Mercredi 5 décembre 2007

- Présidence de M. Joël Bourdin, président.

Agriculture - Politique de la forêt - Communication

Dans une intervention liminaire, M. Joël Bourdin, président, a fait le point sur le projet d'une évaluation de la politique de la forêt.

Il a d'abord rappelé l'importance de ses enjeux. La forêt française occupe 28 % du territoire métropolitain ; elle est, par ordre d'importance, la quatrième en Europe.

Depuis une vingtaine d'années, on relève l'opportunité économique et écologique d'une exploitation accrue et raisonnée de la forêt. Pourtant, la récolte stagne, car la gestion forestière demeure essentiellement patrimoniale, surtout dans les propriétés privées, représentant les trois quarts de la surface arborée.

Aujourd'hui, la visibilité des enjeux économique et écologique de la forêt se renforce singulièrement.

Ainsi, le « Grenelle de l'environnement » vient de souligner le potentiel important de la biomasse, en particulier du bois, dans la mise en place d'un programme ambitieux de développement des énergies renouvelables. Parallèlement, le ministère de l'agriculture réfléchit à une évolution de la fiscalité propre à encourager une meilleure mobilisation des ressources forestières.

Outre ces fonctions « marchandes », auxquelles il convient d'ajouter les revenus cynégétiques, potentiellement en phase avec des préoccupations environnementales, la forêt remplit également des fonctions « non marchandes ».

Elles sont, soit d'une portée écologique immédiate, telles la protection des eaux et des sols ainsi que la préservation de la biodiversité, soit purement récréative, tel l'accueil du public.

Cette dernière fonction est d'une grande importance, puisque les forêts françaises reçoivent plus de 200 millions de visiteurs par an, ce qui les place au premier rang des lieux de détente et de loisirs des Français. L'enjeu d'une fréquentation accrue est celui d'une limitation des dégradations et de la maîtrise des risques, notamment d'incendie.

En bref, la forêt doit être appréhendée dans ces trois dimensions : ressource économique, capital écologique, espace de loisir. La vocation de la politique de la forêt est d'aider à progresser simultanément sur ces trois axes, ce qui nécessite une réflexion aboutie.

Puis il a précisé qu'au-delà du fond du dossier, cette évaluation représenterait pour la délégation un enjeu particulier, la mise en place au Parlement d'un dispositif conforme aux normes internationales de l'évaluation des politiques publiques. Ces normes, exposées dans un précédent rapport de la délégation consacré à ce sujet, conditionnent l'évaluation du respect du pluralisme, politique mais aussi, plus largement, des points de vue.

M. Joël Bourdin, président, a alors expliqué que, dans ce schéma, la délégation serait commanditaire et qu'il lui faudrait constituer une instance d'évaluation où elle serait représentée, mais sans occuper un rang prééminent.

La délégation resterait entièrement maîtresse de l'utilisation des conclusions de l'instance, une fois celles-ci transmises.

Il a estimé que la modicité des moyens de la délégation commanderait de réunir une instance de dimension raisonnable, en nombre et en moyens. Il a ajouté qu'un tel projet supposait un accord des autorités compétentes du Sénat.

Coordination des politiques économiques en Europe - Examen du rapport d'information

La délégation a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Joël Bourdin, président, rapporteur, et Yvon Collin, rapporteur, sur la coordination des politiques économiques en Europe.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a d'abord précisé que le problème de la coordination des politiques économiques en Europe faisait chaque année, dans le cadre de l'exploration des perspectives économiques française à moyen terme, l'objet d'une attention particulière pour ses liens avec notre croissance économique et notre stratégie de finances publiques.

Le rapport est donc un exercice d'évaluation conduit autour de deux questions : la coordination des politiques économiques en Europe est-elle nécessaire ? Fonctionne-t-elle correctement ?

Relevant l'opportunité de cette réflexion, alors que la France va assurer la présidence de l'Union européenne, à partir du 1er juillet prochain, il a formulé le voeu que ce rapport puisse contribuer à préparer cette présidence, indiquant qu'après le temps de l'évaluation viendrait celui des propositions et que la délégation s'attacherait à participer à cette seconde étape.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a alors présenté les conclusions du rapport relatives à la première question, celle de l'utilité de la coordination des politiques économiques en Europe.

