ARTICLE 86 OCTIES B :CRÉATION D'UNE TAXE SUR LES PRODUITS COSMÉTIQUES AFFECTÉE À L'AFSSAPS

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 4 DÉCEMBRE 2010

Article additionnel après l'article 86 septies

M. le président. L'amendement n° II-284, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 86 septies , insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 5131-7-3 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. .... - Les produits cosmétiques définis à l'article L. 5131-1, mis sur le marché français, sont assujettis à une taxe annuelle perçue par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à son profit. Elle est exigible des fabricants ou, pour les produits importés hors de la Communauté européenne, de leurs mandataires.

« Le taux de cette taxe est fixé à 0,1 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. La taxe n'est pas exigible lorsque les ventes n'ont pas atteint, au cours de l'année civile précédente, un montant hors taxes de 763 000 euros.

« Une obligation de déclaration est instituée selon les mêmes conditions et les mêmes pénalités que celles fixées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 5121-18 pour les médicaments et produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché.

« La déclaration est accompagnée du versement du montant de la taxe.

« À défaut de versement, la fraction non acquittée de la taxe, éventuellement assortie des pénalités applicables, est majorée de 10 %.

« La taxe est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'État.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. C'est la deuxième année que je présente cet amendement.

Depuis 2007, et en application des directives communautaires, l'AFSSAPS encadre l'évaluation de la qualité et de la sécurité d'emploi des produits cosmétiques.

Ces missions seront bientôt encore renforcées par l'application du règlement (CE) n° 1223/2009 du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques et instaurant une déclaration obligatoire par l'industrie des effets indésirables et graves et une coopération européenne en la matière.

Pour leur exercice, l'AFSSAPS dispose d'experts internes et externes, d'équipes d'inspecteurs, de laboratoires d'analyse, et peut prendre des mesures de police sanitaire en cas de risque pour la santé publique. Par ailleurs, l'agence organise un système de vigilance afin de surveiller les effets indésirables résultant de l'utilisation de produits cosmétiques.

Or elle ne reçoit à ce titre aucun revenu, alors que les médicaments et produits sont imposés à son profit. Cet amendement vise donc à remédier à ce qui paraît être une iniquité.

Il est donc proposé d'instituer une taxe sur le chiffre d'affaires des produits cosmétiques qui devrait compenser les 4 millions d'euros que coûte, à l'AFSSAPS, la cosmétovigilance.

Je constate avec satisfaction que le Gouvernement est capable de créer de nouvelles ressources pour financer les missions des agences.

L'Assemblée nationale a ainsi créé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 une taxe supplémentaire sur les industries de réseau radioélectrique, dont le produit est partiellement affecté à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, pour financer l'intégration en son sein de la Fondation Santé et radiofréquences.

Madame la secrétaire d'État, le financement de la cosmétovigilance n'a que trop tardé !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Lors de l'examen de la loi de finances pour 2009, un régime de simplification des taxes affectées à l'AFSSAPS a été adopté : trois des treize taxes dont cette agence perçoit le produit ont ainsi été supprimées, cependant que d'autres ont vu leur assiette simplifiée.

Il me semble par conséquent peu opportun de créer une nouvelle taxe deux ans seulement après cette réforme.

Par ailleurs, cette mesure semble en contradiction avec les amendements n os II-277 et II-281 de la commission des affaires sociales, qui ont pour objet de garantir l'indépendance de l'AFSSAPS.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Au contraire !

M. Jean Desessard. Ce n'est pas chic !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. En effet, elle accroîtrait le poids des ressources fiscales dans les recettes globales de l'AFSSAPS, donc le lien entre l'opérateur régulateur et le secteur régulé. (Mme Marie-France Beaufils le conteste.)

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Milon, l'amendement n° II-284 est-il maintenu ?

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Monsieur le rapporteur spécial, cet amendement n'entre nullement en contradiction avec la volonté de garantir l'indépendance de l'AFSSAPS ! C'est même tout l'inverse : il s'agit de diversifier, par des taxes, les ressources dont elle bénéficie.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Par ailleurs, l'AFSSAPS assure le contrôle sur les médicaments. C'est l'industrie pharmaceutique qui finance cette mission : elle fait payer ses produits aux malades, qui sont remboursés par la sécurité sociale.

Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !

Mme Marie-France Beaufils. Je suis d'accord !

