M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial
BUDGET ANNEXE
CONTRÔLE
ET EXPLOITATION AÉRIENS
Aux termes de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances, « des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l'État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services. [...]
« Par dérogation [...] , les budgets annexes sont présentés selon les normes du plan comptable général, en deux sections. La section des opérations courantes retrace les recettes et les dépenses de gestion courante. La section des opérations en capital retrace les recettes et les dépenses afférentes aux opérations d'investissement et aux variations de l'endettement ».
Le présent budget annexe, dit « BACEA », retrace les recettes et les dépenses de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) .
Le projet annuel de performances rappelle également que « comme tous les budgets annexes, le BACEA est présenté à l'équilibre », l'insuffisance de recettes par rapport aux dépenses est compensée par « la variation de son endettement ».
I. UN BUDGET ANNEXE DÉPENDANT DE LA BONNE SANTÉ DU TRANSPORT AÉRIEN
A. DES RECETTES PROPORTIONNELLES AU NIVEAU DU TRAFIC AÉRIEN
Les recettes du budget annexe, hors emprunt, s'élèvent à un peu moins de 2 milliards d'euros . Il s'agit pour l'essentiel de redevances , de diverses natures, acquittées par les acteurs du transport aérien en rémunération des services rendus par la direction générale de l'aviation civile . En outre, le budget annexe perçoit la taxe de l'aviation civile, pour un montant de 373,7 millions d'euros en 2015 , dont l'assiette repose sur le nombre de passagers et de fret embarqués en France.
Autrement dit, le budget annexe est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. Dès lors, l'évolution du trafic a une influence notable sur son équilibre financier .
Ainsi, en 2014, le trafic devrait progresser de 2,6 % à 2,7 %, au-delà des prévisions de début d'année et cela malgré la grève d'Air France en septembre. Pour 2015, la direction générale de l'aviation civile rappelle que « Eurocontrol prévoit une augmentation [des mouvements] de 2,7 % dont + 2,1 % pour la France. [...] Jusqu'en 2019, Eurocontrol prévoit un taux annuel moyen de croissance des mouvements de 2,6 % de l'ensemble de ses membres. [...] Si l'optimisation de l'emport moyen se poursuit, le nombre de départs et arrivées en France devrait être stable entre 2014 et 2015 ».
Cette tendance positive se traduit par une amélioration significative des recettes du budget annexe pour 2015 ( cf. infra ).
B. DES MESURES NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN
L'écosystème du transport aérien est principalement constitué des transporteurs, en particulier d' Air France ; des aéroports et, en premier lieu, d' Aéroports de Paris , où se situe le « hub » (plateforme de correspondance) d'Air France ; et, enfin, de l' État . Ce dernier peut avoir plusieurs rôles : il définit les règles sociales (droit du travail, niveau des charges), il agit en tant que régulateur et, enfin, il est actionnaire d'Air France et d'Aéroports de Paris.
Air France et Aéroports de Paris sont dans une relation de partenariat contraint, qui peut conduire à aiguiser les tensions entre les deux entreprises, l'une accusant l'autre de ne pas modérer suffisamment les redevances aéroportuaires, l'autre mettant l'accent sur le niveau des investissements nécessaires pour entretenir l'infrastructure et la qualité de service.
Or, leurs intérêts sont en réalité plus convergents qu'il n'y paraît. En effet, Aéroports de Paris a intérêt à ce que le « hub » de Paris reste attractif et, partant, à limiter les redevances aéroportuaires acquittées par son principal client. De même, Air France a intérêt au maintien d'une infrastructure de haut niveau et, partant, à accepter de rémunérer Aéroports de Paris pour les investissements qu'il réalise. Enfin, l'État, en tant qu'actionnaire entend que le rendement financier de ses participations soit maximisé et donc qu'aucune des deux sociétés ne perde de valeur.
Dans ce contexte, le récent rapport de notre collègue député Bruno Le Roux a dressé un constat inquiétant sur la compétitivité du transport aérien français 3 ( * ) . Pour y remédier, il propose six mesures « urgentes de court terme » et six mesures « tout aussi importantes à décider très rapidement pour le moyen terme ».
Les deux premières mesures concernent directement le budget annexe. Il s'agit de lui affecter en totalité la taxe de l'aviation civile , alors qu'il n'en perçoit que 80,91 % à ce jour, le solde revenant au budget général de l'Etat. En outre, les transporteurs seraient exonérés de taxe au titre des passagers en correspondance . D'après les premières estimations, cette double évolution serait neutre d'un point de vue financier pour le budget annexe. En revanche, elle conduirait à une perte de recettes de l'ordre de 90 millions d'euros pour le budget général, qu'il conviendrait évidemment de compenser .
Votre rapporteur spécial est favorable à cette proposition qui présente l'avantage d'être favorable à l'attractivité du « hub » de Paris. Elle est dès lors susceptible de stimuler le trafic aérien vers la France, pour le grand bénéfice de tous les acteurs de l'écosystème du transport aérien.
Par ailleurs, d'autres taxes sont acquittées par le secteur du transport aérien, notamment la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires (TNSA). Aux termes de l'article 1609 quatervicies A du code général des impôts, « le produit de la taxe est affecté, pour l'aérodrome où se situe le fait générateur, au financement des aides versées à des riverains [...] et, le cas échéant, [...] au remboursement à des personnes publiques des annuités des emprunts qu'elles ont contractés ou des avances qu'elles ont consenties pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores prévus par des conventions passées avec l'exploitant de l'aérodrome ». Or l'utilisation du produit de la TNSA n'est pas exclusive de l'utilisation de différentes dépenses fiscales en matière d'isolation thermique.
La question du cumul d'une aide et d'une dépense fiscale mérite d'être posée . Pour un même service rendu, il serait soit de faire baisser la charge reposant sur l'État au titre de la dépense fiscale, soit de diminuer celle reposant sur les compagnies aériennes au titre de la TNSA.
* 3 Rapport du groupe de travail « Compétitivité du transport aérien français », présidé par Bruno Le Roux, 3 novembre 2014.