- Mardi 24 juin 2008
- Loi de finances pour 2008 - Projet de décret d'avance - Communication
- Enseignement scolaire et préscolaire - Accueil des élèves - Examen du rapport pour avis
- Comité Richelieu - Audition MM. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu, Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France et directeur des achats de la SNCF, et Ronan Bars, directeur général de la société Eurodécision et administrateur du Comité Richelieu
- Contrôle budgétaire - Immigration économique - Communication
- Mercredi 25 juin 2008
- Sénat - Certification des comptes - Communication
- Contrôle budgétaire - Administration - Suites données
- Caisse des dépôts et consignations - Résultats de 2007 - Audition de MM. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations
- Loi de finances pour 2009 - Débat d'orientation - Audition de MM. Philippe Séguin et Christian Babusiaux
- Jeudi 26 juin 2008
Mardi 24 juin 2008
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.Loi de finances pour 2008 - Projet de décret d'avance - Communication
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur un projet de décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits de 326,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 307,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), destiné à financer plusieurs dépenses urgentes en faveur de la pêche, du projet « Grand Paris » et de l'hébergement d'urgence, transmis pour avis à la commission en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Après que M. Jean Arthuis, président, eut rappelé que l'ensemble des commissaires avaient été destinataires, dès le mardi 17 juin 2008, du projet de décret d'avance qui lui avait été notifié par courrier en date du 16 juin 2008, M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté tout d'abord les missions qui profitaient d'ouverture de crédits. S'agissant du soutien à la pêche, il a indiqué que trois missions - Agriculture, Ecologie et Régimes sociaux et de retraite - en bénéficiaient. En premier lieu, 103,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 89 millions d'euros en crédits de paiement sont destinés à financer le solde des mesures 2008 du plan pour une pêche durable et responsable qui comprend des mesures d'aide à la destruction des navires (35 millions d'euros), d'aide face à la hausse du prix du gazole (30 millions d'euros), d'accompagnement des marins professionnels durant les arrêt temporaires de pêche (6,5 millions d'euros), de mise en oeuvre des « contrats bleus » pour une pêche durable (15 millions d'euros) et, enfin, à la réalisation d'audits et à la restructuration des entreprises de pêche (17,5 millions d'euros). En outre, 37,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 33,6 millions d'euros en crédits de paiement sont ouverts sur le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » pour assurer le financement de l'aide sociale accordée aux marins-pêcheurs rémunérés « à la part ». Enfin, le programme 197 « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins » de la mission « Régimes sociaux et de retraite » est abondé de 37,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement afin de couvrir le coût de l'exonération des charges sociales décidée le 6 novembre 2007 par le Président de la République lors de son déplacement au Guilvinec, en soutien aux marins-pêcheurs touchés par la hausse du gazole. Il a indiqué que si l'urgence et le caractère imprévisible de ces dépenses semblaient indiscutables, il convenait toutefois de souligner l'insuffisance des instruments de gestion de crise dont dispose le ministère de l'agriculture pour des activités soumises à de forts aléas climatiques, sanitaires ou économiques. En outre, il s'est interrogé sur l'opportunité de mettre à contribution, de manière pérenne, le régime de sécurité sociale des marins dans la gestion d'une aide sectorielle à caractère économique.
S'agissant de la mission « Politique des territoires », M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que l'ouverture de 924.000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » visait à financer la prise en charge du personnel recruté pour la mission « Grand Paris », placé auprès de M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement et de la « région capitale ».
Enfin, s'agissant de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », il a indiqué que le projet de décret d'avance proposait d'ouvrir 147 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », suite à l'annonce du Premier ministre, faite en janvier 2008, de déclarer l'hébergement et l'accès au logement « grands chantiers prioritaires 2008-2012 ». M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que ces mesures d'application immédiate, dont il semble difficile de contester l'urgence, concernaient l'accompagnement des personnes précaires sortant d'institutions, telles que les prisons et les hôpitaux psychiatriques, l'amélioration des prestations offertes par les centres d'hébergement et le développement de l'offre des « maisons relai » instituées par la loi du 5 mars 2007 relative au droit au logement opposable. Il a toutefois souligné que la question de l'imprévisibilité de ces dépenses pouvait se poser, dans la mesure où le rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » avait signalé, dès l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2008, l'insuffisance récurrente des crédits inscrits en loi de finances initiale en faveur de l'hébergement d'urgence.
Pour conclure, il a indiqué que le projet de décret d'avance n'avait pas d'impact sur l'équilibre de la loi de finances, dans la mesure où il était accompagné d'annulation de crédits à due concurrence des ouvertures demandées, en soulignant que ces annulations portaient exclusivement sur les crédits mis en réserve, ceux-ci atteignant encore 6,1 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur le projet de décret d'avance, tout en s'interrogeant sur le caractère imprévisible des dépenses relatives à l'hébergement d'urgence, dans la mesure où l'insuffisance du montant de leurs dotations avait donné lieu, ces dernières années, à des ouvertures systématiques et répétées de crédits en cours d'exercice.
En réponse à l'observation de Mme Nicole Bricq, tendant à remettre en cause le caractère d'urgence et d'imprévisibilité des dépenses de la mission « Grand Paris », qui avait été annoncée dès 2007, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les sous-budgétisations récurrentes observées à l'occasion de l'examen de ce décret d'avance devaient inciter l'administration à améliorer son travail de prévision et à procéder à des inscriptions suffisantes de crédits dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a alors émis un avis favorable au projet de décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits, le groupe socialiste déclarant s'abstenir.
Présidence de M. Aymeri de Montesquiou, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président.
Enseignement scolaire et préscolaire - Accueil des élèves - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 389 (2007-2008) instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire.
A titre liminaire, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a précisé que l'avis de la commission prendrait la forme d'un rapport oral.
Il a justifié la saisine pour avis de la commission en soulignant sa vigilance d'une part, sur toutes les dispositions susceptibles d'avoir un impact sur les comptes publics, d'autre part, sur celles qui peuvent affecter les finances des collectivités territoriales. Or, la mise en place d'un droit d'accueil au profit des élèves du premier degré serait, en effet, à la charge des collectivités territoriales en cas de grève, ce qui nécessite une attention particulière s'agissant du financement de cette nouvelle contrainte pour les communes.
Il a ensuite présenté l'économie générale du dispositif en rappelant, tout d'abord, que trois expérimentations avaient d'ores et déjà été menées cette année sur la base du volontariat des communes. Il a indiqué que 2.075 communes s'étaient portées volontaires au 24 janvier 2008, 2.866 au 15 mai 2008 et 2.884 au 22 mai 2008, touchant à chaque reprise entre 2 millions et 2,5 millions d'habitants.
Il a précisé ensuite les lignes directrices du projet de loi :
- la consécration d'un droit d'accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires publiques, lorsque les enseignements ne peuvent pas être dispensés, y compris en cas de grève. Il s'agit de concilier deux libertés, la liberté de travailler pour les parents, la liberté de faire grève pour les enseignants ;
- la limitation de ce droit d'accueil à l'école élémentaire, qui se justifie par trois éléments : l'absence de personnels de surveillance spécifique, le principe d'un enseignant par classe, l'âge des élèves ;
- la mise en place d'un droit d'accueil effectif durant le temps scolaire obligatoire, et non d'un droit à l'enseignement ;
- une organisation du droit d'accueil, mise à la charge de la commune, lorsque 10 % des enseignants au moins de cette commune se sont déclarés grévistes.
S'agissant des modalités d'organisation, il a noté que les personnels enseignants devaient se déclarer grévistes 48 heures à l'avance, dans le but de permettre la mise en oeuvre du droit d'accueil, et qu'une procédure de prévention des conflits est proposée sur le modèle du service minimum dans les transports.
Il a observé lorsqu'elles sont tenues d'organiser cet accueil, c'est-à-dire lorsque le taux d'enseignants grévistes est supérieur à 10 %, les communes sont libres d'en choisir les modalités, en recourant soit à du personnel communal, soit à des associations, soit à des personnes extérieures.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a précisé les modalités de financement de droit d'accueil mis à la charge des communes en cas de grève.
L'article 8 du projet de loi prévoit le versement par l'Etat « d'une contribution financière à chaque commune qui a mis en place le service d'accueil au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de cet accueil » et que cette contribution est fonction « du nombre d'élèves accueillis. Son montant et les modalités de son versement sont fixés par décret ».
Il a apprécié cette disposition au regard de plusieurs éléments. Il s'est interrogé sur la conformité du projet de loi avec l'article 72-2 de la Constitution qui dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Il a expliqué que la mise en place de ce droit d'accueil, à la charge des communes en cas de grève, représentait une création de compétences pour ces collectivités et non un transfert de compétences, dans la mesure où l'Etat n'assurait pas, à ce jour, cet accueil.
Dans cette perspective, il a souligné que le financement de l'Etat ne devait pas prendre la forme d'une compensation intégrale, mais devait s'appuyer sur des ressources dont le niveau était apprécié par le législateur au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales. Il a relevé que le législateur devait ainsi être attentif au niveau des ressources attribuées, un niveau trop faible pouvant entrer en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités. Au regard de ces éléments, il a proposé à la commission un amendement à l'article 8 tendant à remplacer le mot « contribution » par le mot « compensation » afin d'apporter une double assurance : d'une part, un respect plus assuré de la Constitution ; d'autre part, la garantie d'une corrélation entre le niveau de financement de l'Etat et le niveau des dépenses des communes.
S'agissant des modalités de financement, il s'est prononcé en faveur du système forfaitaire et de la prise en compte du nombre d'élèves effectivement accueillis, qui représentent, selon lui, des choix logiques et opportuns, permettant notamment d'éviter une dérive inflationniste du système.
Il a indiqué que les premières expérimentations conduites cette année avaient été financées sur la base d'un montant de 90 euros par groupe de 15 élèves accueillis, la somme ayant été versée 35 jours après que le maire eut fait connaître à l'autorité académique le nombre d'élèves ayant bénéficié du service.
Il a expliqué que le financement de l'Etat était lié aux retenues sur salaires des enseignants grévistes, l'Etat conservant un trentième de salaire pour chaque jour de grève effectué. Il a indiqué que la journée de grève du 24 janvier 2008 avait conduit à retenir sur les salaires des enseignants 21 millions d'euros, dont 8,2 millions d'euros au titre du premier degré. Il a ainsi estimé que le système pouvait s'autofinancer dès lors que le ministère était en mesure d'utiliser l'ensemble des fonds issus des retenues pour fait de grève dans l'enseignement du premier et du second degrés. En outre, il a relevé que la mise en place d'un droit d'accueil conduisait à flécher des ressources qui étaient, jusque là, utilisées en exécution budgétaire, librement, par le ministère.
Sous réserve de l'amendement présenté, il a proposé à la commission l'adoption du projet de loi.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que de nombreuses communes organisaient déjà, en pratique, cet accueil. S'agissant de l'amendement proposé par le rapporteur pour avis, il a observé que celui-ci était stricto sensu passible de l'article 40 de la Constitution dans la mesure où le mot « compensation » était plus contraignant que le mot « contribution » en termes de niveau de financement. Toutefois, il a indiqué que cette irrecevabilité ne s'appliquait pas, en l'espèce, puisque l'amendement reprenait la terminologie utilisée par le ministre de l'éducation nationale lors de son audition devant la commission des affaires culturelles le 18 juin 2008. Il a indiqué que, conformément à la décision prise par le bureau de la commission en juillet 2007, dont il était rendu compte pages 24 et 25 du rapport n° 401 (2007-2008) sur l'application de l'article 40, la prise en compte des intentions formelles du Gouvernement pouvait servir de base de référence pour l'appréciation de l'article 40.
M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir dans quelle mesure il ne serait pas opportun de préciser « une compensation à l'euro l'euro » afin de s'assurer qu'aucune commune ne soit lésée, les dépenses pouvant se révéler élevées, notamment au regard des frais d'assurance et de responsabilité.
M. Marc Massion a rejoint ces préoccupations en proposant que le financement de l'Etat corresponde à un remboursement intégral des frais engagés par la commune.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a observé, d'une part, que la Constitution n'imposait pas de compensation intégrale, d'autre part, que le principe d'un remboursement intégral comportait un risque de surenchère inflationniste. En revanche, il a estimé que le principe d'un forfait, dont le montant devait être déterminé avec attention, permettait à la fois de maîtriser la dépense, tout en finançant correctement l'accueil des élèves. Il a également indiqué que le forfait assurait un traitement équitable de toutes les communes et ce, quelles que soient les modalités de l'accueil. Enfin, il a jugé qu'au regard des règles de l'article 40, il apparaissait difficile de qualifier la « compensation » sans aller au-delà des intentions du Gouvernement, mais que cette qualification pouvait faire l'objet d'un débat en séance publique avec le ministre.
S'agissant de la responsabilité, il a indiqué que ce sujet, traité par la commission des affaires culturelles saisie au fond, devrait faire l'objet d'une réflexion particulière dans le débat public.
Mme Nicole Bricq a fait remarquer que la rédaction du projet de loi prévoit un droit d'accueil général, ce qui par définition ne comprend pas la seule hypothèse de la grève. A ce titre, elle s'est interrogée sur l'étendue des nouvelles compétences des communes.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a expliqué que la commune n'était responsable de la mise en oeuvre du droit d'accueil qu'en cas de grève. Il a toutefois remarqué que le texte mériterait d'être clarifié sur ce point, afin de bien identifier les cas où la commune est tenue d'organiser l'accueil des élèves.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'en réponse aux inquiétudes d'un certain nombre d'élus locaux, un amendement de la commission des affaires culturelles proposerait un transfert de la responsabilité des communes à l'Etat pour les dommages commis ou subis par un élève du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service d'accueil.
En réponse à M. Marc Massion qui a souhaité savoir quelle était la situation des personnels chargés de la surveillance des enfants en cas d'accidents, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a jugé que ce point devrait être clarifié en séance.
La commission a ensuite procédé à l'examen de l'amendement présenté par M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis.
Après les interventions de MM. Aymeri de Montesquiou, Marc Massion et de Mme Nicole Bricq, la commission a adopté, à l'article 8, un amendement tendant à remplacer le mot « contribution » par le mot « compensation ».
A l'issue de cet examen, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.
Présidence de M. Philippe Adnot, secrétaire.
