II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 1
Observations et décision de la Commission :
Le présent article vise à unifier les mécanismes de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), prévus par la loi de finances pour 2010 pour les départements et les régions, et qui doivent entrer en vigueur en 2012.
I.- UNE DUALITÉ INUTILE DU MÉCANISME DE PÉRÉQUATION SUR LES RECETTES DE CVAE
Afin d'accompagner la réforme de la taxe professionnelle, des mécanismes de péréquation horizontale ont été prévus par les parlementaires lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010. Des fonds régionaux et départementaux de péréquation sur les recettes de CVAE ont ainsi été instaurés par l'article 78 de la loi de finances pour 2010.
A.- LES FONDS ADOPTÉS EN 2009
Pour l'échelon départemental, comme pour l'échelon régional, deux fonds coexistent : l'un de péréquation sur les flux de CVAE, prévu à l'article 1648 AA du code général des impôts, et l'autre de péréquation « sur stocks » de CVAE, prévu à l'article 1648 AB du code général des impôts.
1.- La péréquation sur stock de CVAE
Le fonds régional et le fonds départemental de péréquation sur stock de CVAE ont des modalités de prélèvement identiques tandis que leurs critères de reversement diffèrent.
a) Un prélèvement uniforme
Aux termes de l'article 1648 AB du code général des impôts, tous les départements et toutes les régions, sans considération de leur richesse ou des charges qui leur incombent, subissent un prélèvement sur leurs recettes fiscales au profit du fonds de péréquation sur stock de CVAE de leur échelon.
Ce prélèvement est égal à 25 % des recettes de CVAE perçues l'année considérée. En pratique les fonds constituent donc une nationalisation d'un quart du produit de la CVAE départementale et de la CVAE régionale ;
b) Des critères de reversement propres à chaque échelon
Le fonds régional et le fonds départemental appliquent des critères de répartition des ressources différents.
Les ressources du fonds régional sont réparties pour un tiers au prorata de la population de la région concernée, pour un tiers au prorata de son effectif de lycéens et stagiaires de la formation professionnelle, et pour un tiers au prorata de sa superficie.
En ce qui concerne le fonds départemental, ses ressources sont réparties pour un tiers au prorata de la population du département concerné, pour un tiers au prorata de son nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), et pour un tiers au prorata de sa longueur de voirie.
2.- La péréquation sur les dynamiques de CVAE
a) Éligibilité au prélèvement
Les critères d'éligibilité au prélèvement sont les mêmes pour le fonds départemental et le fonds régional de péréquation sur les flux de CVAE.
Sont contributrices les collectivités qui ont un potentiel fiscal par habitant supérieur au potentiel fiscal par habitant moyen de l'échelon et dont la dynamique locale de CVAE à partir de l'année 2011 est supérieure à la moyenne nationale.
Le montant du prélèvement est égal à la moitié de la différence entre :
- le montant de CVAE perçu par la région ou le département l'année considérée ;
- et le montant de CVAE perçu par la collectivité en 2011, multiplié par le rapport du produit national de CVAE de l'année précédente sur le produit national de CVAE de 2010 (c'est-à-dire par le taux de croissance national du produit de CVAE) 1 ( * ) .
Il y a donc une franchise de dynamique à concurrence de la dynamique moyenne nationale, la croissance excédentaire étant prélevée pour moitié.
Par ailleurs, il est à noter que les montants locaux de CVAE utilisés pour ce calcul sont minorés des prélèvements effectués au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ou majorés des reversements en provenance de ce fonds. Cette opération a été envisagée afin d'augmenter le poids du prélèvement sur les collectivités contributrices au FNGIR, dont la quotité d'impôts après réforme est supérieure à la situation antérieure, comme le montre l'exemple suivant :
- Soit un département dont la CVAE après réforme représente 100, et qui restitue 20 au FNGIR.
- Soit des croissances nationale et locale de la CVAE de 8 % sur 2011-2015.