Cette question peut apparaître un peu étonnante, puisque les traités européens stipulent sans ambiguïté que les Etats doivent coordonner leurs politiques économiques qu'ils sont appelés à considérer comme des questions d'intérêt commun.

Pourtant, la question de l'utilité de la coordination est soulevée dans le cadre de différentes approches économiques qui, s'efforçant de démontrer qu'il est non seulement inutile, mais encore nocif, de faire des efforts dans ce sens, excepté dans le domaine très particulier de l'orientation des finances publiques, paraissent paradoxalement inspirer la conception sur laquelle l'Europe fonde concrètement le fonctionnement de la coordination des politiques économiques.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a alors indiqué les résultats de l'examen détaillé, auquel procède le rapport, des présupposés théoriques et des instruments, principalement des modèles économétriques, dont celui de la Commission européenne, le modèle QUEST, qui débouchent, de fait, sur une coordination a minima des politiques économiques en Europe.

Cet appareil doctrinal repose fondamentalement sur l'idée que les politiques de demande, dont la politique budgétaire au premier chef, sont inefficaces et nuisibles, ce qui suppose de reconnaître la validité systématique des raisonnements économiques néo-classiques et de considérer comme radicalement inadapté tout enchaînement plus keynésien. Selon les raisonnements en cause, il existerait un sentier de croissance équilibré et toute relance de la demande entraînerait de l'inflation, une tension sur les taux d'intérêt, une baisse de l'investissement et, finalement, moins de croissance économique.

Dans ce cadre, on montre également que, si les effets externes des politiques de demande sont plutôt négatifs pour les partenaires, ces effets ne sont pas très importants, si bien qu'au fond il ne serait pas nécessaire de coordonner des politiques économiques nationales.

Ces approches doctrinales réservent toutefois une exception à cette conclusion générale, celle des politiques budgétaires de relance. En effet, les Etats sont en mesure de mettre en oeuvre des politiques de relance massive, qui sont susceptibles de déstabiliser l'ensemble des partenaires. Cette menace est d'autant plus aiguë que ceux-ci sont liés entre eux dans le cadre d'une union monétaire, avec la même monnaie et les mêmes taux de change et d'intérêt. Comme les seuls effets des politiques de soutien de la demande passent par une augmentation des prix et des tensions monétaires, il faut interdire aux Etats tout déficit excessif et toute dette publique trop importante.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a alors observé qu'avec ces raisonnements, et leurs conclusions logiques, on pouvait reconnaître les contours de l'organisation concrète de la coordination des politiques économiques dans la zone euro.

Hormis la politique monétaire, qui est unique par construction, on retrouve la logique de la pyramide de la coordination : un fort encadrement des politiques budgétaires conjoncturelles via le Pacte de stabilité et de croissance ; une faible coordination du reste des politiques économiques où prévalent les règles de vote à l'unanimité, le principe de subsidiarité et l'absence de réelle coercition.

Or le rapport estime que cette pyramide est assise sur des bases fragiles et que les gains de la coordination sont négligés dans ce cadre.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a alors mentionné les raisons principales préconisées dans le rapport qui conduisent à contredire les présupposés théoriques et les instruments économétriques qui fondent les modalités « a minima » de la coordination des politiques économiques en Europe. Il a estimé que leur validité était soumise à des conditions particulières qui caractérisent une situation où l'intervention publique est déjà optimale, les Etats ne pouvant rien faire de mieux pour hausser le niveau de la croissance effective ou potentielle, et où on ne peut relever la demande sans augmenter l'inflation, conditions que la réalité européenne ne permet pas de vérifier.

Il a, au contraire, souligné les gains que crée la coordination des politiques économiques. Il a notamment mentionné en exemple qu'une relance de la demande dans un pays isolé apparaissait près de moitié moins efficace que lorsqu'elle est conduite à l'unisson et que son efficacité est réduite des trois quarts quand, en plus, les autorités monétaires prennent des mesures pour la contrecarrer.

Il a jugé que l'absence de coordination des politiques économiques avait une conséquence bien plus importante encore, celle d'inhiber toute politique économique expansionniste autonome, ou collective, et qu'elle constituait une puissante incitation à des politiques économiques qui, loin d'être coordonnées, sont antagoniques.

M. Yvon Collin, rapporteur, a alors exposé les réflexions développées dans le rapport en réponse à la seconde question, celle du bon fonctionnement de la coordination des politiques économiques en Europe.

