- Jeudi 3 octobre 2013
- Nomination de rapporteurs
- Transports - Examen de la proposition de résolution européenne n° 827 sur les aides d'Etat aux aéroports régionaux - Rapport de M. Jean Bizet
- Justice et affaires intérieures - Création d'un parquet européen : proposition de résolution européenne portant avis motivé de Mlle Sophie Joissains
- Questions diverses
Jeudi 3 octobre 2013
- Présidence de M. Simon Sutour -Nomination de rapporteurs
M. Simon Sutour. - Le 16 octobre prochain, le Sénat se prononcera en séance publique sur la résolution concernant les travailleurs détachés. M. Éric Bocquet, qui en est l'auteur, l'a rapportée pour notre commission. Je propose de le désigner rapporteur pour avis.
M. Éric Bocquet est désigné rapporteur de la proposition de résolution.
Transports - Examen de la proposition de résolution européenne n° 827 sur les aides d'Etat aux aéroports régionaux - Rapport de M. Jean Bizet
M. Simon Sutour, président. - Merci à M. Jean Bizet de nous présenter son rapport sur la proposition de résolution concernant les aides aux aéroports régionaux, qu'il a cosignée avec M. Bernard Saugey. La question est sensible pour nos territoires ; je lui fais confiance pour la démêler.
M. Jean Bizet. - Je vais essayer de mériter votre confiance ! Il y a quelques semaines, M. Bernard Saugey attirait mon attention sur un sujet qui m'était alors moins familier : les lignes directrices sur les aides d'État aux aéroports et aux compagnies aériennes et leur révision par la Commission européenne. Comme il s'agit d'une compétence exclusive de l'Union, le Gouvernement ne nous a pas soumis cette proposition. Pour autant, il nous est permis de nous exprimer puisque, après la consultation ouverte par la Commission du 3 juillet dernier au 26 septembre, les États membres ont jusqu'au jeudi 3 octobre pour lui répondre et que s'ensuivront des négociations. Le Sénat est donc pleinement dans l'actualité et dans son rôle de représentant des collectivités locales en se prononçant sur ce dossier.
La libéralisation du ciel européen est entrée en vigueur en 1997. Afin de l'accompagner, la Commission européenne a adopté des lignes directrices concernant les aides que les collectivités publiques peuvent apporter à leurs aéroports et aux compagnies aériennes en 1994 puis en 2005.
Ces règles, peu claires, ont souffert d'être mal ou pas appliquées. Et à cause de cette mauvaise application, les compagnies low cost ont bénéficié d'aides que d'aucuns jugent exorbitantes. Elles occupent désormais la première place dans le ciel européen : en 2012, leur part de marché était de 44,8 %, contre 42,4 % pour les grandes compagnies comme Air France et la Lufthansa.
Dans le même temps, par les lois de 2004-2005, la France a organisé la décentralisation de ses aéroports : les collectivités territoriales se sont vu confier leur propriété et des sociétés privées leur gestion sous la forme de délégations de service public. Afin de faire vivre leurs territoires, beaucoup de nos collectivités, comme d'autres en Europe, ont subventionné de nouvelles lignes affrétées par des compagnies à bas coût, sans se préoccuper parfois des règles imposées par Bruxelles. Les Français y ont trouvé leur compte et le low cost a trouvé sa place dans le paysage : il représentait jusqu'à 13,6 % du trafic en France en 2012. Ce n'est pas rien !
La compagnie Ryanair, pour ne pas la nommer, s'est spécialisée dans la recherche des subventions et, imposant sa puissance et ses conditions face à des collectivités locales poussées à la dépense, a obtenu des contrats subventionnés qui lui ont rapporté jusqu'à 500 à 600 millions d'euros par an. Le chiffre est parlant ! Les grandes compagnies européennes ont saisi la Commission européenne. Résultat, pas moins de vingt-sept contentieux pour la France et près d'une soixantaine en Europe, dont la quasi-totalité concerne Ryanair.
Si le secteur aérien est moins subventionné que le rail, et je ne veux pas rouvrir la bataille du rail, l'enjeu financier n'est pas neutre. Selon la direction générale de l'aviation civile, les collectivités consacrent près de 70 millions d'euros chaque année aux aéroports régionaux. De plus, comment bâtir un ciel unique européen et assurer un développement durable du territoire en laissant des compagnies pratiquer un inadmissible dumping fiscal et social ? D'où la décision de la Commission d'adopter de nouvelles lignes directrices.
