II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 (2010-2011)

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à arrêter les plafonds des emplois des opérateurs de l'État à 365 909 ETP pour 2011.

Ces plafonds, fixés pour la première fois dans la loi de finances initiale pour 2009 en application de l'article 64 de la loi de finances initiale pour 2008, complètent les plafonds des emplois rémunérés directement par l'État (proposés aux articles 47 et 52 du présent projet).

A.- UN PLAFOND D'EMPLOIS DES OPÉRATEURS DIFFÉRENT DU PLAFOND D'EMPLOIS MINISTÉRIEL

Les plafonds relatifs aux opérateurs présentent trois différences avec les plafonds des emplois rémunérés directement par l'État.

Premièrement, les plafonds d'emplois des opérateurs sont exprimés en équivalents temps plein (ETP) , alors que les plafonds d'emplois de l'État le sont en équivalents temps plein travaillé (ETPT) - ce dernier mode de décompte étant insuffisamment familier à la plupart des opérateurs. La différence entre les deux méthodes n'est pas négligeable, dès lors que seule la seconde prend en compte la période de présence de l'agent au cours de l'année. À titre d'exemple, un agent en contrat à durée déterminée de trois mois travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 ETP et à 0,8 x 3/12 = 0,2 ETPT. Le Rapporteur Général estime qu'une comptabilisation des emplois des opérateurs en ETPT ne serait pas seulement plus rigoureuse : elle permettrait des rapprochements pertinents entre effectifs des opérateurs et effectifs de l'État.

Deuxièmement, les plafonds applicables aux opérateurs ne concernent pas la totalité de leurs emplois 1 ( * ) . N'entrent pas dans le décompte :

- les emplois correspondant à un contrat de travail limité dans le temps, à condition qu'ils soient intégralement financés par des ressources propres de l'opérateur ;

- les emplois correspondant à des contrats aidés, y compris lorsqu'ils sont financés grâce à des subventions de l'État, soit environ 598 ETP en 2011, 305 ETP en 2010 et 210 ETP en 2009 ;

- l'ensemble des emplois financés sur ressources propres des universités ayant opté pour le régime de « responsabilités et compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines » 2 ( * ) . Ces dernières bénéficient ainsi d'une plus grande souplesse de gestion : tous les emplois « autofinancés », y compris ceux correspondant à des contrats à durée indéterminée, sont exclus du plafond applicable aux opérateurs de la mission Recherche et enseignement supérieur 3 ( * ) .

Au total, d'après l'annexe « jaune » consacrée aux opérateurs de l'État jointe au présent projet de loi de finances, les emplois des opérateurs non soumis au respect des plafonds proposés au présent article sont estimés à environ 37 853 ETP en 2011, soit 3 272 ETP supplémentaires par rapport à 2010 (+ 9 % - voir le tableau ci-après). Cette hausse est essentiellement imputable aux emplois financés, sur leurs ressources propres, par les universités et par d'autres établissements d'enseignement supérieur (en 2011, 71 % des emplois hors plafonds s'inscrivent dans le cadre de la mission Recherche et enseignement supérieur ).

ÉVOLUTION GLOBALE DES EMPLOIS DES OPÉRATEURS

(en ETP)

EMPLOIS LFI 2010 (a)

EMPLOIS PLF 2011

Sous plafond

Hors plafond

Total

Sous plafond

Hors plafond

Total

337 879

34 463

372 460

365 909

37 853

403 762

(a) Après retraitement (voir infra ).

Troisièmement, les plafonds d'emplois des opérateurs sont déclinés non par ministère mais par mission et programme - et figurent à ce titre dans chacun des projets annuels de performances 4 ( * ) . En outre, alors que les plafonds d'emplois rémunérés par l'État sont juridiquement limitatifs (article 9 alinéa 3 de la LOLF), les plafonds relatifs aux opérateurs n'ont que vocation à constituer, selon les termes de l'exposé des motifs du présent article, « le mandat des représentants de l'État lors du vote des budgets 2011 des opérateurs » 5 ( * ) .