Il a d'emblée indiqué que le cadre institutionnel de la coordination des politiques économiques en Europe, étroitement inspiré par des visions débouchant sur une coordination des politiques économiques a minima, était insatisfaisant en soi, mais aussi comme source d'incitation à adopter des politiques économiques solitaires et délibérément non coopératives.

Il a expliqué que le rapport faisait le constat de l'échec de la coordination pour la politique budgétaire et pour les autres instruments de la politique économique aux mains des Etats nationaux. Il a précisé que si, dans le rapport, la politique monétaire, qui est de la responsabilité de la Banque centrale européenne, n'avait volontairement pas été traitée systématiquement, pour se centrer sur ce qui relève de la responsabilité des Etats, la considération de cette politique, lorsqu'elle intervenait, renforçait le diagnostic de péril dans lequel se trouve la coordination des politiques économiques en Europe.

En ce qui concerne la politique budgétaire, il faut distinguer la coordination dans l'utilisation des politiques budgétaires pour piloter la croissance économique à court terme de la coordination plus structurelle des politiques budgétaires.

Le constat est clair : la première est sans réalité ; la seconde est inexistante et dégénère trop souvent en concurrence entre les Etats.

La politique budgétaire de pilotage de la croissance à court terme est régie par le Pacte de stabilité et de croissance. Celui-ci institue un cadre qui n'est nullement un cadre de coordination, mais un simple corps de règles plus ou moins contraignantes. Il est inefficace dans les situations où la croissance économique est forte. Il est dangereux quand elle est faible. En tout cas, il ne débouche pas sur une coordination des politiques budgétaires conjoncturelles en Europe. Une étude réalisée spécialement pour le présent rapport par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) le montre pour la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Les politiques budgétaires dans ces pays suivent des fonctions de réaction différentes face à des situations identiques.

Sur un plan plus structurel, l'absence de coordination des politiques budgétaires se manifeste par deux constats : l'existence d'une forte concurrence fiscale en Europe, le défaut d'optimisation des efforts budgétaires.

Illustrant à l'aide de plusieurs graphiques les phénomènes de concurrence fiscale, M. Yvon Collin, rapporteur, a indiqué qu'elle se traduisait d'abord par le fait que la zone euro était la zone qui, dans la Triade (Etats-Unis, Japon, Europe), avait le taux le plus faible d'imposition du capital, et que celui-ci baissait continûment. Elle se traduit aussi par la diversité des taux d'imposition constatés dans la zone. Il est d'ailleurs frappant d'observer que les pays qui ont le taux le plus bas, qui sont souvent de « petits pays », sont aussi ceux qui ont les recettes les plus élevées. La concurrence fiscale est donc une arme efficace pour ces petits pays, mais, pour l'ensemble de la zone, c'est un grave problème.

Quant au manque d'optimisation des efforts budgétaires en Europe, la taille très modeste du budget européen et l'absence de politiques communes - excepté la politique agricole commune - résument la situation.

M. Yvon Collin, rapporteur, a alors jugé qu'on pouvait étendre ce diagnostic d'incoordination aux autres volets des politiques économiques. Il a précisé que le rapport développait tout particulièrement le problème du réglage des salaires, question majeure de politique économique. L'Europe voit coexister en ce domaine trois modèles différents : certains pays (Espagne, Italie) connaissent une forte augmentation des coûts salariaux unitaires ; certains autres (l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande) connaissent une baisse très nette de ces coûts ; en France, il y a une baisse, mais moins forte.

Ce patchwork est révélateur de l'existence de politiques économiques divergentes, phénomène qui pose des problèmes d'une très grande acuité et qu'une meilleure coordination pourrait éviter.

L'augmentation excessive des coûts salariaux unitaires exerce des pressions inflationnistes qui contribuent à tendre les conditions monétaires dans l'ensemble de la zone. Inversement, les politiques de compétitivité, passant par les stratégies de désinflation compétitive, avec une baisse drastique des coûts salariaux unitaires, pèsent doublement sur la croissance économique des partenaires : par les parts de marché que les pays qui les pratiquent captent à leurs dépens et par les conséquences de la langueur de la demande domestique sur leurs exportations.

On a ainsi pu montrer que la désinflation compétitive allemande avait coûté 0,4 point de PIB à la France entre 2001 et 2005.

