- Jeudi 28 novembre 2013
- Nomination d'un rapporteur
- Recherche et propriété industrielle - Mises sur le marché et brevetabilité des semences et obtentions végétales : proposition de résolution européenne de MM. Jean Bizet et Richard Yung
- Économie, finances et fiscalité - Indices de référence pour les contrats financiers (texte E 8676) : projet d'avis politique de M. Richard Yung
Jeudi 28 novembre 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Nomination d'un rapporteur
M. Simon Sutour, président. - Nous devons nommer aujourd'hui un rapporteur sur la directive concernant les voyages organisés. Je propose de nommer Mme Colette Mélot, qui est par ailleurs membre du groupe d'étude sur le tourisme.
Il en est ainsi décidé.
Recherche et propriété industrielle - Mises sur le marché et brevetabilité des semences et obtentions végétales : proposition de résolution européenne de MM. Jean Bizet et Richard Yung
M. Richard Yung. - La France dispose d'une filière semencière ancienne, bien structurée, créative et exportatrice, qu'il convient d'encourager. La recherche y joue un rôle essentiel ; la création de nouvelles variétés est un processus long, qui implique des croisements, des essais, et réclame des investissements importants.
La Commission européenne prévoit de remplacer des directives nombreuses, anciennes et peu lisibles, par un règlement unique couvrant l'ensemble des semences. Elle propose de maintenir les deux piliers actuels de la réglementation : l'enregistrement des variétés végétales et la certification des semences. Regrouper les différents textes en vigueur dans un texte qui conserve les grands principes du droit en vigueur est une bonne chose. L'enregistrement des variétés et matériels fournit un référentiel pour les semences et matériels de reproduction autorisés et une base pour la protection intellectuelle des nouvelles variétés. La certification des lots garantit la qualité des matériels de reproduction mis sur le marché.
Nous partageons toutefois les réserves du gouvernement sur l'allongement des durées d'inscription au catalogue des variétés de dix à trente ans, qui pourrait ralentir le renouvellement variétal, et sommes peu convaincus par la définition européenne des critères d'évaluation des performances et des règles de décision : cela devrait rester du ressort des États membres.
M. Jean Bizet. - Au-delà de ce texte, nous voulons aussi évoquer la propriété intellectuelle sur les semences. Cette question est stratégique, car il en va de l'indépendance des États, ce qui explique que nos voix soient concordantes : la propriété intellectuelle de la semence est une arme alimentaire. Or le brevet n'est pas adapté au domaine des semences et obtentions végétales. Il risque de bloquer le progrès végétal, qui s'obtient par croisements successifs : payer des royalties à chaque nouvelle étape au détenteur d'un brevet est impossible. De plus, les plantes sont des organismes vivants en constante évolution : l'impératif de description exhaustive qui s'applique aux brevets est irréaliste.
Dès 1961, la France a créé le certificat d'obtention végétale (COV) et l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) qui réunit 70 pays. Le COV est un titre de propriété intellectuelle aussi valide qu'un brevet, mais qui ne stérilise pas l'invention. Il la protège sans la confisquer, grâce à l'exception du sélectionneur : toute personne peut utiliser la variété protégée pour créer une variété nouvelle sans avoir à payer de royalties. Le monde anglo-saxon est très favorable au système du brevet. Ainsi, l'arrêt Chakrabarty de la Cour suprême des États-Unis affirme que tout ce qui est fait de la main de l'homme est brevetable. Les Européens préfèrent l'approche par les certificats, qui créent un système ouvert, encourageant la création variétale et évitant l'appropriation privée du vivant.
La révision de la convention, en 1991, a réaffirmé la primauté du COV sur le brevet pour éviter que la brevetabilité des plantes s'impose par le moyen détourné de la brevetabilité d'un gène. Il fut ainsi prévu que le COV initial couvrirait également les variétés légèrement modifiées mais qui sont « essentiellement dérivées » de la variété protégée. La convention de 1991 a aussi légitimé et encadré la pratique des semences de ferme. Cette exception au droit de l'obtenteur n'est permise que dans des limites raisonnables et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l'obtenteur, c'est-à-dire que celui-ci doit obtenir une compensation financière. C'est un bon équilibre : l'agriculteur peut réutiliser ses propres semences dans certaines limites de tonnage et de surface, et les variétés résultant d'investissements effectués par des entreprises sont protégées pendant quinze ans, ce qui est bien légitime. La France dispose de la première génothèque du monde, où chacun peut se procurer des semences anciennes, mais les semences plus récentes sont protégées. Le libéralisme échevelé qui a prévalu en Angleterre y a entièrement détruit la filière semencière. En France, cette filière emploie 9 000 personnes et est la première au monde.
