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Mardi 17 mai
2011
(réunion est en commun avec la commission de
l'économie,
du développement durable et de
l'aménagement du territoire)
Politique régionale
Avenir de la politique européenne de
cohésion
Proposition de résolution de MM.
Yann Gaillard et Simon Sutour
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Nous accueillons la commission des affaires européennes pour un débat sur la proposition de résolution européenne présentée par MM. Yann Gaillard et Simon Sutour. Celle-ci, déposée en application de l'article 73 quater du Règlement, plaide pour « une politique européenne de cohésion ambitieuse après 2013 ».
M. Jean Bizet. - La proposition de résolution européenne de MM. Gaillard et Sutour, qui fait suite à leur rapport et à notre table ronde du 27 avril dernier, refuse, à juste titre, l'idée qu'il faudrait choisir entre politique agricole commune (PAC) et politique de cohésion. N'y voyez pas une position de Normand, mais la ferme conviction que demander un égal traitement des régions à niveau de richesse comparable, sans augmentation globale de l'enveloppe « cohésion », est parfaitement compatible avec la défense de la PAC.
Je note, d'ailleurs, que nos amis britanniques trouvent désormais certains mérites à la politique agricole. Dans le récent rapport de la Chambre des communes, on peut lire que la question de la sécurité alimentaire a pris une place croissante dans l'agenda politique, ce qui doit conduire à renouveler l'approche de la politique agricole. L'objectif de sécurité alimentaire inclut un degré significatif d'autosuffisance pour l'Europe, affirment les parlementaires britanniques. Cette évolution est remarquable, dans la mesure où la Grande-Bretagne s'est longtemps radicalement opposée à la conception française de la PAC. Plus que jamais, il faut défendre une PAC active avec des moyens préservés.
Avec ce texte, nous disposerons d'une base solide, conforme à l'esprit de Lisbonne, pour dialoguer avec le Gouvernement, la Commission européenne - qui présentera ses propositions fin juin - et le Parlement européen, avant l'ouverture des négociations à l'automne.
M. Yann Gaillard. - La Commission européenne, après un cinquième rapport en novembre 2010, a ouvert une consultation sur la politique de cohésion jusqu'au 31 janvier 201l. Dans ce cadre, notre commission a confié à M. Sutour et moi-même le soin de tracer les grandes orientations de cette politique durant la prochaine période de programmation, comme nous l'avions fait en 2004. Notre rapport, adopté le 26 janvier dernier, se concluait par un plaidoyer pour une politique ambitieuse de cohésion.
Avec un budget en stagnation, la tentation est grande d'amputer l'enveloppe de 347 milliards allouée à la cohésion pour financer de nouveaux objectifs. La valeur ajoutée de cette politique est pourtant reconnue : 1,4 million d'emplois créés, 38 000 projets de recherche soutenus, 4 000 kilomètres de rail et 2 000 de routes et 23 millions de personnes raccordées à des systèmes de traitement des eaux usées entre 2000 et 2006. Au-delà de ce bilan chiffré officiel, elle présente l'avantage, par rapport aux politiques sectorielles de l'Union, d'encourager des stratégies intégrées de développement régional et orientées vers des objectifs communs dans un cadre financier stable - sept ans - et complémentaire de l'investissement national. Elle assure 25 % de l'investissement public dans les régions françaises métropolitaines. Sa renationalisation serait une impasse.
Le réalisme financier commande toutefois de modifier ses règles. Conséquence des élargissements de 2004 et de 2007, le PIB moyen par habitant a baissé de plus de 10 % dans l'Union ; le centre de gravité de la politique de cohésion s'est déplacé vers l'Est. Seize régions, sur les 84 relevant actuellement de l'objectif « convergence », devraient en sortir, ce qui engendrera une économie évaluée à près de 50 milliards. Cependant, le PIB des nouveaux États membres ayant sensiblement progressé, le maintien à son niveau actuel du plafond décidé en 2006 pour adapter les transferts à la capacité d'absorption de ces États - règle du capping correspondant à un plafond de 3 à 4 % du PIB - occasionnerait un surcoût de 75 milliards. Bel exemple du caractère complexe, contradictoire, voire tortueux de la politique européenne... D'où la nécessité d'un rééquilibrage de la politique de cohésion au profit des États contributeurs nets.
