- Jeudi 28 mars 2013
- Désignation de rapporteurs
- Économie, finances et fiscalité - Point d'actualité sur Chypre
- Agriculture et pêche - Examen de la proposition de résolution européenne n° 413 tendant à créer un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation - Rapport de Mme Catherine Morin-Desailly
Jeudi 28 mars 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Désignation de rapporteurs
M. Simon Sutour, président. - Nous devons nommer trois rapporteurs. Je propose de nommer M. Joël Guerriau sur la proposition de directive sur la planification de l'espace maritime et la gestion des zones côtières, et M. André Gattolin sur le texte concernant la surveillance de l'espace et le suivi des objets en orbite. Je suis candidat en ce qui concerne le mandat de négociation en vue d'un accord de libre-échange avec les États-Unis.
M. Guerriau, M. Gattolin et M. Sutour sont nommés rapporteurs.
Économie, finances et fiscalité - Point d'actualité sur Chypre
M. Simon Sutour, président. - M. Piras devait présenter un point d'actualité sur la Hongrie ; des problèmes de santé le retenant chez lui, j'ai jugé utile de présenter, à la place, un point sur Chypre.
La crise chypriote est une crise bancaire, comme en Irlande, en Espagne ou en Islande, déclenchée par l'explosion d'une bulle immobilière. Elle a été particulièrement grave en raison du surdimensionnement du secteur bancaire chypriote dû à une fiscalité très avantageuse qui a attiré les épargnants et les sociétés off-shore. Les actifs détenus par les banques chypriotes représentent sept fois et demie le PIB de l'île. L'endettement privé représente près de 300 % du PIB, quatre fois plus qu'en France par exemple. De plus, les banques chypriotes sont très exposées à la dette grecque.
La crise financière a provoqué une crise économique : le PIB a reculé de 2,3 % en 2012 et devrait reculer de 3,5 % cette année. Le chômage a triplé pour atteindre 11 % aujourd'hui.
Les investisseurs russes détiennent 25 % des dépôts bancaires, et réalisent un tiers des investissements dans le pays. Pour éviter les conditions très contraignantes qu'auraient imposées l'Europe et le FMI, Chypre s'est tournée, dans un premier temps, vers la Russie, qui lui a accordé un prêt de 2,5 milliards d'euros, lui permettant de couvrir ses besoins de financement jusqu'à maintenant ; mais Chypre ne pourra plus faire face à ses dépenses d'ici deux mois. La crise n'est donc pas apparue brutalement. Dimítris Khristófias, président en fin de mandat, estimait ne pas disposer du crédit nécessaire pour la résoudre. L'élection d'un nouveau président a changé la donne.
Chypre a donc dû se tourner vers l'Union européenne, qui a conditionné son aide à une réduction des dépenses. Les autorités chypriotes ont refusé, tandis que des divergences apparaissaient au sein des autorités européennes sur le montant de l'aide. L'Allemagne notamment, jugeait insoutenable une aide de 17,5 milliards d'euros qui aurait porté la dette publique à 140 % du PIB.
Après les élections présidentielles à Chypre, de nouvelles négociations ont été ouvertes. Elles ont débouché sur un nouveau plan : l'aide de l'Europe et du FMI était ramenée à 10 milliards d'euros, et Chypre recueillait environ 6 milliards d'euros grâce à une taxe sur les dépôts bancaires.
Le scénario précédent s'est reproduit : le Parlement chypriote - c'est un tout petit parlement de 50 membres -...
M. Alain Richard. - Un conseil général ! D'ailleurs, Chypre, c'est l'équivalent d'un département comme le Gard.
M. Simon Sutour, président. - Le Parlement chypriote, disais-je, a rejeté le plan - aucune voix ne s'est prononcée en sa faveur - et, en même temps, des divergences sont apparues en Europe. En effet, la taxe sur les dépôts bancaires contredisait le principe, posé par une directive européenne, de garantie des dépôts jusqu'à 100 000 euros. Certains craignaient un effet de contagion et une panique bancaire. De plus, le plan a suscité une vive réaction de la Russie, dont les investisseurs étaient particulièrement touchés. J'ai pu constater lors d'un déplacement à Limassol que toutes les inscriptions sont en russe et que la population est russophone : en fait, c'est une ville russe !
