Mardi 4 février 2014
- Présidence de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, présidente -Audition conjointe de MM. Antoine Maucorps, chef de la mission de la tarification et Olivier Quoy, adjoint, direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous entendons MM. Antoine Maucorps, chef de la mission de la tarification à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), et Olivier Quoy, son adjoint.
Il s'agit d'une audition attendue et importante car la mission de la tarification a été désignée, par les précédents auditionnés, comme étant l'interlocuteur clé du contrat Écomouv', côté État. Nous recevrons le 11 février prochain M. Daniel Bursaux, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer. Nous disposerons donc de deux auditions pour essayer de faire le tour des nombreuses questions que nous nous posons.
Je vous invite, tout d'abord, à nous faire une brève présentation du rôle que la mission de la tarification a tenu, en amont dans la mise en place de l'écotaxe poids lourds et le choix du contrat de partenariat, puis dans la procédure de mise en place du contrat - mise en concurrence, dialogue compétitif, négociation des clauses... -jusqu'à la décision de suspension de l'écotaxe.
Nous attendons notamment que vous nous expliquiez clairement quelle est la situation du contrat aujourd'hui, où en sont les négociations avec Écomouv' et quels sont les risques encourus par l'État à la suite de cette décision de suspension.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Antoine Maucorps et Olivier Quoy prêtent serment.
M. Antoine Maucorps, chef de la mission de la tarification. - Je vais d'abord expliquer l'organisation de l'État et le rôle de la mission de la tarification. L'équipe projet pour la conduite de l'écotaxe poids lourds, qui n'est pas une structure administrative, est composée de la mission de la tarification, au sein de la DGITM du ministère de l'écologie, et de la mission taxe poids lourds, au sein de la sous-direction des droits indirects de la direction générale des douanes et droits indirects. Les deux directeurs généraux ont désigné un directeur de projet commun, moi-même. Je suis administrativement rattaché au ministère des transports en tant que chef de la mission de la tarification.
Pour la conduite de ce projet, je dispose de deux adjoints, Olivier Quoy, ici présent, et Anny Corail, chef de la mission taxe poids lourds au sein de la direction générale des douanes, que vous avez auditionnée la semaine dernière. Cette équipe a piloté les études préalables et la procédure d'attribution du contrat avec Écomouv' et pilote aujourd'hui la première phase de ce contrat, qui consiste en la conception et la réalisation du dispositif.
Pour compléter la description de l'organisation, il faut préciser que des cabinets de conseil ont assisté l'équipe projet. Tout d'abord, pendant la phase du dialogue compétitif, avant la signature du contrat, trois conseils différents sont intervenus, l'un technique, l'autre juridique et le dernier financier. Depuis la signature du contrat, un contrat d'assistance globale a été attribué à la société Capgemini.
Je voudrais également fixer quelques points de repères chronologiques. On peut dater le démarrage du projet de la taxe poids lourds au 1er janvier 2005 puisque c'est l'entrée en vigueur en Allemagne de la LKW-Maut, qui a entraîné un report de trafic sur le réseau routier français, en particulier sur l'autoroute le long du Rhin, en Alsace. Cet événement a conduit à instaurer, mi-2005, par la loi, la taxe poids lourds en Alsace.
Dès 2006, les premiers travaux ont porté sur la nature du prélèvement en droit national. En effet, au niveau communautaire, il n'y a pas d'ambiguïté, il relève du droit des redevances kilométriques, c'est-à-dire de la directive Eurovignette, comme l'a écrit, dès janvier 2006, la Commission européenne. En revanche, en droit national, la question n'est pas simple. Les analyses conduites pendant l'année 2006 ont toutes rapidement convergé sur le fait que ce devait être une taxe. La nature fiscale découle du fait que seuls les véhicules de transport de marchandises acquittent le prélèvement et qu'il n'est pas exclusivement affecté à l'entretien de la voirie routière. Ce n'est donc pas un péage en droit français.
En 2007, alors que les perspectives d'extension de l'expérimentation se précisent, l'analyse du projet, tant d'un point de vue technique que juridique, conduisent à s'interroger sur la possibilité de confier ou non à un ou plusieurs acteurs privés les missions de collecte et de contrôle de cette taxe. Cette année de réflexion conjointe entre le ministère des transports et la direction du budget se clôturera par l'avis du Conseil d'État du 11 décembre 2007 qui va jeter les bases et le cadre de cette externalisation en l'autorisant sous de strictes conditions.
Se posera alors la question des modalités pratiques de cette externalisation, qui seront inscrites dans la loi de finances pour 2009, votée fin 2008. Ces choix vont résulter de l'analyse menée avec la mission d'appui aux partenariats public-privé - la Mappp -, et conduira au choix de recourir à un contrat de partenariat public-privé. Néanmoins, ce contrat, comme vous avez pu le constater lors de vos auditions, a certaines spécificités par rapport à d'autres contrats de partenariat ou avec les concessions autoroutières. En particulier, le montant de la rémunération prévisible d'Écomouv' et les conditions de versement de cette rémunération sont indépendants de la mise en oeuvre de la taxe et n'ont pas de lien direct avec le montant de la taxe collectée.
Ces éléments ont été fixés et exposés, dès le début de la procédure, en 2009. Ainsi, l'appel public à candidature du 5 mai 2009 indique que « la rémunération du titulaire du contrat de partenariat sera versée dès la réalisation complète du dispositif de perception et de contrôle de la taxe poids lourds nationale. Cette rémunération pourra être ajustée en fonction de l'évolution de certains paramètres et sera liée à des objectifs de performance, qui seront déterminés par l'État au cours du dialogue compétitif ». Le déclenchement du paiement de la rémunération au partenaire privé a donc été, dès le début, conditionné à la réalisation complète du dispositif. La rémunération apparaît liée, par ailleurs, à des objectifs de performance, qui est le moyen le plus efficace, pour l'État, de s'assurer que le partenaire privé remplira correctement ses obligations contractuelles, et à certains paramètres - le nombre de redevables, le nombre de véhicules, par exemple -, c'est-à-dire des indicateurs reflétant la volumétrie du contrat.
Concernant la technologie utilisée, l'État avait le choix entre la localisation par satellite ou l'utilisation d'ondes à courte portée, ces deux seules technologies étant autorisées par la directive européenne « Interopérabilité ». Les études préalables n'ont pas montré d'avantages certains entre ces deux technologies. Le choix a donc été fait de conduire la procédure de dialogue compétitif sans favoriser l'une ou l'autre de ces technologies, en laissant les industriels, acteurs les mieux à même d'en déterminer les avantages et inconvénients, de proposer dans leur solution celle qu'ils souhaitaient utiliser.
De fait, le choix d'une localisation par satellite s'est fait dans le cadre de l'établissement des offres en 2010.
S'agissant du montant du marché, sur lequel beaucoup de questions ont été posées, nous pouvons rappeler que l'avis de notification du marché du 16 novembre 2011 précise que la rémunération prévisible est de 52 millions d'euros par trimestre, en valeur constante, hors taxes et en moyenne, soit un peu moins de 210 millions d'euros par an.
Le montant total du marché était, quant à lui, plafonné à 3,41 milliards d'euros, comme indiqué dans le communiqué de presse de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) du 7 septembre 2011, suite à son conseil d'administration autorisant cet engagement. Cette somme correspond à une estimation en euros courants, TVA incluse, conformément aux règles de la comptabilité publique.
Pour remplir ses missions, la société Écomouv' a été créée le 7 mars 2011, c'est-à-dire peu après le choix du candidat le mieux placé, la société Autostrade, par cette seule société, comme l'indique son inscription au registre du commerce, accessible sous forme d'extrait Kbis. Les sociétés SFR, SNCF, Steria et Thales ont pris des participations, le 26 octobre 2011, dans le capital de la société Écomouv' après la signature du contrat de partenariat signé le 20 octobre 2011, conformément aux stipulations du règlement de la consultation et dudit contrat.
Enfin, nous souhaitons vous exposer les grands principes et le contexte qui ont guidé ce projet.
En France, la tarification de l'usage du réseau routier national par les poids lourds repose sur les péages autoroutiers pour les autoroutes concédées, la taxe spéciale sur les véhicules routiers - taxe acquittée par les véhicules français en France - et, enfin, d'autres recettes telles que les accises sur les carburants. L'évaluation de l'imputation des coûts d'usage, dont les premières études datent de 1997, a montré l'ampleur du différentiel entre les coûts occasionnés par les poids lourds et les recettes collectées à ce titre, de l'ordre d'un milliard d'euros par an pour le réseau national. Cet écart est de fait couvert, jusqu'à aujourd'hui, par le budget général, c'est-à-dire par la participation du contribuable à travers l'impôt. Ce constat a conduit à un premier projet de tarification kilométrique de l'usage du réseau, proposé en 2003 et examiné dans le cadre du débat sur les grandes infrastructures, mais qui n'a pas abouti.
Les principaux partenaires européens, notamment ceux de grand transit - la Suisse et l'Allemagne dès 1998, l'Autriche dès 2002, la République Tchèque dès 2004 puis, plus récemment, la Slovaquie, la Slovénie et la Belgique - ont mis en place des tarifications kilométriques afin, d'une part, de répondre aux besoins de financement de leurs infrastructures et, d'autre part, de tenter de réguler le trafic routier par une tarification adaptée. L'objectif de ces politiques est d'adopter un système qui soit le plus équitable possible, mettant en application le principe « utilisateur-payeur », notamment en faisant participer les véhicules étrangers circulant sur les réseaux nationaux.
Les questions de la tarification de l'usage des routes ne peuvent être abordées nationalement mais relèvent, par essence, d'un cadre européen. À cet égard, tous les candidats admis à participer au dialogue compétitif étaient européens, soit par l'association de partenaires - notamment pour la construction des équipements embarqués - soit par la composition de l'actionnariat des sociétés participantes. Il existe par ailleurs une certaine réciprocité, les acteurs français étant présents en Allemagne, Slovaquie ou Irlande.
La mise en place de la tarification de l'usage des réseaux routiers par les poids lourds est fortement encadrée au niveau communautaire, la Commission européenne s'attachant, d'une part, à garantir la libre circulation des marchandises par la directive Interopérabilité et, d'autre part, à orienter des politiques en faveur des modes non routiers avec la directive Eurovignette. L'Union européenne recherche la mise en place de systèmes unifiés de télépéage permettant aux transporteurs d'acquitter les différents péages à l'aide d'un équipement unique et d'un contrat unique. L'une des principales caractéristiques et différenciations du projet écotaxe, en comparaison de projets européens, éventuellement de taille similaire, est la prise en compte de cette interopérabilité.
Dans tous les pays, la mise en place de dispositifs de télépéage s'est révélée techniquement et juridiquement complexe, notamment en Allemagne, Autriche et Slovaquie. Dans d'autres pays, les projets n'ont pas abouti, comme au Danemark et au Pays-Bas. À l'exception de la Suisse, dont la géographie et la position juridique par rapport à l'Union européenne sont particulières, les systèmes ont été mis en place via des contrats de service très étendus, eu égard à cette complexité.
Pour prendre en compte les contraintes du système européen de télépéage - c'est-à-dire la mise en place de l'interopérabilité - la taxe doit pouvoir être acquittée via un abonnement à une société de télépéage qui est un acteur de droit privé. Cette complexité technique oriente les réflexions vers la recherche de l'externalisation d'une partie des missions de collecte. Concrètement, l'entité responsable de la collecte de l'écotaxe doit contractualiser avec des sociétés de télépéage européennes qui ne sont pas connues a priori. Là réside une des difficultés. Après avoir sollicité plusieurs avis, on a conclu sur le recours à l'externalisation, dont l'une des modalités les plus importantes est la délivrance d'une commission par l'administration des douanes et droits indirects. C'est pourquoi, aujourd'hui, l'équipe projet chargée de mettre en oeuvre le contrat a un aspect bicéphale avec, d'une part, un contrat de partenariat signé entre Écomouv' et le ministre de l'écologie, représenté par M. Daniel Bursaux et, d'autre part, une commission délivrée par l'administration des douanes et droits indirects.
A ce stade, il est important de distinguer l'externalisation de certaines missions du recours à un contrat de partenariat. L'évaluation préalable qui a été soumise à l'avis de la Mappp avait retenu une comparaison entre ce contrat de partenariat et un schéma de maîtrise d'ouvrage publique - marché public global -, pour lequel l'exploitation du dispositif était intégrée pour une durée équivalente à celle du contrat de partenariat et qui n'exclut pas de confier des missions de collecte et de contrôle à des prestataires privés.
L'externalisation de certaines missions a poursuivi un objectif de simplification de la gestion technique du dispositif dans un cadre européen interopérable. Elle permet aujourd'hui une garantie de recouvrement des sommes, en déchargeant l'État d'une partie de ses missions par la garantie des sommes facturées et en fournissant un appui au traitement des réclamations, les missions de recouvrement forcé étant conservées par l'État.
Le recours au contrat de partenariat assure la prise en compte des enjeux d'exploitation dès la conception du dispositif et vise à impliquer fortement les acteurs industriels en les rendant intégralement responsables de la conception et de la réalisation du dispositif - ce qui permet d'optimiser les délais de réalisation, le passage de la phase de réalisation à la phase d'exploitation se faisant immédiatement après la mise à disposition, sans changer d'acteurs. De même, le contrat de partenariat permet de recourir au préfinancement de la réalisation du dispositif. À ce propos, je rappelle qu'aujourd'hui, l'État n'a pas payé Écomouv' pour la réalisation du dispositif.
Enfin, lorsque la procédure a été lancée, le choix technologique n'était pas effectué et donc, a fortiori, l'État n'était pas en mesure de définir précisément un cahier des charges aux différents candidats. Dans cette situation, la procédure la plus adaptée pour choisir le contrat le plus favorable à l'État est le recours à un dialogue compétitif, qui a été organisé sous un contrôle étroit de l'administration. Pour cela, une équipe projet associant les deux ministères les plus impliqués a été mise en place. Un comité interministériel regroupant les différents ministères concernés s'est réuni régulièrement. Une commission consultative, créée par décret, est intervenue aux moments les plus importants de la procédure - choix des candidats, recevabilité des offres et classement des offres.
Les choix et les arbitrages arrêtés en cours de procédure, ou depuis lors, se font en réunion interministérielle. Le contrat a été signé après avoir obtenu l'ensemble des avis requis, en particulier ceux des ministres du budget et de l'économie.
L'avancement du projet a mis en exergue la nécessité d'ajuster la définition de la taxe poids lourds, au sein du code des douanes. Ces ajustements se sont opérés en lois de finances rectificatives pour 2009, 2010, 2011 et 2012, sous le contrôle du Parlement.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu'Écomouv' est intégralement responsable de la maîtrise d'ouvrage du contrat, c'est-à-dire de la conception et de la réalisation du dispositif. L'État ne valide pas les spécifications détaillées du dispositif. Il a cependant formulé des remarques qu'Écomouv' a l'obligation de prendre en compte pendant toute la phase de conception-réalisation. En 2013, une fois le dispositif achevé, Écomouv' a fait la recette de son dispositif. L'État y a participé en observant les tests menés. Une fois la recette achevée, l'État effectue les vérifications d'aptitude au bon fonctionnement (VABF), consistant à contrôler que le dispositif permet de remplir les spécifications fonctionnelles du contrat dans le respect du cadre législatif et réglementaire. Cette phase de vérification d'aptitude s'est répétée plusieurs fois en 2013, en raison de la constatation de défauts majeurs dans le dispositif. À l'issue de cette phase, Écomouv' a la responsabilité de conduire des vérifications en service régulier (VSR), c'est-à-dire de faire des tests dans une situation représentative de la réalité, notamment en termes de volume et d'acteurs. A ce stade, interviennent, non plus des techniciens, mais les opérateurs d'Écomouv', afin de s'assurer que le dispositif est prêt à démarrer.
Aujourd'hui, le dispositif a subi de façon positive la dernière VABF qui a été prononcée le 16 janvier dernier. Le dispositif ayant mûri progressivement, Écomouv' a pu procéder, par anticipation, à des tests à l'usage de la VSR, contrairement aux clauses initiales du contrat, si bien qu'Écomouv' nous a remis son rapport de VSR, que nous avons reçu le 20 janvier dernier, les deux dernières phases de tests ayant été menées en parallèle. L'État est en phase de vérification de ce rapport et dispose d'un délai de deux mois. Le contrat, de ce point de vue technique, est conduit de façon nominale eu égard au fait qu'il y a un retard significatif, puisque la fin de vérification de ces tests aurait dû être faite avant le 20 juillet 2013.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - J'ai bien compris qu'il s'agissait d'un sujet complexe, mais je persiste à ne pas bien comprendre pourquoi on l'a complexifié davantage, alors que l'enjeu était de parvenir à une mise en oeuvre rapide du dispositif. Nous avons, à la fois, eu recours à une nouvelle technologie, et intégré au périmètre du contrat la collecte et le contrôle de la taxe, ce qui pose des problèmes juridiques et pratiques puisqu'il s'agit d'une externalisation de fonctions régaliennes. J'ai bien entendu que le Conseil d'État a affirmé que c'était possible, mais je n'ai encore jamais entendu que c'était la meilleure des solutions. Nous avons cumulé les conditions de la complexité. J'ai du mal à comprendre cette articulation.
M. Antoine Maucorps. - S'agissant du choix technologique, des études préalables ont examiné les deux solutions autorisées dans le cadre européen. La localisation par satellite est un équipement un peu plus complexe, mais ne nécessite pas d'infrastructures sur le terrain pour la collecte de la taxe. La technologie des ondes à courte portée, aujourd'hui déployée sur les autoroutes, n'exige qu'un simple badge mais crée un besoin d'infrastructures. Or, le réseau taxable comporte beaucoup d'entrées et de sorties. L'arbitrage entre ces deux technologies n'a pu être réalisé par l'État avant le début de la procédure, ce sont les industriels qui ont choisi leur technologie. Les quatre candidats ont tous proposé une solution satellitaire.
M. Olivier Quoy, adjoint au chef de la mission de la tarification. - Il s'agit d'une nouveauté technologique en France, mais qui avait déjà été mise en oeuvre en Allemagne avec la LKW-Maut, dont les premiers principes ont été fixés dès 1998.
S'il avait fallu que l'État assume lui-même intégralement toutes les missions et qu'il définisse l'ensemble des outils, sans passer par un partenaire unique, il aurait fallu opter pour un schéma d'allotissement, comme l'ont fait nos collègues hollandais. L'évaluation préalable compare deux marchés globaux, et ne comporte pas un tel schéma d'allotissement, ce qui aurait été le cas si on avait séparé, d'une part, les systèmes de collecte, avec des prescriptions sur les équipements embarqués et, d'autre part, le système de contrôle, avec des prescriptions spécifiques. C'est ce qui avait été engagé aux Pays-Bas, où un découpage fonctionnel des différentes entités a été opéré. Mais il a posé l'énorme difficulté d'avoir à traiter les spécifications non seulement de chacun des objets, mais aussi de leurs interfaces, ce qui a entraîné un certain retard, même si la décision d'abandon a été plus politique que technique. En Hollande, l'entité chargée de rédiger ces spécifications était dotée de 270 agents, État et conseil compris pour mettre en place ce type de marché alloti.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Pour revenir sur le choix technologique, l'étude préalable chiffre l'investissement à 230 millions d'euros pour la technologie satellitaire et à 530 millions d'euros pour la technologie DSRC. Finalement, on se retrouve avec un investissement de 650 millions d'euros avec la première technologie.
En dehors du choix technologique, pourquoi avoir davantage compliqué le projet en externalisant la collecte et en passant par un contrat de partenariat, alors que notre expertise dans ce domaine est limitée ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - L'équipe projet du côté de l'État comporte trois personnes. Est-ce bien vous qui avez rédigé l'évaluation préalable ?