Pour ce faire, il faut revoir à la baisse la règle du capping - le faible taux de consommation des fonds dans plusieurs nouveaux États membres plaide en ce sens - et augmenter l'intensité de l'aide en direction des régions ne relevant pas de l'objectif « convergence ». La France, deuxième contributeur net au budget européen, derrière l'Allemagne, a vu son solde net négatif multiplié par 13 en dix ans pour atteindre 5 milliards. L'impératif est de ne pas dégrader encore ce solde net. D'autant que la France cessera probablement d'être bénéficiaire nette au titre de la PAC du fait de l'application de celle-ci aux nouveaux États membres après 2013. Dans les négociations, la France ne peut donc s'en tenir à la seule PAC.
La Commission européenne propose de redéployer des crédits de l'objectif « convergence » vers l'objectif « compétitivité », seul volet de la politique de cohésion pour lequel notre pays est bénéficiaire net. Ce projet représente une chance pour toutes les régions françaises, en particulier celles qui deviendraient éligibles au surcroît d'aide envisagé pour les nouvelles régions intermédiaires. Saisissons-nous-en.
M. Simon Sutour. - Je suis très heureux de venir dans la salle de la commission de l'économie, décorée par un tableau représentant un magnifique paysage gardois, pour compléter l'exposé de M. Gaillard.
En quoi consiste le projet de la Commission européenne ? Actuellement, les régions dont le PIB par habitant est inférieur au seuil de 75 % de la moyenne communautaire relèvent de l'objectif « convergence » qui mobilise 82 % des crédits de la cohésion ; les autres, de l'objectif « compétitivité » auquel sont consacrés 16 % des crédits. Pour amortir le choc du passage d'une catégorie à l'autre, il existe des systèmes d'entrée et de sortie progressives : le phasing out pour les régions qui dépassent le seuil de 75 % par un effet statistique dû à l'élargissement - elles continuent de relever de l'objectif « convergence » mais selon des modalités spécifiques et dégressives - ; le phasing in pour les régions passées dans la catégorie « compétitivité » du fait de leur enrichissement - une aide particulière et dégressive est destinée à amortir le choc de la baisse brutale des versements européens. Pour un même niveau de richesse, coexistent trois intensités différentes d'aides européennes, si l'on ajoute aux régions qui bénéficient de ces deux systèmes transitoires celles qui relèvent de longue date de l'objectif « compétitivité ».
L'équité impose de soutenir la création d'une nouvelle catégorie de régions, proposée par le commissaire Hahn, au PIB compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire. D'un même niveau de richesses, elles recevraient ainsi le même niveau d'aide, quelle que soit leur histoire. Un progrès fondamental pour la cohésion entre les territoires européens ! Cette enveloppe plus ciblée bénéficierait à une région ultramarine et dix régions métropolitaines - deux ou trois sont sur le fil du rasoir - sans rien enlever aux autres. De fait, la Martinique, la Corse, le Languedoc-Roussillon, la Picardie, le Limousin, le Nord-Pas de Calais, la Basse-Normandie, la Lorraine, la Franche-Comté, le Poitou-Charentes et l'Auvergne recevraient un surcroît d'aides de près de 3 milliards d'euros. En outre, nous devons travailler à la reconnaissance des régions ultrapériphériques (RUP). Si leur spécificité est consacrée par le traité de Lisbonne, nos interlocuteurs européens y sont peu sensibles, la France, l'Espagne et le Portugal étant seuls concernés. Nos quatre départements d'outre-mer, les seuls territoires français éligibles à l'objectif « convergence », reçoivent une dotation complémentaire du Fonds européen de développement régional (FEDER). Cette allocation, qui représente 15 % des aides que leur verse l'Europe, doit être reconduite.
