- Mercredi 24 octobre 2012
- Jeudi 25 octobre 2012
- Questions diverses
- Elargissement - Situation de la Bosnie-Herzégovine - Communication de M. Michel Billout
- Culture - Les capitales européennes de la culture - Communication de M. André Gattolin
- Politique étrangère et de défense - Examen de la proposition de résolution n° 787 relative à la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet - Rapport de M. Bernard Piras
Mercredi 24 octobre 2012
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Économie, finances et fiscalité - Union bancaire (textes E 7684 et E 7685) - Proposition de résolution européenne de M. Richard Yung
M. Richard Yung. - L'union bancaire a été une des décisions importantes du sommet européen du mois de juin. Nous avons pensé que le Sénat devait se saisir de ce dossier suffisamment en amont. Nous avons fait de nombreuses auditions pour cerner de plus près ce sujet complexe. La crise financière qui perdure se nourrit, au sein de la zone euro, d'un cercle vicieux entre dettes souveraines et dettes bancaires. Nous sommes en ce moment dans une phase de « renationalisation » des marchés financiers. On tourne le dos à ce qu'il faudrait faire. Les banques et les pays se replient sur leur marché domestique. Lors d'une table ronde, un des orateurs a parlé d'« euro du nord » et d'« euro du sud ». On ne peut pas construire l'Europe comme cela. La crise de confiance vis-à-vis de la zone euro pèse sur le financement de l'économie et la croissance de la zone.
L'Europe a multiplié les initiatives de soutien au secteur bancaire. La Banque centrale européenne a mené, au-delà de ses prérogatives d'origine, des politiques majeures d'intervention. Malgré l'accalmie des marchés, l'Europe et la zone euro se devaient de proposer des solutions structurelles pérennes.
La mise en place du mécanisme européen de stabilité (MES) qui pourra agir en tant que prêteur ultime aux banques de la zone euro, au-delà de sa mission première d'aides aux États, est une première réponse. C'est une avancée importante. À ce titre, pour assurer le bon usage des fonds et éviter tout conflit d'intérêt dans la résolution éventuelle des défaillances bancaires, il est apparu indispensable que soit mise en place une supervision des banques de la zone, harmonisée et indépendante.
Le mécanisme unique de supervision s'inscrit dans le cadre plus large de l'union bancaire actée par le sommet de la zone euro du 29 juin 2012. C'est une proposition de la Commission du 12 septembre qui doit permettre de restaurer la confiance et d'assurer la poursuite de l'intégration du marché financier européen. Ce système de supervision concerne la zone euro. Je souhaite mentionner sans les développer en détail les deux autres textes liés à ce projet : la garantie des dépôts et surtout les mécanismes liés à la défaillance des établissements financiers. Nous en reparlerons à une prochaine occasion car ils sont la conséquence logique de l'union bancaire.
Je vous propose que nous abordions ensemble en détail les éléments de la proposition de résolution. J'ai déjà évoqué le repli des acteurs financiers sur leurs marchés nationaux.
La Banque centrale européenne (BCE) dispose indéniablement de l'autorité institutionnelle et des compétences pour mener à bien cette mission de supervision. C'est le bon choix pour la supervision européenne. Mais cela pose plusieurs problèmes qu'il faut expliciter.
Tout en conservant un objectif d'adoption de ce mécanisme avant la fin de cette année, il faut en effet rester vigilant sur trois points.
Premier point : il convient d'assurer l'indépendance institutionnelle et fonctionnelle entre supervision bancaire et politique monétaire afin de préserver la réputation de la politique monétaire de la BCE. Il est proposé par la Commission de créer un comité de surveillance au sein de la BCE. Ce comité fera le travail mais il est statutairement sous l'autorité du Conseil des Gouverneurs de la BCE. Il faut éviter tout mélange des genres en tirant avantage de la connaissance de la BCE du secteur bancaire à travers ses missions d'octroi de liquidités. C'est un point crucial qu'il faudra traiter par des aménagements à court terme et ensuite, peut-être, par une modification institutionnelle.
Deuxième point : il faut préciser le fonctionnement de la supervision européenne et l'autorité du futur superviseur européen sur les superviseurs nationaux. J'attire votre attention sur le point suivant : la BCE assume en effet seule la responsabilité de la supervision. La BCE « sous-traite » certaines des missions aux autorités nationales. Elle doit pouvoir en maîtriser l'exécution menée localement par les superviseurs nationaux et se doter des moyens de contrôler ce que font les autorités prudentielles. On sait que, en temps de crise, les autorités nationales sont soumises à de nombreuses pressions. Ce n'est pas un reproche, c'est une réalité. Il faut contrôler autrement. Les contours et les modalités d'exercice de sa compétence exclusive conditionnent largement la crédibilité de la future supervision européenne.
Troisième point : il faut revoir les modalités de gouvernance qui sont proposées. Le comité de surveillance est constitué de 4 membres de la BCE et des 17 superviseurs. La création d'un comité exécutif restreint attaché au Conseil de surveillance, organe chargé de la supervision au sein de la BCE, permettra d'assurer la réactivité et le pragmatisme de la supervision. Agir rapidement est souvent une nécessité en matière bancaire. La participation de personnalités extérieures qualifiées assurerait une diversification plus grande. C'est le cas à l'ACP.
Le mécanisme unique de supervision doit répondre aux attentes essentielles en termes de supervision bancaire.
La supervision par la BCE doit couvrir les 6 000 banques de la zone euro. C'est un sujet qui a fait l'objet de discussions avec l'Allemagne. C'est pourtant une condition nécessaire de son efficacité. La crise nous a appris que les petites banques présentent des risques parfois très importants. Elle devra, à terme, couvrir les entreprises d'assurance et, de façon harmonisée, les chambres de compensation quelque soit leur statut.
Le Sénat s'est déjà prononcé sur la refonte de la réglementation prudentielle applicable aux banques (propositions CRD IV). Les négociations en cours devront aboutir afin de fournir à l'union bancaire un corpus réglementaire unique tout en préservant la place des établissements bancaires européens dans le financement de l'économie.
L'Autorité bancaire européenne occupe des fonctions centrales comme vecteur d'une convergence réglementaire des 27 États membres. C'est une autorité naissante. Elle est appelée à être le normalisateur des pratiques de supervision dont la qualité a été remise en cause par la crise. La crédibilisation des tests de résistance, le contrôle de la gouvernance des banques et de la politique de rémunération doivent y figurer en bonne place.
Afin d'assurer la cohérence de la démarche, le mécanisme unique de supervision appelle à la mise en place d'un mécanisme de résolution des défaillances bancaires. Une approche pragmatique conduit à privilégier tout d'abord une harmonisation des mécanismes nationaux de gestion des crises bancaires puis à doter l'union bancaire d'une véritable autorité de résolution.
Enfin, au regard des conséquences financières et politiques des décisions de supervision, il est nécessaire d'apporter une réponse institutionnelle aux attentes légitimes de contrôle démocratique de l'union bancaire. C'est un point très important. Pour l'instant, il n'est prévu aucun contrôle des parlements nationaux sur le mécanisme de supervision unique. Il me semble qu'un contrôle démocratique parlementaire est indispensable. Un sous-comité dédié à la zone euro devrait assurer ces missions de contrôle du mécanisme unique de supervision, au sein de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Ce contrôle doit permettre d'assurer à chacun le droit de regard et d'investigation nécessaire à la bonne appréciation de l'action conduite et de l'usage des pouvoirs conférés. L'union bancaire est un transfert de souveraineté important. Il faut un contrôle associant les parlements nationaux.
M. Simon Sutour, président. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, et ouvre le débat. Qui demande la parole ?
M. Jean Bizet. - Je voudrais souligner l'expertise du rapporteur en la matière. Elle n'est pas nouvelle et très importante pour notre commission. Je ferai juste quelques remarques. Je rejoins Richard Yung sur le constat de la lenteur de la mise en place de l'union bancaire. Je la déplore aussi. J'espère qu'elle n'est pas liée à la frilosité de la France pour entrer dans la mise en oeuvre d'une union budgétaire. L'architecture de l'union bancaire me convient parfaitement. C'est très rationnel et satisfaisant.
Je souhaite revenir sur votre proposition concernant CRD IV et le souci qui doit être porté au financement de l'économie. C'est un point très important pour nos entreprises et nos collectivités.
Je suis tout à fait d'accord sur le recours à l'article 13 du TSCG pour le contrôle parlementaire. Il ne faut pas lâcher sur ce sujet. J'insiste, il faut être excessivement exigeant sur la dimension démocratique et parlementaire de l'union bancaire.
M. Simon Sutour, président. - D'autres interventions ?
M. André Gattolin. - Je m'inquiète de l'architecture du système de l'union bancaire : on voit de plus en plus mal l'articulation entre l'Union dans son ensemble et la zone euro. De plus, quel est le périmètre de la conférence interparlementaire prévue par le TSCG ?
M. Richard Yung. - C'est un sujet actuel de négociation que de trouver un compromis incluant les pays au-delà des 17. Les pays hors zone euro pourraient participer, en votant, aux instances de préparation. Mais cela n'est pas encore fixé. En ce qui concerne la conférence interparlementaire du TSCG, elle concerne les vingt-cinq Etats signataires, mais c'est une formule qui permet beaucoup de souplesse.
M. Simon Sutour, président. - Nous sommes effectivement dans une phase où les choses se mettent progressivement en place.
M. François Marc. - Je me félicite de ce travail et des propositions soumises aujourd'hui. Ce sont des sujets que la commission des finances évoque régulièrement. Globalement on ne peut qu'être en accord avec l'ensemble des points qui sont abordés. J'ai néanmoins toujours une réticence sur le rôle confié à la BCE et celui confié à l'ABE. En effet, quand on dit « Autorité bancaire », on peut alors imaginer qu'il y a derrière les notions de gouvernance et de contrôle. J'ai l'impression que nous sommes en train de reculer devant l'obstacle qui parait difficile à surmonter à certains pays. La BCE est crédible mais pour une politique bien précise, celle de la politique monétaire. Il faudrait une réorientation des grands principes d'action de la BCE. Est-ce qu'on peut la laisser aller et venir à sa guise sur le terrain monétaire et lui confier en même temps une mission de supervision ultime sur les banques ? On avait pourtant mis en place l'ABE qui avait, dans mon esprit cette vocation. Les choses semblent actées mais de nombreux économistes s'interrogent encore.
Les banques anglaises me posent question au regard de la régulation et du contrôle. J'ai l'impression que les britanniques veulent se tenir à l'écart. Comment peut-on voir les choses pour l'avenir ? Les réticences pourraient-elles être levées ? Il faudrait assainir les choses à l'échelle de l'Europe.
M. Richard Yung. - Ce qui est certain c'est que le Royaume-Uni ne fait pas partie du dispositif. Il ne le souhaite pas. Les filiales des banques anglaises en zone euro seront cependant soumises à la supervision. Il faut souligner que le recours à l'article 127-6 du traité implique l'unanimité et donc le vote du Royaume8Uni. Par ailleurs l'ABE, qui produit la réglementation, est à 27 donc elle couvre le Royaume-Uni. Je comprends bien le débat sur le place de l'ABE qui paraissait la solution logique, mais l'ABE ne dispose ni des moyens ni de l'autorité suffisants. L'article 127-6 limite le choix du superviseur à la BCE.
