Table des matières




Mercredi 26 novembre 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

PJLF pour 2004 - Crédits consacrés à la défense (nucléaire, espace et services communs) - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Faure sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 (nucléaire, espace et services communs).

M. Jean Faure, rapporteur pour avis
, a tout d'abord précisé qu'il centrerait son rapport sur les crédits des deux principaux services communs -le service de santé des armées et la délégation générale pour l'armement (DGA)-, sur les moyens dévolus aux communications et au renseignement, tout particulièrement dans le domaine spatial, et sur la politique de dissuasion nucléaire.

Le rapporteur pour avis a rappelé que le service de santé des armées avait réalisé sa professionnalisation dans des conditions particulièrement critiques en raison d'un fort sous-effectif en médecins militaires qui s'est aggravé ces dernières années pour atteindre désormais 300 médecins manquants sur 2.400 postes, soit un déficit de 12,5 %. Lié à l'insuffisance du recrutement et à une accélération du flux de départ, ce déficit peut être mis en relation avec l'insuffisante valorisation de la carrière des médecins militaires.

Evoquant le diagnostic effectué dès 1999 par la commission, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a constaté que ce n'était finalement qu'en 2002, après la crise intervenue dans les armées autour des questions de condition militaire, que les difficultés du service de santé des armées avaient commencé à être prises en compte, notamment par la revalorisation des primes des médecins spécialistes les plus qualifiés. De même, l'instauration en début d'année, au profit des officiers sous contrat, de primes équivalentes à celles dont bénéficient les médecins de carrière laisse espérer une augmentation du recrutement direct de médecins déjà diplômés, alors qu'un très faible nombre de postes offerts dans ce cadre avait pu être pourvu au cours des dernières années.

Le rapporteur pour avis s'est félicité de la hausse de 3 % du budget du service de santé des armées prévue en 2004, après celle de 15 % intervenue en 2003 ; 50 postes d'élèves-médecins supplémentaires seront créés ainsi que 129 nouveaux postes de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux, ces créations prolongeant celles intervenues en 2003. Le projet de budget pour 2004 poursuit donc les actions engagées pour revaloriser les carrières, fidéliser les personnels en fonction, attirer de nouveaux candidats afin de redresser une situation qui perturbait fortement le fonctionnement du service de santé des armées.

Evoquant la délégation générale pour l'armement (DGA), M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rappelé l'action entreprise depuis 1997 pour réduire son coût d'intervention et renforcer l'efficacité du processus d'acquisition des armements. Une mission d'évaluation désignée par le ministre de la défense doit prochainement remettre de nouvelles propositions pour améliorer la cohérence de la conduite des programmes d'armement. Le rôle d'arbitrage du chef d'Etat-major des armées pourrait être renforcé, ainsi que l'implication des états-majors d'armées et la fonction d'audit du Contrôle général des armées.

Le rapporteur pour avis a précisé que plus de la moitié du budget de la DGA, soit 1,2 milliard d'euros, serait consacrée à l'effort de recherche et technologie. L'actuelle loi de programmation prévoit un redressement notable, s'élevant à 18 % de 2002 à 2008. Toutefois, après une hausse de 5 % en 2003, ces crédits de recherche et technologie se stabiliseront en 2004, avec un double mouvement d'augmentation dans le domaine nucléaire et de diminution dans le domaine classique. Un complément de crédits serait nécessaire en cours de gestion pendant l'année 2004 pour demeurer dans les objectifs fixés par la loi de programmation.

Le rapporteur pour avis a indiqué que l'effort serait porté sur les démonstrateurs technologiques, trois d'entre eux étant lancés en 2003 : l'un pour l'alerte spatiale sur les tirs de missiles balistiques, l'autre pour l'expérimentation d'une liaison entre un drone et un satellite et le troisième pour un radar de défense aérienne élargie. En 2004 sera développé un démonstrateur d'avion de combat sans pilote. Il a jugé très positive cette orientation fondée sur la réalisation de démonstrateurs, en souhaitant qu'elle puisse susciter l'intérêt d'autres pays européens.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a également commenté l'annonce par le conseil des ministres européens de la création en 2004 d'une agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacité militaires.

