Mardi 22 mars 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France - Audition de M. Maurice Leroy, ministre de la ville
La commission entend M. Maurice Leroy, ministre de la ville, sur la proposition de loi n° 299 (2010-2011) visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Monsieur le ministre, la commission de l'économie est heureuse de vous accueillir pour la première fois au Sénat. Cette audition - fait original - est consacrée à une proposition de loi, déposée par Mme Nicole Bricq et ses collègues, et au Grand Paris. Les travaux de la commission spéciale constituée pour examiner ce projet de loi, que j'avais eu l'honneur de présider et dont les membres sont aujourd'hui présents, ont prospéré : je me réjouis de l'accord que vous avez trouvé avec le président de la région Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, en janvier dernier.
M. Maurice Leroy, ministre. - Cette première rencontre est, pour moi, un grand plaisir. Je tiens à saluer Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et de la commission spéciale, Dominique Braye, rapporteur de la proposition de loi, et Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale. Je sais toute la responsabilité, la charge et l'honneur du mandat parlementaire, pour avoir été secrétaire général du groupe communiste au Sénat... (Exclamations amusées à gauche), puis député. Lors des séances consacrées à l'examen de la loi sur le Grand Paris que j'ai présidées à l'Assemblée nationale, j'ai mesuré la qualité de votre travail - je pense notamment à votre amendement sur la commission nationale du débat public. Grâce à vous, cette loi est plus simple, plus lisible, plus efficace. Des qualités précieuses pour moi qui, au sein du Gouvernement, doit dorénavant la mettre en oeuvre !
Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il débloquer la question du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) ? La région-capitale, qui représente 30 % du PIB, a besoin d'une vision prospective. Elle doit formaliser ses axes de développement dans un document unique et partagé, partagé entre la Région et les autres collectivités locales mais aussi entre la Région et l'État. C'est tout le sens du SDRIF ! La Région l'élabore, tandis que l'État approuve ses orientations, vérifie sa compatibilité avec les orientations nationales et le paraphe. Au-delà des clivages partisans, chacun doit jouer son rôle : la Région est dans le sien lorsqu'elle insiste sur la nécessité d'une sécurisation rapide du cadre juridique, de même que l'État lorsqu'il demande un schéma à la hauteur de son ambition de faire de Paris, hors de ses frontières physiques héritées d'un passé glorieux, une ville-monde harmonieuse et durable. L'accord du 26 janvier dernier est historique. Tout d'abord, parce qu'il se fonde sur une vision partagée de l'avenir de la métropole. Sans elle, il aurait été impossible de trouver un compromis sur le tracé de métro automatique, projet très attendu des Parisiens. Ensuite, cet accord comporte un engagement sur les voies à suivre pour débloquer la question du schéma directeur et - j'y insiste - sur les moyens. Le SDRIF de 1994 n'est plus pertinent. Nous avons besoin d'un nouvel outil pour bâtir cette région-capitale qui doit être la locomotive de toute l'économie française - l'époque du Paris et le désert français est révolue ! - et rester une terre d'accueil pour les entreprises, les ménages, les salariés et les touristes ; pour faire de Paris cette métropole du XXIe siècle fondée sur le développement durable et la solidarité des territoires et des habitants que les travaux foisonnants des architectes du Grand Paris ont imaginée. J'ai la faiblesse de penser que ces objectifs, qui ont présidé à l'élaboration de la loi du 3 juin 2010, défendue par Christian Blanc, animaient également les concepteurs du projet de SDRIF de 2008. Il est plus que temps de sortir de l'impasse !
Cette proposition de loi tend d'abord à libérer les projets bloqués à cause du SDRIF 1994 désormais inadapté. Ensuite, son but est d'assurer la sécurité juridique pour prévenir les risques de contentieux - le point est essentiel, merci à Nicole Bricq et ses collègues d'y avoir travaillé. Je rappelle que le Conseil d'État, dans son avis d'octobre 2010, a émis de fortes réserves sur la validation législative du projet de SDRIF de 2008. Mais je fais confiance au Sénat, qui sait si bien veiller à la qualité de notre droit. Enfin, dernier objectif, la préservation de l'autonomie des collectivités locales. Ne nous y trompons pas : nous voulons faciliter le travail des collectivités locales, non valider un projet de SDRIF rendu caduc, entre autres, par la loi relative au Grand Paris. Ce texte prévoit seulement des dispositions transitoires dans l'attente de la révision du SDRIF pour laquelle il prévoit un calendrier ambitieux.
Parce qu'il y va de l'avenir de notre capitale et, donc, de l'intérêt national, je suis convaincu que nous saurons nous rassembler !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous sommes entre gens de bonne volonté, les travaux de la commission spéciale l'ont démontré.
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté d'aboutir. L'essentiel est effectivement, pour reprendre vos mots, de débloquer et de sécuriser la situation. Les élus, y compris ceux de l'UMP dans mon département de la Seine-et-Marne, se désolent de ne pas pouvoir lancer des projets qui sont utiles pour l'économie et l'environnement. Le problème est particulièrement aigu dans la grande couronne. Cette proposition de loi, contractée en un article unique, offre davantage de sécurité juridique. L'accord conclu entre la Région et l'État ne doit pas rester pas virtuel ; le SDRIF doit être un document unique et partagé, avez-vous dit à juste titre.
Je m'interroge sur les voies et moyens, dont vous avez dit qu'ils avaient fait l'objet d'un engagement. Qu'en est-il des moyens ? Le Président de la République, je le cite de mémoire, a déclaré : sur le Grand Paris, il faut aller vite, aller loin, et avec des moyens. Parmi ces moyens, on peut également citer le SDRIF. Notre volonté, par ce texte, est de dénouer des situations bloquées depuis trois ans, sans rouvrir la boîte de Pandore du débat sur le Grand Paris. Enfin, la question de la maîtrise d'ouvrage se pose à la fois pour la construction des logements - M. Apparu, au nom du Gouvernement, a affiché des objectifs ambitieux- et celle des réseaux de transport. Les collectivités vont être appelées à financer des projets portés par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) ; certaines se sont déjà engagées pour des sommes qui dépassent le milliard : les Hauts-de-Seine, qui investissent 200 millions pour la ligne 14, Paris et la Seine-Saint-Denis. Ces collectivités sont, vous l'avez noté, de sensibilités politiques différentes ; le problème n'est donc pas politique. La maîtrise d'ouvrage revenant au financeur, comment envisagez-vous le partage ?