La Banque centrale européenne a mis la pression sur Chypre en indiquant qu'elle n'alimenterait plus les banques chypriotes à partir du 25 mars si un accord n'était pas trouvé.
Chypre a proposé de créer un « fonds de solidarité » destiné à recapitaliser les banques, mais cette solution a paru manquer de crédibilité comme de rapidité, alors que le risque de faillite d'une des deux plus grandes banques chypriotes, la Banque Laiki, se précisait.
Finalement un nouveau plan de sauvetage a été adopté in extremis. La banque Laiki sera scindée en deux, une bad bank étant créée pour gérer les actifs considérés comme toxiques mais aussi les dépôts supérieurs à 100 000 euros, qui seront soumis à un prélèvement de 40 %. Les prêts non risqués et les dépôts de moins de 100 000 euros sont transférés à une nouvelle entité, la National Bank of Cyprus. Aucune taxe ne sera imposée sur ces dépôts. Ce nouveau dispositif pourrait rapporter 2 milliards d'euros à l'État chypriote.
La Bank of Cyprus, première banque du pays, reprendra ultérieurement l'ensemble des dépôts assurés transférés à la National Bank of Cyprus, ainsi que les dettes de la Laiki Bank contractées auprès de la Banque centrale européenne, estimées à 9 milliards d'euros. Un prélèvement de 30 % sur les dépôts supérieurs à 100 000 euros s'appliquera également à la Bank of Cyprus. Les déposants recevront, en contrepartie, des parts de capital de la banque : 4,2 milliards d'euros seront ainsi dégagés pour recapitaliser la banque. À terme, cette restructuration entraînera une réduction de moitié du secteur bancaire chypriote.
Le nouveau plan d'aide invite également les autorités chypriotes à mettre en place une restriction des mouvements de capitaux, pour éviter la fuite des capitaux, notamment étrangers.
En outre, certains aspects des plans précédents ont été repris : augmentation des taux d'imposition sur les sociétés et les plus-values, évaluation des risques de blanchiment d'argent au sein du système bancaire local, privatisations et réformes structurelles. Le montant de l'aide de l'Union européenne et du FMI s'élève à 10 milliards d'euros, permettant à la dette publique de rester soutenable - elle atteindrait 100 % du PIB à l'horizon 2020.
Le pire a été évité, mais l'avenir de Chypre paraît sombre à l'issue de cette nouvelle crise au sein de la zone euro.
Les conséquences sociales et économiques de la restructuration du secteur bancaire vont être lourdes. La disparition de la Laiki Bank conduit à la suppression de 8 000 emplois dans une île déjà fragilisée par une augmentation inédite du taux de chômage, qui pourrait atteindre près de 15 % de la population active en 2014. Plus largement, les pertes que des déposants vont subir et l'augmentation des taxes remettent en question le modèle économique même du pays, qualifié par certains d'économie-casino. Le prélèvement sur les dépôts comme l'augmentation de la fiscalité pourraient freiner l'investissement et conduire à une fuite des capitaux. Les réserves gazières, quant à elles, ne devraient pas susciter de revenus avant, au mieux, la fin de la présente décennie.
La gestion européenne de la crise a été parfois chaotique. Les insuffisances dans le fonctionnement de l'Eurogroupe sont apparues au grand jour. Il a été incapable d'assumer le projet de taxe sur les dépôts bancaires annoncé le 16 mars ; il a ensuite fixé un objectif intangible de 5,8 milliards d'euros de recettes à fournir par Chypre, avant de le faire disparaître du communiqué final le 25 mars. La communication n'a pas été non plus très heureuse, le président de l'Eurogroupe, M. Dijsselbloem, annonçant que le sauvetage de Chypre était le nouveau modèle de résolution des crises bancaires, avant de revenir sur ces propos quelques heures plus tard. Aux difficultés du nouveau gouvernement chypriote à mettre en oeuvre un plan alternatif, a répondu une constante hésitation des instances européennes. Voilà qui montre que le renforcement de l'Union économique et monétaire doit encore se traduire dans la pratique.