2015 |
FNGIR pris en compte |
FNGIR non pris en compte |
Recette de CVAE |
108 |
108 |
FNGIR |
- 20 |
- 20 |
Recette prise en compte au titre de 2011 |
80 |
100 |
Recette prise en compte au titre de 2015 |
88 |
108 |
Croissance constatée |
10 % |
8 % |
Supérieure à la moyenne de la CVAE |
Oui |
Non |
Écrêtement |
0,8 |
0 |
Cette opération limite également le prélèvement sur les collectivités territoriales bénéficiaires du FNGIR. Ainsi dans l'exemple précédent, si le département a une CVAE deux fois plus dynamique que la moyenne (+ 16 %) mais reçoit 20 du FNGIR, on aboutit aux montants suivants :
2015 |
FNGIR pris en compte |
FNGIR non pris en compte |
Recette de CVAE |
116 |
116 |
FNGIR |
+ 20 |
+ 20 |
Recette prise en compte au titre de 2011 |
120 |
100 |
Recette prise en compte au titre de 2015 |
136 |
116 |
Croissance constatée |
13,33 % |
16 % |
Supérieure à la moyenne de la CVAE |
Oui |
Oui |
Écrêtement |
3,2 |
8 |
b) Critères de reversement
Les ressources ainsi constituées sont réparties entre les collectivités de chaque échelon dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal par habitant moyen, au prorata du produit de cet écart par le nombre d'habitants de la collectivité concernée.
B.- DES FONDS INÉGALEMENT EFFICACES
1.- La faible portée redistributive de la péréquation sur stock de CVAE
Le Rapporteur général rappelle que la péréquation sur stock adoptée en 2009 a, dans son principe même, une portée redistributive limitée. La garantie des ressources à l'euro près qui accompagne la réforme de la taxe professionnelle entraîne la reconduction des inégalités de ressources entre collectivités, en 2011, et neutralise donc les effets de la péréquation sur stock de CVAE. Par conséquent, celle-ci a pour effet de transformer une ressource fiscale en une ressource budgétaire, ou inversement, ce qui a un impact limité en termes de volume de recettes.
Le montant reversé par le fonds est réparti selon des critères de charges, dont la dynamique est déconnectée de celle du produit global de CVAE. Ainsi, même si celui-ci a diminué, une collectivité dont les charges auraient augmenté bénéficierait d'un reversement plus important, au détriment des autres collectivités. À l'inverse, une collectivité dont la part dans les critères de charges diminue verra son produit de CVAE diminuer, même si celle-ci croît au plan national.
Par essence, le fonds instauré en 2009 constitue donc une redistribution de la différence de dynamique entre le quantum local de CVAE avant action du fonds et le même quantum après action du fonds, en fonction de la dynamique des critères de charges. De ce fait même, comme l'a conclu la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration (IGF/IGA) sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle, ce mode de « péréquation » avant garantie de ressources est moins redistributif qu'une péréquation directe des dynamiques de CVAE.
2.- Une péréquation sur flux dont il est délicat de mesurer l'ampleur
La mission conjointe IGA/IGF a tenté de simuler l'effet des fonds prélevant sur les flux, mais a dû reconnaître deux faiblesses méthodologiques majeures : premièrement, l'évolution collectivité par collectivité de la CVAE relève de projections nationales 2013-2015 déclinées localement sur des hypothèses arbitraires et sans lien réel avec l'impôt 2 ( * ) ; deuxièmement, les fonds prélevant les flux ont été simulés après impact de ceux sur les stocks, ce qui retire l'essentiel de son intérêt à la simulation 3 ( * ) .
Selon ces simulations particulièrement fragiles, en 2015, seules deux régions seraient contributrices nettes au fonds pour 22 régions bénéficiaires, et 9 départements contributeurs pour 75 bénéficiaires. En outre, les montants prélevés et reversés seraient très modestes.
Au-delà de ces chiffrages, sur lesquels le Rapporteur général estime qu'il est préférable de ne pas s'appuyer, il faut noter que les fonds sur flux, conçus en 2009 au cours de la discussion budgétaire, comportent dans leur architecture deux facteurs limitatifs :
- La prise en compte du FNGIR dynamise les prélèvements des collectivités les mieux dotées par la réforme, mais celles-ci sont peu nombreuses, et diminue à l'inverse, voire annule, les prélèvements des collectivités aux dynamiques élevées mais bénéficiaires du FNGIR. La somme de ces deux effets tend à minorer les moyens des fonds.
- En outre, il n'est pas impossible que l'intensité du prélèvement ait été calibrée trop bas, c'est-à-dire que la dynamique conservée sur le territoire d'implantation (la moyenne plus la moitié de l'excédent) soit trop importante.