M. Dominique Braye, rapporteur. - Merci à Maurice Leroy de venir devant notre commission et à Nicole Bricq d'avoir déposé cette proposition de loi. Si elle n'en avait pas pris l'initiative, nous l'aurions fait ! Il faut, certes, débloquer et sécuriser la situation mais en évitant toute atteinte à la liberté des collectivités locales et toute validation législative du projet de SDRIF de 2008.
En tant que rapporteur, je m'en tiendrai à des questions techniques. Le protocole du 26 janvier 2011 prévoit une disposition législative permettant de « libérer les projets des collectivités territoriales et de l'État compatibles avec le projet de SDRIF. » Le I de l'article unique de la proposition de loi dispose, lui, que les documents d'urbanisme « doivent être compatibles » avec le SDRIF adopté par le Conseil régional en 2008. Autrement dit, la compatibilité devient une obligation. Jean-Paul Huchon, que j'ai auditionné, soutient que cela est conforme aux termes de l'accord. Pourtant, à mon sens, ce dernier se limite à ouvrir une possibilité. Monsieur le ministre, qu'en pensez-vous ? N'est-il pas souhaitable de fixer une date-butoir pour l'entrée en application du SDRIF de 2008 ? Cela inciterait la Région à le réviser... Pouvez-vous nous indiquer le rétro-planning et nous préciser quel sera l'objet de la révision du SDRIF ? En outre, le II de l'article unique fait référence aux contrats de développement territorial et au schéma de transports. Vous savez notre attachement à construire en Île-de-France pour résoudre la crise du logement. Toutefois, l'ajout de l'objectif de 70 000 logements me semble source d'insécurité juridique, le Préfet de région ne l'ayant pas encore territorialisé. Aux termes du III de l'article unique, le décret, prévu à l'article 2 de la loi du 3 juin 2010, vaudra mise en révision du SDRIF de 2008. Ne faut-il pas supprimer la référence au texte de 2008 ? Peut-on parler d'une révision de ce document quand la procédure ouverte par le décret de 2005 n'a pas été close ? Enfin, le cinquième alinéa du III supprime la concertation avec les conseils généraux en amont de la révision du SDRIF. Peut-on s'en passer ?
M. Jean-Pierre Fourcade. - Monsieur le ministre, toutes mes félicitations pour cet accord ; le compromis était difficile à trouver, comme l'ont montré nos débats l'an dernier. Je remercie également Nicole Bricq d'avoir déposé cette proposition de loi.
Ce texte institue une dérogation jusqu'à révision du SDRIF. En conséquence, seules les collectivités dont les projets sont bloqués par le SDRIF de 1994 réviseront leur plan local d'urbanisme (PLU). Ne faut-il pas préciser en conséquence la rédaction du I de l'article unique ? Pour sécuriser la situation, ne faut-il pas confier au Préfet de région le soin d'apprécier la compatibilité des documents d'urbanisme révisés ?
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je suis heureux que Nicole Bricq ait prévu expressément les contrats de développement territorial ; c'est le plus urgent pour le réseau. Faut-il aller plus loin ? A l'instar du rapporteur, je ne le pense pas. Enfin, les départements et nos collègues du groupe CRC s'inquiètent que les conseils généraux ne puissent pas donner leur avis sur la mise en révision. Bref, faut-il rouvrir une période de consultation ?
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - C'est perdre six mois !
M. Maurice Leroy, ministre. - Chercher des convergences, voilà l'objectif qui m'anime comme vous. Les engagements de l'État tiennent en quatre chiffres : 1 milliard de financements budgétaires pour le projet de modernisation des réseaux de transport existants jusqu'en 2013 ; 2 milliards d'économies fiscales au bénéfice du STIF jusqu'en 2025...
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Un peu virtuel !
M. Maurice Leroy, ministre. - Jean-Paul Huchon vous confirmera ce calcul... Enfin, 3 milliards de contribution budgétaires nouvelles en sus du contrat État-Région en cours et 5 milliards au profit du métro automatique, dont une dotation en capital de l'État de 4 milliards au profit de la SGP et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux acquittée par la RATP pour 1 milliard. Ces sommes seront libérées à mesure des besoins de financement. Au total, l'État investit 10 milliards d'argent frais (Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi, en doute.) pour le réseau de transport en Île-de-France, dont 5 milliards pour la modernisation de l'existant, dont les lignes de RER C et D, et 5 milliards pour le métro automatique. De leur côté, les collectivités et le STIF s'engagent à financer la modernisation du réseau de transport pour 6,5 milliards et le métro automatique pour 2,5 milliards entre 2010 et 2025.
J'en viens à la maîtrise d'ouvrage. En la matière, mon seul souci est l'efficacité opérationnelle, je rappelle que la loi du 3 juin 2010 a donné à la société du Grand Paris la maîtrise d'ouvrage du projet de rocade pour 20 milliards. Le STIF, lui, a fort à faire avec la mise en place du plan de mobilisation, qui représente 12 milliards. Je me suis engagé à confier au STIF l'extension de la ligne 14 entre Saint-Lazare et Saint-Ouen ; l'accord devrait être conclu sous peu. Inutile d'écrire cela dans la loi !
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Il n'y a pas que la ligne 14 !
M. Maurice Leroy, ministre. - L'État tiendra ses engagements. De plus, la société du Grand Paris passera une convention de coordination avec le STIF pour l'associer au projet de rocade, y compris sur les appels d'offre. C'est, au reste, la moindre des choses, le syndicat étant le futur exploitant du réseau. Tous les engagements, que j'ai pris afin de faciliter un compromis, sont consignés dans l'accord entre l'État et la Région. Dans ces conditions, inutile de transformer la maîtrise d'ouvrage en point de fixation.
