Mercredi 11 décembre 2013
- Présidence de M. Michel Savin, président -Audition de M. Jean Guillot, directeur général du Centre national de développement du sport (CNDS)
M. Michel Savin, président. - Nous recevons M. Jean Guillot, directeur général du centre national du développement du sport (CNDS).
M. Jean Guillot, directeur général du Centre national du développement du sport. - Conseiller maître à la Cour des comptes, je dirige le CNDS depuis le 1er février 2013 dans le cadre d'un détachement de quatre ans. Cet établissement public administratif, rattaché au ministère de la jeunesse et des sports, a succédé à un fonds dédié, le FNDS, en 2006, suite à l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le conseil d'administration réunit la ministre, le président du comité national olympique, des élus locaux ou nationaux et des personnalités qualifiées. Nos ressources proviennent de taxes affectées : l'une, sur les paris, nous est versée par la Française des Jeux et l'autre, dite taxe Buffet, a été instaurée en 1999. Ces recettes sont plafonnées mais garanties. Elles s'établissent respectivement à 176 millions d'euros et 40,9 millions d'euros, pour un budget global de 272 millions d'euros.
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, a mis en oeuvre, depuis novembre 2012, un plan de redressement des finances du CNDS, lequel s'était égaré dans une trop grande dispersion de ses subventions. Elle a souhaité un recentrage sur l'accès au sport pour tous, femmes, jeunes, handicapés, dans les territoires carencés en particulier. Ce recentrage correspond à la préconisation formulée dans son rapport par la Cour des comptes en janvier 2013. Nous réformons donc les critères d'attribution des 132 millions d'euros de subventions de la part territoriale ainsi que des subventions d'équipement. Depuis 2010, nous finançons les stades qui serviront à l'Euro 2016, pour un montant de 160 millions d'euros. Ces aides sont, pour la première fois, contestées par la Commission européenne, qui rendra son verdict le 18 décembre. Bruxelles vérifie la compatibilité des aides aux termes du traité sur l'Union européenne. Pour la première fois, nous avons dû expliquer les montages financiers, le système de redevances entre les propriétaires d'équipements et les clubs résidents, les conventions passées avec des porteurs de projets, y compris privés, je songe à la Foncière du Montout. Nous espérons débloquer bientôt nombre de financements qui sont actuellement gelés.
Le CNDS comprend 25 personnes et dispose d'un agent comptable centralisé, ce qui en fait un payeur principal et raccourcit les délais de paiement. Lors du conseil d'administration du 19 mars 2013, la ministre a demandé que la réorientation des subventions se double d'une réforme structurelle du CNDS. Nous développons donc la déconcentration en donnant plus de poids aux collectivités territoriales et aux préfets dans la prise de décision, notamment dans les zones carencées. La Cour des comptes avait reproché au CNDS le trop grand nombre de ses subventions : il y en avait 33 000, dont les plus petites pour un montant unitaire de 750 euros. Nous revoyons la répartition mais sommes conscients des risques d'éviction -une subvention de 1 000 euros peut être très importante pour une petite association-. Nous mènerons en 2014, année test, une étude d'impact, pour apporter si nécessaire des corrections en 2015.
La ministre a souhaité une révision de la répartition territoriale des subventions. Auparavant, le principal critère d'attribution était le nombre de licenciés. Nous avons demandé à un prestataire de construire un nouveau modèle de distribution intégrant davantage de paramètres sociaux -taux de jeunes dans la population en ZUS, taux de femmes pratiquant un sport, taux de pauvreté etc...- qui été adopté à l'unanimité lors du conseil d'administration du 19 novembre dernier. Reste à mettre en place un pilotage régional de ce nouveau dispositif. Dès le mois de janvier nous enverrons aux préfets son mode d'emploi. Les grands équipements resteront gérés au niveau national.
La ministre a souhaité favoriser l'apprentissage de la natation, car nombre de jeunes ne savent pas nager à l'entrée en sixième. L'éducation nationale doit faire un effort, comme les collectivités territoriales. Nous cherchons à définir une politique d'intervention qui maximise notre effet de levier. Ce que l'on a reproché au CNDS, c'est un saupoudrage. Nous avons modifié cela, en dialoguant avec le mouvement sportif et les élus locaux.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Notre mission d'information porte sur le sport professionnel et les collectivités territoriales. La ministre a voulu réorienter l'action du CNDS vers l'accès au sport pour tous. Cela entre-t-il en opposition avec le financement du sport professionnel ? Si oui, où passe la frontière ? Quelles sont vos actions en faveur du sport professionnel ?