Comité Richelieu - Audition MM. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu, Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France et directeur des achats de la SNCF, et Ronan Bars, directeur général de la société Eurodécision et administrateur du Comité Richelieu
Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu, Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France et directeur des achats de la SNCF, et Ronan Bars, directeur général de la société Eurodécision et administrateur du Comité Richelieu.
M. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu, a tout d'abord présenté l'activité du Comité Richelieu, association qui regroupe aujourd'hui 203 petites et moyennes entreprises (PME) innovantes. Il a estimé que le principal obstacle au développement des PME innovantes en France était leur difficulté à devenir fournisseurs des « grands comptes », c'est-à-dire des grandes entreprises privées et collectivités publiques.
Il a ensuite rappelé que la Commission européenne s'était opposée à la mise en place, en Europe, d'un dispositif semblable au « Small business act » américain. Pour y remédier, le Comité Richelieu a développé, en partenariat avec OSEO, un « pacte PME », présenté comme un « Small business act à la française », qui vise à associer les grands comptes à la démarche de soutien aux PME innovantes, sur la base du volontariat ; 47 grands comptes sont aujourd'hui signataires du pacte PME.
M. André Ferrand s'est interrogé sur l'absence de nombreuses entreprises du CAC 40 de la liste des grands comptes partenaires. M. Emmanuel Leprince a répondu que le Comité Richelieu se concentrait sur la satisfaction des entreprises signataires, plutôt que sur les actions de prospective visant à augmenter le nombre de signataires de ce pacte. M. Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France et directeur des achats de la SNCF a ajouté qu'une démarche de prospective commerciale auprès des grands comptes était vouée à l'échec, l'amélioration de la situation devant résulter d'une prise de conscience.
M. Christian Gaudin a demandé si le Comité Richelieu menait des actions spécifiques auprès des PME travaillant pour des équipementiers, celles-ci se trouvant souvent dans une situation particulièrement fragile du fait du nombre limité de leurs clients. M. Emmanuel Leprince a déclaré que des aides existaient pour les PME innovantes démunies de soutien financier afin de répondre aux demandes des acheteurs, notamment les équipementiers. Il a précisé que le dispositif des avances remboursables était apparu inefficace, puisqu'il aboutissait à demander aux PME de rembourser les aides au moment où elles avaient le plus besoin de se développer. Il a jugé que les subventions pouvaient se révéler plus efficaces, pour un coût budgétaire identique.
M. Christian Gaudin s'est par ailleurs interrogé sur le jugement porté par le Comité Richelieu sur les pôles de compétitivité. M. Emmanuel Leprince a regretté que les pôles de compétitivité ne soient pas des lieux qui favorisent davantage la négociation entre les grands comptes et les PME innovantes. Il a fait état, par ailleurs, d'un sondage mené auprès des PME participant aux pôles de compétitivité, indiquant que la majorité d'entre elles jugeait que les pôles de compétitivité ne les valorisaient pas suffisamment. M. Ronan Bars, directeur général de la société Eurodécision et administrateur du Comité Richelieu, a ajouté avoir, personnellement, une expérience plutôt positive de participation à un pôle de compétitivité, tout en estimant que les aides à la recherche et développement pourraient utilement être, en partie, réorientées des grands groupes vers les PME.
M. Philippe Adnot, président, s'est interrogé sur le jugement porté par la Comité Richelieu sur le dispositif de déplafonnement du crédit d'impôt recherche. M. Emmanuel Leprince a souhaité que les dispositifs ouverts aux jeunes entreprises innovantes (JEI), notamment le remboursement immédiat de leur créance d'impôt recherche, soient étendus à l'ensemble des PME. Il s'est, par ailleurs, déclaré très favorable à la possibilité offerte aux acheteurs, qui le désirent, de réserver certains marchés à des PME innovantes, regrettant toutefois que le plafonnement de cette mesure soit trop strict pour aboutir à de réels effets. M. Pierre Pelouzet a approuvé ce jugement et ajouté qu'il demandait que ce dispositif s'applique également aux entreprises publiques, ce que ne permettent pas les dispositions européennes actuelles. Il a souhaité qu'une initiative, en ce sens, soit prise dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
M. Emmanuel Leprince a par ailleurs jugé que le « Small business act européen », annoncé par la Commission européenne, n'était que la reprise de dispositifs existants et ne comportait aucune mesure nouvelle améliorant l'accès au marché pour les PME.
M. André Ferrand a demandé à M. Emmanuel Leprince de détailler le fonctionnement du Comité Richelieu et des partenariats passés dans le cadre des pactes PME. M. Emmanuel Leprince a précisé que le Comité Richelieu était une association relevant de la loi de 1901 et comportant 203 entreprises membres. Il a souligné que les grands comptes signataires de ce pacte s'engageaient sur la transparence de leurs marchés d'achat et sur la mise en place d'indicateurs relatifs à l'association des PME à ces marchés. M. Ronan Bars a ajouté que le suivi effectué par le Comité Richelieu auprès des PME permettait de mieux informer les grands comptes partenaires sur les exigences et les besoins de ces PME.
M. André Ferrand s'est interrogé sur la capacité exportatrice des PME innovantes françaises. M. Emmanuel Leprince a précisé que le Comité Richelieu disposait d'une plate-forme d'aide à l'exportation. Il a fait valoir que les grands comptes avaient fortement intérêt à ce que leurs fournisseurs se renforcent en se développant à l'export. Il a souligné que le problème ne consistait pas en la faible création de PME françaises, mais résultait de leur difficulté à atteindre une taille critique et à devenir « leaders » sur leurs marchés.
Enfin, M. Philippe Adnot, président, s'est interrogé sur l'utilisation du dispositif législatif récemment adopté pour favoriser l'investissement dans les PME des contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune. M. Ronan Bars a affirmé ne pas avoir relevé d'utilisation de ce dispositif, mais que ces nouveaux investisseurs pourraient offrir aux PME, au-delà de leur aide financière, une expertise très utile.
Contrôle budgétaire - Immigration économique - Communication
Enfin, la commission a entendu une communication de M. André Ferrand, rapporteur spécial, sur les administrations chargées de l'immigration économique.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, a rendu compte de son contrôle sur pièces et sur place des administrations responsables de la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration professionnelle.
Il a rappelé, tout d'abord, que l'immigration professionnelle correspond à un axe fort de la politique du Président de la République : porter la part de l'immigration économique jusqu'à 50 % des flux totaux d'immigration. Il a indiqué qu'il avait souhaité savoir comment les services de l'Etat mettant en oeuvre cet objectif et quelles difficultés éventuelles ils rencontrent. Il a précisé qu'il s'agissait d'un rapport d'étape, puisque le ministère de l'immigration avait un an à peine, son administration centrale ayant été créée au 1er janvier 2008.
Il s'est félicité d'avoir bénéficié, en application de l'article 58-1 de la LOLF, de l'assistance de M. le préfet Jean-Yves Audouin, rapporteur à la 5e chambre de la Cour des comptes, pour bâtir son programme d'auditions et de déplacements, ainsi que pour l'élaboration d'un questionnaire qu'il avait adressé à un échantillon de 15 préfectures et de 14 consulats. Il a reçu, par ailleurs, les résultats d'une étude comparative sur les administrations de l'immigration professionnelle dans six pays de l'OCDE, commandées à la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) par la commission.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, tout en précisant que l'immigration professionnelle constitue une nécessité, a indiqué qu'elle correspond à trois priorités distinctes et complémentaires :
- attirer en France des talents, des « accélérateurs de croissance » ;
- répondre aux besoins des secteurs économiques face à une pénurie de main d'oeuvre. L'immigration est une solution de complément à l'offre de travail en France face aux tensions de recrutement dans certains secteurs, qui pourraient se développer à l'avenir. Selon les fédérations professionnelles, il s'agit bien d'une solution de complément et la politique du Gouvernement doit d'abord favoriser le retour à l'emploi des publics les plus éloignés ;
- favoriser l'intégration professionnelle des primo-arrivants au titre, par exemple, du regroupement familial.
Il a déclaré que, face à cette reconnaissance du développement de l'immigration professionnelle, notre pays souffre d'un certain retard par rapport à des pays qui sont, par essence, des pays d'immigration, comme l'Australie, le Canada ou les Etats-Unis, mais aussi l'Espagne ou le Royaume-Uni.
Ces pays ont mis en place, depuis plusieurs années, une politique particulièrement aboutie d'attraction des talents et des compétences, cette politique reposant sur une immigration professionnelle tant qualifiée que non qualifiée.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, a ensuite jugé que notre pays souffre de plusieurs faiblesses. Ainsi, en 2006, sur 191.475 titres de séjour délivrés, seuls, 13.471 l'ont été pour un motif économique, soit 7 %. Ce pourcentage a atteint 9,7 % en 2007 grâce aux migrations issues des nouveaux Etats membres de l'Union européenne soumis à dispositions transitoires, il serait même de 16 % sur les cinq premiers mois de l'année 2008. Il a précisé que les instruments de la politique de l'immigration professionnelle ne sont pas encore à l'oeuvre, mais que le changement de cap du Gouvernement rencontre, d'ores et déjà, des échos de la part des ressortissants étrangers.
Il a également souligné que le taux d'immigration économique pour les ressortissants des pays tiers à l'Union européenne est plus faible et qu'il s'établissait à 5,8 % en 2006.
Il a aussi indiqué que, surtout depuis 2003, plus d'un travailleur permanent sur deux admis au séjour n'entre pas physiquement sur le territoire national, mais bénéficie d'un changement de statut, cette proportion atteignant 68,5 % en 2006. Il a observé que l'immigration professionnelle n'est donc pas fondamentalement aujourd'hui une immigration directe, mais l'aboutissement d'un parcours d'immigration commencé, par exemple, comme étudiant.
Concernant les immigrés venus en France pour des raisons familiales, l'incitation à la recherche d'emploi constitue le « parent pauvre » du processus d'intégration : 61,4 % des signataires du contrat d'accueil et d'intégration en 2006 déclarent avoir eu une activité professionnelle avant leur arrivée en France, mais 30,6 % seulement confient en exercer une en France. Il a noté que les 98,9 millions d'euros de crédits prévus, au titre de l'intégration des migrants, par l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances (Acsé) en 2008 pour les associations, font l'impasse sur le secteur de l'intégration professionnelle active.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, s'est ensuite interrogé sur la mise en oeuvre, par les administrations, de la nouvelle politique de l'immigration professionnelle. Il a indiqué que les préfectures et les directions du travail, de l'emploi et de la formation constituent le volet « autorisation de travail » et « carte de séjour » sur le sol national de la nouvelle politique, mais qu'elles doivent disposer d'un bras armé à l'étranger pour attirer en France des candidats potentiels au travail. Il a précisé que l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrants (ANAEM) joue, par ailleurs, un rôle d'animation de l'ensemble du dispositif, ainsi qu'une fonction d'accueil et d'intégration de l'ensemble des migrants.
Tout en faisant observer qu'une politique nouvelle nécessitait du temps pour se mettre en place, il en a relevé les difficultés : certains outils ne viendraient à maturité qu'en 2010 et, si cet horizon paraissait lointain sur un plan politique, il était proche, compte tenu des lourdeurs administratives qui aujourd'hui se manifestent lors d'un changement dans l'appareil d'Etat.
Il a ensuite noté que les nouveaux instruments sont mis en oeuvre de manière progressive : sur cinq accords de gestion concertée des flux migratoires négociés, un seul accord passé avec le Gabon a vu sa ratification autorisée par le Parlement le 12 juin 2008, et un délai d'un an reste nécessaire entre la signature de l'accord et la ratification.
Il a précisé que la restructuration de l'ANAEM en un opérateur global de l'immigration et de l'intégration, prévue par la révision générale des politiques publiques (RGPP), ne déboucherait pas avant 2009.
Les listes de métiers dits « en tension » constituent un premier pas mais, pour s'adapter à l'évolution de la demande des entreprises, une actualisation annuelle est indispensable. Il a souhaité que leur méthode d'élaboration soit affinée pour mieux prendre en compte le vécu des entreprises, et ne pas se limiter au rapprochement entre les offres et les demandes d'emploi publiées par l'ANPE.
Il a également constaté que certains instruments connaissent des débuts difficiles, comme la carte « Compétences et talents » ; 44 de ces cartes ont été délivrées à ce jour par rapport à un objectif de 2000 en 2008 (1.000 par les préfectures et 1.000 par les ambassades). Pour éviter l'échec de ce système, il faut que la commission « Compétences et talents » apporte quelques améliorations, les critères apparaissant en effet trop restrictifs. Il a cité l'exemple d'un sportif qui, pour obtenir cette carte en vue des sports olympiques individuels, doit d'abord avoir été champion national dans son pays d'origine l'année sportive précédant la demande ou avoir participé comme membre titulaire aux championnats continentaux ou mondiaux.
Dans les préfectures, la carte « Compétences et talents » fait en partie double emploi avec les dispositifs prévus en faveur des étudiants et des scientifiques. Dans les postes à l'étranger, le « marketing » des ambassades en la matière est peu dynamique, voire inexistant, alors que c'est d'abord à l'étranger que la carte devait être promue.
Cette carte parait, enfin, très contraignante vis-à-vis des candidats des pays de la zone de solidarité prioritaire : elle devrait donc être toilettée de ses aspects relatifs au codéveloppement et pouvoir être renouvelée au-delà de trois ans, comme le prévoient déjà plusieurs accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires. Il a considéré qu'un même outil ne pouvait à la fois servir deux objectifs : attractivité et codéveloppement.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, a jugé qu'avant de produire tous ses effets, la nouvelle politique de l'immigration professionnelle doit régler, au cas par cas, la situation d'un certain nombre de travailleurs présents sur notre sol de manière irrégulière, mais employés de manière régulière par des entreprises de bonne foi. Il a estimé qu'il fallait tenir compte de la nature des entreprises, car certains bassins d'emploi peuvent être sous tension, même dans des métiers peu qualifiés. Il a souligné qu'en contrepartie des régularisations, des efforts paraissent nécessaires de la part des fédérations professionnelles : elles doivent résoudre leurs difficultés actuelles de recrutement par une meilleure attractivité des métiers et plus de discernement dans la vérification des documents d'identité de leurs travailleurs.
