Mardi 17 mars 2009
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Audition de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation
La commission a entendu M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé de l'industrie et de la consommation, sur la politique industrielle.
M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité que M. Luc Chatel présente la politique industrielle de la France ainsi que les axes qui structurent la réponse du Gouvernement à la crise économique, notamment dans le secteur automobile.
M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, porte-parole du Gouvernement, a tout d'abord rappelé que l'industrie représente en France 14 % de l'activité économique, voire 30 % si l'on prend en compte les activités connexes y compris celles qui sont externalisées. Elle constitue de plus le principal moteur du progrès technique.
M. Luc Chatel a estimé que, en matière de politique industrielle, la France disposait de véritables atouts : des entreprises de taille mondiale au savoir-faire technologique reconnu dans des secteurs porteurs comme l'agro-alimentaire ou l'aéronautique, la qualité de ses infrastructures et l'attractivité reconnue de son territoire pour les investisseurs. Il a souligné en revanche certaines faiblesses : un décrochage de la compétitivité depuis quinze ans, un coût du travail toujours élevé, un effort insuffisant de recherche et développement privés et les difficultés rencontrées par les petites et moyennes entreprises pour atteindre une taille critique.
M. Luc Chatel a alors souligné que la solution des grands problèmes du XXIe siècle passerait nécessairement par l'industrie, qu'il s'agisse des enjeux liés à la santé et au vieillissement de la population, aux changements climatiques ou encore à la sécurité alimentaire. Il a également fait valoir les opportunités offertes par la demande de technologies des pays émergents ainsi que par l'intégration dans l'Union européenne, qui constitue aussi bien un vaste marché permettant de développer des stratégies économiques qu'une force politique pour peser sur les décisions internationales. Il s'est enfin réjoui de la reconnaissance à travers le monde d'un savoir-faire spécifiquement français dans certains secteurs industriels tels que le luxe, les cosmétiques, le textile ou les jeux vidéo.
M. Luc Chatel a enfin évoqué les menaces auxquelles la France doit faire face. Il s'est inquiété de l'attitude frileuse des Français vis-à-vis de la mondialisation, alors que réactivité et adaptation sont les conditions de la réussite dans un monde en mouvement, et il a rappelé que la compétitivité française était prise en étau entre les capacités d'innovation des pays industrialisés d'un côté et le faible niveau des coûts de production dans les pays émergents de l'autre.
Présentant ensuite la politique industrielle mise en oeuvre depuis dix-huit mois, M. Luc Chatel a fait valoir que le Gouvernement avait assoupli la législation sur les trente-cinq heures et que la France s'engageait sur la voie de la « flexi-sécurité », à travers le contrat de transition professionnelle, l'obligation de revitalisation des bassins d'emploi et la rupture du contrat de travail par accord mutuel.
Il a ensuite présenté les réalisations en matière de politique d'innovation : triplement du crédit d'impôt-recherche et anticipation de son remboursement dans le cadre du plan de relance, renforcement des pôles de compétitivité, accompagnement de la recherche par l'Etat lorsqu'il n'y a pas encore de demande solvable, protection de la propriété industrielle et lutte contre la contrefaçon. Concernant les mesures en faveur de la compétitivité des entreprises, il a rappelé l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle.
En troisième lieu, M. Luc Chatel a présenté la stratégie industrielle mise en oeuvre actuellement par le Gouvernement afin de répondre aux urgences de la crise économique : l'industrie en est la première victime, car l'assèchement du crédit bancaire a multiplié les impayés tandis que les commandes se raréfiaient. Le Gouvernement a alors apporté une réponse articulée en trois parties :
- pour répondre à l'urgence financière, un plan de soutien aux banques a été mis en place, accompagné de la nomination d'un médiateur du crédit et de la mobilisation d'OSEO : la consolidation financière des entreprises est assurée par des aides à la trésorerie à court terme et par un investissement en capitaux propres dans le cadre du fonds stratégique d'investissement ;
- sur le plan économique, le plan de relance a soutenu les investissements tandis que des mesures conjoncturelles, dont la prime à la casse des automobiles, permettaient de soutenir la consommation ;
- l'urgence sociale a conduit à accroître l'indemnisation du chômage partiel et l'effort de formation professionnelle, et à encourager le dialogue entre les acteurs au sein des filières et sur chaque territoire, l'objectif étant de tout faire pour maintenir l'outil de production, les compétences et le lien entre les salariés et leur entreprise, tout en anticipant les mutations inévitables et nécessaires.
