Mercredi 20 février 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Politique régionale - La politique de l'Union européenne dans les RUP : l'exemple de la Guyane - Rapport de MM. Georges Patient et Simon Sutour
M. Simon Sutour, président. - Nous allons évoquer, avec Georges Patient, la question des politiques européennes dans les régions ultrapériphériques en prenant un exemple qu'il connaît bien, la Guyane.
Depuis mon élection à la présidence de notre commission, j'ai souhaité que nous prenions mieux en compte la problématique des outre-mer que l'on appelle dans le jargon bruxellois les régions ultrapériphériques, les RUP. Pourquoi ? Dans une Europe à 27, bientôt 28, seuls 3 pays comprennent des RUP : l'Espagne avec les Canaries ; le Portugal avec Madère et les Açores ; et bien sûr, la France avec la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et bientôt Mayotte. Il me paraît important que, à côté de la délégation à l'outre-mer, et je dirais, en plus de ce qu'elle peut faire, nous aussi, au Sénat, nous traitions des questions qui concernent l'appartenance de ces régions à l'Union européenne.
Ce travail intervient alors que les décisions concernant le cadre financier pluriannuel qui détermine les grands équilibres financiers entre les différentes politiques de l'Union. C'est la raison pour laquelle, après que nous ayons adopté deux propositions de résolution concernant les RUP et avant leur passage en Séance publique, Georges Patient et moi avons effectué une mission de quelques jours en Guyane, afin de rendre compte des difficultés qu'elle rencontre d'être la seule région européenne sur le continent sud-américain en nous appuyant sur des exemples concrets. Par exemple, nous avons découvert que l'Europe est très présente en Guyane : l'hôtel où nous logions avait été réhabilité avec l'aide du FEDER, des camions frigorifiques de transport de poissons ont été financés à 50 % par les fonds européens, etc...
Comme vous le verrez dans le projet de rapport, nous avons rencontré beaucoup de monde (des élus locaux, des représentants de la société civile, etc...). Dans le sud de la Guyane, dans la jungle en pays amérindien, nous avons pu constater la présence de l'Union européenne qui aide au désenclavement. Nous sommes aussi allés au Suriname pour comprendre comment l'Union européenne peut favoriser la coopération de la Guyane avec son voisin et l'attrait que cela représente pour ce pays, car grâce à la Guyane, le Brésil et le Suriname sont des voisins de l'Union européenne. Bref, nous avons voulu comprendre ce qu'impliquait pour la Guyane le fait d'être une région ultrapériphérique de l'Union européenne.
Et pour vous en parler plus en détail, je donne tout de suite la parole à son meilleur représentant, à mes yeux, Georges Patient.
M. Georges Patient. - La présentation de notre rapport tombe à point nommé, car ce matin j'ai reçu, comme les autres parlementaires ultramarins, une invitation de Bernard Cazeneuve et Victorin Lurel à participer à une réunion au Quai d'Orsay le 28 février prochain. Cette réunion est organisée pour nous informer des conséquences de l'accord du Conseil européen pour les RUP et pour organiser un déplacement du ministre des affaires européennes dans les outre-mer, promesse qu'il avait faite ici même, devant cette commission.
Alors, si vous le permettez, je commencerai mon intervention en évoquant les résultats du Conseil européen des 7 et 8 février dernier et l'accord trouvé sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020. Parce que, si on a parlé d'un budget de rigueur pour l'Union européenne, pour les RUP, c'est un budget d'austérité !
Si l'on compare avec la période actuelle, le budget de l'Union diminuerait de 3,5 %, passant de 994 à 960 milliards d'euros. La politique de cohésion, en dépit de la création de la catégorie des régions intermédiaires, verrait son enveloppe baisser de 8,5% (de 354 à 325 milliards d'euros). L'allocation spécifique pour les RUP, elle, serait diminuée de 15 % ! Attribuée par tête, son montant passerait de 35 € par an et par habitant, actuellement, à 30 € demain. Je ne vous cache pas que pour une région comme la Guyane, cela va rendre les choses très difficiles.
Car en dépit des soutiens que l'Union européenne a pu apporter à la Guyane au cours des dernières décennies, elle demeure très éloignée de la moyenne européenne. Aujourd'hui, le niveau de vie de la Guyane tourne autour de 50 % du PIB européen moyen et la classe avec les régions les plus pauvres de Roumanie, de Bulgarie et de Pologne. On est loin des autres régions françaises d'outre-mer, et également en-deçà des performances des autres RUP. Seul Mayotte aurait un niveau inférieur à la Guyane
Pourtant, nos résultats économiques ne sont pas si mauvais -notre PIB régional a augmenté de 4,3 % par an en moyenne de 1999 à 2007- mais nous devons faire face à une augmentation exponentielle de notre population : celle-ci a doublé lors des 20 dernières années et les estimations prévoient qu'elle doublera encore d'ici à 2030. Ce taux de progression nous classe au 7è rang mondial. Au total, alors qu'il n'y avait que 33 000 habitants en Guyane en 1961, la population pourrait atteindre 424 000 habitants en 2030 et il pourrait bientôt y avoir plus d'habitants en Guyane qu'en Guadeloupe ou en Martinique. Vous comprendrez bien que cette situation n'est pas gérable par notre seule région et que nous avons besoin de la solidarité européenne, au nom du principe de cohésion.
