M. François PATRIAT, rapporteur spécial
CHAPITRE PREMIER
LE BUDGET POUR 2013 : PRIORITÉ À
L'EMPLOI
I. QUELS CONSTATS APRÈS UN QUINQUENNAT DE DÉSENGAGEMENT BUDGÉTAIRE ?
A. UN MARCHÉ DU TRAVAIL PARTICULIÈREMENT DÉGRADÉ
Le présent projet de loi de finances pour 2013 s'inscrit dans le contexte d'un marché du travail particulièrement dégradé, sur lequel se trouvent 2,2 millions de bénéficiaires de l'assurance chômage, et même 4,6 millions si l'on prend en compte les différentes catégories de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi. Et les perspectives pour 2012 et 2013 sont pessimistes.
La hausse du nombre des demandeurs d'emploi entraîne mécaniquement une augmentation des dépenses d'indemnisation financées par l'Assurance chômage. Ainsi, l'Unedic a-t-elle chiffré que le nombre de chômeurs indemnisés continuerait à augmenter pour s'établir à 2,25 millions à fin 2013 et celui des inscrits à 4,77 millions toutes catégories confondues.
Prévision du nombre des chômeurs
indemnisés et du potentiel indemnisable
par l'Assurance
chômage
(effectifs en millions)
Source : Pôle emploi, Prévisions Unedic (situation financière de l'Assurance chômage pour les années 2012 et 2013)
La conséquence directe de cette dégradation de la conjoncture serait une aggravation du déficit de l'Unedic en raison de l' augmentation des dépenses d'assurance chômage . Celles-ci passeraient de 35,2 milliards en 2012 à 37,2 milliards d'euros en 2013 . Le compte de résultat de l'assurance chômage pourrait présenter un déficit supplémentaire de 2,6 milliards d'euros en 2012 et de 4,1 milliards d'euros en 2013.
La dette de l'assurance chômage continuerait aussi à se creuser, passant de 11 milliards d'euros en 2011 à 13,6 milliards en 2012 pour atteindre 17,7 milliards d'euros fin 2013 .
En 2013, selon les estimations effectuées par l'Unedic, se fondant sur le consensus des économistes 1 ( * ) , la hausse des demandeurs d'emploi en catégorie A ralentirait, en particulier en seconde moitié d'année en raison d'une reprise progressive de l'activité, mais également en lien avec les effets escomptés des mesures proposées par le Gouvernement concernant l'élargissement des possibilités de départ à la retraite et la création de 100 000 emplois d'avenir.
C'est bien devant ce constat, celui d'une croissance continue du chômage pendant un an, mais aussi dans cette perspective de redressement de l'activité que le Président de la République a fixé, le 13 novembre 2012, l'objectif d'inverser la courbe du chômage d'ici la fin 2013 .
B. UNE CONTRACTION DE 20 % DES MOYENS DE LA MISSION EN CINQ ANS
Depuis 2008, le premier budget du quinquennat précédent, les crédits alloués à la mission « Travail et emploi » n'ont cessé de diminuer - hormis un sursaut enregistré en 2011 au titre du plan pour l'emploi doté de 350 millions d'euros - passant de 12,48 milliards d'euros à 10,1 milliards pour 2012, soit une contraction de près de 20 % en cinq ans .
Evolution des crédits de la mission « Travail et emploi » votés en LFI
Source : projets de loi de finances pour les années 2009 à 2013
En 2012, c'est la mission « Travail et emploi » qui subissait la plus forte baisse de crédits budgétaires (moins 11 %), devant la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Le budget pour 2013, décrit plus en détail ci-après, marque donc un redressement de l'effort budgétaire de l'Etat.