La Convention sur le brevet européen exclut à juste titre de la brevetabilité les variétés végétales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux, tels que le croisement ou la sélection. Ne peuvent non plus être brevetées les techniques modernes d'amélioration des plantes comme l'utilisation de marqueurs moléculaires génétiques. La Grande Chambre des recours de l'Office européen des brevets (OEB) a indiqué en 2010 à propos d'affaires qui concernaient la tomate et le brocoli, qu'était exclu de la brevetabilité comme étant essentiellement biologique un procédé d'obtention végétale consistant en des étapes de croisement puis de sélection des végétaux. Le procédé n'est brevetable que s'il comporte une étape supplémentaire de nature technique qui par elle-même modifie un caractère dans le génome du végétal.
La question de savoir si des plantes obtenues par des procédés exclus de la brevetabilité sont brevetables est actuellement en cours de clarification auprès de la Grande Chambre de recours de l'OEB. L'OEB a donc suspendu toutes les délivrances de brevets portant sur des plantes obtenues par un procédé essentiellement biologique. Les brevets qui ont déjà été délivrés soulèvent de fortes interrogations, en raison de l'étendue parfois incertaine de l'objet protégé. Les sélectionneurs ne disposent pas d'informations suffisantes pour vérifier si des éléments brevetés sont présents dans les variétés qu'ils manipulent ou produisent. Une entreprise française a ainsi été contrainte de verser des redevances à une entreprise néerlandaise qui avait obtenu un brevet sur des salades résistant à un puceron, issues d'un processus essentiellement biologique qu'elle avait pourtant elle-même découvert.
Il faut interdire le brevetage des gènes natifs, sans quoi l'arme alimentaire sera concentrée entre quelques entreprises, et donc quelques États. C'est un problème comparable à celui de la propriété des données personnelles, détenues à 93 % par Google. Rapporteur de la directive 98/44/CE sur la protection des inventions biotechnologiques, je m'étais opposé fortement à Monsanto sur ce point. Malheureusement, le lobbying des entreprises anglo-saxonnes à Bruxelles est efficace. Nous devons donc rester vigilants si nous ne voulons pas voir adopter la brevetabilité des gènes natifs. L'enjeu est tel que l'Union européenne devrait traiter de ces questions avec ses partenaires commerciaux dans le cadre des accords internationaux et particulier, dans la cadre du futur accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous devons soutenir des règles de propriété intellectuelle qui préservent un tissu dense et diversifié de sélectionneurs et encouragent l'innovation, en privilégiant la protection par le COV et en limitant les possibilités de protection par le brevet.
M. Michel Billout. - Votre présentation du sujet est pertinente, et la résolution que vous proposez va dans le bon sens. J'approuve la distinction nette que vous tracez entre certificat et brevet, mais je relève quelques faiblesses dans la proposition de rédaction. Par exemple, à l'alinéa 13, il est écrit que le COV évite l'appropriation privée du vivant, ce qui ne correspond pas à notre conviction que le COV ne protège pas du brevet. À l'alinéa 14, le texte affirme que les variétés végétales ainsi que les procédés essentiellement biologiques ou les techniques modernes d'amélioration des plantes sont exclues du brevet. Cette présentation des choses est pour le moins optimiste ! Dans plusieurs cas, concernant par exemple le brocoli coupé ou certains plants de poivrons, un COV obtenu suite à une évolution naturelle des variétés a été supplanté par un brevet déposé par un grand groupe ayant les moyens d'isoler le gène natif.
Le système n'est donc pas parfait, et la résolution devrait être plus audacieuse. Il ne faut pas reconnaître les brevets sur le vivant. L'alinéa 15 parle d'inquiétude, à juste titre : il ne faut pas confondre invention et découverte ! L'appropriation du vivant à laquelle nous assistons est inacceptable, et la proposition de résolution ne la dénonce pas suffisamment. Elle se contente, à l'alinéa 16, de mentionner les risques du brevet sur les gènes natifs pour les obtenteurs et les agriculteurs, sans dénoncer fortement cette pratique, et les recommandations formulées à l'alinéa 20 ne sont pas assez fermes.
