- Mercredi 26 mai 2010
- Audition de M. Jacques Oudin, ancien sénateur, vice-président du conseil général de la Vendée
- Audition de M. Alain Perret, préfet, directeur de la sécurité civile au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
- Audition de MM. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, et de Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée
Mercredi 26 mai 2010
- Présidence de M. Bruno Retailleau, président -Audition de M. Jacques Oudin, ancien sénateur, vice-président du conseil général de la Vendée
La mission a procédé à l'audition de M. Jacques Oudin, ancien sénateur, vice-président du conseil général de la Vendée.
M. Jacques Oudin a tout d'abord rappelé qu'il avait siégé 18 ans au Sénat et qu'il était élu de Noirmoutier depuis 1976, dont les deux tiers de la superficie sont situés sous le niveau de la mer. Ayant connu les tempêtes de grande ampleur de 1972, 1978, 1987, 1999 et 2010, il s'est efforcé, ces trente dernières années, de faire réaliser d'importants travaux de consolidation des ouvrages de défense littoraux.
Puis M. Jacques Oudin a fait valoir que la politique du littoral avait réellement débuté avec le rapport Picard de 1972, suivi de la circulaire Chirac de 1976 et du décret d'Ornano de 1979. Puis la création de l'association nationale des élus du littoral (ANEL) a débouché sur la loi « littoral » du 3 janvier 1986. En 1988, la Vendée a été déclarée zone pilote pour l'application de cette dernière, donnant naissance à l'association vendéenne des élus du littoral (AVEL), puis à la création de l'observatoire du trait de côte sur l'île de Noirmoutier.
M. Jacques Oudin a rappelé que le groupe d'études sur la mer du Sénat, qu'il avait présidé de 1998 à 2005, avait fait porter ses réflexions sur une approche globale de la politique de la mer. Il a relevé l'échec de la planification territoriale sur le littoral en remontant à celui, à la fin des années 70, des schémas d'aptitude à l'utilisation de la mer (SAUM) et des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM), ainsi que de l'opération pilote de gestion des zones côtières débutée en 2003. Faisant état de réflexions sur un schéma de cohérence territorial (SCOT) maritime, il a souligné la nécessité d'une politique globale du littoral.
Citant l'exemple des Pays-Bas qui, après la catastrophe nationale de 1953, ont élaboré les plans Delta I, puis Delta II, et qui consacrent un milliard d'euros chaque année à la prévention du risque de submersion, M. Jacques Oudin a estimé que les réussites qu'étaient, en France, la loi « littoral » et le Conservatoire du littoral et, à l'échelle européenne, la directive européenne 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, étaient fortement atténuées par certains éléments. Zone fragile, limitée et convoitée, le littoral est exposé à une intense pression démographique. L'augmentation substantielle du coût du foncier qui en résulte évince les populations locales qui, auparavant, entretenaient les ouvrages de protection contre la mer.
M. Bruno Retailleau, président, a précisé que la mission s'intéressait de près à la transposition en droit interne de ladite directive dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dont il a regretté qu'elle soit faite a minima.
M. Jacques Oudin a déploré l'absence de débat public préalable à cette transposition. Il a également regretté que la loi « littoral », adoptée durant le processus de décentralisation, ait été contrariée par la volonté de l'État de conserver au dispositif un certain degré de centralisation. Il a rappelé que le conseil national du littoral n'avait été créé qu'une vingtaine d'années après celui de la montagne. Revenant sur les tentatives infructueuses visant à planifier l'utilisation du littoral, ainsi que sur l'échec des 25 opérations de gestion intégrée de la zone côtière menées entre 2004 et 2007, à la fois excessives dans leur nombre et leurs délais, il a jugé que les SCOT, créés par la loi solidarité et renouvellement urbain, dite SRU, du 13 décembre 2000, devraient intégrer un volet côtier. Il a également pointé l'incohérence de la stratégie de protection des zones côtières, illustrée par l'instruction en six mois seulement de l'opération Natura en mer, ainsi qu'un manque certain de concertation, lors notamment de la création des aires marines protégées.
Il a critiqué par ailleurs la mise en place de gigantesques zones éoliennes, ainsi que l'autorisation d'extraction de quantités substantielles de sable près des côtes. Estimant que la gestion administrative du littoral était en outre perturbée par les revendications excessives de mouvements environnementaux, il s'est félicité toutefois de la restriction par la loi « littoral » de l'urbanisation, se référant au plan d'occupation des sols (POS) cantonal de Noirmoutier, qui a divisé le territoire en 27 % de surfaces constructibles et 73 % de non constructibles, et s'y est depuis tenu.
