M. Claude BELOT, rapporteur spécial

CHAPITRE V
LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

I. LE PROGRAMME 842 « ARTE FRANCE »

A. UNE CONTRIBUTION À LA RÉDUCTION DES DÉPENSES EN 2013

Le programme 842 a pour objet le financement du groupe Arte France , défini à l'article 45 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Pour mémoire, cet article dispose que la société est chargée de concevoir et de fournir les programmes et les moyens nécessaires à l'exercice des missions du groupement européen d'intérêt économique (GEIE) Arte issu du traité du 2 octobre 1990 instituant une chaîne culturelle franco-allemande.

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une dotation de 268,4 millions d'euros, contre 269,2 millions d'euros en 2012, soit une contraction de 0,3 % . Cette réduction des crédits intervient après deux années consécutives de forte hausse (+ 4,08 % en 2011 et + 7,3 % en 2012) et se justifie par le contexte budgétaire particulièrement contraint et la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, à laquelle tous les organismes publics ont vocation à participer.

Elle marque cependant une rupture avec la trajectoire financière prévue par le COM 2012-2016 signé l'année dernière. En effet, les dispositions générales du plan d'affaires prévoyaient un niveau des ressources publiques en croissance moyenne de 3,7 % par rapport à l'année de base 2011, et de 2,9 % par an sur la période du COM.

Le niveau limité de la réduction des crédits marque la reconnaissance du rôle d'Arte, chaîne très spécifique dans le paysage audiovisuel européen. Il n'en reste pas moins que cette évolution risque d'avoir des conséquences sur les ambitions de la chaîne.

B. DES SUCCÈS INDÉNIABLES EN 2012

1. La reconquête de l'audience

Contrairement à l'année dernière, le bilan des audiences de la chaîne s'est avéré positif en 2012 . La part de marché d'Arte est notamment en forte progression en France , et reste stable en Allemagne. Le groupe avait subi, comme les autres chaînes analogiques, une baisse de son audience qui s'expliquait largement par la démultiplication de l'offre audiovisuelle depuis 2005. L'ambitieuse réforme de la grille de ses programmes initiée dans le cadre du nouveau COM a permis d'inverser la tendance. Ainsi, Arte affiche actuellement 1,7 % de part d'audience sur la tranche 3h-27h 19 ( * ) , contre 1,5 % en 2011. Elle affiche cependant encore des audiences stables sur sa tranche historique (19h-27h), mais elle a malgré tout beaucoup progressé en journée. Votre rapporteur spécial relève que la chaîne affiche, en comparaison des autres chaînes historiques, la plus forte progression de sa part d'audience sur la période de janvier à septembre 2012 (+ 13 %).

De même, les audiences de la chaîne sur Internet sont en progression constante . Par exemple, au premier semestre 2012, son offre Internet a enregistré une audience record de 49,5 millions de visites et 174 millions de pages vues , soit une moyenne de 8,3 millions de visites par mois et 29 millions de pages vues par mois.

Votre rapporteur spécial salue cette performance, qui devra toutefois être confirmée en 2013.

2. Une gestion rigoureuse

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, Arte France anticipe, en 2013, une baisse de ses frais de structure grâce aux économies engendrées par la renégociation anticipée du bail du siège social d'Arte France. Par ailleurs, la contribution au compte de soutien du CNC diminue mécaniquement du fait de la réduction du chiffre d'affaires. Au total, les charges du groupe pourraient reculer de 0,6 % par rapport au budget 2012, induisant une économie de l'ordre de 1,6 million d'euros.

Enfin, l'achèvement du passage à la TNT a aussi induit une baisse bienvenue des coûts de diffusion pour Arte.

De surcroît, les ressources propres augmentent de 4,1 % par rapport à l'exercice précédent, avec une hausse remarquable des recettes commerciales .

Votre rapporteur spécial se félicite également de l'évolution du dispositif de performance du programme 842 , qui a été revu pour tenir compte des orientations contenues dans le nouveau COM. La mesure de la performance d'Arte France, couvrant l'intégralité des crédits qui lui sont alloués, s'appuiera désormais sur cinq indicateurs rigoureusement identiques à ceux du COM , et deux indicateurs proches. Par ailleurs, l'indicateur relatif aux frais généraux dans les charges d'exploitation a été harmonisé sur celui des autres sociétés de l'audiovisuel public afin de faciliter les comparaisons transversales.

