Mardi 17 novembre 2009
- Présidence de M. Alain Lambert, président -Audition de M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'union sociale pour l'habitat, et de M. Philippe Valletoux, membre du conseil économique, social et environnemental
M. Alain Lambert, président, a ouvert la séance en précisant que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation allait consacrer sa réunion à des auditions portant sur deux aspects essentiels de la réforme des finances locales : la question de la révision des valeurs locatives, d'une part, et les pistes de la réforme au regard des attentes des élus locaux suite à la suppression de la taxe professionnelle, d'autre part. Il a noté que, sur ces sujets, le calendrier de travail de la délégation était contraint par le calendrier de la discussion de la loi de finances en matière de réforme fiscale.
Il a estimé important que la délégation puisse évoquer les différents aspects de la réorganisation territoriale avant que ne s'ouvre en séance publique l'examen des projets de loi relatifs à cette réforme. Il a précisé que le projet de loi sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ferait l'objet d'une certaine priorité dans l'ordre du jour des travaux du Sénat, mais que l'examen du projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales pourrait ne débuter qu'en janvier, la commission des lois envisage, pour sa part, d'organiser le mercredi 2 décembre, dans la deuxième partie de l'après-midi, un débat d'orientation ouvert à l'ensemble des sénateurs et à la presse.
M. Alain Lambert, président, a souligné que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne pouvait rester à l'écart de ces débats, et qu'il importait de tenir le cap des réunions hebdomadaires afin d'envisager, après les auditions programmées pour les 24 novembre et 1er décembre prochains, l'organisation des premiers débats thématiques lors desquels seraient définies les orientations de la délégation et éventuellement ses recommandations. Il a rappelé que la délégation aurait toute latitude pour donner un avis libéré des contraintes de l'examen d'un texte et pourrait ainsi proposer des orientations audacieuses.
Il a ensuite accueilli M. Dominique Hoorens et rappelé qu'il était jusqu'au début de cette année directeur des études de Dexia Crédit Local et qu'il occupait désormais le poste de directeur des études économiques et financières de l'union sociale pour l'habitat. Dans ses nouvelles fonctions il n'en poursuit pas moins ses travaux sur l'ensemble du système financier local, tout en étant particulièrement attentif à la nécessité de réviser les valeurs locatives.
M. Dominique Hoorens a indiqué qu'il avait été chargé d'études statistiques à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur puis qu'il avait rejoint le Crédit Local de France où il avait été successivement analyste financier et directeur des études Dexia Crédit Local. Il a souhaité débuter son intervention en examinant certains éléments de la réforme de la taxe professionnelle.
Procédant au moyen d'une vidéo-projection, il a rappelé que celle-ci était vue comme une ressource par les collectivités territoriales, sorte de retour sur l'investissement des actions de développement économique et de rémunération du service rendu aux entreprises et à leurs employés. Pour les entreprises, en revanche, il s'agit d'une charge. Il a noté qu'il revenait à l'Etat d'assurer un cadrage macroéconomique et microéconomique pour s'adapter aux capacités contributives des entreprises et éviter que l'impôt ne pèse trop lourdement sur leurs résultats.
Il a ensuite analysé les constituants de la taxe professionnelle et leurs liens avec l'évolution du produit intérieur brut (PIB) : de 1981 à 2008, le PIB a été multiplié par quatre, la masse salariale a suivi l'évolution du PIB avant d'être exonérée de taxe professionnelle, la valeur locative des biens passibles de taxe foncière a augmenté un peu plus vite que le PIB, et la valeur locative des matériels et outillages a crû sept fois plus vite que cet indicateur. Il a noté que les collectivités locales disposaient donc d'une taxe dont elles pouvaient fixer le taux et dont une partie essentielle de l'assiette était extrêmement dynamique, ce qui induisait une nécessaire fonction de régulation de l'Etat. Il a ainsi mis en évidence, à l'aide d'un graphique, que la régulation macroéconomique assurée par l'Etat avait pris une ampleur considérable jusqu'à constituer l'essentiel du produit de la taxe professionnelle : l'Etat en est venu successivement à abaisser de 16 % les bases de l'établissement principal de l'entreprise puis à supprimer la base salariale de la taxe professionnelle et a, parallèlement, multiplié les compensations pour les collectivités territoriales ; l'érosion de ces compensations est régulièrement dénoncée par les élus locaux.