M. Jacques Oudin a recommandé de s'intéresser à l'évolution des crédits publics consacrés à la défense contre la mer, qu'il a qualifiée d'incohérente. Il a fait référence au vote récent des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), adoptés pour les six derniers en 2009, en regrettant l'absence de distinction entre le risque de submersion marine, conditionné par le coefficient de marée, la force du vent, la pression atmosphérique et la topographie du littoral, et le risque de crue. Déplorant que le volet de ces schémas consacré à la submersion marine ait été reporté à 2015, puis insistant sur la grande hétérogénéité des littoraux français, il a fait observer que le monde agricole n'avait cessé, pendant douze siècles, de chercher à gagner des terres sur la mer, en réalisant des polders, zones situées en-dessous du niveau de la mer, mais pas nécessairement inondables, ni « à risque ».
M. Jacques Oudin a fait observer que le « plan digues » était toujours attendu depuis la tempête Xynthia.
Il a ensuite recommandé pour l'avenir plusieurs mesures telles que :
- la poursuite des réflexions sur une politique de gestion intégrée du littoral, qui n'hésite pas à faire appel à des « défenses dures », dont certaines permettent de protéger des richesses écologiques ;
- le renforcement du rôle du conseil national du littoral ;
- l'évaluation de l'efficience des actions. A cet égard, il a mis en balance le coût global des dommages liés à la tempête Xynthia, de l'ordre de 3,3 milliards d'euros, avec celui des travaux d'urgence qui auraient été nécessaires pour prévenir ces dégâts, s'élevant à 100 millions d'euros, et celui du « plan digues » préconisé par les départements de Charente-Maritime et de Vendée, s'élevant à 300 millions d'euros. Les Pays-Bas, a-t-il poursuivi, recourent à un tel bilan coût-avantage, qui les amène à diviser leur territoire en trois types de zones : les zones agricoles, dans lesquelles le degré de risque a été fixé à une probabilité de submersion d'une fois tous les 4 000 ans, les zones d'urbanisme diffus, où il a été fixé à une fois tous les 10 000 ans, et les zones d'urbanisme dense, où il a été fixé à une fois tous les 12 500 ans. Le conseil général de Vendée avait, en 2009, voté une motion demandant aux pouvoirs publics de mettre en place une politique permettant d'atteindre une probabilité d'occurrence du risque de submersion proche de zéro. Estimant que la classification en « zones noires » n'était « pas sérieuse », il a jugé qu'il devait être tenu compte du fait que le coût des travaux de protection indispensables à l'atteinte d'un tel objectif de risque sont inférieurs à celui qu'implique pour la collectivité la survenance d'un évènement de type « Xynthia » ;
- l'application de la directive européenne. Il convient à cet égard d'évaluer les installations existantes avant d'élaborer un « plan digues » ; de fixer des critères et normes de sécurité, qui n'ont jamais été définis alors que cela serait aisé, s'agissant d'éléments prévisibles et quantifiables ; de cartographier l'ensemble des zones basses, qui ne sont pas nécessairement des zones inondables ; d'harmoniser le grand nombre d'outils de programmation spatiale existant ; d'unifier la multiplicité de maîtres d'ouvrage, ce qui implique de modifier la loi de 1807 sur l'assèchement des marais ; d'élaborer des « plans digues » départementaux ; et d'engager le débat sur la directive 2007/60/CE du 23 octobre 2007 précitée.
M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité savoir si la capacité de résistance à la submersion des digues pouvait être considérée comme parfaitement fiable. Il a demandé s'il existait des documents techniques et des normes encadrant la construction des digues, et s'il convenait d'unifier leur propriété et à quel niveau.
En réponse, M. Jacques Oudin s'est dit perplexe suite à la réponse du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer à l'un de ses courriers transmettant la motion votée par le département de Vendée en 2009, qui expliquait que la protection contre la submersion marine n'incombe pas à l'État. Il a estimé que des digues bien conçues n'étaient assurément pas submersibles, comme l'illustre l'exemple hollandais, auquel cas il ne servirait à rien de construire des barrages. Il a indiqué qu'il n'existait aucune norme en la matière et que les travaux d'entretien des digues affectées par la tempête Xynthia n'avaient pas été réalisés depuis une quinzaine d'années.
Soulignant que les Pays-Bas avaient fixé une hauteur de digues de deux à trois mètres supérieure au niveau de submersion de 1953, M. Jacques Oudin a fait état de la nécessité de normes techniques sur la résistance des matériaux, que pourraient édicter les organismes techniques de normalisation. Indiquant que la face externe des digues devait absorber, et non restituer, le choc des vagues, et que la face interne, la plus fragile car exposée à l'érosion, devait être composée de matériaux solides. Il a vu dans l'enrochement le meilleur procédé actuellement disponible, ajoutant que les digues devaient comporter un chemin, qui pouvait être situé au-dessus, à l'intérieur ou à l'extérieur, et être raccordées à des bassins d'évacuation des eaux situés derrière les zones protégées.
Il a fait observer que le rehaussement des digues impliquait une révision de la structure et souligné que leur propriétaire pouvait varier. La gestion par une structure communale ou par des syndicats mixtes associant le conseil général peut constituer une bonne solution. Elle laisse cependant subsister une part d'autofinancement qui peut poser un problème. Aussi l'intercommunalité de Noirmoutier a-t-elle choisi de racheter 25 km de digues à leurs propriétaires.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, il a exclu l'idée de créer un établissement public d'Etat pour la gestion des digues.