M. Jean Bizet. - Les questions posées par notre collègue François Marc amènent d'autres questions qui dépassent le cadre de notre débat. Il est vrai que la révision du traité sera à terme inévitable. On a, en son temps, confié des missions précises à la BCE. Elle est chargée de maîtriser l'inflation mais rien ne l'empêche de s'impliquer davantage dans l'industrie et dans l'économie comme le font la Banque d'Angleterre et la Fed. Il faudra revoir cela. De même, il est bien évident qu'il faudra clarifier l'intervention de nos collègues non membres de la zone euro dans les questions concernant la zone euro. Peut-on imaginer demain un budget proprement dit de la zone euro ? On va tout droit, très lentement vers l'écriture d'un nouveau traité mais on a assez de sujets conflictuels aujourd'hui. On ne pourra pas éviter une Europe à plusieurs vitesses qui existe dans les faits aujourd'hui.
A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :
Nominations de rapporteurs
Mme Fabienne Keller est nommée rapporteur sur le sujet de la circulation des poids lourds de grande dimension (en remplacement de M. Jean Bizet).
M. Pierre Bernard-Reymond est désigné rapporteur sur le thème de l'évolution fédérale de l'Europe.
Mme Bernadette Bourzai est désignée rapporteur sur la proposition de directive sur les biocarburants.
M. Alain Richard est nommé rapporteur sur le problème d'une interdiction européenne du bisphénol.
M. Simon Sutour est nommé rapporteur sur le texte relatif à la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics.
Questions diverses
Mme Colette Mélot. - En mars dernier, nous avions adopté une résolution sur le nouveau programme de l'Union européenne consacré à l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport - le fameux « Erasmus pour tous ». Nous avions alors marqué notre attachement au programme de mobilité européen et demandé au Gouvernement français, je cite, « de soutenir l'augmentation des crédits proposée par la Commission de manière à permettre à ce programme de donner sa pleine efficacité ».
J'ai malheureusement eu connaissance d'informations préoccupantes, sur lesquelles il me paraît important que nous puissions avoir un échange.
Au début du mois, le Président de la commission des Budgets du Parlement européen, notre compatriote Alain Lamassoure, a poussé un cri d'alarme après avoir découvert que le programme Erasmus, comme le fonds social européen, pourrait se retrouver en cessation de paiement avant la fin de l'année. En effet, le budget final pour 2012 approuvé par les États membres était de près de 4 milliards d'euros en deçà de celui proposé par la Commission, ce qui rend l'exécution de certains programmes - a fortiori les programmes sociaux - difficile. Ainsi, le programme Erasmus devrait accuser un déficit de l'ordre de 90 millions d'euros, ce qui rend certaines demandes de mobilité émanant de plusieurs États membres impossibles à satisfaire.
A priori, les étudiants français ne devraient pas être touchés cette année par ces problèmes budgétaires. Le président de l'agence 2e2f (Europe-Éducation-Formation-France), qui est chargée en France de gérer les fonds des programmes européens en matière d'éducation et de formation tout au long de la vie, a indiqué que la Commission avait déjà versé à l'agence l'intégralité des fonds nécessaires pour 2012 et que les étudiants devraient donc toucher, cette année, les bourses qui leur ont été octroyées. En outre, la Commission européenne a présenté une demande de rallonge budgétaire lundi dernier, dont une partie devrait servir à financer les bourses Erasmus en attente.
Cela étant, le problème pourrait de nouveau se poser l'année prochaine. À ce stade, aucun accord n'est encore intervenu sur le budget pour 2013. Mais, il faudrait éviter que le programme Erasmus ne se retrouve l'otage des négociations qui opposeront le Conseil au Parlement européen sur ce budget. À cet égard, il convient de souligner que l'augmentation des crédits demandée pour le programme Erasmus en 2013 reste modique - à peine plus de 2 % - et que la part consacrée à ce programme dans le budget total de l'Union européenne reste très faible : les 490 millions d'euros demandés ne représentent en effet que 0,35 % du budget total de l'Union européenne.
L'on peut donc raisonnablement espérer que les crédits Erasmus seront préservés. Mais, il nous appartient, à mon sens, de manifester une nouvelle fois notre attachement à ce programme pour en garantir l'avenir. Nous avons déjà eu l'occasion, en mars dernier, de souligner le rôle central joué par Erasmus pour répondre aux défis économiques actuels et contribuer à rapprocher l'Europe des citoyens. Ce programme constitue non seulement un instrument incontournable dans la réalisation des objectifs Europe 2020, mais il suscite également l'adhésion des citoyens autour du projet européen. Il serait regrettable que son avenir puisse, à terme, être remis en cause.
Je rappelle, à cet égard, l'enjeu fondamental que revêt, dans le cadre de la négociation sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, l'augmentation substantielle des crédits alloués au futur programme « Erasmus pour tous ». La Commission prévoit de lui consacrer 1,64 % du budget total de l'Union européenne et le Sénat s'est déjà prononcé en faveur de cette proposition. Reste maintenant à savoir quels seront les arbitrages au sein du Conseil. C'est pourquoi je souhaite insister sur la nécessité que la proposition de résolution que nous présentera notre collègue François Marc le 8 novembre prochain s'assure, une fois de plus, que le budget alloué au nouveau programme « Erasmus pour tous » soit suffisamment doté et qu'il ne fasse pas les frais de la négociation complexe qu'est celle du cadre financier pluriannuel.
Des informations que j'ai obtenues, il semblerait que notre Gouvernement soit sensibilisé à notre position : le Premier ministre s'est engagé, dans un discours à l'Assemblée nationale au début du mois, à ce que la France soutienne un budget plus important pour l'Europe de l'éducation. Veillons à ce que ces paroles trouvent leur aboutissement dans l'accord sur le cadre financier pluriannuel. De ce point de vue, je regrette que la France fasse partie des sept États membres qui refusent l'augmentation du budget demandée par la Commission pour 2013. Même si ce refus ne vise pas spécifiquement le programme « Erasmus », il adresse, à mon sens, un signal assez négatif.
Mme Bernadette Bourzai. - Il est vrai qu'il s'agit d'un problème récurrent et préjudiciable au regard de l'importance que revêt ce programme tant pour l'image de l'Union européenne que pour son avenir.
M. Simon Sutour, président. - La commission des affaires européennes a toujours manifesté un soutien très fort à ce programme européen. Aussi, je vous propose d'adresser, au nom de la commission des affaires européennes, une lettre à l'attention du Premier ministre pour lui faire part de nos craintes et de notre position très ferme sur le sujet.
Sur la question du cadre financier pluriannuel 2014-2020, les négociations sont en cours à Bruxelles. Je rappelle que la France est aujourd'hui un contributeur net au budget européen, d'où sans doute certaines réticences à voir celui-ci augmenter dans un contexte marqué par de fortes restrictions budgétaires au niveau national. À cet égard, je souligne que ce n'est pas seulement le programme « Erasmus » qui pourrait être visé, mais également d'autres politiques de l'Union européenne. Je pense en particulier à la politique agricole commune ou à la politique de cohésion.
M. Jean-François Humbert. - Le programme « Erasmus » est un très beau projet. Je pense d'ailleurs qu'il devrait être appelé à couvrir de nouveaux types de mobilité dans les années à venir. Je pense en particulier à celles qui pourraient se développer dans le domaine sportif. J'aurai l'occasion de vous en reparler dans quelques semaines lorsque je présenterai mon rapport sur l'Europe du sport. Mais, ces réflexions me conduisent à soutenir pleinement le renforcement des moyens alloués à ce programme.
M. André Gattolin. - J'ai moi-même adressé, la semaine dernière, une question écrite au ministre des affaires européennes sur la question de l'avenir du programme « Erasmus ». Des échanges que j'ai eus avec lui, il semble que le Gouvernement soit pleinement sensibilisé à la nécessité de garantir l'avenir du programme « Erasmus ». À cet égard, je me félicite de la très forte mobilisation sur Internet des étudiants pour assurer la viabilité du programme dans les prochaines années. Leur démarche me paraît très positive.
M. Simon Sutour, président. - Notre commission continuera à l'avenir à suivre cette question de près. Concernant les problèmes de financement évoqués par Mme Mélot, je souhaiterais ajouter que, dans certains États membres, c'est bien souvent l'insuffisance du cofinancement national qui peut créer un obstacle à la mobilité. L'Union européenne ou l'attitude des sept États membres sur le projet de budget pour 2013 ne sont pas seules en cause.
Institutions européennes - Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes
M. Simon Sutour, président. -. Je remercie M. le ministre d'être venu après le Conseil européen. Nous n'avions pas eu de débat préalable en raison de la déclaration du Premier ministre sur les perspectives européennes.
Le Conseil européen des 18 et 19 octobre dernier portait sur trois sujets majeurs : le pacte pour la croissance et l'emploi, l'union bancaire, et l'approfondissement de l'union économique et monétaire, dont l'aspect démocratique nous tient particulièrement à coeur. Nous avons pris connaissance des conclusions du Conseil, mais nous comptons sur vous pour les décrypter et en tirer les leçons.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes. - Le Conseil européen a abordé le pacte de croissance sous trois angles : le pacte proprement dit dont l'enveloppe s'élève à 120 milliards d'euros, et ses conditions de mise en oeuvre ; les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2014-2020, qui prolongent les décisions prises dans le cadre des 120 milliards ; la politique industrielle et le juste échange.
Sur les 120 milliards d'euros du pacte de croissance, 55 milliards proviennent des fonds structurels, 60 milliards de la capacité totale de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) après sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards, et une première génération d'obligations de projets en phase pilote. Afin de faciliter la mise en oeuvre du volet relatif aux fonds structurels, la Commission a décidé de raccourcir à 3 mois les délais d'instruction des dossiers présentés par les États à la Commission, contre 6 en moyenne aujourd'hui. En ce qui concerne la France, on évalue à 20,5 milliards d'euros le plancher des sommes qui pourront être mobilisées dans le cadre de ce pacte, sur des opérations relevant des transports, de la transition énergétique, de la recherche et de l'accompagnement des entreprises. Notre taux de consommation des fonds structurels est de 72 % pour le fonds européen de développement régional (FEDER) et de près de 100 % pour le fonds social européen (FSE). Nous travaillons à mobiliser la part résiduelle pour abonder des projets liés à la stratégie Europe 2020.
Le conseil d'administration de la BEI s'est réuni en juillet. Les gouverneurs se réuniront en décembre, ils traiteront du déblocage des 10 milliards d'euros en une seule fois. La dernière loi de finances rectificative établit la participation de la France à cette recapitalisation à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Notre ambition est d'optimiser le taux de retour des prêts de la BEI : il est en effet de 7 à 8 % en France, contre moins de 7 % au Royaume-Uni, mais de 13 à 14 % en Allemagne. Si nous sommes structurellement dans un rapport de 1 à 2 avec nos voisins allemands, c'est qu'ils ont réussi à organiser un continuum entre leur secteur bancaire, les Länder et leur secteur industriel, qui aboutit à une consommation des prêts en continu. J'ai mis en place un groupe de travail avec l'Association des régions de France pour optimiser l'usage des prêts de la BEI - on peut attendre un taux de prêts de l'ordre de 7 milliards.
Un mot des opérations de projets. Le règlement entre la Commission et la BEI est en cours de finalisation. Les 100 millions déjà mobilisés en garantie par la Commission pourraient appeler jusqu'à 3,5 milliards d'euros. Un financement de 100 millions d'euros a déjà été autorisé en matière de transports, 130 autres millions restant à mobiliser sur des projets relatifs au numérique et à l'énergie. L'idée est de financer des projets novateurs.