Le rapporteur spécial a relevé qu'un certain attentisme administratif constitue un autre obstacle à surmonter. Il existe un écart significatif entre la volonté politique d'un changement de cap et la nécessité de passer par des administrations aux cultures de travail très diverses, parfois contradictoires, et sur lesquelles le ministère de l'immigration n'a pas toujours une complète autorité. Il a constaté que les administrations privilégient une « logique de guichet passive » plutôt qu'une démarche plus active de prospection, puis de sélection des immigrants économiques, qualifiés ou non. Il a ajouté qu'un changement de culture paraît nécessaire au sein des directions départementales du travail, car elles ont été incitées, depuis 1974, à freiner l'immigration de travail. Ainsi, dans les services de l'Etat à l'étranger, la démarche active de recrutement de talents pour une immigration professionnelle reste encore très éloignée du quotidien.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, a proposé plusieurs pistes pour activer davantage l'immigration économique, la première étant de faire preuve de réactivité face aux besoins des entreprises et des salariés. En ce qui concerne les entreprises, il a souhaité qu'un guichet soit dédié à l'immigration économique et que les partenariats avec les chambres de commerce et d'industrie et les services territoriaux de développement économique soient multipliés. Pour les salariés, il a proposé que le titre de séjour soit remis lors de leur passage sur les plateformes de l'ANAEM, dans une logique de guichet unique. Il a considéré que la visite médicale obligatoire réalisée à l'ANAEM paraissait inutile et rallongeait les délais. Le certificat médical devrait donc pouvoir être réalisé par tout médecin.
Par ailleurs, il a souligné que la procédure d'autorisation de travail peut se compter en mois selon la qualité du dialogue que la direction du travail entretient avec la société concernée et la réactivité de l'inspection du travail. Il a donc proposé de rendre le délai de traitement des demandes d'autorisation de travail opposable à l'administration, l'autorisation étant accordée faute de réponse de la direction départementale du travail dans un délai de deux mois.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, a indiqué qu'il fallait aussi lever l'obstacle fiscal en divisant par deux la fiscalité de l'immigration professionnelle. Il a rappelé que l'immigration de travail représente 9,4 % des titres de séjour en 2007 et 40 % des taxes sur les migrations, affectées à l'ANAEM. Deux taxes étaient applicables aux employeurs de main d'oeuvre étrangère : une redevance forfaitaire de 168 euros et une « contribution forfaitaire » pour l'emploi de travailleurs d'une durée supérieure ou égale à 12 mois. Cette contribution s'élève à 893 euros si le salaire brut est inférieur à 1.525 euros et à 1.612 euros au-delà.
Si cette fiscalité se révèle marginale dans le cas de l'embauche de travailleurs qualifiés, elle est dissuasive pour les travailleurs peu qualifiés, pour lesquels le total des taxes représente un mois de salaire. De nombreux employeurs préfèrent donc faire appel à la prestation de service internationale ou à l'intérim à l'étranger, voire à des solutions moins avouables, afin d'éluder ces taxes.
Il a donc proposé de diviser la fiscalité de l'immigration professionnelle par deux et de la compenser par un relèvement limité des droits applicables à l'immigration familiale ou une amélioration du taux de recouvrement de la contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière. Il a également proposé d'affecter à l'ANAEM une fraction des frais de visas.
La troisième piste consiste à dynamiser les administrations. Ainsi, dans les préfectures, les contacts avec les fédérations professionnelles et les entreprises demanderaient à être développés de façon volontariste.
Au niveau du réseau français à l'étranger, il a regretté que la compétence partagée sur les services des visas entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'immigration ait introduit de la confusion au sein des consulats, là où la création du ministère de l'immigration doit introduire de la cohérence. Il a souhaité que ce réseau soit plus mobilisé : certaines ambassades restent en attente d'un accord de gestion concertée des flux migratoires pour débuter leur action, alors que des outils, tels que les listes de métiers en tension ou les cartes « Compétences et talents », sont déjà à leur disposition.
Faisant le constat que, faute d'effectifs, beaucoup de consulats ne souhaitent pas prendre en charge la responsabilité de l'immigration professionnelle, il a proposé que les délégations de l'ANAEM à l'étranger constituent le pivot de l'immigration économique sans, pour autant, devenir un nouveau réseau autonome, et qu'elles soient donc hébergées dans les consulats.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, s'est enfin demandé comment opérer le rapprochement entre l'offre et la demande d'emploi par delà les frontières. Constatant qu'il manque aujourd'hui, pour assurer le développement de l'immigration économique, un organisme de placement international de la main d'oeuvre, il a estimé que la meilleure source d'information résiderait dans la création, par l'ANPE, d'un site Internet recensant les demandes et les offres d'emploi dans le domaine de l'immigration de travail. Il a ajouté que les accords de gestion concertée des flux migratoires pourraient confier aux administrations des pays d'origine l'organisation de la présélection des candidats, l'initiative privée mettant ensuite en oeuvre le recrutement définitif des travailleurs.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, a enfin abordé la professionnalisation de l'immigration familiale. Il a constaté que la signature du contrat d'accueil et d'intégration donne lieu à une information des droits des personnes concernées, mais à aucune incitation concrète à la recherche active d'un emploi. Il a estimé, par conséquent, que l'ANAEM doit organiser une prise de rendez-vous systématique avec des conseillers de l'ANPE au moment de la signature du contrat d'accueil et d'intégration.
M. Philippe Adnot, président, après avoir remercié le rapporteur pour son exposé, a salué la présence de M. Jean-Yves Audoin, préfet, rapporteur à la 5e chambre de la Cour des comptes, qui a assisté le rapporteur spécial dans certains aspects de son enquête.
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Jean-Yves Audoin, préfet, rapporteur à la 5e chambre de la Cour des comptes, a relevé l'intérêt de l'intervention du rapporteur spécial, en particulier sur l'origine des informations issues de nombreuses sources très diverses, et cela, dans un contexte mouvant, puisque l'administration centrale du ministère de l'immigration ne date que de janvier 2008 et que l'ANAEM elle-même n'a que deux à trois ans d'existence.
Il a souligné que l'immigration économique présente un double aspect, car elle concerne à la fois les travailleurs réguliers et irréguliers, mais aussi les personnes qui sont déjà dans le pays et n'ont pas accès à l'emploi. Il a précisé que le rapport fait valoir un certain nombre d'observations relevées par la Cour des comptes, et qu'il existe des potentialités dans l'administration qui devaient se développer.
M. Christian Gaudin a souhaité savoir à partir de quel moment on se voyait attribuer le statut d'immigrant professionnel et si le passage d'un statut de salarié à celui de chef d'entreprise était possible. Il s'est également interrogé sur l'incidence de l'immigration professionnelle sur le taux de chômage.
Après que M. François Trucy se fut déclaré très intéressé par les pistes de réforme évoquées, M. Philippe Adnot, président, s'est interrogé sur l'existence d'éléments statistiques en matière de définition des besoins.
En réponse, M. André Ferrand, rapporteur spécial, a indiqué qu'il n'avait pas donné de chiffres, mais que les besoins étaient identifiés par le biais des listes fournies par les fédérations professionnelles. D'une manière générale, les principaux secteurs concernés sont le bâtiment et les travaux publics, la restauration, le nettoyage et les services à la personne. Il a regretté que ces besoins ne soient pas ajustés régulièrement, comme cela est pratiqué en Espagne tous les six mois.
A M. Christian Gaudin, le rapporteur spécial a rappelé les trois catégories concernées par l'immigration professionnelle. En premier lieu, figurent les « talents », y compris des chefs d'entreprise qui viennent investir, et qui bénéficient d'un traitement favorable, puis les travailleurs relevant de secteurs professionnels en déficit, et pour lesquels 150 qualifications professionnelles ont été identifiées ; enfin, la dernière catégorie, et la plus importante, relève de l'immigration familiale.
M. Christian Gaudin a souhaité connaître le statut d'un scientifique invité. En réponse, le rapporteur spécial lui a indiqué qu'une telle personne se voyait attribuer une carte de séjour temporaire scientifique, d'une durée d'un an renouvelable, et valable uniquement dans l'organisme d'accueil.
La commission a ensuite donné acte au rapporteur de sa communication et a donné à l'unanimité son accord pour sa publication sous la forme d'un rapport d'information.
Mercredi 25 juin 2008
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.Sénat - Certification des comptes - Communication
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Paul Girod, président de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes, sur la procédure de certification des comptes du Sénat.
M. Paul Girod a rappelé que, tout comme lui, ses prédécesseurs et les membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes s'étaient efforcés d'améliorer le contrôle des comptes du Sénat. Il a souligné que l'implication des Questeurs et des membres du Bureau dans la gestion du Sénat s'était également accentuée au fil des exercices.
Précisant que la première certification des comptes généraux de l'Etat appliquée à ceux de l'exercice 2006 avait donné lieu, de la part de la Cour des comptes, à une réserve spécifique relative aux comptes des pouvoirs publics, il a indiqué que le Premier président de la Cour des comptes avait, à ce sujet, écrit aux Présidents et aux Questeurs des deux assemblées, le 28 août 2006, pour les interroger sur les modalités qu'elles entendaient retenir, dans le respect de leur autonomie, afin de permettre l'intégration de leurs comptes dans ceux de l'Etat.
Le Premier président interrogeait aussi les assemblées sur les conditions dans lesquelles elles satisferaient à l'obligation d'extranéité du contrôle de leurs comptes, leur proposant à cet égard de s'adresser soit à la Cour des comptes elle-même, soit à une entité tierce, jugeant essentiel de permettre à la Cour des comptes de disposer d'une assurance raisonnable sur la régularité, la sincérité et la fidélité de leurs comptes.
Après avoir souligné, que cette demande n'avait pas été adressée aux autres pouvoirs publics, à savoir la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel, M. Paul Girod a précisé que, retenant la solution de l'entité tierce, seule propre à garantir l'autonomie des assemblées parlementaires, les conseils de Questure des deux assemblées avaient, en accord avec leurs présidents et les présidents de leur commission spéciale, conclu une convention avec le Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables le 14 mars 2007. Il a précisé que, dans son rapport sur la certification des comptes de l'exercice 2006, la Cour des comptes avait pris acte de la démarche ainsi engagée par les assemblées parlementaires et avait invité les autres pouvoirs publics à suivre leur exemple.
Il a indiqué que le Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables ainsi chargé de procéder à un examen des comptes du Sénat avait retenu, pour ce faire, les cabinets Deloitte et Scacchi pour l'assister dans l'exercice de sa mission et que ces deux cabinets avaient d'abord procédé, sous l'autorité du Conseil supérieur, à l'adaptation du référentiel comptable du Sénat aux nécessités de l'intégration de ses comptes dans ceux de l'Etat, puis assisté les services dans la préparation du bilan d'ouverture de l'exercice 2007 et enfin procédé à l'examen limité des comptes.
M. Paul Girod a de plus indiqué que, même si rien n'y contraignait le Sénat, ses procédures de contrôle interne avaient été soumises à l'examen des deux cabinets et que d'autres contrôles, comme par exemple le rapprochement des écritures avec celles des correspondants bancaires, avaient été effectués, au point de se rapprocher d'un audit conforme aux diligences accomplies dans les entreprises par un commissaire aux comptes.
Il a ensuite fait état de la réception, le mardi 6 mai 2008, des conclusions du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables et des cabinets qui l'assistaient, aux termes desquelles « il n'avait pas été relevé en 2007 d'anomalies significatives de nature à remettre en cause, au regard du référentiel comptable tel qu'adopté par le Bureau du Sénat, la régularité et la sincérité des comptes et l'image fidèle qu'ils donnent du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine à la fin de cet exercice ».
Il a précisé que la Cour des comptes, au vu de ces conclusions transmises par la commission spéciale, avait, dans son rapport sur la certification du compte général de l'Etat pour 2007, levé la réserve sur les assemblées parlementaires, ce qui constituait un authentique succès, et avait permis l'intégration des comptes des assemblées dans ceux de l'Etat. Il a indiqué, par ailleurs, qu'un audit contractuel serait mis en oeuvre pour l'exercice 2008.
Soulignant que la Cour des comptes avait ajouté que, contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat avait fait évaluer ses engagements de retraites et lui avait remis les observations des deux cabinets sur les dispositifs de contrôle interne mis en place par ses services, il a relevé qu'elle avait pris le soin de demander à la direction générale de la comptabilité publique de mieux faire ressortir l'an prochain qu'elle ne l'avait fait cette année l'affectation des ressources des caisses de retraites du Sénat au seul financement des prestations servies par ces dernières, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat. M. Paul Girod a jugé qu'ainsi l'autonomie des caisses de retraites s'en trouverait renforcée.
Il a ensuite précisé que le nouveau règlement de comptabilité, adopté par le Bureau du Sénat le 13 mai 2008, confiait désormais à la commission spéciale, au-delà du seul contrôle de la régularité des comptes, la mission d'évaluer l'efficacité de la dépense au regard des objectifs fixés par le Bureau et les Questeurs.
Pour conclure, M. Paul Girod a estimé qu'il appartenait au Sénat, en conséquence, de se doter des moyens d'audit propres à renforcer l'assise du Parlement dans le processus de certification des comptes de l'Etat selon une procédure conforme aux normes comptables internationales et surtout respectueuse de l'autonomie des assemblées parlementaires.
M. Jean Arthuis, président, s'est félicité de ce que la commission spéciale ait été imaginative afin de mettre en oeuvre une procédure qui apportait toutes les garanties requises par l'obligation de sincérité et de certification des comptes. Il a estimé que, malgré la séparation des pouvoirs, le patrimoine du Sénat était aussi celui de l'Etat et que, dans le cadre de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes, il convenait qu'y soient intégrés les opérations de gestion et les éléments constitutifs du patrimoine du Sénat.
Il a considéré que le Sénat était libre du choix de l'intervenant externe chargé de sa procédure d'audit et qu'il convenait de se réjouir de l'accord de la Cour des comptes. Considérant que le Sénat était un « laboratoire de l'application » de la LOLF, il a apprécié que sa gouvernance puisse consacrer ce rôle.
M. François Trucy a rendu hommage à l'évolution de la commission spéciale vers plus de transparence et vers l'extranéité du contrôle comptable. Il a considéré que ces initiatives étaient les bienvenues dans le cadre de la certification des comptes généraux de l'Etat.
M. Jean-Jacques Jégou, se référant à sa propre expérience parlementaire, s'est félicité du résultat obtenu dans la difficile mise en place de cette procédure, qui ne pouvait qu'être profitable au Sénat.
