Mardi 22 novembre 2011
- Présidence de Mme Anne-Marie Escoffier, présidente -Audition de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, notre mission s'est réunie la semaine dernière pour auditionner Mme Lepetit, directrice de la législation fiscale ; nous avons ainsi entamé un cycle d'auditions qui vise à l'examen des conséquences de la suppression de la taxe professionnelle pour l'Etat ; aujourd'hui, c'est le rapport avec le monde de l'industrie que nous aimerions aborder. C'est à ce titre que nous avons souhaité pouvoir vous entendre.
Nous vous avons remis un questionnaire qui nous permettra d'établir le dialogue puis, après votre intervention, de vous poser les questions qui conviennent.
Un petit nombre de sénateurs sont présents. En effet, nous débattons actuellement en séance publique du projet de loi de finances et accueillons par ailleurs de nombreuses délégations de maires de l'Association des maires de France.
Monsieur le ministre, vous avez la parole...
M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - Merci.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, votre mission d'information a pour objectif d'évaluer les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales, l'Etat et les entreprises et de son remplacement par la contribution économique territoriale.
Tout est dit dans le titre de cette mission. Il est très utile que le Parlement puisse évaluer la mise en oeuvre et les résultats de cette réforme. Vous jouez ainsi pleinement votre rôle dans l'évaluation des politiques publiques voulue par la révision constitutionnelle de 2008.
Je tiens à vous indiquer que le Gouvernement partage ce souci d'analyse, puisqu'il avait lui-même programmé, dès le début, l'évaluation de cette importante réforme. L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'administration (IGA) avaient ainsi été chargées de réaliser, rapidement, une première estimation des conséquences de cette réforme pour l'économie et les entreprises. Je reviendrai sur ces travaux, qui ont été publiés en mai 2010.
Dans le cadre de votre mission d'information, vous avez souhaité m'auditionner sur les conséquences de cette réforme pour notre industrie. Je n'interviendrai pas, en effet, sur l'impact de la réforme pour l'Etat et les collectivités territoriales, laissant à mes collègues ministres concernés le soin de le faire devant vous.
Comme vous le savez, cette réforme, annoncée en février 2009 par le Président de la République, a été mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2010. Nous avons donc encore peu de recul pour jauger précisément l'impact de la réforme, même si je constate régulièrement, dans mes déplacements et mes discussions avec les industriels français, ses effets positifs. Chaque fois que je vais visiter une usine, il n'en est pas une où on ne me dise pas avoir, grâce à la suppression de la taxe professionnelle, retrouvé des marges de manoeuvre ou pu investir. Je sais que cela a aussi frappé les esprits à l'étranger, auprès des investisseurs potentiels en France.
Il reste que nous ne disposons pas encore, à ce jour, des données pour l'exercice 2011 qui permettraient d'avoir un premier bilan de cette réforme sur deux ans. J'essaierai néanmoins de répondre au mieux à vos interrogations, en l'état des informations dont je dispose.
Avant de dresser un bilan industriel, il me semble important de revenir brièvement sur les raisons, du point de vue de l'industrie, qui ont conduit à cette réforme et sur le cadre dans lequel elle s'inscrit. Il s'agit tout d'abord d'une politique de reconquête ou d'amélioration de notre compétitivité industrielle.
Cette réforme était attendue depuis longtemps - pratiquement depuis la création en 1975 de cet impôt, que plusieurs experts et politiques avaient jugé « antiéconomique ». Tout le monde a la formule de François Mitterrand à l'esprit à propos de cet impôt « insensé et imbécile » qui a connu, dans sa suppression, des étapes successives, avec notamment l'intervention de Dominique Strauss-Kahn, à l'époque ministre de l'économie et des finances, qui a supprimé la part salariale de la taxe professionnelle.
Plus récemment, en 2009, le Conseil des prélèvements obligatoires avait reconnu son caractère « handicapant pour l'attractivité et la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence internationale ».
Je rappellerai trois raisons essentielles qui nous ont amenés à ne pas pérenniser ce dispositif... Tout d'abord, cet impôt nous singularisait au plan international : si la plupart des pays de l'Europe et de l'OCDE connaissent le principe d'une taxation locale des entreprises, il n'existait pas en revanche d'équivalent à la part relative aux équipements et aux biens mobiliers - le fameux EBM - de la taxe professionnelle. De fait, cet impôt pénalisait nos entreprises face à leurs concurrents dans la compétition internationale.
La taxe professionnelle, par ses modalités mêmes, nuisait à la compétitivité de nos entreprises. En premier lieu, elle avait d'abord un effet pénalisant sur l'investissement. Avec une assiette pesant à 80 % sur les investissements productifs, c'est l'outil de production de l'entreprise qui était taxé, renchérissant d'autant le coût du capital. La situation était absurde : plus une entreprise investissait, plus elle était taxée.
Par ailleurs, en pesant sur les facteurs de production, la taxe professionnelle aboutissait à taxer une activité avant même de savoir si elle était profitable. C'était donc une « double peine » pour les entreprises déficitaires qui subissaient un prélèvement important dans des conditions déjà délicates pour elles.
Cette taxe était particulièrement défavorable au secteur industriel puisqu'elle touchait plus fortement les secteurs les plus intensifs en capital, c'est-à-dire ceux dont le ratio investissement / valeur ajoutée est élevé. En outre, il s'agissait souvent de secteurs industriels évoluant dans des marchés soumis à une forte concurrence internationale comme l'automobile, les composants électroniques ou encore la métallurgie. Ainsi, un constructeur automobile, fabriquant un modèle en France, devait payer environ 300 euros de taxe professionnelle par véhicule alors qu'il n'en payait pas s'il le fabriquait à l'étranger ! La taxe professionnelle allait donc à l'encontre du maintien des emplois industriels sur notre territoire !
Au-delà de ces trois arguments - impôt sans équivalent dans le monde, pesant sur l'investissement, et principalement sur l'industrie - cet impôt était devenu au fil des années très complexe, une véritable « usine à gaz », difficile à comprendre et à gérer pour les entreprises. Pas moins de 68 textes de loi s'étaient succédé pour aboutir à la coexistence de six assiettes de taxe professionnelle et à la multiplication de règles particulières d'exonération, d'abattement, de répartition des bases d'imposition et de réduction de cotisations. Bref, la France conservait un dispositif peu lisible pour le secteur économique et très pénalisant pour l'investissement et l'emploi. Il était donc grand temps de mettre un terme à cet impôt.
C'est le sens de la réforme engagée le 5 février 2009 par le Président de la République, avec un objectif clair : garder nos usines et nos emplois en France et permettre à nos industriels de se battre à armes égales avec leurs concurrents étrangers.
Cette réforme, vous le savez, est entrée en vigueur en janvier 2010 avec l'article 2 de la loi de finances du 30 décembre 2009 qui supprimait la taxe professionnelle au profit de deux nouvelles impositions : la contribution économique territoriale (CET) et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER).
Que constate-t-on au bout d'un an de réforme de la taxe professionnelle ? L'industrie d'une part et les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) d'autre part, sont clairement les principales bénéficiaires de la réforme.
Dans leur rapport de mai 2010, réalisé sur la base des données 2009 de la DGFiP, l'IGF et l'IGA avaient analysé que cette réforme aurait trois principales conséquences : elle limiterait la hausse de la pression fiscale des entreprises, bénéficierait particulièrement aux petites entreprises et aurait un effet plus fortement positif sur l'industrie.
Les données 2010, dont nous disposons aujourd'hui, confirment toutes ces projections ; il en va d'ailleurs de même du très récent rapport sur les prélèvements obligatoires de Mme la sénatrice Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances du Sénat.
