II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 1

Observations et décision de la Commission :

Le présent article poursuit plusieurs objectifs complémentaires qui s'inscrivent dans la continuité des réformes récentes en matière d'impôt sur le revenu :

- il simplifie les modalités d'imposition à l'impôt sur le revenu des foyers dont la situation de famille est modifiée en cours d'année en supprimant la possibilité de recourir à des déclarations multiples ;

- il uniformise la situation des époux et des partenaires d'un pacte civil de solidarité (PACS) à la suite des deux précédentes réformes de 1999 et de 2003 engagées en ce sens ;

- il renforce la progressivité de l'impôt sur le revenu, en supprimant les effets d'aubaine liés aux déclarations multiples, sans toutefois remettre en cause les mesures dérogatoires aux modalités d'imposition de droit commun en faveur de certaines situations familiales.

Ces dispositions s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de 2011 et génèrent une économie de 500 millions d'euros pour le budget de l'État à compter de 2012.

I.- LE DROIT EN VIGUEUR

A.- LE PRINCIPE DE L'IMPOSITION PAR FOYER

L'imposition des personnes à l'impôt sur le revenu repose sur la notion de foyer fiscal. Ce foyer est composé du contribuable qui représente soit une personne seule (célibataire, divorcée, séparée ou veuve), soit l'entité formée par les époux ou les partenaires d'un PACS et les enfants ou personnes considérées à la charge de ce contribuable.

Le foyer fiscal fait l'objet d'une imposition unique au titre de l'impôt sur le revenu qu'il soit composé d'une seule personne ou de plusieurs, au titre de l'ensemble des bénéfices et des revenus des membres le composant.

Au regard du caractère progressif de l'impôt sur le revenu, le principe de l'imposition unique est justifié en ce qu'il permet d'apprécier équitablement les facultés contributives des foyers au regard des charges de famille qu'ils supportent.

1.- Le principe de l'imposition commune est réservé aux couples mariés ou pacsés

Seuls les couples mariés ou pacsés sont reconnus comme constituant un foyer fiscal et bénéficient à ce titre d'une imposition commune, qui revêt par ailleurs un caractère obligatoire. Les couples vivant en concubinage sont donc imposés séparément.

Alors qu'il n'existe pas de définition légale du mariage, le pacte civil de solidarité est défini par l'article 515-1 du code civil. Il constitue un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.

De même, le concubinage est défini, en vertu de l'article 515-8 du code civil comme une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.

Dès la création du PACS, le législateur a précisé que, sauf exceptions, les règles d'imposition et d'assiette, les règles de liquidation de l'impôt sur le revenu, ainsi que celles concernant les souscriptions des déclarations s'appliquent dans les mêmes conditions aux contribuables mariés ou pacsés (article 7 du code général des impôts).

Ainsi, la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité pose le principe de l'imposition commune obligatoire des partenaires. Toutefois, elle ne rend possible une telle imposition qu'à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de son enregistrement par un tribunal d'instance.

Saisi sur la conformité de cette disposition à la Constitution, le Conseil constitutionnel a rejeté, dans sa décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, l'argumentation selon laquelle la réduction d'impôt consentie aux partenaires d'un PACS n'était pas justifiée au regard de son intérêt pour la société (le mariage étant présenté au contraire par les auteurs de la saisine comme « un élément fondateur de la famille et [...] générateur de devoirs pour les époux ») et s'effectuait au détriment des personnes vivant seules ou en concubinage.

Le Conseil précise ainsi que, « contrairement aux personnes vivant en concubinage, les partenaires d'un tel pacte sont assujettis à certaines obligations ; qu'ils se doivent, en particulier, « une aide mutuelle et matérielle » ; que cette différence de situation justifie, au regard de l'objet de la loi la différence de traitement critiquée entre personnes vivant en concubinage et personnes liées par un pacte civil de solidarité ».

La loi n° 2005-1720 de finances pour 2005 a aménagé ces règles en rapprochant encore davantage les modalités d'imposition des personnes pacsées et des personnes mariées.

Elle prévoit ainsi, à compter de l'imposition des revenus de 2004, la suppression du délai de trois ans préalable à l'imposition commune. L'imposition commune est donc applicable immédiatement aux partenaires d'un PACS, bien que cet avantage demeure subordonné à la condition que le PACS ne soit pas rompu l'année de sa souscription ou l'année suivante.

Par ailleurs, l'harmonisation des règles d'imposition entre les couples mariés et les couples pacsés se traduit également par une application par analogie de dispositions réservées aux personnes mariées pour les personnes pacsées. Ainsi, les partenaires d'un PACS ne remplissant plus les conditions nécessaires à l'existence d'une communauté de vie sont imposés distinctement, à l'instar des personnes mariées, sans que le PACS ne soit rompu.

S'il perdure dans le droit en vigueur des différences en termes d'imposition entre personnes pacsées et personnes mariées, celles-ci ont été progressivement aplanies afin de garantir aux couples ayant conclu un engagement d'entraide, notamment matérielle, une égalité de traitement quel que soit le contrat qui les lie.

Le succès du PACS

Le rapprochement du traitement fiscal des couples qu'ils soient mariés ou pacsés a participé à l'accroissement du nombre de PACS conclus depuis 2005. La reconnaissance du PACS en droit fiscal comme constituant une alternative au mariage et conférant à ce titre des obligations et des droits semblables aux époux a en effet adressé un signal positif sur la légitimité de ce type d'engagement. Ainsi, en 2009, deux PACS ont été conclus pour trois mariages célébrés, soit 175 000 PACS contre 256 000 mariages. Le nombre de PACS conclus est en augmentation de 20 % par rapport en 2008 (après 40% en 2008 par rapport à 2007) et concerne à 95 % de couples hétérosexuels. Au total, ce sont plus de 700 000 PACS qui ont été conclus depuis 1999, pour environ 100 000 PACS rompus. Par ailleurs, en 2009, un tiers des 26 000 PACS rompus l'étaient au motif du mariage des deux partenaires (47 % en 2007).