M. Jean Guillot. - Nos statuts nous orientent nettement vers le sport amateur, mais certaines structures accueillent à la fois du sport amateur et du sport professionnel. Nous savons différencier les choses et au besoin, nous réclamons un supplément d'information et n'hésitons pas à instruire à nouveau le dossier. Nous finançons, cela fait partie de nos missions, de grands évènements internationaux tels que les championnats d'Europe ou du monde, qui mêlent sport amateur et sport professionnel. En golf, la fédération a adossé à la préparation de la Ryder Cup, que nous finançons à hauteur de 6 millions d'euros, un plan d'équipement qui profitera au sport amateur et démocratisera l'accès à cette discipline. Nous avons signé une convention de développement du golf urbain, des petits centres de pitch and put pour favoriser l'éveil et la pratique familiale. Nous évitons d'aider les projets à forte dimension commerciale. Une aide à une salle de bowling, par exemple, est actuellement contestée devant la Commission européenne. Entre 2000 et 2010 nous avons financé des Arenas, qui regroupent de l'événementiel, du sport professionnel et, à la marge, du sport amateur, mais nous avons exigé l'ouverture des installations aux amateurs. La frontière entre sport professionnel et sport amateur est assez floue. Telle équipe de basket de Nanterre se professionnalise mais n'a pas de salle ; à l'inverse, telle équipe de football revient en division 2 et n'a plus besoin d'un vaste stade, mais les équipements ont été construits et ils demeurent. La frontière n'est pas nette non plus parce que les jeunes sous contrat deviennent pour certains des cadets juniors, puis des pros.
J'ajoute que nos actions contre le dopage concernent le sport amateur comme le sport professionnel.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Le CNDS contrôle-t-il a posteriori l'utilisation de ses subventions ?
M. Jean Guillot. - Nous nous assurons que l'équilibre initial est respecté. Bien sûr, s'il ne l'est pas, nous n'allons pas démonter l'équipement. Mais les structures doivent évoluer pour accueillir les sportifs handicapés ou d'autres sports. Notre réseau déconcentré nous renseigne bien, notamment pour nous signaler lorsqu'un basculement s'opère vers le sport professionnel. Nous n'avons pas, en revanche, de grille stricte d'évaluation.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Dans une structure mixte, comme un stade de football comprenant une piste d'athlétisme, le CNDS peut-il intervenir uniquement pour le financement de celle-ci ?
M. Jean Guillot. - Le dossier reçoit un avis de la fédération compétente, premier filtre externe qui permet d'éliminer les dossiers uniquement professionnels. Par exemple la fréquentation du mercredi est vérifiée, comme l'accès des écoles ou des associations, auquel la ministre souhaite donner la priorité. Je n'ai pas connaissance de dossiers de financement bricolés pour masquer le financement d'un équipement professionnel.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Qui présente des dossiers ?
M. Jean Guillot. - Les porteurs de projet, comme les intercommunalités, les structures du mouvement sportif (Cros et Cdos), les directions régionales de la jeunesse et des sports. La base de données « subventions aux équipements sportifs » (SES) constitue un premier filtre interne. Le comité de programmation réunit ensuite les élus, le mouvement sportif, la direction des sports. Ce travail collégial permet d'identifier la véritable nature des dossiers.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Si certains dossiers apparaissent financièrement disproportionnés par rapport à l'activité sportive, le CNDS alerte-t-il les collectivités ?
M. Jean Guillot. - Je n'ai pas d'exemple. Souvent les grands équipements sont demandés par les collectivités territoriales en prévision de grands événements, phénomène à l'oeuvre dans un nombre croissant de disciplines. En cas de doute, j'interroge le préfet, notamment sur la soutenabilité financière du projet. Un seul dossier a échoué. Il nous arrive de suspendre des projets insuffisamment mûrs. C'est parfois le cas outre-mer où les procédures sont complexes. En général la collectivité reprend le projet, parfois elle le modifie : une commune, qui avait prévu un partenariat public-privé pour construire une patinoire, a finalement choisi une délégation de service public. Ainsi les dossiers incohérents sont corrigés et d'autres sont abandonnés.
M. Michel Savin, président. - Vous attendez la réponse des institutions européennes sur la compatibilité des aides de l'Euro 2016. Risquent-elles d'être remises en cause ?
