IV. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 4 DÉCEMBRE 2010

Article 68 bis (nouveau)

M. le président. « Art. 68 bis . - I. - L'article L. 514-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le mot : « fixée », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « chaque année en loi de finances. » ;

2° Le troisième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« L'augmentation maximale du produit de la taxe que chaque chambre d'agriculture peut inscrire à son budget lui est notifiée par le ministre chargé de l'agriculture sur la base d'un tableau de répartition établi sur proposition de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture.

« Le total des augmentations autorisées pour l'ensemble des chambres d'agriculture au titre d'une année ramené au montant total de la taxe additionnelle perçue l'année précédente ne peut être supérieur au taux maximal autorisé en loi de finances pour l'année concernée.

« Aucune chambre départementale ne peut bénéficier d'un taux supérieur à 3 %. » ;

3° Le quatrième alinéa est supprimé.

II. - L'augmentation maximale du produit de la taxe mentionnée à l'article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime est fixée, pour 2011, à 1,5 %.

M. le président. L'amendement n° II-404, présenté par MM. César et Emorine, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Dernier alinéa

Remplacer le pourcentage :

1,5 %

par le pourcentage :

2 %

La parole est à M. Gérard Cornu, au nom de la commission de l'économie.

M. Gérard Cornu, au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Cet amendement vise à porter le taux pivot, c'est-à-dire le taux moyen maximal pour la cotisation aux chambres d'agriculture, de 1,5 % à 2 %.

Pourquoi la commission de l'économie propose-t-elle cette hausse ?

Le transfert des missions des ADASEA, les associations départementales pour l'amélioration des structures des exploitations agricoles, décidé dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, devra être financé par les chambres. L'État réduit, en effet, de 6 millions d'euros entre 2010 et 2011 les crédits aux ADASEA, crédits qui passent donc de 14 millions d'euros à 8 millions d'euros. Ne serait-ce que pour compenser cet écart, il faudrait augmenter le taux de la taxe de 2,1 %.

Fixer le taux à 2 % n'exonère donc pas du tout les chambres d'efforts dans leur gestion courante. Elles ont une augmentation naturelle de leurs charges de 1,8 % par an. Pour tenir leur budget, elles sont engagées dans un plan de rationalisation de leurs moyens et de réduction d'effectifs.

De surcroît, cet amendement ne coûte rien à l'État, puisqu'il s'agit d'une taxe supportée par le propriétaire du terrain agricole.

Mme Évelyne Didier. À qui cela coûte-t-il ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est sensible à cette argumentation présentée par M. Gérard Cornu, au nom de la commission de l'économie, et j'avais eu le plaisir, il y a quelques semaines, de recevoir sur ce sujet le président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA, et des membres de son bureau.

Il est donc proposé ici de porter de 1,5 % à 2 % le taux d'augmentation pour 2011 de la taxe pour frais de chambres d'agriculture. Cela devrait correspondre à des charges nouvelles du réseau consulaire agricole. Sans doute existe-t-il des chambres d'agriculture susceptibles de rencontrer des difficultés financières.

Sachant que les marges de manoeuvre à dégager par mutualisation ne sont sans doute pas très importantes, cet amendement mérite, nous semble-t-il, de l'intérêt et nous espérons que cet intérêt sera soutenu par l'avis du Gouvernement, auquel nous nous remettons.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le rapporteur général, je vais vous décevoir.

Monsieur Cornu, nous avons étudié ensemble ce texte sur les chambres consulaires lorsque j'exerçais d'autres fonctions, il y a quelques mois de cela. Nous avons fait des efforts pour trouver un consensus entre les deux commissions et nous y sommes arrivés.

Mais ici, l'augmentation du taux pivot que vous proposez contribuerait à accroître directement la pression fiscale supportée par les agriculteurs propriétaires de foncier non bâti, dans un contexte économique difficile. Que vous le vouliez ou non, c'est ce qui arriverait.

M. le ministre de l'agriculture vous a rappelé hier qu'il n'était pas favorable à cet amendement. Notre objectif est de ne pas peser sur la compétitivité des agriculteurs, même si, en l'occurrence, ce poids n'est pas important.

En outre, nous demandons des efforts budgétaires aux chambres d'agriculture, et le Gouvernement les considère comme nécessaires et raisonnables. Les commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat en avaient discuté à l'époque.

L'effort global demandé aux chambres nécessiterait un ajustement relativement limité de leur budget en personnel en 2011, environ 1,5 %. Cet effort reste modéré par rapport à ceux qui sont demandés aux opérateurs de l'État - auxquels on demande beaucoup plus - et aux différents ministères sur leurs moyens de fonctionnement.

Les chambres d'agriculture doivent néanmoins raisonnablement contribuer à la politique globale de réduction de la dépense publique. La commission des finances du Sénat et le rapporteur général seront, je le pense, sensibles à cet argument.

C'est parce que nous savons que la situation n'est pas homogène sur le territoire que la possibilité d'une modulation départementale - vous vous en souvenez - du taux d'augmentation de la taxe de la chambre jusqu'à 3 % permettra de trouver des solutions en fonction des réalités du terrain, notamment pour les chambres qui ont besoin de ressources dynamiques.

Eu égard à ces arguments, et compte tenu des efforts qu'il convient de consentir pour faire en sorte de moins peser sur les dépenses publiques, monsieur le sénateur, je demande le retrait de l'amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La situation est délicate, extrêmement délicate, même. Je comprends bien les arguments avancés par notre collègue Gérard Cornu, mais toutes les institutions publiques, les collectivités territoriales, les chambres consulaires, l'État, tous les acteurs de la sphère publique qui vivent du produit de l'impôt et des prélèvements obligatoires, doivent s'astreindre à une révision générale des politiques publiques.