En tout état de cause, le Rapporteur général estime qu'il importe de ne corriger les fonds de péréquation qu'au regard des principes, puisque l'apport des simulations effectuées est inutilisable. En effet, la simulation de l'écrêtement des dynamiques après rabotage de celles-ci par la péréquation dite « sur stock » constituait un parti pris méthodologique qui prive malheureusement aujourd'hui le législateur d'une évaluation rigoureuse de l'impact des fonds sur les flux.
II.- L'AMÉNAGEMENT JURIDIQUE PROPOSÉ : UN FONDS PAR ÉCHELON UTILISANT POUR PARTIE DES CRITÈRES DE CHARGES
Le présent article vise à abroger les deux articles du code général des impôts introduisant les fonds précédemment évoqués et à créer en remplacement un mécanisme identique de prélèvement sur la dynamique de CVAE au profit d'un fonds régional et d'un fonds départemental, qui conservent toutefois des critères de redistribution spécifiques.
A.- LA SUPPRESSION DE LA COEXISTENCE DES MÉCANISMES DE PÉRÉQUATION SUR FLUX ET STOCK DE CVAE
L'alinéa 44 du présent article abroge les articles 1648 AA et 1648 AB du code général des impôts relatifs aux mécanismes de péréquation sur flux et sur stock de CVAE.
Les alinéas 41 à 43 du présent article modifient en conséquence l'article 78 de la loi de finances pour 2010, supprimant la prise en compte dans le calcul de la garantie de ressources des prélèvements et reversements au titre du fonds de péréquation sur stock de CVAE.
Enfin, le présent article, dans ses alinéas 1 à 40, introduit deux nouveaux articles (L. 4332-9 et L. 3335-1) dans le code général des collectivités territoriales, qui créent respectivement un fonds régional et un fonds départemental de péréquation de CVAE.
B.- LA CRÉATION D'UN MÉCANISME UNIQUE DE PRÉLÈVEMENT
Les régions et les départements contributeurs au fonds de péréquation doivent répondre aux mêmes critères et sont prélevés d'un montant calculé de façon identique.
1.- Des critères d'éligibilité communs aux régions et départements
Les régions et départements contributeurs au fonds de péréquation de CVAE répondent à deux critères : ils doivent avoir un potentiel fiscal par habitant supérieur au potentiel fiscal moyen par habitant et bénéficier d'une croissance de leur produit de CVAE.
Le présent article supprime donc tant la référence à la croissance moyenne de la CVAE que la prise en compte du FNGIR dans l'appréciation de la dynamique du territoire.
2.- Calcul du prélèvement
Le montant du prélèvement au profit du fonds de péréquation correspond à la moitié de la différence entre le produit de CVAE perçu par la région ou le département l'année considérée et le même produit perçu en 2011. Ce montant est prélevé sur les douzièmes de fiscalité.
Toutefois, il ne peut excéder le produit du nombre d'habitants de la région ou du département par la différence entre son potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal moyen par habitant de l'échelon. Cette disposition pourrait être communément appelée « garantie de non franchissement de la moyenne ». En effet, cette règle vise à prévenir le cas - marginal sinon virtuel - où la contribution au fonds de péréquation ferait passer, à elle seule, le potentiel fiscal de la collectivité en deçà de la moyenne.
C.- DES CRITÈRES DE REDISTRIBUTION PROPRES À CHAQUE ÉCHELON
Le fonds régional et le fonds départemental de péréquation prévus par le présent article auront des critères de redistribution propres, qui fusionnent les mécanismes de péréquation sur flux et sur stock de CVAE prévus par la loi de finances pour 2010.
1.- Reversement aux départements
Les départements, pour être éligibles aux reversements du fonds, doivent disposer d'un potentiel fiscal par habitant inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant.
Le reversement s'effectue pour moitié selon des critères qui étaient déjà ceux du mécanisme de péréquation sur stock de CVAE prévu en 2009 : un sixième au prorata de la population du département considéré, un sixième au prorata de son nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de la part de sa population de plus de 75 ans 4 ( * ) , et un sixième au prorata de sa longueur de voirie rapportée aux habitants. Enfin, l'autre moitié prend en compte, comme c'était déjà le cas pour le mécanisme de péréquation sur flux de CVAE, l'écart entre le potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal moyen par habitant.