D'autant que la Guyane souffre de handicaps structurels : son territoire est recouvert à 90 % par la forêt, il est fortement enclavé et les besoins en infrastructures structurantes sont encore aujourd'hui énormes. Même si des efforts ont pu être faits, comme nous l'avons constaté en pays amérindien, un certain nombre de nos concitoyens attendent encore l'eau potable.
Alors, l'initiative du Conseil européen pour lutter contre le chômage des jeunes est une bonne nouvelle pour les RUP et pour la Guyane, car près de la moitié de la jeunesse y est au chômage. Mais aujourd'hui, chacun comprend bien qu'au-delà des aides financières, les RUP ont besoin qu'on reconnaisse leur spécificité dans l'Union européenne et qu'on en tire toutes les conséquences, c'est-à-dire qu'on adapte les politiques européennes qui ne peuvent pas leur être appliquées telles quelles.
La Commission européenne a fait une ouverture dans ce sens puisque dans sa stratégie 2020 pour les RUP, elle déclare, je cite, « chaque RUP est différente et des pistes spécifiques doivent être envisagées pour chacune d'entre elles ». J'aimerais croire qu'il s'agit là d'une avancée et pas seulement d'une nouvelle déclaration qui ne sera pas suivie d'effets...LA singularité de la Guyane trouve là sa pleine illustration : la Guyane n'est pas une petite île au milieu de l'océan ; à elle seule, avec 80 000 km², elle peut comprendre vingt fois les autres DOM. C'est la raison pour laquelle je plaide souvent pour une politique plus adaptée à la Guyane. Car si les moyens existent, si les problèmes sont réels, c'est bien la volonté qui a manqué, jusque-là, à la Commission européenne !
Et en effet, il existe un moyen : le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit expressément en son article 349 que le Conseil européen peut arrêter des mesures pour appliquer les normes européennes dans les RUP en tenant compte de leurs spécificités et de leurs contraintes. Mais il ne peut agir que sur proposition de la Commission, et celle-ci ne l'a jamais fait jusque-là. Pourtant, comme le Président Sutour a pu le constater, les problèmes existent et je voudrais vous en présenter trois exemples concrets qui sont, je crois, caractéristiques des difficultés rencontrées par les régions ultrapériphériques à participer aux politiques européennes.
Je commencerai avec la gestion des déchets ménagers. Dun côté, l'Union européenne a adopté trois directives visant à réduire la production de déchets ménagers. Pour la mise en oeuvre de cette politique, elle cofinance des infrastructures de gestion des déchets dans les régions éligibles aux fonds structurels, et c'est ensuite aux collectivités d'assumer la charge de la collecte (cette politique, soit dit en passant, vient de faire l'objet d'un rapport critique de la Cour des comptes européenne). D'un autre côté, la Communauté de communes de l'ouest guyanais, la CCOG, gère un territoire qui est grand comme la région Provence-Alpes-Côte-D'azur et qui comprend deux zones distinctes : un littoral urbanisé et fortement peuplé, d'une part, et, d'autre part, les communes situées le long du fleuve Maroni, qui sépare la Guyane du Suriname, où l'on dénombre près de 200 zones de vie. Or, si la Communauté met en oeuvre les règlements européens de collecte des déchets, son budget de fonctionnement ne suffira pas en l'état à assumer cette tâche. Et ce, alors même que l'Union européenne aura investi plusieurs millions dans les infrastructures de collecte et de gestion. Il est tout simplement impossible d'organiser la collecte des déchets de la même façon dans la jungle amazonienne que dans une ville d'Europe. L'Union européenne doit l'admettre et, sur le fondement de l'article 349, proposer un aménagement de sa politique.
Tout aussi édifiant est l'exemple de la culture du riz. Le riz est cultivé sur le polder de Mana depuis 1982. Il s'agit de la deuxième aire de production de riz en France après la Camargue chère à notre Président. De plus, il s'agit de la seule zone de production de riz tropical dans l'Union européenne.
Or, alors que 5000 hectares étaient cultivables en 1982, en 2012, il n'y a eu que 300 hectares cultivés, et il ne reste plus qu'un seul agriculteur. Les contraintes réglementaires sur les produits phytosanitaires sont inadaptées à la réalité guyanaise et elles éliminent toute chance de reprise de la production. La pression parasitaire, propre au climat d'une région équatoriale, est beaucoup plus importante qu'en Europe.
Il est légitime que l'Union européenne se dote de normes exigeantes en matière environnementale et phytosanitaire, mais pourquoi ne pas reconnaitre que cette culture est unique et qu'on ne produit pas du riz en Amérique-du-Sud comme on en produit sur le sol européen ? L'Union européenne ne peut-elle envisager que cette culture unique, qui participe à la richesse de sa biodiversité, nécessite un traitement spécifique ? D'autant que le riz produit au Suriname voisin et au Guyana avec des produits non homologués par l'Union est commercialisé en Europe...
Enfin, je voudrais évoquer le grave problème que représente la pèche illégale dans les eaux guyanaises et qui vient de donner lieu à 14 jours de blocage du consulat du Brésil à Cayenne avant qu'une solution ne soit trouvée.