M. Dominique Hoorens a estimé que la réforme de la taxe professionnelle posait quelques questions. Il lui a semblé intéressant que la valeur ajoutée soit l'assiette de l'imposition plutôt que l'investissement, mais il a rappelé que la valeur ajoutée ne correspondait pas à la capacité de financement de l'entreprise et ne mesurait donc pas de façon satisfaisante sa capacité contributive. Il a suggéré une liaison avec l'impôt sur les sociétés qui permettrait de taxer le résultat de l'entreprise plutôt que sa valeur ajoutée.
Il a rappelé que l'idée d'un impôt national redistribué aux collectivités territoriales avait été repoussée parce qu'il avait semblé préférable que la taxation soit locale et non nationale, alors que la localisation de la richesse, non homogène sur l'ensemble du territoire, et la progressivité du taux d'imposition sur la valeur ajoutée allait mécaniquement accroître les besoins de péréquation. Il a jugé qu'il aurait été possible de répartir un impôt national en fonction de critères qui prennent en compte une certaine réalité physique et économique du lien entre territoires et entreprises. Il a ajouté qu'une autre possibilité consistait à donner une marge arbitrale sur les bases foncières au « bloc communal », comprenant à la fois les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), afin d'accroître son pouvoir fiscal. Il a estimé que le pouvoir fiscal ne consistait pas seulement à fixer les taux, mais aussi à définir le périmètre de la base fiscale, en proposant par exemple des dégrèvements ou des pénalités susceptibles de modifier l'assiette de la taxe.
Il a conclu son propos sur la taxe professionnelle en rappelant :
- que le lien entre le territoire et les entreprises, s'il était basé sur un impôt laissant le pouvoir de fixation des taux aux collectivités territoriales, nécessitait une régulation macro et micro-économique ;
- et qu'une répartition intelligente d'une ressource nationale dédiée pouvait être établie en acceptant une certaine réduction du pouvoir fiscal, entendu comme la fixation des taux, par les élus locaux.
M. Dominique Hoorens a ensuite abordé le sujet des valeurs locatives. Il a rappelé que celles-ci avaient perdu leur « réalité économique » dans la mesure où elles dataient des années 70 ; la loi du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux avait posé le principe d'une révision générale des valeurs locatives. Elle se traduisait à l'époque par une revalorisation moyenne des biens de l'ordre de 70 % et une dépréciation de 10 % des valeurs locatives pour les logements sociaux. Il a observé que cette réforme n'avait jamais été mise en oeuvre ce qui induisait un retard considérable de la fiscalité locale sur la réalité économique du marché. Si l'effort de revalorisation des bases locatives était de 70 % en 1990, il pourrait atteindre 150 % aujourd'hui. Il a d'ailleurs noté que les entreprises auraient pu demander à ce que la liaison de leur fiscalité soit réalisée sur le produit et non sur le taux des « cotisations ménage ». Cette liaison aurait été beaucoup plus avantageuse pour elles. Il a estimé que les dotations de l'Etat souffraient, par répercussion de l'inadaptation des bases locatives, d'un décalage par rapport aux besoins économiques réels.
Il a remarqué que la réévaluation des valeurs locatives visant la neutralisation par taxe et par collectivités locales portait les germes de l'échec. Il a soutenu qu'il convenait de conserver un niveau global de ressources comprenant à la fois le produit des taxes et des dotations pour chaque collectivité locale. La neutralisation de la réforme « collectivité par collectivité » posait deux types de problèmes : des effets de richesses et des effets de structure. Il a démontré, à l'aide de tableaux, que pour maintenir un même produit en faisant évoluer les bases locatives, les collectivités territoriales seraient amenées à moduler de façon extrêmement différente les taux d'imposition en fonction de la richesse de leur territoire, d'une part, et en fonction de la répartition des bases entre logement social et autres bases locatives, d'autre part. Il a indiqué que ces effets de richesses et de structures soulevaient d'importantes questions d'égalité des contribuables et ne résolvaient pas le problème du rééquilibrage des ressources des territoires, dès lors que l'on excluait de la réflexion le niveau des dotations de l'Etat.
