Mercredi 15 juin 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Amélioration et sécurisation de l'exercice du droit de préemption - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 323 de M. Hervé Maurey et plusieurs de ses collègues, visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption (M. Hervé Maurey, rapporteur).
M. Hervé Maurey, rapporteur. - La présente proposition de loi vise à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption. Elle est issue des travaux menés par notre commission dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit déposée par M. Jean-Luc Warsmann, que nous avions examinée à l'automne dernier.
Ce texte comportait en effet une réforme d'ampleur du droit de préemption urbain, que nous avions jugée inacceptable. C'est pourquoi nous avions adopté un amendement de suppression, également présenté par M. Bernard Saugey, rapporteur au nom de la commission des lois. Cette dernière, saisie au fond du texte, avait supprimé le dispositif du texte qu'elle avait adopté.
J'avais toutefois constaté, au cours de mes auditions, qu'un certain nombre d'évolutions du droit applicable à la préemption étaient souhaitables, mises en valeur notamment par une étude du Conseil d'État datant de 2007. Et je m'étais engagé à élaborer un texte sur le sujet.
C'est donc l'objet du présent texte, qui s'inspire largement des conclusions du groupe de travail relatif aux stratégies foncières, constitué dans le cadre de la démarche initiée en juin 2010 par le secrétaire d'État au logement Benoist Apparu intitulée « Vers un urbanisme de projet ».
Au terme de cette démarche, j'ai pu constater que cette proposition de loi faisait consensus entre des acteurs - propriétaires privés, aménageurs, élus locaux, opérateurs fonciers - dont les intérêts peuvent parfois être divergents. Tous ont estimé que ce texte était équilibré, entre le droit des propriétaires à disposer de leur bien et la nécessité de donner à la puissance publique des leviers d'aménagement urbain.
Avant de vous présenter le contenu de ce texte, je vous rappelle quelques éléments sur le droit de préemption.
Tout d'abord, son institution est très fréquente, puisque 80 % des communes dotées d'un document d'urbanisme l'ont institué. En revanche, il ne s'exerce que sur environ 1 % des transactions. Ceci montre que ce droit est utilisé par les collectivités pour mieux connaître les conditions auxquelles les transactions se déroulent sur un territoire donné. Elle leur permet de constituer un observatoire foncier, dans un contexte de relative opacité du marché foncier.
Par ailleurs cet outil est moins contraignant que l'expropriation, puisqu'il s'applique à des biens dont le propriétaire avait l'intention de se séparer, et son utilisation est beaucoup plus souple.
Le présent texte vise à répondre à un certain nombre de difficultés rencontrées actuellement dans l'exercice de ce droit par les collectivités et à mieux garantir les droits de propriétaires.
L'article 1er vise à enrichir le contenu des déclarations d'intention d'aliéner (DIA) et à améliorer leur publicité.
Cette disposition doit permettre à la collectivité d'avoir une connaissance suffisante de la réalité du bien et des conditions de son aliénation afin qu'elle puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause. Cette amélioration sera particulièrement utile pour la préemption de biens « complexes », affectés éventuellement de pollutions. L'article supprime en outre la transmission systématique des décisions aux services fiscaux, ce qui constitue une simplification opportune.
Par ailleurs, il ne prévoit pas la transmission systématique de toutes les pièces à l'occasion de chaque transaction afin de ne pas alourdir excessivement les procédures. Je rappelle d'ailleurs qu'un travail de dématérialisation des procédures d'urbanisme est en cours, qui permettra également de les alléger.
L'article 2 précise qu'après saisine du juge de l'expropriation, le titulaire du droit de préemption ne peut plus renoncer à l'acquisition que si le prix fixé est supérieur de 10 % à l'estimation des domaines. Après fixation judiciaire du prix, c'est-à-dire, en pratique, après des mois de contentieux, le propriétaire doit pouvoir vendre son bien à la collectivité, sauf si le juge a fixé un prix justifiant le renoncement de celle-ci.
L'article 3 prévoit que le transfert de propriété intervient au moment de l'acte authentique de vente et du paiement du prix, dont le délai est raccourci de six à quatre mois.
Cet article, qui reprend une préconisation du Conseil d'État, est à l'évidence source de simplification, notamment en cas d'annulation de la décision de préemption.
Le Conseil d'État avait, en effet, critiqué le décalage dans le temps entre le transfert de propriété, d'une part, et la signature de l'acte authentique et le paiement, d'autre part. Du coup, le défaut de paiement dans le délai de six mois entraînait non pas l'empêchement de la vente, mais l'obligation de rétrocéder le bien.
L'article 4 permet au propriétaire, en cas de renonciation du titulaire du droit de préemption avant fixation judiciaire du prix, de vendre son bien à un prix révisé des variations du coût de la construction. En contrepartie, la collectivité retrouve un droit de préemption dans un délai de cinq ans.
L'article 5 clarifie les dispositions relatives à l'utilisation du bien préempté, en précisant explicitement que le titulaire du droit de préemption peut utiliser le bien à d'autres usages que celui prévu initialement, dès lors qu'il est inclus dans les objets légaux de la préemption. Je rappelle à ce sujet que l'utilisation du bien préempté peut être suivie, puisque la commune doit ouvrir un registre dans lequel sont inscrites toutes les acquisitions ainsi que l'utilisation effective des biens acquis.
L'article 6 fixe les conséquences de l'annulation d'une décision de préemption en matière de droit de rétrocession au profit de l'ancien propriétaire.
L'article 7 améliore les garanties des propriétaires, en leur ouvrant la possibilité d'une action en dommages et intérêts, même en cas de renonciation à la rétrocession.
Les amendements que je vous propose d'adopter conservent l'essentiel de ces dispositifs, qui ont été jugés équilibrés par les personnes que j'ai auditionnées, et visent essentiellement à en clarifier ou en préciser la rédaction.
M. Daniel Raoul. - L'exercice du droit de préemption urbain rencontre de vraies difficultés d'application dans les collectivités, notamment dans les villes de moins de 20 000 habitants, suite à la loi relative à la modernisation de l'économie. Il suscite un contentieux important, en particulier dans des opérations d'aménagement. Nous souhaitons sécuriser les opérations et mettre au premier plan l'intérêt général.
M. Pierre Hérisson. - La simplification va-t-elle changer l'état d'esprit des juridictions ? Dans un domaine proche, le remplacement des plans d'occupation des sols par les plans locaux d'urbanisme a mené, en pratique, à confier au tribunal administratif le pouvoir d'accorder l'autorisation de construire lorsqu'il y a litige ! La simplification du droit de préemption ne risque-t-elle pas de permettre à la juridiction administrative de suivre sa propre logique, quels que soient les textes votés ? Je constate que les plans locaux d'urbanisme sont souvent annulés lorsqu'il y a un recours.