Il y a essentiellement trois types de pêche dans les eaux guyanaises : la pêche à la crevette, la pêche au vivaneau et la pêche côtière. En application de la Politique commune de la pêche, nous gérons nos stocks de façon durable et responsable en respectant les TACs et les quotas imposés par l'Union européenne et les organisations internationales. Hélas, tel n'est pas le cas de nos voisins, le Suriname et le Brésil.
Si la coopération avec le Suriname a permis une amélioration des pratiques, des navires brésiliens viennent chaque jour dans les eaux territoriales guyanaises piller une ressource qu'ils ont épuisée dans leurs propres eaux. Le constat fait par l'Ifremer est édifiant : en 2010, la pêche illicite était plus importante que la pêche autorisée, entrainant une production 2,5 à 3 fois supérieure. Comment ne pas comprendre l'exaspération des pêcheurs ?
Certes l'Union européenne s'est dotée depuis quelques années d'une législation renforcée en matière de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, mais elle a renvoyé aux États l'effectivité des contrôles. Le manque de moyens mis à la disposition de la préfecture de Guyane ,qui en a la charge, est flagrant et j'espère que la crise qui vient d'avoir lieu aura ouvert les yeux à beaucoup sur la nécessité de mieux et plus défendre une des richesses de la Guyane et de l'Europe.
Pour conclure, je voudrais vous donner une image plus positive de la Guyane car elle représente un réel atout pour l'Union européenne, pour peu qu'elle veuille en profiter. Sa situation, sa biodiversité, son environnement, sa jeunesse sont une richesse pour l'Europe. Elle peut être aux avant-postes d'un approfondissement des relations entre l'Union européenne et les pays d'Amérique-du-Sud. Tout ce qu'elle demande, comme les autres RUP, c'est que l'Union européenne prenne plus en compte qu'elle ne l'a fait jusque là sa spécificité qui nécessite des mesures adaptées, et, je dirais, sa singularité.
M. Simon Sutour, président. - En complément, je voudrais ajouter que depuis que je suis membre de cette commission, c'est la première fois que nous avons des membres ultramarins. Cela me parait important de constater, sur place, les conséquences des politiques européennes, tant au niveau des aides apportées qu'au niveau de l'application des normes. Sur les déchets, nous avons rencontré l'ancien ministre Léon Bertrand, le président de la communauté de commune et sa situation est intenable. La problématique du riz est dramatique : le potentiel est formidable et on est en train de gâcher le développement de cette activité. Le secteur de la pêche est stratégique pour l'Europe et on doit aider la Guyane.
Il y a également la question de l'octroi de mer, pour laquelle des décisions importantes doivent être prises prochainement à Bruxelles.
M. Gérard César. - Justement, peut-on en savoir plus sur ce sujet ?
M. Georges Patient. - C'est une question délicate. L'octroi de mer est un impôt ancien, une taxe qui frappe les produits fabriqués dans les régions d'outre-mer et également les produits qui y sont importés. Elle a été instaurée pour que les collectivités d'outre-mer disposent d'une ressource supplémentaire tout en protégeant la production locale. Aujourd'hui, elle repose sur une dérogation aux règles européennes pour permettre aux économies des RUP de se développer. En 2004, sa prolongation avait été autorisée pour dix ans, à charge pour la France de montrer son utilité d'ici 2014. Or, nous avons pris du retard et surtout, la France n'a pas pu prouver que cette taxe contribue au développement des collectivités ultramarines.
Aujourd'hui, Victorin Lurel se bat pour le maintien de l'octroi de mer, mais nous sommes pris par le temps. Le calendrier est très serré : aucune demande de reconduction n'a encore été formulée officiellement par la France. Il faudrait que la Commission, le Conseil, puis le Parlement européen statuent, puis qu'une loi nationale soit adoptée pour la transposition de la reconduction de la taxe. Et tout cela avant le 30 juin 2014.
Or, il s'agit d'une ressource très importante pour les collectivités locales. Pour certaines communes de Guyane, elle représente plus de 90 % des recettes. Au total, c'est près d'un milliard d'euros pour les quatre départements d'outre-mer. Si la dérogation n'est pas reconduite, je doute que l'État aura les moyens de trouver une recette nouvelle pour les collectivités d'outre-mer.
Un rapport a été remis par la France en 2009, mais il n'a pas été jugé convaincant par la Commission européenne. L'Assemblée nationale vient de fournir un travail sur l'octroi de mer. Le Ministre a fait établir en septembre 2012 un rapport par un cabinet privé, qui demande que la taxe soit maintenue, mais transformée, éventuellement en TVA régionale, dont le produit serait rétrocédé par l'État aux collectivités locales. Il y a des pistes, certes, mais on reste dans le flou.
M. Simon Sutour, président. - Nous sommes dans une négociation européenne. On peut obtenir une reconduction pour quatre ou cinq ans, mais il y a une négociation avec Bruxelles et en cas de non-reconduction de l'autorisation, la France risque des pénalités financières. De par ma filiation politique, je suis un adepte du « parler vrai » et mon sentiment est qu'on a trop attendu et qu'on ne s'est pas assez préparé, même s'il y a une posture dans une négociation que je respecte.
Les sujets concernant l'Union européenne et l'outre-mer sont nombreux. À titre d'exemple, notre collègue Gérard César travaille actuellement sur la taxation du rhum, question sur laquelle nous aurons certainement à nous prononcer. En tant que président de la commission européenne, je pense que c'est à nous de défendre les outre-mer et de montrer qu'ils sont une richesse pour l'Europe.