M. Dominique Hoorens a estimé qu'il convenait de raisonner en termes de niveau de ressources global des collectivités territoriales, en prenant en compte le produit fiscal et les dotations étatiques. Il a rappelé que pour conserver un même produit alors que les bases réévaluées évolueraient différemment selon les territoires, les maires devraient moduler le taux des impôts, alors que c'est sur cet aspect même de leur politique fiscale qu'ils étaient traditionnellement jugés. Il a souligné que l'augmentation du taux des impôts accroîtrait l'inégalité de traitement entre les contribuables en raison de l'écart de revalorisation des bases locatives selon qu'elles concernaient ou non des logements sociaux.
Il a proposé une solution technique : afin d'atténuer les disparités locales, il serait possible de neutraliser l'effet de l'évolution de la base locative de la collectivité concernée par rapport à l'évolution nationale en réduisant le taux d'imposition. Ainsi, si la base locative augmente de 70 %, le taux d'imposition doit être réduit de 70 %. Il a préconisé que le produit des impositions soit maintenu au niveau précédant la réforme de la base locative grâce à l'ajustement des dotations de l'Etat : si le produit fiscal est inférieur à ce qu'il était avant la réforme, les dotations de l'Etat augmenteront, elles diminueront en revanche si le produit fiscal a progressé. Les effets richesses et les effets structures liés aux caractéristiques de chaque territoire seraient ainsi neutralisés, les dotations étatiques jouant un rôle stabilisateur.
M. Dominique Hoorens a fait remarquer que la fiscalité locale était aussi un levier utilisé dans la gestion de nombreuses politiques publiques, permettant l'exonération à court ou long terme de certaines charges pesant sur le logement social par exemple. La réforme des valeurs locatives devra prendre en compte ces aspects afin de ne pas avoir d'effets secondaires négatifs. Par ailleurs, il a attiré l'attention sur le fait que la taxe sur le foncier bâti reposait essentiellement sur la cotisation des contribuables et que l'intervention de l'Etat dans cette matière était extrêmement réduite. Il a estimé qu'il faudrait tenir compte de cette particularité dans le cadre de la réforme globale de la fiscalité locale.
M. Alain Lambert, président, a admis que la territorialisation de la taxe professionnelle présentait de nombreux inconvénients. Il a cependant insisté sur la volonté des élus de conserver un lien substantiel entre leur territoire et les entreprises qui y sont implantées. Il s'est interrogé sur le niveau d'analyse pertinent pour chaque échelon territorial en matière de territorialisation de la taxe professionnelle : le niveau microéconomique pour les communes et intercommunalités et le niveau macroéconomique pour les départements et les régions.
M. Dominique Hoorens a souligné qu'il comprenait la volonté des élus de conserver un lien entre les entreprises et leurs territoires, mais il a ajouté qu'il était possible de répondre à ce souhait par d'autres critères : il a pris l'exemple de critères physiques des entreprises utilisés pour la répartition des dotations budgétaires de l'Etat. Il a estimé que les élus locaux étaient parfois réticents vis-à-vis de ces dotations, qui pouvaient ne pas être évolutives et conduire ainsi à des tensions sur leurs budgets, ceci reflétant la perte de confiance des élus locaux envers l'Etat.
M. Alain Lambert, président, a souhaité connaître les critères qui pourraient alors être proposés pour assurer le lien entre les territoires et les entreprises.
M. Dominique Hoorens a suggéré un ensemble de critères, pour les départements et les régions, alliant à la fois une approche démographique, les bases foncières, le nombre d'employés. Ce dernier critère apparaît essentiel dans la mesure où les collectivités territoriales prennent en charge un certain nombre de services utilisés par les employés d'entreprises. Il a rappelé qu'il s'agissait d'ailleurs d'un critère auparavant utilisé pour la détermination de l'assiette de la taxe professionnelle.
Mme Dominique Voynet a remarqué que la dotation globale de fonctionnement communautaire dépendait du coefficient d'intégration fiscale et de l'effort fiscal des différentes communes composant le groupement de communes. Elle s'est interrogée sur le niveau des dotations budgétaires des communes ayant un coefficient d'intégration fiscale faible.
M. Dominique Hoorens a précisé que chaque collectivité territoriale optimisait ses ressources fiscales et budgétaires dans un cadre donné. Cependant, il a souligné que sa réflexion s'établissait au niveau macroéconomique et non microéconomique.