Cohésion et PAC sont deux politiques intimement liées : le deuxième pilier de la PAC finance la cohésion dans les régions à prédominance rurale, qui représentent pas moins de 50 % du territoire européen et 20 % de la population. Il faut maintenir le volet non agricole du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Par parenthèse, j'ai renoncé à préconiser de le sortir de la PAC pour l'intégrer dans une politique de cohésion plus globale puisque cela garantit, d'après les contacts que j'ai eus, sa pérennité.
Convaincus qu'une politique ambitieuse de cohésion est tout à fait conciliable avec la PAC, nous regrettons que le Gouvernement français, dans sa réponse à la Commission européenne, soit si prudent et juge prioritaire l'objectif d'une baisse de la part du budget européen dédiée à la politique de cohésion. D'autant que les régions françaises - par la voix de M. Jean-Claude Gayssot, vice-président de la région Languedoc-Roussillon, M. Alain Tourret, vice-président de la région Basse-Normandie, et M. André Reichardt, vice-président de la région Alsace - et les associations d'élus locaux - la fédération des maires des villes moyennes, l'association des maires de France, l'association des départements de France, l'association des maires de grandes villes et l'association des petites villes de France - appuient le projet d'une nouvelle catégorie de régions. Plusieurs États membres envisagent avec réticence la proposition du commissaire Hahn, dont l'Allemagne qui gagnerait plus au statu quo. Les avis sont partagés au sein de la commission du développement régional du Parlement européen : la présidente Hübner est pour, le rapporteur Pieper, un Allemand, est contre.
Avec cette proposition de résolution européenne, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, fera oeuvre utile en confirmant son attachement à la politique de cohésion, cruciale en temps de crise, avant que la Commission européenne ne soumette son projet en juillet prochain.
M. Bernard Frimat. - Je félicite sincèrement le duo Gaillard et Sutour, aussi célèbre pour la politique de cohésion que le Gault et Millau en son domaine ! J'approuve l'esprit de la résolution. En revanche, sa lettre pourrait être légèrement reprise. Le célèbre « I want my money back » de Mme Thatcher est contraire à l'esprit européen. Mettez-vous à la place des commissaires européens ; mettre en avant le solde négatif de la France, l'idée de contributeurs et de bénéficiaires nets, si persuasive pour les Français, ne les convaincra pas.
Sans modifier l'économie générale de la proposition, qui est tout à fait judicieuse, nous pourrions supprimer le paragraphe ainsi rédigé : « Juge utile de ne pas dégrader encore le solde net de la France à l'égard de l'Union européenne ». Le solde négatif est peut-être un élément essentiel, mais il est surtout essentiel de ne pas y faire allusion ! Il conviendrait également d'adoucir le ton du quatrième considérant en écrivant : « Considérant que la politique de cohésion, pour continuer, doit recueillir l'assentiment de l'ensemble des pays ». Voilà mon souhait modeste, mais insistant.
Enfin, un mot des RUP : la bataille est vive à Bruxelles. Hélas, peu s'y intéressent, sinon nos collègues ultramarins. L'enjeu est pourtant considérable.
M. Simon Sutour. - Une résolution européenne s'adresse au Gouvernement, non à la Commission. A notre goût, celui-ci ne défend pas suffisamment la politique de cohésion. Nous avions la faiblesse d'espérer que notre rapport de janvier dernier aurait une influence... L'exécutif a préféré mettre le paquet sur la PAC, considérant que la France était seule à soutenir cette politique. Soit, mais la proposition de la Commission, consistant à créer des régions intermédiaires, correspondrait à 3 milliards supplémentaires pour les régions françaises. Il serait dommage que cette chance nous passe sous le nez. Quant aux RUP, j'ai moi-même souligné qu'il fallait accentuer la pression.
M. Michel Teston. - Nous devons effectivement faire preuve de solidarité envers les territoires, surtout les RUP. La petite faiblesse du projet réside peut-être dans le critère retenu : celui du PIB régional. Il existe, au sein de régions riches, des territoires pauvres : le sud de l'Ardèche et de la Drôme, par exemple, en Rhône-Alpes. Les programmes européens prenaient en compte cette particularité autrefois.
