- Mardi 15 juillet 2008
- Mercredi 16 juillet 2008
- Union européenne - Union pour la Méditerranée - Audition de M. Alain Le Roy, ambassadeur chargé du projet d'Union pour la Méditerranée
- Défense et relations internationales - Echange de vues avec une délégation de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes britannique
- Aide au développement - Audition de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie
Mardi 15 juillet 2008
- Présidence de Mme Paulette Brisepierre -Relations internationales - Sahara occidental - Audition de M. Peter van Walsum, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental
La commission a procédé à l'audition de M. Peter van Walsum, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental.
Mme Paulette Brisepierre, présidente, s'exprimant au nom du président Josselin de Rohan et en sa qualité de présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc, a remercié M. Peter van Walsum d'avoir accepté de venir s'exprimer devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, élargie aux membres des groupes interparlementaires d'amitié France-Maroc et France-Algérie. Elle a rappelé que M. Peter van Walsum avait succédé, en 2005, à M. James Baker comme envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. Elle a évoqué les espoirs suscités par l'ouverture d'un cycle de négociations en juin 2007 à Manhasset, aux Etats-Unis, après que le Maroc eut présenté, au mois d'avril précédent, un plan prévoyant une large autonomie du Sahara occidental et, en cas d'accord entre les parties, un référendum auprès des populations. Elle a toutefois constaté que les deux parties étaient restées sur leurs positions, le Conseil de sécurité des Nations unies ayant appelé à une reprise des discussions dans le cadre de sa résolution 1813 du 30 avril dernier.
M. Peter van Walsum Peter van Walsum, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, a tout d'abord rappelé que, sur un plan juridique, la Cour internationale de justice (CIJ) avait estimé, en octobre 1975, quelques semaines avant la « marche verte », que les liens d'allégeance attestés entre certaines tribus du Sahara occidental et le sultan du Maroc n'étaient pas de nature à remettre en cause le principe du droit des peuples à l'autodétermination, reconnu par la résolution 1514 de l'Assemblée générale des Nations unies. La CIJ avait ainsi considéré que la question du Sahara occidental relevait du cadre général de la décolonisation, ce qui légitimait la position du Front Polisario et devait logiquement déboucher sur l'organisation d'un référendum ouvrant l'option de l'indépendance. En 1991, la Mission des Nations unies pour l'Organisation d'un Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) fut mise en place après l'obtention d'un cessez-le-feu. Toutefois, pendant dix ans, l'absence d'accord sur la détermination du corps électoral a fait obstacle à l'organisation d'un tel référendum. En 2002, prenant acte de cette impasse, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1429, dans laquelle il s'est déclaré disposé à envisager toute approche susceptible de permettre au peuple du Sahara occidental de se déterminer librement. Deux ans plus tard, en 2004, le Maroc excluait formellement la solution du référendum.
M. Peter van Walsum a également rappelé que, face à un conflit, le Conseil de sécurité avait le choix de placer son action sous le chapitre 6, relatif au règlement pacifique des différends, ou sous le chapitre 7, « action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression ». Le Conseil de sécurité privilégiait toujours le règlement pacifique des différends, ce qui, dans le cas du Sahara occidental, supposait de trouver une solution consensuelle.
M. Peter van Walsum a indiqué que, dans son rapport oral du 18 janvier 2006 devant le Conseil de sécurité, il avait estimé, au-delà des arguments juridiques, qu'il était indispensable de tenir compte des réalités politiques, aucune évolution n'étant intervenue trente ans après l'avis de la CIJ favorable à la thèse du Front Polisario. Aussi avait-il jugé que, seules, deux options restaient ouvertes : soit le maintien illimité de l'impasse, soit une négociation directe en vue d'un accord acceptable par les deux parties.
M. Peter van Walsum a estimé que la Charte des Nations unies confiait des responsabilités particulières au Conseil de sécurité et que son rôle ne pouvait se réduire à suivre les avis de la CIJ ou de l'Assemblée générale. Aussi ne pouvait-il pas y avoir de contradiction entre la position du Conseil de sécurité et le droit international, les décisions du Conseil de sécurité étant en elles-mêmes une composante du droit international.
Il a reconnu qu'il n'était sans doute pas satisfaisant d'écarter la solution du référendum d'autodétermination, dont les fondements juridiques avaient été reconnus par la CIJ, mais que la prolongation de la situation actuelle ne l'était pas davantage. Il a d'autre part indiqué que le Maroc avait précisé que son plan constituait une proposition de départ pouvant être amendée dans le cadre des discussions entre les deux parties. Cependant, le Front Polisario ne s'était pas montré disposé à négocier.
A la suite de cet exposé, M. Claude Domeizel, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Algérie, a interrogé M. Peter van Walsum sur le déroulement des négociations de Manhasset.
M. Peter van Walsum a rappelé qu'à la suite de son rapport au Conseil de sécurité de janvier 2006, le Front Polisario avait écarté, dans un premier temps, toute recherche de solution négociée et semblait se satisfaire de la prolongation de l'impasse actuelle, escomptant un éventuel changement de la donne politique après l'élection présidentielle française du printemps 2007. La perspective d'une nouvelle administration américaine, l'an prochain, jouait également dans le sens de la temporisation. Toutefois, le Front Polisario et l'Algérie ne pouvaient totalement ignorer les propositions nouvelles formulées par le Maroc en avril 2007. Le Front Polisario a effectué une contre-proposition de dernière minute, consistant en un référendum incluant l'option de l'indépendance, et les négociations ont pu démarrer sur la base de deux propositions qui ont été enregistrées par le Secrétaire général et le Conseil de sécurité des Nations unies.