M. Yves Daudigny a souhaité savoir si une réforme des valeurs locatives était possible.
M. Dominique Hoorens a répondu que les impôts dont l'assiette reposait sur les valeurs foncières n'étaient pas efficaces économiquement. Il a précisé que toutes les réformes des finances locales menées jusqu'à présent n'avaient pu aboutir que grâce à la prise en charge par l'Etat d'une part de la perte de ressources engendrée. Sans intervention de l'Etat, l'actualisation des valeurs locatives pourrait être difficile.
M. Yves Daudigny s'est interrogé sur la possibilité de mettre en oeuvre cette réforme en prenant en compte les revenus comme critère d'imposition.
M. Dominique Hoorens a relevé que plusieurs solutions étaient possibles et parmi celles-ci, pouvait être retenue l'idée de créer de nouveaux impôts locaux basés sur les revenus des différentes catégories de contribuables.
M. Alain Lambert, président, a indiqué que l'inertie en matière de réforme des finances locales, et en particulier de réactualisation des bases locatives, n'était plus possible. S'il est envisagé d'intégrer au sein des nouveaux impôts locaux la base « revenus », l'injustice fiscale qui en découlerait devrait être corrigée. Il a observé que le mécanisme correcteur devrait sans doute prendre la forme d'une dotation de l'Etat, mais il a noté la mauvaise situation des finances publiques nationales et souligné la méfiance des élus locaux envers l'Etat.
Il s'est interrogé sur la possibilité de mettre en oeuvre un lissage des inégalités engendrées par la réforme des valeurs locatives et sur sa durée. Il a rappelé qu'il était nécessaire de garantir le niveau du produit fiscal des collectivités territoriales. En effet, celles-ci ont pris des engagements en matière d'investissement sur plusieurs années, qui les empêchent d'envisager une baisse de leurs ressources fiscales.
M. Dominique Hoorens a rappelé un des exemples qu'il avait présentés au cours de son exposé liminaire : l'ajustement par des dotations de l'Etat qui permettrait d'assurer le maintien du niveau des ressources globales des collectivités territoriales, même si le produit fiscal diminuait. Il a estimé que cet ajustement serait neutre pour les finances de l'Etat. En revanche, le lissage dans le temps de l'augmentation des cotisations fiscales des ménages entraînerait une augmentation des dépenses de l'Etat.
M. Alain Lambert, président, a souhaité savoir si un lissage sur dix ans était envisageable et réaliste.
M. Dominique Hoorens a répondu que la durée du lissage dépendait avant tout des situations en présence. Pour certains ménages par exemple, un lissage sur deux années serait envisageable.
Mme Dominique Voynet s'est interrogée sur les conséquences de la fixation, au niveau national, d'une fourchette au sein de laquelle les collectivités territoriales pourraient faire varier leur taux d'imposition. Notant que les collectivités territoriales riches avaient souvent un taux d'imposition bas, elle s'est demandé s'il ne serait pas possible d'augmenter le niveau de leur impôt pour respecter la fourchette précitée et de redistribuer les sommes ainsi obtenues pour développer la péréquation.
M. Dominique Hoorens a noté qu'au regard de la qualification de collectivités territoriales « riches » ou « pauvres », d'aucuns mettaient en avant le concept de collectivités territoriales bien ou mal gérées. Il a estimé que le débat sur les taux de fiscalité nécessitait que soit remise en cause la situation de richesse de certaines collectivités territoriales, ce qui est complexe.
M. Yves Daudigny s'est demandé comment la solution technique préconisée par l'intervenant s'appliquerait à Paris, et si elle se traduirait par une augmentation ou une diminution des dotations étatiques.
M. Dominique Hoorens a indiqué que pour la région parisienne, la situation serait la suivante : le produit fiscal augmenterait et la correction des inégalités par la variation des taux serait forte. Le rééquilibrage des ressources s'opérerait par la diminution des dotations budgétaires de l'Etat.
M. Alain Lambert, président, a rappelé qu'un débat thématique sur la question de l'actualisation des valeurs locatives serait organisé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Pour préparer ce débat, un questionnaire sera envoyé à tous les membres de la délégation. Il a demandé à M. Dominique Hoorens son concours pour la conception de ce questionnaire.