Dominique Braye, la conformité avec les dispositions du SDRIF de 2008 relèvent-elles de l'obligation ? Non, car l'accord prévoit une disposition législative permettant - j'y insiste - de libérer les projets des collectivités bloqués par le SDRIF de 1994. Nous avons tous intérêt à débloquer la situation mais dans le respect du choix des collectivités de se mettre ou non en conformité avec le SDRIF de 2008. La proposition de Jean-Pierre Fourcade consistant à confier au Préfet de région l'appréciation de la compatibilité me semble excellente ; elle renforce la sécurité juridique. Il faut donc, au premier alinéa du I, écrire « peuvent être compatibles ». Si les auteurs de la proposition de loi maintiennent la rédaction actuelle, ils iront à l'encontre du principe de liberté des collectivités, qu'ils affichent dans l'exposé des motifs, et de l'avis du Conseil d'État. Et n'importe qui pourra déposer un recours !
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Ce n'est pas notre analyse ! Vous laissez coexister deux schémas !
M. Maurice Leroy, ministre. - Si l'objectif est de libérer les projets, il faut que la compatibilité reste une possibilité. Un étudiant de première année en droit vous confirmerait que seul le SDRIF de 1994 a une réalité juridique...
Oui à une date-butoir pour conserver aux dispositions de cette proposition de loi leur caractère transitoire. Le décret sur le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, prévu à l'article 2 de la loi du 3 juin 2010, sera publié en juillet. Un délai de 30 mois après sa publication me semble raisonnable ; la date-butoir pourrait donc être le 31 décembre 2013.
J'en viens au troisième alinéa : une révision dérogatoire ne saurait bien sûr empêcher la mise en oeuvre des objectifs de la loi de juin 2010. Son article premier, qui mentionne les contrats de développement territorial, le schéma de transport et les 70 000 logements, est comme l'a dit M. Fourcade un levier pour territorialiser l'offre de logements.
M. Dominique Braye, rapporteur. - L'objectif des 70 000 logements s'appliquera-t-il avant la territorialisation ? Si tel était le cas, il en résulterait une grande fragilité juridique. Chacun peut en effet territorialiser à sa façon l'objectif fixé pour l'ensemble de l'Île-de-France !
M. Maurice Leroy, ministre. - Je suis personnellement d'accord avec vous ; mais tout ceci est déjà inscrit dans la loi et le confirmer ici apportera plus de sécurité juridique.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Mais je pourrais élaborer un schéma de cohérence territoire, un PLU, et apprendre a posteriori que je dois créer 15 000 logements. Je pourrais dans le même temps apprendre que la commune voisine doit en construire seulement 9 000 ! Il y a là une source de contentieux.
M. Maurice Leroy, ministre. - Nous devons mentionner les trois objectifs ou aucun... Ce sont les objectifs de l'article 1er de la loi de juin 2010, on ne peut citer le schéma de transport et les contrats de développement territorial, en laissant de côté les logements !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Je suis à l'origine de cette mention des 70 000 dans le texte de loi. Mais il faut veiller à mettre en oeuvre la territorialisation avant les objectifs de l'article 1er. Un étudiant de première année de droit le comprendrait !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Des amendements pourront être déposés en séance, une concertation est également possible avant.
M. Maurice Leroy, ministre. - Bien sûr.
S'agissant du cinquième alinéa, il faut parler d'une nouvelle mise en révision du SDRIF de 1994, non d'une mise en révision du projet de SDRIF 2008, si l'on veut veiller à la sécurité juridique. Quant au dernier alinéa, je crois effectivement qu'il est superfétatoire. Pour tenir les délais de révision, la proposition de loi tend à supprimer l'obligation de recueillir des propositions des conseils généraux et des chambres consulaires. Si cette idée ne rencontre pas d'opposition parmi les conseils généraux, tant mieux ! Car c'est une bonne disposition. L'essentiel, pour mener à bien la révision, est que nous entretenions des relations de confiance.
M. Dominique Braye, rapporteur. - J'ai souhaité un affichage politique fort dans la loi relative au Grand Paris concernant les logements. Quand la territorialisation sera effective, les plans locaux d'habitat devront en tenir compte. Inscrire au II de la présente proposition de loi l'objectif des 70 000 logements est prématuré et risque de susciter de nombreux recours.
M. Maurice Leroy, ministre. - Pourquoi ne pas écrire que « la réalisation de ces objectifs doit être conforme à l'article 1er de la loi du 3 juin 2010 » ? Vous auriez satisfaction !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Non car d'autres objectifs sont mentionnés, la réduction des déséquilibres sociaux, territoriaux, fiscaux - bref il faut prendre en compte toute une prose qui donnera lieu à un volumineux contentieux.
M. Maurice Leroy, ministre. - Eh bien remplaçons toute cette prose par « être conforme à la réalisation des objectifs de l'article 1er », autrement dit le schéma de transport, les logements, les contrats.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Et l'on nous reprochera de ne pas réduire les déséquilibres sociaux ou fiscaux...
M. Maurice Leroy, ministre. - Mais ce qui figure dans la loi de juin 2010 s'applique déjà !
M. Jean-Pierre Fourcade. - A mon sens il faut mentionner « les objectifs de l'article 1er et notamment des contrats de développement territorial et du schéma de transport ».
M. Jean-Paul Emorine, président. - La semaine qui s'ouvre sera celle de toutes les réflexions et de toutes les expertises juridiques. Et je ne doute pas que nous parviendrons à une bonne rédaction.
M. Jean-Pierre Caffet. - Vous avez déjà conclu la discussion, Monsieur le ministre, et indiqué la position du Gouvernement : dés lors, comment débattre ? Pourtant, vous vous êtes engagé, par le protocole d'accord, à libérer les projets des collectivités qui ne sont pas compatibles avec le SDRIF de 1994. Et vous souhaitez maintenant que l'on écrive : « peuvent ». Autrement dit, rien n'interdira à une collectivité de modifier ses documents d'urbanisme en conformité avec le SDRIF de 1994.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Oui !
M. Jean-Pierre Caffet. - On libère des projets qui ne sont pas compatibles avec le SDRIF en vigueur, pour aller vers un autre SDRIF. Vous avez des réserves sur le document de 2008, je l'ai compris. Mais votre formulation autorise une collectivité à poursuivre des projets et modifier ses documents d'urbanisme en conformité totale avec le SDRIF de 1994...