Dans son projet, la Commission distingue trois types d'aides d'État, à commencer par les aides aux investissements dans les infrastructures aéroportuaires. Elles seraient dorénavant soumises à deux conditions : d'une part, l'existence d'un réel besoin en matière de transport, et, d'autre part, la nécessité d'une aide publique pour garantir l'accessibilité de la région. Le projet prévoit de fixer des taux maximaux d'aides en fonction de la taille de l'aéroport : de 75 % pour les aéroports de plus d'un million de passagers par an à 25 % pour les aéroports assurant un trafic annuel compris entre 3 et 5 millions de passagers. Au-delà de 5 millions, aucune aide ne serait autorisée, ce qui paraît d'une grande rationalité.
Les aides d'État au fonctionnement des aéroports, qui existent de fait, seraient désormais autorisées pour les aéroports de moins de 3 millions de passagers par an. Néanmoins, pour une période transitoire de dix ans seulement, et encore sous certaines conditions et de façon dégressive.
Enfin, les aides au démarrage octroyées aux compagnies aériennes pour lancer une nouvelle liaison seraient autorisées pendant deux ans et dans la limite de 50 % des coûts de démarrage. Actuellement, l'aide peut être apportée pendant 3 ans, mais dans la limite de 30 % des coûts.
Pour les aéroports de moins de 3 millions de passagers, la notification des aides dépendrait d'un régime déterminé par chaque État avec accord de la Commission. Les aides aux plus grands aéroports devraient être notifiées individuellement.
Cette proposition paraît globalement satisfaisante : avec une approche plus intégrée des aides d'État, elle apporte une clarté qui faisait défaut jusqu'alors. De plus, elle est animée par des soucis louables : celui de l'efficacité de la dépense publique et de la transparence. Gestionnaires d'aéroports, ministère des transports et même Air France y sont plutôt favorables. Autre motif de satisfaction, la volonté nouvelle, tant de la part de la Commission que de la France, de faire appliquer les Lignes directrices réformées.
Néanmoins, cette proposition comporte un défaut majeur : elle traite peu et mal des aéroports dont le trafic est inférieur à 1 million de passagers par an ! D'où cette proposition de résolution. La France compte 79 aéroports qui accueillent plus de 1 000 passagers par an. Parmi eux, 46 ont un trafic inférieur à 200 000 passagers, 17 ont un trafic supérieur à un million de passagers, 2 aéroports accueillant entre 500 000 et 1 million de passagers et, enfin, 14 entre 200 000 et 500 000 passagers. Ce sont précisément ces derniers, pourtant essentiels à nos régions, qui risquent de disparaître faute de subventions publiques. Sans compter les aéroports qui pourraient être rapidement fragilisés, je pense, notamment, à celui de Nîmes.
M. Simon Sutour, président. - Merci !
M. Jean Bizet. - Le problème est réel en Languedoc-Roussillon : il a été évoqué lors d'une audition.
Actuellement, une aide apportée à un aéroport de moins d'un million de passagers par an est considérée comme une compensation de service public non susceptible de fausser la concurrence à condition de respecter les critères de service d'intérêt économique général, les SIEG. La Commission, dans son projet de révision, a considérablement abaissé le seuil : il passe d'un million à 200 000 passagers par an ! Nous comptions demander, avec M. Bernard Saugey, le maintien du seuil à 1 million, afin d'éviter que près de 16 de nos aéroports soient menacés.
Hélas, ce seuil relève de la réglementation générale sur les SIEG sur laquelle nous ne pouvons pas revenir ; notre dénonciation, à l'initiative de M. Bernard Piras, de la vision étroite et restrictive de la Commission n'avait pas porté lors de la réforme qui a abouti à la décision du 20 décembre 2011. Il n'est pas trop tard pour agir quand beaucoup de voix se sont élevées en Europe pour critiquer les difficultés faites aux petits aéroports depuis que la Commission a présenté son projet aux États membres. Nos propositions pourraient être utiles, pour peu qu'elles visent juste.