M. Jean Guillot. - La Commission vérifie la compatibilité des aides par rapport aux règles européennes. Nous sommes en discussion avec elle. Elle examine les montages réalisés, les porteurs de projet, le montant des redevances versées par le club résident aux collectivités propriétaires. Sur dix stades, on compte des partenariats public-privé, des maîtrises d'ouvrage publiques classiques, ainsi qu'un projet entièrement privé porté par l'Olympique lyonnais et la Foncière du Montout, inspiré du modèle allemand et faisant appel à une ingénierie financière très complexe. Lens a aussi un projet, mais son club n'est plus en Ligue 1 et le stade de Lille n'est pas loin. Je ne sais pas comment l'Europe statuera.
M. Jean-Jacques Lozach. - Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale, la ministre a accepté un amendement qui élargit l'assiette de la taxe Buffet aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français par des détenteurs de droits situés à l'étranger. Qu'en pensez-vous ? Comprenez-vous les réticences des diffuseurs français ?
L'un des objectifs du CNDS doit être l'égalité des territoires : y a-t-il des échanges entre le ministère de la jeunesse et des sports et celui du logement et de l'égalité des territoires, lors de l'instruction des dossiers ?
M. Jean Guillot. - Le CNDS a provisionné 1 million d'euros pour la promotion des sports émergents à la télévision. La taxe Buffet a été conçue quand les grandes chaînes sportives n'existaient pas. Son produit s'établit à 40,9 millions. Si les sports émergents peuvent en bénéficier, pourquoi pas ? Le dossier est ouvert. Je rappelle cependant que, selon le Conseil d'État, une taxe avec une assiette très réduite pose un problème de constitutionnalité.
Nous travaillons avec la Datar et l'Observatoire des territoires afin d'identifier les zones carencées : ZUS, ZRR ou autres... Nous disposons d'une base de données « recensement des équipements sportifs » (RES) qui, croisée avec la base SES, permet d'identifier ces zones: « les trous dans la raquette », si je puis dire. Mais il est difficile d'évaluer la densité des équipements et les pratiques sportives dans les territoires péri-urbains.
Mme Françoise Cartron. - M. Le Scouarnec souhaite connaître l'évolution du fonds ces dernières années. Sur la totalité des dossiers qui vous sont présentés, quel est le pourcentage retenu ?
Vous avez évoqué les lacunes en natation des élèves de sixième. Ne pourrait-il y être remédié dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires qui dégage des plages d'activités périscolaires ?
M. Jean Guillot. - Nos ressources proviennent de fonds affectés. Grâce à l'évolution des recettes publicitaires, le produit de la taxe Buffet est plus dynamique. Si le plafonnement était supprimé, la contribution versée par la Française des jeux augmenterait de 45 ou 50 millions d'euros. Cela n'est guère envisageable. Nous nous contentons de ressources plafonnées mais stables. La ministre souhaite un cadre triennal plus rigoureux, pour éviter les dérives des engagements hors bilan. Ces engagements sont de 322 millions d'euros. Le conseil d'administration a mis en place, le 19 mars, des outils pour identifier les engagements hors bilan et leur échéancier. Le temps des conventions sans financement n'est plus. En tant qu'ordonnateur, je veillerai à ce que nous sortions de certains errements du passé.
La ministre a souhaité consacrer 15 millions d'euros à la rénovation des piscines, équipements qui vieillissent très vite. Longtemps le CNDS ne finançait que des grands bassins. Il s'intéresse désormais à des équipements plus modestes, voire mobiles ou modulaires. Nous sommes quelque peu circonspects à l'égard des centres aquatiques où le poids des sociétés commerciales est important.
Nos structures vieillissent et deviennent inadaptées. Je ne parle pas seulement des piscines. Le Palais omnisport de Bercy date de 1983 et la Halle Carpentier vieillit.
Mme Françoise Boog. - Quelles sont les relations du CNDS avec les fédérations ? Tous les sports bénéficient-ils de votre appui ? Pour financer les grands événements sportifs internationaux, accordez-vous des aides directes aux clubs ? Procédez-vous à des cofinancements avec les régions ?
M. Jean-Jacques Lozach. - Comment simplifier les dossiers ?
M. Jean Guillot. - Nous y réfléchissons. Mais la collégialité, certes facteur de lourdeur, est aussi la garantie d'un travail de qualité. Nous modernisons le dossier e-subvention pour développer le télétraitement.
