Mmes Fabienne Keller et Marie-Hélène des Esgaulx et MM. Gérard Miquel et François Fortassin, rapporteurs spéciaux
VIII. LE PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES »
Le programme 174 « Energie, climat et après-mines » est placé sous la responsabilité du directeur général de l'énergie et du climat du MEEDDM. Vos rapporteurs spéciaux notent un changement d'intitulé, puisqu'en 2010, le programme se prénommait « Energie et après-mines ». Ce changement n'induit aucune modification en termes de contenu et vise à mettre l'accent sur le volet « lutte contre le changement climatique », qui était auparavant quelque peu marginalisé.
Ce programme présente donc une triple structure , dans la mesure où il regroupe, d'une part, les crédits dédiés au pilotage de la politique énergétique, d'autre part, les moyens dévolus à la gestion économique et sociale de l'après-mines et, enfin, les ressources de la mission EDAD consacrées à la lutte contre le changement climatique.
Le programme est mis en oeuvre, au niveau central, par les services de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et, à l'échelon déconcentré, par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les directions de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Ses principaux opérateurs sont l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) et l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).
A. LES CRÉDITS DEMANDÉS EN 2011
1. Des crédits en baisse
751,6 millions d'euros en AE et 752,2 millions d'euros en CP sont demandés, pour 2011, dans le cadre du programme 174. Les crédits de paiement sont en baisse de 11 % par rapport au vote de la loi de finances initiale pour 2010. 94,12 % des crédits du programme sont consacrés à des dépenses d'intervention, correspondant à la gestion des conséquences économiques et sociales de l'arrêt de l'exploitation minière.
Selon la comptabilité d'analyse des coûts, 88,3 millions d'euros de crédits inscrits au programme 217 y contribuent également. Le montant des déversements ainsi reçus par le programme 174 augmente dans le présent projet de lois de finances de 12 % par rapport à 2010. La principale explication de cette hausse est liée à l'augmentation des effectifs en services centraux et déconcentrés.
2. Un programme structuré en trois actions très disparates
Le programme 174 est structuré en trois actions d'importance très inégale. L'action 1 « Politique de l'énergie » regroupe 0,90 % des crédits (6,8 millions d'euros en CP), soit une très forte baisse par rapport à 2010 de 94,4 %. Celle-ci s'explique par le fait que la part de subvention à l'ADEME, portée jusque-là par le programme 174, sera à compter de 2011 portée par le programme 181 . L'essentiel des crédits sert à financer des dépenses de fonctionnement, à hauteur de 940 000 euros (contrôle de la qualité des carburants et études) mais surtout la subvention pour charges de services public de l'ANDRA, à hauteur de 4,3 millions d'euros, au titre de ses missions d'inventaire triennal des déchets radioactifs et d'intervention dans le cadre d'activités d'assainissement de sites ou de reprises de déchets orphelins.
Très largement prédominante, l'action 4 « Gestion économique et social de l'après-mines » concentre 94,10 % des crédits de paiement du programme, à hauteur de 708,5 millions d'euros, en baisse de 5,75 % par rapport à 2010. Ces crédits sont principalement consacrés aux prestations servies par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) aux anciens mineurs et à leurs ayants-droits, qui représentent un montant de 632,3 millions d'euros, en baisse de 7 % par rapport à 2010. Les autres principaux postes de dépenses de l'action concernent les prestations servies par la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), à hauteur de 25,8 millions d'euros, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), à hauteur de 14,9 millions d'euros, ainsi que la subvention pour charges de service public de l'ANGDM (15,7 millions d'euros).