M. Peter van Walsum a souligné que la reprise des négociations, après une interruption de sept ans, avait suscité de nombreux espoirs, mais qu'au fil des sessions, les positions respectives des deux parties étaient apparues exclusives l'une de l'autre : le référendum incluant l'option de l'indépendance était une condition essentielle pour le Front Polisario, mais inconcevable pour le Maroc. Les négociations butaient sur cette contradiction, ce qui l'avait amené à conclure que la solution d'un Sahara occidental indépendant n'était pas réaliste et ne pouvait être présentée comme une option en discussion.
M. Didier Boulaud a souhaité savoir si les questions liées à la sécurité dans les zones frontalières du sud du Sahara interféraient avec le dossier du Sahara occidental.
M. Peter van Walsum a répondu que le Front Polisario était peu concerné par ces questions de sécurité auxquelles le Maroc et l'Algérie sont plus sensibles, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. D'une manière générale, on peut penser que le règlement du conflit du Sahara occidental serait bénéfique pour l'ensemble du Maghreb et pour ses relations avec l'Europe. Toutefois, il n'y a pas de rapport direct entre la situation à laquelle est confrontée l'Algérie, à sa frontière sud, et la question du Sahara occidental.
Mme Paulette Brisepierre, présidente, et présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc, a rappelé les liens anciens entre le Sahara occidental et le Maroc ainsi que le contraste entre la situation de la région à la fin de la présence espagnole et celle présentée aujourd'hui. Elle a indiqué que le Maroc avait fortement investi au Sahara occidental ces dernières années, ce qui le rendait d'autant moins disposé à envisager une perspective d'indépendance.
M. André Vantomme s'est interrogé sur les résultats de la politique menée par le Maroc en direction des populations du Sahara occidental.
M. Robert Bret a estimé que l'absence de règlement du conflit du Sahara occidental, plus de trente ans après son déclenchement, montrait les limites du droit international et de l'action des Nations unies. Il a regretté qu'une telle situation entrave la coopération régionale au Maghreb et s'est demandé si la persistance du contentieux ne permettait pas aux gouvernements concernés de mobiliser leur opinion publique et de la détourner des difficultés intérieures.
En réponse à ces interventions, M. Peter van Walsum a observé que l'opinion publique marocaine considérait unanimement que le Sahara occidental faisait partie, historiquement, du Maroc, la frontière ayant été artificiellement créée par la France et l'Espagne lors de la colonisation. La CIJ a certes fait prévaloir la doctrine constante de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) selon laquelle la décolonisation ne devait pas entraîner de remise en cause des frontières, mais le Conseil de sécurité des Nations unies est aussi tenu de prendre en compte, entre autres considérations, la réalité politique qui prévaut au Maroc.
Mme Paulette Brisepierre, présidente, s'est demandé dans quelle mesure les groupes d'amitié France-Algérie et France-Maroc du Sénat pouvaient contribuer à un rapprochement des points de vue entre les deux parties.
M. Claude Domeizel a interrogé M. Peter van Walsum sur l'état d'esprit des populations sahraouies réfugiées à Tindouf. Il s'est demandé si elles étaient prêtes à envisager une solution de compromis. Il a également souhaité savoir si la question de la définition du corps électoral appelé à participer à un éventuel référendum avait connu de nouveaux développements ces dernières années.
M. Jean Faure a considéré que le Maroc ne pouvait pas accepter l'indépendance du Sahara occidental et que le statut d'autonomie qu'il proposait constituait un important pas en avant. Il s'est demandé si l'Algérie ne cherchait pas, à travers son soutien au Front Polisario, à obtenir un accès à la façade atlantique.
M. Peter van Walsum a indiqué qu'au cours de ses visites dans les camps de réfugiés sahraouis, ses interlocuteurs avaient toujours relayé la position officielle du Front Polisario, même si l'on ne pouvait exclure l'existence de partisans d'une solution négociée. Il a également suggéré que les réticences du Maroc vis-à-vis de l'organisation d'un référendum pouvaient être liées au sentiment qu'une telle consultation verrait se dégager une majorité en faveur de l'indépendance. Par ailleurs, ayant rappelé que le différend sur la composition du corps électoral était à l'origine de l'échec du plan de règlement de 1988, il a souligné qu'aucune avancée n'était intervenue depuis 2002. Enfin, s'agissant des groupes d'amitié, il a estimé que toute initiative en direction des deux parties pouvait s'avérer utile, mais il a rappelé le caractère inconciliable de leurs positions, le différend se concentrant sur le recours à un référendum incluant l'option de l'indépendance, auquel le Front Polisario ne veut pas renoncer et qui reste inacceptable pour le Maroc.
Mercredi 16 juillet 2008
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Union européenne - Union pour la Méditerranée - Audition de M. Alain Le Roy, ambassadeur chargé du projet d'Union pour la Méditerranée
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Alain Le Roy, ambassadeur chargé du projet d'Union pour la Méditerranée (UpM).
Accueillant M. Alain Le Roy, M. Josselin de Rohan, président, s'est tout d'abord réjoui de sa récente nomination au poste de Secrétaire général adjoint des Nations unies en charge des opérations de maintien de la paix. Il a également fait observer que, grâce à l'initiative du Président de la République, la quasi-totalité des chefs d'Etat de la Méditerranée s'était rendue à Paris. L'avenir dira si ce succès est durable.