M. Dominique Hoorens a proposé de solliciter l'aide de M. Michel Bouvier, professeur de finances publiques.
M. Alain Lambert a remercié M. Dominique Hoorens pour son intervention et a accueilli M. Philippe Valletoux, membre du conseil économique, social et environnemental, auteur de rapports sur la réforme de la fiscalité locale. Il a rappelé que les trois grandes associations nationales d'élus (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France) l'avaient missionné pour formuler de nouvelles propositions, notamment sur la répartition des nouvelles ressources de substitution de la taxe professionnelle.
M. Philippe Valletoux a précisé qu'il était l'auteur de trois rapports. L'un d'entre eux était resté inaperçu alors qu'il concernait le financement des infrastructures de transport, sujet toujours d'actualité. Il a annoncé qu'il centrerait son propos sur le rapport sur la fiscalité locale qu'il a réalisé suite au rapport relatif aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales. Ce dernier rapport avait été commandé par les présidents des trois grandes associations nationales d'élus suite à la publication du rapport relatif à l'évolution de la dette publique de la France, établi par M. Michel Pébereau.
M. Philippe Valletoux a précisé que le rapport relatif à la fiscalité locale reposait sur le constat suivant : toutes les réformes en matière de finances locales conduites depuis 30 ans n'ont pas abouti. Il a estimé que cet échec pouvait s'expliquer par le fait que ces réformes n'avaient porté que sur un aspect de la question, sans se préoccuper des effets connexes. Partant de ce constat, son rapport repose sur 6 principes : le respect des équilibres historiques entre les collectivités territoriales et les contribuables, la possibilité d'exonérer l'Etat en tant que contribuable local, le bénéfice pour chaque échelon territorial d'un financement mixte, l'existence d'un seul pouvoir de fixation et de prélèvement pour chaque impôt, la prise en compte de la dotation budgétaire de l'Etat comme un facteur d'équilibre au niveau global et au niveau de chaque collectivité territoriale.
M. Philippe Valletoux a indiqué que, pour parvenir à respecter tous ces principes, plusieurs étapes devraient se succéder pour favoriser l'émergence d'une nouvelle fiscalité locale : tout d'abord la modernisation des quatre « vieilles » (taxe professionnelle, taxe sur le foncier bâti, taxe sur le foncier non bâti et taxe d'habitation), puis le redécoupage du partage des impôts nationaux entre les collectivités territoriales, et enfin la mise en place de mesures transitoires pour les contribuables avec l'introduction de la notion de « compte fiscal global » et la mise en place d'un système de péréquation plus performant, au niveau national et local.
M. Philippe Valletoux s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre d'un système de péréquation optimal, et notamment sur l'opportunité de créer un fonds de péréquation au niveau départemental. Il a estimé que la pérennité du système devait être le point central d'une telle réflexion.
Il a souligné la nécessité d'identifier et de clarifier les ressources consacrées par l'Etat à l'accompagnement des politiques locales, en rappelant l'existence de fonds spécifiques dans différents ministères dont l'enveloppe globale était comprise entre 5 et 6 milliards d'euros.
Il a indiqué qu'une réflexion approfondie devait également être menée sur le rôle des impôts locaux. Il a rappelé que la taxe professionnelle ou la taxe d'habitation avaient toujours fait l'objet d'une politique d'exonération très importante qui concernait entre 40 et 50 % des personnes morales ou physiques imposables, ces taxes ayant été utilisées pour mener une politique de justice fiscale. Il a estimé qu'un retour à l'impôt devrait être opéré, notamment pour les ménages, car l'impôt local est une redevance versée en contrepartie d'un service rendu par la collectivité.
Soulignant que la conférence nationale des exécutifs avait été créée pour favoriser le débat entre le Gouvernement et les élus locaux, mais n'avait été jusqu'ici qu'un lieu où sont présentés les projets du gouvernement, il a insisté sur la nécessité de pacifier les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Il a estimé nécessaire de disposer d'une nouvelle approche globale des finances locales, dont les acteurs locaux seraient les concepteurs. Une telle analyse aurait pu avantageusement éclairer la discussion du projet de loi de finances pour 2010. Il a observé que les débats autour de la taxe professionnelle et de la réforme des collectivités territoriales avaient renforcé la nécessité d'appréhender la situation des finances publiques locales du point de vue des collectivités territoriales, afin de présenter les actions menées par les acteurs locaux, de développer une approche plus territoriale de ces politiques et ainsi de mener un travail de pédagogie à destination des autres acteurs publics et privés, y compris les organismes financiers. Il a estimé qu'une telle évolution était devenue nécessaire pour opposer des arguments solides à un discours ambiant, parfois alimenté par les pouvoirs publics, laissant croire que les collectivités territoriales avaient eu un comportement financier irresponsable.