L'action 5 « Lutte contre le changement climatique » représente 5 % des crédits du programme, à hauteur de 36,9 millions d'euros, en hausse de 42,7 %. Cette augmentation correspond en particulier à la mise en oeuvre du Grenelle II. L'action 5 n'abonde que des dépenses de fonctionnement, qui concernent les mesures décidées dans le cadre du Grenelle de l'environnement dans le domaine de la qualité de l'air et de la lutte contre la pollution atmosphérique (30,9 millions d'euros), le volet « effet de serre » porté par le programme (4,2 millions d'euros), ainsi que les mesures en matière de sécurité et d'émissions polluantes des véhicules (572 640 euros). Enfin, l'action finance la subvention pour charges de service public du Centre interprofessionnel d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA), à hauteur de 1,25 million d'euros. Le CITEPA est notamment chargé par le MEEDDM de la réalisation des inventaires annuels de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France, qui permettent de répondre aux exigences européennes et internationales comme à des besoins nationaux.
Vos rapporteurs spéciaux soulignent que les moyens consacrés à la politique de lutte contre le changement climatique ne se résument pas aux 36,9 millions d'euros inscrits à l'action 5 du présent programme. En effet, le document de politique transversale relatif à la lutte contre le changement climatique indique que 26 programmes, répartis sur 11 missions, concourent à cet objectif, pour un total de 4,67 milliards d'euros de crédits de paiement . En outre, l'ensemble des dépenses fiscales concourant à cet objectif représente un montant de 5,163 milliards d'euros 37 ( * ) , comme l'indique le tableau ci-après :
Autorisation d'engagement
(en millions d'euros)
2008 |
2009 |
2010 |
|
Dépenses fiscales |
3 306 |
4 677 |
5 163 |
Dépenses budgétaires |
4 865 |
4 640 |
4 796 |
TOTAL |
8 171 |
9 317 |
9 959 |
Source : DPT « lutte contre le changement climatique » 2010
3. Un dispositif de la performance complété opportunément
Le dispositif d'évaluation de la performance a évolué par rapport à 2010, tenant compte des observations de vos rapporteurs spéciaux. En effet, un nouvel objectif, relatif à l'amélioration de l'efficience du crédit d'impôt en faveur des économies d'énergie et du développement durable (CIDD), a été créé . Celui-ci s'accompagne d'un nouvel indicateur relatif au coût de la tonne de CO2 par équipement éligible. Il est destiné à permettre d'évaluer l'intérêt de cette importante dépense fiscale. Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de cette évolution du dispositif d'évaluation de la performance du programme 174, compte tenu de l'importance de la dépense fiscale associée au CIDD.
Le reste du dispositif d'évaluation de la performance n'évolue pas. Il comporte un objectif relatif à la maîtrise de l'énergie, assorti de deux indicateurs (effets des certificats des économies d'énergie et efficience du fonds chaleur renouvelable de l'ADEME) ; un objectif relatif à l'amélioration de l'efficience de la gestion du versement des prestations aux mineurs, qui s'accompagne de deux indicateurs (maîtrise des coûts de gestion et taux de recouvrement des créances) ; un objectif visant à améliorer la qualité de l'air, dont l'indicateur mesure cette donnée.
B. UN PROGRAMME QUI RESTE MARQUÉ PAR LE POIDS DES DÉPENSES FISCALES
1. Le poids des dépenses fiscales
Comme l'année dernière, vos rapporteurs spéciaux constatent que l'atteinte des objectifs du programme 174 mobilise des dépenses fiscales considérables, dont l'évaluation n'est pas toujours aisée.
Les 752,2 millions d'euros de crédits de paiement doivent ainsi être mis en regard des dix-huit dépenses fiscales principales sur impôts d'État rattachées au programme 174, qui représenteront un montant de 2,46 milliards d'euros en 2011. Vos rapporteurs spéciaux constatent avec satisfaction une évolution à la baisse de ces dépenses fiscales, puisqu'elles représentaient plus de 2,9 milliards d'euros en 2009. Cette tendance réduit d'autant la masse de crédits échappant au contrôle du Parlement. En outre, cette évolution est positive du point de vue de l'assainissement des finances publiques.
Les principales dépenses fiscales concernées sont le crédit d'impôt en faveur du développement durable (CIDD), estimé à 2,1 milliards d'euros en 2011, et l'exonération de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel des ménages et des réseaux de chaleur (253 millions d'euros en 2011).