Ces éléments d'appréciation de la diffusion du PACS témoignent de la normalisation de ce contrat dans une société où la plupart des ménages commencent leur vie commune en concubinage et peuvent rechercher la sécurité juridique que leur offre ce pacte.

NOMBRE D'UNIONS CONCLUES ENTRE PARTENAIRES DE SEXES OPPOSÉS

Sources : Insee, statistiques de l'état civil et ministère de la Justice - SDSE, fichiers détails Pacs.

2.- Les modalités d'imposition commune des couples mariés ou pacsés

Les règles présentées ci-dessous sont contenues dans les articles 6 et 7 du code général des impôts (CGI).

a) La règle de l'imposition commune

Les personnes mariées et les personnes pacsées font l'objet d'une imposition commune. Cependant, l'année du mariage ou de la conclusion du PACS, trois impositions sont établies :

- chacun des époux ou des partenaires est soumis personnellement à l'impôt en raison des revenus dont il a disposé pour la période comprise entre le 1 er janvier et le jour précédant la date du mariage ou de la conclusion du PACS ;

- les époux ou les partenaires sont ensuite imposés conjointement à compter de la date du mariage ou de la conclusion du PACS pour l'ensemble des revenus dont dispose le foyer fiscal jusqu'au 31 décembre.

Toutefois, cette imposition commune de principe ne s'applique définitivement aux partenaires d'un PACS que si celui-ci est maintenu pendant au moins deux années (l'année de conclusion et l'année suivante) ou qu'il est rompu par un mariage, que ce mariage soit conclu entre les deux partenaires ou avec une tierce personne (voir infra ).

b) Les cas d'impositions distinctes

En application du 4 de l'article 6, plusieurs dérogations prévoient l'imposition distincte des époux dans les cas où les conditions nécessaires à l'existence d'une communauté de vie ne seraient plus remplies, soit lorsque :

- les époux sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ;

- les époux sont en instance de séparation de corps ou de divorce et ont été autorisés à avoir des résidences séparées ;

- l'un ou l'autre des époux a abandonné le domicile conjugal et chacun dispose de revenus distincts.

Ces règles ne sont pas transposables directement aux personnes pacsées puisque les conditions de leur rupture divergent de celles des époux. Ainsi, le second cas de dérogation à la règle de l'imposition commune ne peut leur être appliqué. Par ailleurs, aux termes de l'article 515-5 du code civil, les biens des personnes liées par un PACS sont présumés indivis. Par conséquent, dans la majorité des cas, le critère de séparation des biens obligatoire ne pourra justifier l'imposition distincte. Toutefois, si les partenaires ont organisé, dans le cadre de leur pacte, un régime relatif aux biens produisant les mêmes effets que le régime matrimonial de séparation de biens, ils seront imposés distinctement s'ils occupent des résidences séparées.

Enfin, le troisième cas leur est appliqué dans les mêmes conditions que pour les personnes mariées.

3.- Les modalités d'impositions distinctes des anciens époux et des anciens partenaires

Certaines divergences existent selon que le couple divorce ou rompt le PACS qui le lie au motif que la procédure de rupture du PACS est moins contraignante que celle du divorce.

a) Les modalités d'imposition en cas de divorce ou de séparation

Dans le cas d'un divorce ou d'une séparation, trois impositions sont établies :

- une imposition commune du 1 er janvier à veille de la date du divorce ou de la séparation ;

- une imposition personnelle au nom de chacun des époux de la date du divorce au 31 décembre 2010.

b) Les modalités d'imposition en cas de rupture du PACS

Depuis l'imposition des revenus de 2004, les conditions d'imposition des personnes liées par un PACS depuis plus de deux ans qui décident de le rompre sont identiques à celles des personnes mariées qui décident de divorcer ou de se séparer. L'imposition commune cesse donc à la date à laquelle le pacte prend fin.

Au contraire des règles spécifiques s'appliquent aux anciens partenaires (sauf dans le cas d'une rupture au motif d'un mariage ou d'un décès) dans le cas où le PACS serait rompu au cours de l'année civile de sa conclusion ou de l'année suivante :

- si la rupture intervient avant le dépôt des déclarations afférentes aux revenus perçus l'année de la conclusion du PACS, les revenus des deux partenaires ne font pas l'objet d'une imposition commune ;

- si la rupture intervient après le dépôt des déclarations afférentes aux revenus de l'année de la conclusion du PACS ou de l'année suivant celle-ci, une régulation rétroactive au détriment des deux anciens partenaires est opérée. En effet, la rupture précoce du PACS annule ses conséquences fiscales au titre de l'impôt sur le revenu, ainsi qu'au titre des impôts locaux et des contributions sociales. Les contribuables déposent alors, au plus tard à la limite du délai de dépôt de la déclaration des revenus de l'année de rupture, une déclaration rectificative mentionnant les revenus perçus à titre personnel pour la période comprise entre la conclusion du PACS et sa rupture.

Les contribuables qui auraient conclu un PACS en juillet 2009, qu'ils décident de rompre en janvier 2010, souscriront donc une déclaration en leur nom propre au titre des revenus perçus en 2009 et 2010.

c) Modalités d'imposition en cas de mariage des partenaires du PACS

Le mariage de personnes pacsées entraîne systématiquement la rupture du PACS. Cependant, différentes modalités d'imposition peuvent s'appliquer selon que :

- les personnes pacsées se marient entre elles ou avec une tierce personne ;

- le mariage intervient l'année de rupture du PACS ou l'année suivante ;

- le mariage intervient à compter de la troisième année de rupture du PACS.