Vous invoquez l'argument de la sécurité : mais je ne suis pas certain qu'une modification compatible avec le SDRIF de 1994 soit plus sûre juridiquement qu'un document compatible avec le SDRIF de 2008. Car celui de 1994 a été rendu obsolète par la législation adoptée depuis lors, loi « Solidarité et renouvellement urbains », Grenelle de l'environnement, etc. Une autre rédaction n'est-elle pas envisageable ? Le but est bien d'éviter que les collectivités reviennent au schéma de 1994. Peut-être pourrait-on adopter une formulation qui, introduisant dans le texte le contenu de l'accord, écarte les projets compatibles avec le SDRIF de 1994 mais laisse ouverte la possibilité à des projets compatibles avec celui de 2008 ?
M. Dominique Braye, rapporteur. - Ce n'est juridiquement pas possible !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Les conclusions ne sont pas tirées et le débat reste ouvert jusqu'au vote.
M. Maurice Leroy, ministre. - Je vous rappelle les termes du protocole État-Région sur les transports publics en Île-de-France : « La Région et l'État s'accordent pour la mise en oeuvre d'une solution législative relative au schéma directeur de la région Île-de-France. Afin de tirer pleinement parti des éléments constitutifs de la vision partagée de l'État et de la Région, compte tenu de l'avis du Conseil d'État relatif au projet de décret d'approbation du SDRIF, l'État et la Région souscrivent à la nécessité de proposer et faire adopter une disposition législative permettant de libérer les projets des collectivités territoriales et de l'État compatibles avec le projet de SDRIF adopté par le Conseil régional d'Île-de-France et avec la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, jusqu'à l'approbation de la révision du SDRIF. »
M. Jean-Pierre Caffet. - Nous sommes d'accord !
M. Maurice Leroy, ministre. - « Peuvent » ou « doivent » : je comprends bien que certains veuillent, animés de motivations politiques, promouvoir le « doivent ». Mais l'argument juridique ne tient pas. Aujourd'hui, il n'y a pas deux SDRIF.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Exactement ! Et l'on prévoit une dérogation provisoire jusqu'à la révision du SDRIF.
M. Maurice Leroy, ministre. - Le SDRIF de 2008 est en grande partie caduc, seul existe le schéma de 1994 - d'où votre proposition de loi. Mais la formulation « peuvent » est opératoire ! L'avis du Conseil d'État est clair, tout ce qui va dans le sens de l'automaticité introduit une fragilité juridique, en méconnaissant l'autonomie des collectivités.
Mme Nicole Bricq. - Sur l'aspect dérogatoire, la proposition de loi est claire, sur le SDRIF en vigueur, celui de 1994, également. J'ajoute qu'il n'y a pas d'application automatique, la mention vaut seulement lorsque les documents « sont révisés ou modifiés ».
M. Dominique Braye. - Bref, chaque fois que l'on y touche, la règle s'applique automatiquement !
Mme Nicole Bricq. - Le Conseil d'État insiste sur le respect de la loi relative au Grand Paris et sur ce qui sera « tamponné » au travers du SDRIF de 2008. Le ministre, lui, fait référence à un problème politique. Ni moi ni Jean-Pierre Caffet n'avons évoqué cela ! Mais il y a, dans cette affaire, de la politique. Soyons prudents, car il existe une majorité au Sénat, qui prendra ses responsabilités ; il en existe une également au Conseil régional, qui fera de même.
Votre réponse sur la maîtrise d'ouvrage ne m'a pas convaincue, Monsieur le ministre, car « coordination » et « association » ne sont pas des concepts juridiques. Pour ma part j'ai plus confiance dans la loi que dans les conventions et c'est l'honneur du Parlement que d'encadrer ces dernières.
Vous prenez un risque. Vous avez pourtant besoin des collectivités locales, tout comme elles ont besoin que l'État s'engage fermement. Il faut y parvenir ! Le blocage est-il juridique ou politique ?
Mme Dominique Voynet. - L'une des qualités essentielles de l'accord État-Région était que chacun sauvait la face. Ce fut une sortie par le haut, même si chaque partie n'adhérait pas à toutes les dispositions. Je mets en garde le Sénat contre la tentation de revenir sur cette paix des braves. Il y a un seul SDRIF aujourd'hui : c'est celui de 1994.
Lorsqu'une nouvelle disposition législative impose une révision du PLU, les collectivités ne jettent pas tout le travail accompli, elles adoptent le document qu'elles avaient élaboré puis lancent une révision. Il s'agit d'un travail évolutif. Au cas présent, certes, les collectivités pourront remettre l'ouvrage sur le métier : mais des associations, des groupes de travail ont consacré un temps et des efforts infinis à ce projet depuis plusieurs années ! Le débat sur le Grand Paris a mobilisé des milliers de personnes ; or il n'a pas été un dialogue de sourds, il a infléchi le projet ! Et tout ce travail n'aurait servi à rien ? Je ne suis pas certaines que les collectivités accepteront de se prêter à une telle manipulation.
M. Jean-Pierre Fourcade. - A Boulogne-Billancourt, nous allons procéder à une modification très ponctuelle du PLU, pour un petit groupe d'immeubles. Si l'on appliquait la rédaction de Nicole Bricq, il faudrait que notre modification soit compatible avec le schéma de 2008 et la loi de juin 2010. Or il ne s'agit que d'un changement de coefficient d'occupation des sols sur un immeuble !
En revanche, il me paraît légitime que la ville, si elle veut relancer un projet bloqué par le schéma de 1994, doive réviser son PLU dans un sens compatible avec le SDRIF futur et la loi de juin 2010.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Toute modification même la plus ponctuelle serait soumise à une procédure très lourde si nous adoptions la rédaction de Nicole Bricq. Dans le protocole d'accord, chaque mot a été pesé. J'ai assuré le président de la région que nous reprendrions tout l'accord et rien que l'accord ; que nous n'accepterions aucune surenchère ou sous-enchère d'où qu'elle vienne, Gouvernement, Région, parti politique... L'accord permet de libérer les projets, il n'y a pas à inscrire d'obligation dans la loi.
