitaux. Certaines mairies ne souhaitent plus contribuer au financement qui représente 75 centimes par an et par patient. Cela risque de se traduire par un report sur les passages aux urgences. Je voudrais également vous interroger sur les conséquences des restructurations intervenant au sein du service de santé des armées. À l'hôpital Bégin, la fermeture de la maternité est prévue le 30 juin et le service de dialyse semble également menacé. L'impact social est important compte tenu de différences de statuts des personnels concernés. Avez-vous, par ailleurs, chiffré le coût de la suppression de la journée de carence ?
Mme Evelyne Yonnet. - Je suis préoccupée par l'avenir de l'hôpital Bichat. Je voudrais souligner que la permanence des soins est difficile à mettre en place. La coopération est aussi parfois difficile : je voudrais citer l'exemple, dans mon département, de la clinique de la Roseraie dont la convention, pour le centre de radiothérapie, aurait été refusée par l'hôpital Avicenne.
M. Jean-Marie Morisset. - Pouvez-vous préciser les moyens de fonctionnement de l'AP-HP. Votre plan stratégique comporte-t-il des fusions et des fermetures d'hôpitaux ?
Mme Aline Archimbaud. - L'engorgement des urgences est lié aux inégalités d'accès à la santé, faute d'un suivi médical suffisant en amont. Les gens vont aux urgences parce qu'ils sont sûrs de ne rien devoir payer avant d'être soignés. Les permanences d'accès aux soins de santé (Pass) sont en difficulté financière. Il en existe théoriquement 400 en France mais leurs moyens sont souvent affectés à d'autres missions. Je salue vos propos sur la Seine-Saint-Denis, département que nous savons tous, capable d'innovation. Je voudrais vous faire part de mes craintes quant à la suppression du centre hospitalier universitaire à l'hôpital Avicenne. Si tel est le cas, l'hôpital sera confronté à de grandes difficultés de recrutement.
M. René-Paul Savary. - Quel est le coût de l'aide médicale d'Etat pour l'AP-HP ?
M. Alain Milon, président. - Je voudrais vous interroger sur l'article 26 bis C du projet de loi de santé qui prévoit un droit de priorité en matière d'urbanisme pour l'AP-HP.
M. Martin Hirsch.- Je voudrais d'abord compléter ma réponse à Mme Cohen. Si nous ne changeons pas l'organisation du travail, compte tenu des objectifs de dépenses, tels qu'ils ont été définis, je serai obligé de supprimer 4 000 emplois. La stabilité de l'emploi ne peut être garantie qu'à condition de changer l'organisation du travail. C'est un très gros enjeu. Avec une augmentation tendancielle des dépenses de 2 % par an et une évolution des recettes de l'ordre de 1 %, on voit très vite l'impact pour une organisation de 100 000 personnes.
Pardonnez-moi cette réponse de normand, mais la tarification à l'activité (T2A) a des avantages et des inconvénients. La dotation globale demeure pour les personnes âgées et la psychiatrie. La T2A peut avoir pour effet de délaisser certaines pathologies. L'avantage, c'est qu'elle force à s'occuper du patient. Son mauvais côté est d'inciter à une surspécialisation que l'on observe dans la stratégie de certaines cliniques et de ne pas favoriser le bon parcours du patient. Nous avons besoin d'un système de financement plus mixte, qui favorise la coopération entre la médecine libérale et l'hôpital. Chaque système de tarification a des effets pervers qui finissent par l'emporter, d'où l'intérêt de procéder à des réformes. Sur ces sujets, nous avons créé, au sein de l'AP-HP, un centre d'économie de la santé hospitalière, « hospinomics » que vous pouvez saisir.
Pour les dépassements d'honoraires, nous faisons une application stricte de la loi dans le cadre d'une commission d'activité libérale très regardante.
L'objectif de la réglementation du temps de travail des internes est qu'ils puissent disposer de plus de temps de formation et de temps personnel. L'augmentation du numérus clausus entraîne, par ailleurs, une augmentation du nombre des internes, ce qui suppose l'acceptation d'un certain taux « d'inadéquation ». Les internes ayant une possibilité de choix, 7 % des postes, environ, ne pourront être compensés, ce qui devrait se traduire par une diminution des lignes de garde. Sur ce point, les difficultés sont devant nous.
L'absentéisme à l'AP-HP est de 8,97 %. Cette question est à relier aux discussions sur l'organisation du temps de travail. L'absentéisme de rattrapage provoque un absentéisme de surmenage. L'affaiblissement de l'encadrement de proximité se traduit aussi par des comportements non-vertueux nouveaux : il peut arriver qu'un lundi matin, dans un service, trois personnes qui n'ont pas prévenu soient absentes. Il faut renforcer les cadres de proximité.
Je ne dispose pas de données statistiques sur les réhospitalisations après chirurgie ambulatoire.
Les hôpitaux Mondor et le Kremlin-Bicêtre sont deux fleurons du Val-de-Marne. A Bégin, la transition pour la maternité est assurée.
Une coopération renforcée se met en place en Seine-Saint-Denis sur la cancérologie.
Aucune menace ne pèse sur l'hôpital universitaire Avicenne. En revanche, les professeurs de médecine, nommés à Avicenne, sont effectivement « chassés » après quelque temps par les universités parisiennes qui leur ouvrent des postes au coeur de Paris, ce qui donne lieu à des négociations compliquées. Nous sommes le seul CHU à travailler avec sept universités qui sont en situation de forte concurrence. Si on réussit à localiser un deuxième CHU en Seine-Saint-Denis, par exemple à Saint-Ouen, ce pôle aura une force d'attraction considérable. Les coopérations sont remarquables dans ce département.
Pour ce qui concerne l'aide médicale d'Etat, les réductions de crédit se traduisent par des réductions très importantes sur le budget de l'AP. On soigne toujours les malades. La précarité est mal prise en compte dans notre budget. Par exemple, nous allons publier une étude comparée sur la prise en charge des SDF, et de la population générale, en réanimation. La capacité de guérison est la même, c'est la fierté du système français. Pour ce faire, la durée moyenne de séjour des SDF est évidemment supérieure. Le surcoût est évident et il est de moins en moins bien compensé.
Je ne remets, bien sûr, pas en cause les efforts demandés dans le cadre des votes sur l'Ondam, mais nous avons besoin d'avoir de la visibilité, dans le temps, sur les contrats que nous passons. Nous passons un contrat d'augmentation de la productivité. Nous avons besoin d'être soutenus pour nos investissements comme pour Lariboisière ou l'hôpital Nord. Nous avons besoin que nos subventions pour missions d'intérêt général ne soient pas la variable d'ajustement, sinon nous ne pouvons pas tenir nos contrats à l'égard de la population et des patients.
Nomination d'un rapporteur
La commission nomme Mme Catherine Procaccia rapporteur sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi (AN n° 2736, XIVe législature).
La réunion est levée à 12 h 50.