M. Antoine Maucorps. - La mission de la tarification est composée de cinq personnes, et la mission taxe poids lourds des douanes et droits indirects de sept personnes. Cela représente un noyau dur d'une douzaine de personnes, qui bénéficie en sus d'expertises ponctuelles d'autres services, de bureaux juridiques ou de la Mieppp de la DGITM par exemple.
M. Olivier Quoy. - L'évaluation préalable a été rédigée en décembre 2008. À l'époque où j'ai rallié le projet, le 1er novembre 2007, nous étions un peu moins nombreux. Il y avait trois personnes du côté du ministère de l'écologie et, du côté des douanes, c'était le bureau F1 qui était concerné. Il n'y avait pas encore de structure dédiée. J'étais rattaché à la mission interministérielle pour la tarification routière créée au sein de la direction générale des routes à l'été 2007.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Soyez précis : qui a rédigé l'évaluation préalable ?
M. Olivier Quoy. - Les conseils de l'État et l'équipe de la mission interministérielle pour la tarification routière. Les conseils de l'État ont été KPMG pour les aspects financiers, Clifford Chance pour les aspects juridiques, et les sociétés Rapp Trans, Algoé et Carte blanche pour les aspects techniques. Nous tenons à votre disposition le nom de toutes les personnes concernées.
Pour revenir sur les 231 millions d'euros avancés dans l'étude préalable, l'architecture relative aux équipements embarqués, à leur financement et à leur prise en charge n'était pas exactement la même. À la page 38, une petite note sur le système de perception indique bien que le coût des équipements embarqués pour les abonnés, évalué à l'époque à 96 millions d'euros, doit être ajouté et pris en compte dans l'investissement total. Deuxièmement, le chiffrage des investissements proprement dit ne comprend pas les coûts de portage financier, qui sont inclus dans les 650 millions d'euros évoqués. On compare donc 327 millions d'euros d'un côté, et 600 millions d'euros de l'autre, si l'on retranche les 50 millions d'euros de frais financiers. L'écart se réduit, même s'il reste significatif. Cet écart s'explique par plusieurs éléments.
Premièrement, le dimensionnement du système de contrôle automatique a évolué. Le réseau taxable que nous avons pris comme hypothèse n'est pas aussi étendu que le réseau retenu. Nous sommes partis avec environ 200 points de contrôle automatique fixes, dont seulement 120 environ sur des routes à chaussée séparée. La description technique des contrôles automatiques déplaçables était relativement floue, ce qui explique la variété des éléments proposés par les industriels. Une cinquantaine seulement de dispositifs déplaçables était envisagée. Une partie de l'écart s'explique donc par des différences en termes de volumétrie du dispositif.
Deuxièmement, les coûts unitaires retenus comportent, d'une part, une composante génie civil, normée, dont l'évaluation ne pose pas de difficultés et pour laquelle aucun écart n'a été constaté et, d'autre part, une composante relative à l'équipement électronique des portiques, qui a été assez significativement sous-évaluée à l'époque, à partir de retours d'expériences divers.
Enfin, le réseau de distribution des équipements embarqués et le service mis en place pour les fournir aux non-abonnés explique aussi cet écart. Il concerne dans l'évaluation préalable environ 200 points de distribution, dont la configuration de service n'a pas nécessairement été chiffrée en détail en l'absence de retours d'expérience suffisants, dans la mesure où des solutions différentes pouvaient être proposées. Il s'agit d'une estimation à grande masse qui s'est effectivement révélée sous-évaluée. C'est le poste qui a été le plus significatif dans les propositions initiales, mais que nous avons réussi à réduire.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Combien y a-t-il de points de distribution aujourd'hui ?
M. Olivier Quoy. - Il y a aujourd'hui 420 points de distribution, dont 330 sur le territoire national en dehors des autoroutes concédées, une cinquantaine sur les autoroutes et une quarantaine à l'étranger.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Qui a demandé ces évolutions ?
M. Olivier Quoy. - C'est lié à une exigence posée par la Commission européenne, pour laquelle n'importe quel véhicule doit pouvoir être équipé à n'importe quelle heure, en vertu du principe de libre circulation des marchandises. Elle exige un service à haut niveau de performance pour les utilisateurs exceptionnels.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Ces exigences n'auraient-elles pas pu être prises en compte dès le début ? Le choix de l'autre technologie aurait-il conduit à de semblables sous-évaluations ? Il me semble que non, puisqu'il ne s'agit pas du tout du même système. Il fallait peut-être plus investir d'entrée de jeu, mais il n'était pas nécessaire de fournir des équipements embarqués, n'est-ce pas ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le principe de libre circulation s'appliquait déjà au moment de l'évaluation préalable.
M. Olivier Quoy. - Ces exigences ne sont effectivement pas neuves mais leur chiffrage était délicat. Le déploiement en termes d'investissement sur le terrain peut se faire de différentes manières, et le choix était complètement ouvert. Pour distribuer les équipements embarqués, vous pouvez vous appuyer sur des bornes de distribution ou sur des services, via des garages, des stations-service, etc. Bien entendu, les coûts sont différents. Dans un cas, il y a beaucoup d'investissement, dans l'autre, c'est surtout du fonctionnement. Au départ, pour l'évaluation préalable, nous étions plutôt sur des services existants. Cela étant, en ce qui concerne ce service, la distinction entre la solution satellitaire et celle des micro-ondes à courte portée n'avait pas véritablement d'impact. Dans les deux cas de figure, si l'on est dans une logique de distribution d'équipements embarqués, il faut les infrastructures pour les distribuer.
Fallait-il avoir un système partiellement déclaratif, comme en Allemagne par exemple ? La distribution des équipements embarqués peut s'anticiper lorsqu'elle concerne la totalité des véhicules immatriculés en France, comme cela a été prévu. Dans le système allemand, qui permet au transporteur de déclarer un trajet sans avoir d'équipement embarqué à bord du véhicule, cette déclaration lui impose de s'arrêter à des bornes, de déclarer son trajet et ensuite de circuler dans un créneau horaire et sur un itinéraire préalablement déterminés. Cette solution nécessite l'implantation de bornes à tous les points d'entrée et de sortie du réseau. Il y en a à peu près 3 300 en Allemagne. En revanche, dans le cas français, il y en aurait eu un nombre plus élevé en raison de la structure du réseau, qui est plus hétérogène et qui n'a pas les caractéristiques autoroutières en termes d'entrée-sortie. Le système de déclaration personnelle n'est pas apparu comme pertinent car il aurait encore accru les coûts.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Si j'ai bien compris, nous sommes « embêtés » avec les véhicules étrangers : s'ils trichent, nous ne pouvons pas leur faire payer d'amende ou la taxe est éludée. N'aurait-il pas mieux valu avoir recours à des systèmes déclaratifs ou plus coercitifs aux entrées et sorties du territoire ?
M. Olivier Quoy. - Le système déclaratif n'aurait rien résolu, puisque la non-déclaration est tout à fait équivalente à l'absence d'équipement embarqué : de toute façon, il n'est pas envisageable dans le cadre européen d'arrêter les véhicules à l'entrée ou à la sortie du territoire pour vérifier les déclarations effectuées.
M. Ronan Dantec. - Vous avez été au coeur de l'évaluation des différentes offres. Je ne vais pas entrer dans la technique, mais nous pouvons imaginer que la solution satellitaire était la plus logique.
Vous êtes-vous posé la question de l'égalité de traitement entre les transporteurs, les gros et les petits, en ce qui concerne l'accès au système ? Avez-vous vu et analysé correctement cette dimension ?
Dans l'évaluation de projets aussi lourds, l'impact industriel ne peut pas ne pas être évalué, même si cela relève du non-dit. A-t-on envisagé de revendre ce produit ? Cette question a-t-elle été clairement abordée et comment ?
M. Olivier Quoy. - En ce qui concerne l'égalité de traitement, on peut démultiplier le problème. Nous n'avons pas étudié toutes les cas de figures possibles, mais c'est un point sur lequel la Commission européenne est très vigilante. Elle analyse toutes les discriminations possibles et toutes les modalités par lesquelles des distorsions pourraient être créées. L'avis de la Commission sur le projet remis à la fin de l'an dernier rappelle que nous avons fait un certain nombre d'études et de projets sur le traitement des abonnés et des non-abonnés, des étrangers et des Français, des conditions économiques de mise à disposition des équipements embarqués...
La totalité des coûts inhérents aux équipements embarqués n'est pas à la charge des transporteurs. Nous avons eu de nombreuses discussions avec les organisations professionnelles à ce sujet. Il peut y avoir des coûts annexes, d'immobilisation du véhicule dans un atelier lorsqu'une installation fixe est souhaitée ou des coûts de trésorerie en raison de la caution. Mais il s'agit de coûts très marginaux par rapport aux coûts des équipements embarqués, qui ne sont pas à la charge des redevables.
M. Ronan Dantec. - Il y a quand même une différence de 10 %, que vous avez estimée acceptable.
M. Antoine Maucorps. - Le montant refacturé aux transporteurs par les différentes sociétés habilitées au télépéage (SHT) de la taxe est le même pour tous. Il n'y a pas de différence en fonction du nombre de kilomètres parcourus. La remise de 10 % est valable pour tous, elle ne dépend pas de la taille des abonnés. La France bénéficie d'une situation favorable parce que quatre sociétés de télépéage interviennent sur les quinze concessions autoroutières. Aujourd'hui s'ajoutent deux acteurs supplémentaires. L'objectif de l'État a été de favoriser la concurrence entre les différentes SHT.
M. Ronan Dantec. - Si vous favorisez la concurrence entre les SHT, elles vont d'abord cibler les gros et non les petits, ce qui est une incitation à la concentration du secteur routier.
M. Antoine Maucorps. - Il existe des abonnements dont le coût est nul pour le redevable.
M. Ronan Dantec. - Les SHT peuvent toutefois refuser de d'attribuer la remise, non ?
M. Antoine Maucorps. - Sur les autoroutes, la remise liée à un abonnement est d'ordre commercial. Ici, elle est fixée par la loi dans la mesure où il s'agit d'une taxe.
M. Ronan Dantec. - C'est un système complet, je parle de l'ensemble de la chaîne.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Qui a décidé du montant de douze centimes par kilomètre ?
Je reprends la page 38 de l'évaluation préalable. Il serait intéressant que nous disposions du coût de déploiement et de mise en service, des résultats obtenus avec la même ventilation.
M. Olivier Quoy. - Nous avons le montant décomposé actualisé et nous vous le transmettrons.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous aurez bien listé tous les points de dérive ?
M. Olivier Quoy. - Nous vous communiquerons les éléments les plus détaillés avec le même découpage en grands postes.
Concernant l'impact industriel sur lequel M. Dantec nous a interrogé, il est bien évidemment inenvisageable, dans le cadre d'une procédure de dialogue compétitif à visée européenne, d'avoir la moindre priorité nationale. Le choix qui a été fait de s'inscrire pleinement dans la directive Interopérabilité permet en revanche aux industriels français de se développer puisque la France est le premier et le seul pays à avoir mis en place un système interopérable. Dès 2007, lorsque le télépéage inter-sociétés poids lourds se met en place, certes de manière commerciale et non réglementaire, des sociétés françaises s'organisent pour permettre le paiement unifié sur la quinzaine de domaines à péages constitués par nos autoroutes concédées ; c'est l'embryon de l'architecture interopérable au niveau européen. Ces sociétés de télépéage sont historiquement chez nous des acteurs français, même si le système concédé s'est ouvert aujourd'hui. C'est par le choix de l'ouverture que nous pouvions favoriser le développement d'acteurs français dans ce domaine. Et c'est aujourd'hui pour ces acteurs, qui ont fait des investissements considérables, que la situation est la plus critique. Pour permettre à ces acteurs de se développer au niveau industriel, il a été décidé de ne pas figer les exigences en matière d'équipements embarqués, la fourniture et la conception sont donc libres. Aujourd'hui, il y a trois fournisseurs d'équipements embarqués et non uniquement ceux d'Écomouv' sur le marché. Les industriels ont investi dans une technologie dans le but d'aller au-delà, cet au-delà étant l'Allemagne, mais pas forcément tout de suite.
M. Antoine Maucorps. - Les études préalables sur la motivation de mettre en place cette redevance suivant le principe de l'« utilisateur-payeur » sont parties du constat assez ancien que les taxes payées par le transport routier de marchandises ne couvraient pas l'ensemble des coûts d'usage, avec un manque à gagner d'un milliard d'euros. Selon un des principes mis en place par la directive Eurovignette, il n'est pas possible, en mettant en place une telle redevance, de dépasser les coûts d'usage. En France, l'évaluation transmise à la Commission européenne a reçu un avis favorable à la fin de l'année dernière, et conduit à un coût de 16 centimes environ par kilomètre, montant maximum qui pourrait être affecté aujourd'hui à l'écotaxe. Le montant choisi en 2008 de 12 centimes par kilomètre correspondait à une recette de 1,2 milliard d'euros, qui était le montant nécessaire pour mettre en place, de la façon la plus proche possible de la réalité, le principe « utilisateur-payeur ». Aujourd'hui, après réévaluation, le montant des tarifs moyens à partir du 1er janvier 2014 est de 13 centimes, pour une recette attendue globale de 1,15 milliard d'euros.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je découvre cette réévaluation à 13 centimes...
M. Antoine Maucorps. - Les chiffres ont été publiés par arrêté.
M. Michel Teston. - Il est très important d'obtenir des explications sur les écarts de coûts constatés par rapport aux évaluations initiales. Une autre solution technique n'aurait peut-être pas coûté moins cher à la collectivité, mais pouvez-vous revenir sur la comparaison entre l'externalisation et le marché global ? Quelles sont les conditions formulées par le Conseil d'État dans son avis sur l'externalisation et ont-elles été scrupuleusement respectées ?
M. Olivier Quoy. - Les éléments présentés en termes de coût du dispositif correspondent à des évaluations unitaires, c'est-à-dire le coût d'un équipement embarqué, d'un portique, chiffrées indépendamment de la manière dont les éléments allaient être réalisés. Que les blocs soient pris globalement ou séparément, le coût unitaire du bloc ne change pas. Ce qui change est la durée de passation, les coûts de contractualisation... Les seules différences sont visibles après, dans le cadre du financement global car, dans un contrat de partenariat, il y a un préfinancement et donc, un coût de portage financier qui apparaît et s'ajoute. Au niveau purement technique, la comparaison bloc à bloc, quel que soit le mode de réalisation contractuelle, n'a donc pas d'incidence.
Sur les autres solutions, il n'y a pas d'alternative tant qu'on reste dans le principe « utilisateur-payeur ». Si on s'écarte de ce principe, on peut retomber sur les accises sur les carburants, sur les vignettes qui ne nécessitent pas la même technologie pour la collecte, mais on ne collecte alors pas la même chose. En particulier, les vignettes encadrées par la directive Eurovignette et plafonnées conduisent à des ressources très nettement inférieures. S'agissant des accises sur les carburants, nous ne sommes pas sur les mêmes coûts de déploiement car nous ne sommes pas sur le même principe. Le principe « utilisateur-payeur » nécessite des technologies qui visent à identifier de manière précise les trajets, ce sont les technologies que l'on connaît.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pourquoi avoir demandé l'installation de six portiques sur le réseau non taxable ?
M. Olivier Quoy. - C'est une partie de la réponse sur le contrôle des étrangers. Pour assurer la perception auprès des redevables étrangers, l'interopérabilité avec les sociétés de télépéage est un premier élément de réponse. Aujourd'hui, une majorité de véhicules étrangers ont des abonnements de télépéage. Via les abonnements, avec le schéma de responsabilité qui est mis en place, la taxe sera collectée. Elle est garantie par les SHT et Écomouv'. Il n'y a pas de problème de non-recouvrement pour les abonnés. Subsiste le problème des non-abonnés qui peuvent ne pas prendre d'équipements embarqués ou ne pas se déclarer, ce qui est exactement la même chose. Pour ces véhicules-là, il est difficile de les poursuivre. Il faut donc faciliter le contrôle manuel de ces véhicules non immatriculés en France, que les agents des douanes, de la police, des contrôleurs de transports terrestres (CTT) auront pour mission d'intercepter. Le procédé retenu au niveau technique est d'installer des dispositifs de contrôle automatique à certains points stratégiques, en proximité d'une barrière de péage, c'est-à-dire de points où les véhicules peuvent être arrêtés plus facilement. Les portiques donnent un moyen d'information rapide, visuel, sur la nature éventuelle d'anomalies qui auraient été repérées précédemment. C'est une aide au ciblage de véhicules qui est fournie aux agents et améliore l'efficacité du contrôle à pied. Ces dispositifs de contrôle automatiques ne fonctionnent pas en continu et en temps réel. Ils n'ont que pour objet d'informer les agents à pied d'une anomalie par l'émission d'un signal visuel.
Il y a en effet six portiques de ce type aux principaux points d'entrée du territoire et éventuellement décalés comme sur l'A8 dans le sud de la France car la frontière est complexe au niveau géométrique.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Pourquoi refaire des portiques et ne pas mettre ce système de contrôle directement aux barrières de péage ?
M. Olivier Quoy. - Au péage, il n'est plus possible de retenir les véhicules. Il est nécessaire d'avoir l'information visuelle avant l'arrivée à la barrière pour éventuellement intercepter le véhicule. En outre, le développement du péage sans arrêt est bien engagé pour les poids lourds. Si on mettait un système de contrôle directement aux barrières de péage sans portique placé avant, l'interception des véhicules obligerait les concessionnaires à stopper le péage sans arrêt, ce qui est problématique.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Quand le véhicule est déjà sur autoroute, les douanes doivent savoir l'arrêter.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous avez dit que ce contrôle ne concerne que les camions étrangers ?
M. Olivier Quoy. - Le portique ne fait pas de distinction entre véhicule français et véhicule étranger. Il signale tout véhicule en anomalie. Il appartient ensuite aux agents sur place de compléter leur ciblage.
M. Antoine Maucorps. - Nous avons été assez peu diserts jusqu'à maintenant sur les méthodes de contrôle qu'on envisage. Il n'est en effet pas de l'intérêt de l'État de rentrer trop dans le détail des différentes stratégies de contrôle mises en place. Il est toutefois public que l'on a cinq types de contrôle différents. Il y a les contrôles automatiques fixes, les portiques que tout le monde connaît. Il y a des dispositifs de contrôle automatique déplaçables qui, pour un investissement moindre, permettent d'avoir une couverture de points de contrôle divers sur le territoire avec une moindre prévisibilité pour les éventuels fraudeurs. Ces deux dispositifs de contrôle automatiques sont exploités par Écomouv'. Ensuite il y a deux formes de contrôle sur le terrain : le contrôle à pied avec les quatre forces qui contrôlent les poids lourds et le contrôle manuel mobile avec un dispositif qui doit équiper certains véhicules des douanes et qui pourra contrôler des véhicules en circulation. Il faut rappeler que le contrôle à pied présente comme limite la nécessité d'arrêter les poids lourds, ce qui est une opération extrêmement lourde. Le cinquième dispositif de contrôle est le contrôle a posteriori en entreprise par les douanes et les CTT, mais qui ne concerne que les redevables français. Enfin, pour compléter ce point sur le contrôle vis-à-vis des étrangers, les douanes développent des accords inter-administrations avec les douanes européennes. Évidemment, ces accords ne sont envisagés que pour des montants significatifs. En cas de fraude systématique de véhicules étrangers, le contrôle automatique enregistrant les plaques d'immatriculation permettra de déclencher des interventions, y compris à l'étranger si nécessaire.
