- Mercredi 17 avril 2013
- Jeudi 18 avril 2013
- Travail - Examen de la proposition de résolution de M. Éric Bocquet sur la situation des travailleurs détachés
- Institutions européennes - Point d'actualité sur la situation en Hongrie présenté par M. Bernard Piras
- Questions sociales et santé - Examen de la proposition de résolution de M. Jean Bizet sur la directive européenne sur les produits du tabac
Mercredi 17 avril 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Agriculture et pêche - Rapport de M. Gérard César sur la proposition de résolution relative à la fiscalité sur le rhum produit en outre-mer
M. Gérard César. - À la suite des travaux de la délégation du Sénat à l'outre-mer, nos collègues Jacques Gillot, Serge Larcher et moi-même avons déposé le 28 mars dernier une proposition de résolution européenne tendant à renouveler le régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d'outre-mer (DOM).
Effectivement, les rhums traditionnels des DOM bénéficient d'un régime fiscal propre, qui facilite leur accès au marché national. Cette aide fiscale a été notifiée dans le cadre des aides d'État et a fait l'objet d'autorisation de la part du Conseil et de la Commission européenne. Or cette autorisation arrive à échéance le 31 décembre 2013.
Le caractère très intégré de la filière canne-sucre-rhum dans ces territoires fait que la fiscalité préférentielle bénéficie aux différents acteurs de cette filière, qui est importante puisque la surface cannière occupe 34 % de la surface agricole utile des DOM. En effet, en application du règlement du Conseil qui a défini en 2008 les boissons spiritueuses dans l'Union européenne, le rhum traditionnel doit être produit uniquement à partir de matières premières locales : ainsi, les producteurs de rhum des DOM doivent se fournir sur place en canne ou en mélasse. Ils ne peuvent donc pas profiter du coût plus bas de la canne ou de la mélasse sur d'autres marchés, parfois subventionnés : ainsi, une distillerie des DOM peut payer sa canne jusqu'à six fois plus cher que ne le font ses homologues brésiliennes. La production est d'autant plus coûteuse dans les DOM qu'elle doit respecter des normes sociales, environnementales et sanitaires. Enfin, l'accès au marché du rhum provenant des DOM est freiné par le prix plus élevé de ses bouteilles : elles sont frappées d'une fiscalité plus élevée, car celle-ci est proportionnelle au volume d'alcool pur, or le volume d'alcool pur dans une bouteille de rhum des DOM est parfois le double de celui que l'on trouve dans les plus petites bouteilles de rhum moins alcoolisé provenant des pays tiers. Cela s'explique notamment par le fait que le rhum est commercialisé dans les DOM par bouteilles d'un litre, alors qu'il l'est dans des bouteilles de 75 cl par de nombreux concurrents des pays tiers.
C'est pourquoi le rhum des DOM ne profite pas autant que les pays tiers et ACP de la croissance mondiale du marché du rhum. C'est pour maintenir l'accès du rhum des DOM au marché national qu'a été mis en place un régime fiscal dérogatoire : le rhum traditionnel produit dans les DOM bénéficie d'un droit d'accise inférieur aux autres alcools.
Cette aide repose sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques, notamment en matière de politique fiscale et d'aides d'État, tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires.
Ce régime fiscal dérogatoire est encadré par une décision du Conseil du 9 octobre 2007, complétée par une nouvelle décision du Conseil du 19 décembre 2011, et par une décision de la Commission européenne du 27 juin 2007, au titre des aides d'État.
Ces décisions prévoient notamment que le taux d'accise ne peut être inférieur de plus de moitié à celui pratiqué sur les autres alcools, qu'il s'applique uniquement au rhum traditionnel selon sa définition communautaire et qu'il s'applique dans la limite d'un contingent.
Le montant de l'aide initialement notifié à la commission, en 2007, s'élevait à 66,4 millions d'euros. En 2011, le différentiel de taxation entre le rhum des DOM et celui des pays tiers s'élevait à 42 % et le montant de l'aide à 78,6 millions d'euros.
Cette fiscalité applicable au rhum des DOM a été modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, complétée par la première loi de finances rectificative pour 2012.
Les montants des droits d'accise ont été relevés, ce qui a accru le différentiel au bénéfice du rhum des DOM. Parallèlement, la vignette de sécurité sociale, précédemment assise sur le volume, a été augmentée et assise sur la quantité d'alcool pur, comme le droit d'accise. Elle a également fait l'objet d'un plafonnement à 40 % du droit d'accise, ce plafonnement ne s'appliquant en fait qu'aux rhums traditionnels des DOM.
Ainsi, le différentiel total de fiscalité (droit d'accise et vignette de sécurité sociale) dont bénéficie le rhum des DOM a été porté à 111,4 millions d'euros en 2012.
De ce fait, le montant de l'aide sur le droit d'accise dépasse le cadre de l'autorisation européenne consentie au titre des aides d'État, rendant nécessaire une nouvelle notification. De plus, une nouvelle aide d'État a été créée par le plafonnement de la vignette de sécurité sociale, sans notification préalable : ces mesures ne respectent donc pas les règles de concurrence européennes.
La notification a finalement été envoyée le 7 août 2012 à la Commission européenne. Mais celle-ci remet en cause le montant de l'augmentation de l'aide depuis 2011, qu'elle juge excessif.
Le Gouvernement français a donc transmis une proposition alternative à la Commission européenne le 18 février 2013. Il entend déplafonner la vignette de sécurité sociale, ce qui la rendrait identique pour tous les alcools. Il propose de porter le différentiel du taux d'accise au maximum autorisé par la décision du Conseil, c'est-à-dire 50 %. Enfin, il envisage un mécanisme spécifique pour les petites distilleries, qui seraient les plus touchées par la nouvelle vignette, du fait du haut degré alcoolique de leur production.
Avec un tel dispositif, le montant de l'aide serait ramené à 103 millions d'euros, donc à mi-chemin entre les niveaux de 2011 et de 2012. La Délégation à l'outre-mer estime que ce dispositif équilibré permettrait de résoudre le différend avec la Commission pour la période courant depuis le 1er janvier 2012. Il pourrait donc préfigurer le régime fiscal applicable au rhum des DOM après le 1er janvier 2014. Ceci permettrait de consolider durablement la filière canne-sucre-rhum qui joue un rôle majeur pour la vitalité économique, l'emploi, le maillage des territoires et même la préservation de l'environnement dans les DOM.
Il est important que nous apportions notre soutien à cette approche. Je vous propose en conséquence d'adopter sans modification la proposition de résolution européenne qui a été soumise à votre commission.
M. André Gattolin. - Cette proposition de résolution ne me pose aucune difficulté sur le fond, mais je reste perplexe devant les paradoxes des mécanismes européens : d'un côté, l'UE apporte une contribution financière et des facilités commerciales aux pays ACP, de l'autre, un État membre fondateur de l'UE, à travers ses départements d'outre-mer, se trouve confronté à la concurrence de ces mêmes pays ACP ; ainsi, l'UE dit vouloir préserver le développement équilibré des territoires, mais soumet les DOM à une politique commerciale qui les met en difficulté. On a le sentiment d'une absence de vue d'ensemble.