M. Philippe Dallier. - Certaines collectivités sont obligées par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre les exclusions, de se doter d'un programme local de l'habitat (PLH). C'est le cas chez moi. Or nous devons achever ce travail à la fin de l'année et procéder ensuite à la révision du PLU, l'an prochain. Or nous ignorons quels sont les objectifs de l'État sur notre territoire en matière de logement ! Les collectivités attendent des précisions !
M. Maurice Leroy, ministre. - Le protocole est clair sur la mise en oeuvre du schéma directeur d'Île-de-France, sur la nécessité de libérer les projets bloqués par la caducité du SDRIF de 1994. Dominique Voynet a raison, le débat public a été d'une grande importance, sans lui nous ne serions peut-être jamais parvenus à un accord.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Absolument.
M. Maurice Leroy, ministre. - Environ 20 000 Franciliens y ont participé. Des dizaines de cahiers d'acteurs ont été déposés. Dans les réunions publiques, bien malin qui aurait pu identifier l'appartenance politique de chaque orateur ; les débats ont été riches et d'un niveau très élevé. Double boucle de l'État, Arc Express : les Franciliens nous ont demandé de nous mettre d'accord sur un projet !
Tout ce travail n'est pas perdu. Le projet du Grand Paris nous dépasse tous par son ampleur et j'aurai quitté mes fonctions avant son aboutissement. Mais je m'efforce d'y contribuer pendant le temps de ma mission.
J'ai pris l'engagement, et je remercie Dominique Braye de l'avoir rappelé, d'accepter que le véhicule législatif soit une proposition de loi, en raison du calendrier parlementaire chargé. La proposition de loi socialiste ne me dérange nullement. Mais si la rédaction inclut le terme « doivent », elle ouvre la voie à bien des contentieux... Le texte vise pourtant seulement à instaurer un régime transitoire, dérogatoire. Adoptons une formulation qui respecte l'accord conclu avec Jean-Paul Huchon. Je ne vois pas en quoi le terme « peuvent » poserait problème !
Quant aux moyens, libre à Nicole Bricq de ne pas croire que les moyens appropriés seront débloqués.
Mme Nicole Bricq. - Jean-Pierre Fourcade et moi-même connaissons la réalité présente des finances publiques...
M. Jean-Paul Emorine, président. - N'ouvrons pas ce débat !
M. Maurice Leroy, ministre. - Nous connaissons tous la réalité.
Dans cette affaire, le président Jean-Paul Huchon a été courageux et je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord. Qui aurait parié, il y a deux ans, que 190 collectivités se retrouveraient ensemble au sein de Paris-Métropole ? C'est formidable ! Il n'est pas si loin le temps où l'on n'osait parler d'intercommunalité au Congrès des maires, par crainte d'être bombardé de tomates ! Il n'y a aucune raison de ne pas parvenir à nous mettre d'accord. Je le répète, la formulation « peuvent » résout tous les problèmes.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci au ministre de toutes ces explications. Voter la proposition de loi, sous réserve de quelques amendements, montrerait notre volonté commune de faire avancer le projet - et les projets des collectivités. L'Assemblée nationale pourrait peut-être alors adopter le texte conforme... Si le Sénat l'adopte à l'unanimité, je m'en réjouirai !
- Présidence commune de MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, et Jean Arthuis, président de la commission des finances -
Audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, et débat préalable au Conseil européen
Ensuite, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires européennes et la commission des finances, à l'audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, dans le cadre du débat préalable au Conseil européen.
Le compte rendu de cette réunion figure à l'adresse suivante :
www.senat.fr/seances/s201103/s20110322/s20110322006.html#Annexe
Mercredi 23 mars 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Nomination d'un rapporteur
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous propose de nommer M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la proposition de loi n° 335 (2009-2010), présentée par M. Pierre Martin, visant à moderniser le droit de la chasse.
M. Ladislas Poniatowski est désigné rapporteur de la proposition de loi déposée par M. Pierre Martin, tendant à moderniser le droit de la chasse.
Il en est ainsi décidé.
Mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France - Examen du rapport
La commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi n° 299 (2010-2011) visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.
M. Dominique Braye, rapporteur de la proposition de loi. - Près de huit mois après l'adoption de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, nous sommes saisis d'une proposition de loi déposée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste tendant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France et de l'État.
Après des mois de conflit entre l'État et la région, marqué par le refus de l'État de transmettre le projet de schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) 2008 au Conseil d'État, un accord a fini par se concrétiser le 26 janvier dernier, avec la signature d'un protocole relatif aux transports publics en Île-de-France. Ce texte s'inscrit dans son prolongement.
Rappelons qu'à l'heure actuelle, c'est toujours le SDRIF adopté en 1994 qui s'applique. Depuis, la loi du 4 février 1995 a donné à la région compétence pour élaborer le SDRIF, en l'encadrant toutefois sensiblement puisqu'il faut un décret en Conseil d'État pour ouvrir la procédure et un autre pour la clore.
En 2005, un décret a ouvert la procédure de révision, à la demande de la région, qui s'est engagée dans un large processus de concertation, jusqu'en février 2007. Le projet alors arrêté a été transmis pour avis aux personnes publiques associées.
L'État, dans son avis rendu en septembre 2007, exprimait de fortes réserves tant sur le contenu des dispositions retenues dans le projet que sur sa fragilité juridique. Il jugeait notamment que certains enjeux majeurs pour l'Île-de-France, comme le développement de l'activité économique, n'étaient pas assez bien pris en compte.
Dans le même temps, le 17 septembre 2007, le Président de la République lançait une consultation internationale pour l'avenir du Paris métropolitain et créait, en mars 2008, le secrétariat d'État pour le développement de la région capitale, tandis qu'en septembre 2008, le conseil régional adoptait le projet de SDRIF après l'avoir soumis à enquête publique.
Pour les raisons exposées dans son avis de 2007, le Gouvernement refusait alors de transmettre au Conseil d'État le projet de SDRIF, au motif que le texte manquait d'ambition pour la région capitale.
L'année suivante, en juillet 2009, le Gouvernement transmettait à la Région l'avant-projet de loi relatif au Grand Paris et les négociations entre l'État et la région sur un protocole d'accord relatif au SDRIF et au Grand Paris échouaient.
