- Mercredi 19 janvier 2011
- Nominations de rapporteurs
- Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales
- Solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement - Examen du rapport et du texte de la commission en 2e lecture
- Audition de Mme Michèle Pappalardo, Commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable
Mercredi 19 janvier 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Nominations de rapporteurs
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à la nomination de rapporteurs.
M. Daniel Marsin est désigné rapporteur de la proposition de résolution européenne relative à l'agriculture outre-mer (E 5655) (sous réserve de son adoption par la commission des affaires européennes).
M. Bruno Retailleau est désigné rapporteur sur les propositions de loi n° 172 (2010-2011) de M. Bruno Retailleau et n° 173 (2010-2011) de M. Alain Anziani et plusieurs de ses collègues, tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Pierre Hérisson, vice-président -
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales
M. Jean-Paul Emorine, président. - Dans son discours du 2 mars 2010, le Président de la République a demandé aux parlementaires de consacrer une partie de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat à « délégiférer ». Puis, lors de la conférence sur le déficit de mai 2010, il a annoncé un moratoire sur l'édiction des normes concernant les collectivités territoriales.
Le 6 juillet 2010, le Premier ministre a adressé une circulaire aux ministres indiquant que le moratoire s'appliquait à l'ensemble des mesures règlementaires concernant les collectivités territoriales dont l'adoption n'est commandée ni par la mise en oeuvre d'engagements internationaux, ni par l'application des lois. S'agissant de ces deux dernières, elles devront être soumises à la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). En outre, M. Rémy Bouchez, Conseiller d'Etat, a été nommé par le Premier ministre pour être commissaire à la simplification. Il devra notamment piloter l'application de ce moratoire et veiller à l'organisation des travaux à engager pour simplifier les règles en vigueur.
Enfin, le Premier ministre a saisi les associations d'élus locaux afin qu'ils recensent les domaines dans lesquels une révision générale des normes devrait être prioritairement engagée du fait des dépenses qu'elles induisent pour les collectivités.
S'agissant du Sénat, le Président de la République a demandé à son Président de formuler des propositions concernant les normes applicables aux collectivités territoriales, en vue de la mise en oeuvre du moratoire annoncé et de leur simplification. A la suite de cette demande, le Président Gérard Larcher a fait part aux présidents de commission et de délégation de son souhait de connaître les domaines dans lesquels une simplification voire une suppression des normes pesant sur les collectivités territoriales devrait être engagée. Notre débat d'aujourd'hui me permettra de remettre notre contribution au président de la Délégation aux collectivités territoriales, qui devra rendre un rapport d'ici la mi-février.
J'ai jugé indispensable, sur ce sujet, de vous consulter, afin que nous puissions lister tous les domaines relevant de notre compétence, et intéressant les collectivités territoriales, dans lesquels une simplification des normes devrait être menée. J'insiste sur ce point : la demande porte uniquement sur les normes pesant sur les collectivités territoriales ; la simplification relative aux entreprises, qui ressort de la compétence de notre commission, en est donc par exemple exclue.
D'ores et déjà, il me semble que l'on peut identifier les secteurs du logement et de la construction, de l'urbanisme et de l'environnement comme comportant des normes lourdes et exigeantes financièrement pour les collectivités.
S'agissant des normes de construction, d'après une enquête menée par l'Association des maires de France (AMF), les élus citent en premier lieu, parmi les normes les plus exigeantes financièrement, celles relatives à l'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées. Selon la Fédération des associations adultes et jeunes handicapés et la Fédération française du bâtiment, sur les 650 000 établissements recevant du public qui doivent être rendus accessibles aux handicapés d'ici 2015, 173 000 sont gérés par les collectivités territoriales, dont 158 000 par les communes. Le montant moyen des travaux pour les communes est estimé à 66 000 euros par bâtiment, allant de 10 000 euros pour un bâtiment de la police municipale à 183 000 pour une école primaire. Au total, le coût des travaux de mise en accessibilité se chiffrerait à 15 milliards d'euros, soit 3 % par an des 50 milliards d'euros investis par les collectivités territoriales pour l'entretien de leurs bâtiments publics, d'après une estimation de Dexia. Outre les règles d'accessibilité, la prise en compte de nouvelles exigences dans les constructions neuves ou dans les réhabilitations lourdes pèse sur le coût des opérations immobilières, qu'il s'agisse des normes liées à l'environnement (haute qualité environnementale, bâtiments basse consommation) ou à la sécurité (électricité, gaz etc.).
S'agissant de l'urbanisme, les pistes de simplification sont nombreuses. Les maires citent l'élaboration des documents d'urbanisme, notamment en milieu rural, la mise en oeuvre de la « loi montagne » et de la « loi littoral », l'instruction des permis de construire, notamment pour les communes sans document d'urbanisme, et la gestion des contentieux.
Sur ce sujet, un important travail est en cours, sur le fondement de l'article 25 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », par laquelle nous avons habilité le Gouvernement à clarifier le code et simplifier les procédures d'élaboration et de révision des documents d'urbanisme ainsi que la définition des surfaces de plancher. Le secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu, a mis en place quatre groupes de travail pour réfléchir à la mise en place d'un « Urbanisme de projet », qui devraient rendre leurs conclusions en mars prochain. En outre, la direction de l'habitat et de l'urbanisme du ministère va lancer un appel d'offres en 2011 auprès notamment des cabinets d'avocats pour lister toutes les pistes de simplification du code de l'urbanisme. D'ores et déjà, la fiscalité a été simplifiée, puisque la taxe d'aménagement, instituée par la loi de finances rectificative pour 2010, devrait remplacer les nombreuses participations d'urbanisme existantes.
J'estime pour ma part qu'un des chantiers prioritaires, sur lequel des propositions ambitieuses doivent être formulées, concerne les procédures de modification et de révision des documents d'urbanisme, notamment des plans locaux d'urbanisme (PLU). Les contraintes liées à ces procédures devraient tout d'abord être davantage adaptées à la taille des communes, qui n'ont pas toutes la capacité financière de réaliser des études. Il faudrait d'ailleurs aider financièrement les petites communes pour la réalisation de ces études, bien souvent d'insuffisante qualité faute de moyens suffisants.
Les élus soulignent fréquemment la difficulté et la longueur des enquêtes publiques lors des procédures d'évolution des documents d'urbanisme, qui sont actuellement au nombre de huit. Il faudrait réfléchir à la fusion de certaines procédures et à la possibilité de réaliser des projets sans modifier le document d'urbanisme, dès lors qu'ils ne nécessitent qu'une adaptation mineure de ses règles. Le projet serait ensuite pris en compte au moment de la révision générale du PLU. Une utilisation plus importante de la procédure de déclaration de projet, encore mal connue, constitue également une piste intéressante.
Au-delà de la simplification, il est impératif, en matière d'urbanisme, de donner du temps aux élus pour appliquer les nouvelles normes, et c'est ce que nous avons fait récemment, en donnant un long délai pour adapter les documents d'urbanisme aux nouvelles dispositions de la loi « Grenelle II ».