Tout en approuvant les propos de M. François Trucy, M. Marc Massion a également apprécié le volontarisme qui avait caractérisé les travaux de la commission spéciale ces dernières années. M. Yann Gaillard est revenu sur la qualité et l'esprit dans lequel les travaux de la commission spéciale avaient été conduits.
La commission a donné acte de sa communication à M. Paul Girod.
Contrôle budgétaire - Administration - Suites données
La commission a ensuite entendu une communication de MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, sur les suites données à leurs activités de contrôle.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé que le contrôle constituait, avec la fonction législative, « l'une des deux raisons d'être du Parlement », ainsi que l'avait souligné le récent rapport d'information de la commission (n° 366, 2007-2008) faisant le bilan de ses activités de contrôle budgétaire.
Dans cette perspective, il a brossé le bilan des six contrôles budgétaires menés, avec son collègue François Marc, rapporteur spécial, entre 2004 et 2007, sur le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la Documentation française, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), le Centre d'analyse stratégique (CAS, ex-Commissariat général du Plan), les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre et, enfin, deux de ces structures consultatives, la commission d'équivalence et la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).
Il a relevé que ce bilan du contrôle budgétaire avait été réalisé malgré des changements de périmètre budgétaire, ce qui illustrait que la vérification de la bonne utilisation des deniers publics était opérée au nom de l'ensemble des membres de la commission. En particulier, il s'est félicité du rapprochement en cours, conformément aux recommandations des rapporteurs spéciaux, entre la Documentation française et les Journaux officiels, dont les crédits avaient été regroupés au sein du budget annexe « Publications officielles et information administrative », suivi par M. Bernard Véra, rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé le champ des organismes contrôlés et la méthodologie utilisée :
- d'une part, il s'agit de structures dont le positionnement interministériel en fait des outils privilégiés du pilotage de la réforme de l'Etat, et dont l'efficacité dépasse ainsi l'enjeu budgétaire du montant des crédits qui leur sont alloués ;
- d'autre part, avait été élaboré un questionnaire de suivi pour chacune des 72 propositions formulées à l'issue des missions de contrôle budgétaire ; il s'est félicité de ce que toutes les questions aient obtenu des réponses, malgré des délais parfois importants pour leur transmission.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a ensuite dressé le bilan qualitatif et quantitatif des recommandations formulées par les rapporteurs spéciaux.
Il a mis en exergue le taux élevé (80 %) de mise en oeuvre totale ou partielle des 72 propositions des rapporteurs spéciaux, en relevant un suivi proche de 100 % au CSA, à la Documentation française, au Centre d'analyse stratégique et à la commission d'équivalence. En revanche, il a déploré que la CIEEMG n'ait pas encore appliqué les trois propositions de la commission la concernant, même s'il a noté que le contrôle de cette instance avait été conclu récemment en 2007 et qui étaient les suivantes :
- évaluer en coûts complets l'activité de la CIEEMG ;
- retenir comme indicateur de performance les délais de traitement des demandes d'agrément préalable et d'autorisations d'exportation de matériels de guerre ;
- dans le rapport au Parlement sur le contrôle des exportations d'armements, signaler les cas de non-déclaration.
Puis M. François Marc, rapporteur spécial, a détaillé le suivi ou, au contraire, la non-application des propositions formulées à l'issue des missions de contrôle budgétaire.
Ainsi, les recommandations de la commission ont été plus particulièrement suivies lorsqu'elles concernaient la gestion et le contrôle internes, qu'il s'agisse de la définition d'instruments de comptabilité analytique au CSA et à la Documentation française, ou de la mise en place d'objectifs et d'indicateurs de performance dans ces deux structures, ainsi qu'à la DGAFP. Dans ce cadre, il a observé que la mise en place de la LOLF avait été saluée comme ayant offert une plus grande liberté de gestion.
De même, il a souligné que la commission d'équivalence s'était dotée des instruments nécessaires à la publication, dès la fin de l'année 2008, d'un rapport annuel d'activité, tandis que cette instance envisageait explicitement un rôle moindre lorsque son expertise serait moins nécessaire ; dans ce cas, les compétences actuelles de la commission d'équivalence seraient progressivement transférées aux administrations des ministères concernés. Il a estimé que cet exemple témoignait de la pertinence d'une évaluation périodique et du maintien ou non de l'ensemble des commissions placées auprès du Premier ministre.
M. François Marc, rapporteur spécial, a cependant souligné la difficulté à traduire en actes certaines réformes administratives.
Tout d'abord, il a rappelé la nécessité d'appliquer certaines des recommandations formulées en ce qui concerne la DGAFP : la stabilisation du cadre budgétaire des mises à disposition de personnel, la diversification du recrutement du directeur général et du directeur et la conclusion, dans des délais rapides, d'un contrat d'objectifs et de performance avec l'Ecole nationale d'administration (ENA).
S'il a relevé la suppression prochaine du Haut conseil du secteur public, dans un projet de loi de simplification du droit qui devrait être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, il a regretté que la commission interministérielle de la météorologie pour la défense ait non seulement été maintenue, mais que son décret constitutif ait été codifié en avril 2007. De même, il a estimé que la création du secrétariat d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques n'avait pas donné lieu à une rationalisation, autour du Centre d'analyse stratégique, des organismes exerçant des fonctions prospectives auprès du Premier ministre.
Après avoir rappelé qu'adopté à l'initiative de la commission, un amendement au projet de loi de finances pour 2008 eût supprimé les crédits du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, il s'est étonné de la parution, en mai 2008, d'un arrêté de nomination d'un membre suppléant à ce comité.
Enfin, il a appelé à renforcer le rôle de la DGAFP dans la réforme de la gestion des ressources humaines, en préconisant, notamment, son association à la définition du plafond des emplois publics prévu par la LOLF.
En conclusion, M. François Marc, rapporteur spécial, a dressé un bilan globalement satisfaisant de la mise en oeuvre des propositions de réforme formulées par la commission à l'issue des contrôles budgétaires, tout en déplorant certains « comportements défensifs de bastilles ministérielles ». Par ailleurs, il a rappelé les conclusions d'un groupe de travail commun entre les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin que les autorités administratives indépendantes relevant de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » constituent un programme spécifique « Défense et protection des droits et des libertés ».
M. Jean Arthuis, président, a relevé que le bilan établi par les rapporteurs spéciaux illustrait concrètement l'intérêt d'opérer un suivi des activités de contrôle budgétaire.
M. Eric Doligé s'est félicité de la suppression annoncée du Haut conseil du secteur public, qu'il avait préconisée de longue date en tant que président de cette instance.
M. Gérard Bailly a estimé que ce suivi des travaux du Parlement pourrait être utilement étendu à d'autres domaines.
M. Jean Arthuis, président, a souligné qu'un taux de mise en oeuvre de 80 % constituait un indicateur de performance flatteur de l'efficacité de l'activité parlementaire.
La commission a enfin décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication des travaux de MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, sous la forme d'un rapport d'information.
Caisse des dépôts et consignations - Résultats de 2007 - Audition de MM. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, sur les résultats de 2007.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que les deux dernières auditions de la Caisse des dépôts et consignations devant la commission avaient concerné des sujets d'actualité spécifiques : le 10 octobre 2007, l'évolution de l'actionnariat d'EADS et, le 6 février 2008, le livret A et le financement du logement social.
Il a précisé que la commission, qui suit attentivement l'activité de la Caisse des dépôts et consignations dans tous les secteurs où elle intervient, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, souhaitait s'informer des résultats du groupe pour l'exercice 2007.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a présenté son rapport annuel.
Il a tout d'abord retracé les traits marquants de l'exercice 2007, et tout d'abord le renouvellement de la présidence de la commission de surveillance et du directeur général, sans que ces mouvements n'affectent le fonctionnement de la gouvernance.
Il a également souligné la performance de la Caisse des dépôts et consignations dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, s'agissant du renouvellement des partenariats avec le Conseil supérieur du notariat, la Chambre des huissiers de justice et la Chancellerie, la gestion de nouveaux fonds et celle de la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) dans un contexte de besoins élevés.
Il s'est félicité de ce que la direction des retraites, qui gère 51 institutions de retraite pour 3,3 millions de bénéficiaires et 7 millions de cotisants, ait conforté sa place d'acteur de référence. Il a souligné que l'année 2007 avait confirmé l'importance du réseau territorial de la Caisse des dépôts et consignations et marqué une progression des investissements directs, des prêts sur fonds d'épargne et de l'accompagnement des politiques publiques.
Il a évoqué ensuite la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au « Grenelle de l'environnement » : création du fonds « Biodiversité » et élaboration du plan stratégique « Elan 2020 », appelé à clarifier les doctrines d'action du groupe et à optimiser sa performance.
Abordant ensuite les résultats de l'exercice 2007, M. Michel Bouvard a estimé qu'ils confirmaient la solidité financière du groupe. Le résultat net en normes international financial reporting standards (IFRS) s'élève à 2.488 millions d'euros contre 1.694 millions d'euros en 2006, hors la plus-value de cession de titres de la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE). La gestion des actifs financiers a permis de dégager 1.483 millions d'euros de plus-values. Aucun défaut n'a été constaté sur le portefeuille de la section générale, comme sur celui des fonds d'épargne, depuis le début de la crise financière, et aucune exposition directe n'a été identifiée sur le marché hypothécaire à risque américain.
Il a indiqué que le dividende versé à l'Etat au titre de 2007 s'élèverait à un tiers du résultat net consolidé, soit 829 millions d'euros, un autre tiers étant consacré aux investissements d'intérêt général et le dernier tiers étant affecté aux fonds propres.
M. Michel Bouvard a exposé les dispositions de la loi de modernisation de l'économie concernant la Caisse des dépôts et consignations. Saluant la qualité du dialogue conduit avec les parlementaires, il a relevé cinq acquis principaux concernant la gouvernance :
- la reconnaissance législative du règlement intérieur ;
- la modification de la composition de la commission de surveillance pour intégrer trois personnalités qualifiées et un second sénateur, permettant une représentation de l'opposition de chacune des deux assemblées ;
- la mise en place d'un nouveau comité des investissements, qui avait été suggérée suite aux circonstances dans lesquelles la Caisse des dépôts et consignations avait accru sa participation dans EADS ;
- la définition des modes de concours de la Commission bancaire qui prendront en compte la spécificité de la Caisse des dépôts et consignations ;
- l'officialisation du rôle d'investisseur à long terme qui contribue, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, au développement des entreprises de la Caisse.
Abordant alors la question de l'ouverture de la distribution du Livret A à l'ensemble des réseaux bancaires, M. Michel Bouvard a souligné :
- le caractère prioritaire du coût de la ressource pour le logement social ;
- la nécessité que la commission de surveillance puisse être saisie pour avis du taux de commissionnement des réseaux bancaires ;
- le souhait de voir inscrit dans la loi un taux plancher de centralisation des livrets à la Caisse des dépôts et consignations pour assurer un volume équivalent au volume actuel ;
- la nécessité que la part de la collecte conservée par les banques soit utilisée à des prêts pour des missions d'intérêt général, dans le périmètre des prêts actuellement liés au livret de développement durable ;
- le besoin d'une politique clairement définie sur les emplois autres que le logement social et la politique de la ville.
En conclusion, M. Michel Bouvard a insisté sur le rôle de la commission de surveillance et la nécessité d'assortir les missions de la Caisse des dépôts et consignations d'objectifs et d'indicateurs permettant d'en mesurer l'évolution et intégrant la notion de développement durable.
M. Jean Arthuis, président, s'est félicité des bons résultats 2007 de la Caisse des dépôts et consignations, dont il a rappelé le rôle majeur dans le financement de l'économie et de la sphère publique.
M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a estimé que les bonnes performances réalisées en 2007 permettaient d'illustrer la solidité du modèle économique de la Caisse des Dépôts. Il a aussi estimé que, depuis juin 2007, avaient été écartées les incertitudes sur la mission du groupe. Il a évoqué, à cet égard, le plan « Elan 2020 » et la reconnaissance du rôle d'investisseur de long terme de la Caisse des dépôts et consignations.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a précisé que la progression des résultats du groupe était due, pour 47 %, à des plus-values sur actions et à la reprise de provisions à caractère durable.
Il a observé qu'à l'inverse des années précédentes, le résultat était réparti inégalement entre l'établissement public et les filiales qui n'y contribuent qu'à hauteur de 37 %. Il a indiqué que l'objectif retenu était celui d'un retour à l'équilibre et souligné que le caractère volatil des fonds propres s'accentuerait, en conséquence de l'application des nouvelles normes IFRS.
Puis il a présenté les résultats des différentes filiales de la Caisse des dépôts et consignations en insistant particulièrement sur la création d'un pôle « infrastructures », dont la contribution aux résultats du groupe s'est élevée à 50 millions d'euros en 2007.
Concluant sur les objectifs 2008 du groupe Caisse des dépôts, M. Augustin de Romanet a rappelé ses quatre priorités stratégiques spécifiques, qui comprennent le logement et la ville, les universités, les PME et l'environnement. Il a souligné, notamment, la contribution de la Caisse des dépôts et consignations à l'accompagnement de la politique de la ville et la nécessité de faciliter la démarche d'ouverture de leur capital par les PME.
M. Alain Lambert a rappelé que la commission avait consacré un rapport d'information au système bancaire français qui, en son temps, préconisait la banalisation de la distribution du livret A et la centralisation à la Caisse des dépôts et consignations de la totalité du produit de la collecte, centralisation garantissant un emploi des fonds conforme à la volonté du législateur. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité, pour la Caisse des dépôts et consignations, de soutenir le développement des éoliennes et l'a invitée à analyser le modèle économique qui motivait ce soutien.
M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la stratégie de la Caisse des dépôts et consignations à l'égard des fonds souverains.
Mme Nicole Bricq a souhaité que soient explicités les liens éventuels entre le « Club des investisseurs de long terme », récemment mis en place par la Caisse des dépôts, et les fonds souverains. Elle s'est interrogée sur le rôle que comptait jouer la Caisse dans le développement d'un marché du carbone. Elle a également demandé que soient précisées les intentions de la Caisse des dépôts et consignations en matière de partenariats public-privé (PPP).