M. Jean Boyer. - Le droit de préemption s'efface-t-il dans certains cas, notamment en présence d'un héritier en ligne directe ? Par ailleurs, comment le droit de préemption s'applique-t-il dans le cas des biens de section ?
M. Thierry Repentin. - Sur ce sujet sensible, plusieurs propositions de loi ont été déposées. Les autres textes, déposés par d'autres groupes politiques, pourraient-ils être discutés avec celui-ci ? L'un de ces textes contient des dispositions tendant à sécuriser l'application du droit de préemption urbain en encadrant mieux l'action du tribunal administratif.
M. Jean-Paul Emorine, président. - La Conférence des présidents n'a pas inscrit les autres textes à l'ordre du jour. Il serait difficile de revenir là-dessus et de trouver une autre date d'examen en séance publique : les amendements vous permettront de faire porter la discussion sur les questions que vous souhaitez aborder.
M. Hervé Maurey. - La sécurisation des procédures est l'un des objectifs de cette proposition de loi : l'article 5 assouplit le contrôle du juge sur l'objet de la préemption. Le texte cherche également, notamment à travers son article 2, à atteindre un équilibre entre les besoins des collectivités et les droits des propriétaires. La proposition de loi ne remet pas en cause le rôle des juridictions. Il est vrai que de nombreux plans locaux d'urbanismes sont fragiles sur le plan juridique ; c'est le rôle du législateur d'encadrer et de préciser les règles et le présent texte porte sur le droit de préemption urbain. Enfin, il n'y a pas de droit de préemption possible en cas de donation.
M. Gérard César. - S'agissant des biens de section, je rappelle qu'il a été prévu, lors de nos débats relatifs à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, de constituer un groupe de travail spécifique.
M. Jean-Paul Emorine. - Il faudra en effet avoir un débat sur cette question, qui ne concerne que certaines régions mais pose des difficultés particulières aux communes concernées.
M. Hervé Maurey. - La disposition proposée par l'amendement n° 1 a une valeur essentiellement déclaratoire. Il apparaît difficile de prendre en compte la destination des biens préemptés ou expropriés dès lors qu'on autorise, a posteriori, un changement d'usage du bien.
M. Thierry Repentin. - Je rappelle que le code de l'urbanisme indique déjà que « le territoire français est le patrimoine commun de la nation ». Nous souhaitions que la proposition de loi conforte le caractère d'intérêt général du droit de préemption urbain, d'où l'objet de l'amendement n° 2.
L'amendement n° 1 est rejeté.
L'amendement n° 2 est rejeté.
M. Hervé Maurey. - Comme l'indique le titre de la proposition de loi du groupe socialiste que reprend l'amendement n° 3, le dispositif proposé est très ambitieux, et va bien au-delà du champ de la réforme proposée aujourd'hui. Le texte offre l'intérêt de lancer la réflexion sur la nécessité de créer de nouveaux outils d'aménagement sur des périmètres plus importants que le simple territoire communal. Toutefois, en l'état, il soulève de très nombreuses interrogations. Je ne vous en citerai que quelques-unes :
- est-il opportun de reconnaître à la région un droit de préemption ?
- pourquoi priver les communes dotées d'une carte communale du droit de préemption (hors zones d'opérations d'intérêt communautaire) ?
- que faire en cas de conflit entre titulaires du droit de préemption ? Les droits de préemption des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pourront se superposer dans les « zones d'intérêt communautaire ».
Pour toutes ces raisons, il est évidemment impossible de donner un avis favorable à cet amendement.
M. Daniel Raoul. - Cet amendement ne crée pas de risque de superposition, car le droit de préemption d'une collectivité s'exercerait dans le cadre de ses compétences.
M. Hervé Maurey. - Sur un même bien, deux collectivités pourraient souhaiter exercer leur droit de préemption simultanément, même s'il s'agit de projets différents.
M. Robert Navarro. - Je ne comprends pas pourquoi on réserverait un traitement différent au département et à la région. Dans les zones d'aménagement différé, le droit de préemption serait fort utile. La région a besoin de cet outil.
M. Hervé Maurey. - Le droit de préemption du département s'exerce dans des zones bien définies, les espaces naturels sensibles : il n'est pas général. Certains points de cet amendement seraient intéressants, mais il n'est pas possible de l'accepter dans son ensemble.
M. Jean-Paul Emorine, président. - On pourrait réfléchir à un lien entre le droit de préemption et les compétences. Il n'y a pas de réponse simple sur cette question.
M. Francis Grignon. - Quand une difficulté se présente avec le département concernant les documents d'urbanisme, on définit un emplacement réservé. Ne peut-on utiliser cet outil avec la région ?
M. Jackie Pierre. - Les communes n'exercent-elles pas leur droit de préemption pour le compte du département dans certains cas ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - La loi relative au développement des territoires ruraux a prévu que la commune pouvait exercer le droit de préemption pour le compte du département pour la protection des espaces agricoles et boisés dans les zones périurbaines.
M. Daniel Dubois. - Nous traitons du droit de préemption urbain attaché aux documents d'urbanisme. La question du droit de préemption se pose pour une communauté de communes qui s'engage dans un document d'urbanisme communautaire, ce qui est le souhait du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau. - Il faut se méfier du foisonnement des droits de préemption. Il n'y a pas d'asymétrie entre le département et la région : le droit de préemption du département est rattaché à la compétence de celui-ci en matière de protection des espaces naturels sensibles ; de plus, il est lié à une fiscalité spécifique et affectée.
M. Thierry Repentin. - Je constate que notre proposition suscite un réel intérêt. Aujourd'hui, le droit de préemption est surtout exercé au niveau communal, alors qu'on agit souvent à un échelon plus élevé, notamment en matière d'aménagement du territoire. Ne faut-il pas instaurer le droit de préemption urbain à l'échelle du territoire qui porte le projet ?
M. Daniel Raoul. - S'agissant des conflits d'application du droit de préemption urbain, il y aura forcément une enquête publique préalable : or il n'y aura pas deux enquêtes simultanées, à moins d'imaginer une situation de conflit entre collectivités.
M. Hervé Maurey. - Je rappelle que la compétence en matière d'urbanisme appartient à la commune ou à l'intercommunalité si la compétence lui a été transférée. De plus, la commune peut déléguer son droit à une autre collectivité.
L'amendement n° 3 est rejeté.