Les relations avec les fédérations sont permanentes. Nous consacrons 19,5 millions d'euros, par le biais d'un fonds de concours, au fonctionnement des fédérations agréées, susceptibles d'organiser de grands événements sportifs, comme par exemple les jeux équestres mondiaux en Normandie l'an prochain. Reste que les fédérations doivent trouver d'autres financements. En effet, si une subvention du CNDS leur apporte de la notoriété, nous exigeons pour l'attribuer un budget prévisionnel de qualité. Une fédération, faute d'avoir organisé des épreuves de qualification, a ainsi dû accueillir 218 équipes à Paris. De telles bévues ont des conséquences désastreuses pour les finances. Nous contrôlons donc tout : billetterie, fonds propres, coût de la licence, produits dérivés, restauration, sponsors etc... Nous comparons, grâce à Internet, ces postes de recettes et de dépenses avec ceux de manifestations similaires à l'étranger.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Discutez-vous des normes des équipements avec les fédérations ?
M. Jean Guillot. - C'est le travail de la direction des sports. Nous prenons en compte les normes Haute Qualité Environnementale (HQE) et veillons à l'accessibilité pour les personnes handicapées, qui est contrôlée par un architecte de la direction des sports. Nous disposons de 2 millions d'euros pour la favoriser, mais ce budget n'est pas toujours entièrement consommé, faute de dossiers suffisamment instruits. Il est plus facile de rendre accessible un équipement nouveau que de transformer un équipement ancien.
M. Michel Savin, président. - Merci.
Audition de M. Bruno Retailleau, président du conseil général de la Vendée
M. Michel Savin, président. - Nous recevons notre collègue M. Bruno Retailleau, en tant que président du conseil général de la Vendée. La Vendée est impliquée dans de grands événements sportifs : voile, vélo. Quelles politiques avez-vous mises en place en faveur du sport professionnel ?
M. Bruno Retailleau, sénateur, président du conseil général de la Vendée. - La Vendée est un département très sportif : un tiers des Vendéens sont licenciés. Notre département ne comprend pas de grande ville, n'abrite pas de grandes équipes de football, mais il organise le Vendée Globe et reçoit le Tour de France environ tous les six ans.
Nous sommes, avec la Bretagne, la grande terre du vélo : 5 000 licenciés. Thomas Voeckler habite à Mouilleron-le-Captif, dans la commune de notre collègue Philippe Darniche. Il a débuté dans la section cycliste d'un lycée vendéen. Il a continué dans une équipe amateur, Vendée U. L'équipe professionnelle Europcar recrute 80 % de ses cyclistes dans cette équipe, qui transmet à ses membres les vraies valeurs de la discipline. Europcar n'ayant pas les moyens d'acheter des stars, il lui faut donc les fabriquer. Chaque année, la Vendée est le théâtre de 375 épreuves cyclistes, soit plus d'une par jour.
La Vendée est le département qui compte le plus grand nombre d'associations, notamment sportives, par rapport au nombre d'habitants. Si l'on superpose une carte de l'emploi et une carte des associations et du bénévolat, on remarque une coïncidence parfaite. Le département consacre 3 millions d'euros aux associations sportives, dont quarante-huit équipes qui jouent au niveau national, et il investit 2 millions d'euros dans les équipements sportifs ; grâce à quoi nous atteignons un taux d'équipement de soixante pour mille habitants. Nos efforts sont concentrés sur le sport amateur ; nous aidons les équipes, les comités départementaux et les communes qui construisent des équipements sportifs. Nous consacrons également 9 millions d'euros au soutien de l'équipe Europcar.
Tous les quatre ans, nous organisons le Vendée Globe. La Vendée est un grand pôle de nautisme. Bénéteau et Jeanneau sont vendéens. Nous venons également d'achever le Vendéspace, intégralement financé par le département : c'est une salle culturelle où l'on peut faire du sport. L'inverse du schéma courant des salles à vocation multiple, qui sont en fait des salles de sport où l'on organise des spectacles. La technologie constellation permet de maîtriser le temps de réverbération ; l'acoustique étant également prise en compte pour cette polyvalence. Sept comités y sont résidents. Nous accueillons aussi bien la Golden League, des rencontres de basket féminin, Tony Parker et des joueurs de la NBA, que Roberto Alagna ou le groupe Texas. Le premier tour de la Coupe Davis, qui met aux prises l'Australie et la France, aura lieu chez nous. De nombreux bénévoles apportent un concours essentiel au fonctionnement de cette salle. Sans eux, les coûts de gestion seraient très élevés. Pour la première saison, 150 000 vendéens ont fréquenté cette salle.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Votre département intervient comme partenaire, avec Europcar, comme organisateur, avec le Vendée Globe, et comme co-animateur d'événements importants, avec le Vendespace. Qu'en retire-t-il, en termes de communication et d'animation économique du territoire ?