? Les personnes pacsées se marient entre elles

Si le mariage a lieu l'année de la rupture du PACS ou l'année suivante, le régime d'imposition commune n'est pas modifié et ce, même en cas de latence entre la rupture du PACS et la conclusion du mariage.

Des partenaires d'un PACS conclu en 23 mars 2009 qui décident de le rompre en novembre 2009, puis de se marier en janvier 2010 sont imposés séparément au titre des revenus perçus pour la période comprise entre le 1 er janvier 2009 et 22 mars 2009, puis conjointement au titre de leurs revenus communs pour la période comprise entre le 23 mars et le 31 décembre 2009, ainsi qu'au titre de leurs revenus de 2010.

En toute cohérence, lorsque le mariage intervient après le délai de souscription des déclarations de l'année de rupture du PACS, les contribuables ont alors droit à une régularisation de leur imposition au titre de l'année de la rupture (l'imposition est considérée a posteriori comme conjointe pour toute l'année d'imposition).

Au contraire, si le mariage intervient deux ans après la rupture du PACS, les contribuables font l'objet d'une imposition distincte pour la période précédant le mariage.

? Les personnes pacsées se marient ou se pacsent avec une tierce personne

Si l'événement intervient l'année de rupture du PACS ou l'année suivante, l'ancien partenaire qui ne se marie pas ou ne conclut pas de nouveau PACS est imposé distinctement pour toute l'année d'imposition. L'ancien partenaire qui se marie est quant à lui imposé distinctement pour la période comprise entre le 1 er janvier et la date de rupture du PACS et imposé conjointement pour la période comprise entre la date de son union ou de son nouveau PACS et le 31 décembre.

Si l'événement intervient à compter de la troisième année de PACS, une première imposition commune est établie pour l'ensemble des revenus du foyer fiscal pour la période comprise entre le 1 er janvier et la date de rupture du PACS, puis une seconde imposition distincte est établie au titre de chacun des anciens partenaires pour la période comprise entre la date de rupture du PACS et la date du mariage ou du nouveau PACS que conclut l'un des partenaires. Enfin, une dernière imposition commune est établie pour le partenaire qui se marie ou conclut un nouveau PACS à compter du jour de cet événement.

Quatre impositions sont donc établies par le foyer fiscal.

d) Modalités d'imposition en cas de décès de l'un des époux ou de l'un des partenaires

Si l'un des époux ou des partenaires du PACS décède, une première imposition est établie conjointement au titre des revenus perçus par le couple entre le 1 er janvier et la veille de la date du décès. Une seconde imposition est ensuite établie au nom de la personne survivante qui devient personnellement imposable au titre des revenus qu'elle a perçus entre la date du décès et le 31 décembre.

Deux déclarations sont donc établies par le foyer fiscal.

Des règles spécifiques s'appliquent si le PACS est rompu l'année de sa conclusion ou l'année suivante au motif d'un décès. Il est procédé à une imposition séparée des deux partenaires pour la période entre le 1 er janvier et la veille de la date de conclusion du PACS, puis à une deuxième imposition commune pour la période entre la date de la conclusion du PACS et la veille de la date du décès et enfin à une troisième imposition au nom du partenaire survivant pour la période entre la date du décès et le 31 décembre.

Trois déclarations sont donc établies par le foyer fiscal.

II.- SIMPLIFICATION ET HARMONISATION DES MODALITÉS D'IMPOSITION DES COUPLES MARIÉS OU PACSÉS LORS DE LA CONCLUSION OU DE LA RUPTURE DE LEUR ENGAGEMENT

Le présent article vise à réformer le droit en vigueur afin de garantir une meilleure lisibilité de l'imposition sur les revenus des contribuables concernés, de rétablir la progressivité de l'impôt et de rationaliser la gestion administrative des déclarations établies par les couples nouvellement formés ou en cours de dissolution.

Il réécrit pour cela la majeure partie de l'article 6 du code général des impôts en prévoyant :

- l'harmonisation des règles applicables aux personnes mariées et aux personnes pacsées ;

- la simplification des modalités de l'imposition au travers du principe de la déclaration unique ;

- le renforcement de la progressivité de l'impôt.

1.- L'harmonisation des règles applicables aux personnes mariées et aux personnes pacsées

Alors que l'article 7 du code général des impôts reconnaît l'égalité de traitement en termes d'imposition du revenu des personnes mariées et des personnes pacsées, un certain nombre de dispositions particulières sont maintenues au détriment de ces dernières.

En effet, le 8 de l'article 6 du même code prévoit la condition de durée d'au moins deux ans du PACS nécessaire à la non remise en cause de l'application immédiate des avantages fiscaux liés à l'imposition commune. Cette condition qui se justifiait au regard du caractère moins contraignant de la rupture d'un PACS au regard d'une procédure de divorce (il peut notamment résulter de la volonté unilatérale de l'un des partenaires), est moins cohérente aujourd'hui alors que ce contrat fait l'objet d'une large adhésion et se traduit par peu de ruptures (en 2009, 26 000 PACS ont été rompus - dont le tiers est la conséquence d'un mariage - pour 175 000 conclus, soit un rapport de 15 %) au regard du nombre de divorces prononcés (en 2008, 132 000 divorces ont été prononcés pour 265 000 mariages célébrés, soit un rapport de 50 %).