Enfin, dans le domaine de l'environnement, j'observe d'abord qu'en 2009, les textes portés par le ministère de l'écologie devant la CCEN ont représenté 25 % du total des textes présentés à la commission, devant le ministère de l'intérieur (17 %) et du travail (13 %), et loin devant tous les autres. En revanche, les coûts induits qu'ils induisaient ne représentaient que 6,4 % du coût total des textes examinés par la CCEN. Ce constat incite à se garder d'une vision simpliste en la matière, en prenant en compte les effets à long terme de certaines réglementations : par exemple, les normes basse consommation engendrent des coûts initiaux qui doivent être compensés ultérieurement par des économies d'énergie.
Les secteurs liés à l'environnement dans lesquels une simplification serait souhaitable sont nombreux. D'après les élus eux-mêmes, interrogés par l'AMF, il s'agit prioritairement des domaines suivants : l'assainissement non collectif (élaboration du zonage, incidences financières et techniques des normes en matière d'équipement, visites diagnostic des installations), l'assainissement collectif (conséquences de la loi sur l'eau sur les réseaux existants), les normes de qualité de l'eau potable, la création de réserves d'eau (lutte contre les incendies et alimentation du bétail), les inventaires des zones humides et la gestion des pistes et sentiers forestiers.
J'ajouterai pour ma part, comme chantier prioritaire de simplification, la réduction des contraintes qui freinent, voire qui bloquent, la réalisation des projets. Une bonne démarche devrait consister à étudier de quelle manière alléger le « parcours du combattant » des porteurs de projets :
- il y a d'abord la multiplication des études, souvent demandées au titre de législations différentes : il faudrait en la matière vérifier l'utilité de chaque étude demandée, fusionner autant que possible l'ensemble des études (évaluation environnementale, étude de sécurité, prescriptions paysagères, etc.) en précisant qu'une étude peut comporter l'ensemble des éléments demandés au titre des diverses législations et exonérer les projets en-deçà d'une taille raisonnable ;
- il faudrait appliquer le même raisonnement en matière de consultation du public et d'enquêtes publiques : réduire le nombre de procédures, ce que nous avons commencé à faire avec la loi « Grenelle II », les fusionner et adapter leurs exigences à la taille du projet.
Par ailleurs, je constate que le moratoire sur les normes ne s'applique pas à celles liées à nos engagements européens. Ceci peut se concevoir mais il ne faut pas oublier que dans le secteur de l'environnement, la grande majorité des textes provient de directives européennes. Il est donc impératif, d'une part, que le Gouvernement évalue mieux les incidences sur les collectivités territoriales des normes qu'il accepte au niveau européen. Nous avons tous en tête l'exemple de Natura 2000. La commission consultative des normes pourrait, en ce sens, être saisie sur les projets européens ayant une incidence sur les collectivités. D'autre part, il y a plusieurs façons d'appliquer le droit européen et, là encore, la CCEN doit jouer tout son rôle pour vérifier que la France ne prend pas des mesures inutilement complexes par rapport aux textes européens.
Je pense enfin qu'il faudrait recenser non seulement les normes à simplifier mais aussi les normes qui sont systématiquement sources de contentieux et d'interprétations locales divergentes, notamment par les services de l'Etat. Celles-ci ne sont pas forcément à supprimer, mais doivent être reformulées de manière claire, le cas échéant par voie de circulaire, à destination des services déconcentrés.
Je vous propose à présent, mes chers collègues, de me faire part de vos suggestions concernant les normes applicables aux collectivités territoriales qui devraient faire l'objet d'une simplification.
M. Charles Revet. - La simplification est un chantier très important. Il faut bien distinguer ce qui relève des normes d'une part, et des procédures d'autre part, celles-ci devant impérativement être simplifiées, s'agissant notamment des documents d'urbanisme. Quel est le calendrier prévu pour les travaux de simplification?
M. Jean-Paul Emorine, président. - La Délégation aux collectivités territoriales devra remettre un rapport au Président du Sénat d'ici le 15 février.
M. Rémy Pointereau. - L'initiative de simplification des normes est excellente. Les maires soulignent la longueur et le coût des procédures, ainsi que l'existence de norme de sécurité liées au principe de précaution. On constate que les exigences varient beaucoup d'une commission d'accessibilité à une autre, certaines d'entre elles étant démesurées. En matière d'urbanisme, les procédures permettant de faire évoluer des documents sont beaucoup trop longues, lorsqu'il s'agit de ne modifier qu'un petit zonage. Enfin, il arrive que les services de l'Etat bloquent des modifications de PLU car la mise aux normes de la station d'épuration n'a pas été effectuée, ce qui est regrettable. Des simplifications pourraient également être proposées pour ce qui concerne les périmètres de protection des eaux.
M. Michel Teston. - Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de simplifier les normes mais un grand nombre d'entre elles sont imposées par les directives européennes, pour l'élaboration desquelles les organisations de propriétaires, de locataires ou de consommateurs font prévaloir un certain nombre d'exigences. Il faut donc concilier des impératifs contradictoires : par exemple faciliter l'accès des handicapés aux bâtiments publics tout en n'alourdissant pas excessivement les finances des petites communes. Il s'agit là d'un chantier important mais délicat. La simplification passe notamment par le respect du principe de subsidiarité au niveau européen.
Mme Élisabeth Lamure. - La gestion des contentieux en matière d'urbanisme est très lourde pour les communes. Qu'est-il prévu pour lutter contre les recours abusifs ? Par ailleurs, d'importantes simplifications doivent impérativement être menées concernant les fédérations sportives.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Les groupes de travail mis en place par M. Benoist Apparu doivent faire des propositions pour lutter contre les recours abusifs. Les fédérations sportives relèvent plutôt de la compétence de la commission de la culture, mais nous pouvons faire valoir ce point également.
Mme Évelyne Didier. - En matière de mise aux normes des équipements sportifs, il faut parfois savoir résister à la pression. Le problème principal est le cumul des normes dans le temps : s'agissant par exemple de l'assainissement collectif ou de l'accessibilité, il ne faut pas revenir en arrière sur les objectifs, mais étudier les effets du cumul dans le temps de ces normes. Un certain nombre de normes sont fixées au niveau européen sous l'influence de lobbies qui y voient l'occasion de développer de nouveaux marchés. Le problème de l'interprétation des normes soulevé par le Président Emorine est très important. S'agissant de l'assainissement collectif, les communes ont été incitées à le développer, alors que c'était un non-sens dans certaines zones rurales. Enfin, il faut impérativement distinguer le neuf de l'ancien pour l'application des normes et limiter, au moins dans un premier temps, leur application aux bâtiments neufs.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Il est très important d'échelonner dans le temps la mise en oeuvre des objectifs.
M. Gérard Bailly. - Le sujet de la simplification est crucial. Les maires nous font part de difficultés croissantes pour appliquer les normes. En matière d'accessibilité, est-il indispensable de doter un ascenseur d'un téléphone alors qu'il est entièrement vitré ? L'installation d'ascenseurs dans tous les collèges coûte très cher. Nous avons également des difficultés avec l'Office national des forêts. Il faudrait enfin que les mêmes normes s'appliquent à Paris et en milieu rural.