C'est dans ce contexte que le Parlement a examiné, entre l'automne 2009 et l'été 2010, le projet de loi sur le Grand Paris. Définitivement adoptée le 5 juin 201, cette loi vise la construction d'une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, sur 130 kilomètres, en rocade, projet dit de la « double boucle » ; le développement des territoires situés autour des futures gares de ce nouveau réseau, au moyen des contrats de développement territorial ; la valorisation du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay.
Le projet de « double boucle » différait sensiblement du projet de transport public de la région dénommé « Arc Express », présenté dans le SDRIF 2008 comme « le projet d'infrastructure fondamental et prioritaire ». La loi relative au Grand Paris avait prévu, à cet égard, que soient menés conjointement les deux débats publics relatifs au schéma d'ensemble et au projet Arc-Express, qui furent lancés le 30 septembre 2010.
Au lendemain de l'adoption de la loi sur le Grand Paris, le Gouvernement saisissait le Conseil d'État du projet de décret portant approbation du SDRIF, contre l'engagement de la région de mettre celui-ci en révision pour qu'il intègre les options d'aménagement du Grand Paris.
Or le Conseil d'État a rendu, le 27 octobre 2010, un avis négatif sur le projet de décret. Il a notamment considéré que la loi sur le Grand Paris affectait la cohérence interne du projet de SDRIF qui repose de manière très significative sur le projet « Arc Express » et ignore le futur réseau de transport du Grand Paris.
Le 26 janvier 2011, un protocole d'accord est intervenu entre le ministre de la ville, Maurice Leroy, et le président du Conseil régional d'Île-de-France, prévoyant 32,4 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2025 dans les transports franciliens.
Aux termes de ce protocole, l'État et la Région conviennent de porter ensemble à la connaissance de la commission nationale du débat public une contribution sur les évolutions qui pourraient être apportées aux projets de métro automatique soumis aux débats publics en cours et de s'accorder pour la mise en oeuvre d'une solution législative relative au SDRIF « permettant de libérer les projets des collectivités territoriales et de l'État compatibles avec le projet SDRIF adopté par le Conseil régional d'Île-de-France et avec la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, jusqu'à l'approbation de la révision du SDRIF ».
Cet accord tirait les conséquences de l'avis du Conseil d'État, au terme duquel le SDRIF de 1994 continuera de s'appliquer tant que le SDRIF de 2008 n'aura pas intégré les éléments relatifs au Grand Paris. Du coup, les documents d'urbanisme franciliens doivent toujours être compatibles avec le SDRIF de 1994.
Or celui-ci classe en espaces naturels des espaces ouverts à l'urbanisation dans le SDRIF de 2008, ce qui bloque la réalisation de nombreux projets tels que la zone d'activités de la Brosse-Montceaux, l'extension de la zone d'activité du Val Bréon ou encore le développement d'une zone d'activité au niveau de l'échangeur de l'A11 à Boinville-le-Gaillard.
Cette proposition de loi, composée d'un article unique, vise donc à permettre une application anticipée des dispositions du SDRIF 2008 qui ne sont pas contraires à la loi sur le Grand Paris, afin que puissent se réaliser des projets que bloque le SDRIF de 1994 : c'est l'objet de son paragraphe I.
Son II précise qu'aucun document d'urbanisme ne peut être révisé ou modifié pour faire obstacle à la mise en oeuvre des contrats de développement territorial ou au schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, le préfet pouvant suspendre l'entrée en application du document pour ce motif.
Enfin, son III prévoit une procédure dérogatoire pour la révision du SDRIF : elle sera ouverte par le décret relatif au tracé du réseau de transport public du Grand Paris et ne requerra pas la consultation des conseils généraux ; elle devra porter au moins sur la mise en oeuvre de ce réseau de transport et celle des contrats de développement territorial.
Tels sont, brièvement résumés, le contexte et l'objet de cette proposition de loi, que je remercie son auteur d'avoir déposée, puisqu'elle devrait permettre de libérer des projets très importants pour le développement de la région.
Je vous propose d'exposer, lors de la présentation des amendements, les modifications que je vous suggère d'apporter au texte.
Mme Nicole Bricq, auteure de la proposition de loi. - Je remercie le rapporteur d'avoir retracé fidèlement la négociation entre l'État et la région Île-de-France, qui a finalement abouti au protocole du 26 janvier.
L'audition, hier, du ministre de la Ville, a montré que nous entendons tous nous placer dans l'esprit de ce protocole, même si demeurent des problèmes d'interprétation. Vu les amendements du rapporteur, que la commission a obligeamment mis à notre disposition dès hier, je crois que nous devrions pouvoir aboutir.
Que chacun comprenne bien qu'il est vital, pour la préservation de l'environnement et le développement économique de la région, dont nous avons bien besoin en ces temps troublés, de trouver une issue. Il s'agit de débloquer les projets tout en respectant les deux textes adoptés : la délibération de 2008 du conseil régional - étant entendu que le schéma directeur perdure depuis cette date - et la loi sur le Grand Paris - contre laquelle nous avions, en son temps, beaucoup bataillé.
Tous les problèmes ne sont pas réglés par le protocole. Je pense en particulier à la maîtrise d'ouvrage. Une fois connus le tracé et le nombre de gares du schéma de transports du Grand Paris, il faudra se poser la question de la répartition des compétences entre l'autorité organisatrice régionale et la société du Grand Paris, sachant que les collectivités locales et la ville de Paris ont déjà mis des financements sur la table, bien réels, à la différence des chiffres virtuels avancés hier par le ministre sur la participation de l'État. Mais soit : ne rouvrons pas la discussion pour ne nous en tenir qu'à la ligne des deux textes. Je remercie cependant le président de la commission et le rapporteur d'être attentifs aux discussions que nous aurons d'ici au débat en séance.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous avons eu une discussion fructueuse, hier, avec le ministre. Ne rouvrons pas le débat sur la maîtrise d'ouvrage et le financement. En la matière, je ne suspecte pas plus l'État que les collectivités. Lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris, notre rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, avait clairement fait préciser les éléments de financement.
Votre texte, Nicole Bricq, est un bon support pour répondre, au-delà du protocole, au problème spécifique de la région parisienne. D'ici à la séance publique, il reste bien des nuits pour nous porter conseil : le bon sens devrait l'emporter.
