III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011) ANNEXE 26
Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale, transforme la contribution CMU acquittée par les organismes complémentaires d'assurance santé en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés ayant souscrit un contrat d'assurance santé complémentaire.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE FONDS CMU EST FINANCÉ PAR UNE « CONTRIBUTION » ASSISE SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES DES ORGANISMES COMPLÉMENTAIRES D'ASSURANCE SANTÉ
L'article L. 862-1 du code de la sécurité sociale (CSS) créé le « Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie », communément appelé « Fonds CMU ». Il finance le volet complémentaire de la couverture maladie universelle (CMU-c) et assure la gestion de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS).
L'article L. 862-3 du même code dispose que les recettes du Fonds sont constituées par le produit d'une contribution , dite « contribution CMU », et d'une dotation budgétaire de l'Etat destinée à assurer son équilibre.
La « contribution CMU » est prévue par l'article L. 862-4 du même code. Les mutuelles, les institutions de prévoyance et les entreprises d'assurance y sont assujetties au titre de leur activité réalisée en France . Elle est assise sur le « montant hors taxes des primes ou cotisations émises au cours d'un trimestre civil, déduction faite des annulations ou remboursements, ou, à défaut d'émission, recouvrées , afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé , à l'exclusion des réassurances ».
La contribution frappe donc les organismes d'assurance complémentaire intervenant dans le domaine des soins de santé , soit, en 2009, 781 organismes 1 ( * ) , sur leur chiffre d'affaires santé .
L'article 12 de la loi n° 2008-1330 du 18 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fixé le taux de la contribution à 5,9 % (contre 2,5 % auparavant).
En 2009, d'après les données du rapport d'activité du Fonds CMU, l'assiette de la contribution représentait environ 30,5 milliards d'euros . Son produit s'est élevé à près de 1,8 milliard d'euros , soit l'intégralité des ressources du Fonds.
Il convient de noter que le III de l'article L. 862-4 précité prévoit que les organismes complémentaires peuvent déduire du montant dû au titre de la contribution, une somme forfaitaire résultant de la prise en charge, directement par l'organisme complémentaire, de la personne bénéficiant de la CMU-c. Ils peuvent également déduire le « quart du crédit d'impôt afférent aux contrats en vigueur le dernier jour du deuxième mois du trimestre civil au titre duquel la contribution est due ».
Enfin, l'article L. 862-5 du CSS fixe les conditions du recouvrement par les URSSAF et du contrôle de la contribution.
B. LA CONTRIBUTION CMU EST CRITIQUÉE POUR SES « EFFETS ANTI-ÉCONOMIQUES » ET POUR SON MANQUE DE TRANSPARENCE
1. La contribution a pour effet de majorer le prix de la cotisation hors taxe payée par l'assuré
Comme le rappelle une circulaire du ministère de la santé 2 ( * ) , la contribution CMU « est due pas les organismes de couverture complémentaire et non par les assurés ». Elle est assise sur le chiffre d'affaires réalisé, c'est-à-dire la totalité des cotisations que l'organisme a collectée.
La cotisation hors taxe acquittée par l'assuré se compose a minima d'un montant destiné à couvrir le risque et de la marge de l'organisme complémentaire. Dans le cas d'une contribution, si l'organisme veut répercuter son coût - ce qu'il est contraint de faire pour conserver sa marge - il doit l'intégrer dans le calcul initial de la cotisation .
Par exemple, une cotisation hors taxe de 100 euros se décompose ainsi en 93 euros au titre du risque à couvrir, 1,1 euro pour la marge de l'organisme et 5,9 euros afin de compenser le coût de la contribution.
A l'inverse, dans le cas d'une taxe assise sur la cotisation, le montant hors taxe de la cotisation est - logiquement - moins élevé puisqu'il ne comprend que la couverture du risque et la marge, soit 94,1 euros. Il convient alors de prélever 6,27 % de ce montant pour obtenir un produit fiscal de 5,9 euros.
Au final, l'assuré acquitte la même somme mais la cotisation hors taxe est plus élevée dans le cas d'une contribution que dans celui d'une taxe .
2. La contribution emporte des conséquences financières indésirables pour les organismes complémentaires
Comme indiqué précédemment, la contribution assise sur le chiffre d'affaires a pour conséquence de le majorer artificiellement puisqu'elle est intégrée dans le prix de la cotisation hors taxe, qui constitue le chiffre d'affaires.
Or la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), dans un document transmis à votre rapporteur, fait valoir que « compte tenu des règles de marge de solvabilité applicables à l'assurance, la majoration du chiffre d'affaires [...] conduit à augmenter indûment les exigences de capitaux propres des assureurs à hauteur de 16 % du montant de la contribution CMU ».
Cet effet, réel dans le cadre actuel de « Solvabilité 1 », va s'accentuer avec la mise en place des nouvelles règles dites « Solvabilité 2 » à compter du 1 er janvier 2013 qui renforcent le niveau des fonds propres que doivent détenir les assureurs - même si son impact définitif n'est pas encore connu avec précision.