M. Jacques Oudin a souligné que la faiblesse des digues résidait essentiellement dans leurs points de jonction et au niveau des estuaires, ainsi que sur les berges d'étais, qui peuvent être consolidées soit par un rehaussement, soit par l'avancement des écluses.
Répondant à une question de M. Alain Anziani, rapporteur, il a estimé, que les partenariats publics-privés ne fonctionnaient que s'ils ouvraient la perspective de la perception de recettes à venir.
Audition de M. Alain Perret, préfet, directeur de la sécurité civile au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
M. Bruno Retailleau, président. - Nous parlerons avec vous monsieur le préfet, des systèmes de prévision : ont-ils bien fonctionné et comment peut-on les améliorer à l'avenir ? Notre première question concerne les conditions d'engagement de la mission sécurité civile et les moyens dont elle peut disposer.
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - La direction de la sécurité civile est, comme vous le savez, devenue une mission d'expertise chargée de préparer les répliques opérationnelles mises à la disposition des préfets, directeurs des opérations de secours. Elle regroupe des militaires, des sapeurs-pompiers, des civils, dotés d'une palette de compétences techniques - de la « poêle à frire » au tunnel sous la Manche- qui la met en mesure d'éclairer ses interlocuteurs confrontés à des catastrophes naturelles ou industrielles. Elle constitue, autrement dit, une structure de renfort national en interaction avec les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours. Le ministre a rappelé, le 8 décembre dernier, à l'Assemblée nationale, son souci de voir les sapeurs-pompiers placés sous l'entière autorité des préfets au cours des opérations.
La direction de la sécurité civile dispose d'une large panoplie de moyens. Le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) lui permet de savoir ce qui se passe sur le terrain. Avec 7202 implantations, 250 000 hommes et un dispositif opérationnel hautement performant avec la départementalisation - même si se pose la question de la maîtrise des coûts - notre pays se place au premier plan, en Europe, en matière d'organisation, de maillage et de capacité face aux situations de risque, qui peuvent aller du simple secours à personne - la « bobologie » - aux grands risques type Seveso ou problème nucléaire.
Parmi ces 250 000 hommes, on compte 200 000 pompiers volontaires, dont nous préparons l'évolution du statut en tenant attentivement compte de l'impact budgétaire attendu, et quelque 40 000 sapeurs-pompiers professionnels, qui sont souvent dans une logique revendicative assez systématisée, auxquels s'ajoutent 1 500 hommes regroupés dans les deux régiments du génie que sont les UIISC, les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, ultime réserve de la République qui peuvent mobiliser 300 hommes en alerte à trois heures et la totalité en six heures - on en a vu l'utilité lors des tempêtes Klaus et Xynthia, mais aussi à Haïti. A cela s'ajoute la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon des marins-pompiers de Marseille, placé sous l'autorité du maire de la ville.
Le niveau de formation de ces hommes est élevé ; ils disposent d'équipements importants - même si nous avons supprimé certaines normes tatillonnes coûteuses, pour nous en tenir strictement à la réglementation européenne et nous fournir « sur étagères » à moindre coût...
M. Bruno Retailleau, président. - Quels enseignements avez-vous tiré de la tempête Xynthia ? On a entendu déplorer la faiblesse du réseau de communication et le manque de liaison et de coordination entre les moyens aériens militaires et civils. Quel est votre sentiment ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Le dispositif d'alerte préventive a bien fonctionné. J'étais alors aux commandes du centre opérationnel, en préalerte la veille du passage à l'orange. Nous étions en liaison constante avec les ingénieurs de Météo-France, et nous avons su au plus tôt quelles zones étaient susceptibles de passer en alerte rouge. Quand cela a été confirmé, dimanche dans l'après-midi, les unités étaient déjà prêtes, dans les camions. J'ai dégagé dix sections des UIISC, soit 330 hommes, qui se sont dirigés vers Angoulême et Poitiers pour se prépositionner au plus près. Nous avons retenu un spectre large, car les modélisations n'étaient pas encore assez stabilisées pour nous permettre de déterminer l'impact sur le littoral.
Qu'en a-t-il été du mécanisme de transmission de l'alerte ? Les préfets de Charente-Maritime et de Vendée ont aussitôt informé les maires, par SMS, téléphone et mail, pour prévenir les SDIS et leur apporter un soutien. Ce mécanisme d'alerte, créé il y a dix ans, fonctionne selon un système de seuils de vigilance à chacun desquels correspond une réponse.
M. Bruno Retailleau, président. - Les maires se plaignent pourtant souvent de recevoir énormément de messages d'alerte, dont la rédaction n'est pas toujours assez claire pour leur permettre de déterminer les conséquences sur leur territoire. Quid de la surcote ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Il est vrai que la formalisation du système d'alerte peut encore progresser. Mais au travers des medias, FR3, les radios, les détenteurs de l'autorité ont été suffisamment informés pour mettre en oeuvre les secours de premier échelon. J'estime qu'eu égard aux moyens dont nous disposons, la transmission a été satisfaisante - je me fonde sur le constat objectif des procédures engagées par les préfets. Il appartiendra à l'inspection générale et aux enquêtes de le confirmer.