Sans méconnaître l'impératif de retour à l'équilibre des finances publiques, que l'actuel Gouvernement assume totalement, le choix fait par le précédent Gouvernement de se désengager par principe des politiques actives de l'emploi et de lutte contre le chômage en continuant à réduire les prévisions de dépenses en LFI, même pendant la crise, l'a placé dans l'obligation de redéployer massivement des crédits en cours d'année comme cela a été le cas en 2009 et en 2010 pour faire face à la dégradation accélérée du marché du travail :
- la loi de finances pour 2009 prévoyait ainsi une baisse de 5,4 % du budget de la mission « Travail et emploi » par rapport à 2008. En réalité, les crédits effectivement consommés se sont établis à 13,7 milliards d'euros en AE et CP, soit un niveau supérieur de 12 % à celui des crédits votés en LFI. En raison de la crise économique, près de 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires ont, en effet, été ouverts sur le volet « emploi » de la mission (programmes 102 et 103) au titre du plan de relance ;
- en 2010, l'exécution des crédits a dépassé de 30 % l'autorisation votée en LFI notamment pour honorer la surconsommation de contrats aidés dont la dépense finale s'est élevée à 3,5 milliards d'euros de crédits au lieu de 1,77 milliard d'euros prévus initialement ;
- l'année 2011 a suivi la même pente avec l'ouverture supplémentaire de 350 millions d'euros supplémentaires en application de la loi de finances rectificative précitée du 29 juillet 2011.
Cette pratique budgétaire s'est révélée préjudiciable à la bonne programmation des contrats aidés du fait de la politique de « stop and go » dans la création et la reconduction des contrats.
A cet égard, votre rapporteur spécial souligne que pour l'année en cours, la sous-budgétisation récurrente des contrats uniques d'insertion prévus pour 2012 (1,8 milliard d'euros) est une des causes, avec l'aggravation de la situation de l'emploi, de la décision prise par le Gouvernement d'en renforcer le nombre dès la rentrée de septembre.
Le nombre de contrats prévus en LFI 2012 s'élevait à 340 000 CUI-CAE et 45 000 CUI-CIE. Il a été décidé, en urgence et sans attendre la mise en oeuvre en 2013 des emplois d'avenir, d'ajouter 80 000 contrats (60 000 CAE et 20 000 CIE) puis une enveloppe complémentaire de 40 000 CAE pour faire face au rythme soutenu des prescriptions dès cet automne. Le nombre de contrats prévus en 2012 s'élèvera donc à 440 000 CAE et 65 000 CIE, nécessitant d'opérer des abondements de crédits, soit par voie de décret d'avances, soit par voie de loi de finances rectificative si le solde global est impacté.
C. UNE POLITIQUE DE L'EMPLOI MENÉE PAR À-COUPS ET MALMENÉE PAR LA CRISE
Il serait inexact de conclure de ce qui précède que le Gouvernement précédent aura été inactif face à la crise. Nul ne peut lui en tenir rigueur pour ce qui concerne les causes internationales.
Mais, alors que les politiques de l'emploi se justifient par leur effets contra-cyclique sur la conjoncture - accentuer le soutien à l'emploi lorsque le chômage augmente et, à l'inverse, soulager les finances publiques lorsque l'emploi est dynamique - votre rapporteur spécial avait déjà pu constater que la succession des plans (plan de relance, investissements d'avenir, plan pour l'emploi), tous pris dans l'urgence en lois de finances rectificatives, n'ont pu durablement inverser la tendance haussière du chômage sur les années 2009, 2010 et 2011.
1. S'agissant du plan de relance de l'économie : une contribution ponctuelle de près de 1,2 milliard d'euros aux crédits de la mission
Au total, les crédits transférés à la mission « Travail et emploi » depuis la mission « Plan de relance », se sont élevés à 1,2 milliard d'euros en 2010 , soit un abondement représentant 10 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale .
Crédits transférés par le « Plan de relance » au profit de la mission « Travail et emploi »
(en euros)
Programmes de destination des crédits
|
Exemples de dispositifs concernés |
Montant des transferts de crédits |
Programme 102
|
- Les contrats aidés (989 millions d'euros) - L'insertion par l'activité économique (9 millions d'euros) - Les écoles de la deuxième chance (11 millions d'euros) - Les missions locales (50 millions d'euros) - Le fonds d'insertion professionnelle des jeunes (14,5 millions d'euros) - L'allocation CIVIS (35 millions d'euros) |
1 126 000 000 |
Programme 103
|
Financement des contrats de transition professionnelle gérés par Transitio, filiale de l'Afpa, pour le suivi de 9 849 personnes |
51 000 000 |
Programme 155
|
Mise en place d'un système interministériel d'échange d'information pour suivre les jeunes en situation de décrochage scolaire |
1 175 000 |
Total |
1 178 175 000 |
Source : d'après le rapport annuel de performances « Plan de relance » annexé au projet de loi de règlement pour 2010.
