ARTICLE 60 BIS A : POSSIBILITÉ POUR LES EPCI D'INSTAURER LA TAXE D'HABITATION SUR LES LOGEMENTS VACANTS
I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 6 DÉCEMBRE 2010
Article additionnel après l'article 60 ( précédemment réservé )
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-521 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° II-539 est présenté par MM. Guené et Jarlier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 1407 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigé :
« La délibération communale s'applique également à la part de la taxe d'habitation perçue par l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et qui perçoit la taxe d'habitation conformément aux I et II de l'article 1379-O bis, sauf délibération contraire de ce dernier. »
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre visé aux I et II de l'article 1379-O bis qui répondait aux critères visés à l'alinéa précédent pour instaurer sur délibération la taxe d'habitation sur les logements vacants à son profit n'a pas adopté ce mécanisme, l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient peut l'instaurer dans les mêmes conditions dès lors qu'il a adopté un plan local de l'habitat défini à l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitat. Dans ce cas, la portée de sa délibération prise en application de l'article 1639 A bis ne porte que sur la part lui revenant. »
II. - Le cinquième alinéa du b) de l'article L. 135 B du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle transmet également à l'établissement public de coopération intercommunale la liste des locaux à usage de logements soumis à la taxe sur les logements vacants au sens de l'article 232 ou ceux relevant de la taxe d'habitation sur les logements vacants visé à l'article 1407 bis. »
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° II-521.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à permettre la mise en oeuvre de la taxe sur les logements vacants sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale, où toutes les communes ne l'appliquent pas nécessairement. L'objet de cet amendement est simple : il s'agit de donner toute sa portée à la taxe sur les logements vacants, au moment même où nous constatons la situation du logement demeure particulièrement préoccupante, bien au-delà des agglomérations présentant habituellement un marché immobilier tendu.
Les effets de la spéculation foncière et immobilière et la difficulté à satisfaire, dans le cadre de concours budgétaires de plus en plus rares, une demande sociale croissante de logement nécessitent de solliciter le parc privé et de mettre à contribution sa mobilité. En effet, certains propriétaires persistent, malgré ce contexte, à laisser leur patrimoine inoccupé, escomptant que la poussée spéculative actuelle leur permette de réaliser rapidement de juteuses opérations de cession.
Cet amendement a donc pour objet d'inciter à la remise en location de ces logements afin de satisfaire la demande sociale.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour présenter l'amendement n° II-539.
M. Charles Guené. Sans m'étendre sur l'objet de cet amendement, identique à celui que vient de défendre M. Vera, il me semble toutefois utile d'insister sur le fait que la taxe relative aux logements vacants depuis plus de cinq ans est réservée pour l'instant aux communes. Elle ne doit pas être confondue avec la taxe sur les logements qui concerne les communes des agglomérations de plus de 200 000 habitants.
L'instauration d'une telle taxe a effectivement pour vocation de remettre sur le marché immobilier des logements inoccupés afin de réduire le déséquilibre entre l'offre et la demande. M. Pierre Jarlier et moi-même avons considéré qu'il était pertinent de permettre aux EPCI à fiscalité propre percevant la taxe d'habitation et dotés d'un plan local de l'habitat d'instaurer la taxe d'habitation sur les logements vacants prévue jusqu'à présent pour les seules communes, dès lors que, a fortiori, ces intercommunalités sont compétentes dans le domaine du logement et qu'elles portent les financements des infrastructures de l'agglomération.
Pour inciter la remise en location de ces logements, cet amendement vise donc à permettre aux EPCE d'adopter cette taxe lorsque la commune ne l'a pas mise en place.
M. le président. L'amendement n° II-447, présenté par MM. Collomb, Anziani et Miquel, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1407 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La délibération communale s'applique également à la part de la taxe d'habitation perçue par l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et qui perçoit la taxe d'habitation conformément aux I et II de l'article 1379-O bis, sauf délibération contraire de ce dernier. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre visé aux I et II de l'article 1379-O bis qui répond aux critères visés à l'alinéa précédent pour instaurer sur délibération la taxe d'habitation sur les logements vacants à son profit n'a pas adopté ce mécanisme, l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient peut l'instaurer dans les mêmes conditions dès lors qu'il a adopté un plan local de l'habitat défini à l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitat. Dans ce cas, la portée de sa délibération prise en application de l'article 1639 A bis ne porte que sur la part lui revenant. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Notre amendement, qui nous a été suggéré par notre collègue Gérard Collomb, est similaire aux deux amendements qui viennent d'être présentés. Il vise à étendre à la part revenant à l'EPCI l'application de la taxe d'habitation instaurée par la commune membre sur les logements vacants, ou bien à permettre à l'EPCI d'adopter une telle taxe, lorsque la commune membre ne l'a pas mise en place.
La carence en logements dans les grandes villes, mais également dans des régions moins urbanisées, fait régulièrement l'objet de critiques de tous bords, alors même qu'il est patent que le parc de logements vacants est important. À ce titre, le groupe socialiste a d'ailleurs maintes fois défendu le renforcement de la taxe sur les logements vacants, afin d'inciter les propriétaires à mettre leurs biens sur le marché locatif.
À défaut d'être occupés, ces logements ne donnent lieu qu'à l'émission de la taxe foncière au nom de leur propriétaire, mais en aucun cas à celle de la taxe d'habitation. Pour autant, ils produisent des sujétions que les collectivités locales doivent assurer et qui sont normalement financées en partie par la taxe d'habitation.