Il y avait une question à laquelle nous n'avons pas répondu sur l'encadrement d'Écomouv'. Je ne pense pas avoir dit qu'il y avait trois conditions dans l'avis du Conseil d'État du 11 décembre 2007. Il impose également un encadrement du prestataire. Il a bien évidemment été suivi, d'abord dans la description, qui est dans l'article 153 de la loi de finances pour 2009, des missions externalisables et de celles qui ne le sont pas, comme, en particulier, le contrôle physique qui reste aux forces de l'ordre ou le recouvrement forcé qui reste du domaine des douanes. Ensuite, ce commissionnement a été précisé par un décret en Conseil d'État, à l'instar de la quasi-totalité de la vingtaine de décrets pris en application de la loi sur l'écotaxe. Ce décret sur la définition du commissionnement a été revu et en partie rerédigé par le Conseil d'État qui nous a beaucoup aidé à bien préciser ce qu'il était possible de faire et la façon dont l'État devait contrôler. Un des points notables est que les missions externalisées au partenaire privé titulaire du commissionnement ne peuvent pas être sous-traitées par ce même partenaire privé. Cela recouvre notamment toutes les missions qui nécessitent d'avoir accès aux données fiscales, y compris le centre d'appel puisqu'un redevable peut demander des informations sur son cas précis et peut demander à payer un manquement. Cette obligation du partenaire privé à assurer lui-même ces fonctions explique le nombre de personnels embauchés ou en prévision d'embauche par la société Écomouv'.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je voudrais revenir sur le coût global de ce dossier. Vous avez proposé de nous faire un tableau avec les dérives et le pourquoi des dérives à partir du chiffre de 231 millions d'euros avec la technologie satellitaire. Je suppose que vous pouvez nous produire la même chose avec l'autre technologie étudiée, qui a dû subir le même type d'investigations, modifications et avenants au cours du dialogue compétitif. Aura-t-on les mêmes informations pour l'autre technologie ?
M. Olivier Quoy. - Non. Il faut bien comprendre que toute la procédure de dévolution du contrat, y compris le dialogue compétitif, reposait sur des spécifications ouvertes. Les candidats étaient libres de choisir la technologie avec laquelle ils voulaient répondre. Il se trouve que nous n'avons eu que des réponses en technologie satellitaire. Tout au long du dialogue, nous avons permis un retour en arrière et laissé possible un changement de technologie. On ne l'a pas observé. Au cours du dialogue compétitif, nous n'avons eu exclusivement que des éléments sur la technologie satellitaire.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Mon autre question porte sur les loyers versés à Écomouv'. Lors de leur première audition publique, ils ont ainsi réparti le montant du loyer annuel : 96 millions d'euros de rémunération fixe, 47 millions d'euros de frais de maintenance, 8 millions d'euros de gros entretien et 64 millions d'euros de rémunération variable. Est-ce que vous pouvez nous expliquer quels sont les éléments de variabilité de cette rémunération de 64 millions d'euros ?
M. Olivier Quoy. - La rémunération variable vise à couvrir les coûts, et notamment les coûts d'exploitation du dispositif. Ce qui détermine les coûts d'exploitation dans le dispositif satellitaire, c'est en premier lieu le volume de communications entre les équipements embarqués et les systèmes centraux. À chaque franchissement de points de tarification, il y a un volume de transmission d'informations qui est l'un des principaux coefficients directeurs des coûts d'exploitation. Ensuite, vous avez les équipements embarqués qui sont rémunérés pour le service qu'ils procurent, et évidemment dans la mesure où ils fonctionnent. Aucune rémunération n'est due à Écomouv' pour un équipement embarqué qui est laissé dans un garage. En ce qui concerne le système de distribution, c'est-à-dire la délivrance des équipements embarqués aux redevables, chaque opération (délivrance, retrait, récupération) a un coût qui est aussi couvert par cette rémunération. Ensuite, nous avons les coûts des garanties exigées de la part d'Écomouv' vis-à-vis des sociétés de télépéage et de la part de l'État vis-à-vis d'Écomouv'. Ce sont des garanties financières à première demande qui sont calées sur le volume de la taxe, en règle générale les encours mensuels. Les coûts de ces garanties sont liés à ces encours et varient en fonction des volumes, des transactions, etc. Enfin, vous avez une dernière partie qui concerne le volet performance. L'État paye à Écomouv' des bonus ou pénalités qui sont dimensionnés en fonction de l'atteinte ou non des objectifs de performance prévus au contrat. Voilà schématiquement la part variable de la rémunération liée à l'exploitation.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il y aurait beaucoup à dire. Il faudrait qu'on parle de la créance « Dailly » qui a été sensiblement accrue au cours du dialogue compétitif. C'était une observation de la Mappp dans son deuxième rapport du 13 octobre 2011 dont il n'a pas été tenu compte. On y reviendra après. Je voudrais profiter de la présence du Président Sueur pour qu'il puisse vous interroger.
M. Jean-Pierre Sueur. - Merci, madame la présidente. Je reviendrai sur certains points évoqués par vous-même et par madame le rapporteur. Vous avez tout à l'heure dit qu'en quelque sorte, il y avait des incertitudes quant aux manières de procéder qui avaient conduit à mettre en place un dialogue compétitif. Traditionnellement, on considère que quand la puissance publique veut mettre en oeuvre un projet, elle définit celui-ci, puis s'emploie à trouver des acteurs pour le réaliser. Avec le dialogue compétitif, tout change. Il n'y a pas une règle du jeu au départ et des concurrents. Il y a des concurrents qui sont coproducteurs de la règle du jeu. À chaque moment, la règle peut changer. C'est la nature du dialogue compétitif. Je ne réussis pas à savoir ce qui s'est exactement passé. Vous allez nous éclairer. Le dialogue compétitif suppose que les candidats puissent faire des propositions. Nous allons avoir le calendrier global du processus nous expliquant comment chaque proposition nouvelle a été faite et comment elle a été signifiée à l'ensemble des concurrents, de telle manière que chaque concurrent soit, à chaque étape, au même niveau d'information, comment, par un processus itératif, on a avancé de suggestion en suggestion jusqu'à une décision finale. Certains auditionnés nous ont dit que les différentes propositions des différents candidats avaient été examinées successivement. D'autres nous ont dit qu'il en avait été tenu compte et que l'État avait in fine présenté un cahier des charges corrigé eu égard aux propositions faites. Qu'en est-il exactement ?
Deuxièmement, êtes-vous intimement persuadés que le partenariat public-privé en l'espèce était une bonne méthode ? Quels sont les arguments décisifs qui ont fait que ex ante, alors qu'on ne savait pas qui serait candidat au PPP ou qui serait candidat à un marché classique, il a été décidé que le mieux serait qu'il y eût un partenariat public-privé ? Êtes-vous à l'aise avec cela ? N'était-ce pas un pari pascalien ?
Enfin, dernier mot, j'ai appris au fil des séances que les fameux portiques servaient uniquement à contrôler, mais en rien à percevoir la taxe. Était-il absolument nécessaire d'installer tous ces portiques pour contrôler ? Ne pouvait-il pas y avoir divers types de contrôle, ne serait-ce par les forces de la police nationale ou de la gendarmerie, qui eussent épargné à notre vue ces portiques, à ceux qui veulent les éliminer la tentation de le faire et à la collectivité publique de dépenser quelques sommes que l'on eût pu investir dans d'autres champs ?
M. Antoine Maucorps. - S'agissant du choix du dialogue compétitif et sur la façon dont il a pu être conduit, sans rentrer dans le détail, puisque nous vous communiquerons des éléments écrits plus précis sur le déroulé, je rappellerais simplement qu'il permet de faire évoluer la règle du jeu et même d'avoir un cahier des charges différent entre les acteurs, ce qui peut rendre la comparaison des offres particulièrement difficile.
M. Jean-Pierre Sueur. - Des cahiers des charges différents selon les acteurs ?
M. Antoine Maucorps. - C'est possible, mais ce n'est pas ce que nous avons fait.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est grave car, personnellement, j'avais compris que le dialogue compétitif permettait aux différents concurrents de faire des suggestions, qui étaient retenues ou non, mais que, à tout moment, les candidats, étaient à égalité. Il n'y avait donc pas une solution sur mesure pour chaque candidat mais une solution soumise à l'ensemble des candidats, fût-elle évolutive.
M. Antoine Maucorps. - Le dialogue compétitif est une procédure très souple, néanmoins, nous n'avons pas utilisé toute la souplesse offerte par ce mécanisme. Nous aurions pu l'envisager si nous avions eu des offres avec des propositions technologiques différentes. Dans ce cas, nous aurions peut-être pu avoir besoin d'un cahier des charges plus fin ou plus compliqué. Mais cela ne s'est pas passé ainsi.
La publication de l'appel à candidature date du 5 mai 2009. Nous avons reçu les candidatures en juin. Nous avons choisi les candidats à l'automne. Nous avons eu une première rencontre avec l'ensemble des candidats. Quatre candidats ont participé à la procédure de bout en bout. Nous avons tenu à ce que chaque audition se fasse dans des délais courts, en deux jours, soit une demi-journée par candidat. Chaque réunion s'est déroulée dans les mêmes conditions : même durée, mêmes sujets et même ordre du jour pour tous les candidats.
Nous avons demandé, à la fin de l'année 2009, une proposition initiale, qui a été remise en janvier 2010 par chacun des quatre candidats. À partir de là, nous avons fait des auditions thématiques sur les sujets techniques pour comprendre leur offre et corriger certaines incompréhensions et en vue d'adapter notre cahier des charges, comme par exemple sur les dispositifs de contrôle automatique, dont nous avons constaté qu'ils étaient plus chers que prévu. Nous avons donc optimisé notre cahier des charges en réduisant le nombre de portiques jusqu'à obtenir un compromis qui nous paraissait le plus efficace possible par rapport à une « pression de contrôle » souhaitable. Il faut noter que si l'on réduit trop la « pression de contrôle » et que l'on a 1 % de fraude supplémentaire, on va perdre 10 millions d'euros de recettes par an, soit un peu plus de 115 millions d'euros sur la durée du contrat.
Nous avons également dû effectuer un arbitrage entre le temps passé à conduire la procédure et la précision du cahier des charges. Le dossier de demande pour les offres finales était strictement identique pour les quatre candidats. Il leur a été remis en juillet 2010. Nous avons alors pu établir le classement entre trois offres, la quatrième offre n'étant pas recevable.
Nous vous transmettrons le calendrier exact de toutes les réunions qui ont été tenues. Le fait de recourir à un dialogue compétitif nous a permis de faire une demande d'offre finale en juillet 2010 et non en mars 2009 au moment où nous avons lancé la procédure.
M. Ronan Dantec. - Vous avez insisté sur l'importance des sociétés de télépéage, y compris dans une logique industrielle. Dans les offres, y avait-il des différences notables dans le lien entre le prestataire à qui l'on confie la perception de la taxe et les sociétés de télépéage ? Dans certains consortiums, y avait-il des sociétés privées qui auraient pu se retrouver des deux côtés, à la fois dans le consortium de perception et dans la société de télépéage ?
M. Antoine Maucorps. - La société de projet, aujourd'hui Écomouv', n'a pas le droit d'avoir de participation dans une autre société, en particulier une société de télépéage. En revanche - et ce n'est pas interdit -, une société de télépéage et le collecteur peuvent avoir des actionnaires en commun. Cela aurait été le cas quel que soit le candidat retenu.
Nous souhaitons par ailleurs que la majorité des transporteurs recourent au service d'une société de télépéage. Autrement dit, du jour au lendemain, 600 000 véhicules seront abonnés en majorité et le marché va se figer. Dès lors, si on laisse ce marché trop libre, trop ouvert, nous aurions pu constater, a posteriori, des dérives. C'est pourquoi, le cahier des charges prévoyait que le titulaire du contrat de partenariat avait l'obligation de signer un contrat cadre s'il était demandé par une société de télépéage. C'est ce que l'on appelle aujourd'hui le contrat type qui existe sous trois options différentes, suivant que l'équipement est fourni ou non par Écomouv'.
M. Ronan Dantec. - L'offre est-elle toujours de même nature ?
M. Antoine Maucorps. - Le contrat type était le même, au dossier de demande d'offres finales (DDOF), pour les quatre candidats. La différence est le montant de la rémunération, mais ce montant, toutes choses égales par ailleurs, est désormais le même pour toutes les sociétés de télépéage.
M. Francis Grignon. - Je viens de l'industrie où l'on m'a appris que la précision coûte cher. À cet égard, une déclaration faite lors d'une précédente audition me trouble. Il m'a semblé comprendre que l'on demandait un minimum d'erreurs, de l'ordre de un pour un million. Est-ce exact ? Cela rejoint la question du président Sueur : est-il bien utile de construire des portiques pour obtenir des taux aussi faibles ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le taux de un pour un million ne concerne pas les véhicules en infraction, mais les impulsions, c'est-à-dire le franchissement d'un point de tarification.
M. Antoine Maucorps. - Effectivement, il y a un taux d'erreur qui doit être inférieur à un pour un million. Ce taux-là apparaît dans le cadre de l'homologation du dispositif - car le système est homologué, comme celui des radars automatiques - afin de pouvoir assurer l'inversion de la charge de la preuve. Ce taux n'est pas le taux de fraude visé.
En cas de doute dans le dispositif, on ne va pas notifier de manquement au redevable. En réalité, à chaque fois que l'on va notifier un manquement, on sera sûr - à raison d'un pour un million - que ce manquement est réel. Ce taux assure au redevable que la facture qu'il reçoit sera juste.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous avez évoqué la vérification en service régulier (VSR) et vous avez parlé de « vérification dans des conditions de volume normales ». Qu'entendez-vous par là et estimez-vous qu'elles sont aujourd'hui réunies ?
Ce dossier a connu beaucoup de modifications. La Mappp a émis des réserves lors de la remise de ses deux avis. En avez-vous tenu compte ?
Avec la récente suspension, compte tenu de la complexité et de l'importance de ce dossier, je suppose que les ministres ont dû se tenir informés. Avez-vous rédigé des notes ? Sur quels sujets ? Pourrez-vous nous les transmettre ?
Des paiements sont-ils intervenus d'Écomouv' vers l'État, notamment dans le cadre de l'occupation des locaux de Metz ?
M. Antoine Maucorps. - La VSR reste une phase de tests. On ne demande pas aux futurs redevables de faire les tests. C'est une situation qui est représentative de la réalité, ce sont donc plutôt des tests en volume. Pour ce qui est, par exemple, du nombre de données remontées au système central, cela se fait par des simulations. Pour vérifier la capacité du système central, il n'est en effet pas nécessaire de disposer de 600 000 véhicules équipés et émettant des données. Sur ce sujet, nous sommes en train d'étudier le rapport remis par Écomouv'. Nous allons y répondre dans quelques semaines mais, à ce stade, il n'y a pas d'inquiétude particulière sur la qualité du travail réalisé par Écomouv'.
M. Olivier Quoy. - Nous avons suivi l'avis de la Mappp relatif à l'étude préalable sur les deux points précités. Le premier point portait sur la criticité du délai de réalisation, notamment l'incitation permettant à l'État de trouver, dans le cadre du dialogue compétitif notamment, les moyens de responsabiliser les candidats en termes de délai de réalisation et de trouver toutes les optimisations possibles.
Le deuxième point concernait l'autorité chargée d'émettre un avis au nom du ministre des finances et du budget, sur le contrat de partenariat, avant sa signature. En 2008, au moment de la rédaction de l'évaluation préalable, nos analyses juridiques ont conclu, sur le fondement des circulaires de 2005 et 2006 du ministère des finances, qu'il revenait au contrôleur budgétaire et comptable ministériel de donner l'avis final avant la signature du contrat. Lorsque, peu de temps avant la signature, ont été posées les questions de couverture et de sécurisation des établissements financiers en cas de nullité du contrat - sujets auxquels la Mappp a bien entendu été associée en réunion interministérielle - est apparue la nécessité de saisir formellement cette dernière pour qu'elle donne un avis. Cette modalité, prévue par un décret de mars 2009, nous avait échappée d'autant plus que rien ne figurait en ce sens sur le site Internet de la Mappp et ce point n'avait d'ailleurs pas été soulevé lors de nos échanges avec celle-ci. Cette saisine n'a pas posé de problèmes particuliers dans la mesure où la Mappp disposait de tous les éléments relatifs au contrat à toutes les phases du dialogue, y compris les offres finales - la Mappp étant le service instructeur des mécanismes financiers de garantie de l'État, dans le cadre du plan de relance de 2009, qui lui avait permis d'instruire certains éléments puisque le recours à cette garantie était permis dans le dossier d'offres finales.
Nous nous sommes retrouvés dans une situation un peu délicate dans la mesure où certains éléments au sein de la Mappp n'ont pas pu être complètement suivis. Un certain nombre de questions, dont certaines sont mentionnées dans l'avis du 13 octobre 2011, n'avaient pas lieu d'être puisqu'elles avaient déjà trouvé des réponses. C'est le cas, en particulier, de la mise à disposition et de son lien avec la cession « Dailly ». Cette question ne figure pas à l'article 22 du contrat, qui fixe la date de mise à disposition du dispositif mais ne précise pas les conséquences qu'emporte l'atteinte de cette date. C'est à l'article 41, relatif à la cession de créances, que le contrat indique que la cession est irrévocable dès l'achèvement des travaux, constaté par la mise à disposition qui a lieu à la fin de la VSR, destinée à s'assurer de la complétude du dispositif. Dans les actes d'acceptation de cession de créances « Dailly », vous retrouverez tous les éléments qui affermissent complètement la structure contractuelle. Nous étions effectivement confrontés à un délai court - je le reconnais tout à fait -, nous avons eu une réunion avec la Mappp, le 14 octobre 2011, pour clarifier un certain nombre de points, répondre à tous ces éléments et démontrer qu'il n'y avait plus de sujets majeurs. Par ailleurs, il convient de rappeler qu'entre l'offre finale et la signature du contrat, l'État ne peut modifier substantiellement les grands équilibres du contrat. En d'autres termes, un certain nombre de clauses résultant de l'offre des candidats ne pouvaient plus être revues. Nous estimons toutefois avoir répondu aux différentes questions soulevées par la Mappp.
S'agissant des clauses de refinancement, au-delà du fait qu'elles figuraient dans le dossier d'offres finales, cette question a fait l'objet de discussions avec la Mappp, dès le début de la procédure. Cette question met en jeu la durée du contrat. En l'espèce, il s'agit d'un contrat à durée relativement courte ; la question se pose différemment sur un contrat portant sur une trentaine d'années.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. L'article 9 de l'ordonnance du 17 juin 2004 prévoit une consultation obligatoire de la Mappp. Lorsque nous les avons auditionnés, ils nous ont indiqué avoir bénéficié d'un délai d'à peine 48 heures pour formuler leurs remarques sur le contrat. Ils ont fait des observations, non pas par rapport aux offres comme vous tentez de le dire, mais par rapport à la rédaction du contrat. Il est surprenant que vous n'ayez pas tenu compte des remarques de la Mappp, alors qu'il s'agit d'un PPP souscrit par l'État. On reviendra sur cette question par écrit, afin que vous nous donniez des éléments complémentaires. C'est un point qu'on ne peut pas éluder comme cela.
M. Olivier Quoy. - Nous disposons de tous les éléments de réponse nécessaires. Je ne les détaillerai pas maintenant.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - D'autant plus que la Mappp nous a indiqué ne pas être du tout associée à la décision de suspension du contrat. Vous-même êtes-vous associé à cette décision ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous n'avez pas répondu à ma question relative aux notes adressées aux ministres sur les dérives et les modifications substantielles du contrat.
M. Antoine Maucorps. - J'ai évoqué précédemment l'organisation de réunions interministérielles sur les points les plus importants. On pourra vous communiquer les comptes rendus. À notre niveau, nous rédigeons régulièrement des notes à notre direction générale. Une partie d'entre elles remontent ensuite au cabinet du ministre. Au-delà, je n'ai pas la visibilité nécessaire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Au cabinet du ministre des transports ?
M. Antoine Maucorps. - Généralement oui.
M. Éric Doligé. - La marge d'erreur possible était d'une sur un million, ce qui est supérieur aux exigences imposées à l'industrie automobile, afin d'obtenir l'homologation. Sur les marchés passés en Allemagne, Pologne ou Autriche, a-t-on demandé le même taux d'erreur ?