C. LA RÉDUCTION DES DÉPENSES FAIT PESER UN CERTAIN NOMBRE D'INCERTITUDES POUR L'ANNÉE 2013, DANS UN CONTEXTE DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL

1. Des priorités réaffirmées malgré la réduction des dépenses

En dépit de la réduction de ses crédits par rapport à la trajectoire du COM, Arte France orientera son action en 2013 autour de deux priorités :

- la poursuite de l'effort sur les programmes , afin de continuer le renouvellement de sa grille, notamment en journée. De plus, auditionnée par votre rapporteur spécial, Véronique Cayla, présidente d'Arte France, a fait part de sa volonté de maintenir ses investissements dans la création, malgré une baisse inévitable du budget de programmes.

- renforcer et compléter le développement de sa stratégie numérique , à travers la production de formes inédites de programmes hybrides (antenne/nouveaux médias), l'enrichissement de ses plateformes sur les spectacles vivants (Arte Live Web) et la création numérique (Arte Creative), la création d'une nouvelle plateforme sur l'environnement, le renforcement du développement de la télévision de rattrapage (Arte +7) et le déploiement de sa diffusion sur les nouveaux supports (Internet, mobiles).

2. Quels ajustements budgétaires ?

Les dépenses hors programmes d'Arte France étant très contraintes 20 ( * ) , les ajustements du budget 2013 porteront principalement sur les programmes . Le budget dédié accusera en conséquence une baisse marquée de 8,7 millions d'euros par rapport à 2012 (-5,8 %), et de 11,7 millions d'euros par rapport aux prévisions du COM pour 2013.

Le prélèvement sur le fonds de roulement sera limité à 0,94 million d'euros en 2012, au lieu des 2,44 millions d'euros initialement prévus au budget. De plus, 1,5 million d'euros seront reportés sur 2013 afin de lisser la baisse du budget de programmes.

3. Les conséquences de l'arrivée de nouvelles chaînes sur la TNT

Dans ces conditions, il est fort probable que la chaîne éprouvera des difficultés à poursuivre sa dynamique politique de relance des programmes , au moment où la concurrence est appelée à s'accroître encore davantage, avec l'arrivée de six nouvelles chaînes de la TNT agréées par le CSA à partir de décembre, et bientôt de géants économiques non soumis à la régulation, tels que Google TV. En particulier, la concurrence de D 8, qui dispose d'un budget de démarrage très conséquent, risque de renchérir le coût des programmes .

II. LE PROGRAMME 843 « RADIO FRANCE »

A. UNE DIMINUTION DE 0,5 % DES CRÉDITS PAR RAPPORT À 2012

Le programme 843 porte les crédits destinés à la société Radio France. En application de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, celle-ci est chargée de concevoir et de programmer des émissions de radio à caractère national et local. Elle favorise l'expression régionale sur ses antennes décentralisées sur l'ensemble du territoire, et valorise le patrimoine comme la création artistique.

Premier groupe radiophonique français, Radio France produit et diffuse sept chaînes généralistes , thématiques et de proximité : France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleu, le Mouv' et FIP.

La dotation publique proposée pour Radio France en 2013 diminuera de 0,5 % par rapport à 2012 . Elle s'élèvera ainsi à 624,6 millions d'euros , en AE comme en CP. Cette évolution contraste avec la tendance des deux années précédentes , au cours desquelles les crédits du groupe avaient progressé de l'ordre de 3 %. En effet, les dispositions générales du plan d'affaires annexé au COM 2010-2014 prévoyaient un niveau de ressources en hausse moyenne de 3,1 % par an sur la période.

D'après le rapport annuel de performances, « Radio France sera amenée en 2013 à fournir des efforts significatifs sur son budget de fonctionnement » (...) qui devront se traduire par une accélération de la modernisation de l'entreprise au travers du dialogue social et par des économies structurelles qui porteront en priorité sur les achats et charges externes. Ils conduiront par conséquent Radio France à revoir très sensiblement certains objectifs du COM 2010-2014 ».