M. Jacques Blanc. - Rapporteur sur la politique européenne envers la montagne au sein de la commission des affaires européennes, je souscris à la volonté de donner une arme au Gouvernement pour défendre la politique de cohésion territoriale. Je suggère de rappeler que cette politique est devenue un objectif européen depuis le traité de Lisbonne et d'ajouter, après l'évocation des RUP, les régions visées à l'article 174-3, dont font partie les régions de montagne. Ce serait logique puisque l'Europe a décidé, pour la première fois, de mettre au coeur de sa politique le développement harmonieux des territoires, y compris ceux à handicap naturel ou démographique.
Mme Bernadette Bourzai. - A l'instar de M. Frimat, je regrette la tonalité franco-française de ce texte. Peut-être faut-il y voir le signe que nous n'avons pas, tous deux, tout à fait oublié le temps où nous étions parlementaires européens. La politique de cohésion a pour but de réduire les inégalités territoriales et, jusqu'à la dernière cuvée, les disparités infrarégionales - je peux en témoigner en tant qu'élue régionale du Limousin. Le fléchage des crédits en fonction de la stratégie de Lisbonne conduit à placer les territoires les plus compétitifs en matière d'innovation et de recherche en position de favoris dans la « course en sac » pour les aides européennes. Insistons sur le caractère solidaire de la politique de cohésion, non sur l'attente d'un retour sur investissement. Souvenez-vous, lors d'une récente réunion avec les députés européens et les députés, nous avons refusé un abandon de la PAC au prétexte que la France n'en serait plus un bénéficiaire net. Quant aux pays de l'Est, je me souviens que, lors de leur entrée dans l'Union européenne, 90 % des régions de ces dix pays étaient plus pauvres que la Guyane, la plus pauvre des régions des anciens États membres. Voilà le véritable tableau ! La sous-consommation des crédits s'explique par leur manque de structures administratives, de méthodologie, de capacité à compléter le financement européen, non par leur absence de besoins. Aidons-les à progresser et ciblons les crédits sur les territoires qui en ont le plus besoin plutôt que de les mettre aux enchères aux plus offrants, c'est-à-dire aux plus dégourdis. Une meilleure articulation des fonds - FEDER, FEADER et Fonds social européen - est également souhaitable pour mieux servir les populations qui ont besoin d'équipements et d'infrastructures, entre autres, dans les zones rurales, en Espagne, dans les RUP ou encore les régions de montagne. Suggérer qu'il n'y aurait pas intérêt à rester dans le dispositif au vu du bilan financier est une mauvaise chose.
Cela dit, la question de M. Frimat est pertinente. A qui ce texte s'adresse-t-il ?
M. Robert del Picchia. - Au Gouvernement ! Nous lui donnons une arme pour négocier ; il pourra dire à la Commission : mon Parlement me demande de tenir cette position !
M. Bernard Frimat. - Si le Parlement pouvait contraindre le Gouvernement, cela se saurait !
M. Jean Bizet. - L'objectif est d'aider le Gouvernement à définir des priorités dans les futures négociations.
M. Daniel Raoul. - A la suite de M. Frimat, je propose de supprimer les mots suivants : « au profit des États contributeurs nets de cette politique » dans le quatrième considérant et toute mention du solde de la France. La renationalisation des politiques européennes étant dans l'air, peut-être pourrions-nous également évoquer la PAC à ce sujet dans le texte car elle n'y apparaît pas.
Notre langue possède des termes pour « capping » et « phasing out » : nous pourrions remplacer ceux-ci par « plafonnement » et « processus d'entrée et de sortie ».
Il me semble qu'une proposition de résolution pour les politiques à mener entre 2014 et 2020 se doit de prendre en compte une tension géopolitique émergente. Elle concerne l'alimentation de la planète. La Chine en achetant sans cesse plus de terrains en Afrique, la Libye en investissant au Mali, nous prouvent que certains pays réfléchissent déjà à ce problème, qui deviendra plus important que celui de l'énergie.