Ainsi que l'a fait justement observé le rapport de la mission IGA/IGF, l'introduction de ces critères dans la répartition des fonds obéit à une logique qui n'est pas strictement ou exclusivement péréquatrice. En effet, de tels critères avantagent principalement les départements dont la population croît, et parmi ceux-là les départements dont la population vieillit, ce qui ne coïncide qu'à la marge avec les départements que l'on peut qualifier de « défavorisés ». Le rapport de la mission a ainsi établi que, sur les trois critères de charges retenus, le plus péréquateur sera... la longueur de voirie.
2.- Reversement aux régions
En ce qui concerne les régions, sont éligibles aux reversements celles dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,85 fois le potentiel fiscal par habitant moyen de l'ensemble des régions.
Le reversement s'effectue pour moitié selon les critères qui avaient été retenus pour la péréquation sur stock en 2009 : pour un sixième au prorata de la population de la région considérée, pour un sixième au prorata de son effectif de lycéens et de stagiaires de la formation professionnelle, et pour un sixième au prorata de la superficie, enfin pour l'autre moitié au prorata de l'écart entre le potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal moyen par habitant.
Le Rapporteur général souligne que les mêmes remarques s'appliquent au fonds régional quant à la dimension péréquatrice des critères de charges retenus. Le rapport de la mission a ainsi établi que le critère de charge le plus péréquateur sera la superficie régionale.
III.- VERS DES FONDS DE PÉRÉQUATION REDISTRIBUANT 50 À 100 % DE LA CVAE SUR DES CRITÈRES DE DOTATION ?
Le Rapporteur général indique que la fusion des critères de redistribution des fonds de péréquation et l'abandon des fonds prélevant une partie du stock de CVAE avant garantie de ressources lui paraissent une solution de compromis équilibrée. Il soutient donc cette piste avancée par la mission IGF/IGA, qui contribuera à apaiser le contexte de la réforme de la taxe professionnelle et à en stabiliser les effets.
En revanche, il estime que le présent article opère deux modifications très substantielles des fonds prélevant les dynamiques de CVAE, qui en altèrent la nature.
A.- DEUX AMÉNAGEMENTS MAJEURS QUI ALTÈRENT EN PROFONDEUR LA NATURE DES FONDS DE PÉRÉQUATION
Ainsi que le Rapporteur général le rappelait précédemment, la mission IGF/IGA a tenté de proposer des corrections visant à doper l'action des fonds de péréquation sur les flux et à accroître les sommes prélevées et reversées. Cependant, ces corrections, reprises par le Gouvernement au présent article, sont lourdes de conséquences, alors même qu'elles ne sont justifiées que par des simulations hasardeuses sur l'effet possible des fonds à l'horizon 2015.
1.- L'absence de prise en compte du FNGIR renforcerait la dimension péréquatrice des fonds
La première correction substantielle de la mécanique des fonds sur les flux consiste à ne plus pondérer la croissance de la CVAE des prélèvements et reversements au titre du FNGIR.
Le Rapporteur général rappelle que la prise en compte de l'effet du FNGIR visait, dans le contexte de la discussion de la réforme en 2009, à mieux tenir compte de l'impact de la territorialisation de la CVAE du point de vue de la péréquation. En effet, il est indiscutable que le choix de faire de la CVAE un véritable impôt local frappant une assiette territorialisée suscitera davantage d'inégalités géographiques que la solution dans laquelle la CVAE serait demeurée un impôt national réparti par les mains de l'Etat selon des critères correcteurs, ainsi qu'il avait été proposé initialement par le Gouvernement. Ce choix pris à l'initiative du Parlement résultait essentiellement de la conviction qu'il fallait respecter et promouvoir l'autonomie financière des collectivités locales.
Afin de limiter les effets déséquilibrant de cette territorialisation aux échelons départemental et régional, les fonds de péréquation sur les dynamiques de CVAE ont été conçus afin de corriger la concentration géographique de la valeur ajoutée dans certains territoires. En d'autres termes, il s'agissait, pour compenser la surfiscalisation d'un département comme les Hauts-de-Seine, de rapporter sa dynamique de CVAE à sa recette budgétaire réelle, c'est-à-dire minorée des prélèvements au titre du FNGIR. De la sorte, le fonds aurait prélevé une part plus grande de la croissance de la CVAE et ainsi corrigé les inégalités des dynamiques nées de la réforme.