Article(s) additionnel(s) avant Article 1er |
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M. RAOUL |
3 |
Réforme d'ampleur du droit de préemption. |
Rejeté |
Puis, l'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - L'amendement n° 8 propose qu'il ne soit plus possible pour certains cédants de contourner le droit de préemption d'une commune en cédant gratuitement des terrains ou du bâti, alors qu'il s'agit en fait des ventes déguisées.
L'amendement répond à des problématiques qui concernent plutôt les terres agricoles ou rurales. Il ne me paraît donc pas avoir sa place dans le cadre de cette réforme du droit de préemption urbain.
M. Daniel Raoul. - Ces opérations ont tendance à se multiplier aujourd'hui et, contrairement à ce que croit notre rapporteur, y compris dans des zones urbaines.
M. Michel Houel. - C'est un problème que nous rencontrons particulièrement en Seine-et-Marne.
M. Pierre Hérisson. - Le problème est réel, mais la solution proposée pourrait soulever un risque d'inconstitutionnalité.
Mme Evelyne Didier. - Nous avons des difficultés similaires pour certains terrains agricoles ou naturels, pour lesquels le droit de préemption n'existe pas. C'est une difficulté connexe à celle soulevée par cet amendement.
M. Thierry Repentin. - C'est une vraie difficulté. Le dispositif proposé n'est pas problématique du point de vue constitutionnel car il vise potentiellement toute la population.
Mme Jacqueline Panis. - On pourra toujours trouver des personnes qui contournent la loi. Il convient cependant de protéger le droit de propriété.
M. Gérard Bailly. - S'il s'agit de terres agricoles, pourquoi les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) n'interviennent-elles pas davantage ?
M. Michel Houel. - En Île-de-France, les communes peuvent déléguer leur droit de préemption à la SAFER. C'est ce que j'ai fait dans ma commune.
M. Gérard César. - Ces problèmes sont marginaux. Des conventions sont signées avec les SAFER au niveau des départements. De même, les schémas d'accueil des gens du voyage sont en voie de finalisation.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - Il y a des contradictions entre le fait d'être dans un texte sur le droit de préemption urbain et d'évoquer les SAFER qui n'interviennent qu'en zone rurale.
L'amendement n° 8 est rejeté.
L'amendement n° 18 tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. MAUREY, rapporteur |
16 |
Amendement de coordination. |
Adopté |
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. MAUREY, rapporteur |
17 |
Amendement de clarification. |
Adopté |
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. MAUREY, rapporteur |
21 |
Amendement rédactionnel. |
Adopté |
La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux, le groupe socialiste s'abstenant.
Certificats d'obtention végétale - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine ensuite le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 720 (2009-2010) de M. Christian Demuynck et plusieurs de ses collègues, relative aux certificats d'obtention végétale (M. Remy Pointereau, rapporteur).
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui porte sur un sujet qui ne nous est pas inconnu.
En 2006 déjà, nous avions voté un projet de loi qui visait à conforter le droit des obtentions végétales, système de propriété intellectuelle original, plus ouvert que le système du brevet, défendu par les anglo-saxons. Ce système original de propriété intellectuelle a été élaboré dans un cadre international, fixé par l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV), depuis la convention de Paris de 1961. Membre de l'UPOV, la France est un des promoteurs principaux de ce système. Or, le traité UPOV a été profondément modifié en 1991. Il fallait donc modifier à notre tour le droit national pour être en conformité avec la nouvelle convention et pouvoir la ratifier.
Le Parlement a donné l'autorisation de ratification en 2006 mais le processus législatif de modification de notre droit national n'a pas pu aller à son terme car le texte voté au Sénat n'a jamais été repris par l'Assemblée nationale.
Lors de chaque changement de législature, le Gouvernement doit en effet retransmettre à l'Assemblée nationale les textes dont il est à l'initiative. Or le projet de loi sur les obtentions végétales ne l'a pas été.
Lors des auditions, nous nous sommes aperçus que la France restait à ce jour l'un des rares États membres de l'Union européenne en retard dans sa transposition de la convention UPOV de 1991.
Or si le sujet est technique, il n'en est pas moins important à trois égards :
- D'abord, il s'agit de conforter notre modèle de protection de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales fondé sur les certificats d'obtention végétale (COV) et non sur les brevets.
Le système des COV est plus ouvert que celui du brevet car il ne bloque pas la recherche. Tout obtenteur peut librement se servir du patrimoine végétal existant, même protégé, pour créer de nouvelles variétés. C'est ce qu'on appelle l'exception du sélectionneur.
La France a exclu la brevetabilité du vivant en 2004. Mais à l'échelle mondiale le débat entre les tenants des deux systèmes n'est pas clos et le système du brevet a d'actifs partisans, d'autant qu'il est très simple.
Il faut donc défendre la crédibilité et l'efficacité de notre dispositif original de propriété intellectuelle sur les végétaux et la France sera d'autant plus convaincante dans cette bataille qu'elle adaptera correctement son droit à la dernière version du traité UPOV qu'elle a signé il y a 20 ans.
- Le deuxième enjeu de ce texte est de donner enfin au niveau national un cadre juridique aux semences de ferme. Cette pratique ancienne et enracinée dans nos campagnes, aussi surprenant que cela puisse paraître, est contraire à la loi dans sa rédaction actuelle, lorsque les semences concernées sont couvertes par un certificat d'obtention végétale.
Plusieurs agriculteurs, en particulier des producteurs de pommes de terre, ont été condamnés, et parfois très lourdement, pour cette pratique. Nous en reparlerons certainement car la question des semences de ferme a occupé une part importante de nos auditions.
- Enfin, le troisième enjeu du texte que nous examinons aujourd'hui est essentiel à l'avenir de notre agriculture : il s'agit de renforcer la recherche en matière de variétés végétales.
Les sélectionneurs ont contribué à la hausse spectaculaire des rendements depuis la seconde guerre mondiale, même si nous constatons désormais une certaine stagnation, probablement due en partie à une baisse de l'utilisation des intrants, mais probablement aussi à un moindre effort de recherche. Or les sélectionneurs doivent continuer à adapter les variétés aux nouveaux défis : changement climatique, meilleure résistance aux maladies, moindre consommation d'intrants, amélioration des qualités nutritionnelles des aliments.
Ce progrès ne se fera pas si la recherche n'est pas financée, si les obtenteurs ne peuvent obtenir un juste retour de leurs efforts, d'autant que la mise au point de nouvelles variétés est de plus en plus coûteuse et très longue : 10 ans pour les espèces allogames comme le blé, 7 ans pour les hybrides de maïs.