Cette ambition de croissance est prolongée par le budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020. La Commission propose de le fixer à 1 030 milliards d'euros. Si je ne puis vous communiquer les propositions chiffrées que la France a arrêtées, sachez simplement qu'elles ont évolué par rapport à celles du gouvernement précédent en termes de volume de coupes. En toute hypothèse, il ne peut y avoir simultanément 200 milliards de coupe - comme le souhaitent les Britanniques, en accord avec le précédent gouvernement -, des aides directes pour la politique agricole commune (PAC) et des fonds de cohésion pour les régions intermédiaires. Ces trois objectifs imposent de trouver un niveau raisonnable de coupes. Nos objectifs de négociation reposent sur un volume budgétaire raisonnable compte tenu de nos objectifs de déficit. Ils sont simples : nous voulons le maintien des aides directes de la PAC, ce qui est dans la continuité des gouvernements précédents ; en matière de fonds de cohésion, les régions intermédiaires françaises doivent être bien dotées ; il faut remettre les programmes ITER et GMES dans l'enveloppe de négociation sous plafond ; les régions ultrapériphériques doivent être traitées avec les honneurs dus à leur rang ; enfin, nous souhaitons promouvoir la lisibilité des dispositifs d'obtention de ressources, notamment sur les ressources propres et les rabais dont bénéficient certains États hostiles à l'Europe : nous n'allons pas mobiliser 2 milliards d'euros d'argent français pour payer les chèques d'autres pays.
Nous avons en outre rappelé la nécessité d'une politique industrielle à l'échelle de l'Union européenne. Nous avons déjà constitué un groupe de travail avec l'Allemagne sur l'électro-mobilité. La lettre signée par Arnaud Montebourg et le ministre luxembourgeois de l'industrie pour promouvoir une politique industrielle à l'échelle de l'Union a été signée par cinq autres États membres. Avant même que la Commission ait rendu publique sa communication sur la politique industrielle de l'Union, nous avons commencé à réunir des groupes de travail spécifiques, dans le but de formuler des propositions à l'occasion des 50 ans du traité de l'Elysée. D'autre part, nous avons fait inscrire dans les conclusions du Conseil européen notre position sur le juste échange : nous ne voulons pas que les États qui n'ouvrent pas leurs marchés publics à nos industries puissent candidater sans préjudice à nos appels d'offres. Ne vous y trompez pas : nous ne sommes pas protectionnistes, nous souhaitons le développement du libre-échange, contrairement à ce que les pages saumon d'un quotidien ont affirmé, mais nous le souhaitons dans un contexte de réciprocité, pour éviter la désindustrialisation de l'Union européenne. Cela ne suscite pas l'enthousiasme du Royaume-Uni ou des pays du nord, mais cela figure désormais dans les conclusions du Conseil européen.
Le projet d'union bancaire a constitué le plat de résistance de ce Conseil européen. Son premier volet concerne la supervision bancaire : nous avons progressé et trouvé un compromis avec l'Allemagne, ce qui prouve que les choses avancent lorsque nous disons ce que nous voulons sans précéder ses désirs ni nous laisser imposer des choses que nous ne voulons pas. Ce bon compromis, qui fera l'objet de dispositions législatives actuellement en préparation au sein de la Commission, ne concerne pas seulement les banques systémiques, mais l'ensemble des banques de la zone euro, contrairement à ce que souhaitaient nos partenaires allemands. Cela n'exclut pas une répartition entre la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales dans la mise en oeuvre de la supervision. En tout état de cause, la BCE garde un pouvoir d'évocation lui permettant de contrôler à tout moment une banque si cela se révélait nécessaire.
Le compromis concerne également le calendrier de mise en oeuvre de ce projet de supervision, qui converge avec celui défini par la Commission : les banques des pays bénéficiant d'un soutien de l'Union européenne seront supervisées dans le courant du premier semestre 2013 ; à compter du 1er juillet, ce sera au tour des banques systémiques, puis de toutes les banques à compter de 2014. Nous avons un an pour décliner, dans une temporalité maîtrisée, une réforme qui touche l'ensemble des banques européennes.
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est court ou long ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - C'est un bon compromis. Sous prétexte de prendre le temps de faire, on se proposait parfois de ne rien faire. Au motif que certaines banques étaient contrôlées par le superviseur national, on se limitait à la supervision des banques systémiques, ce qui rendait la supervision inopérante. Nous pourrons au contraire avoir une supervision de l'ensemble des banques par la BCE, et cela dans un calendrier qui ménage les sujets à dimension nationale. Dans un second temps seront mis en oeuvre les deux autres piliers que sont d'une part la résolution de la crise bancaire, d'autre part la garantie des dépôts, en veillant à ce que les textes de 2010 et de 2012 préparés par la Commission puissent être mis en oeuvre dans les meilleures conditions. Nous poursuivrons ainsi le travail de consolidation de l'union bancaire.
Le Conseil européen de juin a établi le principe d'une recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité (MES) dès que la supervision bancaire serait effective. Une telle perspective évitera aux pays comme l'Espagne de financer des recapitalisations coûteuses sur les marchés, dans les conditions difficiles et destructrices des efforts de redressement des comptes publics. Il importe d'être vigilant pour que le MES puisse procéder à une recapitalisation directe. La chancelière allemande s'est exprimée sur ce sujet avant-hier, considérant que les banques irlandaises pourront en profiter. La recapitalisation serait donc envisageable pour les autres...
La France promeut la mise en oeuvre des décisions prises par les institutions européennes dans le respect du calendrier fixé. La crédibilité de la zone euro face aux marchés en dépend. Or, en juin dernier, le Conseil s'est mis d'accord sur la supervision bancaire, sur la recapitalisation des banques, notamment espagnoles, et sur la possibilité pour le fonds européen de stabilité financière (FESF) d'intervenir sur le marché des dettes souveraines pour accompagner la baisse des « spreads ». Le relais a été pris par la BCE, qui a annoncé son intervention sur le marché des dettes souveraines de court terme aussi longtemps que durerait la spéculation.
J'en viens à la feuille de route d'Herman Van Rompuy. Nous en aurons une version définitive en décembre : nous avons donc jusqu'alors pour défendre les hypothèses que nous souhaitons voir prévaloir. Plusieurs ont en effet été évoquées : d'abord, la création d'un budget de l'Union européenne, articulé éventuellement avec une contractualisation entre les États membres et l'Union européenne ; ensuite, la mutualisation des dettes publiques par l'émission commune d'obligations, ou eurobonds ; enfin, la création d'un commissaire européen aux comptes des États membres, suggérée par l'Allemagne. Sur le budget de la zone euro, je ne vois pas d'objection. Restons néanmoins prudents tant que la discussion sur les perspectives financières européennes n'a pas abouti. En effet, le Royaume-Uni propose des coupes significatives dans le budget à 27 dès lors qu'elles peuvent être corrigées par la mise en place d'un budget à 17.
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est difficilement acceptable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Et, de surcroît, très dangereux politiquement pour l'Union et pour la croissance. Offrir l'opportunité à ceux qui demandent un rabais de le faire en toute bonne conscience est une façon périlleuse d'engager les négociations... De plus, si cette idée est présentée comme le seul instrument de solidarité, jamais l'occasion ne sera donnée d'expérimenter la mutualisation des dettes publiques : si nous avons le budget au lieu de la mutualisation de la dette, nous perdons une extraordinaire occasion d'aller jusqu'au bout de l'union monétaire. Enfin, si nous ne réalisons pas le budget commun pour relancer la croissance mais pour accompagner les réformes budgétaires des États membres, un instrument de solidarité deviendra un outil disciplinaire et il sera difficile de réconcilier les peuples avec l'Europe. L'idée reste intéressante, il faut l'examiner dans une bonne temporalité.
Quant aux eurobonds, la possibilité en est inscrite dans le rapport Van Rompuy. L'idée n'a pas disparu. Il nous faut la défendre. Elle était inacceptable lorsque nous n'avions pas d'outils de discipline communs. Désormais, la mise en place des conditions de la convergence budgétaire la rend possible.
La création de super commissaires aux comptes des États membres ne semble pas indispensable : il y a, avec le six-pack, le two-pack, le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance en Europe (TSCG), suffisamment d'outils mobilisés et restant à mettre pleinement en oeuvre.
M. Simon Sutour, président. - Nous avons voté à 15 heures une proposition de résolution européenne sur l'union bancaire, dans laquelle nous formulons un certain nombre de demandes au Gouvernement. Nous vous les transmettrons.
S'agissant des perspectives budgétaires, nous examinerons début novembre le rapport de François Marc. Nous avons pris acte de la position du gouvernement sur la politique de cohésion et les régions intermédiaires, questions auxquelles nous sommes sensibles puisque nous avons voté unanimement une proposition de résolution en ce sens. Georges Patient a d'ailleurs été chargé d'un rapport sur les régions ultrapériphériques (RUP), qu'il remettra à notre commission début novembre. Le 19 novembre, il défendra en séance publique une proposition de résolution européenne, en liaison avec la délégation à l'Outre-mer.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Sur la PAC et les fonds de cohésion, j'ai indiqué nos objectifs de la négociation, il peut y avoir des aléas.
M. Simon Sutour, président. - Nous savons que les résultats d'une négociation ne sont pas connus à l'avance. Mais négocier sans défendre une politique claire expose à l'échec. Le précédent gouvernement défendait la PAC, mais pas la politique de cohésion ni les régions intermédiaires. Je me réjouis du changement d'orientation engagé. Notre collègue Colette Mélot voulait vous questionner sur la situation du programme Erasmus. Pourriez-vous nous donner des précisions ?
M. Aymeri de Montesquiou. - Je n'ose pas vous demander si vous considérez le Gers comme une région ultrapériphérique... Y a-t-il un moyen d'affecter prioritairement les fonds structurels aux zones rurales, qui souffrent d'une carence en termes de couverture par le haut débit, le wifi et les télécommunications en général ?
M. André Gattolin. - J'ai cru comprendre qu'on renvoyait à l'initiative des régions les questions soulevées par la consommation partielle des fonds structurels. L'une des vice-présidentes de la région Ile-de-France m'expliquait récemment le décalage entre la volonté nationale et le discours des régions. Il est important de leur redonner de la latitude, dans une démarche bottom-up. Mais comment faire alors respecter les cadrages de l'Union européenne ?
M. Georges Patient. - En matière de politique de cohésion, les autorités françaises ont convaincu le Conseil européen d'étendre à quatre objectifs la concentration de la moitié du FEDER. Peut-on obtenir que le quatrième soit laissé au libre-choix des RUP ?
La Commission a proposé de diminuer de 40 % l'allocation spécifique aux RUP dans la prochaine période de programmation : comment éviter une telle baisse ? Peut-on en revanche obtenir de prendre en compte, pour les RUP, un critère de superficie, et non plus seulement de population ? Je pense à mon département, qui est très grand. De plus, la distance de 150 kilomètres nuit aux coopérations transfrontalières.
Enfin, l'octroi de mer continue de poser problème. Je suis allé à Bruxelles : je crois savoir que la pérennisation du dispositif n'est pas assurée. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas présenté pour le remplacer, une TVA régionale par exemple ? La question de sa répartition devra également être posée.
