Mardi 21 mars 2006
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.Union européenne - Collectivités territoriales - Cadre de référence stratégique national (CRSN) - Audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, et de M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires
La délégation a procédé à l'audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, et de M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires.
M. Jean François-Poncet, président, a tout d'abord remercié M. Christian Estrosi de venir présenter à la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire le cadre de référence stratégique national (CRSN), sur l'élaboration duquel elle n'avait jusqu'alors pas été consultée.
Après avoir rappelé que la rédaction d'un CRSN était une obligation s'imposant à chacun des Etats membres, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, a rappelé qu'une consultation conduite dès le printemps 2005 par les préfets de région sur la base d'un document introductif rédigé par la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) avait permis d'élaborer un premier document de travail technique, rendu public à l'automne 2005. Il a indiqué qu'un document stratégique, intégrant les réactions des partenaires consultés de nouveau au niveau régional avait été présenté au comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) du 6 mars dernier. C'est sur ce document qu'il a souhaité consulter les délégations à l'aménagement du territoire des deux assemblées. Il a fait savoir que les préfets allaient lancer simultanément dans chaque région l'élaboration des « contrats de projets », destinés à remplacer les actuels contrats de plan Etat-régions (CPER), et des programmes opérationnels régionaux destinés à mettre en oeuvre les fonds européens.
M. Jean François-Poncet, président, s'étant interrogé sur l'obligation d'affecter 75 % des crédits de l'objectif 2 à des actions conformes à la « Stratégie de Lisbonne » (compétitivité, innovation, croissance et emploi), M. Christian Estrosi a affirmé que le Gouvernement s'attachait à prendre en compte les priorités de cette stratégie, tant dans le cadre des fonds structurels que pour l'élaboration des futurs « contrats de projets » Etat-régions.
Relevant que le respect des critères de la « Stratégie de Lisbonne » pour l'utilisation des crédits issus des fonds structurels européens allait exiger des projets plus innovants, dont la mise au point demanderait nécessairement plus de temps, M. Jean François-Poncet, président, s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir dans ce contexte la règle du dégagement d'office, qui impose de consommer chaque année un septième des crédits alloués au titre de la programmation.
M. Christian Estrosi a estimé que cette règle avait le mérite de contraindre les partenaires à ne retenir que des projets suffisamment « mûrs », garantissant une bonne consommation des crédits. Il s'est dit confiant dans la capacité de mobilisation des collectivités territoriales qui, a-t-il assuré, ont saisi l'importance de sujets tels que l'innovation et la compétitivité et sont déjà dans une phase active de préparation des projets.
M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, a fait observer qu'à ce stade, l'affectation de 75 % des crédits de l'objectif 2 à des dépenses conformes à la « Stratégie de Lisbonne » constituait une recommandation, dont le non-respect n'était pas sanctionné par un dégagement d'office.
M. Aymeri de Montesquiou a plaidé pour une conception de l'innovation adaptée à la diversité des territoires, soulignant la difficulté de certains départements ruraux à attirer les entreprises. Il s'est dit favorable, en outre, à une augmentation progressive du volume de crédits devant être consommé chaque année, au lieu d'une répartition en sept tranches identiques des crédits alloués pour l'ensemble de la programmation.
M. Claude Saunier a souhaité une clarification des règles du jeu en ce qui concerne les compétences respectives des pays et des régions, expliquant qu'en Bretagne, les pays conduisant des actions en matière d'innovation et de recherche se voyaient reprocher par le conseil régional d'intervenir dans des domaines que celui-ci considère de sa compétence exclusive.
Après s'être déclaré favorable à l'innovation et à la compétitivité, M. Roger Besse a fait valoir la difficulté d'élaborer des projets innovants dans les départements très ruraux, où la priorité restait à son sens d'endiguer la désertification rurale. Il s'est dit satisfait des projets de pôles d'excellence rurale portés par les pays dans son département, soulignant toutefois les problèmes qu'ils rencontraient dans leurs relations avec le conseil régional.
Relevant que le CRSN évoquait, dans un développement consacré au soutien des entreprises, des « pôles de compétences de dimension régionale ou locale » distincts des pôles de compétitivité et des pôles d'excellence rurale, Mme Jacqueline Gourault a souhaité savoir ce que recouvrait ce terme.
M. Christian Estrosi a expliqué qu'il visait à désigner des rassemblements de compétences, donnant lieu par exemple à la constitution de réseaux interentreprises, tout en indiquant que cette dénomination portait à confusion et serait modifiée. Concernant la règle du dégagement d'office, il a fait observer qu'elle serait moins contraignante pour la future programmation, dès lors que la France aurait moins de crédits à consommer que sur la programmation 2000-2006, soulignant en outre que le dégagement des crédits n'interviendrait qu'à la fin de la deuxième année suivant celle de la programmation (règle n+2). Il s'est engagé à faire préciser par écrit aux membres de la délégation les conditions d'application de cette règle pour la programmation 2007-2013. S'inquiétant par ailleurs de l'ascendant que certains conseils régionaux cherchent à prendre sur les pays à travers la signature de contrats de pays, il a indiqué que lorsqu'un accord ne peut être trouvé entre un pays et sa région, la contractualisation pourrait intervenir directement entre ce pays et l'Etat sur les thèmes retenus par ce dernier, sans que la région puisse s'y opposer. Il a expliqué que, de manière générale, l'Etat se réservait la possibilité à l'avenir de contractualiser directement avec l'échelon le plus pertinent (conseil général, agglomération, intercommunalité...).