M. Alain Anziani, rapporteur. - N'est-il pas de la responsabilité des préfets de délivrer une information précise - indiquer, par exemple, s'il faut ou non évacuer - plutôt que de s'en remettre aux hasards de l'information par les médias ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Vous touchez-là une question fondamentale. Notre réseau national d'alerte date de 1930. Il a été utile durant la guerre, mais n'a pas été depuis renouvelé. Or, nos problématiques de sécurité ne sont plus celle du bombardement aérien. Le Livre Blanc nous donne mission de faire évoluer ce système d'alerte national. La sirène du premier jeudi du mois n'est plus de mise. L'impératif premier est de tenir compte des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, selon une approche par bassin. L'autre impératif concerne la qualification pédagogique du message délivré à la population : quels sont les mots-clés idoines pour susciter les bons réflexes de protection ? Pour ce qui concerne les vecteurs, dans les mains des préfectures, ils peuvent aller du SMS au cell broadcast à la hollandaise. Je dispose, dans le cadre de ma mission, de crédits destinés à mettre en place un dispositif adéquat afin de s'assurer que, dans le périmètre où le risque est notoire, chacun aura été averti. La gageure est la suivante : un tsunami ne laisse que 15 minutes pour réagir. Comment faire pour que des personnes qui ne sont pas au fait des risques que comporte ce phénomène soient averties à temps pour se mettre à l'abri ? L'objectif est de rénover le réseau national en tenant compte de tous ces éléments.
Xynthia nous a appris que nous devons définir de nouveaux seuils de vigilance. Sur le risque de submersion marine, nous travaillons en liaison étroite avec Météo-France, le service hydrographique et océanographique de la marine, le SHOM. Nous travaillons également avec le Commissariat à l'énergie atomique, notamment pour élaborer un système d'alerte en fonction de l'évaluation du risque. Il s'agit de parvenir à une modélisation du risque, selon trois schémas de rupture, en allant même plus loin que le plan particulier d'intervention d'EDF - qui n'est pas ce qu'on pourrait espérer...Il s'agit de nous mettre en capacité de définir les effets sur la population selon des critères scientifiques et vérifiés.
M. Michel Doublet. - Il est vrai que nous avons été prévenus entre 17h30 et 18 heures. Mais les maires avaient reçu, au cours de l'hiver, sept ou huit coups de fils ou SMS des préfets pour les avertir de risques de tempêtes de neiges ou de verglas qui ne se sont jamais avérés. A trop crier au loup...
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Nous devons réussir, avec Météo-France, à établir une échelle de valeur liée à l'effet d'impact sur la population d'une mise en alerte vigilance. Il y a trois semaines, des vagues de 10 mètres ont déferlé sur Nice : du jamais vu. Au-delà des tsunamis, pour lequel il est essentiel de déclencher les bons réflexes, sachant que 25 % ont lieu en Méditerranée, nous devons trouver les vecteurs pour provoquer les bons réflexes en fonction de la situation.
Les relations entre le préfet et les maires, qui sont leurs interlocuteurs naturels, méritent d'être rénovées. C'est là que doit porter l'effort. Les nouvelles technologies nous offrent toute une palette de vecteurs. Les tempêtes du type de Klaus ou Xynthia, mais aussi les myriades de petites tornades qui peuvent ravager la côte sur un kilomètre, constituent un phénomène nouveau, qui ne laisse un délai de latence que de quelques minutes. Nous devons travailler à la rapidité de l'information. Sur la problématique de la submersion marine, nous n'avions jusqu'à présent que des surcotes, rien de plus.
M. Ronan Kerdraon. - Je suis l'élu d'une commune littorale, dans les Côtes-d'Armor, heureusement moins touchée que la Charente-Maritime. Je ne puis cependant laisser dire que la transmission de l'alerte a été satisfaisante. Alors qu'elle a eu lieu un week-end, elle est tombée sur un fax de la mairie après 17h30. Je n'ai eu ni appel, ni SMS. Si je n'y étais pas passé pour un mariage, je ne l'aurais pas reçue. Il faut en tirer la leçon : les élus sont en première ligne face à la population. Le système d'alerte serait aisément perfectible (M. Perret le reconnaît).
M. Michel Doublet. - En ce qui me concerne, j'ai reçu un coup de fil chez moi.
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Le fait est que l'on ne peut se contenter du dispositif actuel. Il est essentiel de construire de nouveaux modes de communication entre l'autorité préfectorale et les maires. C'est à quoi nous travaillons avec Météo-France, le SHOM, le CEDRE (Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux), le CEA.