M. Philippe Leroy. - Les régions ultrapériphériques de l'UE ont aussi besoin de régimes périphériques. Par leur appartenance au territoire européen, elles sont soumises aux règles européennes. Pourtant, elles sont de fait soumises à la concurrence des pays qui leur sont géographiquement voisins, tels Cuba, qui vendent la canne à sucre à vil prix. Or le tiers des surfaces cultivées dans les DOM sont consacrées à la canne : c'est dire l'enjeu pour ces territoires.
Mme Colette Mélot. - Monsieur le Rapporteur, pouvez-vous préciser quelle est exactement l'importance de la production de canne à sucre dans la production agricole des DOM ?
M. Yann Gaillard. - Du temps où je travaillais à l'Inspection générale des finances, j'ai pu réaliser combien la filière du rhum était vitale pour l'outre-mer.
M. Gérard César. - Pour répondre à Mme Mélot, j'indiquerais que la surface cannière dans les DOM occupe 34 % de la surface agricole utile, soit 40 000 hectares. La concurrence vient des pays alentour qui ne connaissent pas les mêmes conditions sociales et environnementales. Le Gouvernement français est donc obligé de compenser ces contraintes par une aide ; c'est cette différenciation fiscale avec les pays producteurs tiers (Cuba, le Brésil, mais aussi les États-Unis) qui a été accrue.
M. André Gattolin. - Il n'est pas logique que l'UE signe des accords commerciaux bilatéraux avec le Brésil et d'autres États tiers et expose en même temps ses RUP à la concurrence déloyale de ces pays.
M. Gérard César. - L'objectif de cette proposition de résolution européenne est de soutenir le Gouvernement dans ses négociations avec la Commission européenne, qui doivent aboutir sans délai puisque le régime actuel expire fin 2013. J'espère que la commission des finances, à qui cette proposition va ensuite être soumise, pourra se prononcer rapidement.
La proposition de résolution européenne est adoptée sans modification à l'unanimité.
Jeudi 18 avril 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Travail - Examen de la proposition de résolution de M. Éric Bocquet sur la situation des travailleurs détachés
M. Simon Sutour, président. - La Commission européenne propose un nouveau texte sur les travailleurs détachés.
M. Éric Bocquet. - M. Young et Mme Tasca avaient déjà abordé cette question, que nous suivons régulièrement.
M. Simon Sutour, président. - Notre premier carton jaune a concerné le droit de grève des travailleurs détachés. Nous étions opposés au texte de la Commission, au nom de principe de subsidiarité. Un tiers des parlementaires nous ayant soutenus, la Commission a dû revoir sa copie. Elle a fait mieux : elle a retiré ses propositions. Ce fut pour nous un motif de satisfaction.
M. Éric Bocquet. - L'intégration de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, pays où le coût du travail était peu élevé, a conduit la Commission européenne à proposer au début des années quatre-vingt-dix l'adoption d'une réglementation sur le détachement de travailleurs d'un État membre à l'autre. La directive de décembre 1996 sur le détachement de travailleurs dans le cadre d'une prestation de services a consacré le principe d'application du droit du pays d'accueil : la législation sociale du pays d'accueil s'applique, sauf si le droit du pays d'envoi est plus favorable. Sont définies les périodes maximales de travail, les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés annuels payés et les taux de salaire minimum. Ce noyau dur s'impose également aux entreprises des pays tiers qui détachent leurs employés dans l'Union européenne.
Quant aux contrôles, le texte se borne à appeler les États membres à mettre en place une coopération administrative, sous la forme de bureaux de liaison. Si la directive définit le détachement, elle n'impose pas expressément aux entreprises qui souhaitent y recourir d'exercer une activité substantielle au sein du pays d'origine. Aucune limite de temps n'est fixée. Les travailleurs détachés restent affiliés au régime de sécurité sociale de l'État membre d'origine. Un délai d'un mois doit s'écouler entre le recrutement et le détachement.
Le détachement des travailleurs a fait l'objet de nombreux contentieux depuis l'entrée en vigueur de la directive de 1996. La jurisprudence de la Cour de justice européenne encadre strictement les possibilités de contrôle des États membres, au détriment de la protection des salariés. Dans l'arrêt Commission contre Allemagne de juin 2006, la Cour a interdit à un État d'imposer une durée minimale d'emploi aux travailleurs détachés. La procédure d'autorisation préalable mise en place par le Luxembourg a également été condamnée en juin 2008. Avec l'arrêt Viking du 11 décembre 2007, toute action collective destinée à imposer une convention collective à une entreprise étrangère est considérée comme une restriction à la liberté d'établissement. L'arrêt Laval, du 18 décembre 2007, rend impossible d'imposer aux entreprises de détachement une adhésion à des conventions collectives qui ne sont pas d'application générale.
La Commission européenne reconnaît que le détachement des travailleurs reste difficile à évaluer précisément. Ses données se fondent sur les formulaires de sécurité sociale utilisés dans le cadre des détachements. Mais les formulaires ne sont pas toujours adressés aux autorités compétentes et ils peuvent l'être a posteriori. Ils mesurent le nombre de détachements, non celui de personnes détachées : un même travailleur peut être détaché plusieurs fois. La Commission estimait le nombre de travailleurs détachés à un million en 2009. Ils sont probablement désormais 1,5 million, pour la moitié au moins dans l'industrie et la construction.
Depuis 2006, le nombre de travailleurs déclarés détachés en France a été multiplié par quatre, pour atteindre 144 411 en 2011. L'effet élargissement de l'Union est incontestable.
Les principaux secteurs concernés sont la construction (un tiers des travailleurs détachés), l'industrie (25 %) et le travail temporaire (20 %). Dans le bâtiment et les travaux publics, le nombre de travailleurs détachés explose : 63 659 en 2011 contre 5 865 en 2008. Dans l'agriculture, les déclarations ont augmenté de 58 % entre 2010 et 2011.
Le nombre de salariés français détachés à l'étranger est, quant à lui, estimé à environ 300 000 personnes, en baisse de 38 % depuis 2007. La France reste cependant le troisième pays exportateur de travailleurs détachés derrière la Pologne et l'Allemagne.
Je le répète, l'ampleur du détachement de travailleurs en France demeure délicate à évaluer, faute de respect par toutes les entreprises de la procédure de déclaration préalable. Le ministère du travail estime ainsi entre 220 000 et 300 000 le nombre de salariés low cost, à bas coût, présents sur le territoire sans déclaration, rémunérés dans le meilleur des cas selon le principe du pays d'envoi. Les contrôles de l'inspection du travail sont rares : entre 1 400 et 2 100 en 2011.
En période de crise le phénomène devient un problème politique : la population peut avoir le sentiment que les emplois sont captés par des salariés étrangers moins coûteux. Il en résulte des réactions de xénophobie et de racisme. Le secteur du bâtiment, qui devrait perdre 40 000 emplois en 2013, est particulièrement sensible à cette question. Le détachement des travailleurs est aussi devenu synonyme d'optimisation sociale, voire de dumping social.
Même si l'entreprise respecte les règles européennes, le maintien de l'affiliation au système de sécurité sociale du pays d'établissement peut représenter pour l'employeur une économie de 30 % environ, pour un salarié polonais par exemple. L'écart constaté avec le Luxembourg est du même ordre.
L'absence de procédures de contrôle efficace, faute de coopération ordonnée entre États membres, banalise la fraude. Des montages complexes sont utilisés pour faire baisser les coûts et contourner le droit social du pays d'accueil. Ainsi, la société Atlanco, sélectionnée par le groupe Bouygues sur le chantier de Flamanville, est une société de travail intérimaire irlandaise, basée à Chypre, qui recrute des travailleurs polonais rémunérés aux conditions de leur pays, les heures de travail étant en outre sous-comptabilisées...