Cependant, il convient sans doute de reconnaître, grâce au rapport de la mission IGF/IGA, que le législateur a excessivement concentré ses travaux sur les quelques départements et régions surfiscalisés par la réforme, c'est-à-dire contributeurs au FNGIR. La partie la plus visible de l'iceberg, en quelque sorte. Ainsi, en paramétrant les fonds pour garantir de mieux prélever ces quelques territoires très peu nombreux, la loi de finances pour 2010 a probablement abouti à un dispositif qui ne mutualiserait pas assez les autres dynamiques, c'est-à-dire celles de tous les autres territoires très faiblement contributeurs ou bénéficiaires du FNGIR, qui sont, eux, la grande majorité des départements et des régions.
Avec le recul apporté par une année d'acclimatation de la réforme, le Rapporteur général se demande donc si, du point de vue de la péréquation, il ne serait pas préférable d'adopter la proposition du présent article consistant à mieux tenir compte de toutes les dynamiques rapides, qu'elles concernent des territoires contributeurs ou bénéficiaires du FNGIR en 2011. Conçus pour produire leur action sur longue période, les fonds de péréquation sur les flux verraient ainsi leur efficacité renforcée en faisant davantage abstraction du contexte particulier des années 2010-2011.
2.- La suppression de la franchise de croissance réintroduit une administration discutable du produit de l'impôt
La seconde correction majeure proposée par le présent article consiste à prélever, au bénéfice des fonds, la moitié de la dynamique de CVAE dès le premier euro de croissance en valeur dans chacun des territoires (sous une condition de potentiel fiscal, inchangée par le présent article).
Cet ajustement, sous couvert d'augmenter les sommes à la disposition des fonds, pose en réalité deux problèmes :
- Il pose tout d'abord un problème de principe puisque l 'ajustement proposé remet directement en cause la territorialisation de la CVAE . En effet, cette territorialisation constituait à l'évidence un enjeu pour l'avenir et non pas pour l'exercice 2010 ou 2011, en raison de la garantie de ressources. Or, le présent article propose de répartir la moitié de cette dynamique en fonction de critères extérieurs à l'impôt.
Le Rapporteur général craint donc que la proposition de la mission IGF/IGA de supprimer la franchise de dynamique conservée sur le territoire d'implantation ne remette directement en cause la construction même de la CVAE en tant qu'impôt local : « rien que l'assiette (pas de vote de taux) mais toute l'assiette (lien territorial et dynamique) ».
En effet, en pratique, une entreprise s'implantant dans le Rhône, par exemple, n'acquittera pas la part départementale de sa CVAE (soit 46,5 %) au profit du conseil général du Rhône. Celui-ci ne percevra que 23,25 % de cette CVAE, l'autre moitié de la part départementale étant perçue par les départements plutôt peuplés de personnes âgées ou comptant plutôt une voirie volumineuse.
Le Rapporteur général indique qu'il y aurait donc une rupture forte avec les principes qui ont guidé les choix du législateur en 2009. Il s'agissait alors de territorialiser l'impôt, de prendre acte des inégalités de dynamiques que cela engendrerait probablement et donc de péréquer les dynamiques plus rapides que les autres. Le présent article propose une approche radicalement différente en défendant l'idée que la moitié de l'impôt ne doit pas être acquitté au profit du territoire d'implantation.
- En outre, l'ajustement proposé générerait des effets pervers insoutenables. En effet, la logique des fonds adoptés en 2009 consistait à prélever les dynamiques plus rapides que la moyenne, c'est-à-dire des croissances relatives. La logique du présent article consiste à prélever la dynamique en valeur. Dès lors, il pose très nettement le problème de la croissance des prix et de la différence entre croissance en volume et en valeur absolue . En effet, la valeur ajoutée taxée par la CVAE se renchérira chaque année comme les prix en général.
Ainsi, en l'absence de toute nouvelle base, un département donnerait au fonds de péréquation la moitié de l'inflation cumulée depuis 2011 sur sa CVAE. Pire encore, si la CVAE nationale a crû régulièrement plus rapidement que les prix, alors un département ou une région pourrait voir ses bases s'appauvrir relativement aux autres collectivités territoriales (en restant stables), tout en contribuant au fonds à cause du renchérissement.
Le tableau suivant compare l'effet de la rédaction proposée sur quatre départements dont la CVAE représenterait 100 en 2010, dont la dynamique propre en volume serait respectivement de 0,1 %, 2 %, 6 % et 18 % par an. Dans cet exemple, on estime que l'inflation est stable à 1,5 % par an.