Mme Bernadette Bourzai. - Même si leur répartition peut être discutée, je me réjouis du maintien des aides du premier pilier de la PAC. Je crains surtout une nouvelle coupe sur le budget du deuxième pilier, qui concerne le développement rural. Sur 2007-2013, 35 % avaient en effet été retirés par rapport à la période précédente. Je rejoins Aymeri de Montesquiou sur l'équilibre à préserver dans nos zones rurales.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous sommes très mobilisés sur le programme Erasmus. Celui-ci a concerné près de 270 000 étudiants dans l'ensemble de l'Union cette année, et 2,2 millions d'étudiants en ont bénéficié depuis l'origine. Le problème est financier : en novembre 2011, le Conseil européen a défini une enveloppe de crédits de paiement bien inférieure aux besoins - il en va de même de la formation tout au long de la vie et des fonds structurels. Par conséquent, la Commission a demandé au Conseil européen de statuer sur le budget rectificatif de 8,9 milliards d'euros destiné à financer les 8,3 milliards de crédits de paiement nécessaires relevant de la politique de cohésion. Il faut 90 millions pour Erasmus, et 66 millions pour la formation tout au long de la vie. Compte tenu de l'impact possible sur les bourses dues aux étudiants, la France est déterminée à ce que le programme ait l'ensemble de ses crédits de paiement pour l'année en cours. Nous sommes en outre tout à fait en appui, dans le cadre des perspectives financières 2014-2020, sur l'évolution du programme Erasmus : « Erasmus pour tous » englobera la formation, la jeunesse et les sports.
M. Jean-François Humbert. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Erasmus sera totalement financé. Je réponds à Aymeri de Montesquiou sur la couverture wifi en zone rurale...
M. Aymeri de Montesquiou. - L'ensemble des télécommunications !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...ainsi qu'à Bernadette Bourzai sur les premier et deuxième piliers de la PAC. Dans le cadre du plan de croissance, le projet d'équipement numérique d'un département rural a été retenu : celui de la Haute-Savoie.
M. Aymeri de Montesquiou. - Il y a mieux comme département rural... Il faut vous faire guider dans vos choix !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - C'est un département rural qui a formulé des demandes et proposé un projet. Certes, il est moins rural que le Gers, mais il a des handicaps d'altitude. Si le Gers avait un projet, il pourrait en demander l'examen. L'équipement numérique des territoires fait partie des objectifs d'Europe 2020. Les projets qui s'y rapportent peuvent donc mobiliser les crédits du plan de croissance. N'hésitez d'ailleurs pas à faire remonter vos projets, le ministère des affaires européennes est à votre disposition.
M. Jean-François Humbert. - C'est plutôt bien...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Les choses doivent être portées, accompagnées, aidées face à la Commission, qui a parfois besoin d'être alertée, aiguillonnée. Sur la PAC, notre positionnement est clair : nous reprenons la fermeté qui était celle du gouvernement précédent - même si notre approche du budget n'est pas tout à fait la même - sur le volume des aides directes. Il nous faut être fermes dès le début des négociations ou abandonner toute chance de protéger les intérêts de notre agriculture. Nous sommes favorables à la convergence des aides directes, très disparates selon les pays, mais dans la progressivité, sous peine d'exposer notre secteur agricole à un décrochage. Je plaide en outre pour plus de flexibilité entre les piliers, dès lors que nous sommes d'accord sur un volume substantiel. La flexibilité ne peut cependant constituer un moyen de dispenser des sommes du second pilier vers le premier sous prétexte que les aides directes pourraient se trouver réduites ! En même temps, nous reconnaissons la nécessité d'avoir un second pilier bien doté pour faire de l'aménagement du territoire rural. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas que l'on touche au budget de la PAC, ce qui n'exclut pas que l'on accompagne son verdissement et sa modernisation.
Nous souhaitons, monsieur Gattolin, encourager la croissance de demain et pas celle d'hier. Les prêts de la BEI sont en grande partie consommés : à hauteur de 72,5 % pour les sommes provenant du FEDER, et à 100 % pour celles du FSE, voire 105 % lorsque des mécanismes nationaux viennent compléter des enveloppes gonflées du fait de tensions sociales. C'est pourquoi nous veillerons à ce que le FSE soit doté comme il convient. Beaucoup de nos parlementaires européens sont mobilisés sur ce sujet. J'ai rencontré la président de l'Association des régions de France, j'entame une tournée régionale, et nous travaillons à l'établissement d'une convention afin d'éviter qu'un décalage perdure.
Georges Patient a évoqué la concentration thématique dans les RUP. Le Conseil européen a décidé de procéder à une convergence thématique sur quatre objectifs au lieu de trois. Il reste à négocier cela avec le Parlement européen, puisque le Conseil européen n'a qu'un rôle d'orientation et d'impulsion - le domaine relève de la décision partagée. La Commission propose en effet de diminuer l'aide aux RUP : nous sommes dans une négociation extrêmement volontariste. J'ai évoqué l'octroi de mer avec votre collègue du parlement européen. Disons-le : le dispositif est modérément euro-compatible. Ce n'est pas un problème de volonté. Quelle disposition compensatoire euro-compatible pourrions-nous proposer ? Nous continuons à travailler pour trouver la bonne approche, la bonne formule. Les marges de manoeuvre sont faibles. Vous savez l'extrême complexité juridique du sujet.
M. Georges Patient. - Le dispositif a son importance, notamment pour les recettes des collectivités territoriales des outre-mer.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je sais bien. Mais nous ne pourrons pas le maintenir durablement. Il faut trouver un dispositif compensatoire.
M. Georges Patient. - La TVA régionale me semblait compatible avec le droit européen.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - On rentrerait alors dans un autre problème de compatibilité, mais cette fois avec notre contrainte budgétaire. Je réunirai l'ensemble des parlementaires d'outre-mer...
M. Georges Patient. - Nous avons jusqu'en 2014...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je me propose de réunir d'ici début 2013, de réunir sur ces enjeux l'ensemble des parlementaires d'outre-mer ; j'ai proposé aux députés ultramarins de me déplacer sur place pour évoquer la dimension européenne des politiques les concernant.
M. Simon Sutour, président. - C'est une excellente idée. Nous avions eu la même avec Georges Patient, afin de remédier à la faible perception qu'ont les outre-mer de ce que l'Europe apporte, et d'améliorer ce qui existe. C'est la première fois qu'un ministre fait une telle proposition de saisine de nos collègues sur les projets de dossiers. Auparavant, nous en étions renvoyés vers les ministères techniques, où le dialogue finissait par se bloquer. J'avais anticipé votre proposition en vous saisissant il y a peu...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - S'agissant du règlement POSEI, les enveloppes pour les producteurs européens devraient apporter 40 millions pour accompagner les producteurs de bananes. En matière de pêche, toutes les RUP seront éligibles au fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Dans le cadre du budget 2014-2020, nous demandons le retour à une allocation spéciale à 35 euros par habitant et non à 20 euros comme le proposait la Commission. Il y a bien matière à un déplacement dans les RUP...
M. Jean-François Humbert. - J'ai bien noté vos propos sur Erasmus et son évolution. Pourquoi ne pas l'ouvrir au domaine sportif ? Erasmus pourrait s'appliquer à la formation des entraîneurs et éducateurs en matière sportive, afin d'améliorer et d'enrichir leur formation par des stages dans d'autres États-membres.
Vous avez évoqué, citant l'Espagne, l'évaluation de procédures d'accès aux financements européens. Je rentre de Chypre, grâce à notre commission, que la troïka va visiter avant que l'Union apporte une aide. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces nouvelles méthodes ?
M. André Gattolin. - On ne peut pas encore parler d'union fiscale, mais il faut bien réfléchir aux disparités qui se créent dans l'Union, lorsqu'on voit que des groupes comme Google ou Amazon abritent leurs bénéfices en Irlande ou au Luxembourg. La libéralisation des échanges a conduit à faire certaines concessions, notamment dans certaines grandes zones portuaires. Par exemple à Rotterdam ou à Anvers, les droits de gestion de port ont pu être augmentés de 10 à 25 %. Je rapproche cela des velléités sécessionnistes ou dévolutionnaires de certaines régions disposant de grands ports comme l'Écosse avec Glasgow ou la Catalogne avec Barcelone. Elles ont en effet bénéficié de l'abolition des droits de douane, que l'on a échangés contre les frais de gestion des ports. Les Pays-Bas considèrent aujourd'hui que les ressources du port de Rotterdam lui appartiennent et ne sont pas à mettre dans le fonds commun. Si l'on s'interroge sur les avantages de certaines régions ultra-marines, interrogeons-nous aussi sur la tolérance accordée en matière fiscale aux grandes zones portuaires.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je répondrai par écrit à la première question du sénateur Humbert. Chypre a sollicité en juin l'assistance financière de l'Europe car son secteur bancaire s'est trouvé très lié au secteur bancaire grec. Cela doit nous inciter à couper définitivement les liens entre dette souveraine et dette bancaire. L'évaluation par la troïka à Chypre est en cours. J'ai entendu des choses très contrastées, portant sur 2,5 à 4 milliards d'euros. En l'absence d'expertise de la troïka, il m'est difficile de répondre.
M. Jean-François Humbert. - Si cela débouche sur une aide, la procédure suivie en Espagne pourra-t-elle jouer également pour Chypre ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Il faut qu'au terme de cette expertise, Chypre procède à une demande officielle d'assistance. Il appartiendra ensuite à l'Union européenne de définir les conditions d'intervention, selon qu'il s'agit d'une demande d'assistance directe, de recapitalisation des banques, etc.
M. Gattolin évoque la pratique des pays du nord disposant d'infrastructures portuaires puissantes, comme la Belgique et les Pays-Bas. Ces États bénéficient de cette façon d'une forme de rabais déguisé qui n'a pas échappé à notre sagacité. Nous demandons, dans le cadre de la remise à plat des ressources propres que tout cela soit corrigé. Cela n'est pas très transparent.
M. Simon Sutour, président. - Merci pour votre disponibilité. Nous serons amenés à renouveler ce type de discussion.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - C'est un plaisir. J'ai pris l'engagement devant le sénateur Humbert de devenir incollable sur le sport...
Jeudi 25 octobre 2012
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Questions diverses
M. Simon Sutour, président. - Avant d'aborder les trois points de notre ordre du jour, je voudrais évoquer la proposition de décision E 7366 visant à prolonger pour quatre ans le programme de recherche à mettre en oeuvre par le Centre commun de recherche et lié aux réacteurs à haut flux de la Communauté européenne de l'énergie atomique. Celui-ci joue un rôle important dans la recherche nucléaire, notamment en ce qui concerne l'amélioration de la sûreté des réacteurs, la gestion de leur vieillissement et de leurs déchets. Il sert également à la production de radio-isotopes qui sont utilisés dans 60 % des diagnostics médicaux chaque année.
Depuis 2009, le financement est assuré par trois États-membres (Pays-Bas, Belgique et France). Le réacteur étant situé aux Pays-Bas, ce pays fournit 90 % du budget, soit 31 millions d'euros. La contribution de la France s'élèverait à 1,2 million d'euros pour 4 ans. Je vous propose de ne pas intervenir sur ce texte, qui sera ainsi présenté au Conseil prochainement.
M. Jean Bizet. - Je me réjouis de ce texte ! Les dernières déclarations de M. Oettinger, le commissaire européen à l'énergie, m'ont troublé. On ne peut faire comme si l'énergie nucléaire n'existait pas. Il en va de la compétitivité de l'industrie européenne et de notre industrie nationale.
M. Simon Sutour, président. - M. Bizet et moi-même avions fait un rapport sur la sûreté nucléaire en Europe. Nous aurons à en reparler devant notre commission.