M. Michel Bécot. - On est allé trop loin sur certains sujets. Nous rencontrons actuellement des difficultés énormes pour la construction et la rénovation des résidences de tourisme du fait des normes d'accessibilité qui imposent de tout construire de plain-pied. Il est tout à fait nécessaire qu'une partie du parc soit réservée aux handicapés mais faut-il que la totalité le soit ? Le renchérissement du coût est tel qu'on ne pourra plus construire. S'agissant des plans locaux d'urbanisme, il faut faire confiance aux maires !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Alors que les handicapés représentent 5 à 6 % de la population, faut-il que la totalité du parc de logements soit soumise aux normes d'accessibilité ?
M. Philippe Leroy. - Un chantier spécifique sur la mise aux normes thermique des bâtiments publics des collectivités doit s'ouvrir car celle-ci coûte extrêmement cher. Il est nécessaire d'évaluer les surcoûts générés par la mise en oeuvre du Grenelle II afin d'établir des priorités. La frilosité des services administratifs et des corps techniques les conduit à des délais d'instruction très longs et des différences d'interprétation d'un département à l'autre. Avant d'appliquer partout de nouvelles normes, il faudrait une phase d'expérimentation dans quelques départements pilotes. Il apparaît nécessaire de différer la mise en oeuvre de certaines mesures du Grenelle, celles-ci se comptant par plusieurs centaines.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Il est prévu environ 200 décrets d'application de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. S'agissant de la mise aux normes thermiques, il faut mettre en balance les surcoûts à la construction et les économies d'énergie générées.
M. Michel Houel. - Il est impératif de revenir à la notion d'aménagement « mineur » en matière d'urbanisme pour permettre davantage de souplesse. Par ailleurs, je viens de déposer une proposition de loi sur les recours abusifs que je vous invite à co-signer.
M. Benoît Huré. - Nous devons mieux distinguer ce qui relève de la loi et du règlement. Par ailleurs, il n'est pas opportun de revenir en arrière sur les objectifs fixés en matière de handicap et d'environnement, mais la crise financière doit conduire, selon un principe de réalité, à repousser certaines échéances et à distinguer le neuf et l'ancien. Alors que les services administratifs font souvent des excès de zèle dans l'application des normes, la règle devrait être d'examiner toutes les possibilités autorisant la réalisation d'un projet avant de le refuser, et non l'inverse. Le travail de simplification est urgent et important.
M. Paul Raoult. - Il faudrait une procédure de consultation du Parlement sur les décrets d'application, notamment les 200 décrets de la loi « Grenelle II ». C'est la même chose pour les circulaires, souvent excessivement restrictives. Je viens ainsi de découvrir qu'il est impossible de construire une école sur une friche industrielle dépolluée. Par contre on peut construire des logements ! Par ailleurs, l'instabilité des normes oblige à renoncer à des investissements lourds qui avaient été engagés. Sur les questions environnementales, nous subissons les « petits chefs » qui détournent les lois dans un sens restrictif. Dans mon département, un projet de zone de développement éolien n'a pas pu se concrétiser parce qu'il était situé dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et forestier (ZNIEFF). Or ces zones ont été délimitées par le Muséum national d'histoire naturelle sans aucune consultation.
M. Pierre Hérisson. - Il existe une confusion dans l'esprit de nos concitoyens entre la loi et le règlement, les décrets d'application s'écartant souvent fortement des lois que nous votons. Il faudrait que nous soyons consultés sur leur rédaction pour éviter qu'ils ne disent l'inverse des lois. Nous constatons par ailleurs que les recours contre les documents d'urbanisme se multiplient et aboutissent souvent. Les directions départementales conseillent mal les maires, qui introduisent trop de dispositions réglementaires dans leurs plans locaux d'urbanisme.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Vu l'ampleur du chantier, le bureau de la commission a décidé la constitution d'un groupe de travail commun avec l'Assemblée nationale constitué notamment des quatre rapporteurs de la loi « Grenelle II » et de quatre membres de l'opposition, qui sera chargé de travailler sur la mise en oeuvre de cette loi, et pourrait remettre un rapport à la fin du mois de juin.
M. Bruno Sido. - Je suis très pessimiste parce que j'ai constaté qu'on ne peut jamais faire une loi applicable directement, il y a toujours un parlementaire pour prévoir un décret d'application ! Donc nous sommes les premiers responsables : il faut faire des lois sans décret. Par ailleurs, nous ne devons pas renoncer à expliquer à nos concitoyens la différence entre la loi et le règlement, en précisant que nous ne sommes pas compétents pour les décrets. Il m'est arrivé à de nombreuses reprises de ne pas reconnaître les lois dont j'avais été le rapporteur, à la vue de leurs décrets d'application. Tant que les ministres délégueront leur signature aux hauts fonctionnaires, on ne sortira pas de la complexité des normes. Je rappelle que la loi « Grenelle I » a été votée à l'unanimité, et que certains parmi nous voulaient aller encore plus loin que les rapporteurs lors de l'examen de la loi « Grenelle II ». Pour répondre à Philippe Leroy, la mise aux normes thermique des bâtiments est une nécessité. En Haute-Marne, nous avons réalisé un bâtiment à énergie positive pour un surcoût de 15 à 20 %. En revanche, il est vrai que beaucoup de normes pourraient être revues, par exemple en matière d'électricité ou d'accessibilité. Le chantier est très difficile, surtout que l'administration risque de ne pas suivre, le patron étant celui tient la plume !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je me reconnais dans les interrogations précédentes quant au respect de l'esprit de la loi. Nous devons également réfléchir aux modalités du travail législatif : nombre de textes qui sont discutés au Parlement sont issus de faits divers. Je rejoins Paul Raoult sur le nécessaire contrôle des textes réglementaires.
M. Louis Nègre. - Le diagnostic me semble partagé sur tous les bancs : il y a un fossé important entre les textes que nous votons et les textes dérivés. Certains textes manquent par ailleurs de souplesse et d'adaptation aux réalités du terrain. Je fais une proposition : à la manière de l'examen des projets de texte par le Conseil d'État, on pourrait prévoir leur examen par un groupe de travail regroupant des élus de terrain.
M. Martial Bourquin. - Dans le cadre de la mission commune d'information sur la désindustrialisation, la question du poids de la réglementation est revenue avec force. Il convient de se rappeler que la réglementation constitue une protection : elle ne doit pas pour autant être tatillonne. Plusieurs idées me paraissent intéressantes : la fixation d'un délai de réponse pour les services de l'État ou la mise en place d'un guichet unique pour les entreprises.
- Présidence de M. Pierre Hérisson, vice-président -
Solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement - Examen du rapport et du texte de la commission en 2e lecture
Puis, la commission examine le rapport et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 147 (2010-2011), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.
M. Michel Houel, rapporteur. - Le 18 février 2009, notre collègue Christian Cambon déposait au Sénat une proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, dont j'ai eu l'honneur d'être nommé rapporteur par notre commission de l'économie.