M. Philippe Dallier s'est félicité de l'intervention de la Caisse en matière de financement du logement social et du versement effectif de 100 millions d'euros à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), annoncé au cours des débats budgétaires. Il s'est demandé si la Caisse des dépôts et consignations disposait d'outils de pilotage permettant de juger si les crédits de paiement dévolus à l'ANRU étaient correctement calibrés et si elle comptait intervenir dans les programmes de rénovation des centres-villes dégradés. Il s'est interrogé sur les conditions de la vente du parc immobilier d'Icade.
Evoquant la problématique du développement durable, M. Claude Belot a jugé que la Caisse des dépôts et consignations était davantage fondée à soutenir le développement de la biomasse et des réseaux de chaleur, portés par les collectivités territoriales, qu'à investir dans le photovoltaïque et l'éolien, qui bénéficiaient déjà de conditions de marché favorables.
M. François Trucy a souhaité connaître l'activité de la Société nationale immobilière (SNI) s'agissant des programmes immobiliers de l'armée et comment était anticipée la révision de la carte militaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité des conditions d'entrée de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital d'Eiffage. Il a toutefois observé que la Caisse était susceptible d'intervenir en qualité de financeur aux côtés de consortiums comprenant la société Eiffage. Il a donc souhaité obtenir des éclaircissements sur l'inviolabilité de la « Muraille de Chine » séparant, au sein de la Caisse, son rôle d'actionnaire d'Eiffage de celui de bailleur de fonds dans le cadre d'opérations d'intérêt général. Il s'est enfin interrogé sur la compatibilité de certains taux attractifs pratiqués par la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre de PPP, avec les règles du marché européen.
M. Jean-Jacques Jégou a salué la clarification des axes stratégiques de l'action de la Caisse des dépôts et consignations. Il s'est interrogé sur l'évolution des relations entre la Caisse et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et le Fonds de réserve des retraites (FRR), ainsi que sur l'opportunité pour elle de soutenir l'industrie du médicament.
M. Michel Charasse a souhaité connaître le montant des avances consenties à la sécurité sociale en 2007 par la Caisse et de leur plafond. M. Yann Gaillard s'est interrogé sur les modalités d'élargissement du livret A à l'ensemble des intermédiaires financiers.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité, à son tour, obtenir des précisions sur l'entrée de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital d'Eiffage et interrogé ses représentants sur les résultats attendus en 2008.
En réponse, M. Augustin de Romanet a rappelé que les éoliennes devaient contribuer à 88 % de l'objectif de développement des énergies renouvelables fixé par le gouvernement à l'horizon 2020, et que l'offre privée ne suffirait probablement pas à atteindre ce résultat.
Il a confirmé que le « Club des investisseurs de long terme » a effectivement vocation à « apprivoiser » certains fonds souverains, qui pourraient contribuer au développement économique de notre pays.
En matière de développement durable, la Caisse des dépôts et consignations a lancé un programme de recherche en partenariat avec le ministère de l'industrie et de la recherche et l'université de Dublin sur le système 2008-2012 d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (GES) et créé un logiciel de gestion de ces émissions. Elle s'est également dotée d'une filiale de courtage gérant les quotas de CO2 sur un marché de plus de 10.000 émetteurs européens et elle possède 40 % de Bluenext, bourse mondiale du carbone. Elle a enfin créé « CDC Biodiversité », première société permettant de mutualiser la compensation des atteintes à la biodiversité.
M. Augustin de Romanet a ensuite évoqué la question des PPP, pour souligner que la Caisse avait vocation à introduire une dose supplémentaire de concurrence sans pour autant « casser le marché ». Il a précisé que les collectivités territoriales souhaitaient l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations en la matière. S'agissant du parc de logements d'Icade, il a démenti toute hypothèse de cession globale et indiqué que les cessions réalisées par Icade concerneraient au premier chef les organismes d'habitations à loyer modéré. Par ailleurs, la SNI gère 11.000 logements domaniaux, 27.000 logements réservés pour les militaires, et 5.500 logements pour les gendarmes. Certains logements vacants commencent à être vendus sur le marché local.
M. Augustin de Romanet a confirmé qu'une séparation claire existait entre les attributions de la Caisse des dépôts et consignations en tant qu'actionnaire d'Eiffage et sa vocation de financeur d'opérations d'intérêt général. Il a indiqué que le prix d'Eiffage résultait de l'interaction normale qui s'opère entre vendeur et acheteurs et que la Caisse des dépôts et consignations pouvait payer un prix légèrement supérieur à celui de la Bourse, dans la mesure où elle achetait un bloc de l'ordre de 10 % qui permettait de détenir près de 20 % de la société. Le supplément payé constituait donc en quelque sorte une « prime de bloc ». Il a enfin précisé que la Caisse des dépôts et consignations investissait dans les biotechnologies, citant des investissements récents dans un fonds d'amorçage en sciences de la vie (Biodiscovery) ainsi que dans le fonds « Génopole 1er Jour » créé dans le cadre du Génopole d'Evry.
M. Michel Bouvard a souscrit à l'analyse de M. Alain Lambert quant à la distribution du livret A. La Caisse doit continuer à disposer d'un volume de ressources suffisant pour assurer le financement du logement et de la politique de la ville, entre autres. Ce volume devrait s'accroître, à court terme, en raison du taux attractif du livret A - des doutes pesant sur d'autres produits financiers - et d'une conjoncture incertaine encourageant les comportements d'épargne. Il conviendra toutefois de « moraliser » la part de la collecte revenant aux établissements bancaires en rendant obligatoire son affectation à des missions d'intérêt général telles que les prêts aux PME.
S'agissant des relations avec l'ANRU, la Caisse des dépôts a découvert en cours d'exercice qu'elle devait garantir une partie des ressources de l'agence. Elle a souhaité que cette contribution soit formalisée par avenant à la convention avec l'ANRU et que son emploi soit clairement précisé.
M. Michel Bouvard a précisé que les besoins annuels de trésorerie de l'ACOSS étaient couverts selon une logique de double seuil et que la Caisse n'était pas en mesure de faire face à des besoins supérieurs à 31 milliards d'euros, nonobstant le plafond de 36 milliards d'euros prévu par la loi de financement de la sécurité sociale. La Cour des comptes ayant évoqué la question de la frontière entre consolidation et avances de trésorerie, il a estimé qu'une situation caractérisée par de tels besoins de trésorerie ne pouvait perdurer sans qu'il soit procédé à des remboursements en cours d'année.
La Caisse des dépôts a enfin un rôle d'intermédiaire à jouer pour mobiliser certains fonds souverains souhaitant procéder à des investissements à long terme, et pour garantir qu'ils ne soient pas animés par une logique d'appropriation d'actifs stratégiques. Les investissements en infrastructures et en matière d'environnement ont besoin d'importantes ressources et sollicitent de façon privilégiée des investisseurs acceptant une rentabilité différée. Pour cette raison, le recours aux fonds souverains peut être utile, dûment encadré par des règles et doctrines que la Caisse pourrait contribuer à établir.
M. Augustin de Romanet a enfin précisé les modalités d'évolution du taux de rémunération des avances à l'ACOSS, compte tenu de la contrainte de liquidité résultant de la crise des subprimes.
Loi de finances pour 2009 - Débat d'orientation - Audition de MM. Philippe Séguin et Christian Babusiaux
La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes et Christian Babusiaux, président de la 1ère chambre, préalable au débat d'orientation des finances publiques.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission avait déjà auditionné le Premier président de la Cour des comptes, le 4 juin 2008, à l'occasion des rapports de la Cour des comptes relatifs à la certification des comptes de l'Etat pour 2007 et à l'exécution budgétaire de 2007. Cependant, il a souligné que c'était la première fois que la commission procédait à une audition relative au rapport préliminaire que la Cour des comptes présente en application de l'article 58-3° de la LOLF.
Ce rapport tend à replacer les résultats de l'exercice 2007 dans une perspective de moyen terme et à livrer les premières analyses des conditions d'exécution de la loi de finances pour 2008. A ses yeux, cette intervention de la Cour des comptes, « spectateur engagé » de la politique budgétaire, revêt d'autant plus d'importance qu'elle s'inscrit, avec la révision constitutionnelle en cours de discussion au Parlement, dans la perspective de l'introduction de lois de programmation des finances publiques et, par ailleurs, d'un meilleur encadrement des niches fiscales.
Il a tout particulièrement souhaité connaître les analyses de la Cour des comptes quant aux moyens, pour la France, de se conformer aux engagements souscrits, à l'horizon de 2012, dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance européen.
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a tout d'abord mis en relief la dégradation subie, en 2007, par la situation d'ensemble des finances publiques, en soulignant que le déficit public, après trois années consécutives de baisse, était passé de 2,4 à 2,7 % du PIB. La dette publique, pour la cinquième année consécutive, a dépassé le seuil de 60 % du PIB. S'élevant officiellement à 63,9 % du PIB, elle représente l'équivalent, pour chaque actif occupé, d'un endettement de 47.000 euros, avec un coût annuel de 2.000 euros de charges financières. Selon la Cour des comptes, elle serait proche de 65 % si l'on prenait en compte certaines des dettes portées par des entreprises publiques, telles que Réseau ferré de France.
Cette dégradation, d'après la Cour des comptes, ne résulte pas d'une croissance économique insuffisante. La plupart des Etats européens, en particulier les membres de la zone euro, ont profité de la croissance de ces dernières années pour accélérer l'assainissement de leurs finances publiques. Seule, la Grèce, au sein de la zone euro, et la Grande-Bretagne enregistrent des résultats plus mauvais que la France. Le déficit public de celle-ci est donc structurel, et un affaiblissement de la conjoncture risque de le faire passer au delà de la limite des 3 % de PIB.
La première cause tient au dynamisme des dépenses publiques : leur croissance en volume, en 2007, a été supérieure à la moyenne constatée sur les dix dernières années (2,5 % contre 2,2 %). Alors que les dépenses publiques des Etats voisins ont été réduites, depuis une vingtaine d'années, à la suite de révisions systématiques des politiques publiques, la France est en passe de devenir le pays d'Europe où le poids des dépenses publiques est le plus lourd (plus de 52 % du PIB). Seule, la Suède enregistre encore un taux supérieur, mais ses efforts de contraction budgétaire devraient modifier cette situation en 2009. L'Allemagne, quant à elle, a réduit ses dépenses de 48,5 % du PIB en 2003 à 44,0 % du PIB en 2007, soit une diminution de l'ordre d'un point de PIB par an pendant cinq ans. Les dépenses publiques françaises dépassent ainsi celles de l'Allemagne de plus de huit points de PIB, soit 160 milliards d'euros, équivalant à nos dépenses annuelles d'assurance maladie.
La seconde cause tient à une politique budgétaire « pro-cyclique » : lorsque la croissance est forte, les dépenses publiques sont accrues ou les impôts réduits, ce qui empêche les finances publiques de profiter du surcroît de recettes auquel cette croissance devrait donner lieu.
M. Philippe Séguin a alors fait le point de la situation financière des trois grandes catégories d'administrations publiques : les collectivités territoriales, la sécurité sociale, l'Etat.
S'agissant des premières, il a indiqué que les investissements se sont accrus, en 2007, dans un contexte marqué par des transferts importants de compétences de l'Etat. La hausse de l'endettement, observée depuis 2004, s'est poursuivie, mais est restée parallèle à celle du PIB, et les taux d'endettement demeurent modérés, avec des capacités moyennes de désendettement variant de 2 à 4 ans pour les régions et départements, de 6 à 7 ans pour les communes et leurs groupements. En revanche, les sections de fonctionnement des collectivités territoriales, quoique obligatoirement équilibrées, doivent supporter des charges d'intérêt qui, du fait de la remontée des taux, ont augmenté de 9,2 %.
Par ailleurs, les dépenses des collectivités territoriales ont connu un fort dynamisme en 2007, traduit par un besoin de financement de 0,4 % du PIB. Elles ont progressé, globalement, de 6,5 %, et de 9,5 % pour les seules dépenses de personnel. La Cour des comptes, tout en reconnaissant qu'une partie des dépenses transférées est appelée à croître rapidement, estime que les dépenses hors transferts de compétences ont augmenté de 5,3 %.
Or le produit des impôts locaux directs (62,5 milliards d'euros) s'est ralenti en 2007, n'augmentant que de 3,2 %, contre 6 % en 2006. Si les bases de la fiscalité locale restent dynamiques, elles ont été amoindries par les récentes réformes de la taxe professionnelle. En outre, on constate une modération des taux d'imposition, qui ont quasiment stagné pour les communes et leurs groupements, après plusieurs années de hausse. L'accroissement de la fiscalité locale a surtout résulté des impôts indirects (+ 13,6 %, contre + 8,4 % en 2006), du fait des transferts de fiscalité de l'Etat. La croissance des droits de mutation, bénéficiant surtout aux départements, est également demeurée forte, grâce à la hausse des prix de l'immobilier ancien.
Pour leur part, les dotations et subventions de l'Etat, représentant au total 56,8 milliards d'euros, ont progressé de 2,9 % en 2007, contre 4,8 % en 2006. En incluant la compensation des dégrèvements et admissions en non-valeur des impôts locaux (13,5 milliards d'euros), ainsi que la fiscalité transférée (19,6 milliards d'euros), les concours financiers de l'Etat ont atteint 90 milliards d'euros en 2007 (soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2006).
M. Philippe Séguin a fait observer que la situation des collectivités territoriales, bien que tendue, ne constituait pas, actuellement, un problème majeur. L'endettement des collectivités ne représente que 11 % de la dette publique, contre 80 % pour l'Etat : on ne saurait donc en faire un « bouc émissaire » de la dégradation des finances publiques.
Evoquant ensuite les administrations de sécurité sociale, il a avant tout souligné le contraste qui opposait le régime d'indemnisation du chômage (UNEDIC) et les régimes de base. En effet, l'UNEDIC, du fait de la baisse de la demande d'emploi, avec plus de 3,5 milliards d'euros d'excédents en 2007, a commencé de se désendetter, bien que son « stock » de dette se monte encore à 9,5 milliards d'euros. A l'inverse, les régimes de base de sécurité sociale connaissent un déficit annuel de plus de 10 milliards d'euros.
Ainsi, la dette « sociale » a atteint 130 milliards d'euros à la fin de l'année 2007. Le régime général, en déficit d'une dizaine de milliards d'euros par an depuis 2003, n'avait jamais connu une période aussi longue de déficit si profond. Selon la Cour des comptes, le fait marquant des dernières années, malgré les décisions de relèvement des prélèvements sociaux, est la multiplication des « niches » sociales, qui porte atteinte aux recettes de la sécurité sociale.