M. Pierre Bernard-Reymond. - La crise chypriote révèle une fois de plus un problème de gouvernance que connaît l'Europe. J'appelle de mes voeux une nouvelle réflexion sur les institutions européennes.
M. Alain Richard. - Ne nous précipitons pas de relancer le débat institutionnel dès que l'Europe rencontre des difficultés !
Il faut d'abord rechercher des solutions pratiques. M. Juncker avait la confiance de tous. M. Dijsselbloem sort affaibli de cette crise. Un ministre des finances en exercice d'un pays a-t-il la disponibilité suffisante pour présider l'Eurogroupe ?
Également, nous ne cessons de découvrir les malformations initiales de l'euro. Les critères d'éligibilité étaient fondés sur certains paramètres économiques ou sur la situation des finances publiques, mais ignoraient la dette privée : on a vu le résultat en Espagne.
Néanmoins, je reste optimiste. La crise est grave, mais pas mortelle ; ce qui a été décidé sur la régulation bancaire empêchera le renouvellement de tels errements. Mais en attendant, nous les subissons !
M. Pierre Bernard-Reymond. - La perspective d'une Europe fédérale effraie certains, mais l'enjeu est bien d'ordre institutionnel.
M. Alain Richard. - N'est-ce pas plutôt une question de pratique des institutions ?
M. Pierre Bernard-Reymond. - Si les ministres des pays européens n'ont pas la capacité de présider l'Eurogroupe, il convient de renforcer l'intégration en nommant un président permanent. La BCE a face à elle 17 interlocuteurs, c'est intenable ! Tous nos partenaires réclament des interlocuteurs identifiés. Tant que perdurera la logique intergouvernementale à tous les niveaux, les difficultés continueront. Quant au premier ministre du Luxembourg, il était bien placé pour connaître les problèmes liés à un écart entre la taille du secteur bancaire et l'économie réelle du pays. Malte, Chypre, le Luxembourg sont dans la même situation...
M. Alain Richard. - La Slovénie également.
M. Jean-René Lecerf. - Cette crise soulève aussi la question des micro-États. Certes tous les États sont souverains, mais il est frappant de noter qu'un État dont la population représente le tiers de la population du département du Nord puisse mettre en péril l'Europe.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Question institutionnelle, là encore !
Agriculture et pêche - Examen de la proposition de résolution européenne n° 413 tendant à créer un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation - Rapport de Mme Catherine Morin-Desailly
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le président et les membres de l'Union des Démocrates et Indépendants - UC ont déposé une proposition de résolution européenne (PPRE) tendant à créer un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.
Cette proposition s'inscrit dans le prolongement du « scandale de la viande de cheval » et du « retour des farines animales ». Les deux affaires présentent des caractéristiques très différentes, même si elles posent toutes les deux le problème fondamental de la maîtrise du consommateur sur son alimentation.
J'évoquerai tout d'abord l'affaire de la viande de cheval dans les plats cuisinés, déclenchée par la révélation de tromperies sur la composition des plats cuisinés à base de viande. Ce qui est en cause, c'est moins la sécurité sanitaire des produits, que la confiance que les consommateurs et les citoyens doivent avoir dans leur alimentation et dans leurs institutions. Les Français découvrent l'ampleur de la fraude, la complexité de l'organisation des filières, la force de la logique mercantile, des failles dans la réglementation, notamment en matière de traçabilité des produits, qui mérite d'être adaptée.
Un règlement européen de 2002 définit la traçabilité comme « la capacité à retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d'une denrée alimentaire ». Cependant, cette traçabilité est sélective puisqu'elle n'est complète que dans le cas de la viande bovine non transformée, non pour les autres viandes et pour les produits transformés. En outre, il existe des incohérences avec les règles d'information des consommateurs : le règlement INCO de 2011 prévoit l'étiquetage obligatoire de l'origine des différents types de viande et de celles utilisées en tant qu'ingrédient, mais ne prévoit pas la mise en place préalable d'un dispositif de traçabilité.