Puisque le calendrier nous est très favorable, profitons-en pour jouer pleinement notre rôle de défenseurs des collectivités territoriales. Confirmons notre soutien à la lutte contre la concurrence déloyale exercée par les compagnies qui pratiquent le dumping, exprimons notre regret du choix de l'abaissement du seuil à 200 000 passagers avant de proposer la création d'une nouvelle catégorie pour les aéroports dont le trafic est inférieur à 500 000 passagers par an. Nous viserons ainsi les fameux 14 sites sur la sellette. Pour eux, les aides à l'investissement couvriraient jusqu'à 90 % des coûts et le maintien des aides après dix ans pourrait être envisagé, de façon limitée et contrôlée par les États membres.
Introduisons également de la subsidiarité dans le régime d'aide national afin de rendre un peu de pouvoir aux collectivités locales et d'assurer une gestion durable des aéroports sur nos territoires. L'idée est de demander au Gouvernement de désigner officiellement les régions comme collectivité pilote dans la gestion des aéroports, une fonction qu'elles assurent déjà presque partout. Charge à elles de négocier avec les collectivités pour limiter la concurrence entre les aéroports, et avec l'État pour assurer une coordination au niveau national. De cette manière, nous éviterons que la Commission décide seule, in fine, de la fermeture d'aéroports.
La proposition de la Commission européenne mérite d'être précisée afin que les mauvaises pratiques sur les aides aux démarrages pour mettre un terme définitif aux mauvaises pratiques de Ryanair. Je ne suis pas contre les compagnies low cost, elles font partie de notre société. En revanche, je n'admets pas qu'elles contournent les règles. Un aspect de la solution serait d'inclure, ce qui est loin d'être le cas actuellement, les contrats de marketing et de publicité manifestement liés à l'arrivée d'une compagnie aérienne dans le régime d'aide au démarrage. Sans quoi, des subventions continueront d'être distribuées larga manu à ces acteurs.
Enfin, plutôt que de verser des subventions visant à compenser les surcoûts engendrés par le lancement d'une nouvelle liaison aérienne, ce soutien pourrait prendre la forme d'une réduction ciblée des redevances aéroportuaires fixées par les aéroports, avec l'accord de la Direction générale de l'aviation civile. Demandons au Gouvernement d'étudier cette formule.
M. Simon Sutour, président. - Je partage globalement votre approche. Nos aéroports, parce qu'ils sont le fruit de notre histoire, ne sont pas forcément répartis de manière rationnelle sur notre territoire. Dans ma région de Languedoc-Roussillon, Nîmes Garons se trouve ainsi à 50 km de Montpellier. Cet aéroport a ceci de particulier qu'il est, en partie, militaire. La base militaire attenante, qui fournissait les contrôleurs aériens, a fermé ; mais c'est une autre histoire... Il a été rénové, ses pistes réaménagées et la Direction de l'aviation civile, qui était à l'étroit, doit bientôt s'y installer. Ne supprimons pas ce qui existe.
M. André Gattolin. - Les aéroports ont une dimension militaire, une dimension stratégique et une dimension d'aménagement du territoire. N'oublions pas, pour autant, la dimension économique. Le fret joue un grand rôle dans la rentabilité des aéroports, je le sais pour avoir grandi dans l'ombre de Lyon Saint-Exupéry. La Commission a dédaigné ce critère en ne retenant que le volume passager. La circulation des marchandises, à laquelle on prête hélas plus d'attention qu'à celle des hommes, n'est-elle pas au fondement de l'Union ? Sénateur vert, je ne suis pas un anti aéroport, même si je peux contester telle ou telle implantation à cause de son impact environnemental ou de son coût. Ce qui m'importe ici est la rationalité économique.
M. Éric Bocquet. - Je partage entièrement la philosophie et les termes de cette proposition de résolution. La question des aéroports régionaux nous concerne tous, en tant que sénateurs et en tant qu'élus. L'aménagement de nos territoires est en jeu. Puisqu'il a été fait allusion à la bataille du rail, j'ajouterai qu'il y a de quoi s'inquiéter : superposez les projections pour les lignes ferroviaires à vingt ou trente ans avec la carte des aéroports et vous verrez apparaître de vrais déserts. Intéressant quand nous débattons, dans l'hémicycle, des métropoles... A-t-on une idée de l'impact de ces nouvelles lignes directrices en Allemagne et au Royaume-Uni ?