Vous avez indiqué que le délai de livraison prévu initialement au 20 juillet 2013 n'a pas été respecté. Comment voyez-vous la sortie ?
M. Antoine Maucorps. - Sur le taux d'erreur, ce n'est pas l'ensemble du dispositif qui est soumis à cette exigence mais certains éléments précisés par décrets et arrêtés. Il s'agit, par exemple, de s'assurer qu'une photo prise sur un portique parvienne bien dans le système central sans être déformée. Ce taux d'erreur, impressionnant mais ne portant que sur certains points du dispositif, a été obtenu puisque, aujourd'hui, les principales chaînes du dispositif sont homologuées.
M. Éric Doligé. - Mais à quel prix ? Ma question est de savoir si on est plus exigeant que d'autres sur les mêmes systèmes.
M. Antoine Maucorps. - Je n'ai pas la réponse sur les systèmes étrangers. Je communiquerai à la commission les éléments demandés.
Sur le retard, le contrat de partenariat prévoit une réalisation jusqu'à la date de mise à disposition qui marque donc l'achèvement complet du dispositif et qui se matérialise par la fin de l'étude, par l'État, du rapport de VSR. Aujourd'hui, on en est à cette dernière étape de vérification du contrat. La mise à disposition n'est toujours pas prononcée. On a aujourd'hui un peu plus de six mois de retard. Nous sommes en contact avec Écomouv' et je ne peux pas prédire la façon dont ceci va se terminer.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je n'ai toujours pas eu de réponse sur le fait qu'Écomouv' a ou n'a pas, à l'heure actuelle, payé des loyers pour les locaux occupés.
M. Antoine Maucorps. - Aujourd'hui, au titre du contrat de partenariat qui est la partie visible des échanges avec Écomouv', celle-ci n'a pas payé l'État et l'État n'a pas payé Écomouv'.
Pour la mise en oeuvre de ces dispositifs, Écomouv' a contractualisé avec les autorités locales de Metz. J'ai compris qu'ils avaient signé un bail avec Metz Métropole.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Metz Métropole n'est pas propriétaire des locaux. Écomouv' bénéficie d'une autorisation d'occupation temporaire de la part du ministère de la Défense.
M. Antoine Maucorps. - Vous avez eu la gentillesse de nous communiquer cette question auparavant. N'ayant pas les éléments pour y répondre, nous avons saisi le préfet de Moselle pour avoir ces informations.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Écomouv' nous a indiqué avoir payé un loyer à l'État au titre d'une autorisation d'occupation temporaire.
M. Antoine Maucorps. - Ce versement, s'il a eu lieu, ne fait pas partie du contrat de partenariat.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il s'agit effectivement d'une autre question. Nous souhaitons connaître quel rôle l'État a joué dans cette installation. Êtes-vous intervenus pour favoriser l'installation d'Écomouv' à Metz ? Tout ceci ne nous paraît pas très clair. Pourquoi Écomouv' a-t-elle choisi de s'installer à Metz ?
M. Antoine Maucorps. - Le choix d'implantation du service taxe poids lourds des douanes à Metz a probablement favorisé cette installation. Il existait la volonté de développer ou de maintenir des emplois publics à Metz. Je ne veux pas répondre à la place de la direction générale des douanes et droits indirects sur cette question. Il est vrai également qu'il a été indiqué à Écomouv' que, si leur centre d'exploitation était proche de ce service centralisé des douanes, c'était un avantage. Ensuite, Écomouv', comme elle nous en a informés, a comparé différents sites d'implantation possibles, a conduit des discussions avec les collectivités locales concernées et, au final, a choisi de s'implanter à Metz. La disponibilité de la base aérienne 128 et la proximité du service décentralisé des douanes ont probablement été des facteurs en faveur de ce choix mais rien n'a été imposé.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le choix d'Écomouv' était de bénéficier de la proximité avec le service des douanes, ce que je comprends bien.
Pouvez-vous nous indiquer si l'État a une part de responsabilité dans les deux premiers reports de la mise en oeuvre de la taxe poids lourds ? Estimez-vous que l'ensemble des décrets et arrêtés ont été publiés dans les délais ?
M. Antoine Maucorps. - Dans la conduite de ce type de projet, plusieurs chantiers sont conduits en parallèle. La question du retard se pose essentiellement au regard des pénalités de retard dues au titre du contrat. Ce point n'a pas été tranché. Il a été abordé avec Écomouv' avec laquelle nous avons des positions différentes sur ce sujet-là.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Entre Écomouv' et l'État ?
M. Antoine Maucorps. - Exactement. L'enjeu est de 8 millions d'euros par mois de pénalités, renforcé par le fait que le retard est supérieur à six mois ce qui est un élément important dans le cadre de ce contrat.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il faut distinguer le retard technique éventuel et le retard administratif, avec la publication des décrets et des arrêtés nécessaires. C'est une question sur laquelle il conviendra d'être précis.
Écomouv' a-t-elle déposé une garantie bancaire à la date d'entrée en vigueur du contrat ? Si oui, à combien s'élève cette garantie ?
M. Olivier Quoy. - Il y a plusieurs niveaux de garantie.
La première, et la plus importante, est la garantie de recouvrement des sommes facturées, qui doit en principe être mise en place deux mois avant la mise en service. Il a été considéré que cette garantie devait être établie avant même le début de l'enregistrement des redevables, c'est-à-dire en juillet 2013. Cette garantie se monte à 100 millions d'euros, soit un mois d'encours de la taxe. Du fait de la suspension, l'État a accepté qu'Écomouv' lève cette garantie, pour réduire les frais financiers. Cette garantie a aujourd'hui disparu.
Vient ensuite la garantie pour l'application des pénalités de retard, soit environ 48 millions d'euros. Cette garantie a été mise en place dans les temps par Écomouv' et subsiste encore aujourd'hui.
Enfin, existent d'autres garanties, dont les garanties de parfait achèvement, qui servent en cas de besoin pour corriger des défauts. Toutes ces garanties ont été mises en place par Écomouv'. Elles ne sont pas levées car tout ce qui concerne l'achèvement du dispositif n'est pas réglé.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Et jusqu'à quand jouent ces garanties par rapport à la suspension ?
M. Antoine Maucorps. - Ces garanties sont calées sur la date de mise à disposition. La suspension...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - ... vient compliquer les choses ! La suspension change quoi ?
M. Antoine Maucorps. - Aujourd'hui, la seule modification concerne la garantie des sommes recouvrées. Cette garantie sera rétablie avant la nouvelle mise en service de la taxe.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Avez-vous été consulté sur la suspension et ses conséquences sur le contrat de partenariat qui, lui n'est pas suspendu ?
M. Antoine Maucorps. - Nous informons régulièrement nos autorités de la situation et nous avons communiqué tous les éléments qui nous avaient été demandés. Nous n'avons jamais eu de question sous cette forme-là.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Avez-vous indiqué les conséquences précises, financières d'une telle suspension ? Je pense notamment à la créance « Dailly ».
M. Olivier Quoy. - Nous avons fourni des éléments détaillés sur ces points-là dans une certaine chronologie qui n'est pas forcément très antérieure à la suspension.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous avons cependant besoin de votre point de vue, de votre réponse écrite sur les sommes en cause si cette suspension continue. Je pense notamment à la créance « Dailly », aux investissements, aux loyers, aux pénalités. Il faut que vous nous répondiez très précisément. La plupart des personnes auditionnées vous ont cités. Vous avez tous les éléments d'appréciation, sur les engagements des uns et des autres et la manière dont ils sont exécutés. Aujourd'hui, la commission d'enquête ne peut s'arrêter au contrat de partenariat et nous devons rajouter les conséquences de la suspension sur ces questions-là.
L'État doit répondre d'ici le 20 mars 2014 sur la mise à disposition.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Le second avis de la Mappp spécifie qu'il y a des clauses avec « des incertitudes génératrices d'ambiguïté » et demandait à ce que soit rétabli « ce qui peut parfois apparaître comme un déséquilibre au détriment de la partie publique ». Nous avons besoin d'éléments précis sur ces questions et les réserves émises par la Mappp.
M. Antoine Maucorps. - La suspension de l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds n'a pas d'effet direct sur le déroulé du contrat. La créance « Dailly » est calée sur la date de mise à disposition qui est différente de la date d'entrée en service de la taxe et nécessairement antérieure. Si le dispositif est bien mis à disposition, le contrat est assez clair sur ce qui se passe après, mais on vous l'exposera.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous nous le direz, car il y a des sommes, je le répète, qui sont considérables. J'ai le compte rendu d'Écomouv' devant l'Assemblée nationale il y a quelques jours. Ils déclarent qu'ils ne sont pas en mesure de tenir ad vitam aeternam même si la mise à disposition a été clarifiée. Et comme nous l'a dit la direction générale des douanes et droits indirects, si l'on modifie en termes d'environnement administratif les décrets et arrêtés, cela demande des délais considérables, soit quatre à cinq mois. Nous avons besoin d'une réponse écrite sur l'application du contrat. La commission d'enquête doit vérifier la pertinence du choix d'un PPP, les engagements des uns et des autres, la réalisation de ces engagements de part et d'autre, ainsi que les implications en termes de finances publiques par rapport à la suspension.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Le contrat prévoit de mémoire que les entreprises puissent vérifier la facturation. La facture globale est illisible et assez invérifiable car très sommaire. La facture détaillée l'est tout autant par la somme d'informations qu'elle délivre sur une dizaine de pages, pour un seul camion. Je vois mal les entreprises contrôler les factures. Ce point a-t-il été abordé avec Écomouv' ?
M. Antoine Maucorps. - Il n'y a pas à ma connaissance d'obligation dans le contrat de fournir un service de vérification de la facture. Le montant n'est pas celui d'une facture commerciale mais d'une taxe. L'homologation, telle que définie par la loi, impose que le montant émis fasse foi jusqu'à preuve du contraire. Les informations qui sont des franchissements de point de tarification sont la description précise de la façon dont cette taxe est calculée.
Par ailleurs, la proposition que nous avons faite a été soumise à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Si nous avons l'obligation de donner des informations pour que le redevable puisse vérifier le montant de sa taxe, qui est un droit qu'on ne remet pas en cause, la CNIL est attentive au fait qu'on ne puisse favoriser l'usage de ces données à d'autres fins que l'établissement de la taxe. Aujourd'hui, je vous concède que les informations données ne permettent pas de le faire.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - C'est important tout de même. Même si ce n'est pas textuellement dans ce contrat, il me semble que tout contrat se doit de respecter la loi et tout contribuable doit pouvoir vérifier la taxe à laquelle il est assujetti. Aujourd'hui, les transporteurs routiers ne peuvent pas vérifier les montants de taxe qu'ils reçoivent.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - C'est pour cela qu'a été mise en place une forfaitisation pour la répercussion. Sinon, il aurait fallu embaucher beaucoup de personnes pour analyser la taxe payée et la façon de la répercuter sur le consommateur.
M. Antoine Maucorps. - Sur la répercussion qui est un sujet un peu éloigné du contrat de partenariat, quelle que soit la qualité des informations données, le sujet est intrinsèquement compliqué car les transporteurs chargent et déchargent leurs camions. Il est donc difficile de savoir à un instant donné quel client utilise le camion et pour quelle part.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - C'est pour cela que la forfaitisation a été choisie pour la répercussion.
M. Michel Cornil, vice-président d'Écomouv' nous a dit, lors de son audition, que le contrat prévoit que des factures détaillées sont transmises aux entreprises qui en font la demande, sous format papier ou électronique. C'était une des spécifications de l'État sur la structure de la facture.
M. Antoine Maucorps. - Aujourd'hui, nous considérons que cette demande du contrat est satisfaite par Écomouv'.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous entendrons les transporteurs sur ce point. Il est certain qu'il n'a pas été tenu compte de cette difficulté pour les petites et moyennes entreprises qui ne pourront rien vérifier sans que cela leur coûte très cher.
Qui a défini le réseau routier national et le réseau routier local soumis à l'écotaxe ?
M. Olivier Quoy. - La mission de la tarification a défini ces réseaux. Il y a plusieurs niveaux. Pour le réseau routier national, le choix initial résulte de la loi. La non-inclusion des autoroutes concédées à péages est une application stricte de l'encadrement communautaire qui ne permet pas de récupérer plus que les péages autoroutiers.
L'établissement du réseau routier local est fort de l'expérimentation alsacienne de 2006. Même s'il n'y a pas eu de collecte, cette expérience a jeté les bases de toute la réflexion sur le dispositif et, en particulier, du fait qu'on ne pouvait envisager la taxation d'un réseau sans se préoccuper des reports de trafic. Dès l'origine, dans la loi, apparaît ainsi la possibilité d'intégrer le réseau des collectivités locales. La loi fixe ce principe en s'appuyant sur la notion de report significatif qui nécessitait d'être précisée ultérieurement. Ces travaux ont été menés sous l'égide de la mission de la tarification, en partenariat avec les services déconcentrés du ministère de l'écologie, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) notamment et ont donné lieu à une concertation avec les collectivités territoriales, pilotée par les préfets de région.
Le 24 août 2009, le ministre de l'écologie a adressé un courrier aux préfets de région leur demandant d'engager un premier processus de concertation locale visant à associer le maximum d'acteurs, non seulement les collectivités locales, mais également les professionnels, les associations, éventuellement promoteurs de ce type de tarification. Carte blanche a été donnée aux préfets de région qui ont mené ces concertations en tenant compte des spécificités locales. À la fin de l'année 2009, nous avons eu, via les DREAL, des retours de ces échanges, qui ont permis à l'État de définir le réseau routier local à partir de modèles de trafic qui ont été partagés, et nous en avons utilisé trois. Le cadrage général est issu du commissariat général au développement durable (CGDD) avec le modèle « Modev ». Le service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra) a mis en place un modèle national et la mission de la tarification, un troisième modèle. Dans un deuxième temps, en mai 2010, les collectivités territoriales ont été saisies sur la base de propositions de délimitation du réseau local taxable, établi à partir des critères de la loi. Enfin, ont été menées des discussions avec les collectivités pour déboucher sur un décret en Conseil d'État mi-2011.
Je rappelle les grandes règles de cet arbitrage. Lorsqu'une collectivité était opposée à la taxation d'une de ses voies, alors même que les études montraient un risque de report, l'État n'allait jamais contre cette volonté - au moins deux collectivités étaient dans ce cas. D'autre part, nous n'avons pas toujours suivi systématiquement l'avis des collectivités, afin de sécuriser le décret constituant le réseau local. Les discussions, échanges, études ont duré deux ans. Le résultat final s'est fait aussi sous l'égide de l'Assemblée des Départements de France (ADF).
Notre réseau a des trous, mais il est relativement
cohérent, avec ses 15 000 km
- 10 000 km de voies
nationales, 5 000 km de voies locales -, et semble avoir bien
répondu à l'impératif de la loi d'essayer de limiter au
maximum les reports de trafic.
Comme ces éléments sont par nature imparfaits et non définitifs, il a été prévu dans le décret du 27 juillet 2011 fixant la consistance du réseau local et pour appliquer un engagement du Gouvernement, que ce réseau local puisse être révisé, environ un an après l'entrée en vigueur de la taxe. Le Sétra - maintenant le Céréma (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) - en charge de la collecte de ces études a déjà réceptionné un nombre assez important de comptages réalisés par les collectivités territoriales sur leurs réseaux.
M. Antoine Maucorps. - Sachant que la mission de la tarification, en accord avec le Sétra, a lancé une méthode permettant aux collectivités territoriales de disposer d'un guide pour réaliser ces comptages.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - La Mapp, toujours elle, avait suggéré que des services annexes soient associés aux investissements réalisés pour l'écotaxe. Cela a finalement été abandonné. Pour quelle raison ?
M. Olivier Quoy. - En fait, cela n'a pas été abandonné. Il y a deux éléments. D'abord, formellement, cela n'est pas abandonné puisque cela reste prévu dans le contrat, même s'il n'y a pas d'engagement initial de la part d'Écomouv'. Ensuite, pour nous, la notion de services annexes est plutôt orientée sur l'interopérabilité. Il est vrai que nous n'avons eu aucune proposition de services annexes rémunérés, que ce soit dans l'évaluation préalable ou lors du dialogue compétitif. Mais, à nos yeux, le premier service annexe, qui doit aussi avoir un bénéfice en termes de rémunération, c'est l'interopérabilité. Les échanges que nous avons eus avec la Mappp ont été dans ce sens. Pourquoi ? Plus l'interopérabilité se développera avec le mécanisme de rémunération que nous avons proposé, plus les équipements embarqués seront amortis par différents gestionnaires de réseau et donc, moins la charge résiduelle de ces équipements sera importante au niveau purement français. C'est pour cela que la principale mesure imposée dans le contrat - qui est traduite dans les contrats avec les sociétés de télépéage - est, après trois ans de fonctionnement en service courant, la réalisation par Écomouv' d'un audit des coûts des services de télépéage. L'objectif est de proposer des réductions de la rémunération de ces services, ces réductions étant compensées par un développement de cette interopérabilité et d'autres services, afin de nous permettre de réduire le coût de collecte. C'est prospectif, on ne peut préjuger de l'avenir. Mais dans les travaux auxquels nous participons au niveau européen, cette architecture est promue, justifiée et débattue. D'ailleurs, la Commission européenne défend ce principe puisque, s'il n'y a pas un intérêt économique à développer l'interopérabilité, alors celle-ci ne sert pas à grand-chose. Et cet intérêt économique ne peut passer que par le fait que les équipements embarqués sont mutualisés. Aujourd'hui, c'est le schéma qui a été construit au fil des réflexions et du dialogue et dont on espère tirer les fruits, mais dans un second temps.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - J'avais pourtant compris que le contrat de partenariat public-privé nous imposait un loyer fixe. Donc, où cela va-t-il se répercuter positivement pour l'État si le partenaire privé réalise des bénéfices supérieurs ou des moindres dépenses ?
M. Olivier Quoy. - La rémunération du service de télépéage est fixée dans le cadre du contrat, pour tout le monde et après avis de l'État. Ce n'est pas Écomouv' qui en tirera un bénéfice directement, c'est l'État qui révisera les prix du service, en traitant tout le monde de la même manière à service équivalent, et qui en tirera un bénéfice direct. On est sur la rémunération du service aux abonnés telle que prévue dans le contrat et telle qu'elle se répercuté sur les sociétés de télépéage.
M. Antoine Maucorps. - Il est important de noter que c'est le même montant qui est payé par l'État à Écomouv' et qu'Écomouv' reverse aux sociétés de télépéage. À l'inverse, quand ce dernier montant baisse, la remise revient à l'État.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Et l'effet d'aubaine des autoroutes, l'avez-vous chiffré ? Manifestement, ils vont bénéficier d'un trafic supérieur dans la mesure où il n'y aura plus d'intérêt pour les poids lourds à passer sur le réseau taxable écotaxe et à éviter les autoroutes.
M. Olivier Quoy. - Oui, madame la Présidente. Un certain nombre d'évaluations ont été faites. Le volume net d'augmentation des péages peut approcher quelques centaines de millions d'euros, peut-être 300 millions. Le chiffre de 400 millions d'euros qui a été avancé nous parait un peu exagéré. Cela dit, il faut le relativiser parce qu'il y aura des coûts supplémentaires engendrés par l'accroissement de la circulation des poids lourds. Évidemment, ces accroissements de coûts ne compensent pas la recette supplémentaire, j'en conviens. Après, la réflexion quant à la possibilité pour l'État de récupérer une partie de ces recettes supplémentaires se heurte à un certain nombre de questions juridiques et techniques. Là-dessus, je n'ai pas de pistes particulières.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - En ce qui concerne la remise à disposition de l'équipement à l'État à la fin du contrat de partenariat, je n'ai pas trouvé de trace dans le contrat de la vérification de sa mutabilité. Certes, il est dit que l'équipement doit être « non-obsolescent », c'est-à-dire que l'on doit toujours trouver sur le marché les pièces nécessaires pour le maintenir en état, mais cela est loin de signifier qu'on a toujours un matériel performant. J'ai l'impression que l'État va payer excessivement cher un matériel technologique de pointe qui ne sera plus vraiment de pointe quand on le récupèrera, à l'instar du dispositif allemand installé en 2004 et qui n'est plus aux normes d'interopérabilité.