Les sélectionneurs, comme les agriculteurs, ne sont pas protégés contre une application abusive du droit de propriété intellectuelle. L'alinéa 19 ne protège pas suffisamment les paysans d'une action en contrefaçon. Il faudrait les exclure explicitement de ce système, s'il n'est pas démontré qu'ils ont vendu sciemment une variété protégée et sous l'appellation protégée par le COV. Les paysans se voient intenter de nombreux procès dans le monde. Il faut préserver les semences des fermes et les échanges entre agriculteurs. Enfin, pour les mêmes raisons, nous ne partageons pas la précaution prise à l'alinéa 8 sur les dérogations.
Nous adopterons la position d'une abstention positive ; nous n'avons pas eu le temps en 24 heures de rédiger des amendements. Sans doute en proposerons-nous lors de l'examen en commission des affaires économiques.
M. Simon Sutour, président. - Cette proposition de résolution sera examinée par la commission des affaires économiques en janvier.
M. André Gattolin. - Je partage l'avis de M. Billout. Les textes initiaux sont complexes, ceux de la Commission européenne qui les modifient à peine moins : il est difficile de se prononcer. Néanmoins nous devons être fermes sur la brevetabilité du vivant. Il manque un organisme international et ces questions sont traitées dans des accords bilatéraux ou transnationaux. Or, au Canada par exemple, un agriculteur dont les champs ont été pollués par des OGM a été attaqué par Monsanto pour recyclage d'OGM et a été condamné. Mon groupe adopte également, à ce stade, la position d'une abstention positive sur la proposition de résolution. Le dossier, à ma connaissance, n'a pas été étudié par le Parlement européen. La Commission européenne a pris conscience du poids des parlements nationaux, des opinions publiques et de la mauvaise volonté des États à transposer. C'est pourquoi elle privilégie le règlement, mais cette logique d'accélération élude le débat. Pourtant, ces questions techniques méritent un examen. Je salue le travail des rapporteurs sur ce texte particulièrement complexe ; je leur fais confiance, le reste est affaire de curseur...
M. Simon Sutour, président. - C'est souvent le cas ! Lors de l'examen par la commission saisie au fond, ce texte pourra être précisé et amélioré ; et nous pourrons toujours revenir sur le sujet.
Mme Bernadette Bourzai. - Hier, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, j'ai évoqué nos propositions de résolution sur la brevetabilité des semences, puis sur les biocarburants au sujet desquels je présenterai un rapport le 10 décembre. La commission désignera la semaine prochaine un rapporteur pour examiner le texte en janvier. Je remercie nos rapporteurs d'avoir mis en évidence le problème essentiel : la différence entre brevet et COV...
M. Simon Sutour, président. - Je connais la complexité du sujet. À Alès, l'association Kokopelli qui mène des recherches sur des variétés anciennes se débat dans le maquis des règles.
M. Alain Richard. - Le droit de la propriété intellectuelle est la quintessence du droit de la propriété et le socle de l'économie de marché. Il existe une convention sur le brevet européen et une juridiction ad hoc, donc hors du champ communautaire.
M. Richard Yung. - C'est la convention de Munich sur le brevet européen.
M. Alain Richard. - Les pays signataires appartiennent-ils à l'Union européenne ?
M. Richard Yung. - Pas nécessairement : elle a été signée par 38 pays.
M. Alain Richard. - Ainsi le droit est prononcé par une instance étrangère à l'Union européenne. Dès lors, quel sera l'effet de ce règlement européen ?
M. Richard Yung. - La juridiction ad hoc créée par la convention de Munich est la Grande Chambre des recours, organisme interne, mais indépendant, de l'Office européen des brevets. Elle est compétente en matière de brevetabilité du vivant, aussi bien pour la tomate et le brocoli que pour les animaux ou les êtres humains. Une séquence génétique est brevetable si elle est nouvelle, reproductible, et pas évidente pour l'homme de l'art. La Cour doit statuer sur l'épuisement des droits du brevet : qu'en est-il lorsque les variétés se reproduisent. ? Le brevet couvre-t-il aussi les variétés issues des croisements ?