Quels sont les principaux constats sur l'exercice fiscal 2010 ?
Premier constat : la réforme permet une économie substantielle, de 8,2 milliards d'euros pour les entreprises. Cette économie s'entend par rapport aux charges qu'elles auraient dû verser si la taxe professionnelle était toujours en vigueur. Au lieu de payer l'an dernier 26,6 milliards d'euros au titre de la taxe professionnelle, elles ont réglé 18,4 milliards d'euros au titre de la CET, soit une économie de 8,2 milliards d'euros pour ces entreprises.
Deuxième constat : la très grande majorité des entreprises - plus de 60 % - en bénéficie. Elles sont 2 millions à avoir vu leur charge fiscale diminuer du fait de la suppression de la taxe professionnelle ; c'est bien supérieur à l'estimation initiale qui chiffrait les bénéficiaires à 1,1 million.
En outre, le gain moyen par entreprise « gagnante » est particulièrement élevé -4 080 euros ; il est sept fois supérieur à la perte moyenne - 604 euros - des entreprises qui n'y gagnent pas et qui sont une minorité, évaluée à 845 000.
Le Gouvernement avait anticipé que des entreprises seraient « perdantes » dans cette réforme et avait prévu des mécanismes correcteurs à cet effet. Je pense notamment au dispositif d'écrêtement qui permet de lisser, sur cinq ans, la hausse de la charge fiscale pour ces entreprises lorsque la charge fiscale est supérieure à 500 euros et supérieure de plus de 10 % à l'imposition qu'elles auraient normalement dû acquitter en 2010 au titre de la taxe professionnelle. Celles qui gagnent gagnent beaucoup ; celles qui perdent -peu nombreuses - perdent peu et de façon limitée.
Troisième constat : l'industrie sort majoritairement gagnante de cette réforme et cet objectif essentiel semble donc atteint. Les secteurs industriels bénéficient de 2,2 milliards d'euros de réduction de charge fiscale, soit près de 27 % des gains enregistrés en 2010. Dans la plupart des industries, les résultats sont supérieurs aux simulations de 2009 réalisées par l'IGF et l'IGA. En termes cette fois sectoriels, les premières analyses montrent que tous les secteurs industriels y ont gagné, même si certains se distinguent davantage.
C'est le cas de l'industrie des biens intermédiaires - textile, métallurgie, chimie, composants électriques, etc. - qui intervient en amont dans la chaîne de valeur industrielle et a bénéficié d'une baisse de 40 % par rapport à la charge de la taxe professionnelle.
Ce sont aussi les industries de biens d'équipement - aéronautique, navale, ferroviaire, mécanique - et de biens de consommation - habillement, équipement du foyer - exposées à la concurrence internationale, qui affichent une diminution de leur charge de plus de 25 %.
C'est encore l'industrie automobile, qui a bénéficié d'une baisse similaire, et qui enregistre le gain moyen par entreprise le plus important. Dans un marché ultra-concurrentiel où les sous-traitants sont particulièrement sous pression, cet allégement fiscal est donc le bienvenu.
Le quatrième constat permet d'écarter quelques idées reçues : ce sont les entreprises de petite taille et de taille intermédiaire qui ont le plus bénéficié de la réforme. C'est important dans notre pays dont le maillage industriel repose largement sur un tissu d'ETI et surtout de PME.
Ainsi, les entreprises dont le chiffre d'affaires se situe entre 152 500 euros et 3 millions d'euros ont pu constater une baisse de leur imposition en moyenne de 50 %, pouvant aller jusqu'à 70 %. C'est à comparer à une baisse de la charge fiscale de 20,8 % pour les grandes entreprises.
La réforme nous paraît donc avoir déjà atteint, dès la 1ère année de sa mise en oeuvre, deux objectifs majeurs qui lui avaient été assignés : mieux protéger notre industrie et ses emplois, notamment les PME-ETI, moteurs de la croissance et des exportations françaises. Je vous l'ai dit, je le constate lors de mes déplacements en région, en discutant avec des chefs d'entreprise. La suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par un impôt plus simple et plus lisible, qui ne pèse plus sur l'outil de production, a contribué à encourager le développement industriel, l'innovation et l'emploi, de plus dans une période de tensions économiques. Cet effet « contracyclique » est aussi à souligner.
L'impact de cette réforme peut se mesurer aussi en termes d'évolution de l'investissement même si, à nouveau, nous manquons encore de données et de recul pour l'appréhender. Cette réforme aura eu un effet d'accompagnement pour les entreprises, qui ont traversé en 2009 une des crises les plus fortes de leur histoire : - 23 points d'investissement dans l'industrie.
En diminuant les prélèvements obligatoires de 0,4 point de PIB en 2010, elle a pris en effet le relais des mesures de trésorerie du Plan de relance initié par le Gouvernement. Elle a également stimulé l'effort d'investissement, qui est reparti à la hausse dès le deuxième trimestre 2010. Cette même année, l'emploi industriel s'est stabilisé, ce qui n'était pas arrivé depuis plus de 25 ans -j'insiste sur ce point.
On peut voir dans cette reprise, pour partie au moins, les effets d'une anticipation par les chefs d'entreprise d'une réduction des coûts d'investissement liée à la réforme de la taxe professionnelle.
Cette dynamique s'est poursuivie en 2011. Les six premiers mois de l'année se sont ainsi traduits par un rebond de 4,5 points de l'investissement productif dans l'industrie, selon l'INSEE. C'est à signaler dans le contexte économique que nous connaissons.
En réduisant le coût marginal du travail et du capital, la réforme de la taxe professionnelle doit permettre de restaurer les marges de nos entreprises, trop faibles. A titre comparatif, le taux de marge moyen des entreprises françaises était d'environ 31 % entre 2000 et 2009, contre 40 % en Allemagne. Il s'agit bien de renforcer la capacité d'autofinancement des industries pour favoriser leurs investissements. L'objectif à nouveau est clair : favoriser la croissance, les salaires et les emplois. La réforme de la taxe professionnelle joue indubitablement un rôle très important.
Enfin, l'impact de cette réforme doit s'évaluer en lien avec d'autres volets de notre politique industrielle, tous orientés pour stimuler l'investissement. Je pense notamment aux investissements d'avenir, dont 50 % de l'enveloppe est consacrée à l'industrie, au crédit impôt recherche, qui selon l'IGF, devrait se traduire par une augmentation de 0,3 point de PIB d'ici à 15 ans en France et aux aides à la réindustrialisation. Ce dispositif doté de 200 millions d'euros sur 3 ans et orienté vers les ETI et les PME contribue aussi à relocaliser des entreprises ou à en renforcer l'ancrage territorial.
En conclusion, s'il est donc encore trop tôt pour développer une analyse précise de l'impact détaillé de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la CET, nous savons en revanche déjà que les premiers bilans et éléments obtenus convergent tous sur un point essentiel : cette réforme a déjà et aura un effet positif durable sur l'investissement, sur le développement et sur la protection de l'industrie et de l'emploi sur notre territoire.
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Merci pour cette présentation, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, vous nous l'avez indiqué clairement, les chiffres 2011 ne nous permettent pas encore de faire des analyses suffisamment fines sur l'évolution de cette mesure ; néanmoins, vous concluez par un jugement très positif sur les premiers effets qui ont pu être évalués.
Monsieur le ministre, il me semble que, dans votre intervention, vous avez peu abordé un point que nous avions souligné, qui fait partie de nos préoccupations, celui de l'effet de la suppression de la taxe professionnelle sur les délocalisations. Peut-être n'avez-vous pas les outils nécessaires pour le faire...