Les petites entreprises suivent le mouvement pour rester concurrentielles, elles y sont encouragées par l'impunité résultant des failles du dispositif communautaire. Dans la construction ou l'agriculture, en particulier maraîchère, confrontée à une pénurie de main d'oeuvre, les entreprises reçoivent régulièrement des offres venues des nouveaux États membres ou de la péninsule ibérique.
Les documents présentés à l'inspection du travail de l'État membre peuvent masquer un système de double contrat de travail ou de double bulletin de salaire. Le travailleur défalque parfois de sa rémunération un forfait de restauration et hébergement. La fraude organisée s'appuie sur une cascade de sous-traitants et de sociétés boîtes aux lettres, qui rappellent d'autres pratiques en vogue actuellement. Les faux statuts d'indépendants se multiplient. Une autre dérive tient à l'utilisation quasi permanente de travailleurs détachés dans les pays sans salaire minimum - on connaît l'exemple des abattoirs allemands. Au-delà du dumping social, les conditions d'emploi s'apparentent parfois à une forme d'esclavage moderne : salaires impayés, absence de protection sociale, non respect des règles élémentaires de sécurité sur le lieu de travail, hébergement de fortune.
Pour lutter contre les abus, la Commission européenne a proposé, le 21 mars 2012, un projet de directive d'exécution, qui améliore la directive de 1996. Le texte renforce les moyens de prévention et de lutte contre les abus et intègre les principaux enseignements de la jurisprudence de la Cour. Pourtant celle-ci limite grandement la possibilité de consolider les procédures de contrôle.
La Commission s'efforce de préciser les critères à prendre en compte afin de caractériser les situations de détachement et ainsi détecter plus rapidement les fraudes. L'article 3 impose aux États membres de recueillir un certain nombre d'éléments en vue d'apprécier si l'entreprise qui détache ses salariés exerce réellement une activité substantielle dans le pays où elle est affiliée. Les articles 6, 7 et 8 renforcent la coopération administrative entre les États membres, désormais tenus de répondre dans les deux semaines à une demande d'information d'un de leur partenaire. L'article 9 dresse une liste précise des mesures que peut imposer un État membre à une entreprise étrangère détachant des travailleurs sur son territoire.
L'article 12 institue, dans le secteur de la construction, un mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d'ordre ; ce dernier est susceptible d'être tenu responsable du non-paiement du salaire minimal, de tout arriéré ou de tout prélèvement indu sur la rémunération du travailleur détaché. Les États membres auront la faculté d'étendre ce dispositif à d'autres secteurs.
Ces deux articles constituent les principaux points de blocage au sein du Conseil. La France et certains États membres, à l'instar de la Belgique et de l'Espagne, préconisent une liste ouverte de moyens de contrôle et une extension de la clause de responsabilité à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance et à tous les secteurs d'activité. Les nouveaux États membres et le Royaume-Uni militent, eux, pour la rédaction actuelle. Il est peu probable que le texte soit adopté avant à la fin de la présidence irlandaise.
La proposition de résolution que je vous présente soutient la position du gouvernement français sur les articles 9 et 12, pour mieux combattre la fraude. Il convient cependant d'aller plus loin, en particulier pour répondre au problème de la sous-traitance en cascade. Mieux vaudrait limiter la chaîne de sous-traitance à trois échelons, comme dans la législation allemande ou espagnole. Je vous propose également de prévoir des clauses de responsabilité sociale d'entreprise (RSE) dans les cahiers des charges d'achat de prestations. En cas de non-respect de la législation sur le détachement, ces clauses entraîneraient la rupture du contrat. Le délai de 15 jours préconisé par la Commission pour les transmissions de documents est trop court. Il convient de le porter à un mois.
La directive d'exécution pourrait également autoriser les syndicats à engager des procédures judiciaires ou administratives sans l'approbation du travailleur, celui-ci étant souvent soumis à des pressions.
Enfin, le règlement sur l'affiliation au régime de sécurité sociale de l'État d'envoi pourrait être modifié afin de prévenir les situations de faux détachement et limiter les pratiques d'optimisation sociale.
M. Simon Sutour, président. - Vos propositions s'inscrivent dans la ligne des positions que nous avons toujours défendues.
M. André Gattolin. - Elles sont équilibrées. Le bâtiment, secteur pourtant non délocalisable, devrait perdre 45 000 emplois cette année. Les salariés détachés perçoivent souvent des primes d'expatriation qui ne sont pas soumises à prélèvement fiscal. Ce complément de salaire renforce le dumping social. Mon groupe votera ce texte.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous le voterons aussi.
M. Michel Billout. - Notre pays se montre réticent à lever les mesures transitoires qui ne concernent que 20 000 travailleurs roumains ou bulgares. Pendant ce temps, le phénomène massif du détachement de travailleurs perdure et nous ne faisons rien ! La résolution est bienvenue.
Mme Catherine Tasca. - Ces pratiques ont un impact sur l'opinion, le rapporteur l'a mentionné. Nous devons rétablir des contrats de travail réguliers, tout en veillant à ne pas semer des germes d'hostilité à l'égard des travailleurs étrangers. La proposition de résolution est équilibrée. Je la soutiens.
M. Simon Sutour, président. - Monsieur Billout, notre commission s'était prononcée en votre sens.
M. Éric Bocquet. - Ce consensus me réjouit. De plus en plus, des entreprises s'affranchissent des règles de protection des individus et se livrent à une recherche d'optimisation tous azimuts, qui utilise les mêmes ressorts que l'évasion fiscale. Ryanair, compagnie basée en Irlande, immatricule ses avions au Portugal et recourt à des pilotes auto-entrepreneurs. Partout, les législations sociales sont contournées dans un objectif unique : baisser les prix.
Mme Catherine Tasca. -Le terme « optimisation » est riche de sens. Au point 7, ne convient-il pas de préciser qu'il s'agit d'une « optimisation du profit » ?
M. Éric Bocquet. - Je suis d'accord.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le point 24 autorise une action des syndicats sans l'accord des salariés : cela me gêne.
M. Éric Bocquet. - L'idée est que des syndicats puissent se substituer aux salariés.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Sans l'accord de ceux-ci ?
M. Simon Sutour, président. - Même si un salarié se satisfait de la situation, le syndicat peut avoir toutes raisons d'entreprendre une action en justice. De plus, le salarié peut être soumis à des pressions.
M. André Gattolin. - La concurrence déloyale, par exemple, peut être invoquée.
M. Simon Sutour, président. - Supprimons « sans l'accord du salarié » : l'important est que le syndicat puisse agir.
Le point 24 est ainsi modifié.
La commission adopte la proposition de résolution dans le texte suivant :
Institutions européennes - Point d'actualité sur la situation en Hongrie présenté par M. Bernard Piras
M. Simon Sutour, président. - Lorsque le Premier ministre hongrois a expliqué sa politique au Parlement européen, même ses amis politiques ne l'ont pas compris. Nous conservons nos liens avec le peuple de ce pays, c'est pourquoi j'ai accepté d'ouvrir le colloque qui aura lieu le 30 mai à l'initiative du groupe parlementaire d'amitié France-Hongrie. Mais je dirai ce que j'ai à dire.