M. Alain Richard. - Donc l'Union européenne n'y peut rien.
M. Richard Yung. - En effet, mais elle va mettre en place une Cour européenne des brevets, compétente pour le brevet de l'Union, qui siégera à Paris. La semaine dernière nous avons adopté le traité qui la crée. Elle sera en concurrence avec la Grande Chambre des recours. C'est pourquoi nous avons proposé, à l'alinéa 21, que le principe de la non-brevetabilité du vivant soit réaffirmé clairement dans les lignes directrices de l'Office européen des brevets.
M. Alain Richard. - L'Office est-il un organisme communautaire ?
M. Richard Yung. - Non, c'est un organisme sui generis.
M. André Gattolin. - Les recours sont des procédures longues et coûteuses. Les petits agriculteurs et les grandes firmes ne sont pas à égalité. La judiciarisation a pour avantage de clarifier le droit mais le diable se cache dans le détail des procédures. Ainsi, l'agriculteur canadien attaqué par Monsanto a fini ruiné, en dépit de la solidarité internationale.
M. Richard Yung. - Le coût d'un procès est particulièrement élevé aux États-Unis, de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'euros, contre quelques milliers en Europe...
M. Simon Sutour, président. - C'est déjà une somme importante !
M. Richard Yung. - Mais surtout la complexité est considérable et il faut se faire assister de spécialistes.
M. Jean Bizet. - Les espèces animales et végétales ne sont pas brevetables. Il faut le répéter ! Lorsque le génome a été décrypté, de manière concomitante des deux côtés de l'Atlantique, par une entreprise privée aux États-Unis et par le Genopole d'Ivry, MM. Bill Clinton et Jacques Chirac se sont empressés d'affirmer qu'il s'agissait du patrimoine de l'humanité, donc non brevetable. En revanche est brevetable l'application qui résulte d'une recherche sur le gène et sa fonction, car les entreprises doivent mettre en oeuvre des protocoles lourds, des technologies spécifiques. Nous sommes au coeur d'une économie de marché qu'il faut encadrer.
En outre, l'Office européen des brevets est indépendant de l'Union européenne, mais il tient compte de la directive 98/44/CE sur la brevetabilité du vivant, il y a des passerelles. Enfin la quasi-totalité des variétés sur le marché sont hybrides, elles ne peuvent pas se reproduire naturellement : il ne peut y avoir de contamination...
M. André Gattolin. - C'est l'argument de Monsanto !
M. Jean Bizet. - J'ajoute que l'agriculteur a le droit de réensemencer librement sa récolte pourvu qu'il utilise des espèces anciennes tombées dans le domaine public.
Cette proposition de résolution est équilibrée, elle fixe des limites. Mais il y aura toujours deux mondes : l'anglo-saxon du brevet et le monde latin du COV ; certaines entreprises de taille mondiale, pour ne pas avoir de problèmes, ont d'ailleurs les deux fers au feu.
M. Simon Sutour, président. - Je n'apprécie pas toujours quand une commission saisie au fond désigne un rapporteur pour instruire à nouveau le texte que nous avons étudié. Mais, sur ce sujet particulièrement complexe, un double examen permettra de parachever notre demande.
MM. Michel Billout et André Gattolin s'abstenant, la commission adopte la proposition de résolution européenne dans le texte suivant :
Économie, finances et fiscalité - Indices de référence pour les contrats financiers (texte E 8676) : projet d'avis politique de M. Richard Yung
M. Richard Yung. - En juillet dernier, nous avions adopté un avis politique et une proposition de résolution sur le sujet des indices de taux pour les contrats financiers, l'Euribor et le Libor, à la suite des scandales importants touchant en particulier ce dernier : les banquiers chargés de le déterminer l'avaient en effet manipulé à la hausse comme à la baisse à leur profit. J'ai été surpris qu'on en parle si peu en France, en comparaison avec le monde anglo-saxon, alors que bien des contrats en dérivent. Nous le devons peut-être à la faible culture financière de la France.