M. Luc Chatel a ensuite présenté certains aspects sectoriels de la politique industrielle. Il a mis l'accent sur le plan en faveur de l'industrie automobile, dont le recul d'activité massif est le signe, selon lui, d'une crise structurelle du secteur lui-même, au-delà des difficultés conjoncturelles. L'engagement du Gouvernement, marqué par l'annonce d'un pacte automobile, comprend une aide au financement des constructeurs automobiles, grâce à des prêts participatifs. Il concerne également les sous-traitants et équipementiers, qui bénéficient d'aides de la part d'OSEO et du fonds stratégique d'investissement.
M. Luc Chatel a indiqué que ce plan avait été validé par la Commission européenne et repris par d'autres pays.
Concernant les autres secteurs qui justifient une intervention publique, M. Luc Chatel a évoqué les technologies de l'information et de la communication, dont le développement sera porté par le déploiement du très haut débit, le lancement d'une quatrième licence et l'adoption du « paquet télécom » pendant la présidence française de l'Union européenne. Les industries de l'environnement, a-t-il estimé, pourraient créer deux cent mille emplois et un point de produit intérieur brut d'ici à 2015, objectif en vue duquel il a mis en place un comité stratégique des éco-industries.
Evoquant le rôle de l'Etat, M. Luc Chatel a souligné qu'il s'agissait de réagir rapidement tout en développant une vision à long terme au moyen d'une concertation avec toutes les parties en présence. Il a ainsi indiqué que la priorité était donnée à la recherche de solutions communes entre secteur public et secteur privé, l'Etat agissant en faveur d'une plus grande solidarité entre les grands groupes industriels et les acteurs de leur filière. Il a estimé que l'Etat, en échange de l'aide qu'il apportait, pouvait exiger des engagements des entreprises, notamment quant à leur gouvernance et au maintien de sites industriels. Répondant à ce sujet à une question de M. Jean-Paul Emorine, président, il a insisté sur l'absence de caractère protectionniste de ce plan, celui-ci étant ouvert à toutes les entreprises, quelle que soit leur nationalité, à condition que leur activité soit située sur le territoire français.
En conclusion, M. Luc Chatel a soulevé la question des restructurations industrielles, exprimant l'objectif que les entreprises aient toujours envie d'investir en France, dans le respect des droits et des intérêts des salariés qui sont les premières victimes de la crise.
M. Jean-Paul Emorine, président, a interrogé le ministre sur le rôle que pouvaient jouer les pôles de compétitivité dans le processus de sortie de crise.
Evoquant l'annonce par la société Continental de la fermeture de son site de production de pneumatiques à Clairoix, M. Rémy Pointereau a demandé au ministre des précisions sur les mesures que le Gouvernement envisageait de prendre en faveur des équipementiers et notamment sur les objectifs et les moyens du fonds de modernisation des équipementiers automobiles.
M. Daniel Raoul a indiqué qu'il ne partageait pas toutes les analyses du ministre sur le phénomène de désindustrialisation dont il a considéré que les origines étaient plus profondes et il a relevé que la majorité était au pouvoir depuis sept ans. Il a notamment regretté l'excessive faiblesse du niveau de la recherche privée en France. Tout en approuvant le principe d'un soutien aux investissements, dont il a cependant jugé le niveau pas assez élevé, il a estimé que la crise était aussi due en partie à un manque de pouvoir d'achat, qui s'est caractérisé par la difficulté de certains ménages aux Etats-Unis d'Amérique à rembourser leurs emprunts. Il a plaidé en conséquence pour un soutien à la consommation, soulignant que les personnes les plus dépourvues de pouvoir d'achat sont en même temps soumises à des dépenses captives pour leur consommation d'énergie ou leur logement.
M. Michel Bécot a partagé le constat du ministre sur l'existence de champions mondiaux en France, ajoutant que l'importance du capitalisme familial constituait elle aussi un atout pour la pérennité du tissu industriel. Insistant sur la nécessité d'être à l'écoute des entreprises, il a demandé qu'un effort tout particulier soit consacré non seulement aux constructeurs automobiles mais aussi aux PME sous-traitantes qui animent la vie économique des territoires.