Mlle Sophie Joissains. - Petite question anecdotique à la lecture du rapport, que sont les « tapouilles » ?
M. Georges Patient. - Il s'agit de bateaux de pêche brésiliens de 17 mètres de long à fond plat qui servent à la pêche côtière. Et la marine française ne peut pas les arraisonner. De plus, alors que les pêcheurs guyanais, en application des règles européennes, emploient des filets à grandes mailles pour préserver les espèces, les pêcheurs brésiliens utilisent des filets avec de petites mailles qui épuisent la ressource.
M. Gérard César. - Pouvez-vous préciser les chiffres concernant le chômage ? Qu'apporte le centre spatial à la Guyane ?
M. Georges Patient. - Le taux de chômage est de 21-22 % en Guyane, mais chez les jeunes et chez les femmes, il est à plus de 50 %.
Le centre spatial représente 15 % du PIB de la Guyane. Il apporte beaucoup, mais il ne peut pas suffire. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons miser sur un développement endogène. En plus des ressources halieutiques, nous avons des ressources minières -l'or est en partie pillé par les orpailleurs brésiliens-, nous avons trouvé du pétrole dans nos eaux, bref il y a un potentiel et nous espérons que ces ressources seront exploitées. Car la population de la Guyane est jeune, 50 % ont moins de 25 ans, elle croît de façon exponentielle et il faut un développement économique plus important.
À l'issue du débat, la commission a autorisé la publication du rapport.
Culture - Plus vite, plus haut, plus fort ? L'Union européenne et le sport professionnel - Rapport de M. Jean-François Humbert
M. Simon Sutour. - Nous allons entendre la communication de notre collègue Jean-François Humbert sur l'Union européenne et le sport professionnel. C'est le résultat d'un travail important qu'il a accompli depuis plusieurs semaines.
Je rappelle que c'est un domaine dans lequel les traités ne donnent à l'Union européenne qu'une compétence d'appui. Et pourtant son rôle peut être important pour assurer une meilleure régulation d'un secteur où les dérives sont malheureusement nombreuses. La jurisprudence de la Cour de justice a elle-même joué un rôle important. Nous avons tous en tête le célèbre arrêt Bosman sur la libre circulation des joueurs de football. Le Conseil de l'Europe s'est aussi penché sur cette question à plusieurs reprises.
L'Union européenne doit probablement faire plus. L'intitulé du rapport qui vous a été communiqué : « Plus vite, plus haut, plus fort ? », semble laisser entendre que c'est la voie à suivre.
Je cède la parole à notre collègue.
M. Jean-François Humbert. - Il a fallu attendre 2009 pour que le sport fasse partie du champ de compétences de l'Union européenne. J'insiste sur le mot « attendre » tant le sport avait auparavant fait l'objet de nombreuses interventions de la part des institutions communautaires. Le premier arrêt de la Cour de justice dans ce domaine date ainsi de 1974. Le juge a d'ailleurs longtemps été le seul interlocuteur au niveau européen des autorités sportives. C'est même le juge qui, comme le rappelait le président dans son propos introductif, a fait basculer le sport européen dans une autre dimension en 1995. L'arrêt Bosman a modifié en profondeur le fonctionnement des championnats nationaux et contribué indirectement à la financiarisation de certaines disciplines, à l'image du football.
Le rapport que je vous présente aujourd'hui se limite d'ailleurs à la question du sport professionnel, tant les interventions des institutions européennes se sont, pour l'essentiel, concentrées sur l'articulation entre les règles d'organisation des compétitions professionnelles et le droit communautaire : liberté de circulation des travailleurs, libre prestation de service et libre concurrence. Le rapport met également l'accent sur le football : il ne s'agit pas là d'un choix subjectif de la part du supporter du FC Sochaux Montbéliard que je suis. Le football européen est surtout la discipline qui a le plus avancé sur la voie de la professionnalisation, mais aussi du sport-spectacle à l'américaine.
Mais revenons dans un premier temps sur les relations entre l'Union européenne et le monde sportif. Au commencement était donc le juge. Sa première intervention en 1974 dans l'affaire Walrave et Koch pose un principe clair : celui de la nécessaire adaptation des règlements sportifs à la liberté de circulation des travailleurs. La Cour juge impossible de restreindre l'accès des ressortissants communautaires aux compétitions d'un État membre dont ils ne sont pas issus. Qu'ils soient entraîneurs - c'était le cas de MM. Walrave et Koch - ou joueurs - c'est le cas de Jean-Marc Bosman, vingt-et-un an plus tard. Concrètement, une équipe professionnelle de football, de rugby ou de waterpolo ne peut être empêchée de recruter ou de faire jouer autant de joueurs étrangers qu'elle le souhaite, dès lors qu'ils sont citoyens d'un autre État membre. Seules les sélections nationales sont préservées. Cette jurisprudence a été étendue en 2003 - arrêt Kolpak - et en 2005 - arrêt Simutenkov - aux ressortissants des pays ayant signé un accord d'association avec l'Union européenne, à l'image des signataires de l'accord de Cotonou. Le club londonien d'Arsenal a ainsi pu inscrire en 2005 18 joueurs dont aucun n'était de nationalité anglaise voire même britannique. L'arrêt Bosman consacre aussi la liberté de circulation sous un autre angle : les transferts de joueurs vers d'autres clubs s'effectuent sans indemnité dès lors qu'ils sont en fin de contrat.