M. Alain Le Roy s'est lui aussi félicité de ce que la France ait mené cette initiative au succès et ait su rassembler autant de chefs d'Etat et de gouvernement. Il a rappelé que, lors de la célébration des dix ans du processus de Barcelone, en 2005, seul Mahmoud Abbas, parmi les gouvernants arabes, avait fait le déplacement à Barcelone. La réalisation, difficile, de cette réunion a pu être menée à bien par l'accord entre la Chancelière Angela Merkel et le Président Nicolas Sarkozy, le 3 mars, à Hanovre. Quarante-trois chefs d'Etat ou de gouvernement, sur quarante-quatre, étaient présents ou représentés au plus haut niveau. Le Roi de Jordanie était représenté par son Premier ministre et le Roi du Maroc par son frère. Seul le Colonel Kadhafi n'était ni présent, ni représenté. L'adoption du projet de déclaration fut très complexe en raison, notamment, de divergences entre Israël et l'Autorité palestinienne, en particulier sur le paragraphe relatif au processus de paix. Le siège du secrétariat de l'Union pour la Méditerranée sera déterminé lors de la réunion ministérielle des 3 et 4 novembre 2008 à Marseille.
M. Alain Le Roy a ensuite indiqué les trois « valeurs ajoutées » de l'UpM par rapport au processus de Barcelone. En premier lieu, une volonté politique au plus haut niveau et pérenne. L'impulsion politique donnée au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement sera en effet renouvelée lors de sommets prévus tous les deux ans. En second lieu, le mode de gouvernance a été profondément modifié pour aboutir à une gouvernance partagée, avec notamment une coprésidence Nord-Sud, France et Egypte pour commencer, et un secrétariat également paritaire. Enfin, M. Alain Le Roy a évoqué l'élaboration de projets concrets pour créer des « solidarités de fait », selon l'expression chère à Jean Monnet : la dépollution de la Méditerranée ; des autoroutes de la mer, un plan solaire méditerranéen ; une coopération renforcée en matière de protection civile ; une coopération euro-méditerranéenne renforcée en matière universitaire méditerranéenne et, enfin, la création d'une agence de développement des PME.
M. Alain Le Roy a ensuite évoqué les dynamiques engendrées lors du sommet. La première est d'ordre politique et est à porter au crédit de la diplomatie française à laquelle les participants ont rendu hommage. La seconde dynamique est à chercher du côté des entreprises. Plus de 1 000 entreprises de toute la Méditerranée étaient présentes le 3 juin, à Marseille, à l'initiative de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et 3 000 entreprises méditerranéennes étaient réunies, les 3 et 4 juillet, toujours à Marseille, à l'initiative du MEDEF. Enfin, la troisième dynamique est celle des collectivités territoriales méditerranéennes, dont plus d'une centaine ont montré leur vif intérêt pour le projet lors d'un forum organisé à Marseille les 22 et 23 juin, à l'initiative de la région PACA et de la ville de Marseille. Ces trois dynamiques contribuent fortement à renforcer la pérennité du projet. La prochaine étape sera la réunion des ministres des affaires étrangères euro-méditerranéens des 3 et 4 novembre prochain, à Marseille. Elle coordonnera les résultats des autres réunions ministérielles et aura à préciser les mandats des institutions et du secrétariat de l'UpM. Pour le choix du siège du secrétariat, trois pays sont en lice depuis plusieurs semaines, la Tunisie, le Maroc, et Malte ; les villes de Barcelone et de Marseille viennent d'ajouter leur candidature.
M. Alain Le Roy a conclu en indiquant qu'il s'agissait d'une initiative audacieuse qu'il appartenait désormais à son successeur, l'ambassadeur Serge Telle, de continuer. L'impulsion est donnée pour de nombreuses années, a-t-il espéré. Il s'agit d'une ambition économique : le développement de la région Méditerranée ; mais aussi d'une ambition politique, afin que l'Europe joue un rôle plus important dans cette région stratégique.
M. Josselin de Rohan, président, a interrogé M. Alain Le Roy sur la façon dont l'administration américaine considérait cette initiative et sur son financement. En réponse, M. Alain Le Roy a indiqué que l'administration américaine avait lancé une initiative en 2004, dénommée BMENA (Broadder Middle East and North Africa Initiative) et qu'elle paraissait consciente des limites de cette initiative. L'administration américaine a compris que l'Union pour la Méditerranée aurait aussi pour effet de stabiliser la rive sud de la Méditerranée et l'a donc vue avec sympathie. S'agissant du financement, il a précisé que les crédits européens attendus n'avaient qu'une importance relative, une nouvelle donne budgétaire européenne ne pouvant intervenir qu'en 2013. De nombreuses autres sources de financement sont disponibles. La Banque européenne pour l'investissement s'impliquerait à hauteur de huit milliards d'euros pour la période 2007-2013, de même que s'investiraient la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et, bien sûr, les agences européennes de coopération, dont l'Agence française de développement et la KfW allemande. De même, l'Algérie a fait connaître son souhait de participer financièrement, voire d'entrer au capital de l'agence pour les PME. Enfin, des financements proviendraient probablement du secteur privé à travers des partenariats public-privé et les pays du Golfe, en particulier le Qatar, se sont montrés très intéressés par l'initiative.