Ces chiffres soulignent l'absence de comportements d'optimisation fiscale avérés qui justifierait le maintien d'un régime plus strict pour les personnes récemment pacsées que pour les personnes récemment mariées, et montrent que la souplesse du PACS est recherchée davantage pour des raisons d'évolution des structures familiales que pour des raisons fiscales.

Par ailleurs, cette condition de durée emporte de nombreuses conséquences en matière de régularisation de l'imposition des partenaires, qu'ils se séparent ou se marient après avoir rompu leur PACS. La lisibilité de l'impôt finalement acquitté en est fortement réduite, tandis que ces diverses impositions alourdissent conséquemment le travail de traitement des déclarations des services des impôts.

Par conséquent, le présent article propose que les principes encadrant l'imposition des couples mariés soient applicables sans distinction aux couples pacsés. Il supprime ainsi la durée minimum du PACS qui conditionne actuellement la non remise en cause du bénéfice immédiat de l'imposition commune.

La seule distinction conservée concerne les cas dérogatoires d'imposition distincte des époux présentés supra . En effet, ces cas ne sont pas directement transposables aux personnes pacsées. Néanmoins, l'appréciation de la séparation de fait des deux partenaires entraînant remise en cause de l'imposition commune se fonde, par analogie, sur l'appréciation d'une telle séparation pour des époux. Par conséquent, si la loi ne prévoit pas cette harmonisation du traitement fiscal des personnes pacsées et des époux en cours de séparation, celle-ci est d'ores et déjà prévue par la jurisprudence.

2.- La simplification des modalités d'imposition au travers du principe de la déclaration unique

La suppression de la possibilité de recourir à plusieurs déclarations vise à simplifier les démarches déclaratives des contribuables.

En effet, comme présenté supra , le droit en vigueur permet d'établir jusqu'à quatre déclarations par foyer fiscal. Le calcul des revenus de chacun des contribuables peut alors s'avérer complexe puisqu'ils doivent être en mesure de justifier, pour chacune des différentes périodes d'imposition, le montant de la quote-part des revenus communs ou le montant de leurs revenus distincts. En l'absence de justification, les revenus communs peuvent être répartis en parts égales entre les contribuables, ce qui constitue un élément de simplification du calcul.

Par ailleurs, ces déclarations multiples sont source d'erreur et privent le contribuable d'une réelle appréciation de ce que sera son imposition.

Ces changements de situation de famille, de plus en plus fréquents parmi les couples qui se forment, conduisent à l'établissement de plus d'un million de déclarations par an. Le présent article propose ainsi de supprimer ces différentes impositions au profit de l'instauration d'une déclaration unique.

a) Le principe de la déclaration unique des couples se mariant ou concluant un PACS

? L'article inscrit dans la loi le principe de l'imposition commune des couples qui se marient ou concluent un PACS l'année d'imposition pour l'ensemble des revenus dont ils ont disposé.

Par conséquent, les nouveaux époux ou les nouveaux partenaires seront imposés conjointement dès le 1 er janvier quelle que soit la date du changement de situation.

Exemple : Marie et Max concluent un PACS le 1 er mai 2011. Ils sont imposés conjointement au titre des revenus qu'ils ont perçus pendant la période comprise entre le 1 er janvier au 31 décembre 2011.

? Il introduit également une dérogation à ce principe en permettant aux nouveaux époux et aux nouveaux partenaires d'opter pour une imposition séparée au titre des revenus de la seule année du mariage ou de conclusion du PACS.

Chacun des époux ou des partenaires peut donc être imposé distinctement au titre des revenus dont il a disposé lorsqu'il était célibataire et de la quote-part des revenus communs qui lui revient. Si les époux ou les partenaires ne sont pas en mesure d'apporter une justification à la détermination du montant de leur quote-part respective des revenus communs, ces revenus sont répartis par moitié entre les deux contribuables.

Cette option est exercée de manière irrévocable dans le délai prévu pour le dépôt de la déclaration initiale.

En l'état du texte, cette option ne s'applique pas aux partenaires qui ont conclu un PACS et qui décident de se marier la même année. Ils seront donc automatiquement imposés conjointement.

b) Le principe de la déclaration unique distincte des couples qui divorcent, se séparent ou rompent leur PACS

Les époux ou les partenaires en cours de séparation, de divorce ou ne remplissant plus les conditions fondant la communauté de vie sont imposés distinctement pour l'ensemble des revenus perçus l'année de cet événement. Il en va de même pour les personnes qui ont divorcé ou ont rompu leur pacte au cours de l'année. Ces contribuables sont ainsi imposés au titre de la quote-part des revenus communs qui leur revient, ainsi que des revenus personnels qu'ils ont reçus à compter de leur changement de situation. Dans le cas où cette quote-part ne serait pas justifiée, les revenus communs sont répartis par moitié entre les contribuables.

L'article précise que, lorsque plusieurs changements de situation interviennent au cours d'une même année, il n'est tenu compte que de la situation résultant du dernier changement.

Un contribuable marié en début d'année, qui divorce, puis se remarie en fin d'année sera donc imposable conjointement toute l'année.

c) Le maintien de deux impositions dans le cas du décès de l'un des époux ou de l'un des partenaires

L'article étend le droit en vigueur en matière d'imposition de l'époux survivant aux personnes pacsées. Ainsi, dans le cas du décès de l'un des époux ou de l'un des partenaires, l'imposition des revenus ou bénéfices communs est établie au nom des deux époux ou partenaires. Le contribuable survivant est par la suite imposé personnellement au titre des revenus qu'il a reçus postérieurement au décès.

d) La clarification de la situation et des charges à retenir dans le cadre de cette déclaration unique

Le droit en vigueur en matière de détermination des charges et de la situation à retenir pour l'imposition est simplifié, tout en conservant un caractère systématiquement favorable au contribuable.