M. Eric Besson. - J'ai essayé de souligner combien la taxe professionnelle pesait sur l'investissement. La mission commune d'information du Sénat sur la désindustrialisation des territoires, présidée par M. Martial Bourquin, dont le rapporteur était M. Alain Chatillon, avait parfaitement diagnostiqué et stigmatisé son caractère désincitatif.
A l'inverse, la nouvelle taxe se situe bien dans une perspective beaucoup moins pénalisante pour l'investissement ; elle repose non plus sur les équipements et les biens mobiliers mais sur les valeurs locatives foncières d'une part et sur la valeur ajoutée des entreprises d'autre part.
J'ai également rappelé la diminution de 0,4 point de PIB de prélèvements obligatoires. Je n'y reviens pas. A plus long terme, la réforme doit permettre d'accroître l'attractivité en favorisant l'investissement des entreprises et l'emploi industriel.
S'agissant spécifiquement des délocalisations - même si vous avez raison de souligner d'entrée que le recul et les outils d'analyse manquent -, on peut dire que ce sont bien les entreprises et les activités industrielles les plus menacées et les plus susceptibles de délocalisation qui ont bénéficié des allégements les plus significatifs.
Dans l'industrie automobile, le gain moyen était de 73 000 euros par an en 2010. Il était, pour les industries de biens intermédiaires, de 28 688 euros. Les biens d'équipement, avec 16 244 euros, sont également largement bénéficiaires de la réforme.
Les chiffres paraissent modestes mais sont fonction de la taille des entreprises. On parle bien d'un chiffre moyen et donc d'un impact très important pour certaines.
Personne ne peut dire que les entreprises ne se sont pas délocalisées du fait de la suppression de la taxe professionnelle. C'est un ensemble qui permet d'y contribuer mais, à partir du moment où les plus menacées d'entre elles, celles qui sont le plus tentées de délocaliser leur outil de production, en ont été les principales bénéficiaires, on peut dire qu'il s'agit d'un instrument contre la délocalisation.
M. Charles Guené, rapporteur. - Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous dire l'intérêt que j'ai pris à entendre les chiffres que vous nous avez communiqués et combien j'ai apprécié le travail qui a été fait.
Pour avoir travaillé aux côtés des missions d'inspection générale et moi-même sur une mission diligentée sur le sujet, je trouve particulièrement intéressant que l'on fasse aujourd'hui une évaluation ex post : on pouvait imaginer ces résultats mais on n'en était pas sûr. Comme vous l'avez souligné, cette évaluation est assez difficile dans la mesure où une crise non négligeable vient en atténuer les effets possibles.
Avez-vous l'intention, au sein de votre ministère, d'établir une sorte de rapport périodique sur les effets de la réforme, dans la mesure où, comme on le sait, nous allons encore, durant quelque temps, bouger les lignes - même à la marge ? Avez-vous dû, pour effectuer ce travail, recourir à d'autres ministères proches ou tenez-vous ce tableau de bord à jour en permanence ? Est-ce un élément important de la stratégie nationale ?
Par ailleurs, même s'il est difficile, dans les conditions économiques actuelles, de mesurer l'effet anti-délocalisation de la réforme, a-t-on pu établir l'existence de réimplantations sur notre territoire dans certains segments d'activités auparavant assez fragilisées par la taxe professionnelle ? Je pense par exemple à l'industrie lourde.
M. Eric Besson. - Nous avons en effet l'intention de suivre l'impact de cette réforme -même si, je vous l'ai dit, nous sommes persuadés qu'elle a d'ores et déjà atteint ses objectifs. On pourra donc affiner, nuancer mais nous sommes convaincus, pour toutes les raisons que j'ai dites en introduction, que la réforme a atteint sa cible.
Il nous semble qu'il faudra attendre encore un ou deux ans pour qu'une évaluation chiffrée très précise puisse être faite. Vous avez raison de souligner que cela se fait en lien très étroit avec mes collègues en charge de l'économie, des finances et du budget, qui disposent des données fiscales.
En ce qui concerne les relocalisations, on assiste au début d'un mouvement. Je reconnais qu'il est assez limité, mais nous nous en réjouissons. Nous cherchons à accroître son impact. Nous avons accordé ainsi douze aides à la réindustrialisation (ARI), pour 235 millions d'euros d'investissements et 1 000 emplois. Je ne parle ici que des entreprises qui ont demandé l'aide de l'Etat. Il existe des exemples de relocalisations sans aide de l'Etat. Depuis 2005, une trentaine de cas ont été identifiés pour une création d'environ 6 000 emplois. Nous allons évidemment chercher à accroître ce phénomène ; on ne peut pas dire que c'est uniquement grâce à la suppression de la taxe professionnelle mais on peut considérer qu'elle y contribue. D'autres initiatives - crédit impôt recherche, fonds stratégiques d'investissement, outils de la politique industrielle - paraissent également intéressantes de ce point de vue...
Dans un contexte où tout le monde ne parle que de désindustrialisation supposée, je pense qu'il faut nuancer notre jugement. Sur l'année écoulée, on compte ainsi 360 créations ou extensions d'usines, soit une par jour. Il y a par ailleurs incontestablement des restructurations. Des délocalisations, cela existe mais j'ai déjà eu l'occasion de dire que ce vocable doit être nuancé. Certains investissements d'entreprises françaises à l'étranger ne constituent pas mécaniquement des délocalisations. Ils peuvent parfois se révéler rentables. Un certain nombre d'études montrent que ces créations d'emplois à l'étranger bénéficient en retour à l'emploi en France.
Un certain nombre de grands groupes industriels décident d'investir sur des marchés étrangers - automobile, transports, etc. Les créations d'emploi de l'Oréal à l'étranger, destinées à capter le pouvoir d'achat des classes moyennes grandissantes des pays émergents, ont un effet positif en France, où des emplois sont créés pour coordonner les emplois à l'étranger.
Tout cela laisse à penser que ces dispositifs d'aide à la relocalisation doivent connaître plus de succès à l'avenir. Certaines entreprises, vous le savez, se posent la question de la relocalisation en raison de la qualité de la main-d'oeuvre et des infrastructures françaises. Certains cadres désirent revenir vivre en France. Il existe un faisceau de circonstances qui peuvent contribuer à ce mouvement...
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Les douze aides à la réindustrialisation et les 1 000 emplois que vous avez évoqués concernent-ils des entreprises de taille intermédiaire, des PME ou des groupes ?
M. Eric Besson. - Toutes sont des PME et des ETI. Ce sont d'ailleurs celles qui peuvent bénéficier de l'aide à la réindustrialisation.
M. Alain Fouché. - Il existe plusieurs volets dans la réforme. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur son impact sur les entreprises de réseau, monsieur le ministre ?
M. Eric Besson. - Je peux vous donner des éléments écrits plus détaillés si vous le souhaitez.
Vous le savez, l'IFER -impôt forfaitaire pour les entreprises de réseau - a été créé pour préserver les ressources des collectivités ; cette imposition est estimée à 1,6 milliard d'euros et doit permettre de maintenir le prélèvement sur les entreprises au niveau des recettes de la taxe professionnelle.
L'IFER est constitué de neuf composantes correspondant à des catégories de biens - éoliennes et hydroliennes, installations de production d'électricité nucléaire, thermique, photovoltaïque, hydraulique, transformateurs, matériels ferroviaires, répartiteurs. L'IFER a été perçu par l'Etat en 2010 ; et il est perçu depuis 2011 par les collectivités territoriales ou leurs groupements intercommunaux. Les éléments dont nous disposons - et qui devront être confirmés - nous incitent à affirmer que l'IFER permet de maintenir le prélèvement sur ces entreprises - EDF, France Telecom, SNCF - au niveau des recettes qui étaient préalablement celles de la taxe professionnelle. L'objectif qui lui était assigné a donc été atteint.