M. Bernard Piras. - Je suis en accord avec les propositions du rapporteur, elles sont cohérentes avec celles que j'avais défendues lors de la réforme des SIEG.
M. Jean Bizet. - Je me réjouis que toutes les sensibilités politiques se rejoignent sur des sujets d'aménagement du territoire. Monsieur Gattolin, vous avez raison de souligner l'importance du fret, mais je ne suis pas certain que le critère du fret soit plus favorable. J'ajoute que nous avons déjà corrigé l'approche très restrictive de Bruxelles en soulignant que les aéroports sont des facteurs de développement et de création de richesses.
Monsieur Bocquet, vous avez raison d'établir un parallélisme avec le rail. Si nous poussons la logique de réduction du périmètre des SIEG à l'extrême, elle est aberrante : à quoi serviront donc l'État et les collectivités territoriales ? Nous devons envoyer un message et encourager la péréquation, ce qui se pratique déjà entre grands et petits aéroports sur les 100 millions d'aides apportées au ciel chaque année. La réponse ne peut pas être purement comptable, purement libérale.
Monsieur Piras, je regrette que nous n'ayons pas été entendus sur les SIEG. Le Gouvernement me semble intéressé par notre orientation sur ce dossier ; profitons-en et espérons que la commission du développement durable, saisie au fond sur ce dossier, restera dans la ligne de notre texte.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté à l'unanimité la proposition de résolution.
Justice et affaires intérieures - Création d'un parquet européen : proposition de résolution européenne portant avis motivé de Mlle Sophie Joissains
M. Simon Sutour, président. - Notre commission a déjà adopté une proposition de résolution sur la création d'un parquet européen, thème cher à M. Hubert Haenel, à l'initiative de Mlle Sophie Joissains. La commission des lois avait employé à notre endroit une méthode qui me convient parfaitement : elle avait laissé filer le délai de quatre semaines sans désigner de rapporteur, si bien que le Sénat avait définitivement adopté le texte dans notre version. La récente position commune franco-allemande est parfaitement en ligne avec nos préconisations, contrairement à ce que vient de proposer la Commission. Le groupe de travail « subsidiarité » nous a demandé d'étudier le projet de Bruxelles au fond, un examen qui se traduira par un avis motivé à la Commission. Usons de ce vrai pouvoir que nous donnent le nouvel article 88-6 de la Constitution et le traité de Lisbonne : quand un tiers des pays de l'Union, ou un quart s'agissant des questions de justice, dépose un avis motivé, Bruxelles doit revoir sa copie. Nous avons déjà remporté un titre de gloire en obligeant la Commission à revenir sur les articles relatifs au droit de grève des travailleurs détachés dans le projet de directive « Monti II » ; nous n'en avons plus jamais entendu parler !
Mlle Sophie Joissains. - Le traité de Lisbonne, à l'article 86, a donné une base juridique à la création du parquet européen. Ce parquet peut être créé par une décision du Conseil statuant à l'unanimité, après approbation du Parlement européen. Il a pour mission de combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Le Conseil peut toutefois l'étendre à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. Pour cela, il doit statuer à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission. Pour l'heure, la Commission ne l'envisage pas.
Ce parquet, tel que l'envisage Bruxelles, serait créé sous la forme d'un office intégré de l'Union s'appuyant sur les systèmes judiciaires nationaux. Il bénéficierait de garanties d'indépendance et devrait rendre compte de ses activités. Le texte précise les mesures d'enquête qu'il pourrait accomplir tout en permettant l'application de règles de droit national. Il établit l'admissibilité devant les juges du fond des éléments de preuve que le parquet aura recueillis. Il prévoit des garanties procédurales pour les personnes suspectées. Ce sont les juridictions nationales qui exerceront le contrôle juridictionnel de l'ensemble des actes d'enquête et de poursuite attaquables du parquet européen. Ces juridictions pourront néanmoins adresser des questions préjudicielles à la Cour de justice sur l'interprétation des dispositions pertinentes du droit de l'Union. Le parquet européen devrait avoir des relations privilégiées avec Eurojust qui est parallèlement réformé.