La Commission européenne a donc présenté une proposition sur laquelle je donnerais un avis plutôt négatif. Nous, Européens, sommes en effet très timides par rapport aux Américains, qui n'ont pas hésité à prononcer des pénalités importantes, donnant lieu à des transferts des banques européennes vers le trésor américain à hauteur de près de trois milliards d'euros. Dernièrement, c'est la Rabobank, première banque néerlandaise, qui vient d'être condamnée à verser 700 millions d'euros. Cela représente 3% du déficit public néerlandais : le ministre des finances de ce pays doit se dire qu'il y aurait mieux à faire avec cet argent... Les Britanniques ont agi très vite, non sans arrières pensées : la crédibilité du Libor, c'est le fondement de la place de Londres, de la City. La réforme d'avril 2013 confie donc à la Financial Conduct Authority la surveillance de l'administrateur du Libor, évitant ainsi ce scandale inouï, qu'un acteur européen - horresco referens - intervienne dans la City. Le Libor était autrefois déterminé par dix-sept banquiers, censés être des gentlemen, mais qui étaient plutôt des escrocs. Compte tenu de son importance, il aurait pu devenir un bien public ; les Britanniques ont préféré la gestion privée, confiée à un administrateur désigné par appel d'offres, le groupe américain NYSE Euronext, racheté récemment par ICE, société au capital duquel JP Morgan et Goldman Sachs apparaissent, présentant toutes les garanties de moralité...
La législature du Parlement européen arrivant à sa fin, la Commission doit se hâter de faire passer sa proposition. Celle-ci est donc minimale, pour avoir des chances d'être adoptée, sans garanties d'ailleurs... Le rapport du Parlement européen a été rapidement rédigé, curieusement par une présidente britannique.
M. Jean Bizet. - Quelle excellence dans le lobbying !
M. Richard Yung. - La proposition couvre un périmètre très large : le cadre s'appliquerait à tous les indices - c'est l'un des problèmes - non seulement financiers mais aussi de matières premières ou de pétrole. L'indice sera placé sous l'autorité du superviseur du pays où son administrateur se trouve implanté : l'Euribor sera ainsi surveillé par le superviseur de la Belgique. Cette surveillance sera complétée, en ce qui concerne les indices critiques, par l'établissement de collèges de superviseurs associant le superviseur national compétent, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et les superviseurs concernés par l'indice : trois niveaux de contrôle, c'est-à-dire peu ou pas de contrôle...
Le périmètre est d'abord trop large : c'est le Libor et surtout l'Euribor - indice de la zone euro - qui nous intéressent, et non les indices INSEE. Concentrons-nous sur les indices systémiques. Ensuite, ce dispositif ne s'appuie pas sur l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), que nous avons créée précisément pour cela. Ce dispositif compliqué qui ne compte cet acteur que comme primus inter pares au sein du collège, sans le pouvoir que les textes lui donnent, n'est pas satisfaisant. Pour faire plaisir aux Britanniques - et peut-être à d'autres pays - on le vide de sa substance. On constate enfin un recours excessif aux actes délégués, par lesquels les législateurs européens confient à la Commission le soin de tout régler. Ils sont parfois nécessaires, mais il y en a de plus en plus : dans le domaine douanier, on en compte une quarantaine !
Mme Bernadette Bourzai. - Dans le domaine de la santé animale, nous avons rencontré le même problème.
M. Richard Yung. - Cela contribue à dépouiller l'AEMF de ses responsabilités.
Autre élément curieux : la Commission se hâte de faire adopter sa proposition, mais elle prévoit en même temps de faire un rapport d'évaluation sur le fonctionnement, les ressources et les compétences de l'AEMF, qui serait remis après. L'ordre naturel des choses serait de faire l'inverse.
M. Simon Sutour, président. - Insistons sur ce point : les actes délégués se multiplient. C'est un moyen pour la Commission de contourner les détenteurs de l'autorité politique : le Parlement européen et le Conseil.
M. Jean Bizet. - La dérive est indéniable.
M. Simon Sutour, président. - Nous l'avions également constaté à propos du texte de Viviane Reding sur les données personnelles. Je crois qu'il faudrait charger un ou plusieurs collègues de travailler sur le sujet.
M. André Gattolin. - Quel instrument pourrions-nous utiliser ?
M. Simon Sutour, président. - Nous pourrions adopter un avis politique. Nous pouvons aussi alerter le Gouvernement.
M. Richard Yung. - Nous sommes sur ce point en phase avec lui.
M. Jean Bizet. - Mon affection pour les Anglais ne m'empêche pas de penser que leur attitude finit par devenir inacceptable : on ne peut pas être juge et partie. La démission politique des autres États membres est regrettable. Que Londres soit la place financière que l'on sait, fort bien. Mais cela ne devrait pas donner au Royaume-Uni l'exclusivité des compétences en matière financière européenne !
À l'issue du débat, la commission a adopté à l'unanimité l'avis politique dont le texte suit :