M. Dominique de Legge. - Vous avez dit qu'environ 2 millions d'entreprises étaient gagnantes dans le nouveau dispositif et que 800 000 y perdaient plutôt. Vous avez donné quelques exemples des industries gagnantes - équipement, alimentation, automobile. Les perdantes sont donc plutôt des entreprises du domaine des services et du tertiaire. Avez-vous des éléments à nous livrer par rapport à la localisation géographique des entreprises gagnantes et des entreprises perdantes ?
Je suis dans un secteur industriel pour lequel ce dispositif a effectivement été, je le confirme, un ballon d'oxygène considérable. Les entreprises de services étant plutôt situées en milieu urbain, avez-vous des éléments à ce sujet ?
M. Eric Besson. - Globalement, vous avez entièrement raison : ce sont les entreprises de services et les entreprises financières qui sont les plus touchées - même si je répète qu'il y a plus de gagnants que de perdants.
Pour les 370 000 TPE, parfois présentées à tort comme perdantes, l'effet est plutôt neutre dans la mesure où leur perte moyenne est extrêmement faible - de l'ordre de 38 euros. Elles sont classées parmi les perdantes mais je ne suis pas sûr qu'elles méritent de l'être.
Nous ne disposons pas, à ce stade, d'une répartition géographique très précise ; la seule chose que je puisse dire, c'est qu'elle épouse la carte de l'industrie. Votre intuition paraît a priori la bonne - mais cela devra être confirmé : les entreprises gagnantes sont localisées dans nos grands secteurs industriels, les perdantes là où sont concentrées les prestations de services et les services financiers. Il existe fort heureusement parfois un recoupement des deux dans un certain nombre d'agglomérations.
M. Charles Guené, rapporteur. - Avez-vous eu des remontées du terrain selon lesquelles les petites entreprises éprouveraient des difficultés pratiques ?
Pensez-vous qu'il existe des possibilités d'optimisation de la nouvelle taxation ?
Qu'en est-il par ailleurs de la possibilité pour certains groupes d'intervenir sur la localisation de la ressource ?
Enfin, avez-vous le sentiment que la modification de la taxation concernant l'éolien change véritablement le résultat d'exploitation de ce type de société ?
M. Eric Besson. - Pour ce qui est des entreprises, j'espère ne pas me tromper mais je crois que l'on est resté à peu près au même niveau que pour la taxe professionnelle...
M. Charles Guené, rapporteur. - ... L'Etat payait une grande partie de la taxe professionnelle que versaient les entreprises qui sont aujourd'hui assujetties à l'IFER, notamment dans l'éolien.
M. Eric Besson. - On pourra vérifier. A ma connaissance, ce n'est pas le cas. Je suis maire d'une commune qui comporte cinq éoliennes sur son territoire. La discussion que j'ai eue avec la société exploitante ne m'a pas donné ce sentiment - mais je reconnais que mon affirmation est peu scientifique. J'essaierai donc de vous fournir des données complémentaires.
En ce qui concerne l'éventuel accroissement du fardeau administratif, la réponse, pour autant que je puisse en juger, est clairement négative. Les services de Bercy nous disent que les TPE ne se sont pas plaintes ; dès le début, la déclaration des effectifs salariés, notamment dans le cadre de la CVAE, a été pensée pour qu'elle ne se traduise pas par une augmentation des charges administratives. Des mesures de simplification ont été prévues par les décrets du 17 juin 2011.
Vous savez ce qu'il en est : les entreprises mono-établissements sont dispensées du dépôt de déclaration. Pour les entreprises multi-établissements, le salarié qui exerce son activité dans plusieurs établissements est déclaré dans celui où la durée d'activité est la plus importante. Ces dispositions sont effectives ; elles ont été mises en oeuvre pour la campagne de déclaration 2011. A ma connaissance, il n'y a pas eu de difficultés particulières.
S'agissant du taux de la CVAE selon le secteur d'activité, la différenciation par secteur existe déjà, vous le savez, le législateur ayant pris en compte la spécificité de la valeur ajoutée de certains secteurs d'activité. Cela visait notamment les entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre en limitant la valeur ajoutée à 80 ou 85 % du chiffre d'affaires.
Je sais qu'un certain nombre de parlementaires ou d'experts se sont interrogés sur le fait de savoir s'il fallait aller au-delà. Il nous semble que ce serait contre-productif, dans la mesure où une modulation du taux de la CVAE en fonction du secteur d'activité se heurterait à la réglementation européenne. Le dispositif pourrait être considéré comme une aide d'Etat incompatible avec les règles européennes. Je pourrais ajouter d'autres raisons mais, globalement, il ne m'apparaît pas nécessaire d'essayer de moduler le taux de CVAE.
Mme Patricia Schillinger. - Je suis sénatrice du Haut-Rhin et j'habite le « secteur des Trois frontières », entre l'Allemagne et la Suisse. Vous nous avez dit que l'on comptait des créations d'emploi. Or, nous constatons que de plus en plus d'entreprises allemandes et suisses viennent travailler chez nous dans le secteur du bâtiment et autres domaines.
Cet allégement de la taxe professionnelle n'a-t-il pas favorisé ces entreprises ?
M. Eric Besson. - Les entreprises étrangères dont vous parlez viennent-elles investir ou prendre des marchés ?
Mme Patricia Schillinger. - Elles viennent prendre des marchés.
M. Eric Besson. - Investissent-elles sur place ?
Mme Patricia Schillinger. - Je ne le pense pas. Il faudrait que je regarde de plus près. C'est gênant pour les entreprises qui sont chez nous. Nous attendions des créations d'emplois et autres avantages. Or, le travail va vers les entreprises allemandes...
M. Eric Besson. - On touche là à une question plus globale que celle de la taxe professionnelle ; elle relève de la compétitivité de notre industrie et singulièrement de la compétitivité comparée entre la France et l'Allemagne, la plus cruciale et la plus déterminante pour nous.
Cela mérite un jugement nuancé. Globalement, un certain nombre d'experts considèrent que notre compétitivité face à l'Allemagne - je n'en dirais pas autant à l'égard d'autres pays européens - s'est détériorée depuis une quinzaine d'années. Ils nous disent que c'est notamment dû - même si le sujet est politique, sensible et controversé- au coût du travail global : salaires, cotisations patronales, salariales etc. C'est moins grave en niveau qu'en tendance. En niveau, nous sommes maintenant légèrement au-dessus ; en tendance, nous avons perdu dix points à peu près en dix ans, ce qui est beaucoup plus ennuyeux, d'où le débat auquel nous n'échapperons pas sur l'avenir du financement de notre protection sociale. J'imagine que le prochain printemps électoral permettra d'en débattre... Quelle est la base ? Quelles que soient les thèses que l'on peut défendre, il est difficile d'être totalement tranché car il existe des avantages et des inconvénients. Il est certain que le secteur industriel est le plus concerné par le financement de la protection sociale et par la structure des prélèvements obligatoires.
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Jean-Jacques Lozach...
M. Jean-Jacques Lozach. - Vous avez rappelé que vous êtes à la fois ministre et élu local. Je voudrais donc vous poser une question qui dépasse le strict objet de nos préoccupations dans le cadre de cette mission. N'avez-vous pas le sentiment qu'il aurait été plus judicieux de supprimer la taxe professionnelle dans le cadre d'une grande réforme de la fiscalité locale plutôt que de l'aborder de manière indépendante ?
