M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1) Pour 2012, la mission « Santé » regroupe 1,38 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP) . Elle rassemble l'ensemble des crédits « sanitaires » du ministère chargé de la santé. Toutefois, les fonctions de support de la mission continuent d'être portées par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Le coût complet de la mission « Santé » s'élève donc à 1,45 milliard d'euros en 2012 , soit 5 % de plus que les crédits prévus par la loi de finances. 2) La principale évolution de la mission « Santé » pour l'exercice 2012 consiste à traduire les incidences budgétaires des mesures annoncées dans le cadre du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé actuellement examiné par le Sénat. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), dont il est prévu la transformation en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), voit son mode de financement profondément remanié. Ses ressources doivent désormais provenir exclusivement du budget de l'État afin d'assurer son indépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Par conséquent, l'ouverture de 134,9 millions d'euros d'AE et de CP supplémentaires est prévue au titre du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». 3) La mission « Santé » comprend également les crédits alloués aux agences régionales de santé (ARS) au titre de leurs dépenses d'intervention relevant de la prévention et de la sécurité sanitaire , soit 182,46 millions d'euros en 2012. Votre rapporteur spécial regrette que la globalisation des ressources de ces agences altère la lisibilité des crédits qui leur sont affectés . C'est pourquoi, il lui paraît indispensable de disposer, en amont, au moment de l'examen du projet de loi de finances initiale, d'une information consolidée sur les ressources attribuées aux ARS et, en aval, au moment de l'examen du projet de loi de règlement, d'un suivi de leur consommation. 4) Pour la quatrième année consécutive, la dotation de l'État au Fonds « CMU-c » est nulle en 2012. Néanmoins, votre rapporteur spécial redoute que l'équilibre financier du Fonds soit menacé en 2012 . Un « effet de ciseau » semble susceptible de survenir. Le produit de la taxe affectée au Fonds, dont la croissance de l'assiette paraît surestimée par le Gouvernement, pourrait croître moins vite que les dépenses de celui-ci. En effet, celles-ci devraient être particulièrement dynamiques en 2012 du fait du relèvement du plafond de ressources de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). 5) Votre rapporteur spécial constate une stabilisation du budget de l'aide médicale d'État en 2012 , à 588 millions d'euros. Une réduction tendancielle des dépenses d'AME a été permise par une réforme de la tarification des prescriptions hospitalières. Cependant, votre rapporteur spécial regrette que toutes les réformes de l'AME n'aient pas été menées avec autant de discernement . La création d'un droit de timbre acquitté annuellement par les bénéficiaires du dispositif et la mise en place d'un panier de soins constituent des mesures d'économies médiocres pour un effet sanitaire et humanitaire regrettable . Ces économies, chiffrées à 8 millions d'euros seulement en 2012, reposent sur une restriction de l'offre de soins menée au dépend des étrangers en situation irrégulière. |
* *
*
Au 10 octobre 2011, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 84 % des réponses portant sur la mission « Santé » étaient parvenues à votre rapporteur spécial. |
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION « SANTÉ »
A. DES CRÉDITS EN HAUSSE, UNE MAQUETTE INCHANGÉE
1. D'importantes réformes financées sans modification de l'architecture de la mission
a) Une architecture stabilisée en 2012 malgré une augmentation substantielle des crédits de la mission
Après de nombreuses modifications de sa « maquette » budgétaire, la mission « Santé » semble désormais stabilisée . En effet, un important travail de transformation de l'architecture budgétaire de la mission avait été engagé en 2009 à l'initiative du Parlement puis continué jusqu'en 2011.