D'autre part, les dépenses d'assurance maladie ont progressé de 4,2 % en 2007, contre 3,1 % en 2006, tandis que les dépenses de retraite restaient dynamiques (2,1 milliards d'euros, contre 1,8 milliard d'euros en 2006). Le déficit de la branche vieillesse s'avère désormais supérieur à celui de la branche maladie.
Les dépenses de l'Etat, en 2007, sont apparues comme « mieux maîtrisées », même si le respect de la norme de dépense n'a été rendu possible que grâce à un accroissement des charges à payer en fin d'exercice (à hauteur de 7,5 milliards d'euros) et par des opérations de « débudgétisation ». Par ailleurs, M. Philippe Séguin a souligné la stagnation des recettes fiscales nettes (266 milliards d'euros, contre 265 milliards d'euros en 2004). Bien que les recettes fiscales « spontanées », sous l'effet de la croissance, aient progressé, entre 2004 et 2007, de 51 milliards d'euros, celles-ci ont été utilisées en transferts d'impôts et de taxes à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales (pour 28 milliards d'euros), ainsi qu'en allégements d'impôts (pour 22 milliards d'euros).
Le solde global de financement de l'Etat et des organismes divers d'administration centrale (ODAC) est passé, de 2006 à 2007, d'un déficit de 41 milliards d'euros à un déficit de 46,8 milliards d'euros, tandis que la dette globale de cet ensemble augmentait de 908 milliards d'euros (soit 50,2 % du PIB), à 953 milliards d'euros (soit 50,6 % du PIB). Les ODAC liés à l'Etat ont enregistré, en 2007, un besoin de financement global de 7,6 milliards d'euros, alors qu'ils dégageaient une capacité de financement de 6,4 milliards d'euros en 2006, et de 3 milliards d'euros en moyenne sur les cinq dernières années.
Pour l'essentiel, cette dégradation s'explique par l'évolution de la Caisse de la dette publique, dont l'excédent de 4,9 milliards d'euros, en 2006, a fait place à un déficit de 4,9 milliards d'euros, en 2007, du fait des opérations réalisées pour l'Etat, notamment le remboursement de la dette au régime général de la sécurité sociale (soit 5 milliards d'euros). En outre, Charbonnages de France, dissous le 31 décembre 2007, a enregistré, lors de son dernier exercice, un besoin de financement à hauteur de 300 millions d'euros, après un excédent de 2 milliards d'euros en 2006. De même, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui avait reçu fin 2005 une dotation exceptionnelle de 4 milliards d'euros issue des produits de cession des sociétés d'autoroutes, a connu un besoin de financement à hauteur de 900 millions d'euros en 2006 et d'1,3 milliard d'euros en 2007.
Puis M. Philippe Séguin s'est attaché aux perspectives pour 2008 et 2009, qu'il a jugées « peu encourageantes ». Les prévisions rendues publiques en avril 2008 par le Gouvernement chiffrent le déficit public pour 2008 à 2,5 % du PIB, contre 2,7 % en 2007. Cette baisse proviendrait, pour moitié, des collectivités territoriales, sous l'effet d'un ralentissement de leurs dépenses. Au vu de l'évolution des dernières années, il a considéré que cette hypothèse était, pour le moins, « incertaine ».
La prévision de réduction du déficit suppose également que les recettes fiscales soient conformes aux évaluations de la loi de finances initiale, en dépit de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB. Or, si la reprise de l'inflation laisse espérer de meilleures recettes de TVA, de fortes incertitudes pèsent sur le produit de l'impôt sur les sociétés, puisque le quart de son produit provient du secteur bancaire. En outre, selon la Cour des comptes, la hausse des taux d'intérêt, observée depuis 2007, et la reprise de l'inflation risquent d'entraîner, par les mécanismes d'indexation, une pression sur les dépenses dès 2008, et surtout en 2009.
M. Philippe Séguin a alors rappelé que le programme de stabilité est d'abord fondé sur l'hypothèse d'une progression de la dépense publique, en volume, d'1,1 % par an, soit une division par deux du rythme observé ces dernières années. Les dépenses de l'Etat seraient ainsi stabilisées, celles de la sécurité sociale progresseraient de 2 % environ par an ; en revanche, le rythme de progression des dépenses des collectivités territoriales, en volume, serait ramené de 4,2 à 1,4 % par an.
La seconde hypothèse sous-tendant ce programme a trait à l'accélération de la croissance. Du fait des réformes de structure mises en oeuvre sur la période, le Gouvernement retient, en effet, un niveau de croissance de 2,5 % à 3 % du PIB, qui, par les suppléments de recettes qu'il engendrerait, permettrait d'atteindre l'équilibre en 2012. Si la France ne parvenait pas à ces taux de croissance, mais restait sur une tendance de 2 %, le déficit serait encore d'1,2 % du PIB en 2012.
M. Philippe Séguin a fait valoir que les réformes structurelles étaient d'autant plus nécessaires que la France, comme les autres pays, aurait à affronter des enjeux de long terme, en matière de dépenses publiques, essentiellement liés au vieillissement de la population mais, aussi, à l'environnement et au réchauffement climatique. Dans ce contexte, la Cour des comptes préconise de renforcer les instruments de pilotage global. A ce titre, la mise en place du Comité des finances publiques (COFIPU) lui apparaît comme une initiative pertinente, à la condition que cette instance soit régulièrement réunie. Elle accorde également un grand crédit à la création d'une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, annoncée par le Gouvernement, qui viserait à soumettre au Parlement une stratégie financière concernant, pour trois ans, toutes les administrations publiques, et à fixer des plafonds de dépenses par grande politique publique. Elle recommande notamment de renforcer le caractère pluriannuel du pilotage financier dans les administrations sociales et locales et estime opportun de retenir, pour les collectivités territoriales, des objectifs tendanciels visant les effectifs et les dépenses de personnel et, pour la sécurité sociale, une règle d'équilibre des comptes, sur moyenne période.
Par ailleurs, M. Philippe Séguin a mis en exergue l'importance de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Cependant, il a rappelé que les mesures déjà annoncées dans ce cadre, principalement le non-remplacement d'un fonctionnaire partant en retraite sur deux, n'entraîneraient, selon le Gouvernement, qu'une économie évaluée à 7,7 milliards d'euros à l'horizon de 2012, dont 1,7 milliard d'euros serait réaffecté à l'amélioration de la situation des fonctionnaires. L'économie nette attendue se révèle donc, pour le moment, de 6 milliards d'euros, alors que le respect du programme de stabilité supposerait des économies à hauteur de 46 milliards d'euros.
Il a donc appelé à une prise de conscience, de la part de l'opinion publique, quant aux coûts du déficit public et, partant, de l'endettement, qui mettent en péril la pérennité des systèmes publics.
Un débat s'est alors engagé.
M. Jean Arthuis, président, a jugé la situation budgétaire « préoccupante » et a rappelé l'analyse conduite par M. Philippe Marini, rapporteur général, concluant à un retour à l'équilibre des finances publiques à l'horizon de 2012, à la seule condition de réaliser 80 milliards d'euros d'économies.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué le débat en cours sur la révision de la Constitution de la Ve République et a rappelé le dépôt d'un amendement notamment cosigné par MM. Jean Arthuis, Alain Lambert visant à faire valider en loi de finances initiale toute mesure ayant un impact financier, et en l'espèce toute dépense fiscale.
Il a souligné la nécessité d'adopter une stratégie globale de rééquilibrage prenant en compte non seulement le « volet dépenses », mais encore l'aspect « recettes ». Il a estimé qu'il convenait d'appuyer le rééquilibrage souhaitable sur un meilleur rendement des recettes, passant notamment par un élargissement de l'assiette fiscale.
Il a considéré que les finances des collectivités territoriales ne pouvaient être assimilées à celles de l'Etat et des organismes sociaux. Il a, en effet, rappelé que ces collectivités étaient régies par un principe d'autonomie et que la Cour des comptes devait prendre pleinement la mesure des besoins auxquels elles avaient à faire face. Il a ajouté que, dans ce contexte, les collectivités territoriales devaient aussi assumer leurs responsabilités, notamment par la levée de l'impôt.
Il s'est, enfin, interrogé sur le moyen de mettre à profit le principe de pluriannualité dans le cadre de la stratégie de rééquilibrage des finances publiques.
M. Philippe Séguin a précisé que la contribution des collectivités territoriales à la réalisation des objectifs fixés par le pacte de stabilité était différemment prise en compte par la Cour des comptes et l'Etat. Il a douté que les dépenses de ces collectivités puissent être réduites des deux tiers, comme le supposait pourtant le Gouvernement dans son scénario de retour à l'équilibre.
M. Christian Babusiaux, président de la 1ère chambre de la Cour des comptes, a souligné qu'une programmation pluriannuelle ne dispenserait jamais d'une saine gestion annuelle, dans la mesure où les économies et les réformes étaient à engager à court terme. Il a ajouté que, dans la perspective de la pluriannualité, le budget 2009 présentait une importance toute particulière et se devait, pour ne pas hypothéquer l'avenir, d'être correctement doté. Il a estimé que la programmation pluriannuelle supposait un encadrement des dépenses fiscales et a rappelé que la Cour des comptes proposait qu'une trajectoire pour les finances de l'Etat soit fixée en amont, afin de constituer un repère pour juger de la gestion en cours de programmation.
Il a, en outre, insisté sur la nécessité d'inscrire également la politique de rémunération des agents publics dans une perspective de long terme, afin de satisfaire les exigences de la pluriannualité budgétaire. De même, il a souligné qu'en matière de comptes sociaux, la programmation sur plusieurs années supposait une individualisation des mesures mises en oeuvre pour parvenir à un rééquilibrage des finances sociales.
M. Alain Lambert a estimé que les liens entre l'Etat et les collectivités territoriales se caractérisaient par une « relation de défiance mutuelle », qu'il convenait de transformer en une « relation de confiance mutuelle ». Il a indiqué qu'il s'agissait de clarifier les malentendus accumulés, en la matière, au fil des années et que l'Etat ne pouvait se contenter d'être toujours un prescripteur, tandis que les collectivités territoriales étaient réduites à un rôle de payeur.
Il a rappelé la lourdeur des dépenses assumées par les conseils généraux en matière de dépendance et de handicap. A cet égard, il s'est interrogé sur les conséquences des décisions prises par l'Etat et la capacité des collectivités territoriales à les assumer. Il a suggéré qu'une enquête menée par les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) apporte un éclairage sur cette question.
M. Philippe Séguin a regretté que les collectivités territoriales soient privées de toute visibilité sur leur politique budgétaire et sur leur capacité à conduire une action sur le moyen terme. Il a estimé que si le département était la première victime des décisions prises par l'Etat, les autres collectivités territoriales en subissaient également les conséquences.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que de telles difficultés pouvaient amener à repenser la structuration des compétences des collectivités territoriales.
M. Philippe Séguin a indiqué que les juridictions financières réfléchissaient également à leur organisation territoriale et à leur répartition de compétences. Il a rappelé que les CRTC ne pouvaient ainsi pas, en l'état actuel du droit, participer à une enquête menée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la LOLF.
M. Jean-Jacques Jégou a estimé que la situation budgétaire était critique et a déploré, en matière de finances sociales, un certain décalage entre les messages délivrés et la réalité des chiffres. Il a regretté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'offre pas la possibilité de réellement traiter des questions relevant de la politique de la santé. Il s'est interrogé sur la capacité du Parlement à rétablir une certaine clarté dans le débat concernant le budget de la sécurité sociale.
M. Philippe Adnot a affirmé que la gestion pouvait être améliorée, si elle s'appuyait sur une analyse comparative entre les pratiques des différents Etats ainsi que des différentes collectivités territoriales de même taille. Il a estimé que le regroupement des collectivités territoriales ne constituait pas une panacée, dès lors qu'il s'accompagnait la plupart du temps d'un alignement « par le haut » de la dépense. Il a, en outre, regretté une inflation législative à l'origine de dépenses supplémentaires et s'est prononcé en faveur d'une démarche privilégiant l'aspect qualitatif de la dépense.
Il a dénoncé la tendance de certaines administrations, depuis les premières lois de décentralisation, à chercher à reconquérir une part de leur pouvoir en imposant de nouvelles et coûteuses contraintes règlementaires. Il a ajouté que le mouvement vers l'intercommunalité ne devait pas systématiquement s'accompagner d'une hausse des crédits de fonctionnement, mais devait privilégier les dépenses d'équipement. Il a, en outre, souligné l'importance d'optimiser les crédits de personnels, toutes les dépenses dans ce domaine n'ayant pas la même valeur pour la collectivité qui les engage.
M. Jean Arthuis, président, a estimé que l'inscription du principe de programmation pluriannuelle dans la Constitution n'empêchait pas de faire l'économie d'une réflexion en profondeur sur les moyens désormais mis à la disposition des politiques publiques.
Jeudi 26 juin 2008
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.Contrôle budgétaire - Action culturelle à l'étranger - Communication
La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur l'action culturelle à l'étranger.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a rendu compte de son contrôle sur pièces et sur place de l'action culturelle à l'étranger. Il a indiqué que ce travail succédait à un grand nombre de rapports, dont celui de son collègue Louis Duvernois rédigé, en 2004, au nom de la commission des affaires culturelles, intitulé « Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence ».
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a jugé qu'une démarche « lolfienne » d'évaluation de la performance et de l'efficience de notre activité culturelle à l'étranger était aujourd'hui nécessaire. Il a rappelé qu'il avait fait adopter, au cours des dernières années, plusieurs amendements relatifs à l'action culturelle à l'étranger et qu'après ces différentes initiatives, il avait souhaité conduire une approche plus globale.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a expliqué par ailleurs qu'un article de l'édition européenne du « Time magazine » sur la mort supposée de la culture française l'avait conduit à s'interroger sur notre « rayonnement culturel ». Il a donc effectué des déplacements dans un échantillon de pays et de villes, où il y a eu traditionnellement un « appétit de culture française » : Tokyo, Kyoto, Buenos Aires, Hambourg, Varsovie, Le Caire, New York, San Francisco, et a organisé une vingtaine d'auditions au Sénat, avec les administrations, mais aussi et surtout avec des personnalités culturelles, qui l'ont amené aux constats suivants.