Elargissement - Situation de la Bosnie-Herzégovine - Communication de M. Michel Billout
M. Simon Sutour, président. - Notre collègue Michel Billout s'est récemment rendu en Bosnie-Herzégovine avec un groupe d'amitié. Conformément à la politique du Sénat de valoriser le travail de ses groupes d'amitié, il va nous présenter ses observations sur ce candidat potentiel à l'adhésion à l'Union européenne.
M. Michel Billout. - Le groupe interparlementaire France - Balkans occidentaux s'est rendu il y a un mois à Sarajevo, Mostar et Banja Luka pour y rencontrer pendant cinq jours responsables politiques et acteurs internationaux. Avec nos collègues Jean-Pierre Michel et René Beaumont, nous souhaitions connaître la situation du pays, vingt ans après le déclenchement du conflit qui l'a ravagé pendant près de quatre ans, causant la mort de près de 100 000 personnes dont plus de 11 000 à Sarajevo. Comme vous avez dû le relever, ma phrase introductive ne cite pas expressément le nom du pays visité. Je reviens, en effet, d'un pays qui, à l'heure actuelle, n'existe pas réellement, tant les communautés qui le composent baignent dans une culture du ressentiment alors même que les structures politiques instituées par les accords de Dayton l'empêchent de fonctionner concrètement. Le terme de « Bosnien », censé fédérer les communautés, est même rejeté par l'une d'entre elles, en l'occurrence les Serbes.
Signés en 1995, les accords de Dayton ont eu pour principal objectif de mettre fin au conflit. Les institutions qu'ils mettent en place tiennent compte du poids respectif des trois communautés au bout de quatre ans de guerre. Les deux entités qui composent le pays : la Republika Srpska, à dominante serbe et de confession orthodoxe, et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui réunit Bosniaques, de confession musulmane, et Croates, de confession catholique, voient ainsi leurs frontières définies en fonction des positions des belligérants au moment de la signature des accords. Le texte prévoit la mise en place d'un État fédéral regroupant les deux entités. Mais les compétences de celui-ci demeurent relativement limitées, l'essentiel du pouvoir étant décentralisé. Le fonctionnement des deux entités n'est pas pour autant identique puisque la Republika Srpska est centralisée, tandis que la fédération croato-bosniaque est hyper décentralisée et divisée en dix cantons, afin, notamment, de garantir une représentation aux Croates, qui en dirigent trois. In fine, l'exercice du pouvoir est, en Bosnie-Herzégovine, fragmenté entre 14 gouvernements et autant d'assemblées, réunissant au total près de 180 ministres et près de 600 parlementaires, fragilisant d'autant la prise de décision.
Combinée à des dispositions constitutionnelles garantissant à chacun des trois peuples constitutifs - bosniaque, croate et serbe - une capacité de blocage de toute décision jugée contraire à leurs intérêts, une telle architecture institutionnelle aboutit à une forme de paralysie de l'action politique.
Il n'existe pas, au-delà d'un discours de façade sur la volonté du pays d'intégrer rapidement l'Union européenne, de réelle ambition commune aux trois communautés pour faire exister concrètement ce pays. Il existe bien un consensus entre les parties en présence sur les insuffisances des institutions actuelles mais chacune d'entre elles préfère faire porter la responsabilité de l'échec à la communauté voisine. Vingt ans après la guerre, dix-sept ans après l'arrêt des hostilités, le vouloir-vivre ensemble relève encore de la fiction, l'identité bosnienne n'existe pas. Le fonctionnement de la vie politique illustre d'ailleurs cet état de fait, les sept formations qui dominent le paysage reflètent avant tout les intérêts de chacune des trois principales communautés. Il convient d'ailleurs d'entendre le terme intérêts au sens large. Dans un pays avec une telle densité institutionnelle, la politique est, en effet, devenue une rente, la recherche de postes, au sein des gouvernements, des assemblées mais aussi des entreprises publiques apparaissant souvent comme principal programme politique d'un certain nombre de formations. Les partis dits « civiques » demeurent, à l'heure actuelle, écartés de l'exercice du pouvoir, si tant est que celui-ci soit possible.
La forte connotation identitaire des principales formations politiques rend délicate toute possibilité de coalition au niveau central. Le souvenir de la guerre et la haine latente entre anciens belligérants rendent délicat tout rapprochement. Un pas en direction d'une autre communauté est d'ailleurs souvent vu comme une trahison. Des querelles picrocholines fragilisent également les alliances dès lors qu'elles sont trouvées. Il a ainsi fallu attendre quinze mois après les élections législatives du 3 octobre 2010 pour qu'un accord de gouvernement puisse être trouvé. Celui-ci a néanmoins été remis en question au mois de juin dernier, paralysant l'action du gouvernement central mais aussi la fédération croato-bosniaque, un contentieux opposant les deux principaux partis bosniaques. De fait, seules quatre lois ont pu être adoptées depuis le début de la législature, alors que l'objectif d'une adhésion à l'Union européenne implique bien évidemment une adaptation plus conséquente de la législation locale à l'acquis communautaire.
Nous avons ainsi noté avec inquiétude que, loin de représenter une chance pour le pays, l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne allait plutôt avoir impact négatif. Faute d'adaptation de ses normes phytosanitaires aux exigences communautaires, les 45 millions de litres de lait bosnien actuellement exportés en Croatie ne pourront plus l'être au 1er janvier prochain, privant ainsi l'agriculture locale d'un débouché considérable. La Bosnie-Herzégovine dispose pourtant des laboratoires compétents pour exercer les contrôles en question, mais aucune procédure d'homologation administrative de leurs résultats n'a été mise en place, en dépit des encouragements en ce sens de l'Union européenne depuis trois ans.
La Bosnie-Herzégovine est le dernier État issu de l'ex-Yougoslavie à avoir formalisé sa relation avec l'Union européenne via un Accord de stabilisation et d'association, l'ASA. L'entrée en vigueur de celui-ci a néanmoins été suspendue, l'Union européenne estimant que la Bosnie-Herzégovine devait mettre en oeuvre des « efforts crédibles » en vue de mettre en conformité sa Constitution avec l'arrêt « Sedjic-Finci » rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme le 22 décembre 2009. La Constitution ne permet pas, en effet, à l'heure actuelle aux citoyens non-membres des trois peuples constitutifs - juifs ou roms par exemple, mais aussi parfois citoyens issus de mariages mixtes - de se présenter aux élections centrales. Il existe à l'heure actuelle 14 minorités qui se voient privées d'éligibilité dans le pays. En janvier dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également indiqué que la Bosnie-Herzégovine pourrait être évincée de l'Organisation si une telle réforme n'entrait pas en vigueur. Les entretiens avec les responsables politiques que nous avons pu avoir en Bosnie n'ont pourtant pas révélé un quelconque empressement sur le sujet. Comme nous n'avons pas senti de réelle ambition en vue d'une refonte complète des institutions tant au niveau central qu'au sein de l'« ultra balkanisée » fédération croato-musulmane et ses 10 cantons.
En attendant, l'Union européenne a néanmoins dressé une feuille de route au pays en juin dernier, signée par les représentants des partis politiques et renforcé ses structures au sein du pays, en distinguant en mars 2011 le poste de Représentant spécial de l'Union européenne de celui de Haut représentant des Nations Unies. La pertinence du maintien du représentant des Nations Unies reste d'ailleurs à démontrer. Les Bosniaques sont encore très attachés au Haut représentant. Il est vu comme un symbole de protection et qui a su, en plus, faire régulièrement preuve de fermeté face à l'irrédentisme sans cesse réaffirmé de l'entité serbe. Mais il est permis de s'interroger sur son action effective, alors que des doublons apparaissent avec la politique menée sur place par l'Union européenne. Par ailleurs, les pouvoirs qui lui ont été accordés à Bonn en 1997 et qui lui permettaient d'exercer une véritable tutelle sur la vie politique locale - en écartant les responsables impliqués dans des affaires de corruption ou en mettant son véto à la promulgation de certains textes - sont beaucoup moins utilisés depuis 2006. À l'heure où il convient de responsabiliser un peu plus les dirigeants bosniens, la position d'arbitre ou d'éternel recours qu'il peut incarner n'est plus forcément de mise. Il n'existe pas, néanmoins, de consensus au sein de l'Union européenne sur cette question : l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie ou la Suède sont partisanes d'une suppression à terme du Bureau du Haut représentant, mais l'Autriche, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, soutenus par les États-Unis et la Turquie, s'y opposent. Je tiens à rappeler que la contribution de l'Union européenne au budget du Bureau s'élève à 53 %, soit plus de 4 millions d'euros, alors que le budget de son Représentant spécial s'élève lui à 5,25 millions d'euros.
La fermeture du Bureau ne pourra quoiqu'il en soit intervenir qu'après que la Bosnie-Herzégovine aura satisfait aux objectifs et conditions dits « 5+2 » établies en février 2008. Les 5 objectifs à atteindre concernent :
- la répartition des propriétés publiques entre l'État et les entités ;
- la répartition des propriétés militaires ;
- la pérennisation du statut spécial de Brèko, cette ville comprise entre les deux entités mais qui jouit d'une complète autonomie administrative ;
- la soutenabilité budgétaire ;
- le renforcement de l'État de droit.
Les 2 conditions proprement dites sont la signature de l'ASA et une évaluation positive de la situation politique. À l'heure actuelle, seuls les trois premiers objectifs semblent en passent d'être atteints. Un accord est en effet intervenu le 9 mars dernier entre les formations politiques sur la question de la répartition des propriétés. Le district n'est plus placé sous la supervision du Haut représentant depuis le 1er septembre dernier.
Je tiens par ailleurs à souligner que la question de la répartition des propriétés militaires est une des conditions sine qua non pour l'intégration du pays à l'OTAN. Cette adhésion n'est pas, pour autant, un objectif partagé au sein de la Bosnie-Herzégovine. Si les Croates et les Bosniaques estiment qu'elle renforcerait un peu plus la sécurité intérieure du pays et considèrent qu'elle est presque prioritaire par rapport à l'adhésion à l'Union européenne, les Serbes assimilent l'organisation atlantique aux bombardements subis pendant le conflit mais aussi à ceux effectués en Serbie au moment du conflit au Kosovo.
Il y a lieu de s'interroger sur un changement à terme des mentalités tant la jeune génération apparaît peu impliquée dans l'avenir du pays, aux dires des représentants de la société civile que nous avons pu rencontrer. Le débat sur la réforme constitutionnelle, la simplification administrative ou la réflexion sur une véritable citoyenneté bosnienne est seulement au coeur des travaux d'universitaires expérimentés ayant connu la Bosnie-Herzégovine à l'époque yougoslave.
Pire, le fonctionnement même des écoles empêche l'émergence d'une nouvelle culture politique. L'éducation n'est, en effet, pas une compétence de l'État central. Chacune des communautés a donc un enseignement adapté, niant l'autre. Le cas est particulièrement criant au sein de la fédération croato-bosniaque où fonctionnent une quarantaine d'établissements, appelés « deux écoles sous un même toit ». Les élèves y sont répartis par communauté, entrent dans les locaux par des portes distinctes, leurs temps de récréation n'étant pas commun. Si les programmes mettent en avant une spécificité idiomatique propre à chacune des communautés, je tiens tout de même à rappeler qu'il y a moins de différence, selon les linguistes, entre les langues bosniaque, croate et serbe qu'entre le breton et le français, voire le picard et le français. Le rôle des autorités religieuses n'est pas anodin dans le maintien de telles structures. Un projet pour que la note d'enseignement religieux ne compte plus dans la moyenne générale a, d'ailleurs, dû être retiré au sein de la fédération croato-bosniaque sous la pression des dignitaires musulmans.