Actuellement le secteur semences en France, c'est 74 entreprises de sélection, 257 stations de multiplication, près de 19 000 agriculteurs multiplicateurs, un chiffre d'affaires de 2,4 milliards d'euros dont 1,5 milliard sur le marché national. La France est le 1er producteur européen de semences et le 2ème ou 3ème exportateur au niveau mondial, selon les années. Nos entreprises proposent près de 500 variétés nouvelles chaque année, toutes espèces confondues, dont une moitié relève des plantes ornementales. Ce texte vise donc aussi à conforter l'avenir de la filière.
Les représentants du monde agricole rencontrés lors des auditions ont insisté sur ce point : les agriculteurs français tiennent à avoir à leurs côtés des entreprises de sélection dynamiques capables de fournir les variétés adaptées aux territoires.
Notre collègue Christian Demuynck a donc pris l'initiative de déposer une proposition de loi pour que le Sénat se saisisse à nouveau de cette question. Le député Thierry Lazaro a pris la même initiative en déposant une proposition de loi identique à l'Assemblée nationale.
La proposition de loi adapte le dispositif national de protection des obtentions végétales dans le but de l'articuler au mieux avec la convention UPOV de 1991 mais aussi avec le droit communautaire.
La convention UPOV constitue le texte de référence. Nous fêterons cette année les 50 ans de l'UPOV mais aussi le vingtième anniversaire de la dernière version de l'UPOV à laquelle notre droit national n'est toujours pas conforme.
Au delà des États-membres qui la composent, l'Union européenne est également, en tant que telle, adhérente à l'UPOV. Un règlement de 1994 a mis en place un dispositif communautaire de reconnaissance et de protection des obtentions végétales, valable à l'échelle de l'Union européenne, conforme au traité UPOV de 1991.
Les obtenteurs peuvent donc choisir de bénéficier d'un certificat d'obtention végétale européen, délivré par l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV), basé à Angers, ou d'un certificat national, délivré par le Comité pour la protection des obtentions végétales (CPOV).
Or, il n'est pas pertinent de passer systématiquement par une obtention européenne, plus lourde et plus coûteuse, car certaines variétés ne conviennent qu'à un territoire restreint. En revanche, il est souhaitable d'harmoniser le dispositif européen et le dispositif national de protection des obtentions végétales, afin d'éviter les incohérences.
La proposition de loi reprend dans ses grandes lignes le texte voté en 2006 avec assez peu de modifications. Je salue au passage le travail qu'avait réalisé à l'époque notre collègue Jean Bizet, rapporteur du projet de loi :
- La notion de variété et les conditions d'obtention d'un COV national sont définis aux articles 1er et 2, dans le droit fil du droit international et du droit européen, en retenant les critères de distinction, homogénéité et stabilité (DHS) : ne peut être reconnue comme variété végétale et bénéficier d'un droit de propriété intellectuelle que les variétés nouvelles qui répondent à ces trois critères.
- Ensuite, c'est là un des changements importants apportés par la convention UPOV de 1991 qui n'avait pas encore été transposée en droit français, le champ de la protection des obtentions végétales est étendu par l'article 3 aux variétés essentiellement dérivées de la variété initiale, afin d'éviter les détournements du droit de propriété intellectuelle par des adaptations mineures de la variété initialement protégée.
- Les articles suivants précisent les conditions d'exercice du droit d'obtention végétale, prévoyant notamment une licence obligatoire d'intérêt public lorsque le titulaire du certificat d'obtention végétale n'est pas capable de fournir les agriculteurs en semences.
- L'article 13 met en place un régime juridique de reconnaissance du droit des agriculteurs à semer le produit de leur propre récolte, c'est à dire d'utiliser des semences de ferme, sous réserve d'une rétribution du titulaire du droit de propriété intellectuelle portant sur la variété protégée utilisée.
- Les derniers articles de la proposition de loi comprennent des dispositions permettant la mise en application des modifications apportées par le texte.
J'ai procédé à plus d'une quinzaine d'auditions, afin d'entendre l'ensemble de la profession agricole concernée, à travers les différents syndicats agricoles, mais aussi les industriels et professionnels des semences, ainsi que les autorités publiques en charge des questions d'obtention végétale.
Je proposerai quelques modifications à la proposition de loi, qui permettent de la clarifier, ou de la compléter.
Au titre des clarifications, j'ai déposé trois amendements de fond :
- Un amendement à l'article 1er vise à limiter la définition de la variété au champ du code de la propriété intellectuelle, et ce afin de permettre l'inscription au catalogue de variétés dites « population », qui peuvent être d'une plus grande variété génétique que celle retenue pour définir une variété aux fins d'attribuer un certificat d'obtention végétale ;
- Un amendement à l'article 13 qui donne une base juridique aux accords collectifs, et notamment aux accords interprofessionnels, comme celui qui existe depuis 2001 sur le blé tendre, pour fixer les modalités selon lesquelles les obtenteurs peuvent recevoir une rétribution pour la réutilisation des semences sur lesquelles ils disposent de certificats d'obtention végétale.
- Un amendement à l'article 15 articule mieux l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions avec la création de la notion de variété essentiellement dérivée.
Mais j'ai souhaité également compléter la proposition de loi par quelques dispositions additionnelles :
- Un amendement important crée un article additionnel permettant l'organisation de la conservation des ressources phytogénétiques patrimoniales françaises.
Lors de la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) l'année dernière, nous avions commencé la mise en application du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture signé à Rome en 2001, en permettant la constitution d'une collection nationale de ressources phytogénétiques.
Là il s'agit d'indiquer comment est alimentée cette collection de variétés anciennes qui n'ont plus d'intérêt commercial mais constituent une réserve qu'il faut conserver car nous pourrions en avoir besoin dans le futur. Il s'agit ici d'un amendement très important pour préserver un patrimoine végétal d'intérêt commun,
- Un autre amendement, de nature très technique, clarifie le statut juridique du Comité permanent des obtentions végétales (CPOV) en lui donnant un statut d'instance nationale intégrée au sein du groupement d'intérêt public (GIP) regroupant l'État et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Le CPOV est actuellement géré de manière bancale avec un secrétariat général assuré par l'INRA.
Les professionnels concernés estiment préférable de rapprocher le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES) et l'actuel CPOV dans une même structure, permettant une mutualisation des moyens.
Le texte de la proposition de loi comme les propositions de modification et de compléments que je vous ai présentés visent finalement à atteindre un équilibre en particulier entre protection des droits de l'obtenteur et droits de l'agriculteur. Il existe un certain consensus sur ce texte, même s'il reste des interrogations sur les échanges de semences entre agriculteurs et les possibilités de mélanges de semences.