M. Olivier Quoy. - Ce point-là est bien traité dans le contrat à travers un certain nombre d'aspects. Tout d'abord, dans l'article 61 qui concerne la remise à l'État en fin de contrat, une exigence est posée en termes fonctionnels : le dispositif doit être remis en l'état d'atteindre les performances qui lui sont imposées. Par ailleurs, tout au long de la vie du contrat, un programme et un plan de gros entretien et renouvellement sont prévus dont Écomouv' a la charge. Un audit du dispositif est prévu quelques temps avant la fin du contrat qui doit permettre à l'État d'avoir une idée précise de l'état du dispositif et, éventuellement, d'imposer à son partenaire les corrections ou les remises à niveau qui s'imposeraient. Ces clauses-là sont bien prévues.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Qui conduira cet audit ? Qui choisira l'organisme en charge ? L'État, un organisme privé ? Est-ce Écomouv' elle-même qui choisira ou qui réalisera ?
M. Olivier Quoy. - Le choix est précisé, mais je vous répondrai par écrit ultérieurement. L'État est de toute façon associé à cet audit et le suivra. À chaque fois, il y a toujours des mécanismes d'échanges en cas de désaccord.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous avons terminé. Merci d'avoir répondu à nos questions.
Audition de M. Laurent Trévisani, directeur général de SNCF Participations et directeur Stratégie du groupe SNCF
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous entendons M. Laurent Trévisani, directeur général de SNCF Participations et directeur de la stratégie du groupe SNCF. Nous avons souhaité vous auditionner afin de comprendre, d'une part, quelles ont été les circonstances, les conditions et les motivations de l'entrée de la SNCF dans le consortium Écomouv' et, d'autre part, quelles sont ses relations avec la société de projet Écomouv', à la fois en tant qu'actionnaire et en tant que cocontractant, et notamment comment la SNCF est rémunérée.
Enfin, nous avons noté avec intérêt qu'Écomouv' a déclaré le 29 janvier dernier, à l'Assemblée nationale, qu'elle pourrait assumer un report du système de l'écotaxe « jusqu'à la fin de l'année ». Qu'en pensez-vous ?
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Laurent Trévisani prête serment.
M. Laurent Trévisani, directeur général de SNCF Participations et directeur Stratégie du groupe SNCF. - Je souhaiterais tout d'abord présenter brièvement SNCF Participations, dont je suis le directeur général. Le groupe SNCF est constitué d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et d'environ 900 filiales qui portent l'ensemble des activités du groupe. Ces filiales sont majoritairement rassemblées et placées sous une holding commune qui s'appelle SNCF Participations et qui est détenue à 100 % par l'EPIC SNCF.
SNCF Participations est une société dont les fonds propres sont supérieurs à 2 milliards d'euros et dont l'actif principal est constitué par la détention dans les différentes filiales. C'est donc la structure la plus appropriée, compte tenu de sa mission, pour porter la participation de la SNCF dans la société Écomouv' SAS.
Courant 2009, la SNCF a été approchée par la société Autostrade per l'Italia, qui souhaitait s'entourer de différents partenaires, notamment industriels, pour participer à la procédure de dialogue compétitif engagée avec l'État. Nous avons étudié la proposition qui nous a été faite et avons considéré que, sur un plan stratégique, il y avait un intérêt à poursuivre.
Cet intérêt stratégique repose sur plusieurs raisons. SNCF souhaite être un acteur du développement de nouvelles opportunités dans le secteur de la mobilité et pas seulement dans son activité historique, le transport ferroviaire. Elle souhaite également acquérir un savoir-faire auprès d'entreprises européennes de premier plan en matière de conception et de déploiement de collectes électroniques et, en l'occurrence, Autostrade est un leader européen dans ce domaine.
Notre dialogue s'est poursuivi tout au long des années 2009 et 2010. Au sein de notre groupe, nous avons mené une instruction détaillée sur ce projet. Nous avons ensuite considéré que nous avions un intérêt à prendre une participation de 10 % dans la société Écomouv' SAS. En revanche, nous n'avons pas souhaité prendre une participation dans la société Écomouv' D&B, qui a conçu et construit le système.
Notre participation est minoritaire, conformément au règlement de la consultation, qui prévoit qu'Autostrade reste majoritaire à hauteur de 70 %. Compte tenu des montants des investissements à réaliser, une participation de 10 % conduit à un engagement de notre part à hauteur de 15 millions d'euros en fonds propres et quasi-fonds propres.
Il faut préciser qu'au sein de la SNCF, nous avons institué un process de validation des engagements. Ainsi, la prise de participation au sein d'Écomouv', en tant qu'opération d'acquisition de titres, doit faire l'objet d'une validation par le comité des engagements de l'entreprise. Ce comité est présidé par le directeur général délégué stratégie développement. Il assure un premier niveau de validation. En outre, conformément à un décret de 1983, les opérations de périmètre sont soumises à l'avis d'une mission de contrôle économique et financier. Enfin, le conseil d'administration de SNCF Participations a délibéré sur cette prise de participation. À votre requête, nous vous avons transmis le procès-verbal de la réunion lors de laquelle il s'est prononcé.
Au cours des années 2009, 2010 et 2011, le comité des engagements a validé cette participation à deux reprises, d'abord au stade de l'appel d'offres puis une fois que le consortium dont nous faisions partie s'est vu attribuer le marché, ce qui nous a conduits à prendre une participation dans la société de projet qui a, alors, été créée.
Au sein d'Écomouv', le groupe SNCF a deux rôles. D'abord celui d'actionnaire avisé, à hauteur de 10 %, mais aussi celui de sous-traitant. Deux de nos filiales effectuent des opérations, directement ou indirectement, pour Écomouv'. Geodis assure la logistique des équipements embarqués, pour un montant d'environ 6 millions d'euros. SNCF Infra, en sous-traitance de Thales, assure la maintenance des dispositifs de contrôle fixes, pour un montant de 36 millions d'euros. Au total, la SNCF perçoit environ 42 millions d'euros sur la durée d'exploitation du dispositif.
La rémunération de la SNCF a donc deux composantes. En tant qu'actionnaire, nous avons vocation à percevoir des dividendes, mais également des intérêts au titre des apports d'actionnaires, la dette dite subordonnée. En tant que sous-traitant, nous réalisons une marge sur les contrats commerciaux signés par nos filiales.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Dans le cadre des intérêts stratégiques de votre participation au sein du consortium, vous avez affirmé vouloir développer votre savoir-faire en matière de déploiement des systèmes électroniques, avec une visée européenne. Pourtant, vous n'avez pas souhaité entrer dans le capital d'Écomouv' D & B qui a conçu le système. Je ne comprends pas bien ce choix. Vous souhaitez vous consacrer à la maintenance des systèmes et non à sa conception, est-ce cela ?
M. Laurent Trévisani. - La SNCF souhaite être un acteur de la mobilité et pas uniquement un opérateur de transport ferroviaire. Être acteur de la mobilité signifie vouloir maîtriser et développer des business dans le domaine de la multimodalité avec, à la fois, des opérations physiques de transport, de distribution, de collecte électronique et de paiement. Nous devons développer nos compétences dans ces domaines. On le fait, pour partie, en interne, et pour partie, en s'associant avec différentes sociétés. À travers cette opération de prise de participation dans Écomouv' SAS, nous avons souhaité acquérir ce savoir-faire auprès du groupe Autostrade, qui est un acteur européen important en la matière.
Pourquoi ne sommes-nous pas dans Écomouv' D & B ? Les contrats de sous-traitance sont directement liés à nos coeurs de métier, à savoir la logistique - transports de marchandises - et la maintenance - notamment d'infrastructures. Nous ne disposons pas de compétences spécifiques en matière de conception du système. Or, Écomouv' D & B devait regrouper les sociétés directement liées à la conception de système. Ainsi, il convenait de concilier, d'une part, notre volonté d'intégrer ce partenariat pour les raisons déjà évoquées et, d'autre part, la volonté de nos partenaires qui souhaitaient connaître la valeur ajoutée que nous pouvions leur apporter en étant actionnaire. Notre valeur ajoutée en matière de conception est relativement faible car ce n'est pas notre coeur de métier.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Quelle est la rémunération nette de la SNCF dans le cadre de ce contrat ?
M. Laurent Trévisani. - L'ensemble de ce projet apporte un taux de rendement supérieur au niveau de rentabilité que nous exigeons à travers nos investissements. Nous avons fixé à 8 % le niveau de rentabilité minimum pour prendre des investissements. Le projet dégage donc une rentabilité supérieure à ce taux.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Quel est le chiffre précis ?
M. Laurent Trévisani. - Je ne l'ai pas en tête.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Y-a-t-il eu des facturations, notamment auprès des sous-traitants ? Avez-vous été payé par Écomouv' ?
M. Laurent Trévisani. - Compte tenu de la situation actuelle, la société Écomouv' a suspendu le paiement de l'ensemble de ses fournisseurs actionnaires en raison d'une trésorerie tendue.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Depuis quand date cette suspension des paiements ? Avez-vous pu bénéficier d'une partie des paiements ?
M. Laurent Trévisani. - Nous avons reçu une partie des paiements. Ces derniers sont suspendus depuis novembre ou décembre dernier.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pourriez-vous nous donner la date précise ?
M. Laurent Trévisani. - Bien sûr.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Comment vivez-vous cette situation ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les reports et les retards constatés relèvent en partie de la responsabilité d'Écomouv'. Dans le contrat qui vous lie au consortium, comment êtes-vous protégé par rapport à cette situation ?
M. Laurent Trévisani. - Nous sommes liés à Écomouv' SAS par les statuts que nous avons signés et par un pacte d'actionnaires. Nous sommes actionnaires minoritaires à hauteur de 10 % ce qui nous laisse peu de droits et peu d'influence sur la prise de décision. Nous sommes certes protégés par les clauses classiques d'un pacte d'actionnaires. Ainsi, la majorité qualifiée s'élève à 84 % des actions. Nous ne pouvons pas atteindre, seuls, la minorité de blocage nécessaire pour les décisions relevant d'une majorité qualifiée.
La contrepartie de cette situation est que nos engagements sont limités à notre mise de fonds initiale - 15,1 millions d'euros. En d'autres termes, notre risque en tant qu'actionnaire dans cette société est capé à 15,1 millions d'euros.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - A quoi correspond le montant de 787,5 millions d'euros indiqué dans la délibération du conseil d'administration autorisant la prise de participation de la SNCF au sein de Écomouv' ?
M. Laurent Trévisani. - Cette somme - 15,1 millions d'euros - correspond aux fonds propres et quasi-fonds propres de la société Écomouv' pour 100 % des titres.
Sur les différents documents que nous avons signés et soumis à la validation du conseil d'administration, notre quote-part ne porte que sur 10 % du montant des fonds propres et quasi-fonds propres. Les 787 millions d'euros représentent la totalité du financement du projet - capitaux propres et dette.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Cette somme représente donc la partie « capital » et la participation.
En tant que sous-traitant, vous avez participé à la définition du projet. Dans ce cadre, qu'avez-vous facturé ?
M. Laurent Trévisani. - Nous n'avons pas participé à cette phase du projet puisque la définition et la conception relèvent de la société Écomouv' D & B dont nous ne sommes pas partie prenante. Il existe, au niveau juridique, une frontière étanche entre Écomouv' D & B et Écomouv' SAS.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - A quel stade intervenez-vous ? Lors de la mise en service du dispositif ? Quel est votre rôle avant la mise en service ?
M. Laurent Trévisani. - Nos contrats de sous-traitance concernent la distribution des boîtiers qui relève de notre filiale Geodis, pour le compte d'Écomouv'. Nous ne participons pas à la conception des produits.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous n'avez donc pas facturé cette prestation ?
M. Laurent Trévisani. - Ce contrat de 6 millions d'euros a connu un commencement de facturation, notamment pour les prestations qui ont commencé à être réalisées. Mais nous ne sommes pas encore payés de la totalité en raison de la suspension des paiements liée à la situation de trésorerie du consortium.
En plus des opérations que nous assurons via notre filiale Geodis, nous avons également signé un contrat de maintenance du dispositif au sol via SNCF Infra qui s'appliquera pendant la période d'exploitation, pour un montant de 36 millions d'euros sur une période de onze ans. Cette prestation n'a pas encore commencé.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - La situation actuelle de la suspension ne vous crée-t-elle pas trop de soucis ?
M. Laurent Trévisani. - Le montant des impayés, à ce jour, s'élève à 800 000 euros pour Geodis.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'extrait du procès-verbal du conseil d'administration du 27 septembre 2011 qui nous a été remis ne nous donne que le résultat du vote final mais aucun élément de la discussion, ni les positions des uns et des autres. Pourrions-nous avoir l'intégralité du document ? Pourrions-nous également disposer de tous les avis des échelons précédents, notamment la mission du contrôle économique et financier, etc., pour comprendre tous les tenants et aboutissants ?
J'ai aussi du mal à comprendre la relation entre 15,1 millions et 787 millions d'euros, la première somme ne représentant pas 10 % de la seconde. Il serait intéressant que vous nous donniez, par écrit, des éléments complémentaires.
M. Laurent Trévisani. - Bien sûr, sans aucun problème.
M. Jean-Jacques Filleul. - Comment pouvez-vous souhaiter devenir un acteur de la mobilité dans la collecte électronique au niveau européen tout en investissant dans Écomouv' SAS qui est complètement étanche d'Écomouv' D & B ? C'est plutôt une prise de participation dans un process capitalistique.
Vous dites que vous bénéficiez d'une rémunération de sous-traitant de Thales dans ce projet. Or, Thales appartient également à Écomouv' SAS. Quel type de rémunération bénéficiez-vous auprès de cette entreprise ?
M. Laurent Trévisani. - L'étanchéité dont je parlais entre Écomouv' SAS et Écomouv' D & B est juridique. Écomouv' SAS porte le contrat de partenariat signé avec l'État et Écomouv' D & B construit le dispositif. C'est dans cette deuxième entreprise que réside le savoir-faire du dispositif.
Cette participation constitue, pour nous, un premier pas pour acquérir un savoir-faire dans la collecte, en s'associant avec Autostrade. C'est une manière de tisser des liens capitalistiques avec cette entreprise.
Quand une entreprise souhaite participer à un consortium, les autres partenaires évaluent la valeur ajoutée qu'elle peut apporter. À l'époque, nous avions relativement peu de savoir-faire sur la conception et le déploiement d'un système embarqué si bien que nous avions peu de valeur ajoutée à apporter à Écomouv' D & B.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - De votre point de vue aujourd'hui, en raison de la suspension de l'écotaxe, la société en difficulté est celle à laquelle vous participez, à savoir Écomouv' SAS ?
M. Laurent Trévisani. - Tout à fait. Les deux sont en difficulté. La première est impactée dans la mesure où c'est celle qui a signé en amont le contrat de partenariat avec l'État, mais la seconde l'est aussi.
Pour répondre à M. Filleul, la branche Infra a passé un contrat de sous-traitance avec Thales, avec des engagements réciproques. Nous assurons une prestation pour laquelle nous sommes rémunérés, avec une marge.
Dans les 36 millions d'euros de chiffres d'affaires, nous avons intégré une marge.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Comment réalisez-vous la prestation de logistique ? À quel endroit, suivant quelles modalités ? Avez-vous dû investir ou s'agit-il de votre matériel propre ? Qu'en est-il du personnel ? Que vous apporte cette opération ?
M. Laurent Trévisani. - La prestation est réalisée par une filiale de Geodis dans un entrepôt que nous possédons déjà : nous utilisons nos moyens propres et nos personnels. Pour la distribution, nous avons utilisé les moyens de distribution de Geodis. Pour mémoire, cette filiale a un chiffre d'affaires de sept à huit milliards d'euros, dont trois à quatre milliards d'euros en France. Elle a les moyens de réaliser ce contrat.
En ce qui concerne la question de savoir ce que ce contrat nous apporte, il y a une augmentation du volume d'affaires qui s'ajoute à celui réalisé par Geodis.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Est-ce que d'autres prestataires interviennent ?
M. Laurent Trévisani. - Thales, Steria et SFR.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - En matière de logistique ?
M. Laurent Trévisani. - À ma connaissance, non.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous avez donc obtenu la totalité du marché ?
M. Laurent Trévisani. - Il me semble, oui.
M. Michel Teston. - Dans votre réponse sur les raisons de la participation de la SNCF, vous avez évoqué l'intérêt stratégique de la SNCF. Cet intérêt est-il si fort que cela pour la SNCF ? Ne s'agissait-il pas d'éviter qu'un concurrent, un autre grand opérateur ferroviaire européen par exemple, accepte si vous refusiez ? Est-ce une interprétation soutenable ou est-elle totalement erronée ?
M. Laurent Trévisani. - Nous allons sur un terrain délicat. Je vais prendre une précaution en vous informant que je n'étais pas à ce poste en 2009, au moment des discussions avec Autostrade. Mais à ma connaissance, la raison que vous indiquez n'est pas un argument qui valait et a prévalu. Sur d'autres sujets, peut-être, mais sur celui-là, à ma connaissance, non.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je repose ma question sur la situation de 2014. Combien de temps peut-on tenir comme cela ? Écomouv' a parlé d'un an devant l'Assemblée nationale : de quelle société s'agissait-il, la première ou la seconde ? Comment vivez-vous cette situation ?
M. Laurent Trévisani. - Compte tenu des décisions de gestion et du pilotage resserré en matière de trésorerie, nous pouvons tenir jusqu'à fin mars 2014. Si j'ai bien compris les propos de M. Castellucci, c'est la position qu'il partage aussi. Si aucune décision n'est prise sur la réception, nous aurons un problème de trésorerie. Les banques prendront leurs dispositions et nous pourrions entrer dans un cas de défaut.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Êtes-vous concernés par la cession « Dailly » ?
M. Laurent Trévisani. - Oui. Depuis courant janvier, ont lieu des discussions tripartites avec l'État, les banques et les actionnaires, qui devraient aboutir à la signature d'un protocole avec des engagements réciproques. Dès que nous connaîtrons la date de réception, nous pourrons discuter avec les banques pour éviter le cas de défaut. Mais ces discussions sont toujours ouvertes et non finalisées. En attendant, nous pouvons tenir jusqu'à fin mars.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Auriez-vous éventuellement la capacité financière et l'autorisation de votre tutelle ou de vos associés pour recapitaliser Écomouv' en cas de problème ?
M. Laurent Trévisani. - C'est un sujet, mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - N'avez-vous pas encore abordé cette question ?
M. Laurent Trévisani. - Non. Il est difficile de travailler sur des schémas de refinancement tant que nous ne connaissons pas la date de mise à disposition, qui marque le début du versement de la rémunération. Une fois qu'elle sera connue et que le coût du retard pourra être évalué, nous pourrons qualifier et quantifier le schéma de refinancement et modifier le schéma de remboursement de la dette, par étalement si cela est possible ou par une recapitalisation. C'est un travail qui est devant nous.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Avez-vous eu connaissance des défauts majeurs constatés lors des vérifications d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) ? Qu'en pensez-vous ?
M. Laurent Trévisani. - Il y a eu quelques défauts. Nous ne sommes qu'actionnaires minoritaires, et pas dans Écomouv' D & B, mais je ne pense pas que tout le retard pris est imputable à ces défauts. Sur un tel projet, avec une période très courte de construction, de deux ans, et la mise en oeuvre d'une technologie innovante, quelques mois de retard peuvent s'expliquer, même s'ils ont un coût.
Certes, il y a eu des difficultés. Mais la VABF a tout de même été reçue le 17 janvier 2014 ce qui ouvre le délai de deux mois durant lequel la mise à disposition et la réception doivent aboutir.