Après avoir évoqué les crises industrielles successives qui caractérisent la région Nord-Pas de Calais et fait valoir que la situation des équipementiers automobiles était précaire depuis plusieurs années, M. Jean-Claude Danglot a regretté l'absence de réelle politique industrielle au niveau européen. Il s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre du soutien annoncé de la part des grands constructeurs en faveur des équipementiers. Il a enfin attiré l'attention du ministre sur les difficultés du site de Faurecia à Auchel, où près de six cents emplois sont menacés à très court terme.
En réponse, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, a apporté les précisions suivantes :
- les pôles de compétitivité sont un élément majeur de la politique industrielle. L'évaluation menée en 2008 sous l'égide de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) a salué la dynamique du dispositif, tout en relevant que treize pôles devaient être reconfigurés en profondeur ;
- la décision de la direction de Continental est regrettable car l'entreprise aurait pu bénéficier des mesures du pacte automobile ; par ailleurs, cette décision est contraire au droit du travail. Aujourd'hui, l'enjeu est donc de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et de prendre les mesures nécessaires à la redynamisation du bassin d'emploi ;
- le Fonds stratégique d'investissement (FSI) a vocation à prendre des participations dans des entreprises stratégiques, à l'exemple de celle prise dans Valeo ;
- la recherche-développement est un enjeu essentiel et c'est pourquoi le crédit d'impôt recherche (CIR) a été triplé en 2009 ;
- le plan de relance comprend un certain nombre de mesures portant sur le pouvoir d'achat à l'exemple de la « prime à la casse » dans le secteur automobile, des décisions prises en matière d'impôt sur le revenu à la suite du sommet social du 18 février, ou encore de la prime de solidarité active, anticipation du revenu de solidarité active (RSA) ; le choix du Gouvernement, à travers ce volet social, se porte prioritairement sur les publics les plus fragiles ;
- le prix du gaz a augmenté de façon modérée dans les dernières années et le Gouvernement a pris l'engagement de baisser ce prix de 10 % au 1er avril 2009 ;
- le Gouvernement est particulièrement mobilisé sur la situation de l'entreprise Heuliez située dans les Deux-Sèvres : cette entreprise risque en effet d'être en cessation de paiement à la fin du mois ;
- aujourd'hui, la priorité en matière industrielle doit être de prendre des mesures structurelles permettant d'améliorer la compétitivité ;
- l'Union européenne n'a en effet pas de politique industrielle, situation que le Gouvernement regrette et souhaite voir évoluer.
Après s'être interrogé sur l'évolution de la compétitivité des entreprises françaises ces dernières années, M. Gérard Bailly s'est étonné que, en période de crise du secteur automobile, de longs délais soient encore nécessaires pour les livraisons de véhicules aux consommateurs. Il a enfin estimé que la crise actuelle était essentiellement une crise de confiance.
M. Jean-Jacques Mirassou a souhaité connaître le diagnostic du ministre sur la situation de l'entreprise Molex, société faisant des bénéfices et prévoyant de délocaliser son site de Villemur-sur-Tarn. S'agissant du secteur aéronautique, il a regretté les erreurs de management à la tête du groupe EADS, soulignant que la situation de l'entreprise était en voie d'amélioration, notamment grâce aux efforts fournis par les salariés. Il a enfin souligné les difficultés du groupe Latécoère, mettant en danger cinq cent cinquante emplois.
Après avoir salué la réactivité du Gouvernement face à la crise économique, M. Louis Nègre a relevé que le plan de relance s'inscrivait dans la droite ligne des engagements du Grenelle de l'environnement. Il s'est interrogé sur les efforts consentis par les autres pays européens. Il a attiré l'attention du ministre sur les projets de véhicule décarboné, soulignant que les plans lancés au cours des dernières années n'avaient pas produit de résultats.
M. Daniel Dubois a rappelé que la situation du secteur automobile était encore plus précaire dans les autres pays européens. Il a regretté que la Banque centrale européenne (BCE) ne soit pas prête à faire un effort supplémentaire afin de soutenir la relance économique.
M. Yves Chastan a appelé l'attention du ministre sur la situation difficile du secteur textile, notamment en Ardèche, alors qu'il a déjà subi de nombreuses pertes d'emplois au cours des dernières années. Il a souligné toute l'importance de conforter les investissements en recherche et développement notamment à travers les pôles de compétitivité.