Département 1 |
Département 2 |
Département 3 |
Département 4 |
|
CVAE 2010 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Dynamique en volume |
0,1 % |
2 % |
6 % |
18 % |
CVAE 2015 |
108 |
116 |
144 |
244 |
Croissance en valeur |
8 |
16 |
44 |
144 |
Croissance réelle |
0,5 |
8 |
36 |
136 |
Prélèvement |
4 |
8 |
22 |
72 |
CVAE 2015 nette |
104 |
108 |
122 |
172 |
CVAE 2015 nette au prix 2010 |
97 |
100 |
113 |
160 |
Croissance nette en volume |
- 3 |
0 |
13 |
60 |
intensité du prélèvement sur la croissance réelle |
777 % |
97 % |
61 % |
53 % |
Cet exemple permet d'observer que :
- dans le cas où un département n'enregistre aucune dynamique fiscale en volume, le fonds de péréquation prélève son stock de CVAE et fait reculer le produit en volume ;
- plus la dynamique de l'impôt est rapide, plus l'intensité du prélèvement se rapproche réellement de 50 % de la croissance réelle (c'est-à-dire au prix de 2010).
Le Rapporteur général souligne que cet effet « prix » sur le fonds de péréquation était absent du mécanisme proposé en 2009, puisque les collectivités territoriales ne contribuaient qu'à raison d'une dynamique plus rapide que la moyenne. Comme cette moyenne incluait la croissance des prix, le risque de prélèvement sur une dynamique nulle ou très faible en volume n'existait pas.
B.- LA REVOYURE DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE NE DOIT PAS ROMPRE TOUS LES ÉQUILIBRES TROUVÉS EN 2009
Le Rapporteur général considère que la clause de revoyure prévue par l'article 76 de la loi de finances pour 2010 doit permettre de faire le point, notamment, sur les mécanismes de péréquation envisagés pour corriger les inégalités particulières qui naîtront de la réforme de la taxe professionnelle.
Pour autant, il importe également, dès lors qu'aucune donnée fiscale n'est à ce jour disponible pour étayer telle ou telle supposition ou hypothèse, de ne pas bouleverser les conditions d'application d'une réforme dont la compréhension et l'acceptation par les collectivités locales progressent lentement mais sûrement.
1.- Une période transitoire où aucune donnée fiscale n'est disponible
Le Rapporteur général rappelle qu'en 2010 a eu lieu la première campagne déclarative de la CVAE pour les entreprises. À la date d'examen du présent article par l'Assemblée nationale, aucun retour sur les données ainsi déclarées n'a pu être fourni par le Gouvernement.
Ainsi, il est impossible d'apprécier, à ce jour, ni le volume même de la CVAE, ni sa répartition géographique. Il est donc d'autant plus délicat de se projeter à un horizon de trois ou cinq ans pour tenter de prévoir comment la CVAE aura évolué, et, a fortiori, comment le produit perçu dans chacune des collectivités territoriales aura lui-même évolué.
En outre, le Rapporteur général rappelle que l'article 59 du présent projet de loi de finances propose de modifier substantiellement la règle de ventilation géographique de la CVAE des entreprises comptant plusieurs établissements, c'est-à-dire les quatre cinquièmes du futur produit fiscal. Par conséquent, le régime juridique selon lequel la CVAE sera répartie n'est pas lui-même encore définitivement arrêté.
Dans ces conditions, les tentatives de calibrage de futurs prélèvements sur les dynamiques locales de CVAE relèvent largement de la gageure. Le Rapporteur général juge qu'il est difficile, dans une période où le droit fiscal est encore mouvant et où les assiettes sont encore inconnues, d'adapter avec la minutie nécessaire des mécanismes de correction. Les collectivités territoriales et les EPCI n'ont pas même commencé de percevoir le premier euro de CET.
2.- L'appropriation de la réforme appelle la prudence dans les ajustements proposés
Dans ces conditions, il convient de ne pas attacher une importance excessive aux projections chiffrées, qui pourraient conduire à une analyse alarmiste de la péréquation en 2015. Il serait tout autant vain de vouloir en tenir compte absolument que de n'y pas prêter attention du tout.