M. Jean-Jacques Filleul. - Vous êtes actionnaire minoritaire à hauteur de 10 %. Mais cela induit-il que Geodis soit directement entraîné dans cette opération ? Y a-t-il eu un appel d'offres ou bien est-ce le contrat que vous avez passé avec Écomouv' SAS qui permet à Geodis de travailler dans ce projet ?
M. Laurent Trévisani. - La contractualisation s'est faite via la société Écomouv' qui met en oeuvre les règles de passation qui s'appliquent à ce type de structure et qui ne sont pas celles de la commande publique. À ma connaissance, Écomouv' a certes accepté de contractualiser avec Geodis, après avoir fait un benchmark pour s'assurer que la prestation était du niveau de qualité requis et au prix du marché.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous vous remercions pour vos réponses.
Mercredi 5 février 2014
- Présidence de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, présidente -Audition de M. Roland Peylet, conseiller d'État, président de la commission consultative créée par le décret du 30 mars 2009
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous recevons M. Roland Peylet, conseiller d'État, président de la commission consultative créée par le décret du 30 mars 2009 relatif aux modalités d'application du III de l'article 153 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, chargée de donner son avis sur « la sélection et le choix des candidats à la dévolution du contrat » mettant en oeuvre l'écotaxe poids lourds. Cette commission pouvait également être saisie pour avis par le ministre chargé des transports, à tout stade de la procédure et dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, « sur toute question relative au déroulement de la procédure et sur les dossiers présentés par les candidats ». Comment se sont déroulés les travaux de la commission ? Quel a été son rôle exact ?
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Roland Peylet prête serment.
M. Roland Peylet, conseiller d'État, président de la commission consultative. - Tout d'abord, je voudrais vous donner quelques éléments sur le contexte de la mise en place de cette commission consultative. En 2006, le Parlement a instauré par amendement, contre l'avis du Gouvernement, une taxe expérimentale sur les poids lourds en Alsace pour tenter de mettre un terme au report de trafic des poids lourds en transit sur le réseau routier alsacien et lorrain à la suite de l'instauration, en Allemagne, de la LKW-Maut, s'appliquant aux poids lourds d'au moins 12 tonnes et circulant sur le réseau autoroutier fédéral. Le dispositif de cet amendement n'avait pas été soumis à l'avis du Conseil d'État. Il n'y a pas eu non plus de recours devant le Conseil constitutionnel. L'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports a inséré à cet effet un article 285 septies dans le code des douanes, rapidement modifié par l'article 118 de la loi de finances rectificative pour 2006 du 30 décembre 2006 prévoyant notamment l'intervention d'un prestataire privé pour l'établissement de l'assiette de la taxe. Ainsi, c'est dès cette loi de finances du 30 décembre 2006 qu'est prévue l'intervention d'un prestataire mais dont les missions n'étaient pas aussi étendues que celles prévues par la suite. On peut penser que c'est en raison des difficultés prévisibles de recouvrement d'une taxe de cette nature que le Gouvernement avait donné un avis défavorable à l'amendement instituant son expérimentation en Alsace.
Le Gouvernement, souhaitant étendre la taxe à l'ensemble du territoire, a demandé au Conseil d'État un avis, portant notamment sur la possibilité de confier à un prestataire privé, sous le contrôle de l'État, non seulement la conception, la réalisation et la gestion des moyens électroniques de télépéage, mais aussi l'établissement de l'assiette de la taxe, sa liquidation et son recouvrement. L'avis de la section des finances du Conseil d'Etat du 11 décembre 2007 indique que « Aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce que le législateur confie à un prestataire privé la mission de réaliser les prestations de collecte des éléments d'assiette, de liquidation et de recouvrement de la taxe « poids lourds», sous réserve que cet organisme soit placé dans cette mesure sous le contrôle de l'État, que soient constituées des garanties de nature à assurer le reversement intégral des sommes facturées et que l'exécution du service public soit assurée dans le respect des règles comptables appropriées ». La nature fiscale du prélèvement n'a jamais fait de doute pour personne.
La voie était ainsi ouverte à la généralisation du dispositif, ce qui fut fait avec l'article 153 de la loi de finances pour 2009 maintenant le dispositif alsacien qui sera abrogé seulement par la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport. Le dispositif national forme le chapitre II du titre X du code des douanes (articles 269 à 283 quinquies). Le III de cet article, modifié par la loi de finances rectificative pour 2012, a autorisé l'État à confier à un prestataire privé l'exercice, sous son contrôle et dans le cadre fixé par l'avis du 11 décembre 2007, l'essentiel des tâches de recouvrement. Les technologies envisagées, conformément à la directive 2004/50/CE du 29 avril 2004 concernant l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier étaient soit celle des ondes courtes soit la technologie satellitaire. Dans les deux cas, le système exige des équipements embarqués à bord des véhicules, plus coûteux avec la technologie satellitaire, laquelle en revanche n'impose pas la réalisation de portiques ou de potences.
C'est là qu'est intervenue la commission consultative que j'ai été amené à présider, dont le Gouvernement a décidé la mise en place par le décret du 30 mars 2009 relatif aux modalités d'application du III de l'article 153 de la loi de finances rectificative pour 2009. Nul texte n'obligeait le Gouvernement à créer cette commission consultative. Il l'a souhaité et le Conseil d'État n'avait rien trouvé à redire sur ce sujet. Les missions de cette commission, selon l'article 2 du décret, consistaient à donner un avis, d'une part, sur la sélection et le choix des candidats à la dévolution du contrat que devait conclure, selon la loi, le ministre chargé des transports - ces missions sont obligatoires - et, d'autre part, sur toute question relative au déroulement de la procédure et sur les dossiers présentés - il s'agit de missions facultatives. Rien ne s'opposant à la création d'une telle commission, le décret n'a pas reçu d'objection de la part du Conseil d'État qui, toutefois, a disjoint l'article soumettant le contrat lui-même à l'approbation de la commission, dès lors qu'elle avait un rôle consultatif. La nature du contrat n'était alors pas précisée parce que, peut-être, le Gouvernement ne souhaitait pas soumettre à l'avis du Conseil d'Etat cette question. Il n'avait d'ailleurs pas à le faire. Cependant, le Gouvernement avait sans doute déjà décidé de conclure un contrat de partenariat, ce que laisse sous-entendre la présence, au sein de la commission, d'un représentant de la Mission d'appui aux partenariats public-privé (Mappp).
La composition de cette commission, définie à l'article 3 du décret, comprenait : un président membre du Conseil d'État - j'ai été désigné par le vice-président du Conseil d'État - le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), le directeur général des douanes et droits indirects (DGDDI), le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le directeur du budget, le président de la Mappp - ou leurs représentants. Son secrétariat était assuré par la DGITM. Il s'agissait donc d'une commission purement administrative et sa mission était à géométrie variable. Le ministre, qui pouvait lui soumettre toute question relative au déroulement de la procédure et aux dossiers présentés, n'a fait usage de cette faculté qu'une seule fois, pour l'élimination d'une offre ne répondant pas au cahier des charges, avant l'examen comparé des offres finales. Les membres de la commission ont pris un engagement de confidentialité.
Au total, le rôle de la commission est demeuré relativement modeste. Elle ne s'est réunie que trois fois : le 28 juillet 2009, pour le choix des candidats invités à participer au dialogue compétitif selon la procédure prévue par l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ; le 14 octobre 2010, pour statuer sur la recevabilité des offres finales - il s'agissait d'un avis facultatif de la commission ; le 13 décembre 2010, pour le classement des offres restant en lice. Chaque séance s'est déroulée en deux temps. D'abord, présentation, par la DGITM, des formalités accomplies et des analyses réalisées par ses services, en présence de ses conseils, puis délibération en présence des seules personnes chargées du secrétariat. Ont été remis à chaque fois aux membres de la commission un rapport écrit circonstancié comparant les candidatures puis les offres, ainsi qu'un document de synthèse sous forme de transparents pour le classement final. Les membres de la commission étaient tous présents lors de la première séance ; le représentant de la DGCCRF était absent lors des deux dernières, sans motif particulier. Les cinq candidats initiaux ont tous été admis à participer au dialogue compétitif, par décision ministérielle du 28 août 2009 - suivant en cela l'avis de la commission -, malgré les qualités techniques moindres de l'un d'eux que la commission n'a pas estimé suffisantes pour l'écarter. Il aurait fallu déclarer ce candidat dans l'incapacité de répondre au cahier des charges mais rien ne nous permettait d'aller jusque-là.
De longs mois ont passé ensuite pendant lesquels l'administration a conduit le dialogue compétitif - qui est une formalité assez longue dans le cadre d'un contrat de partenariat. Il a duré plus d'une année au cours de laquelle la commission n'a pas été sollicitée et n'a pas reçu d'information particulière. Lors de sa deuxième réunion - le 14 octobre 2010 -, elle a pris connaissance d'un rapport sur la complétude des offres finales - il ne s'agissait pas encore de classer les offres -. L'avis de la commission avait été demandé car l'administration pensait qu'il lui fallait éliminer l'un des candidats dont l'offre ne répondait pas aux spécifications du cahier des charges mais a souhaité recueillir l'avis de la commission pour y procéder. Ainsi, elle a constaté la renonciation à poursuivre du candidat A et l'insuffisance de l'offre du candidat E au regard des exigences du cahier des charges - elle a donc proposé de l'écarter. Il en restait trois en lice. Pour finir, la commission a reçu communication d'une analyse très fouillée des trois offres restantes, faisant application des critères fixés par l'ordonnance et le règlement de la consultation ce qui lui a permis de proposer, le 13 décembre 2010, un classement entre les trois offres, à l'issue d'une discussion critère par critère. Nous avons accepté les notes proposées par l'administration, sous réserve d'une légère modification d'une des notes de l'un des candidats, sans incidence sur le classement.
Pour rappel, cinq critères ont été examinés. Sur le coût global de l'offre (critère pondéré à 25 %) - à savoir la valeur actuelle nette des redevances demandées à l'État - le candidat en tête s'est montré nettement meilleur que les deux autres après uniformisation des modes de calcul, avec notamment la prise en compte des éléments fiscaux et des index de révision de prix. Je précise que le coût pour l'État était, dans les trois cas, supérieur à ce qui avait été estimé initialement. Le deuxième groupe de critère concernait la qualité technique du projet, comprenant la qualité globale des ouvrages, des équipements et des biens immatériels pour 30 %.,En troisième lieu, la robustesse du financement, y compris la solidité des garanties et le niveau des engagements éventuellement demandés à l'État (15 %). En quatrième lieu, le délai de mise en service du dispositif, la crédibilité des moyens proposés pour le respecter et les garanties associées proposées par le candidat (15 %) constitue un critère assez complexe à apprécier compte tenu des nombreux aléas présents sur les « chemins critiques » présentés par chaque candidat. Sur ces chemins critiques, il y avait un certain nombre de facteurs sur lesquels la probabilité devait être crédible. C'est sur ce point que la note du candidat en tête a été revue légèrement à la baisse en raison de quelques incertitudes dans la mesure où les délais annoncés dépendaient, dans une petite mesure, de l'attitude de l'État. Étaient également pris en compte des objectifs de performance, y compris en matière de développement durable, appréciés selon plusieurs indicateurs, ainsi que la crédibilité des moyens proposés pour les atteindre (10 %) et, enfin, la part du contrat confiée aux PME (5 %). Au total, l'offre de l'un des trois candidats se détachait nettement des deux autres.
La commission n'a pas eu beaucoup de difficultés à donner son classement, suivi par les ministres - la ministre de l'écologie et le ministre délégué aux transports - qui ont pris une décision ministérielle de classement le 14 janvier 2011.
L'un des candidats évincés a formé un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, lequel a annulé la procédure de passation du contrat par une ordonnance du 8 mars 2011, au motif que l'évolution de la candidature de la société retenue aurait contrarié les principes de transparence et d'intangibilité des candidatures, que l'impartialité des conseils de l'État n'aurait pas été suffisamment établie et que certains des critères auraient été trop imprécis. L'État s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'État lequel, statuant au contentieux, par un arrêt du 24 juin 2011, a cassé le jugement et écarté l'ensemble des motifs invoqués. Il a jugé que la société Écomouv' n'avait pas succédé au groupement déclaré attributaire mais constituait la société de projet en application même du règlement de consultation dont le candidat retenu avait proposé la création dans son offre ; que les documents de la consultation énonçaient précisément les attentes de l'État et les obligations des candidats en matière de respect des délais de mise en oeuvre et d'objectifs de performance ; que le critère du coût global de l'offre, pour lequel il n'avait pas été établi qu'il ait pu favoriser l'offre retenue, était énoncé de façon suffisamment précise ; que le ministre avait pu, sans porter atteinte au principe d'égalité des candidats, exiger un second démonstrateur en cours de procédure après modification du règlement ; que le système de notation n'avait pas favorisé le candidat retenu ; enfin - et c'était le point le plus sensible dont la commission n'avait pas connaissance et ne pouvait l'avoir - que le recours à l'assistance technique de sociétés filiales d'un groupe ayant collaboré ponctuellement avec le candidat retenu ne saurait, à lui seul, caractériser un manquement à l'impartialité de la part de ses conseils extérieurs dans le cadre du dialogue compétitif et vu les diligences accomplies par l'État dans la procédure et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'égalité entre les candidats n'avait pas été rompue par un défaut d'impartialité des sociétés de conseil technique.
Je n'ai pas à commenter cette décision. Il convient de préciser qu'elle a été prise dans le cadre d'un référé précontractuel, lequel ne s'intéresse qu'aux éventuels manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence dans la passation des marchés publics. Dès lors que ces obligations étaient respectées, il ne lui appartenait pas de revenir sur les mérites comparés des offres tels qu'ils ont été appréciés. Il ne faut pas voir dans cette décision quelque appréciation que ce soit sur les mérites comparés de chaque candidat. Ce n'est pas l'objet d'une décision de cette nature. Le référé précontractuel est limité dans sa portée.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - La commission consultative, avec son nom aussi désuet de consultatif, a eu un rôle primordial, celui de soustraire le Gouvernement à l'obligation de passer devant le Conseil d'État. C'était elle qui constituait la seule garantie de passation du contrat dans des conditions satisfaisantes. Vous nous avez signalé que la DGCCRF a été absente aux deux dernières réunions de la commission sans motif : il nous faudra leur demander pourquoi. Les autres directeurs étaient-ils présents en personne ?
M. Roland Peylet. - Ils étaient représentés, à chaque réunion. Les directeurs eux-mêmes ne se sont pas déplacés.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous nous avez indiqué la date à laquelle vous avez commencé vos travaux. De quelle nature ont-ils été ? Avez-vous participé à l'étude préalable ? À la rédaction du cahier des charges ?
M. Roland Peylet. - Ce n'était pas notre rôle. La procédure de passation d'un contrat de partenariat n'impose nullement la création d'une telle commission consultative. Or, il se conclut des contrats de partenariat aux enjeux financiers tout aussi importants, sinon bien plus, que dans cette affaire , notamment en matière d'infrastructures de transport. Pour autant, il n'y a pas de commission consultative. Manifestement, le Gouvernement recherchait des garanties. Le rôle de la commission est décrit par le décret qui l'a créée à savoir donner un avis sur la liste des candidats et le classement des offres. On a commis un rapport sur ces deux points et la commission s'est prononcée au vu des pièces que l'administration lui a soumises. Elle n'a en rien participé, ni au dialogue compétitif, ni à la procédure. Elle ne pouvait pas le faire car elle n'était que consultative, légalement..
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Il n'y avait aucune malice dans mes questions. Avez-vous eu connaissance du cahier des charges et vous êtes-vous prononcé sur la conformité des candidatures à ses prescriptions ?
M. Roland Peylet. - Oui. Nous nous sommes prononcés à un stade intermédiaire sur le respect de la conformité de l'offre d'un des candidats au cahier des charges. Donc, il a fallu pour cela effectuer cette comparaison.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Le cahier des charges était-il, à ce moment-là, conforme à l'étude préalable ou avait-il évolué ? Nous avons appris que le coût prévisionnel était passé de 231 millions d'euros, dans l'étude préalable, à 650 millions d'euros. On nous a indiqués qu'il y avait eu des dérives, plutôt des amendements ou des modifications au niveau du cahier des charges. Lorsque vous avez eu connaissance du cahier des charges, toutes ces modifications étaient-elles incluses ?
M. Roland Peylet. - Nous n'avons eu en mains que la version définitive.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - En quoi le candidat retenu se détachait-il nettement des autres candidats ? Qu'entendez-vous par « nettement » ?
M. Roland Peylet. - Sur la totalité des critères, le candidat retenu a obtenu des notes supérieures dans chaque groupe de critères, et globalement.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Pourrez-vous à huis-clos nous communiquer ces notes et nous expliquer en quoi a consisté l'uniformisation des modes de calcul ?
M. Roland Peylet. - Je pourrai vous communiquer des extraits du rapport d'analyse.
M. Éric Doligé. - Vous avez estimé que la présence d'un représentant de la Mappp au sein de la commission consultative laissait sous-entendre que le choix du Gouvernement en faveur d'un contrat de partenariat était déjà pris. . On peut dire a contrario que le Gouvernement avait décidé d'inclure un représentant de la Mappp, pour se protéger, dans le cas d'un recours à un contrat de partenariat. Comme il existe plusieurs types de marchés, il a estimé utile de prévoir la présence d'un représentant de la Mappp. Mais peut-être votre analyse est-elle meilleure que la mienne.
M. Roland Peylet. - Sans trahir le secret du délibéré de la section des travaux publics du Conseil d'État auquel j'ai participé, lorsque nous avons discuté le projet de décret du 30 mars 2009 tel que le Gouvernement nous l'a soumis -je ne savais pas encore que je serai pressenti comme président de cette commission - j'avais estimé que l'on prenait beaucoup de précaution, peut-être à tort. La loi n'avait pas prévu la forme du contrat ; elle n'avait pas à le faire car cela ne relève pas du domaine législatif. Le projet de décret ne prévoyait pas non plus la forme du contrat. Il dispose simplement : « pour mener la procédure préalable à la conclusion de tout contrat confiant à un prestataire extérieur tout ou partie des missions ». Il laissait donc la porte ouverte, avec l'expression « tout contrat ». Mais la présence du président de la Mappp met un peu la puce à l'oreille. Nous avons pensé, car nous avons des contacts avec les commissaires du Gouvernement avant l'examen des projets de décret en Conseil d'État, que la décision était déjà prise. Simplement, mon interprétation - je ne peux dire si elle est bonne ou pas - est que le Gouvernement ne souhaitait pas soumettre, à l'avis du Conseil d'État, le choix de la nature du contrat.
M. Jean-Pierre Sueur. - M. Doligé et moi-même sommes élus d'un département qui porte un grand intérêt aux partenariats public-privé. Nous connaissons votre vigilance à l'égard de ces procédures, que vous avez eu l'occasion de démontrer depuis, dans d'autres fonctions à caractère public.
M. Roland Peylet. - En effet, cela est connu.
M. Jean-Pierre Sueur. - Première question : avez-vous eu le sentiment que la question ait été véritablement posée de savoir s'il fallait privilégier un contrat de partenariat ou un marché public classique. Autrement dit, les deux solutions ont-elles été mises en concurrence ? Ce qui pose une question récurrente qui me préoccupe : comment procéder à une évaluation préalable lorsqu'on ignore quels seraient les candidats susceptibles de se présenter aux deux procédures et les conditions qu'ils proposeraient ? Cette évaluation préalable me semble étrange, peu rationnelle.
Deuxième question : quelles analyses faites-vous de la procédure de dialogue compétitif ? Les analyses dont nous avons pris connaissance ne sont pas toutes convergentes les unes avec les autres Voici mon interprétation du dialogue compétitif : en même temps que les entreprises et les groupements sont concurrents, ils peuvent contribuer à modifier le cahier des charges, étant entendu que le principe d'égalité doit être à tout moment respecté. Comment cela s'est-il passé effectivement selon les éléments dont vous disposez ? Les propositions de modifications qu'ils ont formulées ont-elles été immédiatement communiquées aux autres, ou bien ces modifications ont-elles été engrangées pour donner lieu par la suite à la rédaction d'un cahier des charges final ? Comment le dialogue compétitif s'est-il déroulé ?