Avec cet arrêt, la Cour permet la mise en place d'un véritable marché européen des joueurs, principalement dans le football, favorisant une inflation des salaires mais aussi des indemnités de transferts, au risque de créer une véritable bulle spéculative, sans aucun rapport avec la valeur réelle des joueurs, affectant durablement la gouvernance financière des clubs. Quelques chiffres étayent ce constat : le nombre de transferts a été multiplié par 3 dans le football depuis l'arrêt Bosman, leur valeur par 7 : les transactions réalisées à la fin de la saison 2010/2011 sur le territoire de l'Union européenne représentaient plus de 3 milliards d'euros. Mais nous y reviendrons plus tard.
La prééminence de la liberté de circulation mais aussi celle de la concurrence ont été réaffirmées par la cour en 2006 dans l'affaire dite Meca-Medina. Les « conditions d'exercice » des activités sportives doivent être soumises à l'ensemble des obligations du droit communautaire. Le terme même de « condition d'exercice » est lui-même ambigu. La réduction du nombre de clubs dans un championnat opérée pour améliorer sa compétitivité sportive pourrait ainsi être considérée comme une entorse à la libre-concurrence. Toute mesure disciplinaire devient également sujette à caution.
Face à cette jurisprudence de la Cour, la Commission européenne a été en pointe pour faire appliquer l'arrêt Bosman. Ignorant les craintes légitimes pour la formation formulées par les autorités sportives, elle s'est opposée à tout maintien des quotas. Elle a également développé sa propre grille de lecture afin de juger de la compatibilité des règles sportives avec la liberté de concurrence.
Ces dernières années, la Cour et la Commission européenne ont néanmoins reconnu l'existence d'objectifs d'intérêt général poursuivis par les organisations sportives, qui peuvent leur permettre de déroger de manière proportionnée à l'acquis communautaire. La notion de spécificité sportive tend ainsi à émerger, quoique de façon limitée et très encadrée. Je pense ainsi à l'arrêt Olivier Bernard qui reconnaît la nécessité de mieux rémunérer la formation.
C'est dans le contexte de l'arrêt Bosman que les États membres ont souhaité que l'Union européenne se dote progressivement d'une politique sportive. Ce faisant, ils se rapprochent du Conseil de l'Europe, qui a adopté, au cours des années 80, deux conventions contre le dopage et la violence dans les stades, et créé plus récemment un groupe de travail : l'Accord partiel élargi sur le sport. En 10 ans, d'Amsterdam à Lisbonne, en passant par Vienne, Helsinki et Nice, les Conseils européens ont été l'occasion de dessiner les contours de cette politique. La feuille de route donnée à la Commission était assez claire : rappeler la fonction sociale du sport ainsi que son rôle de ferment de l'identité et de trait d'union entre les hommes. Le rapport d'Helsinki publié en 2000 puis le Livre blanc sur le sport présenté sept ans plus tard déclinent ce thème, en mettant en avant un modèle sportif européen, combinant ouverture des compétitions, solidarité entre mondes amateur et professionnel, préservation de l'aléa sportif et rôle déterminant des fédérations. La Commission européenne pointait, par ailleurs, les défis auxquels devait faire face le sport financier : dérive financière, dopage, menaces sur l'intégrité des jeunes joueurs et risques de trucage des matchs.
C'est notamment pour répondre à ces défis que le Traité de Lisbonne confie à l'Union européenne une compétence d'appui, lui permettant, à l'article 6, de « mener des actions destinées à appuyer, à coordonner ou compléter l'action des États membres dans le domaine du sport », sans l'autoriser à harmoniser leurs dispositions législatives et réglementaires en la matière. L'Union contribue pour autant à la promotion de ce que le Traité appelle les « enjeux européens du sport », sans plus de précision. Le Conseil a, le 20 mai 2011, définit trois priorités pour la période 2011-2014 :
Défense de l'intégrité du sport face au dopage ou au trucage des matchs ;
Mise en avant des valeurs sociales du sport : santé, éducation...
Réflexion sur les aspects économiques du sport.
Six groupes d'experts ont ainsi été créés. Une première évaluation de leurs travaux devrait intervenir cette année.
Venons-en maintenant à la deuxième partie du rapport qui concerne précisément ce que l'Union peut faire compte-tenu de ses compétences.
Permettez-moi, au préalable, une réflexion. Voir aujourd'hui la Commission européenne s'attacher à défendre un modèle sportif européen peut paraître un tant soit peu paradoxal au vu de son action ces dernières années en faveur d'une plus grande adéquation du sport professionnel aux grandes libertés économiques, accentuant de fait une dérive commerciale et l'émergence du sport-spectacle. Opposer un modèle sportif européen au sport spectacle américain me semble, en conséquence, plus que réducteur. Même la notion d'ouverture des compétitions demeure relative : que l'on songe aux phases finales de la Ligue des champions de football qui réunissent chaque année pratiquement les mêmes clubs ou à l'Euroligue de basket qui fonctionne sur invitation renouvelées d'année en année.