Les dispositifs du plan de relance de l'économie, par le rattachement de certaines mesures à la mission « Travail et emploi », continuent à peser sur les budgets suivants par l'acquittement de restes à payer :
- l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (AFDEF) dont le besoin de financement permettant de couvrir le coût du stock des entrées réalisées entre 2009 et 2010 est estimé pour 2013 à 54 millions d'euros ;
- l'allocation équivalent retraite (AER) dont le coût du stock des bénéficiaires entrés entre 2009 et 2010 est estimé pour 2013 à 110 millions d'euros.
Un certain nombre de dispositifs créés à l'occasion de la mise en oeuvre du Plan de relance ont été pérennisés. La dotation prévue au titre des écoles de la deuxième chance (E2C) s'élève ainsi à 24 millions d'euros en 2013, soit la reconduction du montant inscrit en LFI 2012.
2. S'agissant du plan pour l'emploi : 500 millions d'euros pour 2011 et 2012
La dégradation de la conjoncture à partir du printemps 2011 a suscité l'ouverture de nouveaux crédits en loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 dans le cadre du plan pour l'emploi. Ceux-ci se sont élevés à 350 millions d'euros pour les programmes 102 et 103. Ces mesures - dont le détail figure dans le tableau ci-après - ont représenté un coût global de 500 millions d'euros réparti sur 2011 (350 millions d'euros) et 2012 (150 millions d'euros) 2 ( * ) .
La question de savoir si des modalités d'application identiques de ce dispositif seront conservées par le nouveau Gouvernement ne se pose pas car ce plan a d'ores et déjà été exécuté à hauteur de 94 %, seuls 20 millions d'euros n'ayant pas été consommés. Ce taux reflète par ailleurs le niveau global de sous-consommation des crédits ouverts à l'échelle de la mission, notamment en ce qui concerne les contrats aidés pour lesquels la hausse anticipée en cours d'exercice n'aura pas été atteinte.
Ainsi, sur les 145 millions d'euros consacrés à la création de 50 000 contrats aidés supplémentaires dans le secteur non marchand (CUI-CAE), cinq millions d'euros n'auront pas été utilisés (cf. tableau ci-dessous).
L'exécution budgétaire 2011 des mesures du plan pour l'emploi
(en millions d'euros)
LFR 2011 |
Consommation 2011 |
|
Programme 102 |
243 |
233 |
Rémunération de fin de formation (R2F) |
8 |
6 |
Renforcement du suivi des demandeurs d'emploi par des organismes privés de placement (OPP) |
30 |
30 |
Formation des demandeurs d'emploi |
40 |
40 |
Contrat unique d'insertion non marchand |
145 |
140 |
Contrat d'autonomie |
20 |
17 |
Programme 103 |
107 |
97 |
Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) |
52 |
47 |
Contrat de professionnalisation |
5 |
5 |
Portail de l'alternance |
5 |
5 |
Alternance - statut de l'étudiant - CNOUS |
5 |
0 |
Dispositif « zéro charge » pour les apprentis |
40 |
40 |
Total |
350 |
330 |
Sources : Cour des comptes - Direction du budget
Ce plan porte en lui un certain nombre de coûts sur 2012 du fait de la durée de deux ans des contrats aidés. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, les dépenses engendrées par ce plan pour l'emploi subsistent :
- la rémunération de fin de formation (R2F), financée à parité par l'Etat et le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), se traduit par une dépense de 75 millions d'euros, sur la base des 30 000 entrées dans le dispositif au cours de l'exercice 2011 ;
- le contrat de professionnalisation senior, institué dans le cadre du contrat de professionnalisation, prévoit la mise en place, sans limitation de durée, d'une aide de 2 000 euros aux employeurs de chômeurs de longue durée âgés de plus de 45 ans, recrutés en contrat de professionnalisation. La dotation prévue au titre du dispositif s'élève à 5 millions d'euros en 2013.
3. S'agissant du programme des investissements d'avenir
La loi de finances rectificative du 9 mars 2010 a institué, en faveur de l'alternance, un programme doté de 500 millions d'euros mais dont seulement 182,6 millions d'euros ont été engagés à ce jour ( cf. infra chapitre III).
* 1 Hypothèse d'évolution du PIB de +0,1 % en 2012 et de +0,5 % en 2013.
* 2 Le coût lié aux 50 000 contrats aidés supplémentaires et à la mise en place de la rémunération de fin de formation a eu un impact sur deux ans.