ARTICLE 77 BIS : MODIFICATION DES MODALITÉS DE CESSION DU FONCIER DE L'ETAT EN OUTRE-MER
I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 3 NOVEMBRE 2010
M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 77.
Le Gouvernement a présenté un amendement n° 70, qui fait l'objet de deux sous-amendements, n os 95 et 127.
L'amendement n° 70 est ainsi rédigé :
APRÈS L'ARTICLE 77, insérer l'article suivant :
I. - Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° L'avant-dernier alinéa de l'article L. 3211-7 est supprimé ;
2° Après l'article L. 5145-2, il est inséré un titre V ainsi rédigé :
« Titre V
« Dispositions particulières au domaine privé de l'État en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion
« Chapitre unique
« Art. L. 5151-1. - Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, l'État peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux tels qu'ils sont définis par la réglementation locale en vigueur. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
« L'avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux réalisés sur le terrain aliéné.
« L'État peut également procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à l'aménagement d'équipements collectifs. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
« L'acte d'aliénation prévoit en cas de non réalisation du programme de logements locatifs sociaux ou de l'aménagement d'équipements collectifs dans le délai de cinq ans à compter de l'aliénation, au choix de l'État, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l'acquéreur, soit le remboursement de la décote ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article » ;
3° Au 3° de l'article L. 5211-1, après la référence : « L. 3111-2, » est insérée la référence : « L. 3211-7, » ;
4° L'article L. 5241-1-1 est abrogé ;
5° Après l'article L. 5241-5, il est inséré article L. 5241-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 5241-6. - À Saint-Pierre-et-Miquelon, l'État peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux tels qu'ils sont définis par la réglementation locale en vigueur. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
« L'avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux réalisés sur le terrain aliéné.
« L'État peut également procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à l'aménagement d'équipements collectifs. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
« L'acte d'aliénation prévoit en cas de non réalisation du programme de logements locatifs sociaux ou de l'aménagement d'équipements collectifs dans le délai de cinq ans à compter de l'aliénation, au choix de l'État, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l'acquéreur, soit le remboursement de la décote ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. » ;
6° Après l'article L. 5342-12, il est inséré un article L. 5342-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 5342-13. - À Mayotte, l'État peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux tels qu'ils sont définis par la réglementation locale en vigueur. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
« L'avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux réalisés sur le terrain aliéné.
« L'État peut également procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à l'aménagement d'équipements collectifs. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
« L'acte d'aliénation prévoit en cas de non-réalisation du programme de logements locatifs sociaux ou de l'aménagement d'équipements collectifs dans le délai de cinq ans à compter de l'aliénation, au choix de l'État, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l'acquéreur, soit le remboursement de la décote ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. ».
II. - A Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, l'État peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux tels qu'ils sont définis par la réglementation locale en vigueur, ou à la réalisation d'aménagement d'équipements collectifs. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
L'avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux réalisés sur le terrain aliéné.
L'acte d'aliénation prévoit en cas de non réalisation du programme de logements locatifs sociaux ou de l'aménagement d'équipements collectifs dans le délai de cinq ans à compter de l'aliénation, au choix de l'État, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l'acquéreur, soit le remboursement de la décote ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables.
III. - En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et dans les îles Wallis-et-Futuna, l'État peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale par application d'une décote lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux tels qu'ils sont définis par la réglementation locale en vigueur, ou à la réalisation d'aménagement d'équipements collectifs. Le montant de la décote est fixé à 100 % de la valeur vénale du terrain.
L'avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux réalisés sur le terrain aliéné.
L'acte d'aliénation prévoit en cas de non réalisation du programme de logements locatifs sociaux ou de l'aménagement d'équipements collectifs dans le délai de cinq ans à compter de l'aliénation, au choix de l'État, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l'acquéreur, soit le remboursement de la décote ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables.
IV. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application des II et III du présent article.
Le sous-amendement n° 95 est ainsi rédigé :
. - À la première phrase de l'alinéa 7, substituer aux mots :
« une partie au moins est réalisée »,
les mots :
« 30 % au moins sont réalisés ».
II. - En conséquence, procéder à la même substitution aux premières phrases des alinéas 15, 21, 26 et 29.
Le sous-amendement n° 127 est ainsi rédigé :
Rédiger ainsi les alinéas 10, 18, 24, 28 et 31 :
« L'acte d'aliénation prévoit en cas de non réalisation du programme de logements locatifs sociaux ou de l'aménagement d'équipements collectifs dans le délai de cinq ans à compter de l'aliénation la résolution de la vente sans indemnité pour l'acquéreur, ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. À travers l'amendement n° 70, nous montrons que les décisions du comité interministériel de l'outre-mer sont une réalité. Le chef de l'État avait annoncé, lors de son déplacement en Guyane, qu'il était disposé à ce que des terrains du domaine privé de l'État puissent être cédés à titre gratuit, notamment pour des projets d'intérêt général et surtout pour la construction de logements sociaux, sans oublier des opérations d'aménagement à des fins d'utilité publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. La commission n'a pas étudié cet amendement, qui aurait pour objet d'autoriser l'État à céder, avec une décote de 100 %, les terrains dont il est propriétaire outre-mer, dans deux hypothèses : premièrement, lorsque ces terrains sont destinés à la construction d'un ensemble composé essentiellement de logements, et comprenant une part de logements sociaux ; deuxièmement, lorsque ces terrains sont destinés à l'aménagement d'équipements collectif.