M. Bernard Piras. - Dans mon rapport du 19 juillet dernier sur les déficits démocratique et économique hongrois, j'avais insisté sur la nécessité pour l'Union européenne de prendre position face à l'évolution de la Hongrie, car ce pays s'éloigne des valeurs fondamentales sur lesquelles repose la construction européenne. La nouvelle Constitution ou certaines lois organiques adoptées par le Parlement hongrois soulevaient de réelles difficultés. Budapest jouait sur l'absence de réaction des autorités européennes et sur la lenteur des procédures d'infraction pour mener à bien ce que les idéologues du parti au pouvoir, le Fidesz, qualifient de révolution, mais qui relève plus d'une forme de nationalisme autoritaire. La lenteur des procédures européennes, bien connue, s'aggrave dans le cas de la Hongrie : le délai moyen s'établit à 30 mois contre 26 en moyenne au sein de l'Union. Cela compte pour des médias dont la survie est engagée, ou pour des entreprises étrangères menacées d'éviction du marché local.
Huit mois après, de timides avancées ont été enregistrées concernant la liberté des médias, l'indépendance de la Banque centrale, l'abaissement de l'âge de départ en retraite des juges, ou les entorses à la liberté d'établissement des entreprises. Mais tout cela est remis en cause par un nouvel amendement à la Loi fondamentale qui affaiblit le rôle de la Cour constitutionnelle hongroise, seul véritable contrepouvoir.
La Cour constitutionnelle a, en décembre 2011, annulé plusieurs dispositions de la loi sur les médias, en particulier celles concernant le contenu des médias et la protection des sources d'information des journalistes. Elle avait invalidé, le 16 juillet 2012, l'abaissement immédiat de l'âge de départ en retraite des juges, procureurs et notaires de 70 à 62 ans. Cette purge des services judiciaires a également été jugée contraire au droit communautaire par la Cour de justice de l'Union européenne le 6 novembre 2012. Un projet de loi est en cours de discussion afin de tenir compte de ces avis.
Le 26 février 2012, elle a annulé plusieurs articles de la loi sur les églises du 1er janvier 2012 qui soumet l'octroi du statut d'église et les financements publics à l'appréciation du parlement, sans justification et sans voie de recours. Depuis lors, 17 communautés religieuses se sont vu refuser le statut.
La Cour a également invalidé la limitation de la publicité politique aux seuls médias publics, ou les mesures contre les sans-abri. Elle a aussi jugée trop restrictive une définition légale de la famille fondée exclusivement sur le mariage et sur la relation entre parents et enfants. Elle a remis en cause la réforme électorale souhaitée par le gouvernement, invalidant une disposition encadrant l'inscription sur les listes électorales.
Enfin, le 28 décembre 2012, la Cour a censuré une large partie des dispositions transitoires censées accompagner le changement constitutionnel, qui reprenaient des dispositions contestables des lois organiques. Elle a estimé que le parlement avait outrepassé son pouvoir législatif en adoptant des dispositions dites transitoires mais qui avaient vocation à durer.
Le parlement a adopté le 11 mars un quatrième amendement à la Loi fondamentale entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Présenté comme un ajustement technique, le texte surprend par son ampleur : 15 pages, quand la Constitution en compte 45. Il aborde une multitude de sujets, des sans-abris au rôle de la Cour constitutionnelle en passant par la criminalisation des formations politiques qui ont succédé au parti communiste hongrois.
Les autorités hongroises prétendent que la Cour constitutionnelle sort renforcée de cette révision de la Loi fondamentale. Sa saisine est désormais ouverte au président de la Cour suprême et au procureur général, mais ces personnalités nommées par le pouvoir. La Cour se voit reconnaître le pouvoir d'exercer un contrôle formel sur les futurs amendements à la Loi fondamentale, mais elle exerçait déjà cette prérogative de façon coutumière. Surtout, une disposition préoccupante interdit au juge constitutionnel de se référer à une jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi fondamentale !
La jurisprudence de la Cour, souvent qualifiée de Constitution invisible, a permis de définir un certain nombre de valeurs communes, pas toujours inscrites dans la Loi fondamentale. L'interdiction de la peine de mort a pour seule base juridique en Hongrie une décision de la Cour constitutionnelle datant de 1991.
Désormais les 15 membres de la Cour - contre 11 auparavant - et son président sont élus à la majorité des deux-tiers par le parlement, pour un mandat de 12 ans. L'ancien président de la Cour et ancien président de la République, Lázló Sólyom, estime que les récentes nominations sont plus politiques que techniques. Le contrôle de la Cour sur les lois touchant au budget de l'État est désormais limité tant que la dette publique dépassera 50 % du PIB...
Le quatrième amendement comporte un autre enjeu. Le législateur a considéré que la censure du 28 décembre dernier sur les dispositions transitoires était motivée par des considérations de forme et non de fond. Le quatrième amendement réintroduit l'ensemble des dispositions transitoires censurées en les inscrivant dans la Constitution. Elles ne pourront plus être contestées devant la Cour constitutionnelle.
Cette constitutionnalisation excessive était déjà au coeur des réserves exprimées par les organes européens. Si la Constitution prescrit une politique, quel choix démocratique reste-t-il aux électeurs ? Le quatrième amendement renforce cette tendance. Le président de la République est obligé d'approuver les changements constitutionnels, son droit de veto ne vaut que pour les questions formelles.
Le quatrième amendement illustre ce double discours à l'égard de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe que je dénonçais dans mon rapport. Après des échanges avec la commission de la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe, dite commission de Venise, les autorités hongroises avaient ainsi accepté d'amender leur réforme du système judiciaire local. Or le quatrième amendement réintroduit certaines des dispositions contestées. Le président de l'Office pourra ainsi dépayser de façon discrétionnaire une affaire ; quant à l'encadrement de son pouvoir d'administration par un collège de magistrats, qui était souhaité par la Commission de Venise, il relève de la loi ordinaire. Le président de l'Office est élu par le parlement. La fonction est occupée à l'heure actuelle de Mme Tünde Hendo, épouse de Joszef Szajer, député européen du Fidesz et rédacteur de la Constitution.
De même, alors que les lois sur les médias adoptées en 2010 avaient été révisées sous la double pression de la Cour constitutionnelle et des instances européennes, et que des négociations avec le Conseil de l'Europe étaient en cours, le quatrième amendement limite l'usage de la liberté d'expression dès lors qu'elle viole « la dignité de la nation hongroise », concept dont la portée reste à préciser. L'accès libre et égal aux médias est limité aux seules périodes électorales.
Les autorités souhaitent que les étudiants hongrois aidés par l'État travaillent en Hongrie pendant une durée égale au double de leur temps de formation. Face aux réserves de Bruxelles, Budapest s'est engagé à apporter des éléments de réponse. Or ce principe est consacré dans la Constitution par le quatrième amendement.
Le pays met en place des taxes spéciales pour financer d'éventuelles amendes infligées par l'Union européenne : c'est l'annonce d'un affrontement à venir avec les instances européennes.
La Commission européenne a indiqué le 12 mars dernier qu'elle analyserait rapidement ces changements. Dans un communiqué commun avec le Conseil de l'Europe, elle a insisté sur les préoccupations que cet amendement suscitait au regard de l'État de droit et regretté que le dispositif ne lui ait pas été transmis au préalable.