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Il me semble donc que l'industrie cosmétologique devrait participer à l'ensemble des contrôles portant sur les produits qu'elle commercialise.

Monsieur le président, je maintiens cet amendement. J'y suis personnellement très attaché. Pour autant, je comprendrais que mes collègues ne le votent pas. (Exclamations amusées et marques d'étonnement sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C'est bien dit !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez conclu votre intervention en déclarant que vous comprendriez que vos collègues ne votent pas cet amendement. Il faudrait nous expliquer ! Pourtant, pour avoir écouté vos arguments, je mesure à quel point il est important de taxer le secteur de la cosmétologie !

Monsieur le rapporteur spécial, vous prétendez qu'on a déjà instauré une dizaine de taxes et qu'il n'est donc pas utile d'en prévoir une onzième. Voilà un drôle d'argument ! Certes, vous avez voulu simplifier le financement de l'AFSSAPS et avez mis en place une réforme à cette fin. Pourtant, si un secteur n'est pas taxé alors qu'il devrait l'être puisqu'il exige une fonction de contrôle, il me semble nécessaire de créer une contribution supplémentaire. Par conséquent, votre argument ne tient pas, alors que celui du rapporteur pour avis est pertinent.

En outre, monsieur le rapporteur spécial, à vous entendre, sous prétexte que le rapporteur pour avis est favorable à un autre système que celui qui est actuellement en place, il ne pourrait pas proposer l'instauration d'une taxe supplémentaire qui permettrait d'assurer le fonctionnement de l'AFSSAPS, notamment sa mission de contrôle des cosmétiques !

Pour ma part, je ne vois pas pourquoi on ne voterait pas cet amendement. En tout cas, si les arguments de la commission des finances ne sont pas très clairs, il faut bien admettre, monsieur le rapporteur pour avis, que votre dernière phrase est bien mystérieuse !

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Un amendement qui est défendu de cette façon a bien peu de chances d'être adopté ! Pourtant, monsieur le rapporteur pour avis, vous semblez y tenir et vous avez raison.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. C'est son honnêteté qui fait cela !

Mme Évelyne Didier. Disons plutôt qu'il existe une discipline de groupe. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Si ce n'est pas le cas, je ne comprends plus rien !

J'en viens au fond. Si j'ai bien compris les propos de M. le rapporteur spécial, l'AFSSAPS exerce un contrôle des produits cosmétiques, ce qui occasionne des frais ; or ce secteur ne participe pas au financement de l'agence.

Mme Marie-France Beaufils. Exactement !

M. Jean Desessard. C'est clair !

Mme Évelyne Didier. C'est assez curieux. D'ailleurs, je le découvre.

Il ne serait pas choquant que cette industrie contribue, comme d'autres, à ce financement.

En revanche, monsieur le rapporteur spécial, les arguments de la commission des finances sont de pure forme. Ils ne portent absolument pas sur le fond.

M. Jean Desessard. Il y a même un manque de forme !

Mme Évelyne Didier. J'aurais aimé que vous avanciez des objections un peu plus solides.

L'argument de la commission des affaires sociales me semble en revanche excellent.

Nous le valons bien, n'est-ce pas ? (Sourires.)

M. Gérard Cornu. C'est sûr !

Mme Évelyne Didier. Eh bien, dans ce cas, nous voterons cet amendement !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Une chose est sûre : si cet amendement n'est pas voté, il appartiendra aux mystères du samedi soir. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

En effet, comment expliquer qu'un secteur d'activité, en l'occurrence celui des produits cosmétiques, échappe à une taxation à laquelle sont soumis d'autres secteurs ?

Mme Évelyne Didier. Il y a des privilégiés !

M. Yves Daudigny. Rien ne le justifie !

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Yves Daudigny. Nous avons évoqué ce point tout à l'heure : pour assurer l'indépendance de l'AFSSAPS, l'État apporte un financement public. Permettre que d'autres méthodes de recouvrement indirect soient mises en place - comme le prévoyait déjà un autre amendement - contribue à mieux garantir encore cette indépendance.

Nous ne pourrions pas comprendre ce soir, alors que nous ne cessons de rechercher de nouvelles recettes pour notre système de santé, qu'un tel amendement ne soit pas adopté par la très grande majorité des membres de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-284.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 86 septies . (M. Jean Desessard applaudit.)

Mme Évelyne Didier. Bravo pour la cohérence !