En second lieu, nous en sommes au stade d'un bilan provisoire. Lorsque, petit à petit, dans notre réflexion collective, on va appréhender ce bilan, devra-t-on se limiter à des données chiffrées, budgétaires, statistiques, quantifiables ou aborder cette question de la taxe professionnelle à travers beaucoup d'autres données, en particulier territoriales, en termes d'équité territoriale, de relations entre les collectivités et le développement économique, entre les élus et les entreprises ? Je ne sais pas si des changements d'attitude chez les élus locaux ont été décelés concernant les implantations industrielles mais ne faudra-t-il pas là aussi globaliser cette approche de la taxe professionnelle dans sa nouvelle version - sans parler des répercussions en termes de dynamique locale, y compris sur les territoires les plus ruraux ?
M. Eric Besson. - Cette question relève plutôt de la compétence de mes collègues.
L'expérience de l'histoire fiscale a montré que les grandes réformes ne sont faciles ni à concevoir, ni à mettre en oeuvre. Tous les fiscalistes rêvent d'un grand soir fiscal, d'impôts modernes, clairs, etc. Or, l'histoire fiscale est faite d'empilements successifs et cela me paraît difficile à imaginer. Je pense réellement que, pour l'industrie, la suppression de la taxe professionnelle était absolument indispensable. On parle beaucoup en ce moment de l'industrie automobile. L'économie de 300 euros de taxe professionnelle que réalise un constructeur automobile en localisant la fabrication d'un véhicule d'entrée de gamme de l'autre côté de l'une de nos frontières constitue un exemple frappant.
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Vous avez indiqué que dans le secteur automobile, la taxe professionnelle rapportait en France 300 euros par véhicule. Pouvez-vous aujourd'hui donner la même indication s'agissant de la CVAE ? Peut-être pourrez-vous le préciser par écrit ?
M. Eric Besson. - Avec plaisir...
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Enfin, quel rôle nos conseillers économiques à l'étranger jouent-ils dans cette réforme ?
M. Eric Besson. - On pourra leur demander un rapport d'activité ou une réponse précise. De façon évidente, lorsqu'ils représentent la France, cela fait partie des éléments qu'ils mettent en avant.
Prenons le secteur des hauts-fourneaux et de l'acier : il est évident que la suppression de la taxe professionnelle est l'un des éléments, avec les investissements d'avenir, qui peut être déterminant dans le maintien d'une activité en France. Je pourrais citer d'autres exemples : l'activité de raffinage est une activité très fragile au sens où l'Europe est en surcapacité, où notre consommation d'essence diminue, où la part du gas-oil, en France, est beaucoup plus importante que dans la moyenne européenne et où les marges sont très faibles, alors que les pays producteurs de pétrole ne souhaitent désormais exporter que les seuls produits raffinés.
Voilà un exemple très précis où la suppression de la taxe professionnelle joue un rôle-clé dans le maintien de raffineries, dont le taux de marge est négligeable. Nos conseillers utilisent donc cet argument lorsqu'ils présentent les atouts de la France. Une fois encore, on pourra leur demander un rapport d'activité très précis si vous le souhaitez.
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Y a-t-il d'autres questions ? Je n'en vois pas.
Nous vous remercions de votre intervention, monsieur le ministre, ainsi que vos conseillers. Nous vous remercions des renseignements que vous nous avez apportés et du temps que vous consacrerez à compléter certaines de vos réponses par des documents que vous nous transmettrez ultérieurement.
Audition de M. Julien Dubertret, directeur du budget
Nous accueillons maintenant le directeur du budget. Monsieur le Directeur, notre Mission cherche à porter une appréciation sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité vous entendre.
Vous nous trouvez en petit effectif. Nous sommes en effet mobilisés en ce moment par les débats de la loi de finances ; par ailleurs, débutait cette semaine le Congrès des Maires et -vous vous en doutez- nous nous devons d'accueillir les élus. Un document vous a été remis ; nous espérons qu'il pourra vous servir de guide pour votre intervention devant les membres de la mission. Vous avez la parole...
M. Julien Dubertret, directeur du budget. - Madame la Présidente, ce sujet est d'une redoutable complexité. A la suite de vos premières auditions, vous en savez peut-être plus que moi. J'essaierai d'être précis, le questionnaire que vous m'avez communiqué appelant des éléments de réponse assez développés et généraux. Par ailleurs, il requiert des explications ligne par ligne qui se prêtent peut-être plus à un échange écrit, quitte à ce que vous me sollicitiez à nouveau pour des explications détaillées. La première question porte sur le coût actualisé et le coût net de la réforme de la taxe professionnelle pour l'Etat en 2010 ainsi que sur les chiffres prévisionnels pour l'année 2011 et les prévisions pour l'année 2012.
C'est une question simple et complexe à la fois. Je vais essayer de la traiter de façon chronologique. S'agissant de 2010, le coût initial estimé pour l'Etat était de 11,7 milliards d'euros, correspondant à ce qu'on a appelé de manière un peu triviale la « bosse de coût », ce surcoût temporaire étant évidemment bien supérieur à un coût en moyenne période se situant entre 4 et 5 milliards d'euros.
Cette évaluation traduisait le fait qu'en plus du coût lié au passage d'un impôt à un nouvel impôt -qui se décompose en deux sous-impôts spécifiques - et à la différence de rendement entre l'ancienne et la nouvelle imposition, s'ajoutait le fait que l'Etat ne recouvrait que partiellement les nouveaux impôts en 2010.
La première année, 90 % de ces nouveaux impôts étaient recouvrés par l'Etat, celui-ci ayant gardé pour lui en contrepartie le produit des impôts. L'effet de la disparition progressive et non immédiate du coût des dégrèvements de taxe professionnelle a été l'autre élément majeur expliquant cette « bosse » temporaire.
Parmi ces trois éléments de surcoût temporaire, l'un, relatif au coût des dégrèvements - et singulièrement au coût du dégrèvement lié au plafonnement de la valeur ajoutée - a fortement varié et explique pour finir que le coût net pour l'Etat de la réforme de la taxe professionnelle, en 2010, a été actualisé à 7,8 milliards d'euros au lieu de 11,7 milliards d'euros. Cette différence de 3,9 milliards est en quasi-totalité liée à la variation d'estimation du coût du plafonnement de la valeur ajoutée.
Pour autant, le coût pour l'Etat n'a pas été moindre que prévu mais on ne l'a découvert qu'après. Ceci traduit le fait que le coût du plafonnement de la valeur ajoutée s'est réparti sur les années 2009 et 2010 de façon différente de celle initialement imaginée. De façon peut-être trop conventionnelle -mais il fallait bien choisir une hypothèse - le Gouvernement a supposé que ce plafonnement en valeur ajoutée se répartissait à 50 % sur 2009 et à 50 % sur 2010, estimant que les entreprises n'auto-imputaient sur leur taxe professionnelle pas plus de la moitié de l'effet de plafonnement de la valeur ajoutée.
Autrement dit, les entreprises ayant la faculté d'anticiper l'effet à leur bénéfice du plafonnement de la valeur ajoutée, on estimait que ce comportement n'était pas mobilisé à hauteur de plus de 50 % de la totalité des droits que les entreprises pouvaient faire valoir.
On sait depuis quelque temps que la proportion dans laquelle le plafonnement de valeur ajoutée auto-imputé par les entreprises était plutôt de l'ordre de 80 %, la question étant de savoir s'il s'agissait d'un comportement spécifique à 2009 ou d'un comportement pérenne. Tout donne à penser qu'il s'agissait d'un comportement pérenne et que, de façon régulière, en régime de croisière, les entreprises mobilisaient environ 80 % de la créance par anticipation sur l'année suivante.