Mon scepticisme sur l'action de la Commission tient également à sa vision quelque peu fermée sur l'arrêt Bosman. Je ne conteste pas, dans le cadre d'un marché ouvert la possibilité pour les sportifs de circuler d'un État membre à un autre. Je m'interroge simplement sur l'ancrage local dont ont besoin les équipes pour continuer à incarner quelque chose au sein du quartier, de la ville ou de la région au sein desquels elles évoluent. En football, la FIFA, la fédération internationale et l'UEFA, la fédération européenne ont eu une lecture différente. Au milieu des années 2000, la FIFA proposait le système dit « 6+5 », soit six joueurs dans le onze de départ sélectionnables dans le pays hôte de la compétition. L'UEFA tablait, quant à elle, sur huit joueurs formés localement, sans condition de nationalité, au sein des vingt-cinq qu'un club peut inscrire dans son effectif en coupe d'Europe. La solution « 6+5 » reçut l'adhésion des États membres de l'Union européenne, à l'instar de la France ou de l'Allemagne. La Commission l'a jugé cependant contraire à la liberté de circulation et donné son aval à la solution UEFA qui ne garantit pas, loin s'en faut, une place de titulaire aux joueurs formés localement. A Valence, la semaine passée, le PSG alignait 3 joueurs français dans le onze de départ. La solution « 6+5 » était pourtant considérée par des juristes comme une entorse proportionnée à l'acquis communautaire, puisqu'elle poursuivait un objectif d'intérêt général - la formation - reconnu depuis comme tel par la Cour. La Commission devait évaluer en 2012 le dispositif UEFA, depuis étendu à d'autres disciplines. Elle ne l'a pas encore fait. Je souhaite que cette analyse intervienne rapidement et puisse déboucher sur une nouvelle réflexion sur le dispositif FIFA, sensiblement amendé depuis : sur les 18 joueurs inscrits sur la feuille de match, 9 devront être sélectionnables.
Dans le même temps, la Commission pourrait utiliser les instances de dialogue social dans le sport, et notamment dans le football, qu'elle a contribué à mettre en oeuvre, afin de parvenir à une interdiction effective des transferts de joueurs de moins de 18 ans et à la signature automatique d'un premier contrat professionnel par le joueur dans son club formateur, dès lors qu'il en démontre les capacités.
En ce qui concerne la bonne gouvernance des clubs, la Commission européenne s'attache à dénoncer régulièrement une financiarisation croissante du sport professionnel. Elle a, à ce titre, apporté son soutien à l'UEFA qui vient de mettre en place le Fair play financier, dont le principe est simple : un club ne peut dépenser plus que ce qu'il perçoit comme revenus. Les dépenses d'avenir, investissements dans les centres de formation et dans les infrastructures sont exonérées de ce calcul. Une telle démarche doit être saluée, à l'heure où les pertes des clubs européens s'élèvent à 1,7 milliard d'euros annuelles, avec de fortes disparités d'un pays à l'autre : le champion anglais, Manchester City, a perdu 120 millions d'euros la saison passée soit le double des pertes cumulées des 20 clubs français de Ligue 1. L'appui de la Commission à ce dispositif implique qu'il est conforme à l'acquis communautaire ce qui devrait dissuader d'éventuelles contestations devant les tribunaux. Il convient cependant d'aller plus loin. L'endettement et la masse salariale ne sont, à mes yeux, pas assez pris en compte dans le programme de l'UEFA. Seules des informations complémentaires sont demandées si l'endettement dépasse 100 % des revenus ou si la masse salariale excède 70 % des recettes d'un club. L'endettement génère pourtant de profondes distorsions de concurrence. La meilleure équipe européenne de football, le FC Barcelone, est endettée à hauteur de 578 millions d'euros, ses revenus atteignant 451 millions d'euros annuels. Je relève par ailleurs que le football anglais, considéré comme le plus libéral du continent, avance vers un encadrement de la masse salariale. Je pense qu'une telle initiative devrait elle aussi être encouragée par la Commission. Les ligues de rugby anglaise et française ont déjà adopté un plafond salarial en vue de garantir la viabilité financière des clubs. Un salary cap viendrait, de surcroît, judicieusement compléter la volonté de la Commission de mieux encadrer le montant des indemnités de transferts, comme elle l'a annoncé le 7 février dernier.
L'ensemble de ces dispositions permettrait de lutter efficacement contre le dopage financier des clubs. Elles pourraient être accompagnées d'une recommandation de la Commission en faveur d'un modèle économique du sport, à l'image de la répartitions des ressources opérée dans les clubs allemands, divisées à peu près à part égales entre droits télévisés, sponsoring, billetterie, vente de joueurs et de produits dérivés. Un tel texte pourrait également souligner la responsabilité sociale des clubs Les équipes anglaises de l'élite financent ainsi un certain nombre d'activités dans les quartiers ou les villes dans lesquels elles évoluent. Cela représente environ 4 % des revenus de la Premier league et concerne le soutien scolaire, la prévention de la délinquance, la réhabilitation de quartier. 1 600 personnes sont employées à cet effet par les vingt clubs. C'est peut-être cela le modèle sportif européen que nous devons promouvoir.