En 2009, la mission avait fait l'objet d'un changement substantiel de périmètre . Alors que le programme 156 « Drogue et toxicomanie » était rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement », deux nouveaux programmes rejoignaient la mission « Santé » : le programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » issu de la mission « Sécurité sanitaire » et le programme 183 « Protection maladie », auparavant adjoint à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Le projet de loi de finances pour 2010 a, quant à lui, prévu que l'ensemble des moyens de fonctionnement des agences régionales de santé (ARS), alors en voie de création, devaient être portés dans le programme support de la mission « Solidarité » . Antérieurement, les moyens de fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), absorbées par les ARS, étaient inscrits au sein du programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » de la mission « Santé ».
Enfin, en 2011, l'ancien programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » et le programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » ont été fusionnés au sein d'un nouveau programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
L'exercice 2012 marque donc une stabilisation de l'architecture budgétaire de la mission . Les deux programmes qui composent la mission « Santé », le programme 204 « Prévention, sécurité et offre de soins » et 183 « Protection maladie » sont pérennisés et regroupent les 1,38 milliards d'euros d'autorisation d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP) demandés pour 2012 au titre de la mission.
Répartition des crédits de paiement entre les deux programmes de la mission « Santé »
Source : commission des finances
La principale modification affectant la mission « Santé » en 2012, réside dans une augmentation conséquente de ses crédits . La mission est dotée de 150,6 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2011, soit une hausse de près de 12 % de ses ressources . Ce relèvement de l'enveloppe de la mission s'explique par diverses mesures de périmètre et de transfert, mais vise principalement à tirer les conséquences budgétaires de la réforme du système de sécurité sanitaire des produits de santé .
b) La rénovation du système de sécurité sanitaire des produits de santé
À la suite de l'affaire du Mediator® en 2010, une profonde rénovation de la politique du médicament a été engagée. À ce titre, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale, le 1 er août 2011, un projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, actuellement examiné devant le Sénat.
Le projet de loi de finances pour 2012 traduit les incidences budgétaires des mesures annoncées dans ce cadre . La principale d'entre-elles consiste à transformer l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le Gouvernement a souhaité que cette dernière agence n'ait plus aucun lien avec l'industrie pharmaceutique, remettant en cause les modalités de financement choisies pour l'AFSSAPS, dont les ressources sont constituées à hauteur de 20 % par la taxe annuelle sur les médicaments 1 ( * ) .
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a été créée par la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire et des produits destinés à l'homme. Il s'agit d'un établissement public de l'État, placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé. L'AFSSAPS a pour mission essentielle d' évaluer les bénéfices et les risques liés à l'utilisation des produits de santé . Ainsi, elle doit contribuer par ses diverses formes d'intervention à ce que les risques inhérents à chaque produit puissent être identifiés, analysés et maîtrisés tout en tenant compte des besoins thérapeutiques et des impératifs de continuité des soins. Le domaine d'intervention de l'AFSSAPS est large et concerne les médicaments et les matières premières, les dispositifs médicaux et les dispositifs de diagnostic in vitro , les produits biologiques d'origine humaine (produits sanguins labiles, organes, tissus, cellules, produits de thérapies génique et cellulaire), les produits cosmétiques, etc. L'AFSSAPS constitue un maillon essentiel de la chaîne de sécurité sanitaire du médicament ; ainsi, avant commercialisation d'un médicament : - l'AFSSAPS évalue la sécurité du médicament sur la base du rapport bénéfice thérapeutique/risque ; - la Haute autorité de santé (HAS) évalue la qualité du médicament sur une base d'efficience médico-économique ; - le Comité économique des produits de santé (CEPS) fixe le prix du médicament en négociation avec le secteur industriel concerné. |
Dans la perspective de la création de la nouvelle ANSM, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une budgétisation du financement de l'AFSSAPS. Par la suite, l'AFSSAPS ne devrait plus être financée que par des subventions de l'État . L'ouverture de 134,9 millions d'euros d'AE et de CP est donc prévue pour 2012 au titre de l'action 17 « Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
La démarche de budgétisation du financement est également entreprise pour les comités de protection des personnes (CPP), en charge du contrôle de la recherche biomédicale, et pour le Centre nationale de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS), qui a pour objet de faciliter la coordination et la gestion des essais cliniques à promotion industrielle. Ces organismes tirent actuellement leurs ressources de taxes et redevances perçues par l'AFSSAPS. Ainsi, toujours dans le cadre du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », 3,5 millions d'euros d'AE et de CP sont alloués aux CPP et 10 millions d'euros le sont au CeNGEPS .