En application du règlement INCO, la Commission devra présenter deux rapports, fin 2013 et fin 2014, dans la perspective d'étendre l'indication obligatoire de l'origine à la fois à tous les types de viande et aux viandes utilisées en tant qu'ingrédient. L'amélioration de l'information est donc d'ores et déjà envisagée. L'actualité transforme cette éventualité en impératif.
Tel est le premier aspect de la proposition de résolution, et je vous propose de le soutenir.
J'en viens à l'utilisation des protéines animales transformées dans l'alimentation des poissons d'élevage. Les farines animales sont un sous-produit de l'activité d'équarrissage. Leur utilisation dans l'alimentation des ruminants est une des causes de la crise de la vache folle, entre 1986 et 2000, due à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), qui a eu pour conséquence l'abattage des troupeaux, le dépistage systématique chez les bovins, puis l'interdiction de l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale.
Cette utilisation était alors très large puisque les farines peuvent être issues de tous types de déchets d'animaux et peuvent servir à l'alimentation d'un grand nombre d'animaux d'élevage à commencer par les bovins.
L'interdiction de l'utilisation des farines dans l'alimentation a d'abord concerné, de 1987 à 1994, les seuls bovins et ruminants, avant d'être étendue, entre 1996 et 2001, aux animaux d'élevage, d'abord en France, puis dans l'ensemble de l'Union européenne.
La France a toujours été pionnière dans ce domaine en adoptant des mesures plus précoces et plus rigoureuses que les règles européennes. Les relations entre la France et la Commission ont même été souvent tendues, comme l'établit le rapport de notre collègue Jean Bizet au nom de la commission d'enquête du Sénat en 2001.
En janvier 2013, la Commission a autorisé à nouveau l'utilisation certaines farines animales dans l'alimentation des poissons. Elle considère que la crise de l'ESB est passée : moins de trente cas en Europe en 2011 contre plusieurs milliers au plus fort de la crise. Cette nouvelle situation ne justifierait plus une mesure d'interdiction générale et permettrait d'envisager des évolutions, tant dans le dépistage que dans l'utilisation des sous-produits animaux, notamment en direction des non ruminants. Pourquoi cette distinction entre ruminants et non ruminants ? D'abord parce que les premiers sont herbivores et qu'il paraît, en effet, insensé de les transformer en carnassiers cannibales ! Ensuite parce que le prion, agent pathogène responsable de l'ESB, est seulement présent chez les mammifères. Le poisson et la volaille ne sont pas sujets aux encéphalopathies spongiformes transmissibles.
La Commission invoque aussi des arguments économiques. Ces farines, en particulier la fraction la plus utile, les protéines animales transformées (PAT), représentent une source précieuse de protéines, indispensables à l'alimentation animale. Plutôt que de servir à produire des engrais ou des combustibles, les PAT pourraient se substituer aux importations de protéines végétales.
Cette argumentation de la Commission a été reprise par le Parlement européen, qui a pris position en ce sens à deux reprises, en 2011. Au cours de la procédure de « comitologie », associant les représentants des États membres, le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale a voté à la majorité qualifiée, le 18 juillet 2012, en faveur de la position de la Commission - l'Allemagne et la France votant contre. La décision formelle de la Commission consiste en un règlement du 16 janvier 2013 qui ouvre la possibilité, à compter du 1er juin 2013, d'utiliser les PAT des non ruminants pour l'alimentation des poissons d'élevage.
Précision de valeur autant technique que symbolique, la levée de l'interdiction concerne uniquement les PAT, partie « noble » des farines animales, constituées de sous-produits sélectionnés d'animaux sains abattus pour la consommation. Le règlement de la Commission porte uniquement sur les poissons d'élevage. Ce ciblage n'est sans doute qu'un ballon d'essai pour tester les réactions de l'opinion, car les communications antérieures de la Commission envisageaient une utilisation élargie. Il ne fait aucun doute que l'objectif est bien l'extension de l'utilisation des PAT aux non ruminants - volailles et porcs - sous réserve du principe de « non recyclage des protéines », qui interdit de nourrir un animal avec des farines issues d'animaux de la même espèce.