M. Jean François-Poncet ayant souhaité savoir si des financements européens pourraient abonder les pôles d'excellence rurale au-delà des plafonds de financement apportés par l'Etat (33 %, voire 50 % dans les zones de revitalisation rurale), M. Christian Estrosi a indiqué que les fonds européens pourraient contribuer au financement des pôles et apporter un financement complémentaire sur des projets nouveaux qui seraient mis en oeuvre ultérieurement par ceux-ci.
M. Alain Vasselle s'est demandé si les projets de pôles d'excellence rurale situés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) ou de redynamisation urbaine (ZRU) seraient considérés comme prioritaires. Il a mis l'accent sur les difficultés rencontrées par les petites communautés de communes rurales pour monter des dossiers et sur le peu de moyens financiers dont celles-ci disposent pour recourir aux services de bureaux d'études. Insistant, par ailleurs, sur l'importance des délais d'instruction des dossiers par les administrations compétentes, il a souhaité obtenir l'assurance que les crédits de la programmation 2007-2013 pourraient être mobilisés rapidement. Enfin, il a fait valoir le caractère non institutionnel et parfois presque informel de certains pays, s'interrogeant sur leur légitimité.
En réponse aux différents intervenants, M. Christian Estrosi a indiqué que les crédits alloués au titre des pôles d'excellence rurale, tout comme les crédits des fonds structurels, ne seraient pas réservés aux projets situés en ZRR ou en ZRU. Il a annoncé que dans le cadre de l'objectif 2, le FEDER pourrait financer de l'ingénierie de projet, notamment en faveur des intercommunalités rurales et des pays, afin de faciliter l'élaboration des dossiers. Il a fait part de la volonté du Gouvernement de réduire les délais d'instruction des dossiers par l'administration. A cet égard, il a souligné qu'il avait proposé d'instaurer pour la prochaine génération de contrats de projets une procédure de dégagement d'office dans l'esprit de celle existant pour les programmes européens, ajoutant que la mise en oeuvre de ces contrats ferait l'objet d'une évaluation régulière et d'un suivi particulier par une cellule de la DIACT. Enfin, il a rappelé que des contrats pourraient être passés entre l'Etat et les pays en cas de désaccord entre ces derniers et leur région.
M. François Gerbaud s'étant interrogé sur la possibilité pour l'Etat de contractualiser avec des pays non constitués en établissements publics, M. Christian Estrosi a considéré que le pays devait rester une instance de concertation et de réflexion sur un territoire de projet et ne pas devenir une structure de gestion, les maîtrises d'ouvrage devant être assumées notamment par les intercommunalités. Il a fait part d'une réflexion en cours avec le ministre délégué aux collectivités territoriales en vue d'une clarification du statut des pays.
M. Jean François-Poncet a souligné que la situation des pays était variable selon les régions et selon le contexte dans lequel ils avaient été mis en place, précisant que dans le Lot-et-Garonne, le conseil général avait largement contribué à leur formation.
Mme Jacqueline Gourault ayant demandé des précisions sur la date d'adoption définitive du cadre de référence stratégique national, M. Pierre Mirabaud a indiqué qu'elle dépendait de l'adoption préalable des perspectives financières et de celle des règlements relatifs aux fonds structurels, respectivement envisagées pour mai et juillet 2006, de sorte que la version définitive du cadre de référence stratégique français pourrait être adressée à la Commission européenne en septembre 2006, les programmes opérationnels devant ensuite être validés pour entrer en vigueur au 1er janvier 2007.
Mercredi 22 mars 2006
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -Collectivités territoriales - Politique des pays - Echange de vues
La délégation a ensuite procédé à un échange de vues sur la politique des pays.
M. Alain Fouché, rapporteur, a rappelé que la délégation lui avait confié la charge d'élaborer un rapport d'information sur la politique des pays et qu'il se trouvait, actuellement, à mi-parcours de sa réflexion et de ses auditions. Il a ajouté que le présent débat d'orientation lui permettrait de mieux connaître les attentes et les critiques des membres de la délégation.
Le rapporteur a relevé que le débat sur les pays s'était quelque peu apaisé. En effet, l'existence de ces derniers semble désormais faire l'objet d'un consensus.
Il a estimé, au vu des auditions auxquelles il avait déjà procédé, que la question essentielle était de savoir si le pays constituait un échelon pertinent pour conduire un certain nombre de politiques territoriales hors de portée des intercommunalités, sans empiéter sur les compétences du département.
Pour de nombreux élus, la mise en place d'un programme local de l'habitat, la création d'une plate-forme d'emplois et de formation continue ou encore la coordination des politiques touristiques sont par exemple du ressort du pays.