Avant d'aborder le dopage et les paris truqués, un dernier mot sur les agents sportifs, sujet qui me préoccupe au Sénat depuis de nombreuses années. La Commission européenne, qui dénonce régulièrement les travers du système actuel, ne veut pas aller plus loin qu'une certification européenne du métier d'agent, qui ne serait pas obligatoire. Elle estime que le nombre d'agents - 6 000 sur tout le territoire de l'Union - ne justifie pas une harmonisation des règles. Je pense le contraire. Une étude indépendante commandée par la Commission en 2009 avait souligné que la régulation européenne était une option envisageable. Elle l'est d'autant plus aujourd'hui que la FIFA vient d'abandonner le système de licence qu'elle avait mis en place à la fin des années 90, système validé par la Commission et la Cour d'ailleurs. L'absence de régulation peut prêter le flanc à de nombreux excès allant du conflit d'intérêts aux menaces sur l'intégrité des jeunes joueurs en passant par le blanchiment d'argent. Soit toutes les dérives que la Commission dit, au sein des ses différentes publications, entendre combattre.
La défense de l'intégrité des joueurs passe également par une action européenne contre le dopage. Le Conseil de l'Europe s'est doté d'une convention exigeante en la matière. La position de l'Union européenne est quelque peu différente. Elle souhaite avant tout coordonner la position des ses États membres au sein de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Le Conseil « sports » a, à cet égard, adopté un texte le 20 décembre dernier concernant la composition de sa délégation au conseil de fondation de l'AMA. La résolution prévoit également l'organisation de réunions précédant celles de l'AMA. Un groupe d'expert « dopage » travaille dans le même temps sur le projet de révision du Code mondial anti-dopage, qui devrait aboutir en novembre prochain. L'Union européenne s'oppose à l'heure actuelle à la suppression de l'échantillon B, qui sert pour la contrexpertise lors d'un contrôle positif, ou à l'instauration de sanctions collectives contre les équipes employant un sportif contrôlé positif. Elle milite plus généralement pour une meilleure adéquation du code avec l'acquis communautaire en matière de protection des données. La mise en place d'une campagne de sensibilisation contre le dopage dans le sport récréatif constitue l'autre volet de l'action de l'Union dans ce domaine. Il convient, bien évidemment, d'aller plus loin. Nous disposons depuis le Traité de Lisbonne de la possibilité d'adopter des directives d'harmonisation en matière pénal. Le délit de trafic de produits dopants pourrait ainsi être défini avec la même terminologie de part et d'autre de l'Union européenne. Des sanctions minimales pourraient être ajoutées à ce dispositif. La perspective plus lointaine d'un parquet européen constitue également une option séduisante à l'avenir pour lutter encore plus efficacement contre ce fléau.
La manipulation des résultats sportifs constitue l'autre grande menace pesant sur l'intégrité des compétitions. L'annonce par Europol des résultats de son enquête sur 380 matchs truqués sur le continent européen a mis sur le devant de la scène une tendance de fond. Internet a accéléré un risque de trucage en mondialisant les paris. Les mafias asiatiques s'appuient sur des relais européens pour gangréner le système. Nos réponses nationales sont clairement insuffisantes. Une réponse européenne constituerait un premier pas. L'Union européenne, par le biais de la Commission, doit pouvoir rapidement participer aux négociations sur l'élaboration d'une convention internationale sur le sujet, projet porté par le Conseil de l'Europe. Passée cette étape, il convient d'aller plus loin que ce que la Commission européenne a préconisé dans sa communication sur le sujet en octobre dernier et qui se limite in fine à une accélération des procédures d'échanges d'information et des signalements. Il faut, à mon sens, là encore un délit pénal commun. Il est également nécessaire de faire du droit au pari français, aux termes duquel l'exploitation d'une compétition par un opérateur de paris en ligne ne peut se faire qu'avec l'accord de l'organisateur de la compétition, un principe européen. Je note d'ailleurs que l'Espagne et le Royaume-Uni vont sans doute introduire cette disposition. Au delà, il semble indispensable de mieux encadrer la publicité, d'interdire la participation des mineurs, d'imposer l'existence de modérateurs de jeu ou de désigner un responsable juridique de l'opérateur dans chaque pays. Un tel dispositif européen pourrait constituer le socle d'une véritable autorité européenne des jeux en ligne.
Mon dernier point sera plus positif. Il concerne la formation. Le groupe d'experts sur l'éducation et la formation professionnelle dans le sport a adopté une trentaine de lignes de conduite sur les double-projets dans le sport. Il s'agit là de mieux former les athlètes à tous les sens du terme, en encourageant la mise en place d'une formation complémentaire leur permettant de faire face, le cas échéant, à un échec sur la voie de la professionnalisation ou à une blessure.
La formation et la pratique sportives doivent être associées à un enseignement académique organisé par le club ou dans le cadre d'une convention avec un organisme extérieur. La France a mis en place un agrément des centres de formation. Une telle pratique pourrait être généralisée afin de garantir la qualité de l'enseignement dispensé. Cette formule est déjà en vigueur en France. Elle pourrait être élargie au niveau européen afin de permettre une harmonisation par le haut des centres de formation européens. Il convient d'encourager une labellisation des centres de formation qui conditionnerait les soutiens financiers publics à la mise en place d'un cadre favorable au double-projet.
Par ailleurs, si un Erasmus pour les athlètes n'est pas envisageable, il ne serait pas inopportun de permettre, dans le cadre des programmes communautaires de formation continue, des échanges entre entraîneurs. L'intégration d'un volet sport au sein du programme Erasmus constitue à cet égard une opportunité à saisir.