Cette décision suscite en France une très vive inquiétude, pleinement légitime. Les farines animales évoquent trop de dérives pour ne pas provoquer de réactions de rejet à leur simple évocation. Et prétendre les réserver à l'alimentation de certains animaux paraît peu réaliste. Comment contrôler qu'il y a bien des filières différenciées quand un exploitant élève à la fois des volailles, des lapins et des bovins ? La coexistence de deux circuits parallèles supposés étanches, est toujours problématique.
En France, le dossier est particulièrement sensible, sans doute en raison d'un attachement traditionnel à la qualité de l'alimentation. Dans les réserves qu'il a exprimées, le Conseil national de l'alimentation évoque d'ailleurs moins les risques sanitaires que les difficultés d'« acceptabilité sociale ». L'opposition au retour des farines animales reste massive, et ce type de mesure n'est pas de nature à améliorer l'image de l'Europe.
Les solutions dont nous disposons s'avèrent néanmoins limitées.
L'adoption de dispositions plus rigoureuses que la règlementation européenne comporte un risque de contentieux. L'interdiction temporaire de la consommation de ris de veaux a ainsi été sanctionnée par le Conseil d'État qui a condamné l'État à payer 450 000 euros à la profession.
De même, la suspension temporaire de l'application d'un règlement européen doit être fondée sur des motifs de santé publique. En réservant aux seuls poissons la réintroduction des farines, la Commission agit habilement. Réclamer un moratoire est néanmoins le seul moyen de provoquer le débat en France et en Europe. Le Gouvernement ne doit pas renoncer à demander un réexamen de la décision européenne.
Il est souhaitable, en tout état de cause, de prévoir un étiquetage sur les viandes et poissons commercialisés afin d'indiquer au consommateur si ces produits ont été, ou non, nourris à l'aide de protéines animales. Les règles d'étiquetage étant européennes, seul un étiquetage commercial volontaire de type « label de qualité » peut être imaginé. La filière française de l'aquaculture a d'ores et déjà indiqué qu'elle n'utiliserait pas les PAT. Cette initiative doit être saluée et devra être valorisée par un étiquetage approprié.
Toutefois, les mesures restrictives ou informatives que nous pouvons prendre ne concerneront que les productions françaises. Certes, rien n'empêche notre pays d'adopter un mode d'alimentation qui exclut le recours aux farines animales. Mais il sera impossible d'empêcher les importations de poissons provenant d'élevages ayant recours aux pratiques que l'on réprouve en France.
Les solutions techniques dont nous disposons sont donc limitées. Néanmoins, il faut les mettre en oeuvre pour empêcher qu'une nouvelle étape soit franchie. L'utilisation des farines animales n'est encore ouverte qu'à l'alimentation des poissons. La France doit afficher sa ferme opposition à toute extension pour l'alimentation des non ruminants.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de résolution de M. François Zocchetto, sous réserve de quelques modifications qui n'en modifient pas l'esprit, mais précisent ou complètent certaines références et, sur quelques points, clarifient la rédaction. Elle est pleinement justifiée, car nous sommes en train de mettre le doigt dans un engrenage dangereux et de saper la confiance du consommateur.
Mme Bernadette Bourzai. - Je salue le travail de Mme Morin-Desailly, mais j'ai éprouvé un malaise à la lecture de la PPRE initiale : il me semblait dangereux de placer sur un même plan une fraude de grande ampleur liée à une tromperie sur la marchandise, dont nous découvrons peu à peu l'étendue, et l'utilisation des PAT, terme plus noble que celui de farines animales, dans l'alimentation des animaux. La fraude n'a entraîné, en effet, aucune crise sanitaire, à la différence de la crise liée à l'ESB. Toutefois, dans tous les cas, il est important que la confiance du consommateur soit fondée sur des pratiques saines, et la rédaction de la PPRE, qui me paraissait schématique, a été nettement améliorée.
Nous avons installé, hier, la mission commune d'information sur la filière viande, dont Mme Goy-Chavent sera rapporteure, et que je présiderai. Nous mènerons l'enquête sur les pratiques et avancerons des propositions qui sans doute viendront conforter cette résolution.