Si la création d'un objectif de performance relatif au CIDD améliore l'évaluation du volet « dépenses fiscales » du programme, vos rapporteurs spéciaux regrettent néanmoins que, contrairement à ce qu'ils avaient préconisé l'an passé, l'éco-prêt à taux zéro destiné au financement de travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements anciens ne soit pas mentionné au titre des dépenses fiscales subsidiaires rattachées au programme.
2. La réduction programmée de certaines dépenses fiscales : l'exemple du crédit d'impôt en faveur du développement durable (CIDD)
Depuis sa mise en place en 2005, le coût du crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable a rapidement et régulièrement augmenté, passant d'une enveloppe initialement prévue pour 2005 de 300 millions d'euros à un coût budgétaire de 2,8 milliards d'euros pour 2009. Vos rapporteurs relèvent à cet égard qu'entre le projet annuel de performance pour 2009 et celui pour 2010, le coût estimé du dispositif avait presque doublé, passant de 1,5 à 2,8 milliards d'euros et révélant ainsi le manque de fiabilité de l'estimation. Néanmoins, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, cette forte augmentation résultait d'une hausse substantielle en 2008 des travaux d'économies d'énergie et des installations d'équipements d'énergie renouvelable, conséquence de la grande sensibilisation des Français aux économies d'énergie pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
La loi de finances pour 2009 a prolongé le dispositif fiscal, qui devait s'achever fin 2009, jusqu'au 31 décembre 2012. Le maintien de cette mesure s'inscrit dans le cadre des objectifs de la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement du 3 août 2009, qui prévoit une réduction de 38 % de la consommation d'énergie dans les bâtiments existants et une part de 23 % d'économies d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique à l'horizon de 2020.
Parallèlement, la liste des équipements et des critères de performance exigés pour bénéficier de l'avantage fiscal a fait l'objet de plusieurs révisions afin que le crédit d'impôt reste en adéquation avec les objectifs poursuivis. A cet effet, plusieurs mesures ont été adoptées en loi de finances rectificative pour 2009, prenant effet au 1 er janvier 2010.
Le MEEDDM estime que l'ensemble de mesures prises devrait permettre de ramener la dépense budgétaire autour de 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2011, sur la base d'un marché constant pour l'ensemble des filières renouvelables.
En outre, le présent projet de loi de finances prévoit des mesures de réduction de ce crédit d'impôt, qui devraient avoir un impact en 2012.
Vos rapporteurs spéciaux se montreront particulièrement attentifs aux résultats du nouvel indicateur de performance ainsi qu'à l'évolution du coût de cette dépense fiscale en 2011 et en 2012 et interrogeront le Gouvernement en séance sur l'impact sur les recettes fiscales de 2010 des réformes précitées.
C. LE CONTRÔLE DE L'ANDRA PAR LA COUR DES COMPTES
La mise en oeuvre des actions portées par le programme 174 s'appuie également sur des opérateurs dont les ressources extrabudgétaires sont significatives. Selon le projet annuel de performances pour 2011, les ressources fiscales, ressources propres et « autres ressources » inscrites au budget prévisionnel 2010 s'élevaient ainsi à 191,5 millions d'euros pour l'ANDRA, contre 220,7 millions d'euros en 2010, soit une légère baisse de 3,2 %.
Les ressources fiscales correspondent au produit de la taxe additionnelle de « recherche », créée par l'article 21 de la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, et destinée au financement des études et recherches sur l'entreposage et le stockage géologique profond de déchets radioactifs. Les ressources propres correspondent pour l'essentiel à la rémunération versée par les producteurs de déchets à l'agence, dans le cadre des relations contractuelles, pour les centres de stockage de déchets en exploitation.
Pour 2011, l'ANDRA compte 306 ETP sous plafond, soit 88 ETP de plus qu'en 2010 . Ceux-ci correspondent aux créations d'emplois nécessaires à la réalisation du projet de stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue, conformément aux objectifs et au calendrier définis par la loi précitée. Vos rapporteurs spéciaux saluent cette hausse bienvenue des effectifs qui répond aux engagements pris dans le cadre de la loi du 28 juin 2006.