La budgétisation des moyens de la future ANSM, du CeNGEPS et des CPP représentent au total une augmentation de 148,4 millions d'euros des crédits de la mission « Santé ». Toutefois, cette hausse des ressources affectées à la mission est neutre pour le budget de l'État . Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit, en effet, la réaffectation au profit de l'État d'une partie de la taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les fabricants de lunettes, actuellement perçue par l'assurance maladie qui reçoit en contrepartie les taxes et redevances collectées par l'AFSSAPS. Le Gouvernement estime les recettes fiscales réattribuées au budget de l'État à 148,4 millions d'euros.
Le montant de 134,9 millions d'euros indiqué plus haut représente un accroissement des ressources de l'AFSSAPS de 17,9 millions d'euros en 2012 par rapport à 2011 . De nouveaux moyens seront en effet nécessaires pour permettre à la future ANSM de remplir des missions élargies et l'exercice de pouvoirs accrus. La nouvelle agence sera notamment dotée de pouvoirs de sanctions administratives et financières étendus, alors que ses capacités d'expertise internes devront être renforcées.
Votre rapporteur spécial estime qu'à la suite du scandale suscité par l'affaire du Mediator®, il est nécessaire de restaurer la confiance dans l'ensemble de la chaîne du médicament . C'est pourquoi, prévoir un financement de la future ANSM par voie de dotations de l'État est bienvenu, dès lors qu'il permet de rompre tout lien avec l'industrie pharmaceutique.
D'une façon plus générale , votre rapporteur spécial se réjouit qu'il soit mis fin au financement de l'AFSSAPS, du CeNGEPS et des CPP par des taxes affectées . Notre collègue Nicole Bricq avait à juste titre souligné, dans un rapport d'information publié en 2007 2 ( * ) , que « l'affectation de taxes à des opérateurs de l'État constitue une entorse à l'esprit de la LOLF ». Le financement par des taxes affectées entraîne en effet une sous-optimisation des moyens alloués aux opérateurs et un pilotage plus distant de ces derniers par l'État.
c) La recentralisation des compétences sanitaires
La mise en oeuvre de certaines actions de santé publique, telles que la vaccination, le dépistage des cancers, la lutte contre la tuberculose ou encore les infections sexuellement transmissibles, relevait auparavant de la responsabilité des conseils généraux. Toutefois, à partir du 1 er janvier 2006, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu un retour de ces attributions au sein du champ de compétences de l'État .
Ces transferts de compétences doivent s'effectuer progressivement et impliquent également une réallocation de ressources financières. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2012 procède à un transfert de crédits à hauteur de 2,1 millions d'euros en provenance de la dotation globale de fonctionnement des départements vers le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » . Les crédits réaffectés sont destinés aux agences régionales de santé (ARS) concernées par les désengagements des conseils généraux de la Saône-et-Loire, du Finistère, de la Vendée et de la Sarthe.
d) Une nouvelle mission du Centre national de gestion (CNG)
À partir de l'exercice 2012, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) assure la gestion des personnels enseignants et hospitaliers des disciplines médicales, pharmaceutiques et odontologiques. Cette compétence est actuellement assumée par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère chargé de la santé. Par conséquent, il est prévu un transfert de 3 ETP et de 0,16 million d'euros en provenance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui porte les crédits de fonctionnement de la DGOS, au profit du CNG, opérateur dont les crédits sont repris au sein du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé ».