M. Michel Houel. - Je remercie Nicole Bricq d'avoir déposé ce texte, qui sera salutaire pour la Seine-et-Marne, département qui représente la moitié de la superficie de la région. Comme président de l'Union des maires du département, je suis souvent interpellé sur ce problème de l'obsolescence du schéma directeur de 1994. Ce texte va permettre de débloquer bien des projets dans les communes. Dans la mienne, où le PLU a été révisé, ce sont 8 millions d'euros d'investissement qui sont bloqués depuis 2008.
Mme Odette Terrade. - Cette proposition de loi, ainsi que l'ont rappelé le rapporteur et Nicole Bricq, reflète pour partie le protocole d'accord entre l'État et la région qui a fait suite au débat public sur le Grand Paris. Si ce protocole comportait de réelles avancées, comme la reprise du projet Arc express dans le Grand Paris, et une augmentation du nombre de gares, pour une meilleure prise en compte des besoins des populations, il n'en reste pas moins que nous ne pouvons souscrire au projet du Grand Paris qui, loin d'être un projet d'amélioration des transports, signe une reprise en main par l'État de l'aménagement francilien, dans un cadre libéral.
Nous restons très fermement opposés à la faculté reconnue à la société du Grand Paris de mener, y compris sans l'accord des collectivités dès lors que n'aurait pas été signé de contrat de développement territorial, des opérations d'aménagement dans un rayon de 400 mètres autour des gares. Nous demeurons circonspects sur les engagements financiers qui, s'ils sont conséquents, n'en restent pas moins, pour l'heure, aléatoires. N'oublions pas que la promesse des 4 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2011 n'a pas été tenue... Comment, à ce compte, avoir foi en la parole de l'État telle qu'elle figure au protocole ?
Certes, nous approuvons la volonté de notre collègue Nicole Bricq de permettre aux collectivités franciliennes de s'appuyer, pour la révision de leurs documents d'urbanisme, sur le SDRIF 2008 : cela contribuera à débloquer bien des projets. Pour autant, cette proposition de loi entérine de fait des dispositions de la loi relative au Grand Paris que nous avions combattues, parmi lesquelles le fait que les contrats de développement territorial emportent modification systématique du SDRIF, au risque de remettre en cause la cohérence de l'aménagement de la région.
En outre, cette proposition de loi établit un régime dérogatoire de révision du SDRIF, supprimant la procédure qui donnait aux conseils généraux, aux conseils économiques et sociaux ainsi qu'aux chambres consulaires la possibilité de faire des propositions pour l'élaboration de ce document : nous soutiendrons un amendement visant à réintroduire cette disposition. La révision du SDRIF doit constituer un grand moment démocratique, afin de tenir compte, non du seul réseau de transport du Grand Paris mais de l'ensemble des évolutions urbaines intervenues depuis 2008. C'est pourquoi nous réservons, pour l'heure, notre approbation.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je rappelle que, s'agissant d'une proposition de loi déposée par l'opposition, il n'y aura pas adoption d'un texte par la commission.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Je remercie Nicole Bricq de ne pas rouvrir le débat sur le Grand Paris. Quant aux engagements financiers, le meilleur moyen de savoir s'ils seront respectés, c'est de dénouer la situation. J'ajoute que, lorsque l'État et les collectivités locales se sont engagés, ils étaient bien conscients de la situation très préoccupante de nos finances publiques. Ne leur intentons pas de procès d'intention. Nous verrons, en avançant, qui respectera ses engagements.
Mme Nicole Bricq, auteure de la proposition de loi. - Nous prenons date.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Date sera prise pour peu que les amendements du rapporteur reçoivent un accueil favorable.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Mon amendement n° 2 vise à inscrire une date butoir pour l'adoption d'un nouveau schéma directeur, afin d'encadrer les dérogations prévues par ce texte. Nous nous sommes accordés, avec le ministre, sur le 31 décembre 2013.
M. Daniel Raoul. - Quid du correctif de janvier 2011 à la loi de juillet 2010 sur la mise en conformité des SCOT et des PLU, et qui repoussait la date limite à juillet 2013 ?
M. Dominique Braye, rapporteur. - La date butoir du 31 décembre 2013 est fixée au regard du décret d'ouverture : elle est sans rapport avec la loi de juillet 2010.
M. Daniel Raoul. - Faut-il comprendre que l'Île-de-France ne fait pas partie de la métropole ?
M. Dominique Braye, rapporteur. - Il faut simplement comprendre qu'il existe une procédure spécifique à l'Île-de-France pour son schéma directeur.
M. Jean-Pierre Caffet. - En tout état de cause, pour la région parisienne, la procédure est dérogatoire, même si nous sommes en métropole. Cet amendement de précision est utile. J'attire simplement l'attention sur le fait que la réouverture de la révision du SDRIF ne pourra prendre effet qu'après la publication du décret prévu par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Il serait bon que ce décret fût pris le plus rapidement possible, car nous ne pourrons discuter de la révision qu'entre la publication du décret et la date-butoir. Cela étant, nous acceptons cette date, étant entendu qu'un certain nombre de discussions ont déjà eu lieu, et qu'il ne serait pas raisonnable de repousser davantage : en 2014, le SDRIF en vigueur aura vingt ans, autant dire qu'il sera parfaitement obsolète.
Mme Nicole Bricq, auteure de la proposition de loi. - Il était obsolète dès le départ...
M. Jean-Pierre Caffet. - Il n'est pas inutile de rappeler, en effet, que le SDRIF de 1994 n'a pas été adopté : il a été promulgué par le Conseil d'État alors que les collectivités n'en voulaient pas. Mais ainsi que je l'ai dit, même si le délai est court, nous ne nous y opposerons pas.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Pour répondre à Jean-Pierre Caffet, le décret doit être publié avant l'été. Nous sommes tous d'accord pour aller vite et c'est bien pourquoi la proposition de loi prévoit des dispositions qui évitent de relancer toute la procédure de concertation. Ainsi que le faisait observer hier Dominique Voynet, beaucoup de choses sont déjà ressorties de la concertation : n'allons pas les jeter imprudemment au panier.
L'amendement n° 2 est adopté, le groupe CRC-SPG s'abstenant.