Abordant le domaine des capacités de communication et de renseignement, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a tout d'abord évoqué les moyens spatiaux. Il a indiqué que l'année 2004 verrait le lancement de deux nouveaux satellites : le satellite de télécommunications Syracuse III qui offrira une couverture plus vaste et des débits plus importants, et le satellite d'observation optique Hélios II, qui procurera des capacités accrues en termes de résolution et de nombre d'images fournies et permettra l'observation de nuit grâce à une capacité infrarouge.

Outre le développement des démonstrateurs précédemment évoqué, quatre micro-satellites voués à l'écoute électronique seront lancés en 2004 dans le cadre du projet « Essaim ».

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a souligné que le budget spatial militaire français, s'il était le plus important en Europe, demeurait limité, le niveau prévu en 2004, à savoir 333 millions d'euros en autorisations de programme et 402 millions d'euros en crédits de paiement, étant l'un des plus faibles de la dernière décennie, à l'exception de l'année 2000.

Estimant que l'acquisition de capacités spatiales supplémentaires passait par un renforcement de la coopération européenne, le rapporteur pour avis s'est félicité des accords conclus avec l'Italie et l'Allemagne qui devraient permettre d'accéder à une capacité d'observation tout temps à l'horizon 2005-2006, grâce à un échange d'images entre les systèmes radar développés par ces deux pays et le système Hélios II. Il a également jugé positif l'accent mis par la Commission européenne dans son Livre blanc sur la politique spatiale, sur l'importance des équipements spatiaux pour la politique européenne de sécurité et de défense.

Concluant sur le domaine du renseignement, le rapporteur pour avis a évoqué les programmes de drones prévus par la loi de programmation militaire et s'est inquiété du niveau d'investissement prévu pour les services de renseignement et de la difficulté de ces services à pourvoir tous leurs postes budgétaires.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les crédits de la dissuasion nucléaire, qui représenteront en 2004 3,4 milliards d'euros en autorisations de programme (+ 2 % par rapport à 2003) et 3,1 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 5 %).

Il a rappelé qu'après une décrue de 50 % entre 1992 et 2001, on assistait depuis 2002 à un redressement temporaire des crédits consacrés à la dissuasion. Toutefois, ceux-ci ne représenteront que 19,5 % du titre V sur la période 2003-2008, soit 2,8 milliards d'euros par an, contre 20 % au cours de la loi de programmation précédente.

Il a également rappelé les facteurs permanents qui justifient la préservation de la dissuasion nucléaire, garante sur le long terme de nos intérêts vitaux, ainsi que les évolutions destinées à adapter notre doctrine à la variété et à la nature des menaces, notamment celles émanant de puissances régionales dotées d'armes de destruction massive. Citant les propos tenus le 8 juin 2001 par le Président de la République, confirmés le 16 octobre dernier par le Premier ministre, il a précisé en quoi nos programmes de missiles nucléaires prenaient en compte ces évolutions de doctrine, notamment par leur plus haut degré de précision, la modulation de leur puissance, leur capacité de pénétration ou la possibilité de leur assigner une large gamme de cibles.

Le rapporteur pour avis a estimé que le seuil de « stricte insuffisance » défini par la France devait être préservé dans un environnement marqué par la prolifération nucléaire et balistique.

En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a souligné les éléments positifs contenus dans le budget de la défense pour 2004 qui marque la deuxième étape du redressement indispensable engagé en 2003. Il a en conséquence invité la commission à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2004.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Xavier de Villepin a souligné les difficultés que rencontre le Parlement pour mesurer la réalité de l'effort de recherche et développement, compte tenu de la multiplicité des modes de comptabilisation compliquant l'interprétation des données. Il lui a également paru souhaitable d'intégrer dans l'analyse l'effort de recherche conduit par les entreprises. M. Xavier de Villepin a ensuite évoqué la menace terroriste et la protection des populations face au risque biologique et chimique. Il s'est demandé dans quelle mesure le renforcement du budget de la défense permettrait de prendre en compte cette menace. Enfin, il s'est interrogé sur les évolutions de la politique américaine à l'égard du nucléaire militaire, évoquant notamment la mise au point d'armes de faible puissance. Il a demandé si les Etats-Unis demeuraient fermement engagés dans leur programme de simulation et si la coopération avec la France se poursuivait dans ce domaine.