Il y a urgence, car il n'existe plus à l'heure actuelle de contrepouvoir en Hongrie. La Cour constitutionnelle est affaiblie, le président de la République lié au parlement et au Fidesz, les médias critiques sont en difficulté financièrement et l'opposition politique continue à souffrir d'un déficit de crédibilité. Quant à la Banque centrale, principal foyer de contestation de la politique économique hétérodoxe du gouvernement, elle est désormais gouvernée par l'ancien ministre de l'économie György Matolcsy. Ce proche de Viktor Orban qualifiait il y a peu le modèle économique hongrois de « conte de fées ». Son pays est pourtant toujours sous la menace d'une procédure pour déficit excessif. Près de 30 % de la population hongroise vit sous le seuil de pauvreté ; une croissance nulle est prévue pour 2013.
Le 12 avril dernier, M. Barroso a adressé un courrier à Viktor Orban soulignant trois éléments passibles de procédures d'infraction : les taxes destinées à financer d'éventuelles amendes européennes, les pouvoirs du président de l'Office national des magistrats, et les restrictions apportées à la publication de messages politiques dans les médias publics.
Il convient d'aller plus loin. Dans mon rapport de juillet, je préconisais l'application de l'article 7 du traité, ce qui a irrité l'ambassade de Hongrie en France. Cet article dispose qu'en cas de violation grave et persistante par un État membre des valeurs fondamentales de l'Union européenne, le Conseil peut suspendre certains des droits découlant de l'application des traités à l'État membre en question, y compris ses droits de vote au Conseil. Cette option est désormais évoquée par Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté. Une lettre des ministres des affaires européennes allemand, autrichien, finlandais et néerlandais invitait déjà la Commission à se doter d'un nouveau dispositif sanctionnant de tels dérapages.
La procédure de l'article 7 est déclenchée sur proposition motivée d'un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission. Le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres, après approbation du Parlement européen, peut alors constater qu'il existe un risque clair de violation grave des valeurs fondamentales. Le Conseil constate ensuite l'existence d'une violation, à l'unanimité, sur proposition d'un tiers des États membres ou de la Commission et après approbation du Parlement européen. Le Conseil décide ensuite à la majorité qualifiée de suspendre certains droits.
Cette procédure lourde n'est sans doute pas parfaitement adaptée au cas hongrois. Néanmoins son lancement constituerait un signal fort. L'Union européenne a renforcé dans la période récente la promotion de l'État de droit, de la démocratie et des droits de l'homme : un représentant spécial pour les droits de l'homme a été créé en juillet 2012. Quelle sera la crédibilité de l'Union si elle ne réagit pas sérieusement à de telles atteintes aux principes démocratiques ? Se contenter de simples menaces verbales renforce le gouvernement hongrois en place. Il est plus que temps de faire pression sur la Hongrie pour qu'elle respecte les valeurs européennes.
M. Simon Sutour, président. - Les critiques à l'égard de la ligne suivie par M. Orban proviennent de sa propre famille politique, à laquelle appartient par exemple Mme Reding. La situation est préoccupante : un parti verrouille le système après avoir remporté les élections. Tel n'est pas l'esprit de la démocratie.
M. Bernard Piras. - J'ai fait part de mes analyses à l'ambassadeur de Hongrie. J'ai écouté ses réponses sans être convaincu.
Mme Catherine Tasca. - J'espère que cela ne lui vaudra pas des ennuis !
M. André Gattolin. - Je suis attaché à la Hongrie. J'ai connu Viktor Orban en 1987, lorsqu'il combattait pour la liberté.
M. Simon Sutour, président. - Ce n'est plus le même homme !
M. André Gattolin. - Des journalistes sont contraints de fermer leurs pages facebook, car ils peuvent être tenus responsables des propos qui y sont écrits par des tiers. La situation s'apparente à une tartufferie : dès que l'Union européenne élève la voix, les autorités hongroises font mine de reculer. Le recours aux sanctions de l'article 7, suspension du droit de vote du pays dans les instances européennes par exemple, provoquerait sans doute une réaction nationaliste, mais il est urgent de brandir cette menace. M. Orban excite le patriotisme hongrois, aux dépens des minorités ethniques et de certains groupes sociaux, tout en se présentant comme le garant de l'engagement européen.
M. Éric Bocquet. -Je partage la position ferme du rapporteur. La situation hongroise constitue un facteur de déstabilisation en Europe. La Hongrie est l'un des membres les plus récents de l'Union européenne. Quelle était la situation en 2004 lors de l'adhésion ?
Mme Catherine Tasca. - Nous déplorons souvent l'immobilisme de l'Union européenne dans les affaires étrangères. Ne tolérons pas son inaction au sein même de l'Europe. La procédure de l'article 7 est un vrai chemin de croix, mais le cas de la Hongrie est suffisamment grave pour que l'Europe se décide. C'est une question de crédibilité.
M. Michel Billout. - Je partage malheureusement l'analyse de M. Piras sur la situation en Hongrie. La situation économique ne cesse de se dégrader, les comportements xénophobes vis-à-vis de la communauté Rom se développent, notamment au travers de dispositions sur le travail obligatoire. « Tziganes » et « Hongrois » ne sont pas traités de la même façon.
Cela est d'autant plus regrettable qu'après 1989, la Hongrie était un excellent élève de la transition vers le libéralisme : elle a été le premier pays européen à s'y engager avec ferveur, privatisant peut-être un peu brutalement ses entreprises... Viktor Orban se targue aujourd'hui de remettre de l'ordre et considère que les entreprises étrangères ont fait suffisamment de profits pour que l'État reprenne la main. Le débat serait intéressant si le Fidesz ne suivait la voie d'un parti unique. Avec les deux tiers de la majorité au Parlement, il fait voter ce qu'il veut, dans des conditions contestables : en être déjà au quatrième amendement d'une jeune constitution rédigée sans assemblée constituante montre dans quelles conditions on légifère en Hongrie.
Le Conseil de l'Europe doit faire preuve de fermeté, de même que les institutions européennes : on sent que les institutions n'ont pas prévu d'affronter ce genre de situation. D'autres réactions politiques font défaut, notamment au sein du parti populaire européen (PPE) dont Viktor Orban est vice-président. Il y a là un manque de courage regrettable, car il faudrait aider la Hongrie à se replacer sur des rails européens. Cependant, soyons prudents et évitons d'isoler la Hongrie. Lors de la reconstitution du groupe d'amitié France-Hongrie, j'ai déploré de nombreuses défections. Or, nous avons tout intérêt à maintenir un lien fort avec les Hongrois et leur représentation nationale - issue des urnes.
Le Fidesz est un parti très composite. Faisons passer des messages ! Viktor Orban tente de ne pas se laisser déborder par son extrême droite, le très influent parti Jobbik, ce qui donne des résultats législatifs souvent nauséabonds. À gauche, l'opposition a du mal à se reconstituer après la faillite du parti socialiste hongrois, victime des mensonges du premier ministre de l'époque. Nous pouvons aider à reconstituer le jeu démocratique et c'est dans cette optique que j'ai rétabli le groupe d'amitié. Dès l'adoption du quatrième amendement, nous avons dénoncé la situation, reçu des opposants, des journalistes qui ne peuvent plus travailler, parfois issus de la télévision publique. Nous organisons un colloque le 30 mai sur la situation économique, les valeurs européennes et l'évolution constitutionnelle en Hongrie. J'invite Bernard Piras à participer à nos débats.