L'interprofession a su mettre en place en 2001 un dispositif sur le blé tendre qui permet l'utilisation de semences de ferme mais aussi la rémunération des obtenteurs. Il est désormais bien accepté. Nous devons poursuivre dans cette voie : privilégier le contrat, l'accord des parties.
Et ayons à l'esprit que notre agriculture ne sera forte que si notre recherche pour adapter sans cesse les variétés cultivées aux besoins de nos agriculteurs reste dynamique.
M. Marcel Deneux. - Cette proposition de loi vient à point, corriger les défauts de notre réglementation. Les amendements que vous nous proposez, assureront-ils la préservation des variétés anciennes ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Oui, c'est leur but.
M. Marcel Deneux. - C'est très important et il faudra le faire valoir aussi dans les textes internationaux, car nous ne devons pas nous priver de ces variétés anciennes, qui peuvent retrouver, demain, de l'actualité !
M. Daniel Raoul. - Je m'inquiète de voir la commission européenne se rapprocher pas à pas d'un système de brevet, au point de me demander si le COV est une protection, ou bien la première marche vers la brevetabilité de la nature ! On pourra débattre sans fin de la nature du COV, ce qui compte, c'est de protéger la propriété intellectuelle, tout particulièrement en France, où nous sommes au premier rang pour les obtentions végétales. Le patrimoine des variétés anciennes peut servir de base à de nouvelles variétés, il ne faut pas le négliger : c'est une richesse pour les obtenteurs de demain. Et il faut surtout tenir cet objectif : empêcher le passage au brevet, qui donnerait aux grandes firmes, qu'elles soient étrangères ou françaises, une mainmise sur ce patrimoine commun qu'est la nature. Le COV est une sorte d'hybride, nous y reviendrons, car nous voulons l'assortir de garanties pour les semences de ferme et sur l'autoconsommation.
M. Jean Boyer. - Les règles ne sont pas les mêmes pour tous les pays de l'Union européenne, à l'exemple de la recherche sur les OGM : pourquoi l'interdit-on aux chercheurs français, et pas à ceux d'autres pays européens ? Il faut tenir compte, ensuite, du fait que dans le revenu que les agriculteurs tirent du blé, par exemple, aux côtés du montant que rapporte le produit lui-même, il y a les aides compensatoires, qui représentent parfois un montant plus important. Enfin, je me demande s'il n'y a pas trop de variétés végétales : leur nombre impressionne, sont-elles toutes utiles ? Pour le blé par exemple, ne doit-on pas surtout améliorer sa valeur boulangère ?
M. Michel Bécot. - L'agriculteur ne détourne-t-il pas le droit de propriété lorsqu'il fait son mélange particulier entre les semences ? Ensuite, je ne vois pas comment on pourra demain nourrir la planète sans recourir aux plantes génétiquement modifiées, sans tirer parti de la transgénèse pour découvrir des plantes qui consommeront moins d'eau par exemple, ressource dont on sait qu'elle va se raréfier. Ne faut-il pas favoriser la recherche sur les OGM ?
M. Gérard Bailly. - Les terres agricoles consacrées à l'alimentation humaine reculent sous la pression de l'urbanisation, du classement en zone naturelle, des cultures à finalité énergétiques, ou encore des éoliennes, et les rendements ont cessé leur progression continue : à ce rythme, comment pourra-t-on demain nourrir la planète en s'interdisant le recours aux OGM, c'est-à-dire à des variétés moins consommatrices d'eau, mieux adaptées au changement climatique ? Pourquoi s'interdire un tel progrès, alors qu'on meure de faim en Inde aujourd'hui même ?
M. Roland Courteau. - Pourquoi faut-il jusqu'à 12 années pour développer une nouvelle variété ? Serait-ce que nous n'accorderions pas assez de moyens à notre recherche ? Ce serait particulièrement inquiétant, sachant la place que notre pays occupe dans ce secteur.
M. Gérard Le Cam. - La recherche est légitime, dès lors qu'elle est publique, c'est-à-dire qu'elle n'est pas entre les mains des seules grandes firmes.
Nous entendons dire que des pays européens conditionneraient la prime de la PAC à l'utilisation de semences certifiées : est-ce le cas ? Si oui, cette proposition de loi serait inutile. Je m'inquiète, ensuite, de l'orientation prise par la Commission européenne sur ce dossier, et nous voyons aujourd'hui s'accélérer la commercialisation de semences brevetées non reproductibles. En fait, les grandes firmes ont contourné l'interdiction de produire des OGM : elles mettent au point de nouvelles semences mutées et non reproductibles, qui vont s'imposer en leur donnant finalement la maîtrise de toute la filière jusque l'assiette du consommateur. C'est précisément ce dont nous ne voulons pas.
Ce texte comprend cependant de bonnes choses, comme la conservation des variétés anciennes. Nous serons donc très vigilants.
M. Dominique Braye. - La mutation d'un gène n'est pas comparable avec la transmutation : la mutation est naturelle, on sélectionne les gènes les plus appropriés à un objectif recherché, comme cela s'est toujours fait pour l'amélioration des variétés ; avec la transmutation, on créé un génome, le phénomène est artificiel. Marion Guillou, la présidente de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) nous l'a dit : en refusant la recherche sur les OGM, nous nous handicapons pour l'avenir, nous prenons du retard sur les biotechnologies. Le naturel n'est pas toujours sain : des mutations naturelles peuvent être nocives, et la sélection aide à écarter le danger. On peut aussi, avec la génétique, créer des gènes pour leurs qualités curatives : c'est le cas avec les plants destinés à la lutte contre la mucoviscidose - plants que des « faucheurs volontaires » ont arrachés sans aucune considération pour les finalités de la recherche...
M. Martial Bourquin. - Développer la recherche, d'accord, mais en respectant la nature. Il faut tenir compte aussi du passé : peut-on revenir aux farines animales, comme si de rien n'était ? Je ne le crois pas. Dans ma région, les sols ont été dégradés par l'eutrophisation des milieux aquatiques liée à la pollution : ce n'est pas neutre. Je comprends donc la méfiance envers les OGM et je ne vois pas pourquoi il faudrait encourager les recherches qui visent à les développer. L'avenir est plutôt à une agriculture maîtrisée et respectueuse de la nature.