À ce propos, beaucoup de gens parlent du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les PPP. Avez-vous eu connaissance de ce rapport ? Je vais demander sa communication à l'Inspection générale des finances par courrier.
M. Roland Peylet. - Votre question amène à porter une appréciation globale sur la procédure de contrat de partenariat et le dialogue compétitif.
Quant à l'IGF, j'ai été auditionné par l'un de ses rapporteurs dans le cadre de ma mission sur les PPP en milieu universitaire. Je connais l'existence de la préparation de ce rapport mais je n'ai pas vu le rapport final. Je suis membre au Conseil d'État de la section des travaux publics qui n'est pas chargée de l'examen des PPP qui relève de la section de l'administration.
Pour revenir sur la procédure de PPP en tant que telle, je ne peux pas porter d'appréciation. Les PPP sont en réalité très variés. Une concession ou une délégation de service public sont des PPP. Ce dont on parle, c'est du contrat de partenariat au sens de l'ordonnance du 17 juin 2004. Dans le cadre d'une concession, par exemple, le risque d'exploitation est pris en charge par le titulaire du contrat alors que ce n'est pas le cas dans un PPP. Il y a des risques liés à l'obtention de certaines performances. Le contrat de partenariat a été créé notamment pour contourner l'interdiction du paiement différé en matière de marchés publics qui était l'une des raisons pour lesquelles les marchés d'entreprise de travaux publics (METP) n'ont pas eu le succès escompté. Je ne veux pas porter d'appréciation globale. Je remarque cependant que le dialogue compétitif suscite un appétit certain de la part des entreprises, au point d'ailleurs que les derniers travaux de la Commission européenne, qui prépare une nouvelle directive sur les marchés publics, vont élargir le champ de la procédure de dialogue compétitif Elle a des inconvénients mais elle présente également de nombreux avantages. Il est difficile d'entretenir et de maintenir strictement l'égalité de traitement des candidats qui demande une vigilance de tous les instants. Mais elle introduit une souplesse bienvenue dans ce dispositif très rigide. Lorsque vous proposez un cahier des charges, vous ne pouvez plus le faire évoluer, ainsi que les propositions d'offres qui sont faites pour y répondre. Apparemment, la balance semble y être favorable ; je reste quant à moi circonspect.
Dans le cas d'espèce, - mais je fais là un procès d'intention - c'est délicat - mais je crois que le PPP a été décidé dès l'origine. Toutefois, le projet s'y prêtait puisqu'il s'agit de collecter un impôt. C'est tout au long du marché que vont s'équilibrer recettes et dépenses. Le fait d'avoir des paiements qui s'échelonnent au fur et à mesure des rentrées fiscales n'est pas absurde en soi. Dans le cadre d'un marché public classique, l'État aurait dû payer tout de suite la prestation alors même qu'il n'aurait pas bénéficié des rentrées fiscales correspondantes ce qui l'aurait obligé à recourir à une autre source de financement. C'est pour cela que j'ai tendance à penser que le recours à un contrat de partenariat était envisagé dès le départ. C'est un procès d'intention car je ne dispose d'aucun élément confirmant ce point de vue.
La commission consultative était complètement absente lors de la conduite du dialogue compétitif.
M. Jean-Pierre Sueur. - A l'issue du dialogue compétitif, avez-vous lu les documents qui ont été produits ?
M. Roland Peylet. - Nous avons eu communication du rapport sur les offres finales, mais nous n'avons pas eu connaissance des étapes intermédiaires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On nous a dit que, juste avant l'offre finale, le Gouvernement a procédé à un fort recadrage sur tel ou tel point, afin de lisser le dialogue compétitif.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Si l'État n'avait pas recouru à un contrat de partenariat, il aurait dû financer lui-même les investissements nécessaires : cela n'aurait-il pas coûté moins cher que le recours à un contrat de partenariat ? Les PPP éliminent un certain nombre d'investissements des comptes publics, ce qui donne une apparence peut-être plus saine du budget de l'État, mais peuvent s'accompagner de frais financiers plus onéreux. Était-ce le bon choix ?
M. Roland Peylet. - C'est une question très générale sur l'appréciation qu'on peut porter sur tout contrat de partenariat. La question est de savoir si l'État a les moyens de financer à moindre coût ...
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les PPP sont rarement utilisés pour la perception de recettes.
M. Roland Peylet. - Ce que j'ai dit précédemment n'est pas une appréciation sur le recours à un contrat de partenariat. Je me suis contenté de répondre à une question qui visait à savoir si l'État avait pensé, dès le départ de la réflexion, à recourir à ce type de contrat. Il me semble qu'il y a de bonnes raisons à penser que oui car nous sommes dans une situation qui peut plus naturellement appeler ce type de contrat. Mais je n'en ai aucune preuve.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On disposait de comparaisons avec ce qui se passe dans d'autres pays.
M. Roland Peylet. - S'interroger sur le fait de savoir s'il fallait mieux, en l'espèce, recourir à un contrat de partenariat ou à une autre forme de marché public est une autre question, pour laquelle je ne dispose pas d'information me permettant d'apporter une appréciation. Mais je suis de ceux qui considèrent que, d'une façon générale, l'État doit pouvoir financer à bon compte par l'emprunt, car il bénéficie de meilleures conditions par rapport à des financements de nature privée. Pour autant, dans des circonstances particulières, le contrat de partenariat peut être intéressant. Il repose sur la philosophie de la private finance initiative (PFI) britannique, selon lesquels les personnes privées sont par nature plus efficaces que les personnes publiques et donc, le coût d'un projet est moins élevé.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pour aller dans votre sens selon lequel le recours à un contrat de partenariat avait été décidé en amont, je rappelle que la Mappp a été saisie sur l'évaluation préalable le 4 décembre 2008. La décision était prise avant la saisine de votre commission. Il y avait des incertitudes sur les études et les tests à faire. On n'était pas sûr de la technique envisagée et de la manière dont on allait l'employer. Laisser cela au privé me semble risqué, quoique je défende plus les PPP que certains...
M. Jean-Pierre Sueur. - Pour ma part, je défends l'interprétation qu'en fait le Conseil constitutionnel, selon laquelle les contrats de partenariat sont adaptés aux cas d'urgence et de complexité. Je ne suis pas favorable à leur généralisation.
Je suis frappé par le fait que les portiques ne permettent en rien de percevoir la taxe, seulement de contrôler. Outre leur intérêt architectural, patrimonial, artistique, environnemental, était-il nécessaire de dépenser autant pour contrôler ? Il existe des gendarmes, des policiers qui auraient pu effectuer ce contrôle ... Pensez-vous que ces portiques, eu égard à leur nombre et leur coût, étaient nécessaires pour que le système soit fiable ?
M. Roland Peylet. - L'égalité devant l'impôt étant en jeu, le contrôle doit donc être complet. Quelques gendarmes ou policiers n'y suffiraient pas. Pour percevoir une telle taxe, qui est un péage, il y a diverses techniques : des barrières de contrôle, comme sur les autoroutes ; un système de caméra, comme à Londres pour le péage urbain, ce qui est également très coûteux, la moitié de la recette dit-on.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les portiques aussi coûtent cher !
M. Roland Peylet. - La technologie satellitaire était aussi envisageable, elle évite les portiques mais le matériel embarqué est dans ce cas beaucoup plus onéreux. Il y a dans toutes les options des coûts de recouvrement. Je ne pense pas qu'il faille compter sur quelques gendarmes au bord des routes pour cela.
M. François Grosdidier. - Il me semblait que la perception était faite par voie satellitaire et le contrôle par les portiques.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai aussi compris cela.
M. François Grosdidier. - Pour le contrôle, j'avais compris qu'il fallait recourir, soit à un mode satellitaire, soit à des gendarmes supplémentaires. On peut concevoir qu'en période de réduction des effectifs et, dans un même temps, d'augmentation des besoins de sécurité, on puisse affecter les gendarmes à autre chose qu'à des contrôles de péage. C'est un choix politique. Un mode de contrôle satellitaire est-il envisageable ? C'est ce que j'ai cru comprendre.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le satellite indique le lieu où se trouve le boîtier, mais si les camions ne sont pas équipés ou si le boitier n'est pas branché, il ne détecte rien...
M. François Grosdidier. - Or, sans contrôle, pas de paiement effectif de l'impôt...
En Lorraine, on a mis un système en place pour endiguer le report de trafic de poids lourds de l'Allemagne vers la France. Les véhicules de 12 tonnes étaient seuls concernés en Allemagne, pourquoi n'en est-on pas resté à ce seuil puisque c'est l'abaissement à 3,5 tonnes qui était source de mécontentement et de protestation de la part des professionnels ?
Dès la loi de décembre 2006, le recours à un partenaire privé a été évoqué, mais pas forcément sous la forme du PPP, disiez-vous. Quelle autre forme aurait été possible ? On peut penser que le choix d'un contrat de partenariat allait de soi compte tenu de la technicité du projet. D'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel et quelle que soit notre approche du PPP, la complexité - et nous sommes dans une matière infiniment plus complexe que la construction d'un lycée ou d'une ligne à grande vitesse - indépendamment du fait qu'il y ait ou pas des recettes futures générées par cet investissement, est l'un des critères qui justifie le recours à un PPP. En 2006, le périmètre de l'intervention privée n'était pas encore défini. Pour tout investissement, on a recours au secteur privé, ne serait-ce que pour construire. Mais le PPP n'était-il pas l'issue naturelle, compte tenu de la complexité et du besoin de financement ? Ces questions ont-elles fait débat et comment ?
Entre l'installation du nouveau Gouvernement en juin 2012 et l'annonce de la suspension de l'écotaxe par le Premier ministre, avez-vous été sollicités par le Gouvernement pour donner des explications sur l'exécution du contrat ? Des zones d'ombre sont-elles apparues alors, ou ces questions n'ont-elles émergé qu'après l'annonce de la suspension pour des raisons très extérieures à la procédure ?
M. Roland Peylet. - Je n'ai pas participé au débat en 2006. L'article 118 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 ne concernait que la taxe alsacienne. La généralisation de cette taxe n'était pas encore envisagée. Mais, dès ce moment, l'intervention d'un partenaire privé était envisagée et l'article 118 a corrigé en ce sens l'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 : car, dès l'origine, le recouvrement de cette taxe limitée à l'Alsace posait problème aux services de l'État. L'article 118 traite de l'établissement de l'assiette, non de son contrôle.
L'avis du Conseil d'État du 11 décembre 2007 a été rendu par la section des finances du Conseil d'État. Je n'y siège pas et je n'avais jamais entendu parler de cet avis avant d'être nommé président de la commission consultative. Mais je pense que l'idée était admise que le trafic des camions ayant un coût pour la collectivité, ces derniers pouvaient légitimement être appelés à participer au financement des infrastructures de transport et, plus particulièrement, de l'Afitf, qui n'a plus d'argent. Les travaux du canal Seine-Nord-Europe vers la Belgique, par exemple, sont arrêtés faute de moyens.
J'en viens à votre deuxième question : j'ai plutôt le sentiment, à mon niveau, qu'il y a eu une continuité avant et après juin 2012, entre l'ancien et le nouveau Gouvernement, sur l'écotaxe. Le flux de textes soumis à la section des travaux publics du Conseil d'État, qui est considérable, ne s'est pas interrompu - réduction de 50 % du taux en Bretagne, description du réseau concerné par la taxe, etc. Le Gouvernement, me semble-t-il, comptait vraiment sur les recettes de la taxe à partir du 1er janvier 2014 pour alimenter l'Afitf. Un membre du cabinet de M. Cuvillier à qui je demandais si cette taxe serait un jour en vigueur m'a fait une réponse très assurée.
M. François Grosdidier. - Il n'y avait pas d'interrogations sur les modalités de mise en oeuvre ?
M. Roland Peylet. - Pas du tout. C'est ce que j'ai, en tout cas, ressenti.
M. Éric Doligé. - Pourrions-nous avoir une description technique du dispositif ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous nous sommes déplacés à Metz où l'on nous a tout expliqué.
M. Éric Doligé. - Je suis allé chez un fabricant de boîtiers par hasard où l'on voit très bien les fonctions du boîtier - satellitaire, péage, repérage, etc. Il faut connaître l'utilité des portiques et des bornes. Il serait bon de connaître aussi le nombre exact de véhicules à équiper : 400 000 ou 800 000 ?
Vous avez dit, Monsieur Peylet, que l'Afitf n'avait plus d'argent pour financer les infrastructures publiques. Vous pourriez ajouter : « et les collectivités non plus ». Elles ne disposent plus des ressources nécessaires pour financer leur réseau et leur politique d'aménagement public, surtout que des routes nationales ont été transférées par l'État aux collectivités, qui comptaient sur les recettes de l'écotaxe pour financer des travaux et sont aujourd'hui dans une situation difficile.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - L'écotaxe est suspendue, mais le contrat continue à produire ses effets. Notre commission d'enquête doit évaluer aussi les conséquences financières de cette suspension si elle se poursuit ou en cas de résiliation du contrat.
Considérez-vous que votre mission a pris fin ? Et si oui, à quelle date ?
M. Roland Peylet. - Elle a pris fin lorsque les ministres ont classé les offres et ont choisi le candidat.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Avez-vous présenté vos conclusions au ministère des transports ?
M. Roland Peylet. - Nous avions produit notre avis. Et c'est la DGITM qui était chargée de présenter les conclusions au ministre.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Quelle distinction faites-vous entre vos avis et celui de la Mappp ?
M. Roland Peylet. - Celui de la Mappp a un effet juridique, il est indispensable pour procéder à la signature d'un contrat de partenariat pour l'État. Ceci dit, dès lors qu'une commission consultative a été créée, son avis est nécessaire, mais il ne s'agit que d'un avis
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - S'agissant du recouvrement, la direction des Douanes et des droits indirects nous a indiqué que l'assemblée générale du Conseil d'État avait validé ses modalités.
M. Roland Peylet. - Il y a eu plusieurs avis du Conseil d'État. Tout d'abord, l'avis du 11 décembre 2007, que je vous ai cité précédemment qui émane de la section des finances qui valide le recours à un prestataire privé, y compris pour le recouvrement d'un impôt.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - L'avis en question portait sur un projet de loi de finances.
M. Roland Peylet. - Peut-être faites-vous référence à l'avis de l'assemblée générale sur le projet de loi de finances pour 2009, et notamment son article F 22, devenu l'article 118 de la loi, relatif au contrat de partenariat. La seule trace écrite dont je dispose est une fiche de jurisprudence mais qui n'a pas de lien avec le sujet puisqu'il a trait à la répercussion obligatoire de la nouvelle taxe sur les contrats - et applicables aux contrats en cours - conclus avec les chargeurs.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Merci d'avoir répondu à nos questions.
Audition de M. Antoine Caput, représentant de Thales Communications - Sécurité SAS au comité exécutif d'Écomouv' SAS
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Monsieur Antoine Caput, vous êtes accompagné de M. Edouard Ricard, directeur juridique de Thales Communications & Sécurité (TCS). Vous voudrez bien nous présenter les motivations ayant conduit TCS à rejoindre Écomouv', nous préciser les relations de TCS, actionnaire et sous-traitant, avec Écomouv'; et évoquer les conséquences financières de la suspension de l'écotaxe.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Antoine Caput prête serment.
M. Antoine Caput, directeur du secteur Péages routiers, représentant de la société Thales Communications & Sécurité SAS au sein du comité exécutif d'Écomouv' SAS - Je vous remercie de donner à TCS l'opportunité d'expliquer son positionnement dans le montage contractuel et financier, et ses activités industrielles dans le projet de l'écoredevance poids lourds. Thales intervient avant tout en qualité d'expert industriel. À côté de ses activités bien connues dans l'électronique de défense, les communications sécurisées, l'aéronautique, l'espace, la cybersécurité et les composants de haute technologie, le groupe Thales est un leader mondial dans le secteur des solutions offertes aux opérateurs de transport, qu'il s'agisse de signalisation ferroviaire, de contrôle-commande automatisé, de télécommunications spécialisées, de sécurité, de supervision et de sécurisation des revenus à destination des opérateurs de transport. Nous avons développé à ce titre, depuis notre centre de compétence de Brétigny-sur-Orge, des systèmes de péage et de contrôle pour accompagner le développement des réseaux autoroutiers français et européens. Nous avons ensuite mis au point la technologie innovante (badge radio et balises au sol) du télépéage inter-sociétés qui a permis la création de voies dédiées sans arrêt aux gares de péage du réseau français. C'est sur la base de cette expertise que nous offrons des solutions complètes de péage et de contrôle en flux libre. Dès 2008, nous avons remporté le marché de remplacement des barrières de péage traditionnelles des autoroutes périurbaines de Brisbane, en Australie, par 14 portiques multi-voies. Mise en service en juillet 2009, cette réalisation majeure a permis de diminuer fortement les temps de trajet et le nombre d'accidents.
Ce système traite 280 000 passages par jour.
Ce précédent nous a amené à nous intéresser au projet français de redevance poids lourds. Nous avons choisi au démarrage de la consultation de nous positionner comme industriel sous-traitant pour l'ensemble du système de contrôle. Nous avons mené des discussions exploratoires avec différents opérateurs ou acteurs candidats, notamment la société Autostrade, qui avait été notre client, comme opérateur autoroutier en Italie. Nous avons décidé de lui apporter notre soutien dès l'étape de l'offre initiale puis de l'accompagner pendant la consultation. Au cours de ce travail d'équipe, il est apparu opportun pour Autostrade, comme pour les principaux sous-traitants industriels, dont Thales, d'utiliser la faculté ouverte par le règlement de consultation d'entrer au capital de la société de projet une fois le contrat signé. Cette disposition, classique pour un PPP, matérialise pour la puissance publique l'engagement des parties, condition du succès, et renforce la cohésion entre industriels et maître d'ouvrage. Ces éléments sont particulièrement importants dans un projet technologique de longue durée dans lequel les risques et les responsabilités sont élevés. On voit bien, dans les turbulences traversées depuis la suspension de la taxe, l'importance d'avoir réuni ainsi les principaux contributeurs.
Le système de contrôle vise à garantir une collecte optimale de la redevance. L'État s'est inspiré des dispositifs existant dans tous les pays européens dotés d'un péage poids lourds. Il a défini les spécifications fonctionnelles des équipements de contrôle automatique et des outils de contrôle manuel et a fixé les niveaux de performance attendus. Ces objectifs de performance sont cruciaux. Ils déterminent la qualité du service, le coût de l'exploitation et une partie de la rémunération de l'exploitant. Ils peuvent aussi, en cas de défaillance, être contractuellement durement sanctionnés. Il était essentiel que le concepteur/constructeur du système de contrôle reste engagé sur la durée de l'exploitation. C'est la raison pour laquelle, au-delà de la livraison du dispositif de contrôle, Thales est engagé sur sa maintenance totale garantissant la supervision technique des équipements, diagnostiquant les anomalies, diligentant les interventions sur site et assurant la logistique de ces opérations au profit d'Écomouv'. Avant le terme du contrat de partenariat, Thales réalisera aussi les opérations spécifiques de maintenance-entretien final du dispositif de contrôle avant restitution des équipements à l'État.
Nous avons du reste beaucoup participé aux étapes de vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF), d'homologation et de vérification de service régulier (VSR). Le dispositif de contrôle est abouti, conforme aux exigences et parfaitement fonctionnel, ce que vous avez pu constater lors de votre déplacement à notre centre de traitement des anomalies, à Metz. Tous ses éléments constitutifs sont issus d'entités de Thales localisées en France (Brétigny, Cholet, Vélizy), ainsi que d'un large tissu de PME sous-traitantes. Demain la supervision du système et la conduite des opérations de maintenance seront assurées depuis Lambersart.