L'article 196 bis du CGI pose le principe général selon lequel la situation et les charges de famille dont il doit être tenu compte sont celles existant au 1 er janvier, sauf s'il s'avère plus favorable pour le contribuable de considérer les charges de famille à la date du 31 décembre ou à la date du décès, le cas échéant.

Ainsi, dans le cas où un contribuable aurait deux enfants à sa charge au 1 er janvier, puis du fait d'une naissance en cours d'année, trois enfants au 31 décembre, il bénéficie de deux parts supplémentaires de quotient familial pour toute l'année.

L'article précité prévoit une dérogation à cette règle dans le cas de l'imposition distincte des époux qui ne remplissent plus les conditions nécessaires à l'existence de la communauté de vie (4 de l'article 6 du même code qui s'applique aux partenaires d'un PACS par analogie). Pour ces périodes d'imposition distincte, la situation et les charges de famille à retenir sont celles existantes en début de période ou en fin de période si celles-ci sont plus favorables.

Pour les périodes d'imposition commune de ces contribuables, il est tenu compte des charges de famille existant à la fin de ces périodes si ces charges ont augmenté.

Ainsi, des époux qui au 1 er janvier de l'année d'imposition sont en situation d'instance de divorce, mais dont la demande de divorce devient caduque au 1 er juin, sont imposés séparément au titre de la première période, puis conjointement au titre de la seconde période. Pour chacune de ces périodes, sont retenues les charges de famille existant en début de période, sauf si elles sont plus favorables aux contribuables à la fin de la période.

Les règles sont les mêmes dans le cas d'un mariage conclu en cours d'année.

Le présent article réécrit en totalité l'article 196 bis et prévoit que :

- la situation dont il est tenu compte est celle existant au 1 er janvier de l'année d'imposition, sauf dans le cas d'un changement de situation en cours d'année. La situation retenue est alors celle du 31 décembre ;

- les charges de famille dont il est tenu compte sont celles existant au 1 er janvier, sauf dans le cas de l'augmentation des charges de famille en cours d'année. Les charges retenues sont alors celles existant au 31 décembre ou, le cas échéant, à la date du décès.

4.- La conséquence directe de cette simplification est le renforcement de la progressivité de l'impôt sur le revenu

Cette mesure de simplification vise également à rétablir la progressivité de l'impôt sur le revenu en fonction des revenus dont disposent les contribuables.

En effet, la possibilité de recourir à plusieurs impositions crée un avantage en impôt croissant en fonction des revenus puisqu'elle permet de fragmenter les revenus de l'année au sein des différentes déclarations établies par le contribuable.

Le système des déclarations multiples ne privilégie donc que les époux ou les partenaires qui connaissent des écarts de revenus importants ou qui disposent de revenus faibles, l'établissement de plusieurs déclarations leur permettant alors d'être non imposables sur une partie de l'année. Ainsi, comme le souligne le Conseil constitutionnel dans la décision du 9 novembre 1999 précitée, « l'économie d'impôt pouvant résulter de l'attribution de deux parts pour l'application du quotient familial n'atteint sa valeur maximale que dans le cas où les revenus propres de l'un des membres du couple sont faibles ou nul » et « cet avantage disparaît lorsque les revenus propres des deux partenaires sont [...] équivalents ».

Par ailleurs, les personnes non imposables ne sont de fait pas concernées par cet avantage.

Les exemples suivants permettent d'illustrer les types de contribuables perdants à la mesure.

Exemple 1 : Cas d'un couple aux revenus élevés avec un fort différentiel de revenus

Marie est célibataire et gagne 150 000 euros par an, ce qui la rend imposable à hauteur de 41 960 euros. Elle décide de se marier avec Max qui gagne 15 000 euros par an et est imposable à hauteur de 420 euros au titre de ces revenus.

En application du droit en vigueur, si ce couple décidait de vivre en concubinage, il s'acquitterait de 42 380 euros d'impôt.

Si le couple était marié, il s'acquitterait de 34 900 euros (soit - 17 % par rapport à la situation de concubinage).

Si le couple se marie le 1 er juillet de l'année d'imposition, il ne s'acquitte plus que de 26 070 euros (soit - 38 % par rapport à la situation de concubinage
et - 25 % par rapport à l'imposition commune sur toute l'année).

Ce couple est donc perdant à la réforme à hauteur de 25% de son gain en impôt.

Exemple 2 : Cas d'un couple avec des revenus moyens et un faible différentiel de revenus

Thelma gagne 24 000 euros et Louis gagne 25 000 euros. Si ces deux contribuables décidaient de vivre en concubinage, ils devraient s'acquitter de 3 536 euros.

Dans le cas où ils seraient d'ores et déjà partenaires d'un PACS, ils s'acquitteraient alors de 3 535 euros au titre des 49 000 euros de revenu commun. Leurs revenus étant semblables, ils ne bénéficient pas d'un avantage fiscal lié à leur situation de famille.

Dans le cas où ils concluraient un PACS au 1 er juillet, ils ne s'acquitteraient que de 417 euros.

Ce couple est perdant à la réforme à hauteur de 88% de son gain fiscal puisque la fragmentation de ses revenus au sein de trois déclarations fiscales différentes lui permet de ne pas s'acquitter d'impôt pendant six mois.

Si le ressaut d'imposition est important, il permet de rétablir une certaine équité dans le traitement fiscal des couples qui se marient ou se pacsent en milieu d'année et des couples disposant d'un même niveau de revenu, mais qui se marient ou se pascent le 1 er février ou le 1 er décembre. L'avantage en impôt aurait alors été bien moindre et la perte liée à l'application de la réforme moins sensible.