2. Le respect de la norme de dépense
L'augmentation des crédits de la mission « Santé » est sans incidence sur la norme de dépenses . Pour cette mission, le projet de loi de finances pour 2012 comprend 150,6 millions d'euros en AE et en CP de plus que les plafonds fixés par la loi n° 2010-1645 de programmation des finances publiques pour les années 2011 et 2014 (LPFP). Il convient cependant de préciser que ces plafonds sont fixés à périmètre constant . Or, l'écart constaté résulte exclusivement de mesures de périmètre et de transfert compensées au niveau du budget général de l'État , par des réallocations de crédits ou de recettes.
Plafonds de la mission
(en millions d'euros)
LPFP, pour 2012 Hors CAS Pensions |
PLF 2012 au format LPFP (1) Hors CAS Pensions |
PLF 2012 (2) Hors CAS Pensions |
|
Plafond des autorisations d'engagement |
1 226 |
1 226 |
1 377 |
Plafond des crédits de paiement |
1 226 |
1 226 |
1 377 |
(1) Ce montant correspond aux autorisations de crédits pour 2012 qui figurent dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques.
(2) Ce montant tient compte des modifications de périmètre et de transfert touchant la mission.
Source : projet annuel de performance pour 2012 de la mission « Santé »
À périmètre constant, les crédits alloués à la mission « Santé » sont stables et conformes à la loi n° 2010-1645 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Entre 2011 et 2012, ces derniers passent de 1 221 millions d'euros d'AE et de CP à 1 226 millions, soit une variation positive de seulement 5 millions d'euros . Dès lors que l'ensemble des mesures de périmètre et de transfert sont compensées au niveau du budget général de l'État, la mission participe donc pleinement au respect des normes transversales d'économies fixées par le Gouvernement .
Plafonds de crédits alloués à la mission santé par la LPFP pour les années 2011, 2012 et 2013
(en milliards d'euros)
PROGRAMMATION PLURIANNUELLE (périmètre constant 2010) |
||||||
Autorisations d'engagement (AE) |
Crédits de paiement (CP) |
|||||
2011 |
2012 |
2013 |
2011 |
2012 |
2013 |
|
Mission « Santé » |
1,22 |
1,22 |
1,22 |
1,22 |
1,22 |
1,22 |
Évolution des crédits de la mission « Santé » 2011-2012
(en millions d'euros)
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2011 |
PLF 2012 |
Évolution en % |
LFI 2011 |
PLF 2012 |
Évolution en % |
|
Programme 204 : Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
583,61 |
738,50 |
+ 26,54 |
583,58 |
738,50 |
+ 26,55 |
Pilotage de la politique de santé publique |
86,08 |
83,89 |
- 2,54 |
86,10 |
83,89 |
- 2,57 |
Accès à la santé et éducation à la santé |
31,65 |
31,63 |
- 0,06 |
31,66 |
31,63 |
- 0,09 |
Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins |
9,29 |
9,67 |
+ 4,09 |
9,29 |
9,67 |
+ 4,09 |
Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades |
69,52 |
66,84 |
- 3,86 |
69,56 |
66,84 |
- 9,91 |
Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation |
19,59 |
21,63 |
+ 10,41 |
19,39 |
21,63 |
+ 11,55 |
Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires |
21,30 |
27,26 |
+ 27,98 |
21,30 |
27,26 |
+ 27,98 |
Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain |
13,33 |
161,36 |
+ 1110,50 |
13,43 |
161,36 |
+ 1101,49 |
Projets régionaux de santé |
189,36 |
182,46 |
- 3,64 |
189,36 |
182,46 |
- 3,64 |
Modernisation de l'offre de soins |
143,49 |
153,76 |
+ 7,16 |
143,49 |
153,76 |
+ 7,16 |
Programme 183 : Protection maladie |
638,00 |
638,00 |
+ 0,00 |
638,00 |
638,00 |
+ 0,00 |
Accès à la protection maladie complémentaire |
0,00 |
0,00 |
- |
0,00 |
0,00 |
- |
Aide médicale de l'Etat |
588,00 |
588,00 |
+ 0,00 |
588,00 |
588,00 |
+ 0,00 |
Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante |
50,00 |
50,00 |
- |
50,00 |
50,00 |
- |
Total |
1221,61 |
1376,50 |
+ 12,68 |
1221,58 |
1376,50 |
+ 12,68 |