M. Bruno Retailleau. - Certaines choses ont un prix, d'autres, comme les valeurs du sport sont inestimables. Celles-ci sont mises à l'honneur par les nombreuses associations sportives que compte la Vendée, ce qui est hautement bénéfique dans notre société de plus en plus fragmentée et individualiste. En tant que président du département, il est de mon devoir de faire vivre ces valeurs collectives et de rassembler ces énergies. La démocratie est née en Grèce, où Athéna incarnait à la fois le civisme et les valeurs de l'exercice physique !
Les entreprises qui sponsorisent des équipes ou des événements font leurs calculs. Le Vendée Globe coûte 4 millions d'euros par édition au Conseil général et en rapporte directement une quarantaine au département. A ceci s'ajoutent plus de 190 millions d'euros de retombées médiatiques : 738 heures de diffusion télévisuelle, dont 442 à l'étranger, ce qui est considérable. L'investissement est très rentable et la fierté ressentie dans le département n'est, elle, pas mesurable.
M. Alain Néri. - Il n'y a peut-être pas chez vous d'équipe de haut niveau, sauf en basket, où une de vos équipes a joué au plus haut niveau. Vous aidez les clubs amateurs qui jouent dans les compétitions nationales. Dans plusieurs régions, le développement du sport de haut niveau se heurte à de gros problèmes. Il s'agit pourtant d'un tremplin essentiel pour de nombreux jeunes. D'importantes subventions sont octroyées, souvent sur le budget de la communication, aux clubs les plus importants. Mais pour un club de football de première division, 1 million d'euros, ce n'est pas grand-chose, alors que pour des clubs plus petits, c'est considérable. Les frais de déplacement et d'hébergement peuvent rapidement dépasser leurs capacités. Or, pour une entreprise, il est souvent plus intéressant de disposer d'une loge pour voir jouer un club de première division que d'aider des clubs CFA. Et les aides publiques sont ponctionnées par le sport professionnel de haut niveau. Que reste-t-il alors ? De surcroît, les spectateurs qui assistent le vendredi ou le samedi aux rencontres professionnelles ne se déplacent pas une nouvelle fois le dimanche pour les matches amateurs. La formule que vous avez retenue devrait donc être généralisée, à mon avis.
M. Michel Savin, président. - Je rappelle que notre mission a pour objet le sport professionnel.
M. Jean-Jacques Lozach. - A entendre votre discours passionné, il serait dommage de priver les départements de la clause de compétence générale, donc de possibilités d'action dans le tourisme et le sport !
M. Bruno Retailleau. - Je me suis parfois désolidarisé de ma famille politique et j'ai voté contre plusieurs textes, y compris sous l'ancien gouvernement, pour cette raison !
M. Jean-Jacques Lozach. - Le Vendée Globe est une illustration de l'implication des collectivités territoriales dans le sport professionnel. Pouvez-vous nous rappeler son histoire ? Que s'est-il passé lors de la liquidation de la société de Philippe Jeantot ? Votre financement s'élève-t-il à 4 millions par an ou tous les quatre ans ?
M. Bruno Retailleau. - Tous les quatre ans.
M. Philippe Darniche. - J'ai proposé que nous étudiions le cas de la Vendée car il illustre la situation de nombreux départements qui n'ont pas d'équipes de premier plan. La modularité du Vendespace est exemplaire : il peut accueillir des événements de 25 sports différents. Les retombées au plan local sont immédiates. Un hôtel a été construit à proximité ; d'autres initiatives fleurissent.
M. Bruno Retailleau. - Nous n'avons pas d'équipes en Ligue 1 de football mais nous avons tout de même deux sociétés anonymes à objet sportif : Europcar et une équipe de football en CFA 2 au Poiré-sur-Vie, que nous aidons, respectivement, à hauteur de 900 000 et 250 000 euros. Nous sommes loin des plafonnements. Nous soutenons tous les clubs selon un barème élaboré avec le Comité départemental olympique et sportif (CDOS), qui module la subvention en fonction de l'effort de formation.
Au conseil général, le directeur des sports est aussi celui de la communication et les budgets ne sont pas différenciés, à mon grand regret, car nous sommes montrés du doigt pour nos dépenses de communication, alors qu'il s'agit surtout de soutien au sport.