Ainsi, si ce même couple avait conclu un PACS le 1 er février, il aurait été imposé à hauteur de 2 918 euros. Il aurait donc été perdant à la réforme de 17 %

Exemple 3 : Cas d'un couple qui divorce avec une forte différence de revenus

Henri gagne 400 000 euros par an et sa femme, Anne, gagne 18 000 euros. Ils sont imposés à hauteur de 136 000 euros.

Ils décident de divorcer le 1 er juillet. Par conséquent, ils sont imposés conjointement du 1 er janvier au 30 juin à hauteur de 53 000 euros, puis séparément à hauteur de 62 000 pour Henri, Anne n'étant pas imposable.

En application de la réforme, ils seront imposés séparément, ce qui conduira Henri à s'acquitter de 142 000 euros d'imposition au lieu de 115 000 dans le régime de déclaration précédent et Anne de 950 euros au lieu d'être non imposable sur l'année.

Henri est donc perdant à la réforme à hauteur de 20 %, tandis que Anne est perdante à 100 % puisqu'elle ne s'acquittait d'aucune imposition. À nouveau, la réforme permet de garantir que des couples se séparant à différents moments de l'année, mais bénéficiant de revenus semblables soient traités de la même manière fiscalement et qu'il n'y ait pas un avantage très supérieur à décider de réaliser cet événement à une certaine époque de l'année.

Par ailleurs, rien ne légitime que des personnes qui se séparent soient avantagées en matière d'impôt sur le revenu au regard de personnes demeurant mariées ou de personnes vivant seules.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PRINCIPALES MODALITÉS D'IMPOSITION APPLIQUÉES
EN
FONCTION DU CHANGEMENT DE SITUATION FAMILIALE

Droit en vigueur

Réforme proposée par l'article

Couple se mariant ou se pacsant au cours de l'année d'imposition

Trois déclarations :

- Deux déclarations séparées du 1 er janvier à la veille du mariage ou de la conclusion du PACS

- Une déclaration conjointe de la date du mariage ou du PACS au 31 décembre

Option entre :

-  Une déclaration conjointe pour toute l'année d'imposition

- Deux déclarations séparées pour toute l'année d'imposition

Couple divorçant, se séparant ou rompant un PACS au cours de l'année d'imposition

Trois déclarations :

- Une déclaration conjointe du 1 er janvier à la veille de la séparation ou de la rupture du PACS

- Deux déclarations séparées de la date de la séparation ou de la rupture du PACS au 31 décembre

Deux déclarations séparées

Époux ou partenaires d'un PACS ne remplissant plus les conditions d'existence d'une communauté de vie au cours de l'année d'imposition

Trois déclarations :

-  Une déclaration conjointe du 1 er janvier à la veille de la date de la séparation de fait

- Deux déclarations séparées de la date de la séparation de fait au 31 décembre

Deux déclarations séparées

Décès de l'un des époux ou de l'un des partenaires au cours de l'année d'imposition

Deux déclarations :

- Une déclaration commune du 1 er janvier à la veille du décès

- Une déclaration séparée du conjoint survivant à compter de la date du décès jusqu'au 31 décembre

Maintien du droit en vigueur

III.- LES ÉCONOMIES INDUITES PAR LE DISPOSITIF

Le Gouvernement chiffre le gain associé à cette mesure à 500 millions d'euros.

600 000 contribuables seraient concernés, dont 80 % de personnes mariées ou pacsées et 20 % de personnes divorcées.

À ce stade de la discussion, le Rapporteur général n'a reçu aucun élément de chiffrage plus détaillé, permettant notamment de distinguer la perte d'avantage supportée par les personnes mariées ou pacsées et celle supportée par les personnes divorcées. Aucun élément d'évaluation des conséquences précises de cet article sur les contribuables concernés n'est donc disponible.

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* *

La Commission examine d'abord l'amendement II-CF 13 de M. Dominique Baert, tendant à supprimer l'article.

M. Dominique Baert. L'article 57 modifie les modalités d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des couples qui se constituent ou se séparent. Le Gouvernement justifie cette mesure par la découverte, apparemment récente, de l'existence d'un effet d'aubaine fiscale, dont je conteste la réalité - s'il existe, il doit être assez limité. Selon la tradition de notre droit, la fiscalité accompagne les couples qui se forment et, de la même manière, ceux qui se séparent, en conservant la règle des déclarations multiples. Cet amendement de suppression vise donc à respecter cette tradition.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite les amendements II-CF 205 de M. Charles de Courson, II-CF 250 de M. Marc Le Fur et II-CF 176 de M. Hervé Mariton.

L'amendement II-CF 205 est ainsi rédigé :

Les alinéas 2, 3, 4 et 5 sont supprimés.

L'amendement II-CF 250 est ainsi rédigé :

I : Rédiger ainsi l'aliéna 2 :

« après le 5, est inséré un 5 bis ».

II : rédiger ainsi le début de l'alinéa 3 :

5 bis. Les partenaires liés par un pacte cil de solidarité (le reste sans changement).

III : À l'alinéa 4 supprimer les mots mes époux et » et les mots «  époux ou ».

IV : À l'alinéa 7, supprimer par deux fois le mot «  époux », et par deux fois les mots « ,anciens époux ».

V : À l'alinéa 8, supprimer les morts «  époux » ou ». Au point 25 : substituer le mot « et » au mot « à »

L'amendement II-CF 176 est ainsi rédigé :

I.- Rédiger ainsi l'alinéa 2 :

« Après le 5, est insérer un 5 bis ».

II.- Rédiger ainsi le début de l'alinéa 3 :

« 5 bis. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont soumis (le reste sans changement) ».