Ce n'est donc pas tant le coût temporaire de la bosse qui a été revu à la baisse que sa répartition dans le temps. On s'aperçoit aujourd'hui que, du fait de comportements anciens - peut-être légèrement accentués par la crise de 2009 - et permanents, une partie du coût de 11,7 milliards d'euros a été anticipée. Je ne nie pas que le passage de 11,7 milliards d'euros à 7,8 milliards d'euros traduise une révision à la baisse du coût de cette réforme mais il constitue toutefois a posteriori une anticipation passée en partie inaperçue, liée à un comportement des entreprises consistant à anticiper autant que possible - de manière au fond assez naturelle- les droits qu'elles pouvaient mobiliser au titre du plafonnement de la valeur ajoutée.
Pour quel motif n'a-t-il pas été possible de percevoir plus clairement et plus tôt ce comportement des entreprises ? Comment expliquer qu'en réalité, en entrant dans l'année 2011, on avait déjà largement anticipé une partie du surcoût temporaire ? Je ne suis pas le mieux placé pour répondre. Peut-être avez-vous déjà interrogé la DGFiP sur ce sujet...Je crois que cela traduit le fait que les systèmes d'information qui gèrent la taxe professionnelle n'ont pas été conçus pour gérer cette réforme. C'est une évidence : au moment où l'on a mis en oeuvre cette réforme, on ne réalisait pas à quel point ils pouvaient être lacunaires en informations utiles pour répartir de façon fiable et certaine le surcoût portant sur 2009 et 2010. En effet, ces systèmes ne permettent pas de faire le départage entre les déremboursements et les prises en charge par l'Etat correspondant à un versement direct à des entreprises d'une part et d'autre part à des dégrèvements correspondant à la prise en compte d'auto-imputations réalisées par les entreprises.
A défaut de pouvoir faire cette distinction et d'analyser clairement la consistance des deux flux, on en a été réduit à faire des hypothèses à hauteur de 50-50. Je vous ai dit ce qu'il fallait en penser et comment la proportion s'est finalement révélée plus proche de 80-20.
C'est plutôt une bonne nouvelle pour 2011 ; elle traduit le fait qu'une partie du surcoût de la réforme a déjà été supportée en 2009. En revanche, pour le régime de croisière, il est frappant de constater l'extraordinaire stabilité du coût qui ressort de ces différentes estimations. On reste bien entre 4 et 5 milliards d'euros -autour de 4,3 à 4,8 milliards d'euros. On verra exactement ce que cela représente pour 2011 et les années suivantes. C'est assez remarquable, compte tenu de l'immense complexité qui était associée à la mise en oeuvre de cette réforme.
S'il y a eu, à l'évidence, un réel défaut d'évaluation sur la répartition du surcoût temporaire, la gravité de ce constat paraît atténuée par le fait que ce n'est pas tant une erreur d'estimation que de répartition. Pour ce qui est du coût en régime de croisière, je suis plutôt heureux de constater la grande stabilité de l'évaluation, qui tend à démontrer la qualité du travail fourni dans tout le processus d'élaboration, de vote et de mise en oeuvre de la réforme. Je le dis d'autant plus volontiers que mes services ne sont pas directement impliqués dans la mise en oeuvre de cette réforme -même si, comme il se doit, nous la suivons de très près depuis le début. L'actualisation des données intégrées au collectif budgétaire 2011, pour 2011 et 2012, fait ressortir un coût prévisionnel de 4,8 milliards d'euros pour 2011 et de 4,4 milliards d'euros pour 2012.
S'agissant de 2011, les 4,8 milliards d'euros correspondent à une nouvelle estimation à la hausse. L'estimation initiale du coût 2011 était de 4,3 milliards d'euros, soit une progression d'environ 500 millions d'euros pour l'Etat. Je peux vous en donner la décomposition : elle correspond à des mouvements en sens contraire sur différentes dotations, essentiellement une augmentation des dotations budgétaires de compensation de la réforme dans son volet complément de compensation-relais, pour 270 millions d'euros et 838 millions d'euros sur la DCRTP.
On constate en outre une révision à la hausse du gain sur les remboursements et dégrèvements de l'ordre de 200 millions d'euros et des recettes supplémentaires au titre des dispositifs en voie d'extinction pour 300 millions d'euros.
Pour 2012, j'ai indiqué que l'estimation était de 4,4 milliards d'euros ; le coût en régime de croisière est estimé à environ 4,5 milliards d'euros.
M. Charles Guené, rapporteur. - Peut-on considérer que les 3,9 milliards d'euros d'écart constatés ont déjà été évalués comme se rapportant à l'année 2009 ?
M. Julien Dubertret. - Je ne sais pas si l'on peut considérer que la totalité des 3,9 milliards peut être intégrée à l'année 2009 mais une large part de ce coût correspond à une anticipation involontaire sur 2009.
M. Charles Guené, rapporteur. - Ce que vous définissez comme un gain sur les remboursements me fait songer à un amendement qui est à l'étude et qui consisterait à supprimer les exonérations de l'ancienne taxe professionnelle qui perdurent et qui ne sont pas compensées par l'Etat. En effet, des parlementaires se sont aperçus que, par le jeu de la nouvelle taxe, certaines communes proposent à de petites entreprises qui n'acquittaient pas la taxe professionnelle de continuer à les exonérer. Ce faisant, elles exonèrent l'Etat...
M. Julien Dubertret. - Comment est-ce possible ?
M. Charles Guené, rapporteur. - Sans exonération, ces entreprises n'acquitteraient rien mais l'Etat serait obligé de le faire à leur place.
M. Julien Dubertret. - Je vois mal, s'agissant d'un dispositif nouveau, comment des exonérations non compensées auraient pu se mettre en place. Certes, le dégrèvement barémique exonère les petites entreprises par paliers successifs mais, dans mon esprit, la totalité des exonérations prévues par le barème est compensée par l'Etat qui prend en charge la cotisation en lieu et place des entreprises.
Je vérifierai mais il n'existe pas, selon moi, de possibilité permettant à des collectivités d'accorder une exonération non compensée, celle-ci étant à mon sens entièrement déterminée par la loi d'une part et d'autre part systématiquement compensée par l'Etat.
M. Charles Guené, rapporteur. - On a demandé aux collectivités locales de choisir avant le 30 septembre ou le 1er octobre les exonérations qu'elles souhaitaient reconduire. Très souvent, elles ont retenu les mêmes qu'auparavant. Or, ce sont des exonérations facultatives non compensées par l'Etat.
Auparavant, cela présentait un intérêt pour les entreprises qui s'implantaient et qui en étaient exonérées, la charge étant reprise par la collectivité territoriale.
M. Julien Dubertret. - Vous faites ici référence à une faculté dont disposaient les collectivités et qu'elles ont continué à pratiquer avec la CET ?
M. Charles Guené, rapporteur. - Oui. Et je me posais la question de savoir si ce dispositif expliquait en partie les 300 millions d'euros que vous avez évoqués.
M. Julien Dubertret. - A ma connaissance, les chiffres de moindres dépenses de remboursements et de dégrèvements et de recettes supplémentaires sur dispositifs en voie d'extinction concernent exclusivement les queues de comète du régime de la taxe professionnelle.