Au moment de conclure mon propos, je ne voudrais pas cependant être totalement pessimiste. La solution pour le pays passe sans doute par une montée en puissance des acteurs économique souhaitant que le pays s'ouvre et donc se modernise à tous les niveaux. Quand bien même ils ne sont pas majoritaires, nous avons rencontré de jeunes actifs à Sarajevo qui semblent enclins à agir en ce sens. La plupart ont d'ailleurs fait leurs études en Bosnie-Herzégovine, en Europe ou aux États-Unis. Il convient de les appuyer au niveau européen pour éviter toute lassitude.
Par ailleurs, en dépit des retards pris par la Bosnie-Herzégovine sur le chemin de l'Union européenne, je constate que pour l'avenir de la région et du continent, nous ne pouvons qu'encourager les leaders politiques locaux à réformer le pays en vue d'une adhésion prochaine. Les élections municipales du 7 octobre dernier, qui sur fond de faible participation - 53 % des votants - et de victoire des partis nationalistes, pourraient déboucher, je l'espère, sur une nouvelle configuration politique au niveau central, afin de tenir compte des nouveaux rapports de force intracommunautaires et faire émerger une nouvelle coalition gouvernementale souhaitant travailler efficacement. C'est du moins ce que nous avons entendu sur place. Il n'existe pas d'alternative à une Bosnie-Herzégovine intégrée à l'Union européenne. Cette adhésion sécurisera définitivement les frontières du pays et garantira aussi le calme à l'intérieur de celles-ci. Tout autre choix ne pourrait que renforcer le jeu des influences extérieures, tant sur le plan politique qu'économique. Je pense notamment à celle de la Russie en Republika Srpska ou à celle de la Turquie, voire de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran chez les Bosniaques, avec le risque d'une radicalisation encore plus soutenue des positions. Elle renforcerait chez certains le mirage d'une possible sécession quand bien même les États voisins, Croatie comme Serbie, n'ont aucune envie de voir les frontières actuelles modifiées.
M. Simon Sutour, président. - L'on ne connaît pas forcément les entités et communautés que vous avez décrites, la Fédération de Bosnie-Herzégovine qui regroupe, en dix cantons, les Bosniaques et les Croates et la Republica Srpska qui rassemble les Serbes.
Vous nous avez indiqué qu'il existait un État central qui dispose d'un certain nombre de compétences. La politique étrangère en fait-elle partie ?
M. Michel Billout. - La politique étrangère est en effet une compétence de l'État central. Elle est incarnée par un ministre des affaires étrangères mais aussi par le Président de la Bosnie-Herzégovine. Cette présidence est tournante, le titulaire changeant tous les huit mois pour que successivement un Serbe, un Bosniaque ou un Croate occupe ce poste. Il en va de même, d'ailleurs dans les Parlements. En ce qui concerne la politique étrangère, elle est délicate à mettre en oeuvre. À l'époque où la Palestine a souhaité adhérer à l'ONU, la Bosnie-Herzégovine était membre non permanent du Conseil de sécurité : les Bosniaques étaient favorables à l'adhésion de la Palestine, et les Serbes, qui s'y sont opposés, ont tissé à cette occasion des liens avec Israël. De l'art de cultiver ce qui rassemble...
M. Simon Sutour, président. - Quelle est la répartition démographique entre les communautés ?
M. Michel Billout. - Nous aurons peut-être une réponse au printemps prochain à cette très bonne question : c'est alors qu'aura lieu le premier recensement depuis la guerre. Les représentations actuelles sont certainement erronées, puisque la guerre, avec les morts mais aussi les déplacements de population et les migrations, a considérablement changé la donne. À Banja Luka, en Republika Srpska, il y avait ainsi 300 000 Croates avant le conflit, il en reste 35 000 aujourd'hui. Les populations étaient bien plus mélangées qu'elles ne le sont : on appelait ainsi Sarajevo la « Jérusalem européenne », catholiques, orthodoxes et musulmans y vivaient en harmonie. Aujourd'hui, plus de 90 % des habitants sont musulmans. Le poids démographique de chaque communauté est bien sûr un enjeu considérable. Nous verrons si le recensement a bien lieu au printemps, mais il est lourd de dangers, notamment pour les Croates. Ceux-ci représenteraient approximativement 10 % de la population, contre 47 % pour les Bosniaques et 33 % pour les Serbes. Les diverses minorités représenteraient près de 10 % de la population.
M. André Gattolin. - C'est en réalité une confédération.
M. Michel Billout. - Les accords de Dayton ont été indispensables pour mettre fin au conflit. Il aurait cependant fallu des accords de Dayton 2, qui ne sont jamais venus. Il est nécessaire que les Bosniens créent eux-mêmes les conditions de sortie de la situation actuelle. Les influences internationales sont très fortes, en provenance du Moyen-Orient, mais aussi de Russie. Celle-ci investit massivement dans le gaz et le pétrole. La Turquie, l'Iran, sont aussi très présents. Ces influences divergentes accroissent la séparation entre les communautés. D'où l'importance du rôle du Représentant spécial de l'Union européenne en vue de fédérer ces communautés et permettre au pays d'accéder sur la voie de l'intégration européenne. Quand bien même son action peut doublonner avec celle du Haut représentant des Nations Unies.
M. Simon Sutour, président. - C'est vraiment le cas de parler d'une situation très balkanisée !
M. André Gattolin. - Quel est le taux de chômage de chaque communauté ?
M. Michel Billout. - Officiellement, il est globalement de 45 % pour le pays, et dépasse 55 % pour les moins de 30 ans. Les variations sont plus fortes entre villes et campagnes qu'entre communautés.
Paradoxalement, cette situation économique délicate ne frappe pas quand on parcourt ce pays qui est pour partie bien reconstruit - les capitaux internationaux y ont afflué. Les ruines traduisent une volonté de faire passer un message plus qu'elles ne manifestent un problème de financement. Une économie grise et une agriculture de subsistance permettent de compenser l'impact de ces difficultés. Les jeunes paraissent hélas surtout préoccupés des conditions de leur départ.
Culture - Les capitales européennes de la culture - Communication de M. André Gattolin
M. André Gattolin. - L'Union européenne a décidé de poursuivre sa politique des Capitales européennes de la Culture. Pour ce faire, un nouveau fondement juridique doit garantir une transition sans heurt en 2020 puisque le programme s'arrête en 2019 et que l'appel à candidatures doit être lancé six ans avant l'année où le titre de capitale est décerné, d'où le projet de décision du Parlement européen et du Conseil, qui institue une action de l'Union en faveur des Capitales européennes de la Culture pour les années 2020 à 2033.
Le titre de Capitale européenne de la Culture est attribué pour un an à une ville européenne, suivant une idée lancée le 13 juin 1985 à l'initiative conjointe de Melina Mercouri, ministre grecque de la culture, et de Jack Lang, ministre français de la culture. Le but était de rapprocher les citoyens de l'Union européenne et de célébrer la culture européenne. A tout seigneur, tout honneur : Athènes a été la première ville à obtenir ce titre.
Les Capitales européennes de la Culture s'insèrent dans un programme « Culture » plus large. L'actuel, qui couvre la période allant de 2007 à 2013, dispose d'un budget de 400 millions d'euros pour des projets et des initiatives destinés à mettre à l'honneur la diversité culturelle de l'Europe et à promouvoir son patrimoine culturel commun grâce au développement de la coopération transfrontalière entre les acteurs et les institutions du secteur culturel. Il a trois objectifs principaux : favoriser la mobilité transfrontalière des personnes travaillant dans le domaine de la culture, encourager la circulation transnationale des productions culturelles et artistiques, et promouvoir le dialogue entre les cultures des différents États membres. Pour atteindre ces ambitieux objectifs, il soutient les actions culturelles, les organismes culturels européens et les activités d'analyse et de diffusion. C'est dans le volet « soutien aux actions culturelles » que se trouve la rubrique « mesures spéciales », où figure l'appui aux Capitales européennes de la Culture.
Action communautaire à partir de 1999, le programme « Capitales européennes de la Culture » est devenu au cours du temps l'événement culturel le plus prestigieux et le plus visible de l'action culturelle de l'Union : 40 villes ont déjà reçu ce titre. Une ville n'est pas sélectionnée seulement pour l'emblème culturel qu'elle incarne, elle l'est aussi pour le programme culturel qu'elle accepte de mettre en oeuvre pendant une année. Lorsqu'une ville est nommée Capitale européenne de la Culture, elle se voit encouragée à mettre en valeur les traces de la richesse et de la diversité des cultures européennes sur son territoire, à célébrer les liens culturels qui l'unissent au reste de l'Europe et à faire se rencontrer sur son territoire des personnes de cultures européennes différentes. Tout le programme doit converger vers une plus grande compréhension mutuelle et renforcer un sentiment d'appartenance à la culture et à la civilisation européennes.
L'opération doit avoir des conséquences bénéfiques pour la ville en question, qui met un point d'honneur à régénérer le coeur historique de son territoire, à redynamiser sa vie culturelle, à renforcer son image internationale - des cités étaient tombées dans l'oubli après avoir changé de nom au cours de la tumultueuse histoire du XXe siècle -, à stimuler le tourisme ou encore le rayonnement de ses universités.
Depuis 2011, le Conseil des ministres de l'Union européenne décerne le titre de Capitale européenne de la Culture à deux villes chaque année, ce qui n'est peut-être pas une heureuse réforme, car elle crée une compétition ou un déséquilibre, ainsi du tandem Marseille et Kosice en 2013.
La procédure de sélection commence au moins six ans à l'avance, en fonction de l'ordre des États membres qui accueilleront l'événement. La ville, qui doit présenter une dimension européenne, s'impliquer dans la vie culturelle et artistique européenne, soumet un programme à un jury. Celui-ci vérifie que le programme proposé est adapté à la participation des habitants, qu'il présente un caractère durable, et qu'il fait partie du développement culturel et social à long terme de la ville. La candidate doit s'attacher à prévoir une participation publique à grande échelle capable de dépasser la seule population locale et qui s'adresse, en principe, à l'Europe toute entière.
Le jury examine aussi la gouvernance de la vie culturelle : il convient que la ville candidate dispose d'une structure solide, gérée par des personnes compétentes, indépendantes des pouvoirs publics, mais bénéficiant de leur soutien. Naturellement, le budget, fiable, s'accompagne d'un engagement ferme des autorités locales et nationales comme des partenaires privés, sans oublier une stratégie de communication.
Les États reçoivent l'événement à tour de rôle et, une fois ce nouveau texte adopté, le calendrier sera fixé jusqu'en 2033. Chaque État membre est responsable de la présélection des villes ; il forme un jury national, étudie les candidatures puis recommande la ville qu'il a choisie. Le jury européen de sélection comprend dix experts indépendants et à la compétence culturelle reconnue, désignés par le Parlement, la Commission et le Conseil (trois chacun) ainsi que par le Comité des régions (un). L'État membre transmet le dossier de la ville sélectionnée au jury européen. Chacun des États membres concernés convie les membres du jury européen et les représentants des villes à une réunion de sélection définitive, neuf mois après la présentation. Le jury européen examine les candidatures, rédige un rapport sur l'ensemble des candidatures et conclut dans ce rapport par une recommandation. Après que le Parlement européen a donné son avis, le Conseil des ministres de l'Union déclare les villes retenues.
