Mercredi 1er mars 2006
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.Union européenne - Aménagement du territoire - Audition de M. Gérard Bailly, sénateur, président du Conseil général du Jura et membre du bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF), et de Mme Christine Côte, conseillère en charge des affaires européennes à l'ADF
La délégation a procédé à l'audition de M. Gérard Bailly, sénateur, président du Conseil général du Jura et membre du bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF), et de Mme Christine Côte, conseillère en charge des affaires européennes à l'ADF.
M. Gérard Bailly, sénateur, président du Conseil général du Jura et membre du bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF), a tout d'abord constaté que la suppression du zonage des aides versées dans le cadre de l'objectif 2 donnait aujourd'hui lieu à un débat semblable à celui qui avait précédé son instauration en 2000. Il a estimé que si tous les territoires pouvaient désormais prétendre aux aides européennes, il faudrait néanmoins accorder une priorité aux zones les plus en difficulté. Il a ensuite considéré que le changement le plus important induit par la réforme en cours de la politique de cohésion était l'obligation de consacrer 75 % des crédits de ce même objectif à des dépenses conformes aux critères de Lisbonne.
Mme Christine Côte, conseillère en charge des affaires européennes à l'ADF, a dressé un bilan assez positif de la programmation 2000-2006, soulignant qu'elle avait favorisé, grâce à l'accent mis sur le partenariat, une implication forte des départements. Elle a relevé que ceux-ci étaient devenus les plus importants co-financeurs des projets de développement rural financés par le Fonds européen de développement régional (FEDER) et qu'ils intervenaient de plus en plus dans la gestion du Fonds social européen (FSE), en cohérence avec leurs nouvelles attributions sociales découlant de la loi du 19 décembre 2003 sur le revenu minimum d'insertion (RMI) et du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales. De même, a-t-elle poursuivi, certains départements participent à des projets dans le cadre des programmes d'initiative communautaire (PIC) : tel est, par exemple, le cas de plusieurs conseils généraux du sud-est de la France collaborant au sein de l'Arc latin, association de collectivités territoriales européenne du bassin méditerranéen soutenue par le programme Interreg III, ou encore du Conseil général du Val-de-Marne, qui développe un projet visant à promouvoir la mobilité des personnes handicapées dans le cadre du programme Equal. Elle a signalé que l'ADF avait proposé que les départements puissent, s'ils le souhaitent, devenir autorités de gestion pour les mesures de lutte contre l'exclusion (politique dite d'« inclusion ») financées par le FSE et obtenir des délégations de gestion pour les enveloppes du Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) correspondant à des compétences qu'ils exercent en matière d'aménagement foncier et de gestion de l'eau.
M. Jean François-Poncet, président, a fait part de sa crainte que le FEADER ne soit doté de peu de crédits et n'affiche, en tant qu'instrument financier de la PAC, des priorités très agricoles. Il a fait observer que l'obligation de consacrer 75 % des crédits de l'objectif 2 à des dépenses conformes aux critères de Lisbonne, c'est-à-dire pour l'essentiel consacrées à l'innovation, risquait de constituer une difficulté pour les départements ruraux qui, a-t-il estimé, avaient le plus besoin d'être aidés.
M. Gérard Bailly a fait valoir que la compétitivité et l'innovation pouvaient aussi concerner l'espace rural, les technologies de l'information et de la communication y trouvant notamment des applications dans le domaine des services aux personnes, mais également en agriculture.
Evoquant les difficultés économiques qui frappent durement la filière avicole dans son département dans un contexte marqué par la crise de la grippe aviaire et la diminution des subventions aux exportations, Mme Yolande Boyer a plaidé pour que les fonds structurels puissent aussi être utilisés pour accompagner les nécessaires restructurations et le retour à l'emploi.
Mme Christine Côte s'est étonnée, à cet égard, que la stratégie de Lisbonne, à l'origine très axée sur les questions d'« inclusion sociale » et d'emploi, ne soit aujourd'hui plus évoquée que sous l'angle de l'innovation. De la même manière, a-t-elle insisté, la première version du cadre de référence stratégique national (CRSN) ne se référait pas à cette dimension sociale prévue par l'Agenda social européen. Par ailleurs, elle a estimé que le département, échelon de proximité, constituait un bon niveau de mise en oeuvre des fonds structurels. Enfin, elle a exprimé la crainte que les crédits du FEDER ne bénéficient à l'avenir plus beaucoup aux espaces ruraux.
M. Jean François-Poncet, président, a indiqué que le directeur général de la politique régionale à la Commission européenne, M. Graham Meadows, lui avait assuré lors d'un récent entretien que le FEDER continuerait à jouer un rôle important pour les zones rurales. Il a souhaité savoir de quelle manière l'ADF était associée à l'élaboration du cadre de référence stratégique national.
Mme Christine Côte a expliqué que la consultation avait été jusqu'à présent très inégale. Ainsi, a-t-elle précisé, si l'ADF a pu participer aux groupes de travail mis en place par le ministère de l'agriculture sur le FEADER et par le ministère de l'emploi sur le FSE, elle a été en revanche peu associée aux travaux conduits par la Délégation à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) sur le FEDER et sur l'objectif « coopération territoriale européenne » (nouvel objectif 3), ni à ceux menés par le ministère de l'agriculture sur le futur Fonds européen de la pêche (FEP). Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, la consultation avec les collectivités territoriales s'est surtout déroulée aux niveaux régional et interrégional.
Concernant la coopération transfrontalière, M. Gérard Bailly a insisté sur la nécessité de simplifier les procédures d'élaboration et de mise en oeuvre des programmes Interreg.
M. Jean François-Poncet, président, ayant critiqué le caractère rigide de la règle du dégagement d'office des crédits non consommés au terme de deux ans, Mme Christine Côte a fait valoir, en réponse, l'intérêt des délégations de gestion par lesquelles l'Etat confie aux collectivités territoriales la gestion financière et la mise en oeuvre de certaines mesures des programmes européens. Citant l'exemple des délégations de mesures du FSE dont bénéficient à leur demande certains départements, elle a mis l'accent sur les gains d'efficacité et le raccourcissement des délais permis par cette procédure, les départements devenant les interlocuteurs uniques des opérateurs destinataires des crédits. Elle a alors constaté que les délégations de gestion aux départements avaient permis d'éviter les dégagements de crédits du FSE dans le cadre de l'objectif 3.
M. Gérard Bailly a estimé que les problèmes liés à l'application de la règle du dégagement d'office se poseraient surtout en début de programmation, craignant à cet égard que, dans l'urgence, il ne soit proposé de faire financer n'importe quel projet, comme tel avait été le cas au début de la programmation 2000-2006.
M. Jean François-Poncet, président, a souhaité que les crédits à consommer au cours de la programmation 2007-2013 ne soient pas répartis en sept tranches identiques, mais connaissent une montée en charge progressive.