B. L'ÉVOLUTION DU CHANTIER DE RÉNOVATION DE LA MAISON DE RADIO FRANCE APPELLE UNE VIGILANCE TOUTE PARTICULIÈRE

Votre rapporteur spécial souhaite souligner les risques de dérive budgétaire et de calendrier du chantier de rénovation de la Maison de Radio France . En effet, d'après les réponses transmises à son questionnaire budgétaire, en septembre 2012 « un très fort risque de retard pèse sur la suite du chantier, voire une possible interruption des travaux , compte tenu du décalage du départ définitif de RFI 21 ( * ) des locaux de la Maison de Radio France et du retard pris sur les phases antérieures du chantier ».

De plus, plusieurs litiges survenus durant l'exécution des travaux, en cours de résolution, entraîneront des « surcoûts imprévus pour Radio France ».

Si le coût d'investissement prévisionnel du projet était, fin septembre 2012, stable par rapport à l'enveloppe prévue par le COM, le ministère de la culture et de la communication reconnaît lui-même que « le risque d'un dépassement important du budget initial est croissant ».

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial appelle à une vigilance toute particulière sur l'évolution de ce chantier . Il regrette, à cet égard, le manque d'informations disponibles dans le projet annuel de performances pour 2013, qui se contente d'indiquer, de manière péremptoire et imprécise, que « le chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France sera poursuivi. Son achèvement est prévu à l'été 2016. Le respect des délais et des coûts sera suivi ». Rien n'est moins sûr, d'autant que, indépendamment des éventuels retards sur le calendrier du chantier, l'enveloppe en euros courants demeure soumise à l'évolution des indices sur lesquels les marchés de travaux des entreprises du chantier sont indexés.

Le chantier de rénovation de la Maison de Radio France

La réhabilitation de la Maison de Radio France comprend un projet architectural, la création d'un auditorium, des opérations de désamiantage, et la création d'un parking. Le chantier principal doit durer du 8 juin 2009 au 8 février 2016, soit 80 mois de réhabilitation, auxquels il faut ajouter 6 mois de remise en état des espaces extérieurs, pour une fin de chantier prévue en août 2016. Le budget prévu au COM pour ce projet est de 328,2 millions d'euros (valeur juin 2008), selon la répartition des coûts suivante (en valeur juin 2008) :

- 258 millions d'euros pour les travaux ;

- 45,3 millions d'euros de coûts de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre ;

- 19,7 millions d'euros destinés à couvrir les aléas du chantier ;

- 5,2 millions d'euros de coûts divers (équipements techniques radio, taxes et redevances).

Fin septembre 2012, les travaux portant sur la construction d'un parking souterrain, la tour centrale, la petite couronne ainsi que les bâtiments reliant ces deux structures sont achevées. Les travaux de construction du nouvel auditorium et la réhabilitation des bâtiments recevant du public ont débuté en mai 2012 avec 4 mois de retard.

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

C. UNE ÉVOLUTION BIENVENUE DU DISPOSITIF DE PERFORMANCE

Votre rapporteur spécial relève avec satisfaction l'évolution bienvenue du dispositif de performance entre la loi de finances initiale pour 2012 et le projet de loi de finances pour 2013.

Il souligne à cet égard l'introduction d'un nouvel indicateur relatif à la fréquentation des concerts des formations musicales , qui constituent un pan important de l'activité de Radio France. Celui-ci s'accompagne d'un sous-indicateur mesurant le « taux de places occupées par rapport aux places proposées pour l'ensemble des concerts en France ».

Votre rapporteur spécial note également qu'un indicateur de suivi relatif au nombre d'équivalents temps-plein permanents et non-permanents a été ajouté, comme pour les autres sociétés de l'audiovisuel public.


* 19 Norme de mesure de l'audience mise en place par Médiamétrie.

* 20 Les frais de personnel et de fonctionnement d'Arte France représentent 11 % de son budget, et les autres charges sont très contraintes : coûts de diffusion, financement paritaire du GEIE.

* 21 Ces difficultés liées au décalage du déménagement des locataires de la Maison de la Radio France font l'objet d'un examen approfondi avec l'Etat au regard des conséquences financières potentielles pour Radio France : 1,2 million d'euros par mois de retard à partir du 1 er septembre 2012, avec une forte réévaluation à la hausse si le décalage précité devait contraindre Radio France à modifier le calendrier de son chantier de réhabilitation.