Après avoir rappelé les difficultés des sous-traitants du secteur aéronautique, M. Claude Biwer a estimé que les pôles d'excellence rurale (PER) pouvaient jouer un rôle important de relance dans les zones rurales.
M. François Patriat s'est interrogé sur la place de l'automobile dans la société française, du fait de la contradiction entre la prise en compte des problématiques environnementales et la nécessité du soutien à l'industrie automobile. Il a ensuite regretté que le pacte automobile soit utilisé par certains constructeurs pour le financement de mesures sociales et non pas pour celui d'investissements, et s'est interrogé sur sa capacité à sauver toutes les entreprises d'équipementiers. Enfin, il a souligné l'intérêt du pôle nucléaire bourguignon (PNB) qui attire désormais des investisseurs importants : les mesures relatives au secteur automobile ne devraient donc pas conduire le Gouvernement à négliger le secteur porteur de l'énergie.
M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné également l'intérêt du pôle nucléaire bourguignon (PNB), qui repose sur un réseau d'une centaine d'entreprises autour d'Areva.
Après avoir relevé l'intérêt des pôles d'excellence rurale, M. Raymond Vall a estimé que ces derniers devaient cependant être évalués précisément, évoquant la possibilité de labelliser certains des 450 pôles, par exemple ceux liés à des pôles de compétitivité.
M. Philippe Leroy a regretté que l'automobile et le transport routier soient aujourd'hui mal aimés, jugeant qu'ils resteraient un élément moteur du développement économique européen dans les trente prochaines années et qu'il fallait en conséquence non pas condamner l'industrie automobile, mais l'accompagner dans sa mutation.
M. Bruno Sido a précisé que la prise en compte du développement durable mettait en cause les véhicules à moteur les plus polluants.
En réponse à ces différentes interventions, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, a apporté les précisions suivantes :
- les études menées sur la compétitivité industrielle française ont montré que le coût horaire de la production a augmenté de 50 % en dix ans en France, contre 20 % en Allemagne. Par ailleurs, l'écart de prix de revient entre des véhicules automobiles produits en France et ceux fabriqués dans les pays d'Europe de l'Est n'est que de 10 % ;
- certaines entreprises rapatrient aujourd'hui leur activité de l'étranger, à l'exemple de l'entreprise Smoby, fabricant de jouets, insatisfaite de la qualité et des délais de fabrication en Chine ;
- s'agissant du déstockage, le contraste entre la fermeture d'entreprises et les délais de livraison encore importants est lié au décalage entre les besoins de consommation et les stocks disponibles ; un équilibre devrait cependant être rétabli dans les prochaines semaines ;
- les informations fournies par les responsables de Molex sur la délocalisation annoncée ont été contradictoires ; aujourd'hui, la priorité doit être la reconversion du bassin de Villemur-sur-Tarn ;
- le secteur aéronautique connaît un léger ralentissement mais il s'agit d'un cycle long de production et les carnets de commande d'Airbus assurent encore l'activité du groupe pour quatre ans. Le plan Power 8 a cependant eu des effets négatifs sur les sous-traitants ;
- les banques jouent aujourd'hui le jeu de la relance, le médiateur du crédit ayant de ce point de vue été très utile ;
- s'agissant du véhicule décarboné, le plan automobile comprend un projet de consortium, destiné à mutualiser les différentes initiatives qui ont été lancées. Par ailleurs un groupe de travail sur les infrastructures, nécessaires à la diffusion de ce véhicule, question centrale expliquant l'échec des plans précédents, a été mis en place en lien avec le secrétariat d'Etat chargé de l'écologie : une stratégie devrait être officialisée avant l'été ;
- le textile bénéficie non seulement des mesures industrielles destinées à l'ensemble des secteurs mais aussi de mesures spécifiques, à travers notamment un plan de soutien à la compétitivité des très petites entreprises du textile ; dans le cadre du septième appel à projet pour les pôles de compétitivité, deux projets ont été retenus dans ce secteur : le pôle Uptex (Nord-Pas de Calais) et le pôle Techtera (Rhône-Alpes) ; enfin, un « cluster immatériel » sera mis en place pour développer la promotion des marques et du design à Tourcoing ;
- les pôles d'excellence rurale semblent donner des résultats inégaux et leur évaluation est donc nécessaire ;
- les efforts de recherche et développement pour mettre au point la « voiture propre » sont une réponse appropriée aux exigences du Grenelle de l'environnement ;
- le pacte automobile n'a pas vocation à sauver toutes les entreprises : il s'agit d'accompagner la nécessaire mutation du secteur en lui fournissant une boîte à outils ;
- les critiques initiales sur le pôle nucléaire bourguignon portaient sur le manque de mise en réseau avec les petites et moyennes entreprises, question qui semble en passe d'être résolue.