3. Les organismes complémentaires estiment que la contribution n'est pas transparente pour les assurés
La FFSA, dans le document précité, indique que « les cotisations d'assurance maladie constituent les plus importantes cotisations d'assurance payées par les ménages. [...] Compte tenu de l'importance que ces cotisations ont dans leur budget, les assurés ont le droit à une vraie transparence sur leur évolution en distinguant ce qui provient de l'augmentation de la sinistralité et ce qui provient de l'augmentation des taxes ».
Au final, la profession plaide pour une « individualisation » de la contribution, c'est-à-dire pour qu'elle soit transformée en une taxe assise sur les cotisations que les assurés acquitteraient. Les organismes complémentaires pourraient alors faire figurer sur les contrats le montant de la cotisation hors taxe. Il semblerait néanmoins que, dans la pratique, plusieurs assureurs signalent déjà l'existence de la contribution CMU au sein du montant total de la cotisation.
II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA TRANSFORMATION DE LA CONTRIBUTION EN TAXE
A l'initiative de nos collègues députés Yves Bur, Marie-Anne Montchamp et Jean-Pierre Door, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article additionnel qui transforme la contribution CMU en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés ayant souscrit un contrat d'assurance santé complémentaire .
Le 3° du I du présent article ( alinéas 4 à 10 ) réécrit intégralement l'article L. 862-4 du CSS qui régit la contribution CMU.
Le I de ce nouvel article ( alinéa 5 à 8 ) dispose que le Fonds CMU perçoit une « taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France , à l'exclusion des réassurances ».
Ces garanties doivent être souscrites auprès d'une mutuelle, d'une institution de prévoyance ou d'une entreprise d'assurance française ou d'un organisme d'assurance maladie étranger non établi en France mais admis à y opérer en libre prestation de service.
Les redevables de la taxe ne sont donc plus les organismes complémentaires mais bien les assurés . En revanche, l'alinéa 7 prévoit qu'elle est collectée, pour le compte des URSSAF, par les organismes complémentaires ou leurs représentants fiscaux.
La taxe est « liquidée sur le montant des cotisations émises ou [...] recouvrées ».
Le II du nouvel article ( alinéa 9 ) fixe son taux à 6,27 % .
Enfin le III du nouvel article ( alinéa 10 ) prévoit « l'imputation » sur le montant de la taxe collectée par l'organisme complémentaire de la somme forfaitaire résultant de la prise en charge, directement par lui, de la personne bénéficiant de la CMU-c et du quart du crédit d'impôt afférent aux contrats en vigueur. Il s'agit, en fait, de la transposition du droit en vigueur au sein des nouvelles dispositions. Par coordination, les 5° et 6° du I du présent article ( alinéas 14 à 19 ) modifient, respectivement, l'article L. 862-6 et L. 862-7 du code de la sécurité sociale.
Les 1° ( alinéa 2 ), 2° ( alinéa 3 ), 4° ( alinéas 11 à 13 ), 7° ( alinéa 20 ) et 8° ( alinéa 21 ) du I du présent article effectuent des coordinations .
Le II du présent article ( alinéa 22 ) prévoit qu'il s'applique à compter du 1 er janvier 2011 .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Il convient tout d'abord de noter que la transformation opérée par le présent article est indolore tant pour le Fonds CMU , qui percevra un niveau de recettes identique, que pour les assurés , qui acquitteront un montant global au titre de leur complémentaire santé analogue.
Les dispositions du présent article auront pour conséquence de neutraliser les effets des augmentations ou diminutions de la contribution sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires et, corrélativement, sur le niveau de fonds propres qu'ils doivent posséder. Il s'agit là d'une exigence de compétitivité bienvenue pour notre secteur assurantiel alors même qu'il va devoir s'adapter en profondeur avec le nouveau cadre de « Solvabilité 2 ».
Les seuls « perdants » à ce changement sont les intermédiaires en assurance . En effet, comme indiqué précédemment, la transformation va entraîner une diminution de la cotisation hors taxe. Or la commission des intermédiaires en assurance est calculée en proportion des cotisations hors taxe. Par conséquent, une diminution de celles-ci conduit à une baisse des commissions versées aux intermédiaires .
Par ailleurs, l'article 7 du présent projet de loi de finances prévoit de supprimer l'exonération de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) dont bénéficient les contrats d'assurance maladie complémentaires « solidaires » et « responsables » et de la remplacer par un taux d'imposition intermédiaire de 3,5 %. Son rendement attendu est de 1,1 milliard d'euros .
Dès lors que les cotisations hors taxe vont mécaniquement diminuer par l'effet du présent article, l'assiette sur laquelle portera la TSCA sera également réduite et son produit devrait être inférieur à la prévision , ce que votre rapporteur spécial regrette.
La TSCA fait en effet partie du panier de recettes initialement affecté à la CADES dans le cadre du financement de la reprise de dette de la sécurité sociale prévue pour les années 2011-2018 et qui a ensuite été transféré, à l'initiative de l'Assemblée nationale, à la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF). Votre commission des finances a longuement insisté, dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2011, sur les faiblesses de ce panier de recettes dont le rendement devrait diminuer de près d'un tiers dès 2018 . La présente mesure ne fait donc d'accentuer sa première analyse.
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 1 653 mutuelles, 93 sociétés d'assurance et 35 institutions de prévoyance (source : Fonds CMU).
* 2 Circulaire DSS/5A/2004/ n° 155 du 29 mars 2004.