Mercredi 8 février 2006
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.Audition de M. Daniel Hoeffel, président, et M. Christophe Rouillon, rapporteur, de la commission « Europe » de l'Association des maires de France (AMF).
La délégation a procédé à l'audition de MM. Daniel Hoeffel et Christophe Rouillon, président et rapporteur de la commission « Europe » de l'Association des maires de France (AMF).
M. Daniel Hoeffel, président de la commission « Europe » de l'Association des maires de France, a rappelé que par le passé, la France avait largement bénéficié des fonds structurels, notamment à l'époque de la deuxième programmation (1994-1999), à la négociation de laquelle il avait participé en tant que membre du gouvernement. Après avoir remercié la délégation du Sénat à l'aménagement du territoire de son invitation, il a précisé que si l'Association des maires de France (AMF) avait bien été consultée au niveau national par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) et par le ministère de la cohésion sociale sur le projet de cadre de référence stratégique national, tel n'avait pas toujours été le cas des associations départementales des maires au niveau local, plaidant pour une meilleure concertation avec celles-ci lors de l'élaboration des programmes opérationnels. Concernant le choix de l'autorité de gestion des fonds structurels, il a indiqué que l'AMF réservait sa position en attendant que soient évaluées les expérimentations de délégation conduites actuellement en Alsace et en Auvergne. Abordant l'accord conclu entre les Etats membres au Conseil européen du 19 décembre 2005 sur les perspectives financières, il a considéré que la diminution d'environ 25 % des crédits destinés à la France pour la période 2007-2013 justifiait leur concentration sur un nombre limité de thématiques, comme le préconisait le cadre de référence stratégique national, afin d'éviter tout saupoudrage. Il a plaidé, à cet égard, en faveur d'une meilleure prise en compte de la dimension territoriale dans le cadre de référence stratégique national et dans les programmes opérationnels régionaux, insistant pour que les collectivités infrarégionales, en particulier les agglomérations, puissent bénéficier de subventions globales pour leurs projets. Concernant la part respective du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) dans le financement de l'objectif « compétitivité régionale et emploi », il a indiqué que l'AMF était favorable à la reconduction de la proportion actuelle (60 % pour le FEDER et 40 % pour le FSE). Il a considéré que s'il était concevable que les fonds structurels soient utilisés pour accompagner la mise en oeuvre de politiques nationales, leur principale vocation devait demeurer le soutien des régions les plus défavorisées ou en retard de développement.
Evoquant ensuite les priorités des communes s'agissant du contenu du cadre de référence stratégique national, M. Daniel Hoeffel a d'abord souhaité que, compte tenu du faible rôle qu'est appelé à jouer le Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) en matière de développement rural non agricole, le FEDER puisse être mobilisé en faveur de projets territoriaux portés par des structures intercommunales, y compris par des pays, principalement pour soutenir la diversification de l'activité économique et le développement des services de proximité en milieu rural. Il a également plaidé pour que le FEDER puisse contribuer au financement des futurs pôles d'excellence rurale. Concernant la politique urbaine, il a proposé que le FEDER finance en priorité les opérations de restructuration des quartiers dans les villes et les agglomérations ne bénéficiant pas d'autres financements, notamment de la part de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). S'agissant des thématiques prioritaires pour l'AMF, il a successivement cité l'appui aux technologies de l'information et de la communication (TIC), en particulier pour la construction d'infrastructures d'accès au haut débit dans les zones rurales, le soutien à un nombre limité d'infrastructures de transports infrarégionales en complément des financements attribués dans le cadre des contrats Etat-régions, le financement d'actions en faveur de l'environnement -notamment la promotion de transports publics urbains propres et la réhabilitation de sites contaminés- et de la prévention des risques naturels, et enfin l'appui aux petites et moyennes entreprises, en particulier aux réseaux de coopération entre les universités et les entreprises. Il a indiqué, en revanche, que l'AMF était contre la mobilisation des fonds structurels en faveur des pôles de compétitivité, dans la mesure où elle réduirait significativement les crédits européens disponibles pour les autres projets. Enfin, concernant la politique de l'emploi, il a souhaité que le FSE ne serve pas seulement à financer le plan de cohésion sociale, mais permette aussi d'appuyer les dispositifs mis en place par les collectivités territoriales ou avec leur contribution, tels que les plans locaux pour l'insertion par l'emploi (PLIE), les maisons de l'emploi ou encore les missions locales.