M. Robert Bret, a déclaré que ce sommet avait montré la place importante qu'occupe notre pays en Méditerranée et que l'avenir trancherait sur sa destinée. En dépit des retrouvailles syro-libanaises, qu'il faut porter au crédit du sommet de Paris, il a regretté que certains dossiers lourds n'aient pas été évoqués, comme l'impasse au Sahara occidental. En outre, la déclaration ne mentionne pas le droit des Palestiniens à avoir un Etat. Il a souhaité que l'on tire davantage les leçons de l'échec du processus de Barcelone et regretté que le lien établi à Barcelone entre développement économique et démocratie politique ait été abandonné. Il a encore regretté que n'aient pas été évoquées, à Paris, les atteintes aux libertés et aux Droits de l'Homme.
En réponse, M. Alain Le Roy a indiqué que les problèmes politiques n'avaient pas été évacués, même si un nouvel accent est mis sur les aspects économiques et le développement. La déclaration finale souligne les efforts à accomplir sur les questions politiques, mais l'idée sous-jacente est de ne pas attendre la résolution des conflits pour lancer des projets afin d'améliorer le sort des populations. En outre, le fait que l'Union européenne se réinvestisse dans la Méditerranée va avoir inévitablement des conséquences au plan politique. L'annonce du prochain établissement de relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie peut être considérée comme faisant déjà partie des acquis politiques. La déclaration fait référence à celles de la réunion ministérielle euro-Méditerranée de Lisbonne, en novembre 2007, et au processus d'Annapolis qui visent explicitement la création rapide d'un Etat palestinien souverain, viable et démocratique. Enfin, il a contesté la non-prise en compte des Droits de l'Homme. Le document final mentionne les efforts à accomplir par tous dans ce domaine et fait référence à la déclaration de Barcelone de 1995, qui est très claire sur ce point.
M. André Rouvière a souhaité savoir sous quelle forme se concrétise l'engagement des pays participants, si des fonctionnaires participent au secrétariat général, et si la France prévoit un budget pour le fonctionnement des institutions. Enfin, il a demandé s'il y avait des raisons données au refus du colonel Kadhafi de venir à Paris.
En réponse, M. Alain Le Roy a précisé que l'engagement avait pris non pas la forme d'un traité, mais d'une déclaration, comme cela avait été le cas à Barcelone. Les quatre pays absents lors de la déclaration de Barcelone, mais signataires de la déclaration de l'Union pour la Méditerranée (Croatie, Bosnie, Montenegro et Monaco), se sont du reste engagés à reprendre « l'acquis de Barcelone ». Le budget du secrétariat devrait être apporté, à parts égales, par la Commission européenne et par les Etats participants. Ce budget est destiné à financer essentiellement des expertises. S'agissant du colonel Kadhafi, M. Alain Le Roy a indiqué qu'il l'avait rencontré personnellement à Syrte, en janvier, et que celui-ci lui avait fait part de son raisonnement. Le colonel Kadhafi a décidé que la Libye ne participerait pas à l'Union pour la Méditerranée, pour les mêmes raisons qu'elle n'avait pas participé au processus de Barcelone, jugeant ce processus déséquilibré, avec, du côté de la rive sud, les seuls pays riverains, et, du côté de la rive nord, l'ensemble de l'Union européenne. Il aurait souhaité que l'accord porte sur l'ensemble des pays de l'Afrique. Il a estimé, en outre, que la rive « asiatique » de la Méditerranée n'avait pas à être impliquée dans cette initiative. Enfin, il a réitéré son refus de principe de s'asseoir à la même table que les Israéliens, non pour des raisons tenant au caractère juif de cet Etat, mais parce que cet Etat occupe illégalement une terre appartenant à d'autres.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a félicité M. Alain Le Roy et fait remarquer que même la presse britannique avait salué le succès de l'initiative.
En réponse, M. Alain Le Roy a indiqué que les diplomates britanniques étaient au départ sceptiques sur l'initiative, mais qu'ils avaient néanmoins soutenu le projet dès lors qu'ils avaient compris que celui-ci n'avait pas vocation à offrir un substitut à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
M. Robert Bret s'est interrogé sur la réaction de la Turquie. En réponse, M. Alain Le Roy a précisé qu'il avait fallu préciser plusieurs fois que l'Union pour la Méditerranée ne constituait pas un substitut à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. La déclaration de Rome, adoptée conjointement par l'Italie, la France et l'Espagne le 20 décembre 2007, était du reste parfaitement claire de ce point de vue. Il a également souligné que le vote du Sénat dans la réforme constitutionnelle en cours, de même que l'appel téléphonique personnel du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, à son homologue turc, avaient fortement contribué à décider celui-ci à participer en personne au sommet.
M. Didier Boulaud a estimé que le temps serait le meilleur juge du succès ou de l'insuccès de cette initiative. Il a questionné M. Alain Le Roy sur l'existence d'une initiative similaire « Grand Est », dont la Suède et la Pologne seraient à l'origine. Il s'est demandé si l'on n'était pas en train de « détricoter » l'Union européenne.
En réponse, M. Alain Le Roy a rappelé l'argumentaire développé par la Chancelière Angela Merkel, à savoir qu'il faut, quand l'Europe s'occupe de ses voisins, qu'elle le fasse à 27. Si l'initiative « Union de l'Europe orientale » devait voir le jour, il vaudrait mieux que les 27 Etats membres s'en occupent, plutôt qu'uniquement les pays frontaliers.