Cette dernière comportait initialement un article unique et elle nous revient aujourd'hui, en seconde lecture, après une navette qui l'a enrichie d'un article supplémentaire.
Je voudrais, au préalable si vous me le permettez, revenir un instant sur le contexte dans lequel intervient l'examen de ce texte.
Si l'eau est globalement peu chère en France, comparé au reste de l'Europe - 3,01 euros le mètre cube contre 3,44 en moyenne en Europe - la facture d'eau constitue tout de même une charge importante pour les plus démunis. Pour 200 000 foyers, elle dépasse 3 % du revenu total du ménage. Or, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) recommandent que la facture d'eau ne représente pas plus de 3 % du budget, objectif qui a d'ailleurs été repris par la proposition de loi déposée par notre collègue Evelyne Didier, les élus communistes, républicains, citoyens et les sénateurs du parti de gauche visant à mettre en oeuvre le droit à l'eau.
Le prix de l'eau a en effet augmenté au cours des dernières années, principalement en raison des normes environnementales de plus en plus exigeantes en matière de qualité. En outre, la disparité des prix de l'eau amplifie ce déséquilibre social, la moyenne départementale oscillant en effet entre moins de 2,5 euros et plus de 4 euros le mètre cube.
Dans ce contexte, et alors qu'il a été longtemps ignoré des textes internationaux et constitutionnels, le droit à l'eau a été récemment reconnu et affirmé avec force dans une résolution du 28 juillet 2010 de l'Assemblée générale des Nations Unies. Par ailleurs, je vous rappelle que, si le droit à l'eau n'a pas, en France, le rang de principe ou d'objectif à valeur constitutionnelle, il peut, indirectement, se rattacher à deux principes de valeur constitutionnelle : le droit au logement et le droit à la protection de la santé publique.
Plus récemment, l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) adoptée en 2006 a consacré un « droit d'accès à l'eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
C'est dans l'objectif de traduire juridiquement ce nouveau droit à l'eau et notamment des termes « dans des conditions économiquement acceptables par tous », que la proposition de loi de notre collègue proposait de renforcer le dispositif d'aide actuellement en vigueur et de remédier à ses limites et ses dysfonctionnements.
J'en viens maintenant au dispositif.
La proposition de loi initiale visait à renforcer le dispositif curatif actuellement en place en matière de solidarité dans le domaine de l'eau pour les foyers les plus modestes qui permet de faciliter l'aide au paiement des factures des personnes en situation d'impayés dans le cadre de l'article L.115-3 du code de l'action sociale et des familles. Elle partait d'un constat largement partagé : les sommes allouées au volet « eau » des Fonds de solidarité logement (FSL) ne permettent pas de répondre aux objectifs dévolus en aidant les personnes qui connaissent des difficultés financières, notamment en ce que le dispositif exclut les personnes en immeubles collectifs d'habitation. Composée d'un article unique, elle proposait une contribution des distributeurs d'eau, dans la limite de 1 % de leurs recettes, aux communes et centres communaux et intercommunaux d'action sociale afin de leur permettre d'aider les personnes les plus démunies à régler leurs factures d'eau.
La proposition de loi initiale a été enrichie, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, par notre commission sur plusieurs points importants tels que l'inscription du mécanisme d'aide dans le cadre des dispositifs existants (c'est-à-dire le transfert de cette contribution au FSL), l'inclusion des immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés, la diminution du taux de contribution proposé à 0,5%, l'extension du dispositif proposé aux régies et aux délégataires et la mise en place d'un système d'information et d'intervention sous forme d'avis simple du maire au gestionnaire du FSL.
Conformément aux principes de la navette parlementaire, le texte a ensuite été transféré à l'Assemblée nationale, examiné par la commission des lois, modifié et adopté en séance publique le 1er décembre 2010.
Je crois que nous pouvons nous réjouir, mes chers collègues, que l'Assemblée nationale ne soit pas revenue sur le coeur du dispositif de la proposition de loi, c'est-à-dire sur le principe d'une contribution volontaire des services d'eau et d'assainissement plafonnée à 0,5% des redevances hors taxes.
Le rôle central du maire au sein du dispositif d'attribution de l'aide au paiement des factures en eau pour les personnes en difficulté a également été préservé. Sans le remettre en cause, ce rôle a néanmoins été modifié et ce, pour plusieurs raisons pratiques :
- le maire a en effet déjà la possibilité, via les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS) notamment, de saisir le FSL ;
- le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Guy Geoffroy, a relevé que la procédure de l'avis simple du maire au FSL risquait d'alourdir le dispositif dans la mesure où la loi du 31 mai 1990 interdit que les décisions d'octroi des aides du FSL reposent sur d'autres éléments que le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes et l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent.
L'Assemblée nationale a donc adopté, en séance, un amendement modifiant l'article 6-2 de la loi de 1990 : ce nouveau dispositif prévoit que la demande d'aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d'action sociale (CCAS ou CIAS) qui peuvent eux-mêmes, en retour, et avec copie au demandeur, lui communiquer le détail des aides déjà fournies et les informations susceptibles de l'éclairer sur les difficultés rencontrées par le demandeur.
Elle a par ailleurs simplifié la rédaction de l'article 1er en précisant notamment que la contribution sera imputée sur les budget des services publics d'eau et d'assainissement et en veillant à ce que son inscription dans le code général des collectivités territoriales n'ait pas pour conséquence d'exclure toute autre forme de financement du FSL.
Enfin, l'Assemblée nationale a inséré dans la proposition de loi un article additionnel qui prévoit que le Gouvernement doit remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur les modalités et les conséquences de l'application d'une allocation de solidarité pour l'eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d'eau potable et d'assainissement afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d'eau au titre de la résidence principale.
Nous avions déjà évoqué lors de nos débats de première lecture, mes chers collègues, cette nécessité d'une action pragmatique à deux niveaux dans le domaine de l'accès à l'eau. Le premier niveau, d'ordre préventif, consiste à faciliter l'accès à l'eau pour les plus défavorisés, afin d'éviter que la facture d'eau ne représente plus de 3 % de leur revenu. Le deuxième niveau, d'ordre curatif, a trait à la solidarité et fait l'objet de notre proposition de loi.
Le Comité national de l'eau, vous le savez, s'est emparé des questions relatives à la prévention, et plusieurs pistes ont été dégagées. Des propositions de loi ont été déposées sur le sujet. Je crois néanmoins que le délai de six mois laissé au Gouvernement pour nous remettre un rapport lui permettra de mettre à plat les différentes pistes envisageables, celle d'une tarification sociale, celle d'une tarification progressive ou encore la mise en place d'une allocation différenciée, tout en lui laissant le temps de consulter les collectivités territoriales, les fédérations représentant les opérateurs de l'eau et les organismes sociaux. Un grand nombre de points techniques doivent être notamment étudiés. Le comité national de l'eau par exemple, dans son avis de décembre 2009 a identifié les caisses d'allocations familiales comme possibles opérateurs, or ces dernières semblent réticentes à l'idée de se voir attribuer cette nouvelle mission.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est par ailleurs engagé, en contrepartie, à présenter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires qui en découleront, afin de pouvoir disposer, lors du Congrès mondial de l'eau qui aura lieu en mars 2012 à Marseille, d'une législation dotée d'un droit à l'eau (depuis 2006) garanti, en amont, par un volet préventif, et en aval, par un volet curatif.