M. André Gattolin. - À cela s'ajoute parfois un antisémitisme latent.
M. Bernard Piras. - Lors de l'adhésion, en 2004, le gouvernement était de centre-gauche, mais la demande avait été faite auparavant. L'actuel premier ministre présidait la Hongrie de 1998 à 2002, mais lorsque l'on réécoute ses déclarations de l'époque, on peine à le reconnaître. L'extrême droite croît très vite en Hongrie qui est un des pays les plus atteints en Europe. Des milices s'en prennent aux Roms. Pour les Juifs, la situation n'est pas facile non plus.
L'Europe doit appliquer l'article 7 : Viktor Orban joue des lenteurs du système, qu'il connaît bien. Il sait que les procédures prennent une trentaine de mois... Une voie plus concrète, mais qui aurait des conséquences économiques, serait de geler des financements de l'Union et du FMI.
M. Michel Billout. - Il faut agir par tous les moyens dont nous disposons.
M. Simon Sutour, président. - C'est la deuxième fois en moins d'un an que nous nous réunissons au sujet de la Hongrie et la situation a encore empiré. M. Billout a raison : il faut maintenir le dialogue, et je participerai au colloque. Compte tenu de la situation, il ne serait pas inopportun de réfléchir à une proposition de résolution d'ici l'été : le Sénat doit marquer clairement sa position.
Questions sociales et santé - Examen de la proposition de résolution de M. Jean Bizet sur la directive européenne sur les produits du tabac
M. Jean Bizet. - La nouvelle directive sur les produits du tabac est un sujet délicat. Elle poursuit un objectif de santé publique légitime : réduire le tabagisme, notamment chez les jeunes. Le constat est en effet accablant : chaque année, le tabac cause en Europe près de 700 000 décès ; 70 % des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 18 ans et 94 % avant 25 ans. Toutefois, les moyens mis en oeuvre par la révision de la directive tabac font débat.
La Commission entend limiter l'attrait des produits, afin de décourager l'initiation au tabac chez les jeunes et réduire ainsi sur le long terme la consommation de tabac. À cette fin, elle envisage plusieurs mesures - présentation des paquets, composition, forme des cigarettes - directement inspirées par la convention-cadre pour la lutte antitabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ratifiée par l'Union européenne et l'ensemble des États membres.
La mesure principale consiste en l'apposition obligatoire d'avertissements sanitaires de grande taille, sous forme de textes et d'images-choc, sur les paquets de cigarettes. Ces avertissements occuperont 75 % de la surface sur les faces avant et arrière des emballages, au lieu de 30 % et 40 % actuellement. Ils seront imprimés à partir du bord supérieur : les noms et logos des marques figureront donc désormais en bas. Un message sur les tranches du paquet indiquant que la fumée du tabac contient plus de 70 substances cancérigènes remplacera les mentions actuelles concernant la teneur en goudron, en nicotine et monoxyde de carbone. Enfin, la directive instaure un modèle unique de paquet, de forme parallélépipédique, avec un simple couvercle rabattable. Les mêmes dispositions visent le tabac à rouler.
Ce nouveau paquet de cigarette n'est pas ce que l'on appelle un paquet neutre ou générique. Le paquet neutre réduit en effet la marque à sa plus simple expression nominale, sans logo, couleurs, iconographie ou typographie spécifique. L'Australie est le seul pays à l'heure actuelle à l'avoir imposé. La marque y figure dans une typographie neutre, débarrassée de tous signes distinctifs. La Commission européenne a choisi de ne pas imposer cette solution, mais laisse aux États membres la possibilité de la mettre en place sur leur territoire.
Le débat juridique porte sur la proportionnalité des mesures envisagées et l'atteinte potentielle au droit des marques : des avertissements sanitaires recouvrant 75 % des faces avant et arrière des paquets laissent-ils suffisamment d'espace d'expression aux marques ? Celles-ci font l'objet d'une protection dans le cadre de la propriété industrielle. Elles remplissent plusieurs fonctions qui ont été reconnues par la jurisprudence communautaire : identification, donc garantie sur l'origine du produit, mais aussi protection de l'investissement et promotion. Ces fonctions ne risquent-elles pas d'être altérées par les mesures préconisées par la Commission européenne ?
Le droit de propriété intellectuelle, dont dépend le droit des marques, n'est pas un droit absolu, il peut souffrir des restrictions au nom de l'intérêt général, comme le prévoient instamment la Charte des droits fondamentaux et les accords internationaux sur la protection des droits intellectuels (ADPIC). Mais il convient d'éviter une restriction disproportionnée au regard du but poursuivi. En l'occurrence, l'objectif de protection de la santé publique inscrit dans les traités peut justifier un encadrement spécifique des produits du tabac, du point de vue du droit des marques.
Saisie par plusieurs fabricants de tabac après l'adoption de la directive de 2001, la Cour de justice de l'Union avait jugé que la taille des avertissements sanitaires prévue à l'époque laissait subsister sur les paquets un espace suffisant pour que les fabricants puissent y apposer d'autres éléments, dont ceux relatifs à leur marque. La Cour soulignait que, dans ces conditions, les limites instaurées par le législateur ne portaient pas atteinte à la substance du droit des marques. À 75 %, ces mêmes conditions sont-elles réunies ?
Pour ma part, je retire des auditions de plusieurs spécialistes du droit des marques, et en particulier des représentants de l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), que le pourcentage de 75 % constitue un niveau acceptable car il préserve les fonctions essentielles de la marque. D'autant qu'il est impossible de se prévaloir, en droit des marques, d'une règle concernant la taille ou l'emplacement d'une marque.
En revanche, le paquet neutre, ou toute mesure qui tendrait à imposer des avertissements d'une taille supérieure à 75 %, exposerait l'Union européenne à une condamnation de la Cour de justice, mais surtout créerait une brèche dans le domaine de la propriété intellectuelle, dommageable au rôle économique que remplissent les marques. C'est le deuxième enjeu de ce texte, le plus important à mes yeux.
Dans l'hypothèse du paquet neutre, seule la dimension nominale de la marque est préservée. Or une marque ce n'est pas seulement un nom, mais souvent des éléments figuratifs ou emblématiques, des signes à partir desquels se forge son image. Avec le paquet neutre, le propriétaire d'une marque figurative ne sera plus en mesure d'exploiter celle-ci normalement, ni de bénéficier de l'image déjà acquise. Il s'agit en quelque sorte d'une expropriation. En outre, dans le secteur du tabac, toute forme de publicité est déjà interdite : l'emballage est le dernier espace de visibilité pour les marques.
À l'origine du paquet neutre, il y a la volonté de déjouer les stratégies des fabricants de tabac qui ont cherché à séduire de façon trop évidente certaines cibles - les femmes, les jeunes - au travers de couleurs, formes ou visuels attractifs. Mais ces pratiques grossières, que la nouvelle directive permettra de réguler, doivent être distinctes de la présence sur le paquet d'un symbole ou d'un logo qui exprime l'essence de la marque. En d'autres termes, il ne me semble pas que la géométrie du logo Marlboro, le chameau de la marque Camel ou le casque ailé des Gauloises soient susceptibles de déclencher l'acte d'achat ou l'entrée dans le tabagisme. L'éducation et l'influence de l'entourage me semblent plus déterminantes...