Développement et modernisation des services touristiques - Audition de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services
Puis la commission a entendu M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, sur le projet de loi n° 200 (2008-2009) de développement et de modernisation des services touristiques.
En préambule, le secrétaire d'Etat s'est félicité de pouvoir présenter un texte de loi court qui, en quinze articles seulement, induit des changements profonds, avec pour objectif de dynamiser les services touristiques en France, en gommant certaines zones de fragilités de ce secteur.
Il a rappelé que les assises du tourisme, tenues en juin 2008, avaient mobilisé les acteurs publics et privés du tourisme autour de trois axes : l'amélioration de l'accueil, la modernisation de l'offre touristique française et la promotion de la destination France à l'international. Il a ensuite présenté les quatre principales réformes inscrites dans le projet de loi.
Premièrement, s'agissant de la réforme de la procédure de classement hôtelier, le secrétaire d'Etat a observé que le parc hôtelier français avait vieilli. Il a déclaré que son premier objectif avait été la publication, le 1er janvier 2009, de l'arrêté approuvant le nouveau référentiel de classement, qui introduit notamment des critères de qualité de service, d'environnement et d'accessibilité. La création de la 5e étoile est emblématique de cette nouvelle grille, étant entendu que le niveau de qualité des hôtels devra être relevé sur toute la gamme du classement.
Il convient également de réviser la procédure de classement, qui est devenue largement inadaptée depuis sa dernière définition en 1986. Le projet de loi propose de refondre entièrement cette procédure, afin de rendre le nouveau classement opposable :
- le classement demeurera volontaire ;
- le coût du classement sera pris en charge par les professionnels, alors qu'il est aujourd'hui pris en charge par l'Etat ;
- des réseaux d'audit spécialisés dans l'hôtellerie, accrédités par le Comité français pour l'accréditation (COFRAC), se chargeront des visites dans les établissements ;
- l'Agence de développement touristique gèrera dans le temps le référentiel de classement ;
- l'Etat demeurera le garant final du classement ; le rapport d'audit sera transmis au préfet, qui accordera ou non, par arrêté, les étoiles demandées, pour une durée limitée à cinq ans.
M. Hervé Novelli a souligné avoir souhaité que ce nouveau référentiel de classement bénéficie d'un accompagnement financier de la part de la Caisse des dépôts et d'OSEO. Selon les estimations, 15 000 hôtels seraient à rénover, pour un montant total de 1,5 milliard d'euros de travaux à réaliser au cours des trois ans à venir.
Deuxièmement, s'agissant de la réforme du dispositif des chèques-vacances, M. Hervé Novelli a considéré que la situation actuelle était profondément injuste, puisque, sur trois millions de salariés qui en sont bénéficiaires, seulement 30 000 sont employés dans des entreprises de moins de 50 salariés. Le projet de loi tend à rendre tous les salariés des PME éligibles aux chèques-vacances, quel que soit leur revenu fiscal de référence, et à supprimer le mécanisme de prélèvement mensuel de l'épargne du salarié reversé à l'Agence nationale des chèques-vacances (ANCV). En outre, l'ANCV mettra en place des conventions avec des prestataires, notamment privés, afin d'assurer la promotion et la commercialisation des chèques-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés. L'objectif est d'atteindre 500 000 bénéficiaires supplémentaires de chèques-vacances en deux ans. Cette progression est essentielle, car elle générera des excédents financiers, orientés vers la nouvelle politique du tourisme social dont l'ANCV sera le pivot. Ce sujet sera l'un des thèmes principaux des assises nationales du tourisme qui se tiendront à l'automne 2009, afin de redéfinir le tourisme social, qui ne doit plus être celui des années 1960.