M. Jean-René Lecerf. - Lorsque, vice-président de la communauté urbaine de Lille, je cherchais à valoriser les boues des stations d'épuration, considérées comme inoffensives pour la santé et bénéfiques pour l'agriculture, M. Bonduelle justifiait son refus de passer des contrats avec les agriculteurs qui acceptaient leur épandage par les préférences de ses clients, et indiquait sur ses emballages que ses produits étaient exempts de toute boue d'épuration.
La protection fondamentale n'est-elle pas, en effet, l'information du consommateur ? Il a le droit de savoir comment ont été fabriqués les produits. Les magazines de consommateurs jouent ce rôle : il a suffi qu'ils révèlent que la Norvège autorisait l'utilisation des farines animales dans ses élevages de saumons pour que les clients se reportent sur le saumon produit en Écosse ou ailleurs. En l'espèce, il en irait de même dans les cantines : les parents informés feraient pression pour changer l'alimentation et modifier les achats.
M. Yann Gaillard. - La crise de la viande de cheval me laisse perplexe. La viande de cheval est excellente : ma mère adorait cette viande et m'a élevé avec. N'assiste-t-on pas à un emballement injustifié ?
M. Pierre Bernard-Reymond. - C'est le mensonge qui est dénoncé !
M. Alain Richard. - Dans cette affaire un délit a été commis, la justice enquête. Il ne remet pas en cause la règle.
En revanche les autorités européennes ont choisi, en toute connaissance, de modifier le règlement européen. Nos arguments n'ont pas convaincu. On peut le déplorer, mais il s'agit d'avancer. La piste de l'étiquetage volontaire ne nécessite aucune consultation des autres pays. Il faut cependant vérifier qu'elle ne comporte pas un risque au regard du droit de la concurrence.
M. Simon Sutour, président. - Il y a trente ans le hors-sol n'existait pas, ni l'élevage des poissons. Nul n'aurait compris le sens d'une mention fraises « de pleine terre » sur une barquette, ou « sauvage » à propos d'un saumon !
Améliorons l'étiquetage et faisons le respecter. Certes il ne s'agit pas d'une crise sanitaire, mais la possibilité d'une tromperie ouvre la voie à bien des incertitudes. Au même moment, l'affaire de la viande de cheval et l'annonce de l'autorisation des farines animales pour les poissons d'élevage rendent les consommateurs perplexes. M. Lecerf évoquait le saumon de Norvège, mais bientôt le saumon d'Écosse pourra être nourri de la même manière ! Cette PPRE adresse au gouvernement une demande de grande vigilance à l'égard de tout élargissement de l'usage des farines animales. De plus comment contrôler l'utilisation des farines animales dans chaque exploitation ? La traçabilité est une exigence. Cette PPRE le rappelle, en s'inscrivant dans un cadre européen.
M. Pierre Bernard-Reymond. - La réaction des consommateurs est difficile à prévoir. En dépit du battage médiatique lié à la crise récente, la consommation de viande de cheval a semble-t-il fortement augmenté, les consommateurs ayant découvert ses vertus, et son prix moins élevé que celui du boeuf.
Mme Colette Mélot. - Il appartient aux autorités de veiller à la santé publique. Sinon le consommateur doit être libre de ses choix, fondés sur l'étiquetage et la traçabilité.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Madame Bourzai, pour éviter toute confusion, j'ai souhaité présenter les deux dossiers dans deux chapitres séparés. Toutefois, le scandale de la viande de cheval révèle les lacunes du système de contrôle, problématiques quand on connaît l'absence d'étanchéité entre les filières de production, ce qui justifie l'opposition au retour des farines animales. Un rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, paru en 2011, souligne qu'il est difficile d'éviter les contaminations croisées. Appliquons le principe de précaution.
Madame Mélot, l'extension des obligations en matière d'étiquetage et de traçabilité est nécessaire et doit être accélérée.
M. Simon Sutour, président. - M. Gattolin et Mme Garriaud-Maylam nous ont transmis une procuration pour voter en faveur de la PPRE. Mais je pense que la commission est unanime...
La proposition de résolution est adoptée.