En conclusion, mes chers collègues, je crois que nous avons aujourd'hui un texte qui renforce de manière significative le dispositif curatif d'aide au paiement des impayés pour les factures d'eau des ménages les plus fragiles et qui replace les communes au centre de ce système d'action sociale. Il est à mon sens nécessaire d'adopter cette proposition de loi en l'état, afin que le volet préventif, sur lequel le Gouvernement s'est engagé à faire des propositions législatives concrètes à la fin de l'année, puisse rapidement venir compléter le dispositif. Je crois que nous pourrons alors nous reposer sur un système complet d'aide aux foyers les plus démunis en matière d'accès à l'eau, le volet préventif n'excluant pas le volet curatif, mais bien au contraire les deux se renforçant pour permettre une mise en application concrète de ce droit à l'eau consacré par la LEMA de 2006.
M. Philippe Leroy. - Je ne suis pas opposé aux objectifs de cette proposition de loi, à savoir faciliter le paiement des factures d'eau par les foyers les plus modestes.
Le dispositif que nous examinons aujourd'hui va cependant plus loin que la proposition de loi initiale. Il bouleverse le droit actuel : les maires semblent prendre l'autorité et les compétences en utilisant le FSL, alors que les ressources de ce dernier sont essentiellement issues du budget départemental.
Le volet préventif étant reporté à plus tard, je préférerais que l'examen de la proposition de loi soit également reporté, afin que l'ensemble du dispositif puisse être traité de manière coordonnée. En cas contraire, il existe un risque de conflit de compétences entre les conseils généraux et certains maires.
M. Michel Houel, rapporteur. - La présente proposition de loi ne modifie pas le rôle du FSL : elle prévoit simplement une concertation avec le maire.
Mme Evelyne Didier. - Je ne pense pas que le dispositif soit bouleversé : les modalités d'intervention du FSL ne sont pas modifiées.
Je trouve moi aussi dommage que le volet préventif ne soit pas traité par ce texte. On nous demande aujourd'hui d'approuver un système, en espérant qu'un des volets sera mis en place plus tard. Il est essentiel que la dépense d'eau, qui constitue un besoin vital, ne dépasse pas 3 % des revenus des ménages. Ce niveau est aujourd'hui dépassé en plusieurs endroits du territoire : il est regrettable qu'il n'existe pas de péréquation nationale en matière d'approvisionnement en eau.
M. Michel Houel, rapporteur. - Il est nécessaire que le Gouvernement prenne des engagements fermes sur le volet préventif.
M. Daniel Raoul. - Monsieur le rapporteur, vous nous proposez donc un vote conforme du texte adopté par l'Assemblée nationale ?
M. Michel Houel, rapporteur. - Tout à fait.
M. Paul Raoult. - Je regrette que l'aspect préventif soit remis à plus tard, alors que des réflexions ont été menées sur ce sujet depuis de nombreuses années.
Le FSL reste le pivot de la distribution de l'aide. Il faut cependant noter que tous les départements ne sont pas dotés d'un FSL et que tous les départements dotés d'un FSL n'ont pas un volet « eau ». Il conviendrait d'être plus contraignant en la matière.
J'attire également votre attention sur le fait que, parmi les personnes en situation d'extrême précarité, nombre d'entre eux ne font plus de dossiers.
M. Michel Houel, rapporteur. - Je regrette moi aussi que certains départements n'aient pas de FSL. La proposition de loi pourrait, de ce point de vue, avoir une vertu incitative.
M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi. - C'est toujours émouvant de voir un texte dont on est l'auteur arriver au terme de son examen. Je remercie le président et le rapporteur de la commission, ainsi que les sénateurs de tous les groupes. Je souhaite apporter quelques précisions :
- je suis bien conscient que cette proposition de loi ne règle pas l'ensemble des problèmes de l'accès à l'eau, et notamment l'aspect préventif. Pour autant ce texte est une avancée : il est facile d'application et peut être mis en oeuvre rapidement ;
- l'application des normes, notamment en matière d'assainissement, conduit aujourd'hui à une augmentation importante du prix de l'eau ;
- l'application de l'article 40 de la Constitution à l'Assemblée nationale a entraîné le retrait de l'aspect préventif, ce dernier devant revenir dans le débat d'ici six mois ;
- il était essentiel que le maire soit introduit dans le dispositif : les maires sont en effet au contact direct des familles en difficulté ;
- à la faveur des renégociations de contrat, il est possible pour les collectivités d'obliger les délégataires à apporter leur contribution en matière de solidarité. Il est donc tout à fait possible d'aller plus loin que la proposition de loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je regrette pour ma part que le volet étiologique soit absent du texte.
La question importante est selon moi : pourquoi l'eau est si chère ? Au vu de l'évolution du pouvoir d'achat, l'eau risque de devenir difficilement accessible à tous. Comment également encourager les communes à revenir vers un système de régie ?
M. Michel Houel, rapporteur. - La question des régies et des délégations de service public n'a pas vraiment de lien avec la proposition de loi.
M. Martial Bourquin. - L'introduction du maire dans le dispositif est un élément très positif.
Par ailleurs, il existe encore des droits d'usage, qui sont complètement illégaux. Certaines collectivités sont en litige sur cette question avec de grands opérateurs : certaines familles continuent donc à payer un droit de l'eau qui est illégal. Qu'on se situe dans le cas d'une régie ou d'une délégation de service public, certaines choses ne devraient plus exister.
M. Michel Houel, rapporteur. - On ne peut que partager votre avis.
M. Benoît Huré. - Je salue le fait que le maire soit associé au dispositif. Il est regrettable que tous les départements ne se soient pas dotés d'un FSL. Enfin, ce texte doit nous permettre de nous interroger, par exemple, sur les comportements en matière de consommation de l'eau.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
L'article 1er est adopté sans modification.
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Philippe Leroy. - Je reste réservé sur ce texte.
M. Paul Raoult. - Le texte marque une certaine avancée mais qui est insuffisante. Le groupe socialiste a choisi une abstention positive, en espérant que la réflexion se poursuive et aboutisse. Tous les maires sont confrontés à des problèmes sur cette question.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je m'abstiendrai. Je considère pour autant que ce texte constitue une occasion manquée.
La proposition de loi est adoptée sans modification, les groupe socialiste et communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche s'abstenant.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -
Audition de Mme Michèle Pappalardo, Commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale du commissariat général au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Mme Pappalardo vient nous présenter le rapport du commissariat général au développement durable (CGDD) sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Il s'agit ici de l'évaluation du volet environnemental de ce schéma, et non des itinéraires que vous souhaiteriez voir mis en place dans vos départements !
Mme Michèle Pappalardo, Commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable. - Vous avez souhaité un éclairage sur l'évaluation environnementale du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), sur ce qu'elle apporte et n'apporte pas, et sur les pistes de travail qu'elle ouvre. Les itinéraires dépendent en effet de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM).