Ces trois différences de construction des plafonds d'emplois nuisent à une approche consolidée de l'emploi public , pourtant à l'origine de l'instauration d'un plafond propre aux opérateurs : c'est fort du constat que la maîtrise des effectifs de l'État s'accompagnait d'une dérive de ceux de ses établissements publics 6 ( * ) que le Parlement a souhaité que le dispositif de plafonnement soit étendu aux opérateurs 7 ( * ) .

À elle seule, la mission Recherche et enseignement supérieur représente plus de 63,7 % des emplois (233 142 ETP), tandis que les missions Travail et emploi et Culture comptent pour respectivement 12 % (44 062 ETP) et 4,1 % (15 037 ETP). Le graphique ci-dessous présente la ventilation du plafond d'emplois par mission.

VENTILATION PAR MISSION DU PLAFOND D'EMPLOIS DES OPÉRATEURS POUR 2011

(en ETP)

Au-delà des prévisions pour 2011, porter une appréciation pertinente sur les plafonds d'emplois des opérateurs suppose de pouvoir juger de leur évolution d'une année sur l'autre. En dépit des efforts déployés par le ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur ce sujet, en particulier dans l'annexe « jaune » consacrée aux opérateurs, la comparaison entre 2010 et 2011 est particulièrement malaisée .

B.- L'ÉVOLUTION DU PLAFOND D'EMPLOIS DES OPÉRATEURS ENTRE 2010 ET 2011

1.- Une comparaison malaisée du fait des mouvements de périmètre

Deux difficultés majeures rendent la comparaison des emplois sous plafond des opérateurs d'une année sur l'autre compliquée :

- d'une part, la liste des opérateurs évolue considérablement . Entre 2010 et 2011, il ressort de l'annexe budgétaire consacrée aux opérateurs que 38 organismes employant 1 204 ETP sous plafond en 2010 ne remplissent plus les critères de qualification d'opérateurs de l'État 8 ( * ) . En revanche, 7 nouveaux organismes font désormais partie de la liste et emploient 342 ETP sous plafond en 2011 tandis que 27 opérateurs ont fait l'objet de regroupements ;

- d'autre part, la comparaison d'une année sur l'autre se heurte aux traditionnelles questions de changement de périmètre . Le Gouvernement estime ainsi à 29 658 ETP les emplois des opérateurs qui doivent être neutralisés pour apprécier l'évolution entre 2010 et 2011, correspondant pour l'essentiel au transfert des personnels de l'État vers les établissements d'enseignement supérieur dans le cadre de la troisième vague de passage aux responsabilités et compétences élargies.

Le Rapporteur général se félicite du fait que le « jaune » consacré aux opérateurs précise désormais la ventilation par programme de ces changements de périmètre, afin de faciliter la comparaison d'une année sur l'autre. Pour autant, il souligne que si la prise en compte de ces changements de périmètre est évidemment nécessaire pour apprécier de manière rigoureuse l'évolution des effectifs des opérateurs ou celle des effectifs de l'État 9 ( * ) , il n'en va pas de même pour apprécier l'évolution des emplois publics dans leur ensemble . Cette observation conduit, une fois de plus, à souhaiter pouvoir bénéficier d' une vision consolidée de l'évolution des emplois, qu'ils soient rémunérés directement par l'État ou par ses opérateurs . L'échelon de présentation pertinent pourrait être la mission ou le programme.

Le tableau ci-après récapitule les facteurs d'évolution du plafond d'emplois des opérateurs entre 2010 et 2011, compte tenu des retraitements et changements de périmètre précités.