En conclusion, M. Josselin de Rohan, président, a déclaré que l'Union pour la Méditerranée était un pari et que son succès dépendrait de la volonté de tous les participants de dépasser les clivages. On pouvait être fier que la France en soit à l'origine.
Défense et relations internationales - Echange de vues avec une délégation de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes britannique
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à un échange de vues avec une délégation de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes britannique, conduite par son président, M. Mike Gapes.
M. Mike Gapes, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes, a indiqué que la délégation britannique s'intéressait à la façon dont les parlementaires français considéraient les priorités de la présidence française de l'Union européenne et, d'une façon plus générale, les nouvelles orientations de la politique étrangère et de défense définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et le Livre blanc sur la politique étrangère. Il a souligné que ces nouvelles approches pourraient favoriser des coopérations et la promotion d'intérêts communs au sein de l'Union européenne, mais aussi dans l'OTAN.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que les priorités de la présidence française portaient sur la sécurité, l'immigration, la lutte contre le réchauffement climatique, la défense européenne et que, sur tous ces points, la France espérait obtenir des avancées. Au cours de cette période, se posera également la question sensible du bilan de la politique agricole commune. Evoquant la présence commune de la France et du Royaume-Uni en Afghanistan, il a indiqué qu'elle suscitait beaucoup d'inquiétudes en l'absence de visibilité sur l'évolution de la situation. Il a estimé que la présidence française aurait également à connaître de l'avenir institutionnel de l'Union européenne, après le « non » irlandais au référendum sur le traité de Lisbonne.
M. Jean François-Poncet a précisé les conditions actuelles de participation de la France à l'OTAN. Il a rappelé que la France participait à toutes les opérations de l'OTAN et qu'elle était présente dans la quasi-totalité des structures de l'organisation, à l'exception de l'état-major et du comité des plans nucléaires. Il a indiqué qu'un lien serait établi entre l'annonce du Président de la République de la réintégration de l'OTAN et des développements plus importants de la politique européenne de défense. Il a souligné qu'actuellement l'équipe de planification présente à Bruxelles était des plus limitées. Toute évolution requerrait le soutien unanime des Etats membres et l'accord des Etats-Unis. C'est pourquoi il est peu probable que des avancées significatives interviennent sous présidence française, des progrès peuvent néanmoins être faits dans la direction d'une défense européenne semi-autonome. Lors de la déclaration de Saint Malo, France et Royaume-Uni donnaient le sentiment d'être sur la même ligne. Actuellement, les capacités de planification de l'Union européenne sont un sujet clé dans les discussions.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur les capacités du budget britannique à supporter le financement de la construction de deux porte-avions.
M. André Rouvière a souhaité savoir si le Royaume-Uni envisageait de revoir les modalités de sa présence à Chypre.
M. André Dulait s'est interrogé sur la perception, au Royaume-Uni, du projet d'Union pour la Méditerranée.
M. Mike Gapes a rappelé que la présence britannique à Chypre était régie par un traité dont le Royaume-Uni, la Grèce et la Turquie étaient les garants. En vertu de ce traité, le Royaume-Uni dispose de deux bases aériennes sur lesquelles il exerce sa souveraineté. Il a indiqué qu'une rencontre récente entre le Président chypriote et le Premier ministre britannique avait été l'occasion de réaffirmer que ces deux bases ne constituaient pas un problème entre les deux gouvernements, qui s'étaient par ailleurs engagés à travailler à une solution de la question chypriote avec le Gouvernement turc, dans le respect de leurs engagements et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
M. John Horam, membre du parti conservateur, a déclaré avoir été surpris par les annonces faites par le Premier ministre britannique sur la construction des deux porte-avions. Il a fait part de son inquiétude que le financement de ces bâtiments n'obère l'équipement des armées, notamment en Afghanistan et en Irak. Il a jugé bienvenu le projet d'Union pour la Méditerranée, considérant que les contacts entre Israël et la Syrie, noués en marge du sommet étaient encourageants. Il a souligné que les initiatives prises par le Président de la République française, en matière de défense, avaient été reçues favorablement au Royaume-Uni et s'est interrogé sur la notion de défense européenne semi-autonome dans ses relations vis-à-vis de l'OTAN. Il a souhaité savoir si la France favoriserait le développement de capacités de planification ou un centre de commandement au niveau européen.
M. Jean François-Poncet a précisé que la France ambitionnait de promouvoir à la fois des capacités de planification et de commandement. Il a souligné que l'Union européenne pourrait, en tout état de cause, avoir besoin du soutien de l'OTAN, notamment en matière de transport stratégique et que les unités combattantes restaient, quant à elles, nationales.
M. Josselin de Rohan, président, a souligné qu'en dépit de soupçons récurrents, la France ne complotait pas contre l'OTAN et qu'une opération autonome de l'Union européenne, dans certaines circonstances, pouvait se révéler plus efficace qu'une opération de l'OTAN. L'Union européenne ne dispose cependant pas d'un état-major capable de monter une opération dans des délais convenables. Citant l'exemple de l'opération au Tchad, pour laquelle l'Union européenne a perdu plus de trois mois, il considéré que la constitution d'un état-major décent ne marquait pas une rivalité avec l'OTAN. Il a considéré qu'un soutien britannique à cette initiative complémentaire, et non concurrente, serait un grand progrès.