Jean François-Poncet, président, a indiqué qu'il avait demandé au ministre en charge de l'aménagement du territoire que le projet de cadre de référence stratégique national soit soumis aux délégations parlementaires à l'aménagement du territoire. Il a estimé que la baisse annoncée des crédits européens destinés à la France n'empêcherait pas le financement de projets structurants. Concernant le développement rural, après avoir constaté que l'enveloppe destinée au FEADER était une variable d'ajustement, il a dit partager l'opinion de son interlocuteur concernant le rôle que devrait en conséquence jouer le FEDER dans ce domaine. A propos de l'approche thématique mise en avant par la réforme de la politique de cohésion, il a fait observer que, conformément à l'accord du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières, 75 % des crédits de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » devraient être affectés à la réalisation de la stratégie dite de Lisbonne et donc essentiellement à l'innovation, les 25 % restants pouvant seuls être utilisés plus librement. Il s'est inquiété, à cet égard, du risque de polarisation des financements vers les pôles urbains de recherche et les zones les plus développées. Il s'est également interrogé sur l'opportunité de maintenir en l'état la règle dite du « dégagement d'office », qui annule la disponibilité des crédits non consommés au bout de deux ans, craignant qu'il soit difficile de préparer dans les délais requis des dossiers de projets innovants.
Mme Jacqueline Gourault s'est interrogée sur la future répartition entre régions de l'enveloppe financière destinée à la France.
Revenant sur les priorités thématiques, M. Christophe Rouillon, rapporteur de la commission « Europe » de l'AMF, a mis l'accent sur la nécessité de soutenir notamment la rénovation urbaine, les petites et moyennes entreprises et l'accès aux TIC. Il a insisté sur la frustration ressentie par les collectivités infrarégionales qui estiment avoir été insuffisamment consultées pour l'élaboration du cadre de référence stratégique national. Il s'est néanmoins félicité de l'existence d'un tel document stratégique qui, a-t-il souligné, permettra de définir clairement et de hiérarchiser les projets prioritaires. Enfin, il a émis le souhait que malgré l'importance du thème de l'innovation, les financements européens ne soient pas entièrement captés par les capitales régionales, au détriment des territoires qui les entourent.
Relayant cette inquiétude, M. François Gerbaud a considéré, par ailleurs, que la contractualisation des régions avec les pays contribuait au saupoudrage des crédits. Se déclarant favorable à une articulation entre la prochaine programmation des fonds structurels et les futurs contrats de plan, il a souhaité que cette contractualisation ne soit pas limitée aux régions, mais puisse aussi impliquer d'autres collectivités publiques, notamment des métropoles.
M. Christophe Rouillon a fait part des difficultés rencontrées par certaines communes auxquelles l'Etat demande de cofinancer les programmes mis en oeuvre par l'ANRU, alors qu'elles n'ont pas les moyens d'y faire face. Enfin, concernant le choix de l'autorité de gestion, il a craint que l'attribution de ce statut aux régions ne leur confère une tutelle sur les collectivités de niveau infrarégional.
M. Daniel Hoeffel s'est dit, pour sa part, plutôt ouvert à l'attribution du statut d'autorité de gestion aux régions. Il a mis l'accent sur l'importance des mesures de coopération transfrontalière financées par le programme Interreg.
M. Alain Vasselle a souhaité que l'Etat ne mette à profit les fonds structurels pour substituer des financements européens aux financements qu'il doit lui-même apporter aux pôles d'excellence rurale. Constatant, par ailleurs, que dans sa région, le conseil régional contraignait les communes et les intercommunalités à se regrouper en pays afin de limiter le nombre de ses interlocuteurs pour l'attribution de crédits, il a posé la question de la légitimité de telles structures eu égard à leur mode de désignation, et a jugé inévitable une évolution vers leur institutionnalisation.
Signalant qu'une étude sur ce sujet était actuellement conduite par M. Alain Fouché au sein de la délégation, M. Jean François-Poncet a fait valoir la situation très diverse des pays selon les régions, indiquant que dans son département, la taille trop petite des communautés de communes justifiait le rassemblement de celles-ci à l'échelle de pays.
Après avoir expliqué que les pays devenaient les interlocuteurs naturels des régions, de même que les intercommunalités ceux des départements, M. Daniel Hoeffel a relevé une complexification croissante du paysage institutionnel local.
Mme Jacqueline Gourault a indiqué que dans sa région, les pays préexistaient le plus souvent aux intercommunalités, mais s'effaçaient aujourd'hui devant la montée en puissance de ces dernières. Elle s'est dite favorable, en outre, à ce que les pays demeurent des structures légères.