Tout d'abord, contrairement à une idée largement répandue, nous consacrons des moyens très substantiels à l'action culturelle, scientifique et universitaire à l'étranger, de l'ordre de plus d'1 milliard d'euros en 2007.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué que la tendance actuelle n'étant pas de regrouper l'ensemble de ces crédits sur une seule mission, mais au contraire de les répartir sur un nombre croissant de budgets : l'audiovisuel extérieur (20 % du total) a ainsi été intégré dans une holding et sorti du périmètre du Quai d'Orsay. De son point de vue, ce phénomène correspond à un problème de légitimité du ministère des affaires étrangères dans le pilotage stratégique de l'action culturelle à l'étranger.
Il a insisté sur deux questions :
- tout d'abord, les crédits sont très importants par rapport à nos partenaires européens. La France disposait ainsi en 2007 de 60 centres culturels dans les pays développés, et de 85 dans les pays émergents ou en développement, auxquels il faut ajouter des instituts, soit un total de 145 centres ou instituts. 220 alliances françaises sont dirigées par un agent de l'Etat expatrié et 255 autres alliances françaises bénéficient de financements plus modiques de la part de nos postes à l'étranger. Si l'on considère que 158 pays accueillent une ambassade française à l'étranger, on parvient à 3,9 centres culturels ou alliances françaises par pays où nous sommes présents.
Il a précisé que les alliances françaises étaient autofinancées, comme les centres culturels l'étaient parfois, mais de manière très variable.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a tenu à mettre en perspective ces données avec le budget total de l'institut Cervantès, subventionné à 88,7 % par l'Etat espagnol (89,4 millions d'euros en 2007). Il a indiqué qu'en Allemagne, un montant de 680 millions d'euros était consacré en 2008 à l'action culturelle à l'étranger, dont 180 millions d'euros pour les instituts Goethe, 117 millions d'euros pour les écoles, et 120 millions d'euros pour la coopération universitaire. De même, le British Council dispose de 183 millions de livres en 2006-2007.
Il en a conclu que la France se situait dans les mêmes ordres de grandeur que ses partenaires, pour le budget des centres culturels. Il a observé que notre pays s'enorgueillissait d'avoir le premier réseau culturel au monde : mais certains de nos partenaires (Espagne par exemple), qui n'avaient pas la même antériorité, étaient en croissance, alors que la France vivait la tendance inverse. Elle était revenue de 173 centres culturels en 1996 à 144 en 2008.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, s'est alors interrogé sur les résultats de l'action culturelle à l'étranger, par nature difficiles à évaluer.
S'il n'est pas évident de qualifier « le rayonnement culturel français aujourd'hui, » comme celui d'ailleurs de la plupart des autres cultures, il a jugé que la France n'était ni en déclin, ni, ce que de nombreux diplomates appelaient, par autosatisfaction, « une puissance économique moyenne et une hyperpuissance culturelle ».
Il a précisé que quelques chiffres appelaient à plus de « modestie » : si le cinéma français est « la première cinématographie mondiale en termes de marché à l'export » après la cinématographie américaine, au Royaume-Uni, sa part de marché est de 1,8 % en 2007, contre 67 % pour le cinéma américain et 28,5 % pour le cinéma britannique. Aux Etats-Unis, la France représente 50 % des films étrangers, mais seulement 2 % du marché en 2006.
Il a expliqué que la langue française continuait à être parlée dans le monde entier, mais qu'elle était, soit enseignée le plus fréquemment, et même en Europe, en troisième langue, (après l'anglais et une grande langue régionale), soit comme une « langue de niche », grâce à d'excellentes sections bilingues. En revanche, il a jugé que dans les pays non francophones, il y avait un tassement général, voire un repli inquiétant en Europe et en Afrique du Nord-Moyen Orient. 9 % des élèves scolarisés apprenaient le français dans les pays non francophones d'Europe en 1994, contre 6 % en 2002.
Enfin, il a rappelé qu'il existait un contraste entre l'ouverture internationale de la scène artistique française et la faible présence des artistes français à l'étranger. Ainsi, entre 2001 à 2005, aucun artiste français contemporain n'a bénéficié d'une exposition monographique au MOMA de New York, à la Tate Modern de Londres, au Stedeljik Museum d'Amsterdam ou à la Hamburger Bahnhof de Berlin, sur la quinzaine d'expositions monographiques en moyenne dédiées à des artistes contemporains non nationaux par chacune de ces institutions. S'agissant des collections permanentes, il a constaté qu'en 2005, la Tate Modern n'exposait qu'un seul artiste de la scène française contemporaine, tandis que le Centre Reina Sofia n'en exposait que deux, parmi la cinquantaine (Tate Modern) ou la trentaine (Reina Sofia) d'artistes contemporains non nationaux. Les indicateurs synthétiques montrent des résultats équivalents : le nombre des artistes français classés au sein des 100 premiers artistes du « Kunst Kompass » diminue encore entre 2000 et 2006, revenant de 5 à 4 artistes.
Il a considéré que notre action culturelle à l'étranger ne pouvait prétendre qu'à une responsabilité marginale dans ses résultats. Elle n'a évidemment pas une part déterminante dans les succès de « La môme » à l'étranger, ou de Michel Houellebecq, mais pas davantage non plus dans les insuccès de certains de nos auteurs à l'étranger. S'il a souligné l'absence d'impact déterminant du réseau, il n'en a pas pour autant conclu qu'il était inutile, évoquant par exemple l'audience indéniable de RFI ou TV5.
Il a indiqué qu'il faudrait mesurer la valeur ajoutée de ce réseau : les tableaux de bord étaient absents dans nos postes à l'étranger. Ainsi, l'évolution du nombre d'inscrits aux cours de langue dans nos centres culturels n'est pas connue au-delà d'une antériorité de deux à trois ans.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a remarqué que notre réseau culturel à l'étranger fonctionnait « à l'aveugle », et s'est interrogé sur le rôle stratégique du ministère des affaires étrangères dans ce domaine, sur le métier de conseiller culturel et l'adaptation du « modèle centre culturel » à notre temps. Il a noté qu'il n'avait pas trouvé de modèle étranger très pertinent.
Il a expliqué que le contraste entre les moyens publics consacrés au soutien à la création en France et son rayonnement à l'étranger trouvait pour une part sa source dans un « Yalta » remontant à André Malraux : au ministère de la culture la culture en France ; au ministère des affaires étrangères le monopole de la culture à l'étranger. Malgré quelques modifications, cette distinction demeure ce qu'il a considéré comme « déraisonnable » : la politique culturelle française à l'étranger n'est pas une variante de la diplomatie française, et doit être une partie intégrante de la politique nationale de soutien à la création et à la diffusion culturelles.
Ce constat est encore plus évident en ce qui concerne l'internationalisation des universités, et le développement de leurs programmes d'échange d'étudiants et de chercheurs.
L'action culturelle étant d'abord un service rendu à la création française, il en découle plusieurs conséquences.
Il faut en premier lieu envisager trois visions stratégiques émanant de trois pilotes distincts, s'agissant de l'enseignement supérieur (pour les universités), de la recherche (pour la recherche) et de la culture (pour l'action artistique et les industries culturelles).
Il a fait valoir que la direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) « doublonnait » avec la direction des relations internationales du ministère de l'enseignement supérieur, par ailleurs très active. Il a souhaité que le monopole de la direction de la coopération culturelle et du français soit aménagé par une montée en puissance du ministère de la culture.
Il a appelé à créer les agences CulturesFrance et CampusFrance vraiment interministérielles, avec un pilotage paritaire et a considéré que l'on n'avait pas besoin aujourd'hui de deux politiques d'extraduction (traduction du français vers l'étranger), l'une gérée par le ministère de la culture, l'autre par le ministère des affaires étrangères et européennes. Il faut rationaliser les résidences d'artistes : le ministère des affaires étrangères et CulturesFrance en gèrent certaines à l'étranger, le ministère de la culture administrant de son côté, avec son budget, la Villa Médicis. Il a donc proposé une politique unique des résidences d'artistes, avec une réflexion globale sur les artistes que la France soutient, sur les pays où il faut désormais les envoyer, et une seule autorité de tutelle : CulturesFrance.
S'il a admis que les conseillers culturels à l'étranger restent rattachés au quai d'Orsay, il a appelé à une sélection conjointe de ces personnels par le ministère des affaires étrangères et européennes et à un rattachement des conseillers de recherche et des attachés universitaires directement auprès de l'ambassadeur.
Il a regretté que la fonction de conseiller culturel n'ait jamais été considéré comme un vrai métier : les titulaires de ces postes sont le plus souvent des autodidactes, certes de grande qualité, et les formations prévues sont insuffisantes : 5 jours, sans aucun contact avec des représentants de métiers du livre, du cinéma, de l'audiovisuel, que les conseillers culturels ont pourtant pour mission d'épauler à l'international. Il a donc souhaité une professionnalisation du métier de conseiller culturel.
Il a regretté que les actions culturelles à l'étranger parviennent difficilement au-delà du premier cercle de nos ambassades : les partenaires habituels, les personnes francophones, les amoureux de la France, etc. Il a appelé à toucher ceux qui ne connaissaient pas notre pays et sa culture, et à faire donc preuve de souplesse dans les partenariats.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a considéré que le rôle des conseillers culturels était à la fois modeste et essentiel. Ils ne sont pas eux-mêmes des créateurs et n'ont pas vocation à monter une programmation culturelle, mais il faut les laisser agir dans leur domaine, les soutenir financièrement, et vérifier que nos services ne développent pas une action concurrente sur les mêmes fonds publics.
Les conseillers culturels doivent être des « passeurs culturels », et mettre en relation les institutions et industries culturelles de notre pays avec celles du pays qui accueille leur action.
Il a fait part de ses doutes quant à l'intérêt des « centres culturels », notamment dans les pays de l'OCDE, où il existait déjà des industries culturelles et des institutions artistiques puissantes. En Afrique francophone, son analyse est complètement différente, car ces centres sont souvent la seule institution culturelle de référence.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, s'est inquiété que les grands pays occidentaux, et en particulier en Europe, confondent centre culturel français et présence culturelle : on peut avoir une présence culturelle, avec un conseiller artistique dynamique, sans aucun centre.
Les Allemands, Américains ou Japonais ont le même mode de consommation culturel que les Français : ils ne viennent pas dans nos centres culturels, dont les salles d'exposition sont inadaptées, et les salles de spectacle de petite taille, mais dans leurs lieux culturels habituels, où il faut programmer de la culture française, au sens large. Il a aussi souhaité que les intellectuels soient plus présents dans les universités ou dans les medias que dans les centres culturels français.
Il a donc appelé à une politique « hors les murs ».
S'agissant des employés locaux des centres culturels, au nombre de 3.400, il a précisé qu'ils ne rentraient pas dans le plafond d'emploi du ministère et que leur masse salariale était très dynamique, car il y avait eu dans les débuts des années 2000 des recrutements importants. Comme pour tout opérateur, les effectifs des centres culturels entrent désormais dans le plafond d'emploi prévu par la LOLF, ce qui donnera plus de liberté aux gestionnaires pour les redéploiements d'effectifs.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué qu'il était conscient que les préoccupations d'efficience pourraient encore conduire à la fermeture de plusieurs centres culturels. Cela ne doit pas être dramatisé, en particulier par les communautés françaises à l'étranger, et par les syndicats, car il s'agit du moyen de redéployer des crédits vers des « actions hors les murs », plus efficaces.
Enfin, il a souhaité préciser les priorités géographiques en matière culturelle vers les pays prescripteurs : Etats-Unis, Japon, Chine, Royaume-Uni (en ce qui concerne par exemple l'industrie musicale), Allemagne (en pointe par exemple dans le domaine des arts plastiques). Il a jugé qu'il y aurait des redistributions d'enveloppes à opérer entre pays africains, en fonction de nos priorités culturelles. De la même manière, en Europe, il a relevé un tropisme italien : si l'on ajoute les enveloppes de la Villa Médicis à celles du conseiller culturel à Rome, on parviendrait à des montants sans proportion avec les budgets alloués aux autres pays européens : il faut donc combattre « l'héliocentrisme » culturel français.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. Jean Arthuis, président, soulignant la pertinence du contrôle, a fait valoir que l'internationalisation de la Sorbonne à Abu Dhabi, ou l'ouverture d'une antenne du Louvre, constituent une modalité nouvelle de rayonnement culturel dont il faut se féliciter, et qui apporte des ressources budgétaires très substantielles.
M. François Trucy a évoqué l'exemple des centres culturels français à Mexico, qui lui paraissent à la fois trop nombreux et peu actifs, appelant à regrouper l'ensemble des moyens autour de l'Alliance française.
M. Jean-Claude Frécon s'est inquiété du déclin de la langue française dans les pays d'Europe de l'Est et également en Turquie.
M. Jean-Jacques Jégou a lui aussi montré la perte d'influence de la langue française en Turquie, soulignant que le lycée Galatasaray, de grande qualité, n'avait pas réussi à rayonner au-delà d'un certain milieu. Il a relevé le rôle fondamental en Amérique latine des alliances françaises.
M. Louis Duvernois, membre de la commission des affaires culturelles, a rappelé le rôle majeur de l'enseignement du français à l'étranger et de l'audiovisuel extérieur dans le rayonnement de notre pays. Il a regretté que les ministres des affaires étrangères successifs n'aient accordé que peu d'importance à l'action culturelle à l'étranger, dont ils avaient pourtant la responsabilité. Il a jugé que ce domaine devait être profondément réformé, que le métier de « conseiller culturel » devait être repensé, et que l'association du ministère de la culture était évidemment une nécessité. Il a rappelé que cette idée était incluse dans sa proposition de loi relative à CulturesFrance adoptée à l'unanimité des groupes politiques au Sénat le 13 février 2007. Il s'est plu à souligner que le rapporteur spécial avait repris deux thèmes développés dans son rapport de 2004 : stratégie et influence.
M. Bernard Fournier, membre de la commission des affaires culturelles, a regretté la perte d'influence de la langue française, rappelant que celle-ci devenait marginale dans les réunions officielles internationales.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, est convenu que l'on souffrait un peu dans son orgueil en examinant la situation de la culture et de la langue françaises à l'étranger, mais qu'il ne fallait pourtant pas interrompre les efforts, ce à quoi il s'était employé.