Mais d'autres questions restent en discussion : le pays doit-il être principalement un lieu d'animation, un espace de projets spécifiques, un lieu de coordination des actions intercommunales ou encore un cadre permettant de mettre en oeuvre une véritable démocratie de proximité ?
M. Claude Belot a déclaré qu'il s'était engagé dans la politique des pays dès 1975. Au départ, a-t-il rappelé en évoquant l'expérience de son département (sept pays, plus les îles de Ré et d'Oléron), il s'est agi pour des villes de dimension moyenne (La Rochelle, Saintes, Rochefort, Royan) d'organiser leur espace autour d'un certain nombre de missions d'intérêt commun : ramassage des ordures ménagères, actions touristiques, développement économique. Puis l'idée est venue de faire coïncider le pays avec la communauté de communes. En fait, a-t-il estimé, les pays qui connaissent le succès sont ceux qui recouvrent la structure intercommunale.
Après avoir relevé que les coûts de fonctionnement pouvaient être très différents d'un pays à l'autre, M. Claude Belot a souligné le rôle que son département avait joué dans la mise en place des pays.
En conclusion, il s'est déclaré favorable aux pays, surtout lorsqu'ils coïncident avec une communauté de communes ayant la bonne taille critique. Il a jugé à cet égard qu'il convenait de continuer à encourager la fusion de ces communautés.
M. Alain Vasselle a indiqué que dans la région de Picardie, la réforme territoriale avait vu se succéder le « syndicat de pays », la communauté de communes, le syndicat mixte, « l'inter-territoire » puis enfin le pays, l'éligibilité aux crédits régionaux commandant ces évolutions territoriales.
Dans l'Oise, la politique de la région a d'ailleurs pu aboutir à la création de pays surdimensionnés où certains équipements structurants peuvent parfois se situer, pour une partie de la population, à 70 ou 80 kilomètres du domicile.
M. Alain Vasselle a donc regretté que certains pays se voient ainsi imposer des périmètres du fait de la seule volonté de la région.
Il a encore estimé que les pays entraînaient inévitablement des frais supplémentaires pour les communautés de communes, en devenant en fait une véritable « structure institutionnelle ».
M. Alain Vasselle a jugé que des choix devaient être faits : doit-on conserver toutes les structures territoriales : communes, syndicats intercommunaux à vocation multiple, intercommunalités, syndicats mixtes, inter-territoires, pays, départements, régions, ententes interrégionales... ?
Il a plaidé, lui aussi, pour une coïncidence entre le pays et la communauté de communes ayant la bonne taille critique.
M. Claude Belot a jugé que la relation avec la région constituait, pour le pays, un problème clé. La région cherche souvent, en effet, à faire du pays l'instrument de sa politique territoriale, d'où l'intérêt pour les pays de disposer de moyens propres suffisants pour bénéficier d'une certaine autonomie.
M. Jean François-Poncet, président, a souhaité que le rapport rappelle le développement de l'intercommunalité en France depuis plus d'un siècle, des syndicats intercommunaux aux pays, sur un certain nombre de sujets : distribution et assainissement de l'eau, distribution de l'électricité, ramassage des ordures ménagères, routes...
Il a ensuite plaidé pour que soit dressée une typologie des pays en une demi-douzaine de catégories. Puis il a exprimé le voeu que le rapport apporte des réponses sur un certain nombre de points :
- quelle proportion de pays est-elle dépourvue de structures juridiques ?
- quelle proportion de pays coïncide-t-elle avec les communautés de communes ou est-elle au contraire, située à cheval sur plusieurs de celles-ci, voire sur plusieurs départements ?
- comment les pays répondent-ils à la question de la relation ville-espace rural ?
- quelles dépenses supplémentaires sont-elles engendrées par les pays ?
- les régions ne sont-elles pas tentées de contourner les départements en traitant directement avec les pays dont elles souhaitent fixer le périmètre ?
- dans quelle mesure les pays pourront-ils bénéficier des fonds européens ?
- la mise en place des pôles d'excellence rurale ne va-t-elle pas encourager les pays à se mobiliser pour des projets éligibles aux crédits européens ?
M. Jean François-Poncet, président, a estimé pour sa part que la situation des pays était très variable et dépendait étroitement des régions, des cultures et des psychologies locales, ainsi que des personnes.
Il a jugé que les pays ne devaient pas disparaître, mais qu'il convenait de s'orienter vers plus de clarté et plus de simplification, l'objectif essentiel étant un développement économique hors de portée des petites communes, voire de nombreuses petites communautés de communes.
Il a souligné le fort impact des incitations financières de l'Etat sur le processus de réorganisation territoriale.
M. Alain Vasselle a abondé en ce sens en faisant observer que beaucoup de communautés de communes avaient, pour des raisons financières, opté pour la taxe professionnelle unique (TPI).
Il a ensuite relevé que le débat actuel sur l'intérêt communautaire devrait permettre de mieux définir le socle de compétences que souhaitent conserver les communes.