M. Gérard Bailly. - Hier soir, je participais à une réunion d'agriculteurs dans une zone très dynamique de mon département. Pour faire écho au problème évoqué par M. Daniel Raoul et aux quantités produites par l'agriculture, je souligne que dans un département où 25 % du territoire est classé Natura 2000, composé pour 27 % de forêts qui s'étendent, on ne dispose guère de marges de progression - d'autant moins que les contraintes et les interdictions imposées aux producteurs sont innombrables.
M. Rémy Pointereau. - La proposition de résolution s'inscrit dans le prolongement de l'excellent rapport d'information de nos collègues Gaillard et Sutour, relatif à l'avenir de la politique de cohésion. Le texte peut en l'état recueillir une large approbation au sein des deux commissions et du Sénat. Il est équilibré.
Le sujet est crucial. Depuis la création du Fonds européen de développement régional en 1975, la politique de cohésion a pris une importance croissante, y compris dans le budget communautaire. Avec la PAC, elles représentent l'essentiel des moyens d'action de l'Union européenne - et des politiques qui comptent véritablement aux yeux des citoyens.
La France est contributeur net : ne choquons pas la Commission européenne, mais n'ayons pas peur de le rappeler. D'autres ne se gêneront pas pour le faire. Je songe à l'Allemagne qui fournit la plus grosse contribution, 19 % du total. Nous nous situons derrière avec 16 %, et 5 milliards d'euros de solde net négatif.
La politique de cohésion est un succès, énonce l'un des considérants. Il est justifié de reconduire cette politique. Mais durant la période 2014-2020, la contrainte budgétaire sera aiguë. La solution est sans doute de demander une révision à la baisse du plafond de crédits en fonction du PIB. Soit dit en passant, je partage l'avis de M. Raoul, francisons les mots. Un plafonnement plus strict ouvrira une marge de manoeuvre en faveur de la nouvelle catégorie des régions intermédiaires préconisée par la Commission européenne. La table ronde organisée le 27 avril par nos deux commissions a bien montré l'assentiment de tous les acteurs locaux concernés par cette politique de cohésion. Onze régions sont mentionnées mais d'autres ne le sont pas. Or il existe des territoires, des départements entiers parfois, qui sont des zones fragiles. Peut-être faudrait-il calquer les zones intermédiaires sur le zonage agricole, avec des territoires bien identifiés. Le sud de la région Centre, par exemple, est défavorisé ; des départements comme le Cher et l'Indre sont fragiles.
L'avantage d'une nouvelle catégorie est de corriger les effets de seuil, lorsqu'une région sort des critères d'application des aides européennes au développement. Aujourd'hui, des régions de même niveau de richesse sont traitées différemment. L'instauration des zones intermédiaires, celles où le PIB est compris entre 75 et 90 % du PIB moyen communautaire, aurait aussi pour vertu d'améliorer, pour la France, le taux de retour de la politique de cohésion.
La proposition de résolution est complète, elle mentionne les fortes contraintes géographiques des régions ultrapériphériques, aspect sur lequel la France est souvent isolée...
L'adoption de la résolution en l'état serait tout à fait satisfaisante. La commission de l'économie pourrait cependant l'améliorer sur deux points. Il serait bon de prendre position sur la proposition formulée par la Commission européenne, la « réserve de performance » destinée à récompenser les régions les plus efficaces dans la gestion des fonds européens. Et nous pourrions aussi plaider pour une simplification, notamment en assouplissant la règle du dégagement d'office - les fonds non utilisés dans le délai de deux ans doivent être restitués.
M. Jean-Paul Emorine. - L'Europe a été conçue comme un espace de solidarité. La PAC s'adresse aux régions en voie de désertification - il serait temps du reste de remettre en cause les références historiques. Pour le développement, c'est la même approche qui a été retenue. Je partage l'avis de M. Frimat, le considérant relatif à la politique de cohésion jugée insoutenable « sans un rééquilibrage au profit des États contributeurs nets » devrait être supprimé, au nom de la solidarité européenne. Énoncer qu'il ne faut pas « dégrader encore le solde net de la France à l'égard de l'Union européenne » suffit pour alerter le Gouvernement, s'il veut bien comprendre. M. Alain Lamassoure propose de réformer les actuels circuits de financement de la PAC fondés sur le revenu national brut car ils sont contraires à l'esprit de la construction européenne. C'est en appliquant des principes de solidarité que l'Europe progressera.