De plus, l'évaluation et l'acceptation de la réforme de la taxe professionnelle ne sont pas achevées, loin s'en faut, même si les esprits ont évolué depuis le printemps 2009, grâce au travail de délibération collective du Parlement d'abord, puis grâce aux travaux des missions d'évaluation conduites au premier semestre 2010. La clause de revoyure dont relève le présent article doit donc à la fois procéder aux corrections apparues comme indispensables, et ne pas bouleverser les grands équilibres de la réforme. Il serait donc sans doute prématuré de battre en brèche, dès le présent projet de loi de finances pour 2011, les principes sur lesquels la réforme a été construite, puis défendue et, enfin, comprise.
Ainsi, dans le cas de la péréquation départementale et régionale sur les flux de CVAE, il convient de souligner le travail de pédagogie et de recherche du consensus accompli par la mission conjointe IGA/IGF puis par les parlementaires nommés, à cette fin, en mission auprès du Gouvernement. Ce travail débouche sur une proposition simple et lisible de fusion des critères des fonds de péréquation au sein de chaque échelon. Sur la question de savoir si, au surplus, il convient de redimensionner dès cette année l'action de ces fonds, le Rapporteur général en appelle à la prudence. Faute d'éléments concrets, il semble préférable de s'en tenir à l'analyse des mécanismes adoptés l'an passé. À cet égard, sans doute peut-on dès à présent conclure que la prise en compte du FNGIR dans l'appréciation de la recette de CVAE serait de nature à restreindre à l'excès le nombre de contributeurs, et le volume de leur contribution. En revanche, il paraît prématuré d'exciper d'une future insuffisance d'alimentation des fonds pour proposer d'abandonner la territorialisation de la CVAE.
*
* *
La Commission examine l'amendement II-CF 278 de M. Claude Bartolone, ainsi rédigé :
I.- Au septième alinéa de cet article, remplacer : « aux deux conditions suivantes » par : « aux trois conditions suivantes » ;
II.- Après le neuvième aliéna, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
c) « les dépenses sociales nettes obligatoires par habitant sont inférieures à 125 % de la moyenne nationale »
M. Claude Bartolone. Je ne répèterai pas ma démonstration ...
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l'amendement.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF 348, 349, 347, 345 et 346 de M. Michel Bouvard.
L'amendement II-CF 348 est ainsi rédigé :
Compléter l'alinéa 26 par les mots suivants :
« multiplié par le taux de progression moyen de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçue par les départements. »
L'amendement II-CF 349 est ainsi rédigé :
I.- A. Au vingt-septième alinéa de cet article substituer au mot : « deux » le mot : « trois » :
B. Après le vingt-neuvième alinéa est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« c) La différence entre son potentiel financier par mètre carré et le potentiel financier par mètre carré moyen de l'ensemble des départements est positive. »
II.- Le trente-deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« III.- Sont éligibles à un reversement des ressources du fonds les départements dont le potentiel financier par habitant ou le potentiel financier par mètre carré est inférieur au potentiel financier moyen par habitant ou par m² de l'ensemble des départements. »
L'amendement II-CF 347 est ainsi rédigé :
I.- Au vingt-neuvième alinéa de cet article, les mots : « potentiel financier » sont substitués aux mots : « potentiel fiscal ».
II.- Au trente-deuxième alinéa de cet article, les mots : « potentiel financier » sont substitués aux mots : « potentiel fiscal ».
III.- Au trente-septième alinéa de cet article, les mots : « potentiel financier » sont substitués aux mots : « potentiel fiscal ».
L'amendement II-CF 345 est ainsi rédigé :
Le trentième alinéa est ainsi rédigé :
« 3° L'assiette du prélèvement est égale à 50% de l'excédent constaté au 1°. Le prélèvement s'effectue sur cette assiette proportionnellement à l'écart entre l'excédent constaté au 1° de chaque département et la somme des excédents constatés au 1° de l'ensemble des départements. »
L'amendement II-CF 346 est ainsi rédigé :
Au trente-sixième alinéa de cet article, après les mots : « au prorata de la longueur de la voirie départementale », insérer les mots : « (avec doublement des kilomètres pour la voirie de montagne) ».
M. Michel Bouvard. Je propose d'introduire pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises un certain nombre de critères permettant de mieux prendre en compte la réalité des différents départements, en particulier de leurs charges et de leur fiscalité.