M. Philippe Valletoux a indiqué que l'opportunité de mettre à la disposition du secteur local une agence de financement devrait également être examinée. Cette réflexion a notamment été proposée par l'assemblée des communautés de France (ADCF). En effet, si les collectivités territoriales les plus importantes n'ont pas éprouvé de difficultés pour accéder à des financements délivrés par des institutions financières, les collectivités petites et moyennes se heurteront à des obstacles dans ce domaine. De manière sous-jacente, cette réflexion a contribué à une analyse plus approfondie du thème de la solidarité financière au sein du secteur local.
Il a insisté sur la nécessité de maintenir les financements croisés qui étaient l'expression d'une solidarité financière entre collectivités.
M. Alain Lambert, président, a rappelé que la situation des finances publiques était décrite dans deux grands textes législatifs : la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale et qu'il se demandait depuis longtemps s'il ne serait pas nécessaire de réfléchir aussi à une loi de financement de l'action locale. Il a reconnu que cette proposition sans doute trop en avance avait pu susciter des inquiétudes chez les acteurs locaux, alors que sa réalisation présenterait l'avantage de débattre à la fois de l'aspect recettes, ce qui est fait aujourd'hui en loi de finances, mais également, et ce serait nouveau, de l'aspect dépenses. Par ailleurs, les pouvoirs publics disposeraient avec ces trois textes d'une vision globale des comptes publics. Il a estimé que l'élaboration d'une loi de financement de l'action publique locale nécessiterait sans doute une réforme de la Constitution, mais que le débat sur un tel projet pourrait contribuer à une réflexion plus générale sur la transparence des finances publiques et sur les moyens de favoriser le dialogue entre les différents acteurs concernés.
M. Philippe Valletoux a souligné que les élus ne voulaient plus que les dépenses locales soient assimilées à un gaspillage et que toute formule permettant d'atteindre cet objectif devait faire l'objet d'une réflexion approfondie, surtout quand elle était de nature à favoriser d'une lecture consolidée des finances publiques locales.
Il a rappelé que le rapport de Michel Pébereau sur la dette publique avait dressé un constat équilibré de la situation financière de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, les critiques les plus sévères contenues dans ce rapport ne s'adressant pas aux acteurs locaux.
M. Alain Lambert, président, s'est interrogé sur les moyens d'améliorer le dialogue au sein de la conférence nationale des exécutifs.
M. Philippe Valletoux a indiqué que la création de cette conférence constituait déjà une avancée dans le dialogue entre Etat et collectivités territoriales. Il a estimé qu'une telle structure ne pouvait pas fonctionner de façon optimale immédiatement, une période d'appropriation de l'outil était sans doute nécessaire. Par ailleurs, la pratique de la concertation ne semblait pas appartenir à l'univers politique français, ce qui handicapait sans doute le fonctionnement de cette instance.
Mme Dominique Voynet a considéré que la compréhension des mécanismes régissant les finances publiques locales constituait un enjeu démocratique majeur.
Soulignant la place respective de l'impôt et des dotations versées par l'Etat dans les budgets locaux, elle s'est interrogée sur la possibilité de définir de nouvelles modalités de financement des collectivités territoriales : une dotation de l'Etat pourrait servir de socle aux budgets locaux tandis que le recours à la fiscalité locale serait limité au financement des politiques facultatives. Elle a observé qu'un tel modèle, opposé aux pratiques actuelles, pourrait choquer les élus attachés à l'autonomie fiscale mais qu'il serait proche de celui en vigueur en Allemagne (RFA).
Par ailleurs, elle a approuvé l'idée de rendre visible le coût des services rendus par les collectivités territoriales, et le principe du retour à un impôt local acquitté par tous les ménages, en mettant en oeuvre des mécanismes de solidarité autres que les exonérations actuelles.
M. Philippe Valletoux a estimé qu'une telle solution se heurterait probablement au scepticisme des élus locaux dont la confiance en l'Etat était réduite en matière financière. Il a indiqué que le mode de calcul d'une telle dotation serait probablement largement assis sur une dotation forfaitaire par habitant ne tenant pas compte des spécificités locales, et limitant les possibilités de péréquation. Toutefois, ce scénario devrait faire l'objet d'une étude approfondie afin d'en déterminer les effets à long terme.