Un avant-projet a été présenté en juillet dernier au comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE), qui est le comité de suivi du Grenelle, puis mis en ligne pour une meilleure appropriation par le public.
En quoi l'évaluation environnementale est-elle une nouveauté ? L'article 16 de la loi Grenelle I prévoit que le SNIT veille à la cohérence globale des réseaux de transport et évalue leur impact sur l'environnement et l'économie. Il s'inscrit bien dans une démarche de développement durable.
La mise en ligne de l'avant-projet s'inscrit dans l'esprit de la « gouvernance à cinq » et de la consultation du public : il doit faire l'objet d'un débat. Nous complétons le rapport et l'évaluation environnementale, que nous faisons évoluer.
Troisième nouveauté : l'ampleur. Très peu de schémas ont été établis à une échelle comparable, hormis au Royaume-Uni et en Allemagne. Le SNIT, c'est une dizaine de programmes, et une soixantaine d'actions, des projets nouveaux ainsi que des actions sur des infrastructures existantes.
Il est difficile de tenir compte à la fois de la gouvernance à cinq et de la nécessaire confidentialité dans l'élaboration des projets, d'être rationnel dans les techniques d'évaluation utilisées tout en tenant compte des problématiques d'aménagement du territoire... Il faut une revue projet par projet, mais aussi une évaluation globale. Il faut évaluer des actions qui ne sont ni datées ni chiffrées, alors que la liste de projets évolue en fonction d'arbitrages qui ne sont pas encore rendus.
Le fondement juridique de l'évaluation environnementale est la directive européenne de 2001 sur l'évaluation des plans et programmes, dont les trois objectifs sont la prise en compte de l'environnement en amont, dès l'élaboration du SNIT, l'évaluation des conséquences du SNIT sur l'environnement et l'information du public, dans l'esprit de la convention d'Aarhus.
Jean-Louis Borloo, alors ministre, s'était en outre engagé à ce qu'il y ait une évaluation environnementale dans la continuité du Grenelle. Saisie par le ministre, la formation d'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) - l'ancien conseil général des ponts et chaussées - a rendu son premier avis en juin 2009 sur ce qui était attendu de l'évaluation environnementale. L'autorité environnementale a ensuite rendu, le 22 septembre dernier, son avis sur le SNIT et son évaluation environnementale. Nous avons inventé en marchant, avec une évaluation très en amont de la mise en oeuvre du SNIT, et très innovante en termes de démarche systématique.
L'évaluation environnementale est un processus continu. Cette démarche doit être intégrée dans l'élaboration des projets. Dans l'idéal, elle est progressive, prospective, transversale et territorialisée.
L'évaluation du SNIT a été poursuivie dans le cadre du CNDDGE et de ses groupes de travail et lors des échanges entre services. Le rapport environnemental, qui retrace cette partie du processus, doit présenter la logique suivie par le maître d'ouvrage dans ses choix et expliciter les contraintes et les impacts sur l'environnement, en l'état des connaissances actuelles. Le rapport traite un certain nombre de points dont la directive fait explicitement mention, comme l'étude d'incidences Natura 2000.
Nous avons utilisé les statistiques disponibles au sein du ministère, notamment sur les transports ou les gaz à effet de serre, et travaillé avec d'autres services, notamment déconcentrés. Les outils ont été divers : revue de projets, modélisation - ce qui prend du temps -, dialogue.
Les principaux résultats de l'évaluation sont résumés dans le rapport. Nous avons abordé divers domaines environnementaux dans l'analyse, sans rechercher l'exhaustivité. Premier exemple, les gaz à effet de serre. L'étude du 15 juillet évalue à 50 millions de tonnes les émissions de CO2 évitées sur une période de trente ans : 80 millions de tonnes évitées grâce au report modal, dont il faut déduire 30 millions de tonnes générées par la construction de nouvelles infrastructures. Les dernières estimations sont plus proches de 100 millions de tonnes sur trente ans - certains considéreront que le gain est faible, quand on compare ce chiffre aux 460 millions de tonnes d'équivalent CO2 émises par la France pour la seule année 2008...
Deuxième exemple : Natura 2000 et la biodiversité. À ce stade d'avancement des projets, nous n'avons pu déterminer les zones Natura 2000 directement impactées par le SNIT ; nous identifions donc plutôt des points de vigilance. Une deuxième version du rapport indiquera quelles sont les espèces les plus impactées par les tracés prévus. Nous pouvons toutefois conclure qu'il n'y a guère d'incidence significative à ce stade.
Troisième domaine : l'artificialisation des terres. L'objectif assigné au SNIT est de limiter l'artificialisation des sols et la consommation des espaces naturels et agricoles. Là encore, faute de connaître les tracés, nous ne pouvons dire quels terrains seront touchés. La baisse de l'emprise autoroutière semble être compensée par une consommation croissante de l'espace par les infrastructures ferroviaires et fluviales : le bénéfice final n'est pas évident... Il conviendra d'être vigilant lors de la détermination des itinéraires, en tenant compte des conséquences des infrastructures sur l'urbanisation. Les documents d'urbanisme et les outils d'aménagement du territoire influeront sur l'impact final.
À ce stade, l'évaluation ne peut être plus précise, car des arbitrages sont encore à rendre. Il faut tenir compte d'enjeux antagonistes : par exemple, le choix de minimiser la consommation d'espace peut faire opter pour un trajet plus rectiligne, aux dépens de zones protégées.
L'autorité environnementale a rendu un avis indépendant et rigoureux, non sur l'opportunité du programme et des projets, mais sur les améliorations à apporter au rapport environnemental. Elle invite à préciser le scénario de référence, en tenant compte des « coups partis » avant le Grenelle ; à mieux justifier les choix ; à démontrer la cohérence des options retenues avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre ; à définir les bases d'un programme de traitement du bruit ; enfin, à adapter la liste des indicateurs proposés.
À plus long terme, l'autorité invite à mettre au point des méthodes de révision pertinentes à l'échelle d'un réseau, ainsi que des études prospectives ; à analyser l'état des lieux et à justifier les choix à l'échelle des territoires pertinents ; à analyser en continu des solutions de substitution ; enfin, à pérenniser le groupe national de suivi.
Ces pistes d'amélioration sont à mettre en rapport avec les limites inhérentes à cette entreprise. L'évaluation environnementale, exercice inédit par son ampleur, évoluera parallèlement au contenu du schéma. Il devra également prendre en compte l'impact des politiques de fiscalité, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire, ainsi que l'état d'avancement hétérogène des projets. Il faudra aussi améliorer les outils d'analyse et renforcer l'état des lieux des infrastructures existantes.
Le rapport définitif ne répondra pas à toutes les observations de l'autorité environnementale, mais nous continuerons à le compléter et à améliorer nos méthodes, sachant que le SNIT n'est qu'un outil parmi d'autres.