Source : commission des finances, d'après les données du projet annuel de performances pour 2012 de la mission « Santé »
B. UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ SANITAIRE AU PILOTAGE CONTRAINT
1. Des responsables de programme sans marges d'action
a) Une répartition rigide des crédits de la mission
Les deux programmes de la mission « Santé » présentent une grande rigidité, inhérente à leur finalité. Le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » , tout d'abord, a principalement vocation à porter les crédits destinés au financement du système de sécurité sanitaire , de la mission de prévention, promotion de la santé, veille et sécurité sanitaire dévolue aux agences régionales de santé (ARS) et de la formation des médecins . Par ailleurs, le programme finance l'expertise utile à la définition d'une politique de santé publique. Assurées dans leur majeure partie par des opérateurs et des entités à l'autonomie relativement prononcée, ces missions ne peuvent faire l'objet que d'un pilotage limité par les responsables de programme . À ce titre, le programme 204 est composé à 95 % de subventions pour charge de service public et de transferts aux autres collectivités , reversées aux ARS ainsi qu'aux nombreux opérateurs qui lui sont rattachés :
- l'Agence de biomédecine (ABM) ;
- le groupement d'intérêt public Addictions Drogues Alcool Info Service (ADALIS) ;
- l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ;
- l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ;
- l'Agence technique de l'information et de l'hospitalisation (ATIH) ;
- le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de gestion de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) ;
- l'École des hautes études en santé publique (EHESP) ;
- l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ;
- l'Institut national du cancer (INCA) ;
- l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ;
- l'Institut de veille sanitaire (INVS).
Il doit également être souligné qu'à partir de 2012, près de 10 % des crédits en AE et CP de la mission « Santé » , soit 18 % de ceux consacrés au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », sont consacrés à un seul opérateur, l'AFSSAPS qui a vocation a devenir l'ANSM.
Pour ce qui est du programme 183 « Protection maladie » , les marges de manoeuvre du responsable de programme sont également restreintes dès lors que la totalité de ses crédits sont contraints . Le programme a pour finalité exclusive d'apporter les dotations de l' Aide médicale d'État et du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). La subvention du budget général au Fonds « CMU-c » figure également dans le programme. Toutefois, celle-ci est constamment nulle depuis 2009, les taxes qui lui sont affectées étant suffisantes pour assurer l'équilibre financier du Fonds.
b) L'absence de crédits de personnels
Les marges de manoeuvre réduites dont disposent les responsables de programme sont également imputables à l'absence de crédits de personnel au sein de la mission « Santé » . Si, depuis 2009, celle-ci regroupe l'ensemble des crédits « sanitaires » relevant du ministère chargé de la santé, elle ne comprend toujours pas de programme support. Les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre des différents programmes de la mission sont regroupés dans le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Cet aspect s'est accentué à partir de 2010, lorsque l'ensemble des moyens de fonctionnement des ARS ont été placés dans le programme 124 précité.
Ainsi, les schémas de déversement analytique présentés dans le projet annuel de performance pour 2011 font apparaître une contribution globale du programme 124 aux actions de la mission « Santé » à hauteur de 74,56 millions d'euros en 2012. Près de 5 % du coût complet de la mission « Santé » est donc supporté par le programme support de la mission « Solidarité ».