M. Michel Doublet. - J'ai lancé une opération avec l'Association des maires de mon département. Il s'agit de désigner dans chaque commune deux délégués-tempête, joignables en permanence. Le système n'était hélas pas encore opérationnel au moment de la tempête Xynthia. Il serait utile que les coordonnées de ces délégués soient transmises aux services d'alerte.
M. Bruno Retailleau, président. - Au-delà des grands organismes que vous avez cités, il serait de fait bon, monsieur le préfet, que les grandes associations d'élus soient consultées.
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Cette problématique fait l'objet d'un exercice triennal qui vous sera soumis à l'automne. Il s'agit de créer une enveloppe de 20 millions, en complément de celle de la LOPSSI... Je laisse aux spécialistes les subtilités du débat académique sur la différence entre tsunami et submersion marine : en pratique, les conséquences en sont les mêmes pour les populations.
M. Bruno Retailleau, président. - Je suis ébahi d'apprendre que notre système d'alerte date de 1930...
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - C'est pourtant le cas. La question n'est pas tant que nous ayons 32 sirènes en Charente-Maritime et six seulement en Vendée : c'est là un système vétuste, mal adapté aux risques d'aujourd'hui.
Parce que nous n'avons pas voulu nous contenter d'un travail franco-français, nous avons demandé à la Commission européenne d'engager un programme spécifique sur la sécurité civile auquel tous les pays européens concernés pourront participer. Les Pays-Bas disposent du système le plus élaboré - tragédie oblige ; la France vient ensuite, mais l'écart avec eux est énorme : à nous de le combler, en nous appuyant sur les nouvelles technologies.
M. Bruno Retailleau, président. - Le fameux cell broadcast ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Il permet de lancer un message d'alerte par allumage automatique des postes de télévision, couplé à un message d'alerte sur portables. Mais la difficulté réside dans la définition du message d'alerte. Comment trouver les mots adéquats pour provoquer les bons réflexes ? Il nous faut, d'ici à deux ans, disposer d'un système achevé.
Il existe déjà des sirènes spécifiques autour des centrales nucléaires et les régions présentant une concentration élevée de sites Seveso à seuil haut.
L'expérience de la tempête Klaus avait déjà conduit à accélérer les mécanismes d'alerte. Xynthia nous a enseigné qu'il faut aller plus loin encore.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Je n'ai pas le sentiment qu'entre le préfet de Vendée et celui de Charente-Maritime, le dialogue ait été permanent. Ne faudrait-il pas un préfet coordonnateur ?
M. Bruno Retailleau, président. - Il en existe pour les bassins hydrologiques. Mais comment définir une cohérence géographique ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Le niveau pertinent n'est pas la région mais la zone de défense. Or, les deux départements relèvent de deux zones de défense différentes, celle de Rennes et celle de Bordeaux. Le décret du 4 mars dernier a renforcé le pouvoir des préfets de zone et institué des mécanismes de droit administratif simplifiés.
Vous faites allusion, monsieur Anziani, à l'engagement des moyens aériens. Ayant été pré-alerté dès samedi, j'ai dépêché huit hélicoptères dans les deux départements les premiers concernés. A partir de là est survenue une cascade de phénomènes. Le coordonnateur, en Charente-Maritime, prend possession de la tour de contrôle pour coordonner les hélicoptères. Le préfet de Vendée m'informe qu'il n'en voit venir aucun. C'est que l'officier des sapeurs-pompiers coordonnateur, ignorant que la Vendée est touchée, les a dirigés en Charente-maritime. Le problème a cependant été résolu dans l'heure puis les deux zones ont communiqué par visioconférence. Reste que, sur le terrain, les opérateurs ignoraient qu'un autre département que le leur était touché.
La deuxième difficulté est venue de ce que les moyens militaires lourds qui ont été engagés ne disposaient pas des fréquences civiles dont usaient les hélicoptères sur la zone. Il conviendra que les autorités militaires y pourvoient à l'avenir.
La troisième difficulté tient au fait que les gendarmes, désormais reliés au ministère de l'Intérieur, se sont auto-engagés, sans en informer tout de suite les préfectures de zone. Les liaisons tactiques ont été assurées sur le terrain, sans mise en cohérence globale. Ce problème est aujourd'hui corrigé puisque nous disposons désormais d'un coordinateur en charge d'une structure à trois niveaux -national, zonal, départemental- capable de coordonner tous les moyens du territoire.
Ces dysfonctionnements n'ont pas eu d'impact sur la population : 90 personnes ont été sauvées par hélitreuillage ; les militaires, les gendarmes et mes troupes ont effectué un travail remarquable mais chacun communiquait avec les siens : le problème tenait ainsi plutôt au risque d'accidents entre les hélicoptères. L'aéroport de La Rochelle n'ouvre le dimanche qu'à 9h30. Il faudra mettre en place une procédure pour permettre l'accès, dans un tel cas de figure, à sa tour de contrôle.