Quand Philippe Jeantot a lancé le Vendée Globe en 1988, personne n'y croyait. Il a couru la première édition sur le bateau Crédit Agricole. Mais les grands sportifs ne sont pas toujours des gestionnaires aguerris et sa société a déposé le bilan en 2003. Le département a racheté la marque. Nous avons créé une société d'économie mixte (SEM) : le département en possède 54 %, la ville des Sables d'Olonne 20 %, la région 8 % et une trentaine de sociétés vendéennes, parfois des petites et moyennes entreprises (PME), en détiennent ensemble 20 %. Nous sommes devenus organisateurs. Nous aidons souvent les skippers à trouver des sponsors car ils n'ont pas d'agents et ne sont pas experts en marketing. Le profil du loup de mer évolue toutefois : les navigateurs qui se lancent dans la course sont à la fois des athlètes de haut niveau, capables d'endurer le froid des cinquantièmes rugissants, et des ingénieurs, météorologues, techniciens. Le métier évolue, nous nous adaptons à ce nouvel éco-système. Le tour du monde de Bertrand de Broc a été possible grâce au fund-raising. Nous associons les écoles de voile : les skippers sont sur leur bateau pendant les trois mois qui précèdent le départ et le public vient les rencontrer. Il est souvent silencieux, recueilli devant ces héros.
M. Michel Savin, président. - Le Vendespace pourrait-il recevoir un club résident ? Certaines équipes, en ascension, comme celle de Nanterre, champion de France de basket, n'ont pas de lieu à elles. Où jouera Challans si le club monte au plus haut niveau ? Quel sera le rôle du département ?
M. Bruno Retailleau. - Nous avons hésité à recourir à une délégation de service public pour gérer le Vendespace; finalement nous avons choisi la régie directe, sensiblement plus coûteuse, 700 000 euros de plus. C'est un choix politique, je l'assume, il nous prémunit contre toute dérive commerciale et garantit la prééminence du mouvement sportif. Le cabinet extérieur, qui a réalisé pour nous une étude comparative, a confirmé la pertinence de cette solution.
Le lieu n'a pas vocation à accueillir un club résident. Challans a été relégué. Il lui arrive de jouer des matchs importants au Vendespace. Le danger avec l'installation d'un club résident est de supprimer la polyvalence du complexe. Cet équipement départemental a vocation à accueillir des événements professionnels, certes, mais ils servent de catalyseurs au sport amateur dans la région.
M. Michel Savin, président. - Que se passera-t-il si Challans remonte en Pro A ?
M. Bruno Retailleau. - Nous accompagnerons le club. Voyez le club de Poiré-sur-Vie qui a failli remonter en ligue 2 de football. La fédération française de football avait des exigences : mais la loi pose des limites à nos aides. Il était certes possible de conclure un bail emphytéotique. Quoi qu'il en soit, si Challans a besoin de nous, nous serons au rendez-vous, sans doute ne sera-t-il pas club résident du Vendespace, mais la discussion reste ouverte, nous en parlerons le moment venu.
M. Michel Savin, président. - Europcar a-t-il émis des demandes d'équipement spécifiques ?
M. Bruno Retailleau. - Le Vendespace est né d'un projet de vélodrome indoor, autour de Félicia Ballanger, championne de vélo sur piste.
Europcar n'a pas de demandes d'équipement de route. Malgré les bons résultats et l'engouement populaire que suscite l'équipe, la direction se bat en permanence. J'ai mis Jean-René Bernaudeau en contact avec des chefs d'entreprise.
M. Jean-Jacques Lozach. - Quel a été le coût du Vendespace?
M. Bruno Retailleau. - 50 millions d'euros.
M. Philippe Darniche. - L'indice de satisfaction du public est très élevé. Qu'il s'agisse de sport ou de spectacles culturels, l'enthousiasme est colossal.
M. Bruno Retailleau. - Le public vote avec ses pieds : 150 000 visiteurs en un an.
Mme Françoise Boog. - En tant qu'Alsacienne je suis, moi aussi, fière de Thomas Voeckler, un enfant du pays. Les retombées du rallye d'Alsace sont importantes, de l'ordre de 18 millions d'euros. Cet événement sportif n'est pas soutenu par les crédits de la direction des sports mais par ceux de l'action économique.
M. Bruno Retailleau. - Loin de moi l'idée d'accaparer Thomas Voeckler. Quant au Vendée Globe, il pourrait être soutenu, en effet, par des crédits destinés au tourisme.
M. Michel Savin, président. - Je vous remercie.