Je ne crois pas davantage que le paquet neutre soit plus efficace que des avertissements sanitaires. L'efficacité de ce type de mesures est d'ailleurs difficile à quantifier : elles font en général partie d'une stratégie globale de prévention.
Au-delà du cas particulier du tabac, je ne peux pas être favorable à une solution qui dépossède les entreprises d'un actif tel que la marque, dont le rôle économique est fondamental. Comme le brevet dont nous avons discuté la semaine dernière, elle est un maillon indispensable de la réussite économique d'une entreprise. Les entreprises n'investissent dans la recherche et développement que dans la perspective d'en exploiter les résultats. Or la marque permet de valoriser ces résultats à travers la distinction qu'elle opère par rapport aux produits de la concurrence. La marque et le brevet sont ainsi à l'origine d'un cercle vertueux investissement-innovation-compétitivité-emploi.
La recherche-développement d'une grande entreprise du secteur, Philip Morris, a produit ce qui pourrait ressembler à la cigarette du futur. Il s'agit d'un procédé qui, contrairement à la cigarette classique, ne brûle pas le tabac mais le chauffe, ce qui est beaucoup moins nocif - puisque c'est la fumée issue de la combustion du tabac qui est particulièrement toxique. Ce type d'innovation pourrait représenter un bénéfice du point de vue de la santé. Il n'y a de recherche que dans la mesure où elle produit des revenus.
À l'heure où des pays émergents comme la Chine ou l'Inde découvrent les vertus de la propriété intellectuelle, le paquet neutre introduit un précédent qui risque de fragiliser nos acquis en matière de protection de la propriété intellectuelle. Cela a été dit assez clairement par M. Batistelli la semaine dernière : la montée de certaines interrogations, dans les pays développés, sur les limites de la propriété intellectuelle est inquiétante. Les pièces détachées automobiles font ainsi l'objet d'un conflit entre constructeurs et équipementiers : le droit sur les dessins et modèles sur ces pièces détachées pourrait disparaître... Notre commission s'est d'ailleurs fort heureusement prononcée contre ce projet en 2004. Les pays en développement comme la Chine ou l'Inde ont acquis un niveau impressionnant de recherche et développement et trouvent légitimes de protéger leurs innovations, alors que nous suivons un chemin inverse ! Veillons à ne pas casser le cercle vertueux innovation-investissement-compétitivité-emploi.
Avant de conclure, je veux également souligner un certain nombre de difficultés ou d'effets pervers que la nouvelle directive pourrait engendrer : la démarche de la Commission européenne consistant à autoriser les États membres à adopter des mesures nationales plus contraignantes - le paquet générique - est contradictoire avec sa volonté de rapprocher les législations nationales dans l'intérêt du fonctionnement du marché intérieur. Ce même défaut avait entraîné en 1998 l'annulation par la Cour de justice de l'Union de la première directive sur la publicité en faveur du tabac.
L'instauration du paquet générique présente en outre un risque de distorsion de concurrence : en l'absence de signe distinctif, la reconnaissance des marques se fera à partir de leur notoriété antérieure, ce qui assure une prime aux marques dominantes et empêche l'arrivée de nouveaux acteurs.
Le paquet générique pourrait également provoquer l'augmentation des achats hors du réseau national de distribution, dans des pays tiers ou sur le marché parallèle. L'impact fiscal de tels comportements n'est pas à négliger.
Parmi les produits du tabac, le cigare a une place particulière. C'est un produit plus artisanal que la cigarette, marqué par la notion de terroir, fumé par une clientèle plus âgée qui n'est pas la cible prioritaire de la Commission. C'est pourquoi les cigares et cigarillos ont toujours bénéficié d'un régime moins contraignant. Pourtant, la nouvelle directive va aligner ce régime sur celui des cigarettes aujourd'hui, soit des avertissements sur 30 et 40 % de la surface de l'emballage. Cette mesure risque de compliquer l'identification de produits pour lesquels l'indication de l'origine est primordiale. En outre, elle pourrait fragiliser l'économie des pays producteurs dont la bonne santé repose en partie sur ce secteur. Certains d'entre eux ont du reste déposé plainte auprès de l'OMC contre le paquet générique australien. Pour ma part, je recommande un statu quo européen.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose donc d'adopter la proposition de résolution.
J'adhère totalement à l'objectif de santé publique de la directive. S'il y avait un réel bénéfice à attendre du paquet neutre en termes de santé publique, je comprendrais qu'on retienne exceptionnellement cette solution. Mais aller au-delà de 75 % pour l'avertissement sanitaire n'apportera rien. En revanche il ouvrira une brèche dans le droit des marques que nous devons protéger.
Que se passera-t-il demain pour des produits alimentaires qui peuvent être dangereux pour la santé si l'on en abuse ? Je pense au débat que nous avons eu sur les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires. Verrons-nous le paquet de biscuits neutre, la bouteille de vin neutre, ou la plaquette de beurre neutre ?
M. Bernard Piras. - Je souscris à la lutte contre le tabagisme, mais j'estime que ce texte européen est une perte de temps. Il frappe à côté. Les marques ont leur importance, mais là n'est pas le sujet : c'est l'éducation qu'il faut développer. Les mesures proposées ne feront que développer le marché parallèle.
Mme Catherine Tasca. - Ce sujet récurrent oppose toujours les arguments économiques et sanitaires. Notre collègue a bien souligné la gravité de la situation et la nécessité, en conséquence, d'une stratégie globale d'éducation et de prévention. Les résultats de la lutte contre le tabac sont très insuffisants. Je ne suis pas d'accord avec le parallèle établi entre l'alimentation et le tabac : le tabac est une addiction et sa nocivité n'a plus à être prouvée.
On ne peut présenter à égalité un objectif sanitaire et le respect de la propriété intellectuelle ou des marques. Je suis néanmoins sensible à votre approche concernant la propriété intellectuelle : dans ce domaine, il est vrai que les encoches sont nombreuses.
Aucune des mesures proposées n'a démontré son efficacité, mais cette directive a recueilli un très large assentiment, et il ne serait pas bon d'être en recul sur le sujet. Ne freinons pas les efforts d'harmonisation européenne.
À l'alinéa 13 de la proposition de résolution, est écrit que « la Commission autorise les États membres à adopter la formule du paquet générique, contredisant en cela ses objectifs d'harmonisation ». Non ! La directive fixe un seuil, libre aux États membres d'aller au-delà.
Sur l'impact du paquet générique, nous avons peu d'informations, l'Australie venant tout juste de l'adopter. Il est excessif en tout cas de parler d'atteinte au droit de marques. Je vous suggère de vous rendre à la sortie d'un collège : à 8 heures 20, les adolescents ont déjà la cigarette au bec ! Le texte est raisonnable. La ministre de la santé a d'ailleurs fait part de la volonté du Gouvernement de durcir la législation sur le tabac.
M. André Gattolin. - Je suis mal à l'aise avec cette résolution qui mêle plusieurs registres. La marque n'a rien à voir avec le brevet : elle correspond à la construction d'un imaginaire fantasmagorique, souvent construit à coups de publicité. Je suis choqué d'entendre que la marque garantit l'origine du produit. La garantie réside dans l'appellation contrôlée, pas dans la marque. Si celle-ci doit être protégée, ce ne peut être au même niveau que le brevet.