M. Ronan Kerdraon. - Vous avez évoqué le problème de la coordination entre les préfets. Se pose aussi celui de la coordination sur le terrain. Je salue l'investissement, le courage et le professionnalisme des sapeurs-pompiers de Vendée, où nous nous sommes rendus voici quelques semaines. Cette visite a mis en lumière les problèmes qu'ils ont rencontrés pour communiquer entre eux, en raison de la saturation des réseaux des grands opérateurs. Sans compter que l'absence d'électricité interdisait de recharger les téléphones portables. Ils nous ont fait observer que les téléphones satellitaires constituent de meilleurs outils de communication.
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - ANTARES ou pas, là est la question. Dans l'un des deux départements, l'équipement était numérique, dans l'autre, il était analogique et il est tout de suite tombé en panne.
ANTARES, certes cher, est un outil hors du commun. Il est vrai que lors de la tempête Klaus, on s'est rendu compte que certains segments passaient par le réseau des opérateurs téléphoniques : il suffit qu'un pylône tombe pour que plus rien ne passe. Nous nous sommes engagés, avec le ministre de l'Intérieur, dans un programme de transformation des pylônes en relais de faisceaux hertziens. Il en faut cinq à sept par département. Ils peuvent résister à des vents de 250 km/heure. C'est sans comparaison.
M. Bruno Retailleau, président. - Quelle fréquence ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Elle est supérieure à 400 mégahertz, quand l'analogique est à 150.
ANTARES est plus qu'un instrument de radio communication crypté. Il permet d'acheminer instantanément toutes les informations sur le terrain. Grâce à l'activation de la charte satellitaire, dont je suis le coordonnateur, on peut transmettre des cartographies de première qualité, mais aussi des informations médicales utiles au diagnostic au pied de la victime, et tout cela, via une plaquette de toute petite dimension. En Haïti, quand les Etats-Unis nous ont coupé les communications et étaient près de nous enlever nos véhicules, nous avons créé un réseau spécifique d'urgence satellitaire de 30 km de rayon pour transmettre des liasses d'information.
ANTARES, si l'on exploite toutes ses fonctionnalités, est véritablement un outil d'exception.
M. Bruno Retailleau, président. - A quelle date le territoire national sera-t-il couvert ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - En 2014.
M. Bruno Retailleau, président. - Espérons ne pas subir de nouvelle tempête d'ici là.
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Nous insistons pour que les présidents de conseils généraux, qui ont dégagé des crédits, poursuivent leur effort. ANTARES suscitera, à terme, des économies, puisqu'il permettra, dans les opérations de sauvetage, de disposer de toutes les informations médicales, et dans les opérations de secours, de retransmettre immédiatement images et données. C'est grâce au satellite que nous avons découvert que l'île de Ré était coupée en deux ; grâce à lui qu'un effort important a pu être déployé sur la commune de Charron, en Charente, grâce à lui que le centre opérationnel de Paris a pu assurer la coordination.
M. Bruno Retailleau, président. - Les pompiers n'ont pas parlé d'ANTARES, seulement du satellite.
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - C'est la même chose en l'occurrence : ANTARES est constitué d'une multicouche.
M. Bruno Retailleau, président. - Une couche de sécurisation satellitaire, si les pylônes sont par terre ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Exactement. Il y a quelques années, tous les SDIS ont été incités à acquérir des balises satellitaires. Reste que pour que le COGIC puisse joindre les opérateurs sur le terrain, le satellitaire doit être armé en permanence : il ne s'agit pas de le ranger au fond d'un placard.
M. Bruno Retailleau. - Nous nous interrogeons sur les moyens à développer pour mieux répandre la culture de prévention du risque en France. Les plans communaux de sauvegarde vous paraissent-ils adaptés ? Est-il utile de les lier au PPR, le plan de prévention des risques ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - C'est un grand débat ouvert dans le cadre du Grenelle. Nous avons été sollicités pour réfléchir aux moyens d'atténuer l'encadrement des plans communaux de sauvegarde. La position du gouvernement vise en effet à les disjoindre du PPR. Les plans communaux sont faits pour identifier les bâtiments où peuvent être recueillis les sinistrés, organiser le ravitaillement, prévoir l'évacuation...Ce sont des plans opératoires, sans haute technicité. Il faudra, dans le cadre du débat engagé par M. Borloo, parvenir à découpler les deux dispositifs.
M. Bruno Retailleau, président. - Le texte est passé à l'Assemblée nationale, il n'est rien ressorti de tel...
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Le bicamérisme permet de se rattraper...
M. Bruno Retailleau, président. - Nous sommes dans le cadre d'une procédure accélérée. La CMP n'est pas le moyen idéal...
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - Permettez-moi de vous montrer le fascicule « Risques et savoirs » que nous avons produit en liaison avec l'Éducation nationale. Il s'agit d'un document de vulgarisation, plutôt à l'usage des lycéens que des élèves du collège, sur l'évaluation des risques. Les Hollandais ont les bons réflexes, qui consistent à se protéger d'abord soi-même, en se dotant d'équipements de secours, de rations militaires etc. Nous voulons provoquer ces mêmes réflexes chez les Français. Ce n'est qu'ensuite que les unités de secours interviennent.