Quelle est la place de l'évaluation environnementale du SNIT dans l'évaluation du Grenelle ? L'évaluation indépendante, demandée par Jean-Louis Borloo au cabinet Ernst & Young, ainsi qu'aux présidents des groupes du Grenelle - qui ne fait pas mention de notre travail - conclut que les résultats du SNIT ne sont, bien entendu, pas mesurables pour l'heure, mais que l'avant-projet est en cohérence avec les objectifs du Grenelle.
La deuxième version, améliorée, du rapport paraîtra prochainement. Malgré les limites de l'exercice, le rapport environnemental sur un schéma souligne l'importance des choix qui seront faits, et de la qualité de leur réalisation. La première version pose des jalons pour l'amélioration des méthodes d'évaluation. Nous pourrons ainsi, dans le suivi du SNIT, comparer nos évaluations ex ante avec les constats ex post. L'évaluation environnementale a d'ores et déjà été prise en compte dans les choix du SNIT ; elle continuera à l'être dans les travaux à venir.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci de cette présentation. L'impact du SNIT est en effet complexe à appréhender, d'autant qu'il va encore évoluer, mais les orientations sont là.
M. Louis Nègre. - Merci pour cet exposé. Le rapport est riche de tableaux et de données : nous avons de quoi nourrir la réflexion du groupe de travail sur le SNIT que je préside! Je me réjouis de constater que la France est à la pointe en Europe dans le domaine de l'évaluation, et je vous félicite pour ce travail de bénédictin, qui va encore évoluer.
Ce travail exceptionnel rencontre toutefois des limites. Premier constat : il n'y a pas d'état des lieux des performances environnementales des infrastructures de transport actuelles. Compte tenu de la conjoncture financière, il va falloir choisir, pour le ferroviaire notamment, entre rénover les réseaux existants et construire de nouvelles infrastructures. L'évaluation environnementale devrait aider à faire ces choix difficiles.
La France est-elle capable de diviser par quatre ses émissions de CO2 d'ici 2050, comme le prescrit le Grenelle ? Cet objectif du facteur 4 a été adopté à l'unanimité : pouvons-nous le tenir ? Le SNIT permettra-t-il à la France de tenir ses engagements internationaux ? Les résultats sont peu encourageants, en grande partie parce que l'évaluation ne tient pas compte d'éventuelles ruptures de comportement des Français. Le succès du bonus-malus prouve pourtant que l'on peut jouer sur les comportements. Le rapport n'évalue pas non plus les éventuels effets dynamiques de réseaux structurants comme le canal Seine-Nord-Europe ou les autoroutes ferroviaires. Pourquoi ne pas étudier plusieurs scénarios, en retenant par exemple trois hypothèses, l'une « au fil de l'eau », une deuxième optimiste et une autre pessimiste.
Enfin, pourquoi ne pas avoir étudié des solutions de substitution, au moins dans certaines zones géographiques, comme l'exige la directive du 27 juin 2001 ?
M. Michel Teston. - À l'instar de nombreux collègues, je m'interroge sur l'incidence du SNIT sur les émissions de gaz carbonique et le report modal. Si j'en crois les chiffres figurant page 47 de votre rapport, le trafic de poids lourds devrait diminuer de 3 %, alors que celui du fret ferroviaire s'accroîtrait de 9 %, la voie fluviale restant stable. Dans ces conditions, comment imaginer un report modal atteignant 12 milliards de tonnes-kilomètres, soit plus de 30 % de ce que le fret ferroviaire représente aujourd'hui ? Je doute du résultat, même avec des trains de marchandises plus longs.
M. Alain Houpert. - « Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur », a dit Montesquieu. Toutes les études publiées à ce jour n'ont pas conduit nos concitoyens à modifier leurs comportements en matière de transport et de consommation.
Je m'interroge : combien coûte un tel rapport ? Quel est son bilan carbone ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Dans cette commission, une intervention peut être à la fois longue et pertinente.
Mme Mireille Schurch. - Vous nous avez remis un document très dense. Permettra-t-il aux décideurs de définir les priorités pour les infrastructures, par exemple dans le choix entre réalisations nouvelles et requalification de l'existant ? Conduira-t-il à des préconisations fortes ? Quel est son rôle face au SNIT ?
Le vrai sujet du SNIT est le report modal. Or, le calcul des coûts externes induits par le transport routier et ferroviaire reste un serpent de mer.
Enfin, un décret pris il y a deux jours vient d'autoriser la circulation des camions de 44 tonnes. Cette décision nous tombe sur la tête ! Nous verrons bientôt arriver des camions de 25 mètres, ce qui est contradictoire avec le SNIT et avec votre rapport !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Sur ce dernier thème, nous pourrions interroger Bruno Sido, qui est un éminent spécialiste sur cette question. D'autre part, le ministère a publié un rapport à ce propos.
Mme Évelyne Didier. - Je serai bref, car Mirelle Schurch a largement abordé les sujets dont je voulais parler. J'ai remarqué, page 125 du rapport, une série d'analyses consacrées à l'entretien et à la modernisation des réseaux existants. Ces actions me semblent prioritaires par rapport à la construction de nouvelles infrastructures.
A-t-on étudié les conséquences qu'aurait la circulation de poids lourds de 60 tonnes pour le réseau routier et les ouvrages d'art, notamment dans nos villages ?
Enfin, pourquoi avoir utilisé le mot « évaluation », alors que l'on mentionne habituellement celui d' « études d'impact » ?
Mme Michèle Papallardo, commissaire générale. - Monsieur Nègre, les renseignements sur l'état du réseau existant, l'état des lieux, ne relèvent pas du Commissariat général au développement durable, ce qui ne me conduit cependant pas à négliger l'importance du sujet. La question du choix entre rénovation et nouvelles infrastructures dépend de la DGITM.
D'autre part, nous manquons d'informations sur les performances environnementales des réseaux existants, mais nos services déconcentrés ont été sollicités à cette fin.
Nous faisons travailler le centre technique d'étude de l'environnement, rattaché au ministère, sur la dimension environnementale des infrastructures. C'est une tâche nouvelle pour cette entité.
Pourrons-nous tout financer ? La réponse vous appartient.
L'évaluation environnementale permet-elle de choisir entre réparer et construire ? À cet égard, du point de vue environnemental, il est toujours préférable de mettre un réseau à niveau, plutôt que de créer un nouvel équipement, mais la décision doit aussi prendre en compte les autres dimensions économique, sociale, politique et financière.
À l'évidence, le SNIT, à lui seul, ne suffira pas à atteindre le « facteur quatre » à l'horizon 2050, ni même la réduction de 20 % à l'horizon 2020, mais il tend à faciliter le développement des transports ferroviaires et fluviaux. J'insiste sur un point : la disponibilité d'une infrastructure ne suffit pas à induire un transfert modal. Parer la voie ferroviaire de toutes les vertus m'aurait été facile, mais elle ne suffira pas à atteindre les objectifs du Grenelle.
L'autorité environnementale aussi nous a reproché de ne pas avoir élaboré plusieurs scénarios. En fait, nous l'avons fait, à notre manière, avec une perspective « au fil de l'eau » intégrant les « coups partis », et avec une option plus volontariste du SNIT. Je ne suis pas certaine qu'il aurait été très utile de recourir à d'autres hypothèses.