Troisièmement, s'agissant de la réforme du régime juridique de la vente de voyages, le secrétaire d'Etat a indiqué qu'il s'agissait de transposer la directive services avant fin 2009, pour passer de quatre régimes d'autorisation préalables différents à un régime de déclaration unique. Cette réforme a été longuement débattue et négociée avec le syndicat national des agents de voyage. Afin d'assurer un haut niveau de protection du consommateur, tous les professionnels devront répondre aux mêmes conditions de garantie financière et d'aptitude professionnelle. Les agents devront désormais être inscrits sur un registre tenu au sein de la future Agence de développement touristique, par une commission composée de non-professionnels, membres experts présentant des garanties d'indépendance et d'impartialité. Cette réforme facilitera l'adaptation de la vente de voyages à l'apparition de nouveaux acteurs, tels que les centres de congrès. En outre, la fin du principe d'exclusivité imposé par la directive services aura pour contrepartie une déspécialisation des baux commerciaux des agents de voyages, afin de permettre à ceux-ci de diversifier leur activité.
Quatrièmement, s'agissant de la création de l'Agence de développement touristique, M. Hervé Novelli a rappelé que celle-ci aura notamment pour mission la tenue du registre des agents de voyages et l'élaboration du référentiel de classement des hôtels. L'agence, qui résultera du rapprochement entre Maison de la France et d'ODIT-France, constitue la « colonne vertébrale » du projet de loi, en faveur d'une politique du tourisme plus efficace et plus lisible, alliant ingénierie de l'offre touristique et promotion de la France à l'étranger. Grâce à ce nouvel outil, l'Etat remplira plus efficacement son rôle de pilotage stratégique de la politique du tourisme. La fusion du GIE Maison de la France et du GIP ODIT France permettra de conserver leur expérience de collaboration avec les collectivités territoriales et les agences touristiques, acquise dans un cadre partenarial. Ce dispositif confirme la volonté des pouvoirs publics de disposer d'un acteur fort, bien identifié dans le panorama du tourisme, même après la fusion de la direction du tourisme au sein de la direction générale de la compétitivité.
Le secrétaire d'Etat a ensuite évoqué certains des autres éléments du projet de loi :
- la modernisation et la simplification du régime juridique de l'activité de grande remise, afin de faciliter le développement de cette activité spécifique, qui est un maillon important, notamment dans le domaine du tourisme d'affaires. Pour tenir compte des interrogations des professionnels, le maintien d'une inscription sur un registre est tout à fait envisageable et les réserves exprimées par les représentants des taxis seront également prises en compte ;
- la réforme de la procédure de classification des autres hébergements touristiques marchands qui généralise, à l'instar du classement hôtelier, la visite par des organismes accrédités par le COFRAC ;
- la possibilité pour les exploitants de chambres d'hôtes de substituer à la déclaration obligatoire en mairie celle d'auto-entrepreneur ;
- la suppression de la licence de première catégorie, lorsque la fourniture de boissons non alcoolisées est l'accessoire d'une prestation d'hébergement ;
- l'introduction d'un délai de deux années supplémentaires pour permettre aux communes touristiques concernées de se mettre en conformité avec leur nouveau régime de classement ;
- enfin, une réforme du système de vacances à temps partagé (« time-share ») qui permettra aux associés d'attribution d'immeubles en jouissance en temps partagé de demander l'autorisation au juge de se défaire de leurs parts.
En conclusion, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a souligné que ce projet de loi n'avait pas vocation à être exhaustif, et il s'est déclaré ouvert à toute proposition d'enrichissement d'origine parlementaire.
Mme Bariza Khiari, rapporteur, a estimé que ce texte était socialement juste et économiquement efficace : socialement juste, dans la mesure où il vise à étendre le bénéfice des chèques-vacances aux salariés des PME, ce qui sera bon pour le pouvoir d'achat des Français ; économiquement efficace, puisqu'il prévoit la refonte du classement hôtelier datant de 1986 et la simplification du régime des agents de voyage.
Elle s'est ensuite interrogée sur le périmètre des compétences de la future Agence de développement touristique. Admettant que la fusion de Maison de la France et d'ODIT France favoriserait des synergies en rapprochant l'offre et la demande, elle s'est toutefois inquiétée des tâches d'administration qui seront confiées par surcroît à l'agence. Elle a déclaré craindre qu'en cas de gel de crédits, ces fonctions administratives, relatives au registre des agents de voyage, à son contrôle et au référentiel de classement hôtelier, soient jugées prioritaires au détriment de l'ingénierie touristique.