L'Etat doit continuer à gérer des remboursements et des dégrèvements antérieurs et à recouvrer la taxe au bénéfice du compte d'avance aux collectivités territoriales au titre de rôles antérieurs. Ce sont des sujets très marginaux au regard de l'ampleur de la réforme. Ils restent cependant assez substantiels en termes de finances publiques ; quand on parle de recouvrement sur des rôles antérieurs, s'agissant d'un impôt de plus de 30 milliards d'euros, on a des ordres de grandeur de plusieurs centaines de millions d'euros -mais il s'agit de la fin de gestion du dispositif antérieur.
M. Charles Guené, rapporteur. - Je vous prie de m'excuser d'avoir compliqué le dossier à loisir : vous avez réussi à simplifier un sujet complexe à propos duquel on n'avait pas encore d'éléments...
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Dominique de Legge...
M. Dominique de Legge. - M. Besson nous a dit tout à l'heure qu'environ 2 millions d'entreprises étaient gagnantes pour 4 080 euros en moyenne. Cela fait environ 8 milliards d'euros. Dans le même temps, il affirme que 845 000 entreprises ont perdu en moyenne 604 euros, soit un total de 500 000 euros. J'arrive à 8,5 milliards d'euros. Comment passe-t-on de 4,5 millions d'euros à 7,5 milliards d'euros ? Je pense que ceci est dû à l'impôt sur les sociétés et aux dégrèvements mais j'aurais souhaité en avoir confirmation...
M. Charles Guené, rapporteur. - Ce que paient les entreprises et la résultante pour l'Etat n'est pas forcément du même ordre.
M. Julien Dubertret. - Votre demande est tout à fait légitime. Je n'avais jamais fait le calcul sous cette forme en partant des gains réalisés par les entreprises pour arriver au coût pour l'Etat. Nous allons nous efforcer de le faire ; je propose qu'on vous le transmette. Cela peut prendre un peu de temps...
M. Charles Guené, rapporteur. - Nous l'avions fait sous forme prévisionnelle : tout le monde nous avait dit qu'il s'agissait d'une usine à gaz !
M. Julien Dubertret. - En tout état de cause, nous devons un rapport pour le premier semestre 2012. Nous allons essayer de vous apporter la réponse avant cette date. C'est toutefois d'une redoutable complexité. Il va falloir que je mobilise des compétences qui se trouvent dans d'autres directions du ministère. Je requiers donc un léger délai pour pouvoir vous répondre.
Quoi qu'il en soit, l'écart entre 8,5 milliards et 7,8 milliards d'euros n'est pas considérable, compte tenu du nombre de facteurs qui interviennent dans les éléments de détermination du surcoût d'une année qui additionne le coût du régime de croisière et qui prend en compte les éléments de coût afférents au précédent régime, qui viennent en extinction selon une vitesse que l'on est obligé de réévaluer. Je pense que nous en sommes relativement proches. Toutefois, une vingtaine de facteurs expliquent la différence entre les deux chiffres que l'on vient de mentionner.
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Un point d'ordre : notre rapport doit être remis fin février. Vous voyez la difficulté dans laquelle nous vous plaçons !
M. Julien Dubertret. - J'ai bien noté votre requête. Je la transmettrai à mes collègues de Bercy qui m'aideront à répondre à votre question...
Vous me demandez en second lieu d'expliquer, pour chaque ligne du tableau fourni en annexe, le cas échéant, le détail des évaluations inscrites et les raisons des hausses ou des baisses constatées entre les années 2010, 2011 et 2012 ainsi que les différences par rapport aux évaluations initiales du coût de la réforme ; je vous propose de vous adresser une réponse écrite. Mes collaborateurs et moi-même sommes bien entendu à votre disposition pour un commentaire complémentaire.
La question suivante porte sur le coût du plafonnement de la CET à hauteur de 3 % de la valeur ajoutée. L'estimation du coût de ce plafonnement est de 730 millions d'euros ; ce plafonnement concerne essentiellement des entreprises industrielles ayant un foncier important.
Par ailleurs, vous m'interrogez sur le coût du plafonnement de la valeur ajoutée à 80 % du chiffre d'affaires. Le coût brut de ce plafonnement est estimé à 120 millions d'euros ; en revanche, il y a double compte avec des éléments de dégrèvement transitoire et des effets de plafonnement de valeur ajoutée antérieurs.
M. Charles Guené, rapporteur. - Autant que je me souvienne, on avait prévu que le coût du plafonnement de la valeur ajoutée serait négligeable au moment de la réforme. Le chiffre ne me paraît pas si faible que cela...
M. Julien Dubertret. - Nous allons vérifier l'estimation initiale...
M. Charles Guené, rapporteur. - Je ne suis pas certain qu'il y en ait eu une. Lorsqu'on a discuté de ce plafonnement, on avait estimé qu'il ne s'appliquerait pratiquement jamais ou serait extrêmement rare.
M. Julien Dubertret. - Dans le PLF 2011, établi fin août ou début septembre 2010, on avait inscrit 650 millions d'euros au titre de ce plafonnement. On reste donc dans les mêmes ordres de grandeur. Ce chiffre était-il très supérieur aux estimations qui avaient prévalu au moment où la réforme a été votée ? Je me propose de le vérifier et de vous transmettre la réponse.
M. Charles Guené, rapporteur. - Cela peut-il ne jouer que sur très peu d'entreprises ?
M. Julien Dubertret. - Mon intuition, que j'essaierai de conforter par des données chiffrées plus solides, est que l'on est resté à peu près dans l'ordre de grandeur prévu, ne serait-ce que parce que le coût à moyen terme de la réforme n'a pas été réévalué sensiblement.
J'appelle aussi votre attention sur le fait que, pour important que ce dégrèvement puisse apparaître, il est extraordinairement faible par rapport au dégrèvement sur le plafonnement de la valeur ajoutée qui restait. Pour être complet, peut-être faudrait-il prendre en compte le dégrèvement barémique mais, même avec cela, on est loin des 11 à 12 milliards d'euros... On est impressionné par le chiffre mais je pense que cela reste dans l'ordre de grandeur prévu. Les dégrèvements restent par ailleurs faibles par rapport à ce que l'on faisait auparavant.
M. Charles Guené rapporteur. - On ne sait pas comment cela peut évoluer si on se retrouve demain dans une meilleure conjoncture. Cela peut être également parce que la valeur ajoutée est faible.
M. Julien Dubertret. - Peut-il y avoir un lien avec l'activité économique ? Selon moi, ce dégrèvement est là pour protéger des entreprises déjà protégées par un premier plafonnement au titre de la CVAE, de telle sorte que les entreprises ayant des emprises foncières importantes ne soient pas fortement toisées. J'ai donc le sentiment que c'est plutôt le comportement foncier de l'entreprise qui est de nature à agir sur ce dégrèvement.
M. Charles Guené, rapporteur. - Pouvez-vous nous donner des éléments chiffrés sur le nombre d'entreprises et nous dire à quelles branches elles appartiennent ? Pour quelle valeur moyenne sont-elles impactées ?
M. Julien Dubertret. - Ce sont des données que détient la DGFiP. Je transmettrai donc votre demande à Philippe Parini.
Je reprends les caractéristiques du barème de la CET : au fond, la partie CVAE répond à un barème plafonné par un taux ; je ne pense pas que c'est à ce titre que l'on peut déclencher le plafonnement à 3 % de la valeur ajoutée. Ce plafonnement se déclenche si, à une CVAE qui plafonne à 1,5 %, au maximum du barème de la valeur ajoutée d'une entreprise, s'ajoute une cotisation de CET très importante, du fait des emprises immobilières de la société.
Si des entreprises avaient des comportements d'extension d'emprises foncières irrationnels et décorrélés de leur activité et de la valeur ajoutée générée, on pourrait en effet se retrouver dans une situation où le coût de ce dégrèvement augmente.