Une fois la ville nommée Capitale européenne de la Culture, sa préparation est supervisée par un comité de sept experts. Si ce jury de suivi considère que la ville a appliqué ses recommandations, la Commission peut accorder à la ville un financement, le prix Melina Mercouri, doté de 1,5 million d'euros.
Après vingt-cinq ans, il est apparu que la difficulté la plus courante est d'ordre budgétaire : le budget de la ville subit trop souvent les contrecoups de la manifestation, en amont comme en aval, alors qu'il conviendrait au contraire qu'il reste stable. Le coût supplémentaire pour les budgets publics devrait essentiellement être couvert par le mécénat et la participation des intérêts privés, ce qui peut ne pas toujours être le cas.
Trop souvent, la dimension européenne du titre est peu perçue, voire occultée, au profit d'une simple opération de promotion touristique. Enfin, dans la plupart des cas, l'opération ne s'inscrit pas dans une stratégie à long terme ou celle-ci s'est révélée impossible à cause de la taille de la ville ou de sa situation. Souvent, il n'y a aucun lien entre les deux villes choisies et les deux capitales sont simplement juxtaposées : ce sera le cas pour Kosice et Marseille.
Ne conviendrait-il pas de recadrer les objectifs européens ? La politique des binômes ne donne pas lieu à une coopération suffisante : or, avec l'inflation du label, on se trouve dans la curieuse situation d'avoir deux capitales. Une réforme aurait pour corollaire le retour à une seule capitale par an.
Nous avons auditionné deux de nos collègues, Mme Blandin et M. Gaudin, sur les candidatures de Lille et de Marseille - nous irons dans la cité phocéenne le 19 décembre. Devant le grand succès de l'opération conduite en 2004, la ville de Lille a lancé Lille XXL, Lille 3000, Lille Fantastic. Cette pérennisation est à porter au crédit de « Lille 2004 ». Plus discutable, la structure spéciale créée pour 2004 concurrence les services culturels de Lille. Positif pour la ville, le succès d'audience de l'opération n'a promu une conscience culturelle européenne ni parmi le public ni parmi les artistes.
Marseille s'investissait dans la culture depuis une quinzaine d'années : 600 millions engagés ! Là encore, malgré la richesse du programme, la dimension européenne n'est pas très affirmée. On attend 10 millions de touristes contre 3 millions en moyenne. En revanche, les ouvertures vers Kosice n'ont pas été payées de retour.
En somme, il s'agit bien de capitale de la culture, mais rarement de capitale européenne de la culture. Ces opérations sont bénéfiques mais leurs coûts ne sont pas toujours contrôlés et déséquilibrent souvent pour plusieurs exercices les budgets des communes retenues. Il faudrait peut-être imaginer un projet où tous les États qui le souhaiteraient feraient jouer, au profit de la ville choisie, une forme de solidarité, afin que l'entreprise ne soit pas une simple opération marketing pour une année.
Je n'ai pas voulu préjuger de la suite de mes réflexions. Je m'interroge sur le tourniquet, ainsi que sur l'importance de la dimension européenne de cette politique. Nous avons désormais le choix entre une résolution ou un avis motivé.
M. Simon Sutour, président. - Je partage votre avis. Je connais le début de la procédure pour avoir, jeune secrétaire général de la ville d'Avignon, monté un dossier de capitale européenne de la culture - il est vrai qu'en 2000, plusieurs villes ont été retenues. Privilégions une ville unique, un caractère européen plus marqué, et un investissement européen plus fort de l'Union européenne. Il s'agit actuellement davantage d'une opération de promotion de la ville, avec des aspects positifs de rénovation parce que ce statut donne accès à des financements nationaux ou européens.
M. Bernard Piras. - Cela a eu des effets durables à Lille.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Merci de cet excellent rapport, qui éclaire les critères d'attribution du titre. Cet agenda jusqu'à 2033 donne le vertige : dommage pour ceux qui auraient des velléités... Si le système des deux capitales perdure, ne faudrait-il pas envisager une candidature partagée d'emblée comportant des coproductions, des engagements d'échanges entre deux ou trois villes ? Cette voie aurait l'avantage de sous-tendre la politique de coopération et de jumelage. Il est difficile de se satisfaire de la juxtaposition actuelle de deux capitales.
M. Simon Sutour, président. - Continuons à réfléchir dans la perspective d'une proposition de résolution : elle serait alors transmise à la commission des affaires culturelles qui travaillera sur le sujet, et fera connaître notre position au Gouvernement. Autre possibilité, un avis politique à la Commission. Nous reviendrons donc bientôt sur le sujet pour prendre position.
Politique étrangère et de défense - Examen de la proposition de résolution n° 787 relative à la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet - Rapport de M. Bernard Piras
M. Simon Sutour, président. - Nous abordons la question délicate des droits de l'Homme au Tibet, c'est-à-dire dans une partie de la Chine. Le sujet est sensible : comme chaque fois que l'on aborde la situation dans une partie d'un pays, ainsi pour les Kurdes en Turquie, on suscite un réflexe national, voire nationaliste. Il faut faire preuve de doigté pour être utiles.
Nous sommes d'ordinaire saisis d'un texte européen et notre rapporteur prépare une proposition de résolution qui, si nous l'adoptons, est envoyée à la commission compétente au fond. Cette fois-ci, nous sommes saisis d'une proposition de résolution déjà rédigée par le président du groupe d'information sur le Tibet, Jean-François Humbert. Notre tâche consiste à faire un rapport sur cette proposition de résolution, à l'adopter ou la rejeter, ou encore à la modifier. Nous sommes un peu dans le cas d'une commission permanente saisie d'une proposition de loi, tout en étant tenus de nous prononcer dans le délai d'un mois. Je remercie donc Bernard Piras de sa célérité. Ensuite, si nous adoptons le texte compte tenu des propositions faites par le rapporteur, la proposition de résolution ira à la commission des affaires étrangères, qui aura un mois pour se prononcer. Si, au contraire, nous la rejetons, elle sera également transmise à la commission des affaires étrangères, mais elle ne sera alors tenue par aucun délai... Notre intérêt est d'adopter un texte.
M. Jean-François Humbert. - Je me réjouis de la procédure qui permet à ma proposition de résolution d'être inscrite à l'ordre du jour de nos travaux. Merci à M. Piras d'avoir travaillé à l'amélioration de mon texte ; nous devrions pouvoir surmonter nos différences.
Cosignée par 24 des 27 membres du groupe d'information sur le Tibet, représentant la quasi-totalité des groupes politiques du Sénat, cette proposition de résolution a un objet simple : rompre le silence assourdissant de la communauté internationale face à l'aggravation de la situation au Tibet. Depuis l'annexion forcée du Tibet par la Chine en 1950 et après le départ du Dalaï-Lama pour Dharamsala en 1959, les Tibétains n'ont jamais accepté ce qu'ils ressentent au fond de leur coeur comme une domination étrangère. Après l'écrasement de la résistance armée tibétaine, les ravages de la révolution culturelle, après la répression du soulèvement à Lhassa en 1989, celui du printemps 2008 a été lourdement réprimé. Depuis, la loi martiale prive les Tibétains de leurs droits et libertés les plus élémentaires. Cette oppression continue les a plongés dans un désespoir si profond que certains d'entre eux en sont arrivés à cette forme radicale de protestation que constituent les auto-immolations par le feu. Avant de revenir sur le terme, sachez qu'au 24 octobre, il y en avait eu 58.
L'idée de la proposition de résolution nous est venue lorsque nous avons accueilli en mars dernier M. Kelsang Gyaltsen. Celui-ci nous a demandé de soutenir la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet. En 1997, nous a-t-il expliqué, un coordinateur a été nommé aux États-Unis et son bilan est très positif. Depuis, le gouvernement américain s'est montré beaucoup plus fort et cohérent que l'Europe sur la question tibétaine. Ce coordinateur est une personnalité officielle de haut rang avec le titre de sous-secrétaire d'État, et son titulaire actuel est Mme Maria Otero, sous-secrétaire d'État pour la sécurité, les droits de l'Homme et la démocratie, en même temps que coordinateur spécial pour le Tibet. Celle-ci rencontre trois fois par an les représentants du conseil de la sécurité de la Maison Blanche, du département d'État, ainsi que le sous-secrétaire d'État pour l'Asie et le Pacifique. Elle a invité les ambassadeurs européens en poste à Washington et visité Paris, Londres, Berlin et Bruxelles. Elle se rend régulièrement en Inde et au Népal pour rencontrer les Tibétains en exil. En trois ans, elle a rencontré cinq fois le Dalaï-Lama. Avec un seul gouvernement et un seul département d'État, la politique américaine sur le Tibet est beaucoup plus cohérente. Dans une Union européenne à 27 membres, un coordinateur apparaît encore plus nécessaire. Comme autrefois le gouvernement Clinton, le président américain et Hillary Clinton sont très actifs, et ce, sans conséquences négatives : les relations entre les États-Unis et la Chine sont meilleures que celles de bien des pays européens. Les Chinois ont accepté que la question du Tibet figure en priorité sur l'agenda sino-américain et leurs protestations sont formelles et presque routinières lorsque Barack Obama rencontre le Dalaï-Lama, ce qui n'est pas le cas lorsque des dirigeants européens font de même.
M. Kelsang Gyaltsen nous a convaincus de l'urgence à montrer aux Tibétains qu'ils ne sont pas seuls au monde face à leurs oppresseurs chinois. L'Union européenne s'honorerait de suivre l'exemple américain en nommant un représentant spécial pour le Tibet, qui coordonnerait les efforts des États membres pour y promouvoir les libertés et la recherche d'une solution pacifique et négociée sur la question. Celle-ci n'est pas hors d'atteinte : il suffirait d'un peu de bonne volonté de la part de la Chine pour que les Tibétains bénéficient de l'autonomie réelle à laquelle ils ont droit en vertu de la constitution de la République populaire de Chine - elle prévoit des régions autonomes, dont le Tibet. Notre proposition de résolution s'appuie sur la résolution relative aux droits de l'Homme au Tibet adoptée par le Parlement européen le 14 juin 2012, et dont le point 19 préconise la nomination d'un représentant spécial pour le Tibet.
Les parlements européens doivent parler de manière plus franche et courageuse que les gouvernements : nous devons convaincre nos amis Chinois qu'il est indigne de leur statut de puissance mondiale de s'acharner sur un petit peuple de six millions d'habitants. Sa communauté en exil a montré sa capacité à vivre une vie démocratique, notamment lors des dernières élections organisées par la communauté en exil, dont j'ai été l'observateur en France - je peux aussi vous parler du référendum sur l'autonomie réelle demandé par les Chinois.
Notre proposition de résolution n'obéit à aucune considération partisane, ce dont témoigne la liste de ses signataires. L'attachement aux droits de l'Homme n'est ni de droite, ni de gauche, c'est une tradition de notre Haute assemblée.