Elle s'est également interrogée sur le devenir des résidences de tourisme, qui ont besoin d'être réhabilitées et développées en milieu rural. Elle s'est enfin faite l'écho de l'inquiétude des professionnels qui redoutent, avec la libéralisation imposée par la directive services, de perdre le contact avec l'administration du tourisme.
En réponse, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a reconnu que la disparition de la direction du tourisme par intégration dans la direction générale de la compétitivité pourrait amoindrir le rôle de l'Etat en tant qu'interlocuteur des professionnels. Mais il a affirmé qu'il convenait d'utiliser les outils publics développés, dans un cadre partenarial, tant par Maison de la France que par ODIT-France, et repris par l'Agence de développement touristique. Ce type de structure existe dans d'autres pays à fort potentiel touristique, tels que l'Espagne ou le Canada. A propos des tâches confiées à l'agence, il est nécessaire d'améliorer l'appareil statistique, dont les insuffisances actuelles ne permettent pas d'avoir une bonne connaissance de la fréquentation touristique sur le territoire français ;
- à propos de l'immatriculation de certaines professions liées au tourisme, l'administration du tourisme n'est pas outillée pour tenir un registre national, alors que la future Agence de développement touristique sera puissante, qu'elle servira de référent pour tous les professionnels, et sera dotée des moyens humains nécessaires ;
- le devenir des résidences de tourisme constitue une préoccupation partagée par les pouvoirs publics. Le dispositif d'incitation fiscale afférent connait des dérives, et il convient d'en faire le bilan afin de sécuriser ce secteur d'activité touristique intéressant en matière d'aménagement du territoire ;
- une mission de préfiguration, composée de trois personnalités reconnues dans le secteur touristique, a conduit à la pertinence du projet de fusion de Maison de la France et d'ODIT France.
M. Michel Bécot, après s'être félicité de voir reconnue l'importance économique d'un secteur qui dégage plus de dix milliards d'euros d'excédents commerciaux, a manifesté son soutien à la création de l'Agence de développement touristique, qui poursuit un mouvement de fusion déjà entamé et contribue à la rationalisation du secteur. La refonte du classement hôtelier est également souhaitable, de même que la réforme des chèques-vacances. Toutefois, M. Michel Bécot s'est interrogé sur le financement des investissements nécessaires à la rénovation des résidences de tourisme, car un effort conséquent s'impose aujourd'hui pour adapter la structure de l'offre à la diversité de la demande, notamment du fait de l'importance croissante des familles recomposées. Il a également évoqué la question de la défiscalisation pour soutenir l'effort financier. Enfin, M. Michel Bécot s'est félicité des actions entreprises dans le domaine de l'oenotourisme, notamment avec la création d'un conseil national qui participe au rayonnement de la gastronomie et, plus généralement, de la culture française.
M. Claude Biwer a regretté l'insuffisante prise en compte du tourisme rural dans le projet de loi et s'est interrogé sur l'impact de la création d'une grande agence nationale à tous les échelons décentralisés en matière touristique. Il a enfin évoqué, dans les zones transfrontalières, les difficultés rencontrées pour harmoniser les initiatives dans le domaine du tourisme.
M. Daniel Soulage est revenu sur la question du financement de la rénovation des établissements hôteliers. Compte tenu de l'importance des besoins en la matière, un financement régulier et pérenne lui semble nécessaire pour que la réforme proposée produise les effets positifs attendus. Il a ensuite recommandé le maintien du régime actuel de la taxe de séjour, dont le calcul se fait de manière forfaitaire ou bien au réel. Il a enfin évoqué la question de l'activité de vente de prestations d'hébergement par les offices de tourisme.
M. Hervé Maurey s'est inquiété que, dans la procédure de classement hôtelier prévue par ce projet de loi, l'établissement puisse choisir son évaluateur. Il s'est aussi interrogé sur l'opportunité de procéder à une classification nationale des chambres d'hôtes et sur l'utilité qu'il y aurait à rétablir le régime de la déclaration des meublés de tourisme auprès du maire. Enfin, il a fait remarquer que le renforcement des obligations des taxis sur le niveau de qualité des prestations offertes aurait pu trouver sa place dans un texte sur le tourisme.