M. Alain Chatillon. - On incrimine les OGM, mais les pesticides sont à eux seuls responsables de la moitié des cancers - et l'utilisation d'OGM limiterait considérablement celle de pesticides... S'agissant des variétés, je crois que nous ne devons pas perdre de vue les débouchés économiques, la transformation du produit : l'évolution des variétés de blé est liée à celle du travail des boulangers, et vous pouvez avoir les plus belles variétés du monde, elles resteront inutiles si personne ne s'en sert...
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Ce texte garantira l'accessibilité aux variétés anciennes, dont la collection sera confiée à un organisme nouveau et spécialisé. La commission européenne modifie effectivement sa position sur la question du droit de propriété intellectuelle, sur les brevets ; mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire : on ne peut pas attendre qu'elle fixe sa politique, avant d'expliciter la nôtre. Sur l'autoconsommation, qui s'apparente à une commercialisation à soi-même, je crois qu'il faut examiner plus avant les conditions de rémunération.
Y a-t-il trop de variétés ? Je ne le crois pas, parce qu'il faut tenir compte de leur plus ou moins grande adaptation à tel ou tel contexte local, régional : il est important de préserver un panel complet. On le voit avec le blé, où le grand panel de variétés tient à ce que la recherche a été maintenue, alors que pour l'orge ou les pois, les variétés sont peu nombreuses, car la recherche s'est arrêtée.
Les PGM peuvent améliorer les rendements et nous aider à relever bien des défis de l'agriculture de demain, qui, à l'évidence, ne saurait être 100 % bio ; mais ce texte ne porte pas sur les PGM, il vise à sécuriser la propriété intellectuelle des variétés, avec le COV.
Sur les semences de ferme, le principe est clair : l'agriculteur est libre de mélanger les semences comme il l'entend, à la seule condition de rétribuer les obtenteurs des semences qu'il utilise. Aujourd'hui, pour un quintal de blé, la contribution volontaire obligatoire (CVO) s'élève à 50 centimes la tonne, qui vont à l'obtenteur. Du reste, l'agriculteur peut devenir lui-même obtenteur, quoique ce soit rare car techniquement difficile.
Les rendements ont cessé de croître, cela tient aux aléas climatiques, mais aussi à la diminution des intrants comme l'azote, les fongicides et les herbicides. Les biocarburants sont moins attractifs, parce qu'ils rapportent 95 euros la tonne quand le blé est à 240 euros, mais ces prix évolueront, l'espoir n'est pas interdit.
La création d'une variété nouvelle prend de 5 à 7 ans pour une variété hybride et de 10 à 12 ans pour une autogame : c'est le temps nécessaire à la recherche, au développement d'une variété homogène et stable. Les moyens consacrés à la recherche ne sont pas en cause : ils représentent 12 % des 2,4 milliards du chiffre d'affaire des obtenteurs.
La PAC n'oblige plus à utiliser des semences certifiées pour le blé dur, les agriculteurs peuvent recourir aux semences de ferme et l'on sait que, faute de financement de la recherche, le nombre de variétés de blé dur ne change plus guère.
Il y a bien une différence de nature entre les semences mutantes, où la mutation est spontanée, et la transmutation, où l'on créé un génome ; le triticale, par exemple, est un hybride de seigle et d'orge : on a croisé deux espèces pour en obtenir une troisième, ce n'est pas une PGM.
Enfin, la recherche pour obtenir un blé davantage protéiné montre bien qu'il faut se garder de tout simplisme : avec plus de protéine, le blé nourrira davantage les êtres humains, mais pour l'obtenir, il faut utiliser plus d'azote, ce qui nécessite davantage d'engrais chimiques.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Il faut effectivement se garder des idées reçues. L'agriculture a bien changé, on n'utilise plus autant d'intrants qu'auparavant et, surtout, ils sont dosés en fonction d'analyses très précises du sol.
Examen des articles
Article additionnel avant l'article 1er
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Avec l'amendement n° 9, nous instituons une instance nationale des obtentions végétales, placée au sein d'un groupement d'intérêt public, qui remplacerait le comité de la protection des obtentions végétales dont le secrétariat est assuré par l'INRA. Ce changement permettra un rapprochement avec le Groupe d'étude et contrôle des variétés et des semences (GEVES).
L'amendement n° 9 est adopté, il devient article additionnel avant l'article 1er.
Article additionnel avant Article 1er |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. POINTEREAU, rapporteur |
9 |
Changement de nom et de statut du Comité de la protection des obtentions végétales. |
Adopté |
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Avec l'amendement n° 2, nous limitons la définition de la variété au seul domaine de l'obtention végétale. Nous voulons éviter que cette définition, centrée sur le génotype, ne s'applique en dehors du champ de la propriété intellectuelle, ce qui figerait l'accès au catalogue des variétés commercialisables
L'amendement n°2 est adopté.
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 1er |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. POINTEREAU, rapporteur |
2 |
Limitation de la définition de la variété au champ de la propriété intellectuelle |
Adopté |
M. Rémy Pointereau. - Les auteurs de l'amendement n° 1 proposent de limiter le certificat aux variétés créées ou développées par l'obtenteur, ce qui revient à l'interdire pour les variétés découvertes existant à l'état naturel : ils veulent éviter que ces variétés naturelles ou découvertes dans la nature puissent être appropriées. Le cas de figure paraît assez théorique, puisque les variétés existant à l'état sauvage remplissent rarement les conditions d'homogénéité et de stabilité requises pour attribuer un titre de propriété intellectuelle. Cependant, nous partageons leur objectif : avis favorable.
M. Daniel Raoul. - Il est primordial d'interdire la brevetabilité du patrimoine naturel : la découverte d'une variété, ce n'est pas sa création - ou bien on pourrait breveter le fer, ou encore le manganèse...
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. RAOUL |
1 |
Absence de droit de propriété intellectuelle sur les variétés naturelles découvertes |
Adopté |
Les articles 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 11bis et 12 sont successivement adoptés sans modification.
Article 13
L'amendement n° 3 est adopté à l'unanimité.
M. Rémy Pointereau. - Par l'amendement n° 4, nous prévoyons la possibilité d'accords collectifs et d'accords interprofessionnels pour la rémunération des obtenteurs en cas d'utilisation de semences de ferme. Nous préférons la négociation interprofessionnelle, au décret.
M. Daniel Raoul. - Nous y reviendrons, parce qu'il faut prévoir le cas de l'autoconsommation.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 14 est adopté sans modification.
Articles additionnels après l'article 14
M. Rémy Pointereau. - Par l'amendement n° 7, nous précisons la manière dont peut être alimentée la collection nationale des ressources phytogénétiques et nous renvoyons au décret le soin de préciser les modalités de gestion du catalogue de ces ressources, comme de conservation des échantillons.