M. Bernard Piras. - J'ai eu la chance de me rendre à Lhassa récemment : nos analyses ne sont pas discordantes.
Après les émeutes de 2008, avec la multiplication des immolations depuis 2010, la question tibétaine est au coeur de l'actualité. Face à la propagande chinoise qui ne désarme pas, à la colonisation qui s'amplifie et la répression de toute protestation, il est légitime d'attirer l'attention de la communauté internationale sur cette violation constante des droits de l'Homme depuis 1951. L'affirmation de l'histoire officielle chinoise selon laquelle le Tibet appartient à la Chine en raison du lien personnel établi autrefois entre le Dalaï-Lama et l'Empereur, puis dénoncé au début du XXe siècle par le Dalaï-Lama, ne saurait justifier la politique menée par la Chine au Tibet depuis 1951. Il est également impossible d'accepter la banalisation de la question tibétaine comme le propose la Chine, quand elle prétend que l'affaire relève de ses affaires intérieures, au titre d'une politique générale des minorités ethniques. Loin de constituer une minorité noyée au sein des Hans majoritaires, les Tibétains sont les héritiers d'une civilisation millénaire à part entière, avec sa langue, sa culture, sa religion, et qui aspire à survivre. Que les Tibétains aient subi l'influence chinoise (moins encore que l'influence indienne) ne les prédispose pas à perdre leur autonomie. Les Japonais pourtant nourris de civilisation chinoise pendant plusieurs siècles ne sont pas pour autant des Chinois !
Dans un esprit d'apaisement, à deux reprises, le chef spirituel des Tibétains a avec réalisme ouvert la voie d'un compromis en donnant à la Chine la possibilité de sortir, à son avantage et sans perdre la face, de ces tensions permanentes. À Strasbourg, devant le Parlement européen, le Dalaï-Lama a proposé en 1988 un plan de paix en cinq points : transformation du Tibet en une zone de paix démilitarisée ; abandon des transferts de population chinoises par la Chine ; respect des droits de l'Homme et des libertés individuelles ; restauration et protection de l'environnement naturel, avec l'abandon du stockage des déchets nucléaires chinois au Tibet ; ouverture de négociations sur le futur statut du Tibet. Concession majeure, il abandonnait la revendication d'indépendance pour se contenter d'une autonomie au sein de la Chine, ce qui constituait une concession majeure.
Publiant en 1992 les lignes directrices de la politique du futur Tibet, le Dalaï-Lama a affirmé sa détermination à n'accepter personnellement aucune responsabilité politique dans le futur gouvernement du Tibet pour ne conserver qu'un magistère moral et religieux. Enfin, il a cédé le pouvoir à un Premier ministre du gouvernement en exil, choisi par la diaspora en exil. Toutes ces concessions n'ont eu aucun effet sur la politique de la Chine et les négociations sino-tibétaines demeurent au point mort.
Le Parlement européen a affiché un souci constant : par sa résolution du 15 février 2007, adoptée par 71 votes contre un et une abstention, il recommandait à l'Union européenne d'adopter une approche plus ferme pour favoriser le dialogue sino-tibétain. Il invitait en particulier le gouvernement de la Chine et le Dalaï-Lama à reprendre leur dialogue sans préalable, afin de parvenir à des solutions pragmatiques qui respectent l'intégrité territoriale de la Chine et répondent aux aspirations du peuple tibétain. Cette résolution invitait aussi les États membres à promouvoir activement l'approfondissement du dialogue et, en l'absence de résultat tangible, à évaluer, en consultation avec les deux parties, le rôle que l'Union européenne pourrait jouer pour faciliter une solution négociée, notamment en nommant un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet. Or, cinq rencontres s'inscrivant dans le cadre du dialogue engagé en septembre 2002 entre le gouvernement de la Chine et les envoyés du Dalaï-Lama n'ont pas permis de régler les différences sur les problèmes de fond. En particulier, les deux parties n'ont pu atteindre une communauté de vues sur les relations historiques entre le Tibet et la Chine. Enfin, le gouvernement de la Chine continue à exprimer ses inquiétudes pour l'unité et la stabilité de la Chine, alors même que le Dalaï-Lama a renoncé à exiger l'indépendance du Tibet.
Le 15 janvier 1998, le Parlement européen demandait déjà au Conseil et à la Commission de nommer un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet, chargé de prendre toutes les initiatives nécessaires pour qu'il soit donné suite aux demandes de celle-ci en ce qui concerne les droits civils et politiques au Tibet, et d'en suivre l'évolution. Le 11 avril 2002 une autre résolution renouvelait cette demande et, le 12 novembre 2003, une nouvelle résolution sur le Tibet appelait à nommer un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet afin de promouvoir dans un avenir proche des négociations sérieuses entre le gouvernement chinois, le Dalaï-Lama et ses représentants.
En 2003, le ministre des affaires étrangères de la France déclarait que la vigilance en matière de droits de l'Homme était nécessaire, que le dialogue sino-tibétain devait se poursuivre et qu'il fallait trouver un équilibre entre la nécessité de préserver l'identité des Tibétains et celle de garantir la souveraineté de la Chine. Cette position mesurée n'a pas évolué depuis.
Après les événements de 2008 et le regain des tensions, le Parlement européen s'est encore attelé à la tâche de rappeler à la Chine la nécessité de respecter les droits de l'Homme au Tibet. Sa résolution du 14 juin 2012 soutient à nouveau la nomination d'un rapporteur spécial pour le Tibet auprès du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité.
Si la proposition de résolution européenne dont nous sommes saisis se justifie par la situation au Tibet, il est nécessaire de s'interroger sur son opportunité. Son but est de faire cesser la répression au Tibet et, si possible, d'amener la Chine à revenir à la table des négociations ; or, elle pourrait avoir l'effet inverse, la Chine se raidissant dans son refus d'une ingérence dans ses affaires intérieures. En ce moment, une période de rare tension avec le Japon, elle pourrait en appeler au patriotisme de ses citoyens pour faire oublier ses difficultés internes.
De plus, nommer un représentant pour une région à l'intérieur d'un État serait une première. La Chine, qui considère le Tibet comme une affaire intérieure ressentirait durement cette innovation : elle empêche par exemple le Conseil de sécurité de l'ONU de se prononcer sur ce qu'elle considère comme les affaires intérieures de la Syrie. Ne serait-il pas plus efficace d'avoir recours au nouveau Représentant de l'Union pour les droits de l'Homme, Stavros Lambrinidis, et de lui fixer la question tibétaine comme une priorité ? Sans remettre en cause le bien-fondé de la proposition de résolution, cette suggestion évite de chatouiller la Chine sur son intégrité territoriale. C'est l'objet des modifications que je vous soumets.
M. Simon Sutour, président. - Je vous félicite de vos talents de diplomate.
M. Jean-François Humbert. - Je l'en remercierai après qu'il aura accepté une ou deux modifications. À l'alinéa 9, je trouve que la formule « à un Premier ministre » est moins respectueuse pour l'élu de la communauté en exil que la formule « au Premier ministre ».
M. Bernard Piras. - D'accord.
M. Jean-François Humbert. - Par ailleurs, une solution de compromis consisterait à ajouter à l'alinéa 10, « à défaut d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet ».
M. Bernard Piras. - Je comprends la nuance.
M. André Gattolin. - Les résolutions européennes antérieures évoquaient un Haut représentant.
M. Jean-François Humbert. - À l'alinéa 11, je note que l'adjectif « humain » a disparu après « droits ».
M. Bernard Piras. - D'accord pour mentionner les « droits humains ».
M. Alain Richard. - Human Rights.
M. Simon Sutour, président. - Il semble que nous ayons maintenant un texte de synthèse.
M. Alain Richard. - Je suis gêné par certaines formulations. Ou bien il s'agit d'une affaire de droits de l'Homme à l'intérieur du territoire chinois, et dans ce cas, il est préférable de le dire. Quand on évoque l'intégrité territoriale de la Chine, on doit le faire d'une manière qui englobe le Tibet de façon non équivoque. En outre, il me paraît paradoxal de soutenir une position dont je ne suis pas sûr qu'elle soit celle du Dalaï-Lama et du gouvernement en exil, consistant à ne revendiquer que l'autonomie à l'intérieur de la Chine. Quand le Dalaï-Lama énonce ses cinq points, il propose simplement l'ouverture de négociations sans préalable : il dit « la Chine considère que le Tibet est une province, nous considérons que nous sommes une nation ». De ce point de vue, la recommandation faite aux Européens de soutenir un gouvernement en exil est en contradiction avec la position consistant à dire que c'est une question de droits de l'Homme à l'intérieur de la Chine. Je comprends l'intention et la position des auteurs de la proposition de résolution, il me semble néanmoins que de nombreux gouvernements européens ne peuvent suivre une position volontairement ambiguë.
M. Simon Sutour, président. - C'est une proposition de résolution à son premier stade.
M. Alain Richard. - Mais nous ne parlons pas pour ne rien dire !
M. Bernard Piras. - L'important est de favoriser la reprise du dialogue. Voilà l'objectif !
M. Alain Richard. - Nous ne l'atteindrons pas sans signifier aux Chinois que le Tibet est à l'intérieur de la Chine. C'est comme l'Espagne et le Pays basque.
M. Jean-François Humbert. - J'ai entendu le Dalaï-Lama à plusieurs reprises ces dernières années ; il se résout à ce que le Tibet soit une entité autonome au sein de la République populaire de Chine.
M. Alain Richard. - Ce serait mieux de le dire très clairement.
M. Simon Sutour, président. - Le rapporteur ayant accepté de nouvelles modifications, je vous propose de nous prononcer.
M. Michel Billout. - Mon groupe n'est pas coauteur de la proposition de résolution, mais ce n'est pas par désintérêt ou par désaccord. Simplement nous ne sommes que vingt ! Les questions sur les droits de l'Homme nous semblent importantes, et pas seulement au Tibet : les Kurdes de Turquie mériteraient aussi une proposition de résolution...
M. Jean Bizet. - Cela mettrait de l'ambiance...
M. Michel Billout. - Je partage le constat fait par MM. Humbert et Piras, et je crois plus sage et plus conforme à l'esprit européen de ne nommer un représentant spécial que dans les conflits bilatéraux ou multilatéraux. Je soutiens donc la proposition telle qu'elle a été modifiée par le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly. - J'appartiens à deux groupes d'études, sur la Chine et le Tibet, et j'ai cosigné la proposition de résolution de Jean-François Humbert. J'apporte mon soutien plein et entier au texte final.
M. Jean Bizet. - Je voterai pour la résolution. Je me réjouis que nous dépassions nos clivages politiques parce qu'il s'agit des droits de l'Homme.
M. Roland Ries. - Autonomie ou indépendance, nous ne sommes pas habilités à entrer dans ce débat. Quelle est, au fond, la stratégie du Dalaï-Lama ? Je voterai la proposition de résolution modifiée, compte tenu de l'objectif final : maintenir le dialogue entre les autorités chinoises et la communauté tibétaine en exil, progresser, à terme, vers la démocratie. Je me suis rendu au Tibet : la religion y est omniprésente, nous sommes quasiment dans un État théocratique, assez loin finalement du fonctionnement démocratique, pas seulement du fait de la Chine.
M. Bernard Piras. - Ça s'additionne...
M. André Gattolin. - Mon groupe soutient la proposition. Ne soyons pas trop inquiets au sujet des rétorsions commerciales de la Chine. De nombreux rapports font le bilan des représailles commerciales de la Chine envers les pays soutenant le Tibet : la situation a beaucoup changé depuis 2006. A preuve, les investissements chinois au Canada ont doublé depuis que Stephen Harper a reçu le Dalaï-Lama au début de l'année. La Chine fait très bien la différence entre la souveraineté politique et ses intérêts économiques, qui sont prioritaires.
M. Richard Yung. - Je voterai pour, car je n'apprécie pas qu'on me téléphone pour me dire ce que je dois faire.
M. Simon Sutour, président. - Je me réjouis de ce consensus.
A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité des présents, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :