Mardi 21 décembre 2010
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Audition de M. Jean-Paul Bailly, candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de La Poste
La commission procède à l'audition de M. Jean-Paul Bailly, candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de La Poste.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Vous êtes, Jean-Paul Bailly, un habitué de ces lieux : vous êtes venu devant notre commission en octobre 2009 et en mars 2010, après le vote de la loi du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. Nous sommes aujourd'hui réunis pour donner notre avis sur votre candidature aux fonctions de président-directeur général de La Poste.
En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition du candidat devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, audition qui doit être suivie d'un vote. Les modalités de cette audition et du vote ont été précisées par la loi organique et la loi ordinaire du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Il est ainsi prévu que l'audition est publique. A son issue, je raccompagnerai le candidat et je demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous procédions au vote qui se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement.
En application de l'article 3 de la loi du 23 juillet 2010 précitée, il ne peut y avoir de délégation de vote, et en application de son article 6, qui modifie l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. La commission de l'économie de l'Assemblée nationale auditionnera Jean-Paul Bailly à 17 heures et nous préviendra à l'issue du vote pour que nous puissions procéder au dépouillement en même temps qu'elle.
Enfin, en application de l'article 13 de la Constitution, je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Je vous renouvelle mes souhaits de bienvenue. Nous souhaitons que vous nous présentiez l'évolution de votre entreprise et vos perspectives pour les années à venir en matière d'investissements, puisque la loi prévoyait des financements conjoints entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l'État. Ensuite, nous pourrons statuer sur votre aptitude à diriger cette entreprise. Pour ma part, je n'en doute pas : il suffit de regarder votre capacité d'adaptation.
M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste. - Vous connaissez bien La Poste et vous me connaissez aussi puisque je suis venu devant votre commission le 7 octobre 2009 à l'occasion de la loi postale, puis le 30 mars 2010 à l'occasion de mon renouvellement dans le cadre du changement de statut de La Poste, que je dirige depuis septembre 2002. Durant ces huit années, cette entreprise a beaucoup évolué ; elle s'est préparée aux enjeux de demain et elle a établi le socle qui lui permettra de réussir dans les années à venir.
Un mot sur l'environnement de La Poste : depuis une dizaine d'années, cette entreprise a anticipé des défis sans précédent, avec l'ouverture totale du marché postal au 1er janvier 2011. Dans dix jours, il n'y aura plus un euro de chiffre d'affaires de La Poste qui ne sera pas en concurrence. C'est déjà vrai depuis longtemps pour l'activité colis, c'est le cas pour les livrets A depuis 2009, et ça le sera dès le 1er janvier pour le courrier. La concurrence, cela veut dire que c'est le client qui choisit. Nous devons donc tout particulièrement travailler sur la qualité, la fiabilité, la rapidité et la réactivité des différents services que nous offrons, tout en contenant les prix. Les tarifs doivent donc être accessibles et les charges maîtrisées.
Souvent on s'interroge sur les changements que va apporter l'ouverture à la concurrence. Le 1er janvier, nous n'allons pas voir émerger subitement d'importants concurrents. En revanche, l'état d'esprit va changer et, comme dans d'autres pays, la concurrence va se développer sous forme de nombreuses petites entreprises qui vont s'installer dans des niches et offriront peut être des services plus innovants ou moins chers. Nous devons donc nous y préparer en travaillant sur la qualité et les tarifs.
La concurrence, c'est aussi l'ouverture au marché européen : des opportunités vont donc s'offrir dans d'autres pays.
Deuxième défi : la société numérique est une réalité, et je ne parle même pas de la concurrence d'Internet, car ce serait réducteur. Nous devons nous adapter à un monde nouveau, d'autant plus que la crise a accéléré cette mutation, les entreprises ayant cherché à réduire leurs coûts en accélérant les dématérialisations. Pour nous, c'est un défi, en raison surtout de la baisse des volumes de courrier. Ces derniers ont diminué légèrement jusqu'en 2007, puis de façon plus rapide ensuite : - 3 % en 2008, - 5,5 % en 2009 et - 3,5 à - 4 % en 2010. De 2008 à 2010, les volumes auront baissé de 12 %. Entre 2009 et 2015, nous attendons une diminution de l'ordre de 30 %, soit la moyenne des projections européennes.
La société numérique offre aussi toute une série d'opportunités, dont le développent de l'e-commerce et de l'activité colis. Nous devrons donc tenir compte de la diminution des volumes, mais aussi de la mutation des usages et des technologies. L'adaptation et l'innovation seront donc nécessaires.
En troisième lieu, La Poste doit intégrer les préoccupations environnementales de nos concitoyens, notamment en ce qui concerne le transport, l'immobilier et le papier. Nous devons aussi faire porter notre effort sur la qualité de vie, la santé au travail, l'égalité des chances, le respect, la considération et le dialogue.
Face à ces diverses évolutions, La Poste s'est préparée de longue date avec l'État et avec les élus nationaux et locaux, à travers plusieurs étapes qui ont permis de construire ce socle. D'abord, la mise en place d'une organisation efficace par métier, à la fois décentralisée et responsabilisée. Nous avons réglé la question du financement des retraites des fonctionnaires. Nous avons créé la Banque postale, élargi de la gamme de ses produits et amélioré son coefficient d'exploitation. Nous avons procédé à de très lourds investissements - plus de 3 milliards d'euros - dans le domaine du courrier : courant 2011, La Poste disposera de l'outil logistique le plus moderne dans ce domaine en Europe, ce qui est essentiel pour réduire les coûts, mais aussi pour assurer la qualité et l'innovation du service.
Nous avons délibérément choisi un mode de fonctionnement européen pour l'express et le colis. D'ailleurs, le colis est le secteur du marché qui se développe le plus et La Poste a désormais une position de leader en Europe, devant les Allemands.
Nous avons répondu au défi de la présence territoriale. Je ne reviens pas sur toutes les concertations qui ont eu lieu, ni sur les solutions auxquelles nous sommes parvenus grâce aux partenariats noués entre La Poste et les communes ou les commerçants. Les habitants et les maires sont satisfaits de ces évolutions. Pour mémoire, nous signerons début 2011 un contrat tripartite entre l'État, l'Association des maires de France (AMF) et La Poste.
Nous avons amélioré les délais d'attente dans les bureaux postaux et la qualité de l'accueil dans les 1 000 plus grands bureaux de poste. Avant la mi-2012, ce sera le cas pour les 2 000 plus grands bureaux. Les taux de satisfaction des clients et des postiers sont impressionnants.
Enfin, nous avons besoin de ressources nouvelles pour nos ambitions de demain, tout en évitant l'endettement. C'est la raison fondamentale du changement de statut et de l'augmentation de capital.
Toutes ces évolutions ont été mises en oeuvre en respectant notre modèle social. Aucun plan social, sous quelque que nom que ce soit, n'a été envisagé. En revanche, les départs ne sont que partiellement remplacés. Nous sommes très attentifs à la qualité contractuelle des emplois : le contrat à durée indéterminé (CDI) à plein temps est notre modèle, les contrats à durée déterminée (CDD) et les temps partiels imposés ont considérablement diminué. Les compétences ont été développées avec des promotions importantes, de l'ordre de 10 % des postiers chaque année. Nous avons prévu l'accompagnement du personnel lors des changements d'organisation et nous avons amélioré la qualité des lieux de travail, l'égalité des chances et le partage des fruits de la réussite avec la mise en place, depuis deux ans, d'un intéressement. Tout cela s'est fait tandis que nous améliorions les performances, qu'il s'agisse de la rapidité du courrier, des colis ou de l'attente divisée par deux dans les bureaux de poste. Même pendant la crise, les résultats d'exploitation se sont améliorés. Notre capacité d'autofinancement et les programmes d'investissement sont restés compris entre 1 et 1,2 milliard d'euros.
Durant toute cette période, nous avons donc construit un groupe multi-métiers robuste. Aujourd'hui, sa force repose sur ses trois métiers (courrier, colis-express, banque), même si le courrier traverse une phase plus difficile que les deux autres.
Tout ce travail constitue un socle solide sur lequel des ambitions peuvent se développer, d'où le plan stratégique pour 2015. Il fallait une vision, celle d'un groupe européen leader dans les services de proximité fondés sur les savoir-faire postaux et qui font de la qualité de la relation de service et de la confiance des valeurs clés. Tous ces mots sont importants : un groupe, cela veut dire que l'un des enjeux essentiels demeure l'unité. Européen, c'est parce que le champ naturel de La Poste est l'Europe. Quand on dit « service de proximité », c'est que l'on se veut un groupe de services, contrairement à d'autres entreprises qui ont fait des choix différents, comme les Allemands qui ont décidé de devenir un groupe de logistique. Les savoir-faire postaux, cela signifie que nous n'allons pas faire des choses radicalement différentes de ce que nous faisions jusqu'à présent, avec les valeurs fondamentales que sont la qualité de la relation de service et la confiance.
Nous voulons aussi que ce service public soit moderne, c'est-à-dire qu'il soit en phase avec son temps et qu'il réponde aux attentes de nos concitoyens. Or, ces derniers attendent de la qualité et une relation de service qui garantisse accueil, prise en charge, rapidité, sécurité et fiabilité. Ils veulent avoir vraiment le choix et leur intérêt passe en premier. Ils attendent enfin des services accessibles, tant sur le plan géographique que tarifaire, et des amplitudes horaires d'ouverture satisfaisantes.
Nous avons défini cinq priorités et deux fils rouges.
Tout d'abord, nous voulons assurer la parfaite exécution des quatre missions de service public, que sont le service universel du courrier, la présence territoriale, l'accessibilité bancaire et la distribution de la presse. Ces quatre missions, qui sont la raison d'être et la fierté des postiers, sont parfaitement définies dans un cahier des charges, qu'il s'agisse de la loi ou des différents contrats que nous avons signés : contrat de service public, contrat de présence territoriale et contrat presse-État-Poste. S'agissant de la présence territoriale, nous avons progressé dans les financements. Le contrat sur la présence territoriale, qui sera signé en début d'année prochaine, prévoit une amélioration du financement et un élargissement de sa zone d'action : jusqu'à présent limité aux zones rurales et de montagne, il va être élargi aux zones urbaines sensibles (ZUS) et aux départements d'outre-mer (DOM). En outre, seront confirmés le nombre de points de présence postale par département et le fait que l'accord des maires est indispensable pour créer un point partenarial. L'évolution des horaires ne pourra avoir lieu qu'après un diagnostic partagé. Enfin, le rôle des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) sera élargi puisqu'elles disposeront de plus d'argent, pour non seulement moderniser les points de présence postale, mais aussi pour améliorer l'accessibilité, installer des distributeurs de billets ou former les remplaçants. Ces commissions vont donc devenir de véritables lieux de concertation et de décision.
Deuxième priorité : la performance économique. Nous sommes dans un monde en concurrence et l'efficacité est la clé de l'avenir. De nombreux efforts seront encore nécessaires, comme ce fut déjà le cas au cours des années passées. Notre ambition est de respecter les quatre missions de service public tout en préservant le modèle social que j'ai évoqué.
Troisième axe : la qualité et la relation de service. Nos services doivent être simples, faciles et fiables, et développer le sens du client. Nous allons ainsi généraliser les engagements clients, tant au niveau national que local.
Quatrième priorité : l'innovation. Nous allons nous concentrer sur certains thèmes en nous appuyant sur nos points forts que sont la maîtrise des systèmes d'information et la confiance, tout en cherchant systématiquement à satisfaire le client. Nous allons accroître l'effort dans trois domaines. Pour le courrier tout d'abord, nous allons tirer le meilleur parti du papier et du numérique, avec des produits hybrides et le développement du coffre-fort électronique Digiposte. Dans le domaine du colis, nous avons très récemment innové avec So Colissimo, qui permet au destinataire final de choisir la manière dont il entend être livré.
Dernière priorité : le développement des services existants en Europe. Nous proposons aux entreprises un service global allant des données de départ jusqu'à l'archivage, en passant par la préparation des documents, leur édition, leur transmission, leur distribution, la gestion des retours et la numérisation.
Le développement passe aussi par des services nouveaux. Les facteurs seront ainsi non seulement des distributeurs de courrier, mais aussi des agents de proximité. Nous allons développer le marketing direct et améliorer le traitement des imprimés publicitaires en montant en gamme dans la gestion des données. Dans le domaine du colis, nous misons en Europe sur l'accroissement du business to consumer (B to C), qui facilite les relations entre une entreprise et ses consommateurs et qui, après le développement du business to business (B to B), le commerce interentreprises, est le segment qui augmente le plus. Dans le domaine de l'enseigne, nous voulons encore améliorer l'accueil, mais aussi réussir la mise en oeuvre de l'opérateur virtuel de téléphonie mobile. Dans la banque, nous voulons proposer tous les services nouveaux comme le crédit-consommation, l'assurance-dommage, la prévoyance-santé, le financement de l'économie locale ou le développement du multi-canal.
J'en viens à nos deux fils rouges : nous ne devons pas toucher à notre modèle social, car il est le socle de la confiance des postiers et un cadre sécurisant face aux changements inéluctables que nous devons mener pour adapter l'entreprise et opérer des mutations difficiles mais indispensables. Enfin, il est la condition de la performance : pour moi, l'économique et le social sont les deux faces d'une même médaille. Il n'y a pas de modèle social ambitieux sans une performance économique pour le financer. De même, il n'y a pas de réussite économique sans des postiers engagés et motivés.
Le deuxième fil rouge, c'est évidemment le développement durable, qui est le socle de la confiance de nos concitoyens. Vous connaissez les priorités : les transports, l'immobilier et le bon usage du papier.
Pour résumer, l'ambition 2015 prévoit la parfaite exécution des missions de service public pour répondre à l'attente des Français, ainsi qu'une amélioration progressive des résultats, de la rentabilité et de la capacité d'autofinancement, qui reste insuffisante pour faire face aux investissements nécessaires. Le plan que je viens de vous présenter nécessite en effet un investissement de l'ordre de 7,5 milliards d'euros. Les ressources de La Poste sont d'environ 5 milliards, ce qui lui permettra de réaliser la « modernisation courante » de l'entreprise. Il manque donc 2,5 milliards d'euros pour financer les investissements destinés à assurer le développement et l'innovation. Ou bien nous disposerons de ce montant grâce à l'augmentation de capital, et nous réaliserons ces investissements sans endettement supplémentaire, ou bien nous serons condamnés à ne pas atteindre nos objectifs. Les 2,7 milliards d'euros d'augmentation de capital auront ainsi pour objectif de financer, non pas le fonctionnement courant de La Poste, mais son développement et l'innovation. Cette augmentation de capital devrait être souscrite vers la fin du premier trimestre 2011 et elle se fera grâce à la CDC.
Il ne s'agit pas, avec l'arrivée de la Caisse, de l'entrée d'un simple partenaire financier, mais d'un partenaire stratégique de long terme. Nous avons déjà réfléchi ensemble afin d'approfondir nos partenariats et nos coopérations. Ainsi en est-il pour les services auprès des économies locales, pour le développement dans l'e-administration, sans compter les collaborations que nous avons déjà nouées dans l'immobilier ou le logement locatif.
En conclusion, je m'engage à poursuivre la nécessaire mutation de La Poste en m'appuyant sur les postiers et sur les équipes de management. Nous avons signé hier et avant-hier deux grands accords avec les partenaires sociaux, l'un sur les guichetiers et l'autre sur les salaires. Je suis convaincu que La Poste a un très bel avenir, si elle sait innover et se moderniser tout en restant fidèle à elle-même. C'est ce qu'attendent nos concitoyens et c'est l'histoire de ma vie, tant à La Poste qu'à la RATP, que d'avoir essayé de contribuer à la modernisation de ces entreprises publiques sans qu'elles perdent leur âme.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci pour cet exposé. Vous n'avez pas eu à convaincre nos collègues de votre activité : vous êtes imprégné de cette grande entreprise.
M. Daniel Raoul. - En ce qui concerne le chiffre d'affaires, quel est le ratio entre l'activité de la Banque postale, le courrier et les colis ?
Un des gros bureaux de poste dans ma ville offre quatre guichets pour la Banque postale, un et demi à deux guichets pour les usagers et un pour les professionnels. La durée d'attente reste considérable, pire qu'à la Sécurité sociale ou à Pôle emploi !
Le turnover des facteurs est important : il y a trop de remplaçants qui ne sont pas formés, qui déposent des avis de passage dans les boîtes alors que les gens sont chez eux. La qualité du service laisse vraiment à désirer, sans doute à cause de ce fort taux de remplacement.
M. Michel Teston. - En juillet 2008, vous-même, puis à l'automne de la même année, le chef de l'État et son Premier ministre, avez estimé que le changement de statut de La Poste était indispensable : le groupe avait besoin de renforcer rapidement ses fonds propres. Après que ce changement de statut soit intervenu avec la loi du 9 février 2010, où en sommes-nous ? Nous pensions que la CDC et l'État allaient rapidement apporter des financements à la nouvelle société anonyme. Or, la Caisse se « hâte lentement » ; elle a prévu d'apporter par étapes 1,5 milliard d'euros. Quant à l'État, il tarde lui aussi à concrétiser ses engagements. Une enveloppe est prévue, mais rien n'est précisé en ce qui concerne cet apport de capitaux complémentaires. Disposez-vous d'informations sur le calendrier à venir ? L'argument utilisé pour changer de statut était-il vraiment fondé ?
M. Gérard Bailly. - Nous sommes tous heureux du bel avenir que vous promettez à La Poste. Mais, dans les territoires ruraux, ne devrait-elle pas être aussi la maison des services publics ? EDF, France Télécom et la SNCF ont déserté les campagnes, et seule reste encore La Poste, qui pourrait fédérer tous ces services publics.
Quel chiffre d'affaires La Poste réalise-t-elle avec Internet et les formes nouvelles de commerce ?
Encore récemment, les journaux étaient distribués sous plastique ou entourés d'une bande. Aujourd'hui, le journal est distribué sans rien. Qui y a gagné, qui y a perdu ?
Les tampons de La Poste ne donnent plus la provenance du courrier : quel dommage ! Il s'agit d'une véritable perte pour l'image de nos territoires.
M. Roland Courteau. - Qu'entendez-vous par remplacement partiel des départs ? Quelle est l'évolution du nombre de CDD à La Poste ? Quels objectifs vous êtes vous fixés en ce domaine ? Et pour les temps partiels imposés ?
M. Benoît Huré. - La Poste est un bel outil : de bons choix ont été faits pour l'armer face à la concurrence, même si quelques faiblesses demeurent.
Pouvez-vous nous rassurer sur les engagements pris dans le cadre de la loi postale sur le nombre d'heures d'ouverture dans les villes de moins de 2 000 habitants ?
L'aménagement du territoire, c'est prévoir pour ne pas subir. Que diriez-vous d'une présence postale complète à 20 minutes ou à 20 kilomètres dans les bassins de population ?
Comme mon voisin, je regrette que l'identification par l'oblitération de la provenance des lettres ne soit plus possible, car il en va de la promotion des territoires de France.
Nous avons eu un épisode neigeux dans les Ardennes et la distribution du courrier a été interrompue quatre jours. Nos aînés nous disent qu'ils n'ont vu pareille interruption que pendant la guerre ! Certes, le premier jour, les camions ont été bloqués, mais ils ont pu circuler le lendemain, sauf apparemment ceux de La Poste. Ne pensez-vous pas qu'il y a un vrai problème ? La rationalité a ses limites.
Mme Bariza Khiari. - Vous avez terminé vos propos en parlant des hommes : cela tombe bien car je voulais vous interroger sur la diversité au sein de La Poste. Il s'agit d'une entreprise aux couleurs de la France : cela se voit aux guichets, dans les centres de tri ou chez les facteurs. Mais l'encadrement suit-il ? Le « plafond de verre » touche beaucoup de nos concitoyens. Qu'en est-il dans votre entreprise ? Menez-vous une politique contre les discriminations ? Avez-vous signé la charte de la diversité ?
Ma deuxième question est plus personnelle et je ne la veux pas inélégante : elle a trait à la limite d'âge. Allons-nous vous reconduire pour une année ou pour cinq ans ?
M. Ladislas Poniatowski. - Que vous rapporte et que vous coûte le remplacement des bureaux de poste en milieu rural par des points poste chez les commerçants ou dans les mairies ? La réforme, qui a été accueillie avec méfiance, ne s'est finalement pas si mal passée que cela : je suis dans un petit canton rural et, de quatre bureaux de poste, je suis passé à deux dans les communes les plus importantes. Les deux autres ont été remplacés par une permanence postale dans une mairie et chez un commerçant. Les habitants sont assez satisfaits de ce système car, par rapport à un bureau de poste qui n'ouvrait plus que deux demi-journées par semaines, voire moins, avoir un point poste ouvert quasiment en permanence, même si tous les services ne sont pas offerts, ce n'est pas si mal que cela.
Vous indemnisez les commerçants et les communes. L'addition de ces indemnités ne doit pas être très élevée. Ne pourriez-vous pas être un aménageur du territoire en ouvrant davantage de points poste en milieu rural ? Vous trouverez des mairies et des commerçants volontaires pour apporter une prestation poste en milieu rural.
M. Louis Nègre. - La Poste est en pleine modernisation dans un monde qui change. Ce n'est pas simple pour vous, surtout au regard de ce qui se passe en Europe, où certaines postes ne se portent pas bien.
Quelles sont les innovations qui permettront demain d'assurer la pérennité de La Poste, qui est un service public auquel les Français tiennent beaucoup ?
M. Gérard Cornu. - Vous voulez aménager le territoire mais, en même temps, vous êtes soumis aux règles bancaires, notamment pour l'implantation des distributeurs automatiques de billets. Réussissez-vous à vous en affranchir ?
M. Pierre Hérisson. - La loi de finances pour 2011 est votée et la signature du contrat tripartite avec l'AMF et l'État va bientôt intervenir. L'estimation du coût de la présence postale sur le territoire de La Poste est-elle fiable ? Ne peut-on envisager d'autres formes de présence postale ? Gérard Cornu avait proposé plusieurs pistes lors de l'examen de la loi. Il faut rapprocher le coût estimé de la présence postale des 170 millions d'euros dont nous allons disposer dès l'année prochaine.
J'en viens au contrat tripartite : les CDPPT doivent-elles être libres de disposer des 170 millions qui leur seront alloués, ou doivent-elles être encadrées par le contrat tripartite ?
M. Jean-Paul Bailly. - Je commence par les questions de Daniel Raoul : le chiffre d'affaires du courrier représente 53 à 54 % du total, celui des colis et de la banque, chacun un petit quart. A l'horizon 2015, le courrier représentera de l'ordre de 40 à 45 % du chiffre d'affaires, tandis que le colis sera probablement d'un gros quart et la banque d'environ 30 %. Si on raisonne en fonction de la contribution aux résultats, les choses sont bien différentes : le courrier pourrait faire 10 à 15 %, tandis que le colis représenterait 25 % et la banque le solde.
Vous m'avez interrogé sur la modernisation des guichets : je ne connais pas le cas particulier dont vous m'avez entretenu et je ne sais si ce bureau a été récemment modernisé. Il se peut qu'à certains endroits, il existe encore des exceptions, mais d'ici 18 mois, les 2 000 plus grands bureaux auront été modernisés. Tous les retours d'expérience sont extrêmement positifs, aussi bien en termes de taux de satisfaction - nous sommes passés de moins de 50 % à plus de 75 % en deux ans - que de l'attente, qui est mesurée par un intervenant extérieur et qui a été divisée par deux. Pour les opérations rapides, la moyenne est un peu supérieure à trois minutes. Je sais cependant que les statistiques ne sont pas de nature à convaincre ceux qui ont eu de mauvaises expériences. S'il y a un cas particulier, je suis prêt à l'examiner, mais je suis très confiant sur la politique qui est menée.
Il n'y a pas de turnover des facteurs au sens propre : très peu quittent la Poste. Le passage aux 35 heures a posé un premier problème d'organisation ; en outre, il a fallu faire des tournées de taille variable pour s'adapter à la baisse des volumes : c'est pourquoi le facteur n'est plus toujours le même.
Michel Teston m'a interrogé sur le calendrier. Le changement de statut est intervenu au 1er mars ; nous avons présenté un plan d'affaire, indispensable, le 15 avril ; la CDC a pris connaissance des réalités économiques et des enjeux de la Poste entre mai et juin. Un accord de principe a été signé le 18 octobre entre l'État et la Caisse ; depuis, nous mettons au point les textes définitifs. L'entrée de la Caisse dans le capital devrait se faire avant la fin du premier trimestre 2011. L'augmentation de capital sera souscrite à ce moment, avec une libération en trois temps : 2011, 2012 et 2013. Les trois administrateurs de la Caisse entreront au conseil d'administration dès 2011. L'augmentation de capital est plus nécessaire que jamais, pour financer les 2,5 milliards d'investissement prévus. Nous n'avons toutefois pas besoin de la totalité, tout de suite ; le programme retenu nous convient donc.
Dans les communes de moins de 2 000 habitants, les bureaux de postes sont souvent petits et assez peu ouverts. Le partenariat avec les mairies est donc une excellente solution ; divers services publics apportent à la commune un complément de financement en échange des services rendus par les agents municipaux. Avec les technologies de l'information et la communication, c'est le fondement des maisons de services publics, dont le coeur serait la mairie plutôt que la poste.
Si le marché des achats sur Internet est en pleine croissance, le nombre de colis n'augmente pas en proportion, car il y a des phénomènes de substitution, au détriment des acteurs traditionnels de la vente à distance. Avec ColiPoste, nous couvrons 65 % du marché, mais face à une concurrence redoutable, maintenir notre place demande des efforts permanents.
Un mot sur la distribution des journaux : moins il y aura de plastique, mieux nous nous porterons. Indépendamment des considérations écologiques, il est difficile de lire sur le plastique, sans compter que celui-ci passe fort mal dans les machines.
Gérard Bailly, je regrette moi aussi que l'on ne voie plus le lieu d'expédition du courrier sur l'enveloppe, mais le regroupement du courrier rend cette évolution inévitable. Nous avons tenté de remédier à cet inconvénient en développant les prêt-à-poster et en émettant des timbres valorisant nos régions.
Roland Courteau, « remplacement partiel » signifie qu'un départ à la retraite sur deux est remplacé ; dans les années qui viennent, ce taux devrait être d'un sur trois, en raison de la baisse des volumes. Depuis mon arrivée, la part de CDD est passée de 8 % à 3 %, taux qui me paraît incompressible. Il n'y a pratiquement plus de temps partiel imposé : nous sommes dans « l'épaisseur du trait ».
La règle des 20 minutes ou 20 kilomètres est respectée. La loi impose 17 000 points de contact sur le territoire ; le contrat État-AMF-Poste précisera en outre le nombre de points par département. Les engagements sont tenus.
La neige a posé des problèmes logistiques dans la distribution du courrier, je ne l'ignore pas : un jour de perturbation a des répercussions, d'autant que l'on ne peut raisonner à l'échelle du seul département. La Poste a fait le maximum, mais la distribution des colis va sûrement être perturbée. Nous avons donc décidé d'ouvrir les bureaux de poste jusqu'à 20 heures le jeudi 23 décembre. Preuve qu'en cas de difficultés, les postiers sont prêts à s'engager pour le meilleur service possible !
La Poste est en effet aux couleurs de la France, Bariza Khiari, et nous menons une politique en faveur de la diversité : nous avons signé la Charte de la diversité, participé au tour de France de l'IMS-Entreprendre pour la Cité et mis en place le curriculum vitae anonyme. En ce qui concerne l'encadrement, la place des femmes a progressé, mais il reste beaucoup à faire pour les minorités. J'ai conscience du problème ; pour l'heure, nous mettons en avant des cas particuliers, pour montrer que la réussite est possible.
Les statuts de La Poste ne fixant pas de limite d'âge, c'est le code du commerce qui s'applique. Le mandat de président de La Poste auquel je suis candidat est de cinq ans. J'ai montré que j'étais un homme de la durée et de la continuité. Aux actionnaires de modifier les statuts de La Poste, s'ils souhaitent modifier la limite d'âge.
Ladislas Poniatowski, les agences postales communales et les relais Poste coûtent bien moins cher en fonctionnement. Le nouveau contrat permet d'affecter une partie des économies ainsi réalisées à la part 3 de la CDPPT : ce sont des ressources supplémentaires qui pourront être affectées aux mairies pour y améliorer le service postal. La création de points supplémentaires relève de la CDPPT, dans le cadre du financement par la part 3.
J'indique à Gérard Cornu qu'un accord a été signé avec Michel Mercier, alors ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur la mutualisation des services publics en milieu rural ; certains départements sont en phase d'expérimentation. A été fixé l'objectif d'un distributeur automatique de billets dans tous les bourgs-centres isolés ; une trentaine vont être installés. Les avis sont toutefois partagés au sein des CDPPT, car l'installation d'un distributeur réduit l'activité du bureau de poste. C'est un débat local.
Enfin, Pierre Hérisson, le contrat tripartite doit clairement définir le type d'activités financées dans le cadre de la CDPPT, mais une fois ce travail fait, celle-ci doit conserver une marge de manoeuvre.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci de ces réponses.
Nous allons procéder au vote.
M. Daniel Raoul. - La commission a, pour la première fois, à se prononcer sur une nomination dans le cadre de la loi organique du 23 juillet 2010. Notre groupe, qui s'est déjà prononcé pour ou contre certains candidats à l'unanimité, ne remet pas en cause la personne même du candidat Jean-Paul Bailly ; simplement, il est opposé au principe du changement de statut de l'entreprise publique.
M. Michel Teston. - Les débats lors de l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales ont été particulièrement intenses. Le changement de statut du groupe a été décidé de sa propre initiative par le Gouvernement, et non pas imposé par les directives européennes. Il a été justifié par la nécessité d'apporter de nouveaux capitaux à La Poste. Or, le vote des lois de finances permettrait d'ajuster le financement des quatre missions de service public du groupe, notamment la contribution à l'aménagement du territoire, dont l'Etat s'est désengagé. Le groupe socialiste votera donc contre la nomination, non pour des raisons tenant à la personnalité du candidat, mais par opposition à la forme juridique désormais revêtue par le groupe La Poste.
M. Jean-Paul Emorine, président. - C'est en fait la deuxième fois - après la candidature de M. Pascal Viné au poste de directeur général de l'Office national des forêts (ONF) en novembre dernier - que notre commission donne son avis sur une nomination dans le cadre de la loi organique du 23 juillet 2010.