Sur le principe, nous sommes évidemment favorables à cette proposition. Dans une résolution du 15 janvier 2013, le Sénat avait soutenu la création d'un parquet européen. Nous avions jugé possible de procéder par étape en commençant par la protection des intérêts financiers de l'Union, tout en souhaitant une extension rapide à la criminalité grave de nature transfrontière. Néanmoins, il est à craindre que la formule très intégrée retenue par la Commission ne réussisse pas à s'imposer dans la pratique, face aux réticences des États membres. Le parquet européen serait, en effet, dirigé par un procureur européen nommé par le Conseil avec l'approbation du Parlement européen pour un mandat de huit ans non renouvelable. Ce procureur européen serait assisté de procureurs adjoints nommés dans les mêmes conditions et de procureurs délégués dans les États membres qu'il nommerait lui-même et qu'il pourrait révoquer.
Dans notre résolution, nous avions défendu un parquet européen de forme collégiale, désignant en son sein un président, le cas échéant avec une rotation par pays, et s'appuyant sur des délégués nationaux dans chaque État membre. C'est le seul moyen de garantir, à notre sens, l'ancrage du parquet européen dans les systèmes nationaux et son acceptation par les praticiens des États membres. La position commune franco-allemande va dans le même sens. En faisant un choix plus centralisateur et directif, la Commission européenne va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif d'un meilleur pilotage et d'une coordination renforcée, ce qui est contraire au principe de subsidiarité.
J'ajoute que, compte tenu de l'opposition de certains États membres, ce parquet européen ne pourra vraisemblablement être créé que par la voie d'une coopération renforcée. La formule proposée doit être suffisamment souple pour recueillir un consensus parmi au moins neuf États membres, seuil requis par le traité pour le lancement de la coopération renforcée. En proposant un schéma beaucoup plus rigide, la Commission européenne a pris le risque de faire échouer le processus. Bref, le texte de la Commission paraît aussi discutable au regard de la subsidiarité que peu opportun.
Plusieurs chambres parlementaires ont décidé de se saisir de ce texte au titre de l'examen de subsidiarité : le Bundesrat, le Parlement chypriote, les Cortes espagnols, le Parlement maltais, la Chambre des représentants des Pays-Bas, la Diète polonaise, la Chambre des communes et la Chambre des Lords, les Parlements slovène et suédois. Leur appréciation sera connue au plus tard le 28 octobre. Quoi qu'il en soit, si un quart des parlements nationaux adoptent un avis motivé, la Commission devra réexaminer le texte. Ce serait une bonne nouvelle.
Voilà les raisons pour lesquelles je vous propose d'adopter une proposition de résolution européenne portant avis motivé.
M. Simon Sutour, président. - Sans verser dans l'autosatisfaction, je veux souligner la qualité du travail réalisé au sein du groupe « subsidiarité ». Il se réunit désormais deux fois par mois, une séance qui permet un examen plus approfondi des textes que la procédure écrite utilisée jusqu'alors.
M. Éric Bocquet. - La protection des intérêts financiers de l'Union recouvre-t-elle la lutte contre l'évasion fiscale ? Je rappelle que l'évasion fiscale se traduit par une perte de plus de 1 000 milliards d'euros en Europe, ce qui est considérable.
Mlle Sophie Joissains. - La Commission n'envisage pas d'étendre les missions du parquet européen à la lutte contre la criminalité transfrontière, je l'ai dit. Quant à la lutte contre les infractions portant atteinte aux intérêts de l'Union, cela représente une catégorie assez large qui va des subventions jusqu'aux fonds structurels comme le Feder.
M. André Gattolin. - Je vais motiver les raisons de ma réticence à l'égard de cet avis motivé. La collégialité ? Une présidence tournante par pays ? Dans ces conditions, les rogue states continueront de passer à travers les mailles du filet. Oui à la subsidiarité mais attention à ne pas se retrouver noyés dans un rapport de forces permanent. Le système envisagé par la Commission est déjà très limitatif.