III.- À l'alinéa 4, supprimer les mots : « les époux et » et les mots : « époux ou ».

IV.- La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

M. Charles de Courson. Je suis d'accord avec le dispositif du Gouvernement « à la sortie », mais pas « à l'entrée ».

Le droit fiscal français se fonde sur le concept de famille et non d'individu, à la différence de la fiscalité anglo-saxonne.

Étant rappelé que le concubinage n'existe pas en droit fiscal, le régime applicable aux personnes qui se marient ou qui concluent un pacte civil de solidarité (PACS) encourage légitimement la stabilité des ménages. Le Gouvernement a tort de vouloir supprimer le « coup de chapeau » qu'on leur adresse ainsi. Il a, en revanche, raison de supprimer cet avantage qui n'a plus de fondement lors d'un divorce, d'une rupture de PACS ou d'une séparation.

Mon amendement propose donc de conserver le dispositif « à l'entrée », mais non « à la sortie ».

Mme Béatrice Pavy. Seulement pour le premier mariage, ou aussi pour les suivants ?

M. Charles de Courson. Lorsque nous avons discuté de la création du PACS, j'ai soulevé le problème, en indiquant que je publierais une annonce dans Le Nouvel Observateur ainsi libellée : « Célibataire cherche étudiante sans revenu en vue signature PACS de six mois pour partage avantage fiscal. » Car le mécanisme projeté permettait de se « pacser » chaque 1 er janvier et de se « dépacser » chaque 1 er juillet. Ce risque de détournement de l'objectif civil du mécanisme a entraîné l'adoption d'un amendement fixant une durée minimale de trois ans pour bénéficier de l'avantage fiscal. Mais notre majorité a, hélas, supprimé cette clause, contre mon avis. Nous assistons donc à des débuts de détournement de la loi.

M. Hervé Mariton. Le foyer constitue, en effet, la base de notre droit fiscal pour les particuliers. Le mariage crée un nouveau sujet fiscal. Qu'il y ait trois déclarations de revenus pour la même année est donc cohérent.

Mais, la définition du mariage et du PACS n'étant pas les mêmes, on peut légiférer différemment en matière fiscale. Je m'appuie en ce sens sur la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2010 portant sur le partage de l'autorité parentale et précisant que « la différence de traitement entre couples mariés et non mariés peut se justifier car l'engagement dans les liens du mariage est plus solennel dans sa formation, plus riche de droits et d'obligations réciproques et plus contrôlé dans les conditions et les effets de sa dissolution ». Les intentions différentes que l'on observe dans le mariage et dans le PACS, ainsi que la différence de leurs contraintes légales, me paraissent justifier que le législateur, aussi bien par le constat de l'existence d'une nouvelle personne fiscale, que par le souhait de la reconnaître dès lors qu'elle bénéficie d'une solidité et qu'une durée supposées, accorde un avantage au mariage comme à un élément de la politique familiale contribuant, même imparfaitement puisque le divorce existe, à la stabilité sociale.

Tel est l'objet de l'amendement II-CF 176, cosigné par des membres de cette Commission et d'autres collègues de mon groupe parlementaire.

M. Marc Le Fur. Mon amendement II-CF 250 se situe dans la même ligne que les deux précédemment présentés, mais avec des nuances. Il ne condamne pas l'objectif général de l'article 57 car le phénomène de rotation entre les mariages, les divorces, les PACS et leurs ruptures augmente le coût fiscal du système.

M. Charles de Courson veut préserver l'avantage accordé aux entrants, qu'il s'agisse de mariages ou de PACS. M. Hervé Mariton ne veut le maintenir que pour les personnes mariées, ce qui coûterait moins cher. Pour ma part, je propose de préserver le régime pour les entrants comme pour les sortants mais seulement du fait du mariage, du divorce ou du veuvage. En effet, le mariage me paraît devoir être privilégié car il constitue un élément de stabilité. Il faut également tenir compte des problèmes financiers que pose un divorce. Nous devons enfin résoudre la question du veuvage, les deux personnes concernées faisant partie du même foyer fiscal.

En dernière analyse, je pourrais me rallier à la position de notre collègue Hervé Mariton, à la condition que notre rapporteur général nous précise quel sera le régime du veuvage.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je souscris aux arguments tirés de la logique fiscale et de la politique familiale. Il faut tenir compte des deux à la fois. Ayant eu récemment l'occasion, ici même avec des collègues de la commission des finances du Bundestag , de comparer les politiques familiales de la France et de l'Allemagne, j'ai pu constater que l'impact démographique de la politique française, y compris dans sa dimension fiscale, n'était pas neutre.

Je suis cosignataire de l'amendement présenté par M. Hervé Mariton, considérant que l'avantage fiscal dont nous parlons doit intervenir lors de la constitution du foyer fiscal sous le régime du mariage.

Je souhaiterais moi aussi que soit précisé le régime spécifique du veuvage.

M. Michel Diefenbacher. Je suis très sensible aux arguments de M. Hervé Mariton. J'en ajouterai un, de caractère purement social : la plupart des jeunes sur le point de fonder un foyer ignorent largement la différence des droits applicables, notamment aux plus faibles. Le système le plus protecteur du plus vulnérable étant le mariage, nous devons non seulement en assurer une meilleure information, mais aussi inciter les jeunes couples à choisir cette formule.

M. Charles de Courson. De nos trois amendements, ressort une constante : le souci de protection du mariage « à l'entrée ». MM. Marc Le Fur et Hervé Mariton divergent de moi sur le PACS et sur la sortie du mariage.