En revanche, les entreprises, logiquement, devraient, si elles ont un ratio valeur ajoutée sur foncier qui n'est pas très bon, être incitées à réduire leurs emprises foncières. On peut imaginer que ce dégrèvement ne soit pas une incitation très forte à rationaliser les friches industrielles pour ceux qui en ont mais je ne pense pas commettre d'erreur en exprimant l'idée que seule la composante de cotisation foncière est de nature à avoir un effet sur le déclenchement et l'ampleur de ce dégrèvement, ce qui est plutôt rassurant quant à son évolution antérieure.
M. Charles Guené, rapporteur. - Cela doit se focaliser sur un segment économique.
M. Julien Dubertret. - Je le pense. Nous vous fournirons ces éléments.
Votre question suivante concerne le coût du dégrèvement barémique de CVAE. Vous me demander de distinguer chaque tranche du barème et de préciser le coût du dégrèvement supplémentaire de 1 000 euros pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros.
Le coût de ce dégrèvement barémique vous est présenté dans le collectif d'automne déposé à l'Assemblée nationale le 16 novembre et que vous examinerez bientôt ; il est de 3,4 milliards d'euros à l'issue de calculs de recadrage effectués début novembre par la direction générale des finances publiques.
S'agissant de la répartition de ce coût entre les différentes tranches du barème, que je vous transmettrai également par écrit, pour la tranche qui va de 152 000 euros à 500 000 euros, le pourcentage du coût total est de 22,4 % ; pour la tranche de 500 000 euros à 3 millions d'euros, le pourcentage du coût total est de 53,6 %. On retrouve dans la tranche de 3 à 10 millions d'euros de chiffre d'affaires 21,3 % des 3,4 milliards que je mentionnais ; pour la tranche 10 millions à 50 millions, la proportion du coût total est de 2,7 milliards ; pour les chiffres d'affaires supérieurs à 50 millions, il n'y aurait aucune prise en charge, le total devant atteindre 100 %.
Vous me demandez d'établir un tableau récapitulatif du coût des dégrèvements et des compensations maintenus dans le cadre de la CET en les mettant en regard du coût des dégrèvements et des compensations existants sous le régime de la taxe professionnelle.
Mes services ont établi un tableau qui comporte une quinzaine de lignes. Nous vous le transmettons et nous tenons à votre disposition pour le commenter.
Vous avez enfin souhaité obtenir des précisions sur le coût de la décision du Conseil constitutionnel relative aux professionnels soumis au régime des BNC pour 2010, 2011 et 2012.
Le coût actualisé pour octobre-novembre, en cohérence avec le recadrage effectué dans le collectif de fin d'année, est de 840 millions d'euros, ce qui est à peu près conforme à l'estimation que l'on en faisait au moment où la décision a été prise : 166 millions pour les entrepreneurs qui suivent le régime déclaratif spécial des BNC, 657 millions pour les entreprises soumises au régime de la déclaration contrôle qui emploient moins de cinq salariés et 15 millions d'euros pour les entreprises ayant opté pour l'impôt sur les sociétés.
M. Dominique de Legge. - Vous faites état d'une perte de recettes liée à l'abaissement des frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvement et de non valeurs. De façon générale, l'Etat a revu le coût de fonctionnement de ses services destinés à lever l'impôt. Il s'agit d'une perte de recettes pour 2011 de 4,2 milliards d'euros. On arrive donc à un taux de fonctionnement de 20 %...
M. Julien Dubertret. - Comme vous le savez, les frais d'assiette et de recouvrement, dans le cours du débat sur la réforme de la taxe professionnelle, ont fait l'objet - ce qui n'était pas initialement envisagé - d'un transfert au profit des collectivités, au niveau des strates communales et au niveau départemental.
Pour dire les choses clairement, ces frais d'assiette et de recouvrement ne constituent pas en eux-mêmes une mesure analytique du coût de l'impôt. C'est un préciput que l'Etat prend sur le recouvrement de ressources sur lesquelles, par ailleurs, il assure les collectivités contre des aléas de recouvrement. Je me suis essayé, dans des fonctions antérieures mais proches, à un exercice que beaucoup de fonctionnaires ont tenté à la direction du Budget, afin d'étudier comment les plus et les moins se répartissaient entre l'Etat et les collectivités territoriales, en prenant les frais d'assiette et de recouvrement, la garantie de recouvrement à 100 % assurée par l'Etat aux collectivités -sachant que l'on ne recouvre jamais à 100 % - et en tenant compte de l'obligation de dépôt des fonds au trésor et de différentes autres choses, comme le coût financier de l'avance faite au long de l'année du produit d'un impôt qui n'est recouvré qu'en fin d'année...
Je n'ai jamais trouvé de réponse claire à la question de savoir qui était gagnant ou perdant. En moyenne, cela s'équilibre à peu près. Les thuriféraires ont de la chose une vision plus jacobine et des approches plus tranchées, ayant tendance à considérer qu'en l'état actuel, le dispositif est à peu près équilibré. Il est sûr que ces frais d'assiette et de recouvrement sont maintenant passés du côté des collectivités locales. Pour ce qui est de la taxe professionnelle ou de ce qui en tient lieu aujourd'hui, les choses sont rééquilibrées très fortement et positivement en faveur des collectivités territoriales, qui bénéficient désormais des frais d'assiette et de recouvrement et de l'avance régulière, à un niveau particulièrement important au cours de l'année, celle-ci étant faite sur un produit globalement estimé. Les collectivités territoriales sont enfin assurées de recevoir 100 % du produit voté.
Que dire d'autre ? Ces frais d'assiette et de recouvrement n'en étaient peut-être pas formellement. Ce n'est un secret pour personne et le sujet a été évoqué dans le cours des débats, ici comme à l'Assemblée nationale, à de nombreuses reprises pendant des années. Il existe un consensus pour dire qu'il s'agissait d'un état de fait, un impôt sur l'impôt. Les collectivités locales en bénéficient maintenant en matière de taxe professionnelle. Cela fait partie du grand équilibre entre l'Etat et les collectivités locales, en prenant en compte les contraintes globales de redressement des finances publiques que nous devons à nous-mêmes et à nos partenaires européens.
M. Dominique de Legge. - On savait que c'était un préciput et on en mesure bien l'importance mais cela mérite d'être corrélé avec un autre débat sur la RGPP, le désengagement de l'Etat et le fait que l'Etat n'apportait plus de prestations de services. On en a ici l'exemple. Peut-être fournissait-il la prestation de services mais il envoyait la facture aux collectivités. Dans ce cas précis, il la garde ! C'est plutôt une bonne nouvelle...
M. Julien Dubertret. - On est passé de 8 à 3 %... Tout cela a un coût. Ce n'est peut-être pas le lieu d'ouvrir un chantier sur la question. L'Etat assure par tradition un assez haut niveau de prestations et de présence auprès des collectivités territoriales, que ce soit par le recouvrement du produit voté des impôts, par l'avance ou la tenue des comptes, qui mobilisent environ 25 000 fonctionnaires de la DGFiP. On a trouvé opportunément, dans le cadre des débats, cette recette complémentaire pour assurer l'équilibre final de la réforme et la dotation des collectivités territoriales en ressources. Cela aurait pu être un autre moyen.
Au-delà, il m'est difficile d'apporter un commentaire...
Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Nous vous avons écouté avec intérêt -même si nous ne partageons pas forcément toutes vos observations.
Nous vous remercions par avance des documents que vous pourrez nous communiquer dans les semaines à venir.