TCS a consenti des investissements financiers considérables et a mobilisé des équipes entières d'ingénieurs et de techniciens : au pic de charge, fin 2012, 320 personnes travaillaient sur le projet. La réussite des opérations de recette et de test, la délivrance des certificats d'homologation par l'État sont les témoins de leur implication. La suspension de l'écotaxe est très préoccupante pour nous, comme pour Écomouv', car elle nous impacte comme actionnaire de la société de projet et comme industriel, fournisseur et mainteneur du système de contrôle. Nous sommes à l'écoute de nos clients et attentifs aux contraintes qui s'exercent sur le projet. Nous sommes résolus à aider l'État à trouver une solution pour le faire prospérer à nouveau.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Nous n'avons pas reçu les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de TCS au cours desquelles a été décidée l'entrée au capital d'Écomouv'. Pouvez-vous préciser s'il s'agit d'Écomouv' SAS ou d'Écomouv' D&B ?
M. Antoine Caput. - Les extraits pertinents des deux procès-verbaux des conseils d'administration de TCS et de Thales SAS vous seront adressés dès aujourd'hui.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Nous souhaitons disposer de l'ensemble des discussions pour comprendre comment la décision a été prise, et quelle fut la position du représentant de l'État.
M. Antoine Caput. - Votre observation reprend la question que vous m'aviez adressée sur la position de l'État actionnaire...
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je suis têtue !
M. Antoine Caput. - L'État est membre du conseil d'administration de TCS et de sa maison mère, Thales SAS, dont il détient 26,6 % du capital. L'entrée de TCS au capital d'Écomouv' n'a pas suscité de difficulté particulière, car elle s'inscrit dans la volonté stratégique du groupe Thales d'être présent sur un marché porteur, de créer de la valeur et d'en bénéficier par le biais des dividendes. Il n'y a pas de confusion des rôles : l'Agence des participations de l'État (APE) agit comme actionnaire et investisseur avisé, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) sont responsables d'un marché.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je voudrais juste lire ces procès-verbaux.
M. Antoine Caput. - Les extraits pertinents sont sous pli, prêts à vous être adressés. TCS est l'investisseur et détient les deux contrats en qualité d'industriel. Le règlement de la consultation autorisait la société de projet, une fois attributaire du contrat, à ouvrir son capital à hauteur de 30 % dans les cinq jours suivant la notification du contrat. Ces 30 % ont été répartis, sans difficulté aucune, entre Thales (11 %), la SNCF (10 %), SFR (6 %) et Steria (3 %), à hauteur de leur implication respective dans le projet. Contrairement à ce qui a été avancé de manière outrancière et injuste, la solution globale développée par Écomouv' n'est pas étrangère mais essentiellement française. Elle place la France à la pointe de ce qui a été réalisé en Europe.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je réitère ma question : s'agit-il d'une entrée au capital d'Écomouv' SAS ou d'Écomouv' D&B ?
M. Antoine Caput. - La société de projet est la seule importante. La société de construction n'est pas pérenne. Elle a pour intérêt de conduire la construction et d'isoler le risque de construction vis-à-vis des créanciers du projet. Elle disparaîtra une fois la construction terminée et la période de garantie expirée.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pouvez-vous préciser la nature du risque ? Dans quelle société est-il localisé ? Qui finance ?
M. Antoine Caput. - Il s'agit des risques qui peuvent survenir au cours de la construction. La société de projet emprunte et rémunère le constructeur pour qu'il construise, mais ce dernier a la responsabilité liée à la construction.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous n'avez pas de responsabilité dans la société de construction ?
M. Antoine Caput. - Si : les partenaires qui ont une réelle activité industrielle durant la construction ont également une participation dans la société de construction.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pourtant la SNCF n'en a pas.
M. Antoine Caput. - Indirectement, elle contribue à la construction par l'intermédiaire de Geodis. Quant à nous, pour les prestations de maintenance pré-opérationnelle (avant la mise à disposition), nous utilisons en sous-traitance les prestations de SNCF-Infra, pour interventions sur les systèmes de contrôles sur les installations déjà déployées. Dans les deux cas, le porteur de l'actionnariat, au sein de Thales, est TCS.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Que représente une participation de 11 % ?
M. Antoine Caput. - Il s'agit du montant total de l'engagement pris par TCS dans la société de projet Écomouv' SAS, qui est de l'ordre de 16 millions d'euros.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les représentants de la SNCF nous ont indiqué que la société avait emporté le marché de maintenance des dispositifs de contrôle. Vous nous dites la même chose et vous évoqué la sous-traitance de prestations à la SNCF. J'y perds mon latin. Pouvez-vous nous éclairer sur le fonctionnement du système et la répartition des rôles ?
M. Antoine Caput. - SNCF-Infra est le sous-traitant de TCS pour les opérations de maintenance sur site des systèmes de contrôle fixes, c'est-à-dire la maintenance des portiques. La maintenance des dispositifs déplaçables se fait par retour en atelier.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pouvez-vous définir ce que recouvre cette fonction de contrôle ?
M. Antoine Caput. - Le périmètre ou le système ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous voulons comprendre quelle est votre apport dans le système de contrôle, ce que vous faites...
M. Antoine Caput. - Le système de contrôle se compose de trois niveaux. Le premier niveau, le plus important, est constitué des systèmes de contrôle automatiques, fixes et déplacables, c'est-à-dire les portiques et les bornes blanches installées en bordure de voie de circulation, qui ne contrôlent qu'une voie mais peuvent être sont déplacées de mois en mois pour contrôler différents points du réseau taxé. Il s'agit de contrôles exploités par la société Écomouv'.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Qui réalise la maintenance ?
M. Antoine Caput. - La maintenance est réalisée par Thales - et pour partie, celle qui consiste à procéder sur site à des échanges d'équipements en cas de défaillance, ou à l'entretien périodique, par la SNCF ou d'autres sous-traitants. Le second niveau de contrôle est constitué d'outils de contrôle manuels. Il s'agit d'abord de lecteurs portables qui permettent aux corps de contrôle d'interroger les données qui figurent dans l'équipement embarqué. Ces outils sont exploités par les corps de contrôle, douanes, police, gendarmerie.
Il y a aussi des lecteurs mobiles, embarqués dans les véhicules de la douane et qui peuvent faire des contrôles dans le trafic, en circulation. Écomouv' n'exploite pas ces contrôles.
Le troisième niveau est celui de la supervision. Un outil de supervision technique vérifie que l'ensemble du dispositif fonctionne normalement ; il remonte l'information en cas de panne, de manière à ce que les équipes de TCS puissent réaliser un télédiagnostic, préalable à une éventuelle intervention sur site par des agents de SNCF-infra. Enfin, lorsqu'une anomalie est constatée au passage d'un véhicule, l'ensemble des informations collectées sur ce véhicule (plaque d'immatriculation, photo de contexte, classification du véhicule, données figurant à bord de l'équipement embarqué) sont envoyées au centre de traitement des anomalies. Au sein du centre, des opérateurs agréés par la préfecture décident si les anomalies révèlent ou non un manquement susceptible de justifier une sanction. La mission de contrôle d'Écomouv' s'achève à l'émission du rapport de manquement, qui est envoyé aux douanes, lesquelles sont en charge d'infliger les amendes et de les recouvrer.
M. Éric Doligé. - Les portiques et les outils de contrôle manuels visent à contrôler les véhicules et à vérifier s'ils sont en règle. Ces outils sont-ils aussi utilisés pour la facturation ?
M. Antoine Caput. - Le système de contrôle ne joue aucun rôle dans la facturation. Il existe toutefois un lien entre le contrôle et la collecte. Le système de contrôle automatique est discontinu : il existe 173 points de contrôle automatique fixes pour 15 000 kilomètres de route, soit un contrôle tous les 87 kilomètres. L'efficacité du système repose sur le fait que les véhicules assujettis à la taxe transportent un équipement embarqué ; sinon ils sont invisibles pour le système de collecte. Lorsqu'un véhicule assujetti équipé passe devant un portique ou une borne, ceux-ci cherchent à établir un contact radio, selon la norme DSRC, avec l'équipement embarqué. Si le véhicule est équipé, la communication est établie dans la quasi-totalité des cas. Mais il peut arriver, pour diverses raisons, que le contact ne s'opère pas, par exemple en raison de perturbations électriques ou parce que l'équipement embarqué a glissé du tableau de bord. Il serait alors dommageable de sanctionner le véhicule alors qu'il s'agit d'une « fausse » anomalie, car dans ces situations, le véhicule est bien facturé. Pour l'éviter, en l'absence de contact radio, le système de contrôle interroge le système de collecte afin de vérifier si à ce point, une transaction satellitaire de collecte a bien été enregistrée. Si c'est le cas, cela signifie que l'équipement embarqué était bien à bord.
M. Éric Doligé. - Le satellite peut-il avoir une précision suffisante pour distinguer une route taxée d'une autre, très proche, qui ne l'est pas ? Car alors peut-être pourrait-on se passer de portiques.
M. Antoine Caput. - Ce problème est bien connu. Il concerne la collecte - dont TCS n'est pas responsable - et non le système de contrôle. Sans trop m'avancer ou parler à la place de mes partenaires, je crois pouvoir affirmer que le système fourni par Autostrade Technologies à Écomouv' sur la partie collecte répond à cette difficulté. Des balises de localisation sont positionnées à certains endroits spécifiques (routes extrêmement proches, tunnels) ; elles fournissent un signal au sol à l'équipement embarqué. Cette communication radio permet de localiser les véhicules à 20 ou 30 centimètres près. Le but est d'éviter les problèmes qui se sont produits en Allemagne, au début.
M. Éric Doligé. - Sans obligation de contrôler, on pourrait finalement se passer des portiques ?
M. Antoine Caput. - Le système de contrôle ne sert pas à établir la facturation. En tant qu'industriels nous pouvons avoir un avis sur son utilité mais, en tout état de cause, ce système est prescrit par l'État.
M. Éric Doligé. - J'étais sur une fausse piste. Il m'avait été indiqué que la destruction des portiques n'était pas susceptible d'entraver la facturation, mais des intervenants, peut-être juges et parties, m'ont ensuite affirmé l'inverse.
M. Antoine Caput. - Le portique évite de pénaliser indûment certains véhicules dans des circonstances particulières.
M. Éric Doligé. - Il serait donc possible de mettre en place des systèmes de contrôle différents, purement manuels par exemple ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - À mon sens, les portiques sont agressifs.
M. Antoine Caput. - C'est dans la résultante des contraintes technologiques. Dans le cadre du contrôle, nous devons prendre une vue de face du véhicule et une vue de contexte, et établir une communication radio. Seul le portique, positionné au-dessus des voies, permet de satisfaire ces prescriptions sur les axes multivoies. Il en va autrement lorsque le contrôle concerne une seule voie. Les bornes latérales, moins provocantes, sont alors suffisantes. Mais l'essentiel de la taxation est réalisé sur des grands axes à plusieurs voies. Devant les 173 points de contrôle fixes arrêtés par l'État, il passera 610 000 véhicules par jour. Il est totalement illusoire de penser que le contrôle pourrait être efficacement réalisé par des moyens manuels en termes de coût, de moyens et de praticité. Le grand avantage du système proposé par Écomouv' réside dans son faible coût d'exploitation et de maintenance et dans son absence de gêne pour le trafic. Que diraient les transporteurs s'ils devaient ralentir et s'arrêter pour être contrôlés ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Dans ce système, celui qui verbalise n'est pas celui qui a constaté l'infraction. Cela pose tout de même une difficulté.
M. Antoine Caput. - La vidéo-verbalisation existe déjà, par exemple à Paris.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Au cours du dialogue compétitif, l'État a-t-il demandé des modifications susceptibles d'augmenter les coûts ?
M. Antoine Caput. - Le dialogue compétitif s'est déroulé entre mars et avril 2010 après la remise des offres initiales. Nous avons - Écomouv' et ses sous-traitants - eu neuf réunions avec l'État sur des thèmes définis. J'imagine que le processus a été le même pour les autres candidats. Puis, l'État a tiré ses conclusions et a modifié le cahier des charges en juillet 2010. Lors des séances, les représentants de l'État n'ont pas formulé de demandes d'ajustement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - À la fin, le cahier des charges était plus contraignant ?
M. Antoine Caput. - Non pas dans le domaine du contrôle. Le cahier des charges initial prévoyait 300 portiques de contrôle, le cahier des charges final, 173. A contrario, le nombre de contrôle automatiques déplaçables a été augmenté. Les exigences de performance ont été allégées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous n'êtes à ce jour pas encore payé comme actionnaire. L'avez-vous été en votre qualité de sous-traitant ? L'État vous doit-il quelque chose ?
M. Antoine Caput. - La rémunération du capital apporté par TCS se fera sous forme de dividende lorsqu'Écomouv' le pourra. Les prêts consentis par TCS sont rémunérés par des intérêts qui ont commencé à être versés.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - À quel taux ?
M. Antoine Caput. - Je ne peux vous donner cette information. Il s'agit de taux normaux. En raison de la situation du projet, la rémunération des prêts d'actionnaire est suspendue depuis décembre.
Notre rémunération d'industriel sous-traitant est assurée par la facturation de nos prestations, dans un premier temps auprès de la société de construction puis de la société de projet. Contrairement à la pratique habituelle, l'État n'a pas souhaité la présence d'une société d'exploitation. Il a accepté de déléguer la collecte de la taxe mais a interdit au délégataire de la subdéléguer.
Les prestations industrielles de TCS sont régies par deux contrats : l'un signé avec Écomouv' D&B, concernant la construction du système de contrôle ; le second conclu avec Écomouv' SAS, relatif aux prestations de maintenance. TCS a été réglée jusqu'en juillet 2013 au titre de ses prestations de construction, puis les paiements ont été suspendus. La société n'a pas été rémunérée au titre de la maintenance.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Quelle est la perte subie ?
M. Antoine Caput. - Elle est importante.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Comment ressentez-vous la suspension ? Combien de temps la situation est-elle tenable ?
M. Antoine Caput. - Vous nous avez adressé un questionnaire écrit, où vous formuliez ainsi cette question : « Que pensez-vous des déclarations d'Écomouv' selon lesquelles elle pourrait assumer un report du système de l'écotaxe jusqu'à la fin de l'année ? » Or, ces déclarations d'Écomouv' ont été tronquées. Pour vous répondre, il suffit de citer en entier les propos tenus à l'Assemblée nationale : « en travaillant bien, il n'est pas impossible de tenir jusqu'à la fin de l'année », puis « aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies pour tenir très longtemps », enfin « le pronostic vital est aujourd'hui engagé ». Nous sommes surpris de la manière dont ces propos ont été déformés...
Nous participons aux discussions engagées depuis deux semaines entre l'État et Écomouv'. Nous sommes dans un état d'esprit constructif. Des solutions peuvent être trouvées pour traverser la période de suspension. Toutefois, si la situation actuelle devait perdurer, la viabilité d'Écomouv' serait menacée.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - En dehors des 16 millions d'euros d'apport en capital, TCS a-t-elle accordé des garanties ou des sûretés à Écomouv' ? Êtes-vous prêts à envisager une recapitalisation ?
M. Antoine Caput. - TCS a accordé des garanties et sûretés à Écomouv' en qualité d'industriel et d'actionnaire. Je peux vous en donner la liste. Quant à participer à une augmentation de capital, ce n'est pas de ma responsabilité, mais de celle du conseil d'administration !
M. Jean-Jacques Filleul. - Que représente le projet Écomouv' au regard du chiffre d'affaires de Thales ? S'agit-il d'un engagement significatif ?
M. Antoine Caput. - Les deux contrats obtenus par TCS sont d'une valeur conséquente même pour un groupe de la taille de Thales. Ils apportent, en outre, une grande visibilité à l'entreprise.
M. Jean-Jacques Filleul. - Est-ce à dire que l'abandon de l'écotaxe représenterait un manque à gagner substantiel ?
M. Antoine Caput. - Certainement. Le projet comporte un volet construction et un volet exploitation, lequel est intéressant car il nous assure une activité de service pérenne, régulière. En cas de résiliation, la perte pour Thales comme pour les autres partenaires serait importante.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Pouvez-vous nous communiquer des montants ?
M. Antoine Caput. - Je vous remettrai une note chiffrée.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Rémunérez-vous SNCF-Infra directement ?
M. Antoine Caput. - Oui. Vis-à-vis d'Écomouv', TCS assume la responsabilité du système de contrôle et rémunère ses propres sous-traitants, dont SNCF-Infra.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Confirmez-vous que toutes les installations sont prêtes à fonctionner depuis le 17 janvier 2014 ?
M. Antoine Caput. - Le système de contrôle a passé tous les tests requis et a été homologué par l'État fin décembre.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Des défauts majeurs avaient été constatés en juin et en septembre...
M. Antoine Caput. - Des défauts ont été relevés, cela n'était pas étonnant, aucun nouveau système complexe n'en est jamais exempt. L'État ne constate plus de défauts aujourd'hui.
Il y a eu des décalages plutôt que des retards contractuels. L'enchaînement des tâches ne s'est pas toujours réalisé dans les conditions imaginées à l'origine. L'État l'a reconnu. Des discussions sont en cours à ce sujet.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Dans le cadre de ce projet, avez-vous déposé des brevets ?
M. Antoine Caput. - Non. Nous avons décliné sur l'écotaxe des solutions déjà expérimentées pour les péages autoroutiers.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - En l'absence de contestation, la mise à disposition intervient deux mois après la vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF). Vous nous dites qu'une discussion est en cours avec l'État. Se fait-elle directement entre Écomouv' et l'État ?
M. Antoine Caput. - Oui. Il n'y a pas de tiers intervenant. L'État et Écomouv' sont simplement assistés de leurs conseils. Il s'agit d'une discussion amiable qu'Écomouv' a appelée de ses voeux dès l'annonce de la suspension de l'écotaxe, pour examiner les conséquences de cette décision. Le groupe de travail s'est réuni pour la première fois il y a quinze jours.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - La mise à disposition de l'équipement intervient théoriquement après la vérification de service régulier (VSR) et la VABF. L'État a fait un geste en acceptant que les tests d'homologation démarrent avant que la VABF ne soit constatée.
M. Antoine Caput. - Vous voulez parler sans doute de la VSR. L'homologation a été achevée fin décembre. Elle est indépendante de la VABF ou de la VSR. Avant le 29 octobre 2013, l'État et Écomouv' ont revu le calendrier du contrat pour être en mesure de tenir la date du 1er janvier 2014, en accélérant les enchaînements de phases. Les contrats prévoient toujours des durées maximales ; les parties sont en l'occurrence convenues de raccourcir les délais. L'État a autorisé Écomouv' à procéder à des tests préparatoires avant que la phase de VSR ne soit ouverte et à exploiter leurs résultats au titre de la VSR. Lorsque la VABF a été prononcée en janvier, le constat de la fin de la VSR a été concomitant car le rapport était déjà prêt ; cela ne signifie pas que la VSR se soit déroulée en un jour !
M. Jean-Jacques Filleul. - Est-ce l'apport en capital que vous avez consenti qui vous amène à travailler avec Écomouv' ?
M. Antoine Caput. - Non, le schéma est inverse. Pour répondre à de grands projets, des entreprises décident d'unir leurs forces. Une fois le rapprochement effectué, on s'accorde sur l'entrée au capital.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - En d'autres termes, Écomouv' vous a contacté en qualité de sous-traitant potentiel. Elle vous a proposé d'entrer au capital dans un second temps.
M. Antoine Caput. - C'est cela. Le calendrier est important : pour être en mesure de démarrer les travaux dès que la décision d'attribution du marché intervient, il faut être mobilisé et parfois avoir réalisé des travaux préparatoires. Les délais sont très brefs.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je vous remercie. Vos explications ont permis à la commission de mieux comprendre les contours de la fonction de contrôle.