Pour conclure, j'insisterai sur le fait que l'Union européenne a un rôle indéniable à jouer en vue de coordonner et légitimer sur son sol les efforts des autorités sportives pour préserver l'équité des compétitions et l'intégrité des joueurs, favoriser la formation et lutter contre le trucage des matchs et le dopage. Les propositions contenues dans le présent rapport vont en ce sens, sans dépasser les limites bien connues : base juridique étroite et dimension paneuropéenne voire mondiale du sport.
J'émettrai néanmoins un voeu : que l'Europe du sport suive le chemin de l'Europe sociale. Une charte sportive européenne sur le modèle de la Charte sociale européenne adoptée en 1989 permettrait notamment de définir « les enjeux européens du sport » auquel fait référence le Traité de Lisbonne et confèrerait une réelle portée politique au principe de spécificité du sport.
M. Simon Sutour, président. - Je souhaite féliciter notre collègue pour la qualité de son rapport, qui a été précédé d'un nombre important d'auditions. Il s'agit d'un document qui servira de référence en la matière.
Mme Bernadette Bourzai. - Je souscris à un certain nombre d'observations du rapporteur, notamment en ce qui concerne la formation. Le conseil régional du Limousin avait particulièrement veillé en son temps à ce que les doubles projets soient au coeur de l'activité des centres de formation du CSP Limoges en basketball ou du CA Brive-Corrèze en rugby.
Je suis plus réservée sur la Charte sportive européenne appelée de ses voeux par notre collègue. Je lui souhaite plus de succès en tout cas qu'à la Charte sociale européenne dont elle s'inspirerait mais dont les résultats se font attendre !
Au sujet des aspects financiers du football professionnel, je ne peux que témoigner ma stupéfaction devant de tels montants.
M. André Gattolin. - Le panorama dressé par le rapporteur montre bien l'importance des valeurs et des symboles portés par le sport. Reste que le sport semble aujourd'hui en danger, menacé par une médiatisation et une financiarisation sans doute trop rapides. Pour paraphraser le titre du rapport, tout est sans doute allé trop vite, trop haut, trop fort ! Il n'y a qu'à regarder la situation financière des grands clubs de football.
L'intervention de l'Union européenne, nécessaire, est-elle pour autant la bienvenue ? Au plan juridique, elle ne peut imposer d'harmonisation. Elle serait pourtant utile en matière de dopage notamment. Mais elle me semble également impossible en raison du poids pris par les instances sportives nationales ou internationales, à l'instar du Comité international olympique (CIO), très autonomes et qui disposent de surcroît de leurs propres appareils judiciaires. Les pouvoirs sportifs fonctionnent dans une certaine opacité et sont très sourcilleux de leur indépendance. L'intervention du politique n'est jamais la bienvenue comme en témoignent les débats récents dans notre pays autour de l'équipe de France.
Il faut également noter l'importance des logiques nationales dans le sport contemporain. Certes l'arrêt Bosman peut être considéré comme l'une des premières applications de la citoyenneté européenne et a permis une ouverture des clubs. Il subsiste néanmoins une forte demande d'ancrage local des équipes. La presse sportive estime d'ailleurs qu'un bon tirage passe par un triptyque simple « Un exploit, un héros, un drapeau ». Les Jeux olympiques incarnent assez bien ce principe d'ailleurs. Dans le tableau des médailles, il est difficile de faire émerger une comptabilisation des trophées accumulés par les pays membres de l'Union européenne.
Dans ce contexte difficile et compte tenu de la faiblesse de sa base juridique, comment l'Union européenne peut mettre en oeuvre une véritable politique sportive ?
Mlle Sophie Joissains. - Je partage l'enthousiasme du rapporteur concernant l'adoption des directives d'harmonisation pénale, prévues à l'article 83 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il n'en demeure pas moins que cette option est délicate à mettre en oeuvre. C'est encore plus le cas en ce qui concerne le Parquet européen.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je suis particulièrement sensible aux remarques du rapporteur sur les droits télévisés. Elles rejoignent les préoccupations du groupe d'études du Sénat Médias et nouvelles technologiques dont j'assume la présidence. L'Union européenne a un rôle indéniable à jouer dans ce domaine, afin de mettre en place une véritable régulation.
M. Jean-François Humbert. - Il reste effectivement de nombreux problèmes à résoudre mais, je le répète, l'idée d'une politique européenne n'a vraiment pris corps qu'en 2009 avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Ce rapport était avant tout destiné à faire un point sur la jurisprudence de la Cour de justice, les premières initiatives de la Commission mais aussi les textes adoptés par le Conseil de l'Europe. Fort de ce constat, j'ai avancé quelques pistes de travail. Il conviendra de surveiller désormais les projets de la Commission.
M. André Gattolin. - Une ligne budgétaire est-elle spécialement dédiée à la politique sportive de l'Union européenne ?
M. Simon Sutour, président. - Je dirais plutôt qu'il existe plusieurs lignes budgétaires pour le sport, le FEDER peut ainsi financer certains projets dans ce domaine.
Je signale, par ailleurs, que les pistes de travail contenues dans ce rapport vont servir de socle à la proposition de résolution européenne que MM. Jean-François Humbert et Dominique Bailly déposeront dans quelques semaines.