M. Simon Sutour, président. - Pardonnez-moi de vous couper l'herbe sous le pied, mais le parquet, tel que le propose la Commission, poursuivra seulement les fraudes au budget commun. Européens convaincus, nous devons également penser à nos acquis nationaux. La collégialité n'est pas un mal, Mlle Sophie Joissains et moi-même le savons pour siéger à la commission des lois. Avec le système de la Commission, le procureur européen est en première ligne. Or nous pouvons tomber sur une personne très bien... ou pas !
M. André Gattolin. - Si les enquêtes sont confiées à des délégués nationaux, cela revient à leur offrir un enterrement de première classe ! Je ne suis pas, par principe, opposé à la collégialité. En l'espèce, elle ne me semble pas meilleure que la solution proposée par la Commission. Je m'abstiendrai donc.
Mlle Sophie Joissains. - Pourquoi la collégialité ? Parce que les délégués nationaux seront en contact direct avec le système judiciaire de leur État membre, ce qui garantira la pénétration du parquet européen. Pourquoi la présidence tournante ? C'est une façon de lever les blocages, de dire à chaque État membre qu'il présidera demain le parquet européen.
M. André Gattolin. - Le procureur délégué sera choisi parmi les procureurs nationaux. A-t-on pensé aux difficultés qu'il rencontrera lors de sa réintégration dans son corps ?
Mlle Sophie Joissains. - Nous n'en sommes pas là ! Surtout, il ne sera pas seul. S'attaquant à des problèmes transfrontaliers, il sera assisté de ses collègues des autres pays. Quant aux incidences sur la carrière, on ne se risquera pas, en France, à nommer à ce poste un élève sortant de l'ENM.
M. Simon Sutour, président. - Le pire n'est jamais sûr. Faisons confiance à nos professionnels de la justice. Voyez comment cela se passe à Eurojust et à Europol que nous avions visités à La Haye : nous y avions rencontré des professionnels qui accomplissent leur tâche en toute honnêteté.
Mlle Sophie Joissains. - J'ajoute que le délégué national sera d'autant moins seul qu'il sera épaulé par le procureur européen.
M. Simon Sutour, président. - Je vous l'assure : trois juges valent toujours mieux qu'un. Hélas, il y a de moins en moins de collégialité pour des raisons budgétaires.
M. André Gattolin. - D'accord pour la collégialité mais non sur des critères nationaux. Connaissant peu le dossier, je réagis sur les grands principes : si nous voulons défendre une logique de justice générale, il faut donner au parquet européen une capacité à intervenir avec une plus grande indépendance.
M. Simon Sutour, président. - Nos systèmes judiciaires sont différents, avançons par étape et adoptons cet avis motivé.
M. Jean Bizet. - Je voterai cette excellente proposition de résolution, elle est particulièrement pertinente, nous sommes là dans notre rôle en contrôlant le respect de la subsidiarité. Plus de pays nous rejoindront, mieux ce sera. Je regrette que l'on utilise aussi peu les coopérations renforcées. Nos concitoyens nous reprochent ensuite l'enlisement de l'Europe. Je comprends les réticences de M. Gattolin : l'esprit de fédéralisme est plus mûr dans sa famille politique. Nous devons pourtant aller de l'avant step by step et, en ce sens, ce que nous proposons représenterait une avancée considérable.
À l'issue de ce débat, la proposition de résolution est adoptée, M. André Gattolin s'abstenant.
Questions diverses
M. Simon Sutour, président. - Je vous rappelle tout d'abord que le mardi 8 octobre à 16 h 30 aura lieu à l'Assemblée nationale une audition conjointe de nos deux commissions européennes : nous recevrons Mme Bernadette Ségol présidente de la Confédération européenne des syndicats, afin de préparer la réunion conjointe des deux commissions des affaires européennes avec les députés européens nationaux qui aura lieu le 30 octobre après-midi et qui sera consacrée à l'Europe sociale.
Le lendemain, mercredi 9 octobre en fin d'après-midi, la proposition de résolution visant à créer une station de radio française « Radio France Europe » de M. Pierre Bernard-Reymond sera examinée en séance publique.
Le mercredi 16 octobre après-midi, la séance sera consacrée à une proposition de résolution européenne sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs qui sera présentée par M. Éric Bocquet, puis à un débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 octobre.
Enfin, le jeudi 17 octobre au matin aura lieu, à la demande de la commission des lois et de notre commission, un débat en séance publique sur la protection des données personnelles.