Ces politiques non coopératives ne sont pas seulement des politiques « gagnant-perdant », ce qui suffirait à les condamner dans le cadre d'une union politique qui inscrit dans ses principes une idée de communauté d'intérêts et de solidarité de destin, ce sont des politiques perdantes tout court.

Elles le sont évidemment par leur logique même, qui invite à l'imitation. Si tous les pays européens se calaient sur les modèles les plus divergents, la croissance économique européenne, déjà languissante, s'effondrerait.

M. Yvon Collin, rapporteur, a alors insisté sur l'extrême gravité que présente la situation actuelle, en dehors même de la considération d'une telle contagion. Exposant le creusement des déséquilibres commerciaux dans les différents pays européens, il a estimé que ceux-ci engendraient des tensions si graves, par exemple, qu'un débat avait pu prendre de l'ampleur en Italie sur l'opportunité de sortir de l'euro.

M. Yvon Collin, rapporteur, a alors insisté sur les dommages engendrés par les politiques économiques non coopératives en Europe. Tournant le dos à tout objectif de croissance économique équilibrée, elles ne peuvent être considérées comme durables, même pour les pays qui les conduisent et, en outre, elles conduisent à l'anémie de l'Europe.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a alors conclu en soulignant que l'Europe s'était donnée des objectifs économiques ambitieux. La stratégie de Lisbonne, qui ne vise rien moins qu'à faire de l'Europe la zone économique la plus prospère du monde, en est une des expressions, à côté de celles, plus solennelles encore, qui figurent dans les traités. Les Etats européens qui, en unissant leur destin, ont souhaité tourner le dos à la guerre militaire et politique ont voulu conserver leur indépendance, mais sont convenus aussi de proscrire la guerre économique en Europe.

Constatant le maintien de leur souveraineté politique, les Etats ont, à cet effet, inventé la coordination des politiques économiques qui est, ainsi, un principe politique fort, allant bien au-delà d'un pilier technique indispensable à la réussite économique du projet européen.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, déplorant qu'aujourd'hui ce pilier paraisse brisé, a estimé que les mauvaises performances économiques de l'Europe, dont témoigne le décrochage européen de la richesse par habitant par rapport aux Etats-Unis, reflétaient cette situation de péril.

L'absence de coordination des politiques économiques rend, de plus, illusoires pour l'avenir les ambitions européennes. Il existe, en effet, du fait de l'organisation et de la réalité de la coordination des politiques économiques, toutes chances pour que le seul objectif économique qui vaille en Europe, le développement, soit sacrifié. M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a conclu en qualifiant ce sacrifice de ruineux quand la mondialisation commande à l'Europe de s'affirmer comme puissance.

M. Yves Fréville, ayant déclaré partager les conclusions du rapport, a souligné que l'Europe se trouvait handicapée par l'absence d'un budget européen susceptible par ses réactions au cycle économique de jouer un rôle fortement contracyclique, comme aux Etats-Unis.

Il a estimé que l'impôt sur les sociétés pourrait, après harmonisation, être utilement affecté, en tout ou partie, au financement d'un budget européen plus développé.

Il a enfin jugé nécessaire que les pays européens définissent une politique de change adaptée, rappelant toutefois que celle-ci serait susceptible de se heurter aux objectifs de maîtrise de l'inflation de la Banque centrale européenne.

M. Joël Bourdin, président, rapporteur, a souhaité mettre en relief les enjeux d'une maîtrise des phénomènes les plus excessifs de concurrence fiscale en soulignant la discordance entre la répartition territoriale de l'imposition du capital et de la production en Europe. Il a rappelé que les traités offraient toute latitude aux Etats pour définir une politique de change, du moins formellement.

M. Yvon Collin, rapporteur, a remarqué qu'il faillait compléter les justes observations de l'intervenant pour tenir compte de la réactivité beaucoup plus forte qu'en zone euro de la politique budgétaire aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il a estimé que les écarts observables sur ce plan témoignaient plus de différences de volonté politique que de simples mécanismes techniques.

La délégation a alors adopté le rapport sur la coordination des politiques économiques en Europe, de MM. Joël Bourdin et Yvon Collin.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la délégation a désigné M. Joël Bourdin pour un rapport consacré aux critères d'évaluation des établissements d'enseignement supérieur, et M. Yvon Collin pour un rapport de suivi d'un précédent rapport de la délégation sur les équilibres économiques et financiers du sport professionnel.