Il a estimé que chaque citoyen devait apporter sa contribution à la dépense publique en acquittant l'impôt local, ce qui n'est pas en opposition avec le recours à des politiques d'exonération ciblées.
M. Yves Daudigny a souhaité connaître l'analyse de M. Philippe Valletoux sur les modalités de financement par le département des trois grandes allocations universelles que sont le revenu de solidarité active, la prestation de compensation du handicap et l'allocation personnalisée d'autonomie. Il a rappelé que le transfert de ces compétences aux départements s'était accompagné d'un transfert de la solidarité nationale vers la solidarité locale. Considérant que les conseils généraux seraient dans l'impossibilité d'assurer, à court terme, le financement de ces prestations, il a jugé que la seule solution envisageable était d'assurer ce financement par la solidarité nationale, à travers le reversement d'une part de la contribution sociale généralisée aux départements (CSG).
M. Philippe Valletoux a estimé que les conseils généraux avaient connu une situation d'aisance financière, du fait d'un dynamisme des droits de mutation à titre onéreux, ce qui les avait conduits à assumer et à développer les compétences d'aide sociale, auparavant assurées par l'Etat. Il a suggéré que les missions des départements puissent s'organiser autour de deux budgets : un « compte d'Etat » qui recenserait les compétences du département définies par l'Etat, et un « compte propre » qui identifierait les missions propres du conseil général. Cette distinction permettrait de cantonner le problème de financement des prestations universelles d'aide sociale.
M. Philippe Valletoux a noté que le partage d'un impôt tel que la CSG posait le problème de la fixation du taux. En effet, les dépenses d'aide sociale sont décidées par l'Etat qui doit donc fixer le taux des impôts destinés à les financer. Il a souligné que ce problème soulevait la question plus générale de la définition d'un panier d'impôts cohérent avec les compétences exercées par chaque niveau de collectivité territoriale.
M. Yves Daudigny a précisé qu'il y avait une différence entre une dotation budgétaire classique, qui est non identifiée car non affectée à une dépense particulière, et le bénéfice d'une part de la CSG qui est identifiée et serait affectée au financement de dépenses précises.
M. Alain Lambert, président, a salué la pertinence de la distinction proposée entre « compte d'Etat » et « compte propre ». Il a relevé que les collectivités territoriales souhaitaient bénéficier de ressources dynamiques. Il s'est dès lors interrogé sur l'existence de telles ressources non corrélées à la croissance économique, rappelant qu'il existait un danger à disposer de ressources réactives à la croissance lors d'un retournement conjoncturel.
M. Philippe Valletoux a distingué chaque niveau de collectivités territoriales : les communes et groupements de communes qui ne peuvent souffrir d'une rupture au sein de leurs ressources, au contraire des régions dont la politique de développement économique peut être corrélée à la croissance du PIB. Il a relevé que les collectivités territoriales souhaitaient disposer d'un pouvoir de fixation des taux alors même que 90 % des élus n'avaient pas augmenté ces derniers au cours de leur précédent mandat. Par ailleurs, il a observé que la taxe professionnelle reposait auparavant sur une base dynamique ce qui avait nécessité la mise en place d'exonérations fiscales afin d'éviter une augmentation trop importante du produit de cet impôt.
M. Alain Lambert, président, a souhaité que chaque niveau de collectivité territoriale bénéficie d'un « impôt entreprise » et d'un « impôt ménage » et que, pour chaque impôt, il n'existe qu'un seul pouvoir de fixation du taux.
M. Philippe Valletoux a précisé qu'actuellement, chaque impôt était partagé entre deux ou trois échelons territoriaux, sans prendre en compte les groupements de communes. Il a souscrit à l'idée selon laquelle chaque niveau de collectivité territoriale devrait bénéficier d'un panier d'impôts avec un pouvoir de décision total sur chacun d'eux.
M. Alain Lambert, président, s'est interrogé sur les solutions permettant une meilleure représentation des collectivités territoriales auprès des pouvoirs publics et de l'Etat.
M. Philippe Valletoux a répondu que la conférence nationale des exécutifs répondait à cet objectif de représentation des collectivités territoriales auprès du Gouvernement, mais que l'usage qui en était fait était diversement apprécié par les différents acteurs concernés.