Si l'intention peut parfaitement se comprendre - on peut à cet égard regretter qu'il n'ait pas pu être examiné par la commission -, il est indispensable d'en préciser la rédaction.
Tout d'abord, il serait dommageable, pour respecter l'esprit de l'amendement, de ne pas préciser la part minimale de logements sociaux. Le texte se contente en effet d'indiquer qu'« une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux ». Des programmes de construction de logements luxueux pourraient donc être réalisés sur des terrains cédés gratuitement par l'État, dès lors qu'un seul logement social serait construit dans le même programme ! C'est ce qui m'amène à vous proposer, dans l'urgence, un sous-amendement n° 95 fixant, dans l'esprit de la loi SRU, à 30 % la part minimale de logements sociaux devant être inclus dans les programmes réalisés sur les terrains cédés par l'État dans les conditions prévues.
Je vous propose un deuxième sous-amendement, n° 127, destiné à écarter tout risque de spéculation : il s'agit d'empêcher qu'un acquéreur qui n'aurait pas tenu ses engagements puisse réaliser une plus-value sur le terrain en revendant celui-ci plus cher qu'il ne l'aurait acheté à l'État et en empochant une plus-value sans avoir construit aucun des logements qu'il était théoriquement tenu de réaliser aux termes du contrat passé avec l'État. La discussion au Sénat devrait permettre d'en améliorer la rédaction. En tout état de cause, je crois indispensable de voter ces deux sous-amendements qui offrent quelques garanties, dans l'esprit de l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Ayant entendu l'analyse de M. le rapporteur, je suis tout à fait favorable à ces deux sous-amendements. Vous l'avez bien compris, le logement est une priorité de la politique du Gouvernement pour l'outre-mer. Ce seuil de 30 % me paraît donc une idée particulièrement bienvenue.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Au nom du groupe Nouveau Centre, je voulais faire des observations semblables à celles de M. le rapporteur.
Cet amendement est tout à fait utile : ce que l'État veut faire dans les départements et collectivités d'outre-mer par le biais de cet amendement, c'est ce qui se fait en métropole - je pense notamment à la cession gratuite de certaines emprises dans le cadre des redéploiements militaires. Et les deux sous-amendements présentés par le rapporteur le rendent d'autant plus intéressant : nous émettrons donc un vote positif.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.
M. René-Paul Victoria. Je suis moi aussi favorable aux deux sous-amendements. Mais la rédaction d'ensemble mérite d'être encore améliorée.
Imaginons par exemple qu'un bailleur social achète un terrain, gratuitement, ou pour l'euro symbolique, sur lequel il construit 70 % de logements sociaux ; directement ; il revend les 30 % restants à un promoteur qui construit en VEFA, c'est-à-dire en vente en l'état futur d'achèvement. Puis il rachète grâce à la défiscalisation sociale. Qui bénéficiera de la plus-value ? Voilà pourquoi je pense que les deux sous-amendements prennent tout leur sens.
M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge Letchimy. J'ai écouté attentivement René-Paul Victoria. La situation est encore plus complexe... Je partage l'idée qu'il faut éviter toute spéculation après la cession, mais prenons garde : il est parfaitement possible de combiner une opération de logement social avec une opération réalisée en VEFA ; dès lors, vous êtes obligé de céder la part du terrain concerné par la VEFA.
Il faudra retravailler la rédaction du texte lors de la discussion au Sénat : dans la formulation actuelle, il ne serait pas possible de céder à nouveau les terrains ; mais si vous interdisez de revendre pour permettre une opération de VEFA, en rachetant en défiscalisation, à supposer que cela marche encore, vous risquez de bloquer un partenariat entre une collectivité et un organisme privé - une société HLM, par exemple. On pourrait proposer un sous-amendement ; quoi qu'il en soit, il faudra surtout réfléchir pour éviter tout risque de blocage en cas d'opération mixte.
Beaucoup d'entre nous s'accordent à considérer qu'il s'agit là d'un bon amendement du Gouvernement. Encore faudra-t-il évaluer l'importance des opérations foncières et des propriétés d'État transférables. Pour l'instant, on n'en sait trop rien : dans le cas de la Martinique, la taille des parcelles, souvent situées sur les anciens cinquante pas géométriques est en général assez réduite ; mais à la limite, pourquoi pas ?
Cependant, le texte comporte un élément assez gênant : c'est le délai de cinq ans que vous avez prévu. Il s'agit, on l'aura compris, de contraindre les promoteurs à achever le chantier. Mais il faut faire attention : il serait peut-être préférable d'écrire que le chantier doit démarrer dans ce délai de cinq ans. Car les opérations de ce genre peuvent être épouvantablement complexes : il faut compter un an et demi à deux ans pour les études, l'appel d'offres, le début des travaux ; et il peut y avoir ensuite des dérapages dans le déroulement du chantier. Si le chantier n'est pas réalisé dans les cinq ans, le promoteur perdra-il les avantages prévus par le texte ? Ne faudrait-il donc pas préciser plutôt un délai de démarrage ?
(Les sous-amendements n os 95 et 127, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'amendement n° 70, sous-amendé, est adopté.)
Voir l'ensemble des débats sur la mission « Outre-mer » :
- mercredi 3 novembre 2010 ;
- mercredi 3 novembre 2010 (suite).