Après avoir indiqué que le tourisme était un axe essentiel du maintien de l'activité économique dans les territoires ruraux, M. Gérard Bailly s'est demandé si l'intercommunalité était suffisamment prise en compte dans les politiques du tourisme. Il a souligné la contradiction entre les compétences des établissements intercommunaux dans ce domaine et l'absence de moyens de financements correspondants, puisque ceux-ci, à l'exemple de la taxe de séjour, sont perçus par les communes. La mutualisation des recettes au niveau intercommunal s'avère nécessaire pour accompagner le développement des activités touristiques en milieu rural. En matière de classement, il convient également de privilégier les territoires plus que les communes, si on veut développer la vocation touristique des régions rurales. Il s'agit de mettre fin à des différences de classement parfois difficilement explicables dans un même département. Enfin, il a attiré l'attention du secrétaire d'Etat sur les risques de dépôt de bilan menaçant certains opérateurs en raison de la suspension des subventions de l'ANCV du fait des procédures judiciaires actuellement en cours.
En réponse à ces questions, M. Hervé Novelli a apporté les précisions suivantes :
- il serait tout indiqué que le parlement se saisisse de la question du financement de la rénovation des résidences de tourisme, sur le littoral, en montagne ou encore dans les zones rurales, avec toutes les facilités fiscales qui s'attachent à celles-ci dans les zones de revitalisation rurale ;
- en matière d'oenotourisme, le dossier a été conduit en partenariat avec le ministère de l'agriculture et il devrait, avant la fin de l'année, aboutir à la création d'un référentiel national susceptible d'être ensuite décliné dans des parcours locaux ;
- à terme, l'Agence de développement touristique devrait être représentée dans les régions, de manière à offrir aux acteurs locaux du secteur des interlocuteurs référents pour chaque territoire ;
- concernant les zones transfrontalières, des solutions concertées de type local, plutôt que national ou supranational, sont à privilégier ;
- la question de l'accompagnement financier de la rénovation du parc hôtelier est centrale, et le prêt pour le développement de l'hôtellerie devrait être un outil puissant. Proposé par OSEO avec le soutien de la Caisse des dépôts, il bénéficie d'un taux d'intérêt très bas, ne nécessite pas de garantie et est accordé pour sept ans avec un différé de remboursement les deux premières années ;
- en matière de taxe de séjour, il avait été envisagé, dans un premier temps, une simplification de son régime mais, cette mesure ayant suscité des inquiétudes parmi les élus des communes touristiques, la réforme a été abandonnée, le double régime du calcul au forfait ou au réel subsiste, laissant le choix aux communes mais le régime déclaratoire facilite des « oublis » de déclaration auxquels il faudra remédier ;
- les établissements hôteliers choisiront leur évaluateur dans une liste agréée par le Comité français d'accréditation (COFRAC), ce qui constitue une garantie d'impartialité ; cette procédure existe d'ailleurs déjà dans le secteur, puisqu'elle s'applique, par exemple, au titre de maître restaurateur ;
- il existe un classement privé des chambres d'hôtes, mis en oeuvre par Gîtes de France, que les professionnels concernés n'ont pas particulièrement souhaité réformer. La production de normes standardisées de qualité rencontre des difficultés techniques particulières en raison de la grande variété des modes et des conditions d'hébergement offerte par les chambres d'hôtes ;
- certaines associations d'élus réclament une obligation de déclaration des meublés de tourisme, et cette mesure figure dans le rapport de M. Jean-Michel Couve, mais on peut s'interroger sur l'efficacité d'une déclaration volontaire. La déclaration d'auto-entrepreneur prévue par le projet de loi s'agissant de la déclaration des chambres d'hôte pourrait être une réponse satisfaisante ;
- le projet de loi supprime l'obligation introduite par la loi du 14 avril 2006, pour les associations de groupement de communes, de créer un office du tourisme sous forme d'un établissement public, industriel et commercial ;
- plusieurs dossiers d'attribution d'aides de l'ANCV sont bloqués par les actions judiciaires engagées, du fait d'une présomption de conflit d'intérêts au sein du conseil d'administration. Un comité des sages a été nommé et le conseil d'administration a été réformé. Cependant, pour répondre à l'urgence de certaines situations et dans l'attente que soient rendues les décisions de justice, des mesures d'indemnisation vont être proposées dans les prochaines semaines.