Dans le secteur agricole, des opérations lourdes sont engagées ; je pense notamment à la réintégration des ADASEA au sein des chambres d'agriculture.

M. Gérard Cornu , au nom de la commission de l'économie. C'est tout le problème !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les crédits de l'État étant en baisse très sensible, les arbitrages sur le terrain sont très difficiles. Je sais que des emplois sont supprimés et que les représentants du monde agricole sont mis à rude épreuve.

M. Cornu a indiqué que le relèvement de ce taux ne coûtera rien à l'État dans la mesure où ce sont les propriétaires fonciers qui le prendront en charge. Méfions-nous ! Les revenus des propriétaires fonciers sont souvent très symboliques !

Conscients de l'intérêt qu'ils ont à pouvoir bénéficier du concours de tous les conseillers des chambres d'agriculture, notamment des ADASEA, les agriculteurs doivent s'engager sur la voie d'un partenariat exigeant avec leurs chambres consulaires ; il y aurait une certaine équité à cela.

Monsieur le ministre, nous avons bien entendu vos arguments et vous savez que la commission des finances est tout à fait en phase avec le Gouvernement. Elle pense même que celui-ci ne va pas assez loin dans la réduction des dépenses publiques et du déficit,...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et qu'il faut se méfier des effets d'optique qui présentent momentanément l'avantage de donner l'impression que l'on va dans le bon sens.

Peut-être pourrions-nous, mes chers collègues, voter l'amendement de la commission de l'économie et trouver, d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, un taux intermédiaire entre 1,5 % et 2 %.

Mme Catherine Procaccia. La marge est faible !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous disposons d'une dizaine de jours pour étudier cette question et procéder à cet ajustement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce serait très raisonnable !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quoi qu'il en soit, à titre personnel, je me rallierai à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. C'est une situation cornélienne, monsieur le président de la commission. (Sourires.)

Vous dites vouloir réduire plus encore la dépense publique - je vous crois, et vous soutiens ardemment- et, dans le même temps, vous défendez une position quelque peu contraire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela n'aggrave pas notre déficit !

M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur le rapporteur général, cette mesure pèsera sur ceux qui font vivre l'agriculture, et les propriétaires fonciers en font partie. Faisons donc attention à ce que nous faisons.

Monsieur Cornu, je sais le travail que vous avez réalisé dans le cadre de la réforme de ces chambres consulaires, car, je le répète, nous avons déjà eu ce débat lorsque j'étais président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

Comme l'a rappelé M. le président de la commission des finances, la réintégration des ADASEA, prévue par la LMAP, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, contribue à l'effort de rationalisation des chambres d'agriculture.

À cet égard, la mutualisation des structures s'est opérée sans problème dans trente-six départements. Des efforts considérables ont été réalisés, qui permettent de diminuer les subventions de l'État, lesquelles passeront de 14,7 millions d'euros en 2010 à 8 millions d'euros en 2011. Cette diminution sera d'ailleurs en partie compensée par l'augmentation de la taxe prévue dans le projet de loi de finances pour 2011.

Les chambres d'agriculture sont les premières à faire des efforts ! Je ne voudrais que, par cet amendement, nous leur envoyions un signal négatif.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, monsieur le sénateur, j'y insiste, au nom du Gouvernement, de bien vouloir retirer votre amendement.

Monsieur le président de la commission, j'attire votre attention sur le fait que les travaux de la commission mixte paritaire seront très chargés !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons l'habitude ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. Certes, mais, depuis cet après-midi, j'ai le sentiment qu'ils seront particulièrement chargés cette année.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est assez bien vu ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. Sincèrement, aurez-vous le temps, au cours de la CMP, de vous intéresser à cette question...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah oui !

M. Patrick Ollier, ministre. ... pour arriver à fixer un taux compris entre 1,5 % et 2 % ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Entre 1,5 % et 2 %, on trouvera 1,75 %, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre. Allons, monsieur le rapporteur général !

Non, il serait vraiment plus sage, monsieur Cornu, que vous acceptiez de retirer votre amendement, afin que la réunion de la commission mixte paritaire soit la plus apaisée possible...

Monsieur le président de la commission, vous savez que la commission mixte paritaire sera très difficile : eu égard à ce qui s'est passé à l'Assemblée et au Sénat, le Gouvernement devra prendre des décisions, et il fera face à ses responsabilités. En l'espèce, je vous demande de bien vouloir l'aider.

M. le président. Monsieur Cornu, l'amendement est-il maintenu ?

M. Gérard Cornu, au nom de la commission de l'économie. Pour compléter ce débat, j'aimerais communiquer quelques chiffres.

Ce demi-point de pourcentage correspond à 1,4 million d'euros, ce qui représente, pour 325 000 exploitations, 4 euros par exploitation !

Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement cette problématique et vous savez fort bien que c'est le transfert des missions des ADASEA qui pose problème.

Certes, c'est un dur métier que d'être ministre chargé des relations avec le Parlement, mais, franchement, mon amendement est raisonnable, et raisonné !

Aussi, au nom de la commission de l'économie, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission de la commission des finances. L'encadrement des taux pour les chambres consulaires n'a pas de sens.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela n'a aucun sens !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont des organismes professionnels...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Exactement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et ce sont des professionnels qui paient la cotisation.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certaines chambres d'agriculture baisseront peut-être le taux ! Cette décision relève de leur responsabilité.

À mon avis, il serait préférable de supprimer cet encadrement...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Exactement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et de laisser les professionnels libres d'agir. Le jour où les agriculteurs en auront assez de payer des cotisations aux chambres d'agriculture, ils changeront la majorité des chambres d'agriculture !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-404.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 68 bis , modifié.

(L'article 68 bis est adopté.)