M. Ken Purchase, évoquant la politique agricole commune, a rappelé que le Royaume-Uni avait supprimé son système national de subventions agricoles et que la production agricole ne représentait plus que 2 % du revenu national brut. Il a invité les négociateurs à faire preuve d'intelligence face à la crise alimentaire pour inventer des mécanismes qui permettent de nourrir non seulement l'Europe mais encore le monde. Il a rappelé que le terme de complémentarité était souvent utilisé pour qualifier les relations entre l'Union européenne et l'OTAN, mais a estimé que ce terme marquait, en réalité, des dépenses de défense considérables. Il a considéré que l'Europe devait conserver la maîtrise de ses capacités de défense, dans une relation d'amitié avec les Etats-Unis. Il s'est interrogé sur la pertinence de la construction des porte-avions.
M. Mike Gapes a indiqué que le budget militaire britannique était placé sous de fortes tensions qui induisaient un besoin de coopération, notamment en matière d'armement. Il a cité l'exemple de Thalès pour la coopération franco-britannique. Il a souligné que les européens n'étaient pas en mesure de soutenir la comparaison avec les Etats-Unis, dont le seul effort de recherche et développement dans le domaine militaire égale le budget français ou britannique de défense.
M. Malcolm Moss a estimé que les arguments en faveur de l'Europe de la défense étaient attractifs, mais que les contraintes budgétaires exigeaient de faire des choix en faveur d'une seule structure de commandement, en l'occurrence, celle de l'OTAN, dont le fonctionnement est satisfaisant.
M. Josselin de Rohan, président, a fait remarquer qu'aucun pays n'était contraint de participer à une opération de l'OTAN, pas plus qu'à une opération de l'Union européenne. Il a rappelé que certains Etats avaient décidé de ne pas participer à l'opération de l'OTAN en Afghanistan ou à l'opération de l'Union européenne au Tchad. Il a souligné que la France souhaitait préserver le choix de participer à de telles opérations lorsqu'elle l'estime nécessaire et, le cas échéant, disposer d'outils adaptés et de réponses différenciées. Il a estimé qu'il était possible d'agir avec efficacité sans que ce soit forcément sous le drapeau de l'OTAN.
M. Jean François-Poncet a souligné que nul ne souhaitait de duplication, mais que 12 000 officiers étaient intégrés au sein de l'OTAN, soit autant qu'à l'époque où l'Europe se trouvait sous la menace d'une invasion soviétique, ce qui offrait certainement des marges de rationalisation. Il a estimé que la seule crainte d'une duplication ne justifiait pas la position britannique, qui semblait davantage reposer sur une question de principe.
M. Mike Gapes a considéré que les échanges entre les commissions devraient être poursuivis. Il a estimé que chaque Etat devait avoir le droit de choisir ses engagements.
M. Josselin de Rohan, président, a exprimé sa conviction que la France et le Royaume-Uni pouvaient nouer des coopérations très efficaces.
Aide au développement - Audition de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie
Puis la commission a entendu M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie auprès du ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, a tout d'abord rappelé les orientations de la politique française d'aide publique au développement. Il a indiqué que l'Afrique constituait, conformément à la feuille de route définie par le Président de la République, la priorité de cette politique, avec pour objectif de renforcer notre présence sur ce continent.
Après avoir effectué de nombreux déplacements dans les pays africains, M. Alain Joyandet a déclaré avoir acquis la conviction que les Africains, et en particulier les jeunes, demandaient « plus de France » et attendaient désormais, de notre part, des politiques de coopération et de développement d'un esprit sans doute différent, tout particulièrement dans le domaine économique. Il a précisé qu'il avait décidé, avec l'accord du Président de la République, d'ouvrir huit chantiers qui constituaient autant d'actions concrètes afin de repositionner la France sur l'échiquier africain. Ces huit chantiers répondent à deux objectifs : le développement économique et le rayonnement culturel.
Afin de dissiper tout malentendu, M. Alain Joyandet a tenu à préciser qu'il ne s'agissait pas de modifier fondamentalement la politique de la France en matière de coopération qui n'est pas mue par des considérations mercantiles. La France entend demeurer fidèle à ses engagements de solidarité et ne renonce pas à ses interventions dans les secteurs ayant fait l'objet d'un consensus international, comme les objectifs du millénaire pour le développement, et sur lesquels elle est fortement engagée. La santé, l'éducation, l'environnement resteront bien au coeur de nos préoccupations, a précisé M. Alain Joyandet. La France souhaite également contribuer, à travers le dialogue et la coopération, à l'amélioration de la gouvernance, pour favoriser l'environnement des affaires. Pour autant, les entreprises françaises doivent pleinement être des acteurs du développement en Afrique et dans d'autres parties du monde. La France, enfin, demeurera attentive à ce que, de manière générale, ses partenaires honorent bien les engagements internationaux qu'ils ont eux-mêmes souscrits en matière de démocratie et de respect des Droits de l'Homme. Tout ceci est conforme à l'esprit même de la diplomatie française, qui est de concilier nos intérêts et les valeurs universelles auxquelles nous sommes attachés. Cette approche rejoint les analyses et recommandations faites dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc sur la politique étrangère de la France.