M. Alain Houpert. -La création des régions intermédiaires serait un moyen de rééquilibrer les aides en faveur de ceux qui souffrent le plus. Les anciens plans européens comprenaient un zonage, je songe au Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA). Et les crédits étaient consommés ! Les zonages ne sont plus de mise mais le résultat, c'est qu'on n'y comprend plus rien. Il y a des chemins « FEOGA » à La Réunion. Les nouveaux programmes, eux, ne restent pas dans les mémoires.
M. Jean Bizet. - La résolution va être soumise au vote des seuls membres de la commission des affaires européennes puis sera examinée la semaine prochaine par les membres de la commission de l'économie, avant qu'elle devienne résolution du Sénat.
M. Simon Sutour. - Nous arriverons à une synthèse, je n'en doute pas.
La réserve de performance existe déjà : elle a été créée par M. Barnier. Mais il faut demander qu'elle perdure, car elle fonctionne bien. Quant au dégagement d'office, je partage le point de vue de M. Pointereau. La Commission européenne veut aller en ce sens. Il est donc opportun d'insister sur ce point !
M. Teston a raison : dans l'idéal, il faudrait déterminer des périmètres très précis, au canton près ; mais l'Europe, elle, raisonne par grandes régions. Je précise que notre proposition, dans son esprit, vise surtout à faire pression sur le Gouvernement.
Je propose de supprimer, dans le considérant relatif à un rééquilibrage, les mots : « au profit des États contributeurs nets de cette politique » ; ainsi que l'alinéa dans lequel il est jugé « essentiel de ne pas dégrader encore le solde net de la France à l'égard de l'Union européenne ».
Enfin, nous pourrions compléter l'avant-dernier paragraphe, en ajoutant : « et les régions visées par l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »
M. Jacques Blanc. - Très bien !
M. Daniel Raoul. - Au lieu de mentionner « toute tentative de renationalisation de la politique de cohésion », nous pourrions évoquer, plus largement, la « renationalisation des politiques communes ».
M. Simon Sutour. - La proposition de résolution porte sur la politique de cohésion...
M. Daniel Raoul. - Mais le solde net des contributeurs ne vise pas seulement les crédits de la politique du développement ! Déminons toutes les « tentatives » !
M. Jean Bizet. - Nous pourrions écrire : « renationalisation de la politique de cohésion, comme des autres politiques communes ».
M. Daniel Raoul. - Oui !
M. Jean Bizet. - Je mets aux voix la proposition de résolution dans la rédaction incluant les modifications que nous venons d'évoquer.
*
La proposition de résolution est adoptée par la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet. - Cette résolution invite le Gouvernement à prendre en compte la position du Parlement, en l'occurrence du Sénat. Au Gouvernement ensuite de prendre ses responsabilités, mais s'il décidait de passer outre, il se trouverait entre 2014 et 2020 dans une position délicate !
Je reviens à ce que j'ai dit en introduction - j'ai vu du reste que Mme Bourzai, spécialiste des questions agricoles, en était ébranlée. Le Gouvernement est hésitant, car il ne veut pas fragiliser la PAC, même s'il est conscient de l'importance de la politique de cohésion. Mais la Chambre des communes britannique trouve désormais certaines vertus à la PAC. C'est un élément important : la discussion est plus ouverte ! Et les pays de l'Europe du nord, plutôt hostiles à la PAC après 2013, devraient être dès lors plus modérés. Le Gouvernement doit pousser ses feux !
Le 8 juin, je vous le rappelle, nous recevrons M. Bruno Le Maire pour débattre de la PAC et de la politique européenne de cohésion. Nous n'en avons pas fini avec ce sujet !
*
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante, parue sous le n° 523 :