Il me semble intéressant, sinon de proposer des solutions de substitution, du moins d'étudier les effets de la conjonction de plusieurs projets pour un même territoire. À cette fin, le SNIT devrait permettre d'identifier certaines zones justifiant que des études spécifiques y soient conduites pour déterminer la combinaison optimale des projets.
Monsieur Teston, il nous est habituellement reproché d'être pessimistes dans nos évaluations environnementales.
M. Michel Teston, président. - J'ai simplement mis en doute vos perspectives de report modal.
Mme Michèle Papallardo, commissaire générale. - Ce sont elles qui justifient nos calculs de gaz carbonique émis. Nous allons bien sûr vérifier ce point, mais je ne pense pas que nous ayons commis de surévaluation. Il y a certes beaucoup à faire pour développer le report modal.
S'agissant du bilan carbone de notre rapport, Monsieur Houpert, je doute que nous ayons produit en l'élaborant plus de gaz carbonique qu'en nous consacrant à une autre tâche. Au demeurant, le travail a été réalisé par une toute petite équipe en un temps restreint.
Madame Schurch, nous essayons d'éclairer les choix opérés sur les réseaux. La véritable originalité de notre réflexion tient à ce que nous avons été associés depuis le début 2008 par la DGITM à l'élaboration des critères d'évaluation. Il vous appartient aujourd'hui de vous prononcer. Nous sommes en situation de conseil et d'information, non de décision, même si j'espère que nos conseils seront écoutés.
J'ignore si le rapport ministériel relatif aux camions de 44 tonnes a été communiqué au Parlement.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Une version du rapport est péniblement arrivée sur mon bureau.
Mme Michèle Papallardo, commissaire générale. - Nous y avons contribué pour la partie environnementale. On peut craindre des effets négatifs sur les infrastructures, mais cela relève de l'aspect économique. En revanche, il n'y a pas de conclusion péremptoire sur le plan strictement environnemental, puisque le nombre de camions devrait baisser tandis que la consommation de carburant augmenterait.
M. Jean-Paul Emorine, président. - J'ajoute que la France n'en est pas à autoriser des camions de 60 tonnes. Actuellement, ceux-ci ne roulent qu'en Australie et aux États-Unis.
Mme Évelyne Didier. - Pourtant, on en parle.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Dans les médias.
Mme Françoise Maurel, chef de service. - L'évaluation environnementale prend en compte l'incidence du SNIT sur le trafic et le report modal. Pour l'instant, les coûts externes n'ont pas été monétarisés, mais ce sera peut-être fait dans une version ultérieure du document.
M. Louis Nègre. - Le sujet des coûts externes est récurrent.
Mme Françoise Maurel, chef de service. - Ils incluent le gaz carbonique émis, mais aussi la congestion du trafic, très difficile à quantifier.
Le SNIT fera l'objet d'un suivi régulier. Nous espérons que les progrès à venir permettront d'améliorer ce processus.
Sur le plan sémantique, la notion d' « étude d'impact » s'applique à des projets particuliers, alors que l'expression d'« évaluation environnementale » désigne un processus évolutif destiné à améliorer la qualité environnementale globale d'un ensemble de projets.
Mme Michèle Papallardo, commissaire générale. - Le mot « impact » a une dimension ponctuelle manifeste. Il ne convient donc pas au SNIT, qui s'inscrit dans une échelle de temps bien plus large.
M. Bruno Sido. - S'agissant des poids lourds de 44 tonnes, je rappelle que le débat est plus vaste que le seul poids maximum des camions autorisés à circuler, puisque le rapport que nous avons demandé lors de l'examen de la loi Grenelle I au Sénat devait également aborder la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure de tous les poids lourds et leur interdiction de se doubler sur autoroutes. Jamais aucun rapport n'a été consacré à ces sujets !
Les entreprises de transport savent que plafonner la vitesse à 80 kilomètres par heure ne fait pas perdre de temps, tout en économisant 20 % du carburant. J'ajoute que l'interdiction faite aux camions de se doubler économiserait des millions d'euros consacrés à construire une troisième file sur les autoroutes.
Le rapport ministériel est arrivé sur le bord du bureau de notre président de la commission. Mais il n'a toujours pas été officiellement déposé au Parlement ! Pour la simple raison que le ministère n'en veut pas. Dès lors, à quoi sert le Parlement ?
M. Louis Nègre. - Bruno Sido a raison : des conditions avaient été posées pour accepter la circulation de camions atteignant 44 tonnes, mais ce dossier semble couvert par le secret défense. Il aurait fallu connaitre les conséquences environnementales de la circulation des poids lourds de 44 tonnes avant l'édiction de ce fameux décret.
Quant à l'évaluation des coûts externes générés par le transport routier de marchandises, force est de constater que le débat n'est pas clos. Certains affirment que ce secteur supporte toutes les externalités négatives qu'il engendre, en se fondant notamment sur des études qu'aurait réalisées le Conseil des ponts et chaussées en 2000 ou en 2002. C'est pourquoi je demande des éclaircissements à Madame Pappalardo sur ce point.
Plus généralement, je regrette les difficultés que nous rencontrons, en tant que Parlementaires, pour obtenir des rapports d'évaluation environnementale dans le domaine des transports. Je remarque que je n'ai pas connu de telles difficultés à Stockholm, où je me suis rendu l'an passé dans le cadre de ma mission sur les péages urbains, car j'ai pu alors me procurer très facilement toutes les études environnementales que je souhaitais, notamment celles qui étaient rédigées par des experts français, ce qui ne manque pas d'ironie...
M. Michel Teston. - Lors du débat sur la résolution présentée par le groupe CRC-SPG sur le wagon isolé, j'ai mentionné une étude européenne sur les externalités négatives du transport routier. Les résultats sont impressionnants, avec un coût estimé à 220 milliards d'euros à l'horizon 2020 !
M. Louis Nègre. - Beaucoup dépend du sort que les calculs réservent à la TIPP. Nous ne manquons pas en France de spécialistes se livrant à ce genre d'études.
Mme Michèle Papallardo, commissaire générale. - Je suis ravie que vous soyez aussi passionnés par ces sujets auxquels nous travaillons en continu.
L'évaluation des coûts externes s'améliore régulièrement et les Français y travaillent depuis longtemps. Nous continuons à y réfléchir en liaison avec le Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a succédé au Conseil général des ponts et chaussées. Au demeurant, les externalités négatives incluent l'impact sur la biodiversité. Vaste sujet ! L'an dernier, nous avons progressé sur la méthode permettant de « monétariser » la biodiversité.
Chaque année, le Commissariat général publie une revue comportant des articles rédigés par des experts de nos services ou par des universitaires et je serais heureuse de vous faire parvenir les documents qui se rapportent aux sujets qui vous intéressent.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous indique que, contrairement à l'Assemblée nationale, une même commission est compétente au Sénat pour l'économie et le développement durable, ce qui vous évitera de dupliquer votre présentation. Nous vous remercions, madame la commissaire générale.