La commission a ensuite donné acte au rapporteur de sa communication et a donné à l'unanimité son accord pour sa publication sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - Santé - Industrie du médicament - Communication
La commission a ensuite entendu une communication de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur la taxation de l'industrie du médicament, ouverte aux membres de la commission des affaires sociales.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a précisé qu'il s'était efforcé, au cours de sa mission de contrôle, de croiser une approche budgétaire et une approche industrielle.
Rappelant le contexte dans lequel l'industrie pharmaceutique opérait, il a présenté les principales caractéristiques du marché français du médicament, l'un des plus importants au monde après ceux des Etats-Unis et du Japon, avec un chiffre d'affaires de 25,5 milliards d'euros en 2007.
Un tel chiffre d'affaires se traduit mécaniquement par des dépenses importantes et dynamiques pour l'assurance maladie, les dépenses de médicament représentant près du tiers des dépenses de soins de ville du régime général en 2007.
Dans un contexte marqué par un déficit important de l'assurance maladie, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a jugé qu'il n'était pas illégitime de demander à l'industrie de contribuer à l'effort d'ensemble de régulation des dépenses de santé, ce qui a pris la forme, en particulier, de taxes spécifiques.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a précisé que la France était le premier producteur de médicaments en Europe et qu'elle se situait au deuxième rang européen en termes d'emplois directs dans le secteur pharmaceutique. Il a également présenté les principaux enjeux auxquels l'industrie du médicament est aujourd'hui confrontée : d'importants mouvements de fusion-acquisition, une érosion de la productivité de la recherche pharmaceutique, une concurrence accrue et une attractivité croissante des pays émergents.
Dans ce contexte globalisé, il a plus particulièrement insisté sur les déterminants de la localisation des entreprises du médicament : d'une part, ils varient fortement selon les phases du cycle du médicament, et, d'autre part, la fiscalité ne joue pas un rôle déterminant à elle seule, car elle n'est qu'un élément parmi d'autres.
Dressant ensuite le panorama des taxes spécifiques auxquelles les laboratoires pharmaceutiques sont assujettis, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que la principale critique formulée à leur encontre était moins le niveau global de taxation de l'industrie du médicament que son incessante évolution, la fiscalité de ce secteur ayant souvent joué, de l'avis même de la direction de la sécurité sociale du ministère chargé de la santé, le rôle de variable d'ajustement budgétaire.
Il a cependant souligné que les industriels portaient une part de responsabilité dans ces variations, dans la mesure où ils ont parfois préféré être davantage taxés plutôt que de subir des baisses de prix. Il a observé que les entreprises du médicament pouvaient également bénéficier de dépenses fiscales, en particulier au titre du crédit d'impôt recherche.
Rappelant qu'il n'était pas illégitime de demander à l'industrie pharmaceutique de contribuer à l'effort de régulation des dépenses de santé, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a insisté sur les principaux problèmes soulevés par le dispositif de taxation appliqué à ce secteur, notamment son manque de lisibilité et son insuffisante cohérence avec la politique de soutien à l'innovation et les autres modes de régulation des dépenses de médicament mis en place.
De façon plus précise, il a relevé :
- l'apparition, pour les industriels, d'un nouvel acteur dans la régulation des dépenses de médicament, à savoir l'assurance maladie. L'année 2006 a, de ce point de vue, constitué un « tournant », en raison de la mise en oeuvre d'un plan d'économies sur le médicament d'une ampleur sans précédent ;
- les difficultés posées par le dispositif de la « clause de sauvegarde », notamment son incohérence avec le niveau de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et la politique de soutien à l'innovation ;
- l'empilement et l'instabilité des dispositifs fiscaux, ce qui nuit à l'attractivité de la France, alors que celle-ci dispose de réels atouts et a essayé de valoriser son image par le biais de plusieurs instruments, notamment le conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le crédit d'impôt recherche et les pôles de compétitivité.
Insistant sur le fait qu'il ne s'agissait pas de renoncer à faire contribuer l'industrie du médicament, mais de le faire le plus intelligemment possible, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a exposé ses principales préconisations :
- replacer l'instrument fiscal dans un cadre pluriannuel, afin de donner plus de sécurité et de visibilité aux entreprises ;
- rechercher une meilleure cohérence, d'abord, entre la fiscalité affectée à l'Etat et celle affectée à l'assurance maladie, ensuite, entre la fiscalité et les autres instruments de régulation de la dépense de médicament, et, enfin, entre l'approche française et les actions mises en oeuvre au sein de l'Union européenne ;
- orienter davantage la fiscalité vers l'innovation et le bon usage du médicament.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a cependant noté que ce schéma ne pouvait être effectif que s'il s'accompagnait de plusieurs autres mesures de régulation de la dépense : un déremboursement plus systématique et rapide des médicaments à service médical rendu insuffisant ; une baisse de prix progressive, régulière et préalablement définie des médicaments de marque ou princeps, comme des génériques, après la perte de protection liée au brevet ; une généralisation du dispositif de « tiers-payant contre générique » ; enfin, une action résolue sur les prescriptions, afin d'éviter des glissements médicalement injustifiés vers des médicaments plus coûteux.
Il a insisté, par ailleurs, sur deux autres points importants qui, tout en s'éloignant du strict sujet de la fiscalité, ont un impact non négligeable sur ces questions : la nécessité de réduire les coûts de distribution du médicament et la prise en compte de la situation des organismes complémentaires.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que ce constat devait placer les autorités publiques devant leurs responsabilités afin de procéder à l'amélioration de la justice sociale et de la santé publique.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a précisé que l'avenir de la santé publique dépendait de l'existence d'une industrie pharmaceutique dynamique, qui risquerait de ne plus l'être si un dispositif de taxation disparate continuait à lui être appliqué. Il a également rappelé que, si le secteur du médicament constituait un domaine propice aux mesures de régulation, il ne représentait néanmoins qu'un tiers environ des dépenses de soins de ville du régime général. Par conséquent, des marges de manoeuvre existent sur d'autres postes de dépenses. Il a enfin insisté sur la nécessité, pour la France, de conserver une capacité de recherche et a évoqué, à cet égard, « l'initiative pour les médicaments innovants », lancée au niveau communautaire.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la solvabilisation des dépenses de médicament par le système de protection sociale constituait un facteur pris en considération par les laboratoires pharmaceutiques au moment de leur décision d'investissement.
Répondant à M. François Trucy, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que l'industrie pharmaceutique contribuait à améliorer le solde extérieur de la France, la balance commerciale dans ce secteur étant excédentaire à hauteur d'environ 6 milliards d'euros.
M. François Autain a souligné le contexte globalisé dans lequel l'industrie pharmaceutique opérait, ce qui rendait difficile l'orientation des comportements des industriels dans un sens vertueux par le biais de l'outil fiscal. Il a également insisté sur la forte rentabilité de ce secteur d'activité, précisant que celle-ci s'expliquait par la solvabilisation des dépenses de médicament.
Rappelant le fort dynamisme de ce poste de dépenses, il s'est en particulier interrogé sur la mise sur le marché de médicaments nouveaux et coûteux n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu par rapport aux produits déjà offerts sur le marché.
S'agissant du dispositif fiscal appliqué aux entreprises du médicament, M. François Autain a indiqué, d'une part, que la taxe sur la promotion du médicament ne remplissait pas son rôle et, d'autre part, que la clause de sauvegarde était une contribution fictive, dans la mesure où la majorité des laboratoires avait choisi l'alternative, qui leur était proposée, de conclure des conventions avec le comité économique des produits de santé (CEPS) plutôt que de se voir appliquer cette taxe. Soulignant l'opacité de ce dispositif, il a plaidé en faveur de la suppression de la clause de sauvegarde et de son remplacement par une action sur les prix des médicaments.
Répondant à M. François Autain, qui s'interrogeait sur l'opportunité de faire intervenir un nouvel acteur - le conseil stratégique des industries de santé - dans le système de régulation du secteur du médicament, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que cette instance, qui existait déjà, gagnerait à être réunie plus régulièrement et pourrait constituer le cadre approprié du pilotage global du système de régulation du secteur du médicament, à condition que l'Union nationale des caisses d'assurance maladie y soit représentée. Il s'est également interrogé sur les conditions de mise sur le marché de médicaments nouveaux n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu. Il a enfin précisé que les seules données dont il disposait s'agissant de la rentabilité des entreprises du médicament étaient celles transmises par la fédération des entreprises du médicament, le LEEM.
Répondant à M. Adrien Gouteyron, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que son rapport comprendrait des éléments de comparaison internationale.
La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - Droit au logement opposable - Communication
Enfin, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO).
Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a exposé les principales dispositions de la loi du 5 mars 2007 créant le droit au logement opposable (DALO) :
- les trois échéances qui prévoient l'ouverture d'un droit de recours amiable pour les personnes prioritaires à compter du 1er janvier 2008, d'un recours contentieux devant le juge administratif au 1er décembre 2008 et de la généralisation de ce recours contentieux au 1er janvier 2012 à toutes les personnes qui n'ont pas obtenu de logement social à l'expiration d'un délai « anormalement long » fixé par département ;
- les cinq critères qui définissent les catégories prioritaires au titre du droit au logement opposable ;
- les délais impératifs portant sur l'examen des dossiers par les commissions de médiation et sur la proposition d'une présentation de logement ou de place d'hébergement par les préfectures.
Il a ensuite indiqué que le contrôle budgétaire avait pour objectif de vérifier la capacité de l'administration à mettre en place le dispositif dans les délais imposés, de mesurer les enjeux budgétaires d'un droit opposable pouvant conduire à la condamnation de l'Etat, d'évaluer le risque d'un échec du DALO, et de tirer les leçons de la première étape afin de préparer les échéances contentieuses. Il a précisé qu'il avait effectué plusieurs contrôles sur place à Paris et en Seine-Saint-Denis et qu'il se rendrait auprès d'autres commissions de médiation, avant de présenter ses conclusions définitives qui s'inscriront dans la perspective du projet de loi sur le logement qui doit être déposé à l'automne par le Gouvernement.
S'agissant de l'enjeu budgétaire du DALO, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a rappelé que le projet de loi de finances pour 2008 avait prévu la création de 100 équivalents temps plein supplémentaires (ETPT) et une dotation de 4,12 millions d'euros pour le fonctionnement des commissions et les frais d'instruction des dossiers. Il a indiqué que cette instruction avait été confiée, selon les départements, aux caisses d'allocations familiales (CAF), aux associations départementales pour l'information sur le logement (ADIL), et, à Paris, au groupement d'intérêt public « Habitat et interventions sociales ». La loi du 5 mars 2007 et le projet de loi de finances rectificative pour 2007 ont, pour leur part, prescrit une augmentation sensible de la programmation de constructions de logements très sociaux.
Le bilan du dépôt des dossiers de recours au 31 mai 2008 a confirmé l'absence du « raz-de-marée » redouté au vu de l'estimation initiale de la population concernée par le DALO, soit plus de 600.000 personnes. Le nombre de dossiers déposés s'élève à 26.009 pour les demandes de logement et à 1.689 pour les demandes d'hébergement.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a attribué la relative faiblesse de ces chiffres au manque d'information des personnes visées, au scepticisme des demandeurs et des associations, à la complexité du dispositif et aux lacunes de l'information statistique en matière de logement. Il a indiqué que, selon le ministère du logement, le nombre de dossiers serait de 80.000 environ à la fin 2007.
Il a évoqué ensuite les conditions d'installation des commissions de médiation, qui ont d'ores et déjà examiné 8.000 dossiers sur l'ensemble de la France, pour un taux de décision favorable de 42 %, aboutissant au relogement de 600 ménages.
Il a souligné que le bilan de la mise en oeuvre du droit du DALO faisait apparaître une extrême diversité des situations selon les conditions locales. Ainsi, 90 % des recours sont concentrés dans six régions et plus particulièrement en Ile-de-France, qui recueille 63 % des dossiers déposés.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a estimé que les conséquences de cette concentration des besoins n'avaient pas été tirées en ce qui concerne la répartition des moyens et que cette densité aurait justifié une différenciation dans les procédures prévues par la loi DALO. Il s'est également inquiété de l'insuffisance notoire du contingent préfectoral dans les attributions de logements sociaux, qui doit permettre de satisfaire les décisions favorables des commissions de médiation. Ainsi, la Préfecture de Paris disposerait de 1.000 logements annuels pour un « public DALO » estimé entre 30 et 40.000 personnes. Il a, cependant, précisé que les lacunes de l'informatisation en ce domaine étaient telles que le contingent préfectoral réel était, sans doute, le double du contingent connu, mais que les services des préfectures étaient incapables de l'identifier compte tenu de l'ancienneté et de l'absence de suivi des conventions conclues avec les organismes bailleurs.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a exposé ensuite ses premières conclusions. Concernant l'information du public, il a souhaité une implication plus forte des associations et surtout une collaboration entre les services de l'Etat et les communes et collectivités territoriales concernées. Estimant les capacités d'expertise actuelles des commissions de médiation trop limitées, particulièrement dans les zones de marché immobilier tendu, il s'est prononcé pour l'attribution de moyens supplémentaires permettant de réaliser de véritables enquêtes sociales sur les demandeurs et un contrôle sur place de l'état des logements. Il a jugé nécessaire une réduction des divergences de jurisprudence entre les commissions de médiation, en particulier sur l'interprétation des notions d'urgence et de bonne foi du demandeur. Il s'est déclaré en faveur d'un transfert de la gestion du contingent préfectoral du ministère de l'intérieur vers le ministère du logement.
S'agissant enfin de la situation très particulière de l'Ile-de-France, il a estimé que le Gouvernement devrait en tirer les conséquences pour renforcer la territorialisation de sa politique et adapter le cadre juridique et institutionnel du DALO en renonçant au principe de la commission de médiation unique et en élargissant le périmètre administratif au-delà du département. Il a jugé que, seule, la mutualisation du DALO en Ile-de-France permettrait de garantir l'objectif de mixité sociale.
Après les observations de MM. Jean Arthuis, président, et Adrien Gouteyron, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a considéré que le seul contingent préfectoral ne permettrait pas de répondre aux besoins des demandeurs DALO et qu'il serait nécessaire d'élargir l'offre disponible en recourant, notamment pour les salariés pauvres, aux logements du 1 %.
La commission a alors donné acte à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, de sa communication.