Abordant le reproche fait à la France de ne pas être à la hauteur de ses engagements en matière d'aide au développement et de ne pas porter l'aide publique au développement à 0,7 % de notre PIB en 2015, M. Alain Joyandet a rappelé que, malgré un contexte budgétaire difficile, cet objectif restait l'horizon de la politique française. Dès 2009, nos engagements, à travers l'Agence française de développement, augmenteront de 25 %, soit 1 milliard d'euros, qui s'ajoutera aux 3 milliards d'euros que l'AFD procure chaque année à nos partenaires du Sud. Ce montant supplémentaire sera dégagé sous forme de prêts bonifiés et ne sera donc pas imputé sur le budget de l'Etat. Si la France n'est que le 11è contributeur en pourcentage de son PIB (avec 0,39 % en 2007), elle reste toujours, en volume, le troisième bailleur de fonds de la planète, avec près de 10 milliards de dollars, en 2007, derrière les Etats-Unis (avec 21 milliards de dollars) et l'Allemagne (avec 12 milliards de dollars). Abordant les huit chantiers, M. Alain Joyandet a précisé que le premier visait à soutenir le secteur privé. Il a témoigné que l'Afrique était un continent peuplé de nombreux jeunes avides d'action et d'une classe de jeunes entrepreneurs dynamiques. La priorité est donc de soutenir le secteur privé, car c'est ici que se trouvent les emplois, l'innovation, le berceau d'une croissance durable, et donc celui du développement.
L'actualité internationale a jeté un coup de projecteur sur le deuxième chantier : la relance des agricultures africaines. Elle constitue l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne. Tout en répondant rapidement aux besoins pressants des populations, la France souhaite favoriser l'émergence de politiques agricoles souveraines et durables sur le continent, chaque pays africain devant ainsi tendre vers son autonomie alimentaire. A cette fin, le Président de la République a proposé, lors de la réunion de la FAO à Rome, de mettre à disposition des pays du Sud une « facilité mondiale pour la sécurité alimentaire », dont la gestion serait confiée au Fonds international de développement agricole.
Le troisième chantier, qui sonne comme un défi en Afrique, concerne le rôle des femmes, qui constituent la clef du développement, en envoyant leurs enfants à l'école, en tenant les cordons de la bourse et en se révélant, dans le microcrédit par exemple, dignes de confiance. Il s'est engagé à leur accorder une place particulière dans les projets de développement.
Le quatrième chantier concerne les volontaires internationaux. L'objectif est de tripler, en quatre ans, la présence des volontaires sur le continent africain et d'ajouter aux jeunes enthousiastes de jeunes retraités qualifiés pour transférer leur expérience aux Africains, par exemple dans le domaine agricole. Avec 15 000 volontaires sur le continent en 2012, contre 4 000 actuellement, la présence française en Afrique changera probablement de nature : elle se tiendra sur le terrain, à proximité des préoccupations quotidiennes des Africains.
Le cinquième chantier traite des ONG. Le rôle des ONG françaises reste encore trop modeste si on le compare aux puissantes organisations anglo-saxonnes ou allemandes. L'objectif est donc de faire transiter par les ONG une part plus importante de l'aide publique au développement. Le Président de la République a pris l'engagement de doubler, entre 2004 et 2009, le montant des fonds transitant par les ONG.
En ce qui concerne la francophonie, objet du sixième chantier, M. Alain Joyandet a confirmé qu'elle demeurait l'une des grandes priorités de la diplomatie française. Il a rappelé qu'avec 84 millions d'apprenants et plus de 400 000 enseignants, le français était la deuxième langue la plus enseignée dans le monde. Il s'agit d'un capital d'influence considérable.
Ainsi, pour l'audiovisuel extérieur de la France, objet du septième chantier, TV5 monde, France 24 et RFI sont de formidables outils de rayonnement sur le continent et constituent la meilleure garantie, à long terme, de notre influence dans le monde. Pour des raisons évidentes, il est souhaitable que cet outil continue à être géré par le ministère des affaires étrangères et européennes.
Le huitième et dernier chantier annoncé par le Président de la République au Cap, en février dernier, porte sur notre présence militaire sur le continent et la renégociation de nos accords de défense.
M. Alain Joyandet a conclu en indiquant que le Parlement sera bien évidemment associé à la réalisation de ces chantiers.
Un débat s'est alors engagé au sein de la commission.
Rappelant que la commission avait récemment procédé à l'audition de M. Eckhard Deutscher, président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le 25 juin dernier, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité connaître le sentiment du secrétaire d'Etat face aux critiques émises sur l'aide française au développement, certes importante en volume, mais qui reste dispersée et peu lisible, faisant une large place au multinational, sans véritable articulation avec les politiques nationales. Il l'a également interrogé sur l'évolution de l'architecture institutionnelle de l'aide française et de son « pilotage ».
En réponse, M. Alain Joyandet a indiqué que les chantiers lancés visaient précisément à corriger cette situation, par exemple en doublant la part de notre aide publique au développement transitant par les ONG. A moyens budgétaires et financiers constants, il est en effet nécessaire d'avoir une vue globale de l'effort fait par l'ensemble des intervenants français.
Concernant le pilotage, la situation est également complexe, puisque le bras séculier de l'Etat, l'Agence française de développement, agit à la fois comme un organisme financier et comme un opérateur chargé d'accorder les subventions publiques.
M. Alain Joyandet a indiqué qu'il avait proposé que l'agence soit rattachée au ministère des affaires étrangères et européennes et que le ministre préside le conseil d'administration, conformément aux recommandations de la RGPP, afin de renforcer la coordination de notre politique d'aide au développement. Il a exprimé le souhait qu'un texte législatif soit présenté prochainement devant le Parlement afin de mettre en oeuvre cette réforme.