M. Daniel Raoul. - Nous y reviendrons, parce que la référence au patrimoine agricole et alimentaire national manque de clarté.
L'amendement n° 7 est adopté, il devient article additionnel après l'article 14.
L'amendement de coordination n° 8 est adopté, il devient article additionnel après l'article 14.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Dans le droit actuel, l'obtenteur d'une variété essentiellement dérivée ne doit rien à l'obtenteur de la variété initiale, mais demain, celui-ci aura des droits sur la variété essentiellement dérivée. Par l'amendement n° 11, nous limitons ces droits nouveaux aux variétés essentiellement dérivées qui apparaîtront après la promulgation de la loi. Ensuite, nous autorisons l'usage des semences de ferme pour les variétés essentiellement dérivées.
L'amendement n° 11 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 15 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. POINTEREAU, rapporteur |
11 |
Application des droits de l'obtenteur limitée aux variétés essentiellement dérivées futures |
Adopté |
Article 16
L'amendement de coordination n° 10 est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction de la commission.
L'ensemble de la proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission, à la majorité des membres de la commission, les membres du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG s'abstenant.
Volatilité des prix agricoles - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission procède ensuite à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 579 (2010-2011) de MM. Jean Bizet et Jean-Paul Emorine, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la volatilité des prix agricoles, adoptée sans modification par la Commission des Affaires européennes, contenue dans le rapport n° 598 fait par M. Jean Bizet (M. Marcel Deneux rapporteur).
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Le texte que nous examinons aujourd'hui et dont j'ai l'honneur d'avoir été nommé rapporteur est une proposition de résolution européenne adoptée la semaine dernière, le 8 juin, par les membres de la commission des affaires européennes du Sénat, lors d'une réunion commune avec notre commission de l'économie.
Je suis très satisfait de rapporter ce texte devant vous car cette proposition de résolution traite d'une question qui est non seulement importante aujourd'hui mais également déterminante pour demain : celle de la volatilité des prix agricoles.
Cette proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes, a été déposée par les deux présidents Jean Bizet et Jean-Paul Emorine, comme un point d'aboutissement en quelque sorte aux travaux menés dans le cadre du groupe de travail sur la réforme de la PAC, commun à nos deux commissions et co-présidé également par nos collègues Odette Herviaux et Bernadette Bourzai. Une table ronde très intéressante a notamment été organisée conjointement le 27 avril dernier : elle a utilement permis de croiser les points de vue du monde agricole, d'analystes et observateurs nationaux et internationaux et des représentants du ministère de l'agriculture. Le compte-rendu de ces débats instructifs sera d'ailleurs annexé à mon rapport.
Sans revenir trop longuement sur le contexte actuel caractérisant les marchés agricoles, dont notre président a présenté la semaine dernière les principaux enjeux, je voudrais néanmoins pour ma part insister sur quelques points fondamentaux.
Premièrement, je crois qu'il faut être très clair sur le principal enjeu révélé aujourd'hui par la nouvelle flambée des prix alimentaires : l'instabilité des marchés agricoles, que l'on sait inévitable en raison des caractéristiques structurelles de l'offre et de la demande sur ces marchés, devient aujourd'hui excessive.
Je crois qu'il faut revenir, dans ce contexte, à la mission première de l'agriculture, qui est de nourrir les hommes. Car c'est bel et bien cette mission qui est menacée aujourd'hui, comme nous l'ont rappelé de manière dramatique les graves conséquences de la crise alimentaire de 2007-2008, ayant débouché sur des « émeutes de la faim » dans une quarantaine de pays en voie de développement.
Nous sommes en effet aujourd'hui confrontés, plus que jamais, au défi de l'alimentation, en qualité et en quantité suffisantes. Comme le souligne fort justement Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires : « Le monde a faim aujourd'hui, mais demain, dans quelques décennies, dans deux générations à peine, ce sont 10 milliards d'hommes qu'il faudra nourrir ». En effet, les projections les plus crédibles prévoient que nous serons plus de 9 milliards dès 2050. La question est alors de savoir comment nous pourrons relever le défi de nourrir toute la planète, dans des conditions économiques, sociales et environnementales acceptables par tous.
Et ce, d'autant plus qu'un certain nombre de facteurs laissent penser que l'emballement des mouvements de prix sur les marchés agricoles est voué à perdurer : l'accroissement démographique des pays émergents, notamment d'Asie, l'intensification des aléas climatiques, qui impactent fortement le volume de production agricole, ou encore l'explosion de la demande de biocarburants, liée à la flambée du prix du pétrole. Autant d'éléments qui laissent entrevoir une accentuation du phénomène de volatilité des prix agricoles dans les dix prochaines années.
Deuxième élément sur lequel je voudrais insister, il s'agit de la « financiarisation » des marchés agricoles, qui est un phénomène un peu nouveau. En effet, pour les raisons que je viens d'évoquer, les besoins de couverture et de partage des risques n'ont cessé de grandir en matière d'agriculture, ce qui a progressivement justifié l'existence de marchés financiers. Il faut ajouter à cela des capitaux qui se sont trouvés disponibles à la suite de la bulle immobilière et qui ont favorisé l'arrivée de nouveaux investisseurs.
Ces nouveaux investisseurs sont alors venus utiliser ces marchés dérivés dans le simple but de diversifier leur portefeuille, ce qui s'est traduit par l'irruption massive de capitaux dans les marchés à terme des produits agricoles, injectés par les fonds spéculatifs et les fonds indiciels ou encore les fonds liés à des matières premières. Les produits agricoles deviennent ainsi des composantes des produits financiers. Selon une stratégie de diversification du risque, les actions et les investissements sur les matières premières sont combinées au sein d'un même portefeuille.
Le résultat est une financiarisation croissante des marchés de produits de base, qui se traduit à la fois par une forte accentuation, à la hausse comme à la baisse, des mouvements de prix, et par une corrélation grandissante entre les indices de prix des matières premières et les prix des principaux instruments financiers, boursiers notamment avec une spéculation, dont les mouvements peuvent être irrationnels.
Ce résultat, vous l'aurez compris, risque très certainement de conduire à une plus grande transmission de la volatilité, notamment via cette influence des prix pétroliers sur les cours agricoles.
D'un côté donc, un défi alimentaire de plus en plus exigeant, de l'autre, une financiarisation qui risque d'accentuer une volatilité excessive et dangereuse pour la stabilité des marchés agricoles.