ÉVOLUTION DU PLAFOND D'EMPLOIS DES OPÉRATEURS

(en ETP)

Plafond 2011 à périmètre courant (présent article)

365 909

dont solde des créations et suppressions d'emplois

+ 29 659

Entrée / Sortie de la liste des opérateurs de l'État

- 324

Changements de périmètre

+ 29 983

dont transferts sortants

- 102

dont transferts entrants

+ 30 085

Plafond 2011 à périmètre constant

336 250

2.- Le dépassement du plafond d'emplois des opérateurs voté en LFI 2010

L'article 73 de la loi de finances initiale pour 2010 fixe le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État pour 2010, exprimé en équivalents temps plein, à 337 879 emplois.

Cependant, l'annexe « jaune » consacrée aux opérateurs de l'État, jointe au présent projet de loi de finances, précise que le nombre d'emplois sous plafond actualisé pour 2010, exprimé en équivalents temps plein, atteint 338 879 emplois, soit 1 000 ETP de plus que prévu par l'article 73 de la loi de finances initiale.

Il est précisé que ces 1 000 ETP ont été créés en cours d'année 2010 au sein de Pôle Emploi pour faire face temporairement à la montée du chômage conformément à l'annonce du 18 décembre 2009 du Secrétaire d'État à l'emploi.

Le Rapporteur général ne peut qu'en déduire que le Gouvernement a fait le choix de dépasser le plafond d'emplois des opérateurs voté en LFI 2010 en accroissant de 1 000 ETP le plafond d'emplois des opérateurs rattachés à la mission Travail Emploi plutôt que de procéder à un redéploiement du nombre d'emplois prévus sous plafond entre différentes missions pour des raisons conjoncturelles liées à la crise économique.

Il n'en demeure pas moins que la portée normative de l'article 73 de la loi de finances initiale pour 2010 est ainsi remise en cause. En effet, l'on peut s'étonner que le Gouvernement n'ait pas régularisé cette situation dans le cadre de l'une des trois lois de finances rectificatives pour 2010 par le biais d'un article procédant à la majoration du plafond d'emplois des opérateurs prévu initialement. Il conviendra à l'avenir de procéder différemment.

3.- Un timide effort de modération des effectifs des opérateurs en 2011

Compte tenu de la prise en compte des 1 000 ETP créés en cours d'année 2010 au sein de Pôle Emploi pour procéder à la comparaison des effectifs des opérateurs à périmètre constant entre 2010 et 2011, le Gouvernement affiche une réduction des effectifs de 2 629 ETP soit une baisse de 0,8 % de l'ensemble des emplois sous plafond des opérateurs, et de 1,8 % des emplois sous plafond des opérateurs, hors programmes exonérés.

Il faut en effet rappeler que, pour accompagner les efforts de réduction des effectifs résultant de la mise en oeuvre de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans les ministères, le Gouvernement a précisé que les opérateurs seraient également mis à contribution, à l'exception des opérateurs rattachés au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la période de programmation 10 ( * ) .

Outre le fait que 61 % des emplois sous plafond des opérateurs rattachés à la mission Recherche et enseignement supérieur sont donc exonérés de l'effort de modération des effectifs , le Rapporteur général ne peut que constater qu'entre la loi de finances initiale pour 2010 telle que votée par le Parlement (article 73) et le présent projet de loi de finances, les emplois sous plafond des opérateurs ne baissent que de 1 629 ETP à périmètre constant . Ceci équivaut à une réduction de - 0,5 % de l'ensemble des emplois sous plafond des opérateurs, et de - 1,15 % des emplois sous plafond des opérateurs, hors programmes exonérés, alors que l'effort de réduction des emplois sous plafond rémunérés par l'État s'élève à - 2,2 % en 2011. Il faut toutefois relever que 70 % de la réduction des effectifs pèsent sur les opérateurs de la mission Travail Emploi (- 811 ETP) et de la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (- 350 ETP) tandis que les effectifs des opérateurs de la mission Écologie, développement et aménagement durables concernés par la gestion des dépenses d'avenir affichent un plafond d'emploi en hausse de 0,2 % (+25 ETP).