Nous nous sommes battus pour la territorialisation de la valeur ajoutée. Il ne faudrait pas que, demain, les départements menant les politiques les plus dynamiques pour attirer des entreprises, et qui auront investi pour cela, se voient découragés de le faire parce que la création de richesses provenant de la territorialisation de la valeur ajoutée sera entièrement captée. Selon le dispositif, on incitera ou non les départements à continuer d'investir dans des zones d'activités, de plus en plus coûteuses, et en faveur de politiques économiques dynamiques. Dans les départements très urbains, ce sont les agglomérations qui portent les projets de création de zones d'activités. Dans les départements plus ruraux, ce sont ces derniers qui s'en chargent. A titre d'exemple, ma région n'a créé aucune zone d'activité dans mon département. Et je ne suis pas seul dans cette situation. Il convient donc que le département puisse conserver le fruit de la valeur ajoutée des investissements qu'il aura réalisés.
M. le rapporteur général. J'ai défendu la même position l'année dernière. Nous nous sommes alors battus pour le maintien de la territorialisation. La logique veut donc qu'on laisse au département, ou à la région, une part significative de l'accroissement de la valeur ajoutée, et qu'on ne fasse pas entrer dans la péréquation la totalité de celui-ci, sinon la territorialisation n'existerait plus. D'un autre côté, ce que propose le Gouvernement, et qui est l'inverse de la position que nous avons défendue l'année dernière, consiste, afin d'alimenter davantage la péréquation, d'opérer, au premier euro, un prélèvement de la moitié de l'augmentation de la valeur ajoutée. La formule est contestable. Car si, par exemple, la valeur ajoutée d'un département augmente exactement comme l'inflation, celui-ci s'appauvrira à hauteur de la moitié de cette inflation. Notre collègue propose donc qu'on ne prélève la moitié prévue qu'au-delà de la moyenne générale d'augmentation de l'ensemble des départements. J'émets donc un avis favorable.
M. Marc Laffineur. C'était aussi ma position l'année dernière. Je suis plus nuancé cette année car il faut aller plus loin dans la péréquation. Il n'existe pas de possibilité de réaliser des péréquations verticales ; il faut donc procéder à des péréquations horizontales. Si l'on veut un fonds de péréquation rapidement opérationnel et suffisamment abondé, il faut avoir le courage de prendre à ceux qui disposent de potentiels financiers supérieurs à la moyenne. Si on ne prélève qu'au-delà de la moyenne des départements, le résultat sera très faible.
M. Henri Emmanuelli . Il existe un problème de dynamique d'aménagement du territoire. Je suis plutôt de l'avis du rapporteur général. Les collectivités les plus dynamiques, qui investissent, doivent trouver un intérêt à le faire, sinon vous risquez d'étouffer les initiatives. Pour ma part, j'ai investi 80 millions d'euros dans une zone d'activité de 300 ha. Me voilà, socialiste, obligé de plaider en faveur de la concurrence...
La Commission adopte l'amendement ( amendement n° II-477 ).
Les amendements II-CF 349, 347, 345 et 346 de M. Michel Bouvard sont retirés .
La Commission adopte l'article 62 ainsi modifié .
* 1 Il convient de rappeler que les collectivités territoriales perçoivent la CVAE avec une année de décalage par rapport à son recouvrement par les services de l'Etat, ce qui explique que le calcul de la moyenne nationale s'opère avec le même décalage.
* 2 « Pour les régions, la valeur ajoutée par grands secteurs est déterminée de manière annuelle par l'INSEE. À partir des séries disponibles sur la période 2002-2009, il est possible de dégager des taux de croissance annuels moyens différenciés par région et des écarts à la moyenne nationale. Ces écarts de croissance observés ont été appliqués aux hypothèses de croissance nationale du pacte de stabilité afin de dégager des projections par région ; Pour les départements, les valeurs ajoutées par grands secteurs ne sont déterminées que tous les cinq ans, la dernière production datant de 2006. Les simulations ont donc été conduites sur la base de ces informations (sur la période 1996-2006) et selon la même méthode que celle retenue pour les régions ».
* 3 « L'analyse de l'effet péréquateur des fonds de péréquation sur flux de la CVAE a été faite systématiquement après application du mécanisme de péréquation sur stock de la CVAE, tel qu'il a été crée par la loi de finances pour 2010. » .
* 4 En effet, les études montrent que le critère du nombre de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie est extrêmement corrélé à celui de la population âgée d'un département. Cette dernière donnée étant plus fiable, il paraît préférable de la retenir.