M. Ronan Kerdraon. - J'ai été, jusqu'il y a peu, enseignant, et je connais cette brochure, que j'ai présentée à mes élèves de collèges, pour lesquels il est vrai qu'elle reste un peu complexe. Mais c'est un document remarquable pour véhiculer l'information. Il serait efficace d'en éditer une version simplifiée pour les collégiens. C'est par les enfants que l'on atteint les parents. Ces plaquettes pourraient également circuler via les mairies.
M. Bruno Retailleau, président. - Est-il d'autres points, monsieur le préfet, sur lesquels vous auriez souhaité insister ?
M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. - J'insiste sur l'utilité des vecteurs aériens. Si nous n'avions pas disposé d'hélicoptères conduits par des pilotes bien formés, y compris à l'hélitreuillage et à l'emploi d'appareils de vision nocturne, nous aurions rencontré des problèmes : 90 personnes ont été sauvées dont la moitié de nuit. La flotte du ministère de l'Intérieur est désormais renforcée par celle des gendarmes. Toutes ses implantations territoriales sont précieuses : elle secourt 12000 personnes par an. Lors de la tempête Xynthia, c'est elle qui a permis les hélitreuillages et le travail sur les brèches des digues. Les hélicoptères sont tout particulièrement précieux pour le secours aux personnes : ils permettent d'intervenir en moins d'une demi-heure. Et ce ne sont plus des Alouette ou des Ecureuil, mais des EC-145, d'une haute qualité technique, qui volent en tout temps, conduits par des pilotes remarquables.
M. Bruno Retailleau, président. - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation : votre connaissance du dossier nous est précieuse.
Audition de MM. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, et de Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée
Enfin, la mission a procédé à l'audition de MM. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, et de Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée.
M. Bruno Retailleau, président, a rappelé à titre liminaire qu'aucune indemnité n'a, à ce jour, été versée aux exploitants agricoles. En effet, la procédure de notification à la Commission européenne des aides publiques envisagées au titre du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) a été une fois de plus repoussée, de manière à finaliser une nouvelle version du dossier transmis par la voie officielle. Cet ajournement répété de la notification formelle empêche le versement effectif des aides sur le terrain.
Il a indiqué que, lors de l'examen au Sénat du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, il a jugé nécessaire d'attirer l'attention du ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur cette situation particulièrement préoccupante.
En outre, il s'est interrogé sur les conséquences, pour les agriculteurs, de la tempête Xynthia et des inondations qu'elle a provoquées, sur les mesures qui ont été prises ainsi que sur les autres dispositions qu'il reste possible de prendre.
M. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la FNSEA, a déclaré que l'urgence nécessite de permettre le versement le plus rapidement possible d'indemnités, en vue d'assurer un redémarrage de l'activité des exploitants agricoles. Le dispositif mobilisé au titre du FNGCA reste encore insuffisant, au moins sur le plan de son effectivité.
M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la FDSEA de Vendée, a précisé qu'un millier d'exploitations agricoles ont été frappées par la tempête, dont environ 300 en Charente-Maritime et 150 en Vendée sont concernées en totalité, pour un montant total de pertes évalué à 71,5 millions d'euros. Il s'agit pour ces deux départements, les plus touchés au niveau national, d'inondations ayant endommagé environ 35.000 hectares de terres agricoles. La Gironde, moins affectée, a pour sa part subi des dégâts concernant 800 hectares de terrains. Au sein des 71,5 millions d'euros de pertes, doivent être distinguées la part relevant des pertes de culture (33,2 millions d'euros) et la part consacrée à la remise en état du fonds (38,3 millions d'euros). La perte sur récolte stricto sensu est estimée à 1.100 euros par hectare en moyenne, ce montant tombant à 630 euros par hectare en prairie. Pour les exploitations affectées à plus de 75 %, le taux de prise en charge devrait être de 60 % ; pour celles touchées entre 30 et 75 %, ce taux est réduit à 45 % ; enfin, s'agissant de celles dont les dégâts portent sur moins de 30 % des terres, le taux ne sera que de 35 %. Des moyens financiers considérables devront être dégagés pour la remise en état des exploitations, puisque le taux de prise en charge devrait être de l'ordre de 45 %. Outre les travaux de reconstruction, notamment des réseaux hydrauliques et des digues, il conviendra d'envisager le rehaussement de certaines de ces dernières. Les travaux de remise en état des terres, suite à leur salinisation, nécessitent des opérations de gypsage, qui feront l'objet de remboursement sur facture. Ces pertes de fonds sont évaluées à 1.600 euros par hectare pour les grandes cultures et à 500 euros par hectare en prairie. Cette indemnisation forfaitaire des travaux de remise en état devrait concerner deux exercices. Ce système forfaitaire suscite des réserves de la part de la Commission européenne, qui attire l'attention sur l'existence d'un risque de surcompensation. Le droit communautaire se montre plus souple pour ce qui concerne les indemnisations basées sur les estimations individuelles de pertes d'ores et déjà constatées. En outre, le refus de créer un précédent explique la vigilance des autorités communautaires.