En tout état de cause, si le présent article constitue un premier pas timide en faveur de la modération des effectifs des opérateurs, cette démarche devra être largement encouragée dans les années à venir de façon à ce que l'effort soit également réparti entre les effectifs de l'État et ceux des opérateurs.

Sous bénéfice de ces observations, le Rapporteur général invite à se reporter au tome I du présent rapport général pour une analyse globale des dépenses de personnel de l'État et de ses opérateurs 11 ( * ) .

*

* *

La Commission adopte l'article 53 sans modification .


* 1 Voir la circulaire n° 2MPAP-10-3035 du 11 juin 2010 relative aux modalités de fixation du plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État dans le cadre de l'élaboration du budget triennal 2011-2013. Qu'ils soient comptabilisés ou non dans le plafond proposé au présent article, les emplois des opérateurs dont il est question dans les développements qui suivent sont ceux rémunérés par les opérateurs, quelle que soit leur situation statutaire (corps de fonctionnaires propres à un opérateur ou une catégorie d'opérateurs, agents détachés auprès de l'opérateur, contractuels de droit public ou de droit privé) et quelles que soient les missions de l'opérateur auxquelles ils concourent. Ne sont en revanche pas pris en compte les emplois en fonction au sein des opérateurs mais rémunérés par l'État ou par d'autres collectivités ou organismes.

* 2 Au sens des articles L. 712-8 et suivants du code de l'éducation, résultant de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 3 Cette spécificité peut être déduite a contrario de l'article L. 712-9 du code de l'éducation, selon lequel « les montants affectés à la masse salariale au sein de la dotation annuelle de l'État sont limitatifs et assortis du plafond des emplois que l'établissement est autorisé à rémunérer ».

* 4 Les tableaux présentés dans les PAP  distinguent les emplois rémunérés par le programme (comptabilisés dans le plafond d'emplois de l'État) et les emplois rémunérés par les opérateurs, en distinguant au sein de ces derniers les emplois soumis aux plafonds proposés au présent article et les emplois hors plafond.

* 5 Les budgets annuels des opérateurs sont adoptés au cours du dernier trimestre de l'année précédente.

* 6 Le Rapport sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, annexé au présent projet de loi de finances, montre que si l'emploi public au sein de la fonction publique d'État continue de baisser (- 3,1 % entre 2007 et 2008), l'effort de réduction des effectifs est en pratique supporté par les ministères (- 3,9 %). En revanche, les établissements publics administratifs (EPA), qui représentent 57 % des opérateurs de l'État, ont vu leurs effectifs progresser de 3 %. Au total, à la fin de l'année 2008, la fonction publique de l'État voit ses effectifs reculer de 77 493 agents malgré une augmentation des effectifs des EPA de 8 878 agents.

* 7 Voir par exemple Gilles Carrez, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2008, n° 276, Tome 1, octobre 2007, p. 114 et s.

* 8 Le Rapporteur général rappelle que our être qualifié d'opérateur de l'État, un organisme doit, quel que soit son statut (établissement public administratif ou industriel et commercial, groupement d'intérêt public, association...), satisfaire à trois critères cumulatifs : a) exercer une activité de service public, rattachable à une politique de l'État dans la nomenclature budgétaire (mission-programme-action) ; b) bénéficier d'un financement assuré majoritairement par l'État, directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n'exclut pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ; c) être soumis à un contrôle direct de l'État avec une tutelle ayant la capacité à orienter les décisions stratégiques.

* 9 Le Rapporteur général a lui-même pris en compte ces changements de périmètre dans sa présentation de l'évolution des effectifs de l'État : voir le tome I du présent Rapport général, octobre 2010, p. 31 et s.

* 10 Opérateurs rattachés aux programmes 150, 172, 187, 193, 231 employant 223 788 ETP en 2011, soit 61 % des emplois sous plafond des opérateurs en 2011.

* 11 Gilles Carrez, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2011, Tome I, n° 2857, octobre 2010, p. 31-36 et Rapport général sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014, p. 77-79.