Je n'avais pas voté en faveur de la création du PACS, mais j'avais, lors du débat, attiré l'attention sur sa nature de contrat à géométrie variable. Car vous pouvez introduire dans un PACS les droits et les obligations du mariage, même si ce n'est pas le cas le plus fréquent : dans la réalité, il s'agit plutôt de contrats ne stipulant que le minimum prévu par la loi. Différencier le mariage du PACS est juridiquement possible au regard du droit constitutionnel. Mais je ne souhaitais pas les différencier en raison de leur possible continuité. Toutefois, je pourrais me rallier à la position de M. Hervé Mariton.

Reste le problème du veuvage, mais qui me semble relever d'un tout autre débat.

M. le rapporteur général. Notre fiscalité reflète souvent notre vision de la société, y compris dans ses aspects moraux et comportementaux.

Nous avons rejeté l'amendement extrême de suppression de l'article. Nous examinons une série d'amendements de portée intermédiaire.

Les dernières décennies ont vu une multiplication de toutes les formes de séparation, notamment des divorces. De ce fait, le coût budgétaire de l'avantage fiscal a fortement augmenté. Il devient donc difficile de le justifier au profit des personnes qui se séparent. Faut-il, en revanche, le maintenir pour celles qui s'unissent ? Les choses ont beaucoup évolué au cours des trente dernières années. Aujourd'hui, les jeunes ménages vivent ensemble avant de se marier ou de se pacser, et 53 % des naissances surviennent hors mariage. Se mettre en ménage au moment du mariage est devenu un cas extrêmement rare. La notion d'aide n'a alors plus le même sens.

Peut-on distinguer le mariage du PACS ? Les chiffres dont nous disposons sont assez étonnants : on se « dépacse » beaucoup moins qu'on ne divorce : 15 % seulement des PACS se défont, sans doute parce que le dispositif est encore récent, de nombreux pacsés n'ayant pas encore atteint le fameux seuil critique des sept années de vie commune. Aussi, n'est-ce peut-être qu'un phénomène temporaire.

M. Hervé Mariton a cité une décision du Conseil constitutionnel à propos de l'adoption d'enfants, mais il faut aussi mentionner celle de 1999, rendue sur un sujet plus spécialement fiscal, à la suite d'une contestation des avantages accordés au PACS par rapport au concubinage. Par cette décision, le Conseil considère que le PACS crée une véritable solidarité entre les partenaires, que ceux-ci forment une communauté de vie et que, dès lors, l'avantage fiscal se justifie. Mais le Conseil n'en déduit bien sûr pas que l'avantage doive être le même que celui dont bénéficie le mariage.

S'agissant du régime du veuvage, tant que des enfants sont rattachés au foyer, celui-ci conserve le même nombre de parts après le décès de l'un des époux. Mais il est vrai qu'il s'agit d'un autre sujet.

Faut-il exclure de la mesure proposée par le Gouvernement les couples qui se marieraient ou qui se pacseraient ? Compte tenu de l'évolution des pratiques sociales que j'ai rappelée, le dispositif ancien ne présente plus la même utilité. Je serais donc plutôt réservé.

M. Hervé Mariton. Le terme « avantage » n'est pas tout à fait approprié car il s'agit en fait de la reconnaissance d'une situation fiscale nouvelle : la formation par deux individus d'un seul foyer fiscal.

Par ailleurs, le passage de l'union libre au mariage exprime un voeu de stabilité et de solidité que la société, indépendamment de son évolution sociologique, peut faire le choix d'encourager.

Je rappelle l'analyse donnée par le Conseil constitutionnel de sa décision du 6 octobre dernier : l'engagement dans les liens du mariage est « plus solennel dans sa formation, plus riche de droits et d'obligations réciproques et plus contrôlé dans les conditions et les effets de sa dissolution » que le PACS ou le concubinage. Le législateur a donc toute légitimité à établir une distinction entre ces différentes situations.

M. Charles de Courson. Le rapporteur général a raison de souligner que l'on commence généralement à vivre ensemble avant d'avoir des enfants et de se marier -  au point qu'il n'est pas rare de voir les enfants annoncer eux-mêmes le mariage de leurs parents. Mais cela confirme justement qu'en se mariant on s'engage plus durablement.

M. Pierre-Alain Muet. Ce long débat montre bien que notre fiscalité du revenu relève en partie d'un autre âge. Selon moi, une bonne fiscalité devrait être neutre par rapport à l'organisation de la famille - un choix, certes, fondamental, mais avant tout personnel. Je serais donc favorable à une fiscalité individuelle, telle qu'elle est appliquée dans d'autres pays.

M. Jean-Pierre Balligand. Je partage l'avis de M. Pierre-Alain Muet.

Établir, du point de vue fiscal, une différence entre mariage et PACS ne correspond en rien à l'évolution de la société. Pour certains, le mariage est un lien beaucoup plus fort, mais il s'agit avant tout d'un lien social, tandis que le PACS est un engagement entre deux êtres. On compte d'ailleurs beaucoup plus de divorces que de ruptures de pacte civil de solidarité.

M. Hervé Mariton. Il est légitime que l'impôt reconnaisse le lien social plutôt que le lien individuel !

M. Marc Le Fur. Je retire l'amendement II-CF 250 au bénéfice de celui de M. Mariton. Mais je me réserve la possibilité de proposer une disposition sur le veuvage lorsque la Commission se réunira au titre de l'article 88 du Règlement. En effet, même si le nombre de personnes membres du foyer fiscal reste le même après décès, la progressivité de l'impôt n'en est pas moins atténuée quand on présente deux déclarations au lieu d'une.

L'amendement II-CF 250 est retiré .

La Commission rejette l'amendement II-CF 205, puis adopte l'amendement II-CF 176 ( amendement n° II-452 ).

Elle adopte ensuite l'article 57 ainsi modifié .