M. Hervé Pillaud est convenu du caractère exceptionnel du dispositif proposé par le Gouvernement. Le taux habituel de prise en charge au titre du FNGCA s'élève en effet à 35 % par hectare de terres sinistrées et ne concerne que les pertes de culture. Le système d'indemnisation va plus loin et vise à compenser partiellement et par forfait les pertes de potentiel de production des sols inondés, en intégrant donc les pertes futures.
M. Ronan Kerdraon a estimé impossible que le FNGCA puisse surcompenser les pertes subies par les exploitants agricoles. Il a donc regretté la vigilance excessive dont fait preuve la Commission européenne.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la FNSEA, a évoqué les règles relatives au fonctionnement et au mode de financement du FNGCA. Il a relevé des difficultés dans la capacité financière du fonds depuis environ une dizaine d'années. Les épisodes de sécheresse des années 2006, 2007 mais surtout 2003, ont révélé cette fragilité. Le choix de développer l'assurance-récolte comme alternative à l'indemnisation par le biais du FNGCA paraît peu pertinent. En effet, l'assurance-récolte ne s'est diffusée qu'au sein des grandes cultures et, dans ce secteur, le taux de souscription ne s'élève qu'à 25 % des exploitants agricoles. Pourtant, sur la base de ce constat, le Gouvernement a fait le choix de suspendre l'indemnisation des grandes cultures au titre du FNGCA. Or, il convient d'observer qu'antérieurement ce fonds n'était d'ores et déjà que très peu sollicité pour les grandes cultures. Le fait que ce type d'activités soit exclu de son champ ne pose donc pas de difficulté. En revanche, le projet d'une extension de l'assurance-récolte et d'un abandon progressif du FNGCA paraît irréaliste. Le nombre d'agriculteurs couverts par un contrat d'assurance reste, dans les faits, très bas. Les dispositions qui devraient être introduites par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, en cours d'examen au Sénat, ne devrait pas permettre d'avancées significatives. Les franchises, souvent élevées et donc décourageantes, continueront à représenter des coûts trop importants. La prise en charge partielle des primes d'assurance ne sera pas une incitation suffisante.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le délai de versement d'indemnités aux agriculteurs.
M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée, a précisé que la prise en charge des intérêts d'emprunts doit conduire à une mise en paiement d'ici à la mi-juin.
M. Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), a indiqué que l'article L. 361-7 du code rural plafonne la prise en charge maximale des dégâts au titre du FNGCA à 75 %. La notification à la Commission européenne courant dès le premier euro, le dispositif élaboré doit avoir un caractère définitif. L'absence de transmission officielle bloque à ce stade le versement de la moindre indemnité.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'intérêt de cette procédure de notification surtout que l'existence d'un risque de surcompensation paraît nulle.
M. Hervé Pillaud a indiqué que, pour ce qui concerne les biens assurables, les sociétés d'assurance ont commencé à procéder au paiement des indemnités. Les visites d'experts étant la plupart du temps toujours en cours, les versements effectifs ne se feront que progressivement. Il a également relevé que les exploitants agricoles bénéficieront de la prise en charge de leurs intérêts d'emprunt ainsi que de leurs cotisations sociales, par le biais du fonds d'allègement des charges (FAC), pour un montant total fixé à 5 millions d'euros. Sur trois ans, le plafond des aides de minimis est fixé à 15.000 euros par exploitation. Cette limite sera particulièrement contraignante pour les agriculteurs les plus en difficulté.
Par ailleurs, M. Hervé Pillaud a fait état d'aides des conseils généraux et régionaux, qui seront ciblées sur les risques non assurables. Ces mesures devront elles aussi faire l'objet d'une notification à la Commission européenne.
M. Bruno Retailleau, président, a déploré l'opacité qui semble entourer le montage du dossier en cours de notification.
M. Hervé Pillaud a plaidé pour une exonération totale de cotisations sociales en 2010 puis pour une exonération partielle et dégressive les années suivantes. En matière fiscale, un dispositif exceptionnel devrait être mis à l'étude pour permettre aux agriculteurs de réduire fortement leurs niveaux d'imposition.
M. Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), a observé que les exercices au cours desquels des catastrophes naturelles ont affecté la production conduisent à des impositions plus élevées, sous l'effet de la liquidation massive des stocks. Un lissage des revenus sur sept ans pourrait être envisagé.
M. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la FNSEA, a fait état d'un risque de cessations d'activités pour certains exploitants agricoles. Ces derniers parviennent à dégager des revenus modestes en temps normal. Le contexte actuel pourrait donc leur être fatal.
M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée, a déclaré que les exploitants agricoles doivent traditionnellement faire face à des aléas non maîtrisables mais qu'ils ne s'assurent que pour des risques connus d'ampleur modérée. Face aux grandes catastrophes naturelles, ils demeurent peu enclins à recourir à des dispositifs assurantiels spécifiques.