L'affectation des crédits destinés aux fonctions support au sein du programme d'une autre mission semble davantage relever d'une vision administrative et de respect des périmètres ministériels que de la logique de mission propre à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Une telle logique implique que les responsables de programme disposent de marges de manoeuvre suffisantes dans la gestion des ressources qui leurs sont confiées, à travers notamment la fongibilité des crédits . En effet, le budget d'un programme doit s'efforcer de regrouper l'ensemble des moyens financiers et humains qui contribuent à la réalisation d'une politique identifiée , ce qui n'est pas le cas pour la mission « Santé ».
C. L'ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES DE LA MISSION
1. Des dépenses fiscales supérieures aux crédits de la mission
Pour 2012, la mission « Santé » se voit une fois de plus associer des dépenses fiscales supérieures aux crédits qui lui sont alloués. Ainsi, les dépenses fiscales de la mission s'élèvent à 1,83 milliards d'euros , environ 30 % supérieures aux crédits en AE et CP alloués à cette dernière au titre de l'exercice 2012.
Le tableau ci-dessous reprend les dépenses fiscales associées à la mission « Santé » ainsi que l'évaluation qui en a été faite dans le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et de niches sociales , dit « rapport Guillaume », qui a été remis au Parlement en septembre 2011 :
Dépenses fiscales sur les impôts d'État contribuant au programme de manière principale
Chiffrage pour 2012 (1) |
Évaluation (2) |
|
Taux de 2,10 % de TVA applicable aux médicaments remboursables ou soumis à autorisation temporaire d'utilisation et aux produits sanguins |
1 140 |
3 |
Exonérations des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses » |
270 |
0 |
Taux de 5,5 % de TVA pour les prestations de soins dispensées par les établissements thermaux autorisés |
50 |
3 |
Déduction forfaitaire au titre du groupe III déclarée par les médecins conventionnés |
10 |
3 |
Exonération d'impôts sur le revenu, à hauteur de 60 jours par an, de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins par les médecins ou leurs remplaçants installés dans certaines zones rurales ou urbaines |
5 |
1 |
Exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la reconversion des débits de boissons |
1 |
- |
Exonération de taxe sur la publicité télévisée sur les messages passés pour le compte d'oeuvres d'utilité publique à l'occasion de grandes campagnes nationales |
nc |
- |
Amortissement exceptionnel pour dépenses de mise aux normes dans les hôtels, cafés et restaurants |
0 |
- |
Exonération totale puis à hauteur de 50 % des indemnités et prestations servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles |
340 |
0 |
Exonération des indemnités versées aux victimes de l'amiante |
10 |
3 |
Réserve spéciale de solvabilité constituée par les mutuelles et unions régies par le Code de la mutualité et les institutions de prévoyance régies par les dispositions du Code de la sécurité sociale ou du Code rural à hauteur d'une fraction dégressive de leur résultat imposable des exercices ouverts entre 2009 et 2013 |
å |
- |
Exonération de l'impôt sur les sociétés des organismes d'assurance sur les résultats portant sur la gestion des contrats d'assurance maladie relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative et à des opérations collectives à adhésion obligatoire |
å |
- |
Exonérations prévues en faveur de certains organismes et de certains contrats |
nc |
- |
Déduction de l'actif successoral des rentes ou indemnités versées ou dues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie |
nc |
- |
Coût total des dépenses fiscales |
1 826 |
(1) en millions d'euros.
(2) Des scores allant de 0 à 3 sont attribués à chaque dépense fiscale ; 0 désigne une dépense inefficace, puis les niches efficaces sont notées de 1 à 3 selon leur efficience, 3 constituant le score maximum.
« å » : coût inférieur à 0,5 millions d'euros ; « nc » : non chiffrable ; « - » : non évaluée
Sources : projet annuel de performance pour 2012 de la mission « Santé » et rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.
2. Quelle rationalisation des dépenses fiscales de la mission ?
L'analyse du « rapport Guillaume » révèle que les dépenses fiscales qui ont été évaluées comme inefficaces, soit celles qui ont obtenu un score égal à 0, représentent un coût de 610 millions d'euros , ce qui correspond à près du tiers de l'ensemble des dépenses fiscales associées à la mission « Santé ».