Dans ce contexte il est indispensable d'agir, et c'est à dégager des pistes pour atténuer cette instabilité sur les marchés que s'attachera la réunion du G20 agricole à Paris la semaine prochaine.
Dans cette optique, cette proposition de résolution propose cinq recommandations. Je vous les rappelle brièvement : premièrement, les concepts de sécurité de l'approvisionnement alimentaire et de sécurité sanitaire devront être mis au coeur de la PAC ; des outils permettant de lutter contre l'instabilité excessive des marchés agricoles devront être adoptés non seulement dans le cadre européen, mais aussi, plus largement, au niveau international dans le cadre du G20 ; la transparence de la production et des stocks de production devra être améliorée ; les marchés financiers devront être plus transparents et encadrés par des règles de régulation, comme les limites de position par exemple ; enfin, la constitution de stocks d'urgence en Europe et de stocks alimentaires dits « stratégiques » dans les zones de consommation les plus pauvres devront être prévues.
Si je rejoins, vous vous en doutez, très largement les préconisations de cette proposition, qui vont assurément toutes dans le bon sens et mettent à jour des difficultés qui apparaissent aux yeux de tous, je voudrais néanmoins vous proposer quelques modifications.
Il s'agit tout d'abord, de l'amendement déposé par notre collègue Daniel Raoul qui vise à rappeler, dans les considérants, le défi alimentaire auquel l'agriculture est confrontée au niveau mondial, d'autant plus pertinent que les aléas climatiques le rendent difficile à relever. Comme je l'ai dit dans mon introduction, cet élément est central si l'on veut réfléchir à l'agriculture de demain et j'y serai donc tout à fait favorable. La question de l'impact du changement climatique avait également été soulevée par notre collègue Gérard Bailly lors de notre réunion avec la commission des affaires européennes du 8 juin.
Je vous proposerai ensuite de compléter deux de ces recommandations :
- sur la transparence de la production et des stocks tout d'abord, afin de préciser que la fiabilité des informations en matière de prévisions de récoltes doit également être améliorée ;
- sur la transparence sur les marchés dérivés ensuite : celle-ci pourrait par exemple être renforcée à travers une obligation, pour les vendeurs, de s'engager à décrire précisément le contenu de ces contrats.
Je vous proposerai également d'ajouter à ce texte deux recommandations, dont l'importance mérite d'être soulignée :
- l'une invitant le Gouvernement à promouvoir, lors du G20, l'adoption de nouvelles règles au sein de l'Organisation mondiale du commerce, qui prennent en compte la spécificité des marchés agricoles : il me semble que l'OMC devra d'ailleurs, à terme, réfléchir à une organisation de l'agriculture mondiale par grandes régions, pour limiter le bilan carbone des échanges agricoles ;
- l'autre tendant à promouvoir une réglementation plus contraignante des opérateurs intervenant sur les marchés financiers, notamment par une obligation pour les banques d'expliciter clairement le fonctionnement des contrats à terme utilisés pour les contrats vendus aux agriculteurs - qui bien souvent ne savent même plus ce qu'il y a derrière étant donnée leur complexité - et de mentionner ces transactions dans les bilans des entreprises.
Je vous remercie.
M. Daniel Raoul. - Mon amendement n° 1 a simplement pour but de rappeler que l'objectif premier de l'agriculture est de nourrir la population mondiale, qui atteindra bientôt neuf milliards d'habitants.
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, je suis favorable à cet amendement.
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Mon amendement n° 3 vise à insérer une recommandation afin d'inviter le Gouvernement à promouvoir au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) l'adoption de nouvelles règles commerciales qui prennent en compte la spécificité des marchés agricoles. On s'aperçoit en effet que l'OMC ne fonctionne pas parce que les règles fixées ne conviennent pas à ces marchés particuliers que sont les marchés agricoles. Il y a notamment tout un développement sur ce sujet dans un récent avis du Conseil économique, social et environnemental rendu le 25 mai 2011 sur la future PAC après 2013. Si on veut débloquer les négociations, on ne le fera pas sans modifier les règles.
M. Jean-Paul Emorine, Président. - Comme notre collègue Gérard Le Cam l'avait déjà dit, il faudrait exclure l'agriculture du champ d'application des règles de l'OMC, mais on sait que cela n'est pas possible. Aussi devrait-on au moins lui réserver un traitement spécifique.
M. Gérard Le Cam. - Oui, il faudrait même interdire toute forme de spéculation sur les marchés agricoles.
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Mon amendement n° 4 propose de préciser qu'il convient d'améliorer la fiabilité des informations en matière de prévisions de récoltes. Je tiens beaucoup à cet amendement car c'est un sujet peu soulevé. Il est clair que la spéculation est aujourd'hui alimentée par des prévisions fantaisistes à terme. Dans de nombreux pays, les prévisions de récolte ne sont pas fiables. Les statistiques non plus. Si on ne clarifie pas cela, n'importe quel média peut reprendre des informations, sous-entendre qu'il va se passer quelque chose en Ukraine et tout le monde se met à bouger sans réelle raison.
M. Daniel Dubois. - Effectivement, il est indispensable d'avoir des informations fiables. Mais cela n'aura aucun impact sur la spéculation. Car si ce système est fiable et qu'on annonce demain une catastrophe en Ukraine, la spéculation va redoubler. Cela ne règle pas la totalité du problème.
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Aujourd'hui, la majorité des donnés connues provient des satellites qui ne connaissent pas le rendement des surfaces en fonction des aléas climatique. Ils doivent donc être relayés sur le terrain par des personnes chargées de corriger leurs observations.
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Mon amendement n° 2 tend à demander une amélioration du contenu des contrats sur les marchés dérivés agricoles. En effet un des problèmes posés par la financiarisation des marchés agricoles est l'opacité de ces contrats.
M. Marcel Deneux, rapporteur. - Ce n'est pas une innovation, mais je suis très attaché à mon amendement n° 5. Je crois qu'il faut pousser les entreprises qui jouent de la spéculation dans leurs retranchements. Il faut des outils qui permettent de réglementer les actions des opérateurs via une obligation pour les banques d'expliciter clairement le fonctionnement des contrats et de mentionner ces transactions dans les bilans des entreprises qui les ont initiés. Au 31 décembre dernier, en France, certaines entreprises - surtout des coopératives - ont fait déposer des bilans agréés par leurs assemblées générales, mais les options prises ne figuraient pas dans les bilans. Or, cela change la nature du résultat de l'entreprise. Il faut de la clarté, car c'est aussi une façon de défendre les actionnaires qui n'y ont pas fait attention.
L'amendement n° 5 est adopté.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La proposition de résolution européenne est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.