M. Dominique Braye, président. - L'article 4 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris précise que les projets d'infrastructures qui mettent en oeuvre le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris sont déclarés d'utilité publique par décret en Conseil d'État et constituent, à compter de la date de publication de ce décret, un projet d'intérêt général au sens des articles L.121-2 et L.121-9 du code de l'urbanisme. Mon amendement n° 3 vise par conséquent à supprimer une précision superfétatoire.
L'amendement n° 3 est adopté, le groupe CRC-SPG s'abstenant.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Mon amendement n° 4 rectifié clarifie le premier alinéa du III en précisant que le décret visé à l'article 2 de la loi relative au Grand Paris vaut nouvelle mise en révision du schéma directeur de la région Île-de-France.
M. Jean-Pierre Caffet. - Cette nouvelle rédaction convient mieux, en effet. Elle évitera les problèmes juridiques évoqués hier. Elle est conforme au protocole d'accord, dont elle reprend les termes.
Mme Odette Terrade. - Notre amendement n° 1 vise, ainsi que je m'en suis expliquée, à rétablir la procédure de consultation démocratique de droit commun lors de la révision du schéma directeur.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Deux moments de consultation collective sont prévus lors de la révision du schéma. En amont, lorsque sont recueillies les propositions des conseils généraux, puis en aval, après élaboration du schéma, avec la saisine pour avis des conseils généraux. Je propose à Odette Terrade de retirer son amendement, au bénéfice de mon amendement n° 5, qui, prévoit que seront recueillis, sous deux mois, les avis des conseils généraux, des chambres consulaires et du Conseil économique, social et environnemental régional sur le projet de SDRIF.
Gardons-nous, comme nous y engageait hier Dominique Voynet, de revenir sur les décisions qui ont déjà été prises par les conseils généraux en amont. En revanche, il n'est pas question d'adopter le nouveau SDRIF sans recueillir l'avis des conseils généraux, qui auront deux mois pour se prononcer.
Mme Nicole Bricq. - C'est l'exigence de rapidité et d'efficacité dans l'action qui motive le dépôt de cette proposition de loi, dont j'espère qu'elle sera inscrite sans délai à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Une consultation très large des collectivités a déjà été conduite, sur plusieurs mois. Des forums ont été organisés dans tous les départements et dans plusieurs groupements de communes. Tout le monde est d'accord pour développer certains projets : évitons de les retarder.
L'amendement du rapporteur fixe un délai qui semble compatible avec celui du 31 décembre 2013, lequel, il est vrai, nous met un peu sous pression, mais il faut, pour les raisons qui ont été exposées, le tenir. Évitons donc tout ce qui risque de nous retarder.
Mme Odette Terrade. - J'ai bien compris vos arguments, mais permettez-moi de laisser vivre cet amendement jusqu'en séance. Je voterai cependant celui du rapporteur, puisqu'il nous donne en partie satisfaction.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
L'amendement n° 5 est adopté.
La commission adopte les conclusions du rapport de M. Dominique Braye sur la proposition de loi.
Communication
M. Jean-Paul Emorine, président. - Roland Ries va présenter la semaine prochaine en commission des affaires européennes une proposition de résolution européenne sur la refonte du 1er paquet ferroviaire.
Les questions relatives à l'organisation interne des chemins de fer et à l'évolution des relations entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur historique intéressent particulièrement notre commission. C'est pourquoi, à titre officieux, puisque la proposition de résolution de notre collègue Roland Ries n'est pas encore adoptée, je vous propose de désigner Francis Grignon pour en être rapporteur. Il présentera son rapport en commission le 27 avril prochain.
M. Francis Grignon est désigné rapporteur de la proposition de résolution européenne sur la refonte du 1er paquet ferroviaire, sous réserve de son adoption par la commission des affaires européennes.
Travaux de l'Opecst sur la sécurité nucléaire - Désignation de huit membres
M. Jean-Paul Emorine, président. - A la suite du grave accident nucléaire survenu dans la centrale de Fukushima, une audition a été organisée mercredi 16 mars conjointement par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat afin d'entendre les principaux acteurs de la filière et en particulier les autorités de contrôle. Les présidents de nos deux assemblées ont souhaité aller plus loin en confiant à l'Office une mission sur la sûreté des installations nucléaires et l'avenir de la filière. Le Président Gérard Larcher, en application de l'article 6 ter de l'ordonnance relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, nous propose de saisir l'Office.
La commission émet un avis favorable à la saisine de l'OPECST.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Les présidents des assemblées sont convenus, compte tenu de l'importance du sujet, d'associer les commissions compétentes des deux assemblées aux travaux de l'Office. Il nous revient donc de désigner huit sénateurs en notre sein.
M. Gérard César. - La centrale nucléaire du Blayais, dans mon département de Gironde, a subi une inondation en 1999. Même si les digues ont été depuis surélevées, cette centrale reste l'une des plus menacées. Je souhaiterais donc pouvoir participer moi aussi à cette mission.
M. Jean-Marie Bockel. - Aucun membre du groupe RDSE n'est proposé. Je pourrais moi aussi arguer de la présence, dans mon département, de la centrale de Fessenheim.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Vous savez qu'une alternance est prévue entre le RDSE et les non inscrits.
M. Jean-Marie Bockel. - Je le regrette.
M. Roland Courteau. - Le RDSE n'est-il pas représenté au sein de l'OPECST ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Par M. Gilbert Barbier.
M. Ladislas Poniatowski. - Il faut tenir compte de ce qui adviendra à l'Assemblée nationale. Huit sénateurs et huit députés doivent être désignés pour une mission de six mois placée sous l'égide de l'OPECST. Cela suppose une grande disponibilité.
M. Daniel Raoul. - J'avais pourtant compris que les membres de l'Office participaient de droit à la mission ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - C'est le cas. L'Office étant saisi, ses membres sont membres de droit de la mission, et les membres désignés par les commissions compétentes de chaque assemblée seront associés aux travaux conduits dans le cadre de la mission confiée. Pour tenir compte des observations de nos collègues, je vous propose de surseoir aux nominations jusqu'à mardi prochain, afin de laisser aux groupes concernés le temps de s'accorder (Assentiment).