Il arrive que l'on invoque la liberté d'expression de l'entreprise. Cela me choque. La liberté d'expression est d'abord une liberté fondamentale du citoyen : sachons hiérarchiser les choses !
Vous évoquez la recherche et l'innovation. Aujourd'hui, les investissements s'orientent surtout vers les psychotropes et les drogues de synthèse. L'industrie du tabac a fait beaucoup de recherche pour ajouter des produits additifs - elle a d'ailleurs été condamnée aux États-Unis.
Évitons le mélange des genres : je ne vois pas ce qu'il y a de disproportionné dans la lutte anti-tabac, et c'est un fumeur qui parle. Le consommateur est en droit de réclamer une information objective sur l'appellation et la traçabilité, mais c'est autre chose. Dans le cas des surgelés, de grandes marques, Spanghero ou Findus, ont acheté des produits dont ils ne pouvaient garantir ni l'origine et la qualité...
Je ne suis pas hostile à la liberté d'entreprendre, de consommer, de produire. Mais dans les logiques de régulation, il faut des hiérarchies : on ne peut pas invoquer des principes aussi forts que le droit de la propriété et la liberté d'expression face à des problématiques de santé publique. Les fabricants de tabac seront gênés ? Les fabricants d'alcool ne le sont pas moins par l'interdiction de la publicité. Les plantations de tabac françaises sont aujourd'hui rares : j'en ai visité dans le Bas-Dauphiné ou sur la Côte-Saint-André... La régulation du marché est absolument nécessaire : il n'y a pas de droit suprême de la marque, et celle-ci n'a rien à voir avec le brevet qui développe une technologie. Libre à Philip Morris d'attaquer celui qui copiera son innovation : je gage qu'il le fera au nom de son brevet et non de la marque...
Mon groupe votera contre la proposition de résolution.
M. Éric Bocquet. - Le texte me convient, il n'est pas intégriste. L'Australie est le premier pays à passer à l'acte avec le paquet noir et neutralisé. Sur l'exemple que j'ai pu voir, le message n'est pas une injonction du type « fumer tue », il s'agit plutôt de recommander, de donner un conseil de santé. La photo sur le paquet montre une main écrasant une cigarette. Je verrais presque dans tout cela une certaine hypocrisie...
M. Michel Billout. - Mélanger la santé publique et le droit des affaires, c'est osé ! J'ai été directeur d'un centre de vacances pendant de nombreuses années : à l'époque, je disposais d'un arsenal de moyens pour lutter contre le tabac. Ces moyens n'existent plus : seul demeure l'étiquetage. Les marques ont un impact : on fume une Gitane lorsque l'on a un certain âge, une Marlboro quand on est jeune, une Dunhill pour plus de raffinement.
Je n'ai guère d'illusions sur les mesures proposées. Vouloir protéger les marques ? Je crois qu'on aura du mal à les écorner, la limitation de la publicité a eu très peu d'impact sur elles. Je ne suivrai pas le rapporteur. Je me sens un peu comme un parlementaire américain devant légiférer sur la vente d'armes et subissant les pressions du lobby des armes...
Mme Colette Mélot. - Nous partageons l'objectif de santé publique qui est au coeur de cette proposition de résolution, que je trouve équilibrée. Dans ses considérants, elle met d'abord l'accent sur la mortalité, sur la nécessité de protéger le jeune public : la propriété intellectuelle ne vient qu'après. Tout n'est pas parfait, mais la liberté de chacun est respectée.
M. Simon Sutour, président. - Défendre les marques à partir du tabac : la tâche du rapporteur n'était pas facile ! Je ne suis pas un défenseur acharné des marques. Un souvenir : je suis membre de l'association de défense de la source Perrier, qui se trouve à Vergèze, dans le Gard. À une époque, les dirigeants, agacés par les revendications du personnel, ont voulu quitter la région, aller en Égypte, ou ailleurs. J'ai interrogé le ministre de l'époque, Patrick Devedjian : il m'a répondu clairement que dans le droit communautaire, la société Perrier avait le droit de vendre comme « eau de Perrier » une eau pétillante fabriquée n'importe où. Il faut faire attention...
M. Jean Bizet. - La marque ne garantit pas une provenance géographique, elle n'est pas une appellation d'origine contrôlée, nous en sommes d'accord.
Je ne partage pas la conception de M. Gattolin sur les marques. La marque n'est pas seulement la construction d'une image : dans un paquet de cigarette, tel coin biseauté ou tel couvercle est breveté. Derrière chaque détail, il y a un brevet, un titre de propriété industrielle.
Je ne veux pas dire que le droit des affaires prime sur la santé publique. Avec cette directive, la commission entend faire baisser la consommation de 2 % en cinq ans. Il est vrai que la prévention ne fonctionne pas. Oui, les portes d'entrée des collèges disparaissent dans un nuage de fumée. Un gouvernement que j'ai soutenu a eu le courage d'interdire le tabac dans les lieux publics ; personne ne remet en cause cette mesure.
Pour ma part, j'ai davantage confiance dans les produits vendus par des marques ayant pignon sur rue qu'en des produits chinois ou indiens. L'équilibre est difficile, mais n'écornons pas le droit de la propriété intellectuelle. En outre, quel sera le montant de l'indemnisation en cas d'expropriation de la marque ? Je conserve un goût amer de l'affaire sur les dessins et modèles...
M. Simon Sutour, président. - Je vous propose de conserver les six premiers considérants et le point 8 : un compromis ne serait possible qu'en conservant seulement une petite partie de la résolution.
M. André Gattolin. - Des entreprises internationales s'approprient la découverte de graines, ce qui est très discutable... Les mesures européennes ne sont peut-être pas efficaces mais elles ne coûtent rien. Certains protesteront que l'industrie du tabac crée des emplois, mais pendant que les fabricants encaissent les royalties, c'est toute la société qui paye les conséquences sanitaires. Je le regrette, mais un compromis me semble impossible.
Mme Catherine Tasca. - Notre débat fait apparaître d'importantes divergences. Tout le monde ne peut souscrire au considérant selon lequel « la protection des marques commerciales constitue un acquis intangible ». Le point 10 me gêne aussi : pourquoi ce seuil ? Je ne suis pas convaincue du caractère disproportionné de l'atteinte au droit des marques. Enfin, le parallèle du point 12 entre les marques et les brevets est loin de faire l'unanimité. Sauf à déshabiller le texte, je ne vois pas d'issue.
M. Jean Bizet. - Le sujet est délicat, je le reconnais.
Je ne suis pas d'accord avec M. Gattolin concernant la découverte des graines. Une invention est brevetable, une découverte ne l'est pas. J'ai pour ma part agi contre des entreprises qui voulaient breveter leurs découvertes. En revanche, nous avons trouvé un modus vivendi pour rétribuer des pays dont la génothèque possède des graines qui intéressent les entreprises.
Madame Tasca, en fixant une limite maximale, on se protège d'une saisine de la Cour de justice qui pourrait considérer qu'il y a dépossession de la marque.
En ce qui concerne l'harmonisation, la décision de la Commission de laisser chaque État membre imposer ou non le paquet neutre pose problème.
Je préfère mourir débout : je ne modifie pas la résolution, pour ne pas laisser ouvrir une brèche fragilisant le droit des marques et brevets.
La commission n'a pas conclu au dépôt d'une proposition de résolution.