Un tel constat ne peut que conduire à s'interroger sur la cohérence des choix du Gouvernement concernant les suppressions de niches fiscales . En effet, le Gouvernement a souhaité, par la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificatives pour 2011, supprimer l'exonération de taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dont bénéficiaient les contrats solidaires et responsables , auparavant associée à la mission « Santé », alors même que cette dépense fiscale obtenait le score maximal dans le « rapport Guillaume ». Votre rapporteur spécial regrette cette suppression, dès lors qu'elle pourrait avoir des répercussions sur le prix des contrats des complémentaires santé .
Par ailleurs, votre rapporteur spécial souhaiterait apporter une précision à l'analyse du « rapport Guillaume » concernant les dépenses fiscales de la mission « Santé ». Si elles ont été jugées inefficaces, l'« exonération des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies longues et coûteuses » et l'« exonération totale puis à hauteur de 50 % des indemnités et prestations servies aux victimes d'accidents du travail et de maladie professionnelles » ne doivent pas pour autant voir leur existence remise en question. Ces dépenses fiscales ont acquis une réelle utilité pour leurs bénéficiaires , qui se trouvent dans des situations sociales et sanitaires délicates. Par conséquent, une réforme de ces niches fiscales ne doit pas conduire à leur suppression mais, éventuellement, après mûre réflexion, à une amélioration de leur distribution.
Les dépenses fiscales qualifiées d'inefficaces par le « rapport Guillame » sont les suivantes :
- l'« exonération des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies longues et coûteuses » tend à exonérer d'impôt sur le revenu et de CSG les indemnités journalières (IJ) versées aux patients en affection de longue durée (ALD) en cas d'arrêt maladie. Ce dispositif doit permettre de compenser le fait que le reste à charge 3 ( * ) des patients en ALD soit sept fois plus élevé que la moyenne des patients n'étant pas en ALD. Toutefois, le rapport Guillaume estime que l'outil fiscal est mal adapté à cet objectif , considérant que si l'avantage fiscal est directement lié au revenu, le montant des restes à charge en est largement indépendant.
- l'« exonération totale puis à hauteur de 50 % des indemnités et prestations servies aux victimes d'accidents du travail et de maladie professionnelles » s'inscrit dans un dispositif plus complexe, associant dépenses fiscales et niches sociales. Il est prévu :
• Pour les indemnités journalières (IJ) servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles (AT/MP), une exonération au titre de l'impôt sur le revenu à hauteur de 50 % des indemnités versées et l'application d'un taux de CSG à 6,2 % et de CRDS à 0,5 % ;
• Pour les rentes servies à ces mêmes personnes, une exonération totale d'impôts sur le revenu, de CSG et de CRDS.
L'exonération associée à la mission « Santé » est critiquée en tant qu'elle s'inscrit dans cette articulation. Selon le tome 2 du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances, ce dispositif vise à aider les personnes allocataires d'indemnités et de rentes pour accidents du travail ou maladies professionnelles. Le « rapport Guillaume » juge que cette différence de traitement entre les indemnités et les rentes crée une situation inéquitable. Cette dépense fiscale bénéficiait à 2,8 millions de ménages en 2010.
* 1 L'article L. 5121-17 du code de la santé publique dispose que les médicaments et les produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l'AFSSAPS ou par l'Union européenne sont frappés d'une taxe annuelle. Celle-ci est due par le titulaire de l'autorisation.
* 2 Rapport d'information n° 355 (2006-2007) sur le dispositif des agences en matière de sécurité sanitaire, fait par Mme Nicole Bricq au nom de la commission des finances du Sénat.
* 3 Le reste à charge correspond aux sommes engagés par un assurés dans des dépenses de soins qui ne lui sont ni remboursées par l'assurance maladie, ni par sa complémentaire santé.