Pour mémoire, l'ANDRA, créée par la loi n°91-1381 du 30 décembre 1991 relative à la gestion des déchets radioactifs, est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs. Elle est placée sous la double tutelle des ministères de l'énergie/environnement et de la recherche. Ses missions, précisées et élargies par la loi du 28 juin 2006 précitée, consistent en particulier à :
- établir et publier tous les trois ans l'inventaire des matières et déchets radioactifs présents sur le territoire national ;
- prévoir, dans le respect des règles de sûreté nucléaire, les spécifications pour le stockage des déchets radioactifs ;
- concevoir, implanter, réaliser et assurer la gestion de centres d'entreposage ou de centres de stockage de déchets radioactifs ;
- assurer la collecte, le transport et la prise en charge de déchets radioactifs et la remise en état de sites de pollution radioactive sur demande et aux frais de leurs responsables, ou sur réquisition publique lorsque les responsables de ces déchets ou de ces sites sont défaillants.
La Cour des comptes a récemment réalisé un rapport particulier sur le contrôle des comptes et de la gestion de l'ANDRA sur les exercices 2003 à 2007, transmis en février 2010 à la commission des finances du Sénat.
L'enquête menée a débouché sur deux recommandations principales :
- d'une part, la nécessité de faire aboutir dès que possible le choix d'un site susceptible d'accueillir le centre de stockage des déchets radifères et graphites, dont la mise en service est prévue dès 2013 par la loi du 28 juin 2006 ;
- d'autre part, le besoin de mener une réflexion sur les modalités de financement de la construction et de l'exploitation du futur centre de stockage profond.
La Cour relève ainsi que, compte tenu des retards déjà accumulés, il est certain que l'échéance de 2013 fixée par le législateur ne pourra pas être respectée. Il convient donc de limiter cette dérive calendaire pour ne pas pénaliser les conditions du démantèlement des centrales de la filière uranium naturel-graphite-gaz (UNGG). De surcroît, concernant le stockage profond, la Cour estime qu'il faudra prévenir les dissensions jusqu'ici constatées entre l'ANDRA et les exploitants nucléaires en prévoyant un mode de financement approprié du futur centre de stockage profond, au besoin en ayant recours à la formule d'une taxe additionnelle.
Vos rapporteurs spéciaux souscrivent aux analyses de la Cour et interrogeront le Gouvernement en séance sur les réponses qu'il compte apporter à ces recommandations.
Principales observations de vos rapporteurs
spéciaux sur le programme 174
1. 94 % des crédits du programme 174 sont consacrés à des dépenses d'intervention, correspondant à la gestion des conséquences économiques et sociales de l'arrêt de l'exploitation minière. 2. Les crédits de l'action 5 « Lutte contre le changement climatique » augmentent de 42,7 %. Cette hausse est destinée à financer la mise en oeuvre des objectifs du Grenelle de l'environnement dans le domaine de la qualité de l'air. 3. L'atteinte des objectifs du programme 174 continue à mobiliser des dépenses fiscales considérables , dont l'évaluation reste difficile. Toutefois, vos rapporteurs spéciaux observent une tendance à la baisse depuis deux ans. 4. Le dispositif d'évaluation de la performance du programme 174 est complété de façon opportune par un objectif et un indicateur relatifs à l'amélioration de l'efficacité du crédit d'impôt en faveur du développement durable. 5. L'Agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA), l'un des opérateurs principaux du programme 174 et affectataire d'importantes ressources extrabudgétaires, a récemment fait l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes, qui a débouché sur deux recommandations sur lesquelles vos rapporteurs spéciaux interrogeront le gouvernement en séance. |
* 37 Le DPT précise que pour les dépenses budgétaires, les montants retenus ne tiennent compte que de la « part climat » évaluée par le responsable de programme pour chaque dépense considérée. A l'inverse, pour les dépenses fiscales, dès qu'une dépense est considérée comme ayant un impact en terme de lutte contre le changement climatique, la totalité de la dépense fiscale associée est prise en compte dans le cadre du DPT.