Interrogé par M. André Dulait sur les relations de la France avec le Rwanda et la question sensible des visas, notamment destinés aux étudiants africains, M. Alain Joyandet a précisé qu'il étudiait, en liaison avec M. Brice Hortefeux, dont il partageait par ailleurs entièrement les orientations, la manière d'introduire davantage de souplesse dans la procédure de délivrance des visas, en particulier pour les jeunes diplômés africains, notamment dans le cadre des accords de gestion concentrée des flux migratoires conclus avec les pays concernés. Il a rappelé que M. Bernard Kouchner s'était rendu récemment à Kigali en vue de contribuer à la normalisation des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda.
Mme Catherine Tasca s'est tout d'abord interrogée sur les moyens financiers qui seront consacrés aux nouvelles priorités, en particulier au rôle des femmes en Afrique et aux volontaires internationaux. Ensuite, elle a fait part de sa préoccupation au sujet de l'articulation entre la politique de coopération et de promotion de la francophonie, d'une part, et la politique restrictive engagée en matière d'immigration, d'autre part, qui suscite l'incompréhension de la part de nombreux Africains. Enfin, elle a souhaité avoir des précisions sur la réforme de l'audiovisuel extérieur, au regard des inquiétudes exprimées par plusieurs pays francophones partenaires de TV5.
En réponse, M. Alain Joyandet a apporté les précisions suivantes :
- compte tenu du contexte budgétaire, il est clair que la politique d'aide au développement doit s'inscrire à moyens budgétaires constants. Cela n'empêche pas de trouver d'autres sources de financement, comme l'illustre le montant supplémentaire d'un milliard d'euros dégagé par l'AFD, qui permettra de financer les nouvelles actions prioritaires, comme le crédit spécial destiné à couvrir les projets en faveur des femmes africaines, doté de 10 millions d'euros, de tripler le nombre de volontaires en quatre ans, ou encore de mettre en place les fonds dotés par le Président de la République et destinés à encourager les initiatives provenant du secteur privé ;
- concernant la réforme de l'audiovisuel extérieur, après de difficiles discussions avec les pays francophones partenaires, un accord a été trouvé sur la gouvernance de TV5 Monde et la création d'une nouvelle structure regroupant les différents opérateurs, dont TV5 Monde, RFI et France 24. Cette structure visera à renforcer les synergies et la mutualisation entre ces opérateurs, tout en préservant l'identité, la ligne éditoriale et le contenu de chaque opérateur. Les économies d'échelle ainsi réalisées permettront de financer des programmes originaux en langue française. A cet égard, M. Alain Joyandet a estimé qu'il était important que l'audiovisuel extérieur reste rattaché organiquement au ministère des affaires étrangères et européennes et il a précisé qu'un soutien de la commission serait précieux sur ce point.
Interrogé par M. Christian Cambon sur les moyens de renforcer la visibilité de la coopération décentralisée qui joue un rôle de plus en plus important en matière d'aide au développement, M. Alain Joyandet a répondu qu'une coordination régionale permettrait peut-être d'en renforcer la cohérence tout en respectant l'autonomie des collectivités territoriales et qu'il avait engagé une mise en cohérence de toutes les initiatives prises en liaison avec les postes diplomatiques à l'étranger.
A une question de M. André Trillard et de Mme Catherine Tasca sur le recrutement et le statut des nouveaux volontaires internationaux, M. Alain Joyandet a rappelé qu'actuellement quatre organismes différents étaient chargés de l'envoi de volontaires français à l'étranger et que, sur 10 candidats, seuls 3 jeunes partaient en mission, avec un statut variable selon le type d'organisme. L'objectif est donc de réorganiser ce volontariat pour le rendre plus efficace en l'élargissant aux jeunes retraités.
M. Josselin de Rohan, président, a souhaité recueillir le sentiment du secrétaire d'Etat sur l'évolution de la politique africaine de la France et, en particulier, sur ses relations avec les chefs d'Etat africains.
M. Alain Joyandet a indiqué que le Président de la République avait souhaité établir une relation plus équilibrée avec les pays africains, qui, tout en étant fondée sur le nécessaire respect des valeurs de la démocratie, des Droits de l'Homme et de la bonne gouvernance, ne tombait ni dans le paternalisme ni dans la naïveté, mais prenait en compte le souci de préserver nos intérêts économiques et notre influence culturelle et linguistique. Ainsi, la France a clairement condamné les atteintes à la démocratie et encourage ses progrès au Zimbabwe, comme au Kenya, en Tanzanie ou au Bénin. Dans le même temps, il faut bien voir que la promotion de ses valeurs sera d'autant plus aisée que la France maintiendra et consolidera sa présence en Afrique, notamment au regard de l'émergence de nouveaux acteurs, comme la Chine, de plus en plus présents sur le continent ces dernières années. La présence de ces nouveaux acteurs nécessite une réflexion sur le fonctionnement de l'aide au développement.
Annuler ou réduire la dette de ces pays auprès du club de Paris n'aurait que peu d'effet s'ils s'endettent ensuite auprès d'autres Etats.
De même, sans remettre en cause le principe de déliement de l'aide publique au développement, on peut s'interroger sur son impact sur les entreprises françaises, à la lumière de l'expérience de la construction du collège pour les métiers du tourisme à Dar es Salam, financée à 100 % par l'aide française au développement, mais dont l'appel d'offres a été remporté par une entreprise chinoise en l'absence de candidature française.
Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, M. Alain Joyandet a fait part de son souhait d'organiser une réunion avec la Chine pour s'efforcer de coordonner nos actions en Afrique ou d'élaborer un code de bonne conduite.