Il apparaît pertinent de permettre aux EPCI à fiscalité propre percevant la taxe d'habitation et dotés d'un plan local de l'habitat d'instaurer la taxe d'habitation sur les logements vacants prévue jusqu'à présent pour les seules communes, dès lors que ces intercommunalités sont a fortiori compétentes dans le domaine du logement et qu'elles portent les financements des infrastructures d'agglomération.
Notre amendement est légèrement différent des deux précédents. Nous n'avons, en effet, pas repris le paragraphe relatif à la communication par l'administration fiscale à l'EPCI de la liste des logements soumis à la taxe sur les logements vacants. Cette disposition nous semblait en effet déjà satisfaite par le troisième alinéa du b) de l'article L. 135 B du livre des procédures fiscales, qui prévoit la communication de cette information à l'EPCI par l'administration fiscale. Si tel n'était toutefois pas le cas, nous nous rallierions aux amendements de nos collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne vois évidemment aucun inconvénient à ce que soient adoptés ces amendements qui tirent les conséquences de l'intercommunalité dans un domaine où celle-ci aurait reçu compétence des communes. Leurs auteurs nous ont déjà sensibilisés à plusieurs reprises à la question de la taxe sur les logements vacants.
À la vérité, on peut surtout s'interroger sur la définition de cette taxe. Les logements vacants depuis plus de cinq ans ne doivent pas représenter un parc très important...
M.M. François Marc et M. Jean-Claude Frécon. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... sauf peut-être dans certaines collectivités qui ont souffert d'une récession économique grave ou d'importantes fermetures d'activités.
Monsieur le ministre, si l'on veut renforcer l'efficacité et le caractère incitatif de cette taxe, ne serait-il pas opportun de revenir sur cette durée de cinq ans, qui me paraît un peu longue ? Un logement qui est utilisé ne serait-ce que quelques jours pas an n'est pas vacant. Une résidence secondaire n'est pas considérée comme un logement vacant. Cette taxe vise donc des logements qui sont complètement inhabité, quasiment à l'abandon.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. La taxe sur les logements vacants présente un intérêt certain. Elle incite les propriétaires à mettre en location des biens qui resteraient autrement inoccupés, alors que nous avons besoin de logement. Elle permet également d'éviter une perte de recettes pour un certain nombre de communes dans lesquelles les logements vacants sont relativement nombreux.
Mon prédécesseur à la tête de la région Alsace, Adrien Zeller, avait mis en place cette taxe à Saverne, afin d'éviter la spéculation. Alors que la commune était en pleine expansion, il lui avait paru justifié et légitime que les logements du centre-ville soient loués.
Sur le principe, cette taxe ne soulève donc pas de difficulté. En revanche, je m'interroge sur l'instauration d'un double niveau. En instituant une taxe d'habitation sur les logements vacants, les communes incitent les propriétaires à louer leurs logements, ce qui leur permet de percevoir la taxe d'habitation sur ces logements.
Si l'on ajoute une « couche » supplémentaire, qui est celle de l'intercommunalité, n'entre-t-on pas alors uniquement dans une logique financière, si je puis m'exprimer ainsi ? Je ne voudrais pas que l'on cède à la tentation de créer une taxe supplémentaire dans les moments difficiles, lorsque les recettes sont rares, pour permettre aux collectivités d'obtenir les recettes nécessaires à la réalisation de leurs projets. Il s'agirait incontestablement d'une dérive.
Dans la commune, le maire et le conseil municipal sont les mieux à même de juger de la nécessité de mettre en place, le cas échéant, une taxe sur les logements vacants, car ce sont eux qui connaissent le mieux le marché.
Sur le principe, cette taxe ne soulève pas de difficultés, mais sur la forme, je suis plus réticent. Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur les deux amendements identiques, auxquels je demande à M. Marc de bien vouloir se rallier.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Après avoir écouté tous les intervenants, je suis tenté de déposer un sous-amendement afin de ramener la durée de la vacance à trois ans. Comme l'a souligné M. le rapporteur général, cinq ans, c'est un peu long.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, je comprends votre intention, que j'ai d'ailleurs peut-être suscitée. Je crains toutefois qu'un tel sous-amendement ne soit ici mal placé. En fait, il faut modifier la disposition de base, qui crée la taxe sur les logements vacants. Nous pourrions revenir sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, qui va passer dans notre ligne de mire dans quelques jours. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous semblez considérer que la taxe sur les logements vacants serait perçue à deux niveaux. Je ne fais pas la même lecture de ces amendements. Ils prévoient que la taxe peut être transférée du niveau communal au niveau intercommunal ou qu'elle peut être instaurée par un EPCI si elle n'a pas été mise en place par la commune. La perception de cette taxe est liée à la compétence exercée en matière de logement. Il est donc légitime de penser qu'un EPCI compétent en matière de logement, social en particulier, doive disposer de cet outil.
Comme vous l'avez souligné, le maire est proche du terrain, il connaît bien le marché. Toutefois, si la taxe est instaurée directement par l'EPCI, il peut aussi en retirer quelques avantages. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le rapporteur général, nous ne faisons pas la même la lecture des amendements que vous. Si votre interprétation est la bonne, il faudra le préciser en commission mixte paritaire le précise.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-521 et II-539.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60, et l'amendement n° II-447 n'a plus d'objet.