M. Christian de La Malène, se référant à la faible participation européenne sur le programme Hélios II, s'est réjoui de constater que des accords de coopération avaient pu être conclus avec l'Italie et l'Allemagne. Approuvant les observations du rapporteur pour avis sur la dissuasion nucléaire, M. Christian de La Malène s'est interrogé sur la pertinence du modèle d'armée 2015 compte tenu des évolutions du contexte international et des menaces, en particulier du terrorisme. Il a estimé nécessaire d'approfondir les réflexions en ce domaine, afin de s'adapter en permanence aux évolutions du monde.

M. Didier Boulaud a indiqué que les membres du groupe socialiste n'approuveraient pas le budget de la défense pour 2004. Il a déploré le niveau insuffisant des crédits consacrés au domaine spatial, en soulignant qu'ils ne représenteraient que 3 % du budget d'équipement sur l'actuelle loi de programmation, contre 3,8 % lors de la précédente. Il a également jugé inquiétante la diminution de 6 % en 2004 des crédits d'études-amont. Il a constaté que le niveau très important des crédits de la dissuasion nucléaire, très fortement augmentés depuis trois ans, produisent un effet d'éviction au détriment d'autres actions indispensables, comme la recherche ou les programmes spatiaux. Soulignant que la progression des crédits de la dissuasion était liée à la modernisation de nos forces nucléaires, il a déploré qu'aucun débat préalable n'ait été conduit à ce sujet devant la représentation nationale. Il a de même jugé indispensable de débattre plus largement d'éventuelles évolutions de notre doctrine.

Mme Hélène Luc a précisé que le groupe communiste républicain et citoyen n'approuverait pas le budget de la défense, son augmentation, après celle intervenue en 2003, s'effectuant au détriment de la politique sociale, de l'éducation et de la recherche. Elle a en outre regretté que ce budget privilégie l'équipement au détriment des personnels. Elle s'est prononcée contre l'augmentation des crédits du nucléaire, estimant que la préservation de la paix dans le monde passait par une lutte contre les inégalités et l'aide au développement, et non par une course aux armes de destruction massive. Elle a enfin évoqué la restructuration de GIAT-Industries, regrettant que le ministre de la défense ait récemment refusé de recevoir une délégation de parlementaires concernés par ce dossier.

M. Jean-Yves Autexier a approuvé la position du rapporteur pour avis sur la dissuasion nucléaire et souligné la nécessité de préserver une posture de stricte suffisance constituant une garantie ultime de sécurité, grâce à la seule force indépendante en Europe. Il a estimé que les réponses au terrorisme étaient très largement autres que militaires, le développement de ce risque n'atténuant en rien les autres menaces, dont celle de la prolifération des armes de destruction massive, qui justifie le maintien d'une force de dissuasion. S'inquiétant de la multiplication des opérations extérieures dévoreuses de moyens, il a rappelé que la mission première de la défense était d'assurer la protection du territoire national et que la dissuasion jouait à ce titre un rôle irremplaçable. Soulignant la nécessité de garantir la crédibilité absolue de nos forces nucléaires, il s'est demandé si les moyens de simulation y contribueraient totalement. Constatant que le traité d'interdiction complète des essais nucléaires n'était pas entré en vigueur et que les Etats-Unis ne l'avaient pas ratifié, il s'est interrogé sur la fragilité de la position de la France, qui a supprimé ses moyens d'expérimentation et s'en est totalement remise à la simulation.

M. Jacques Peyrat a rappelé qu'il y a une quinzaine d'années déjà, les services de renseignement se plaignaient de l'insuffisance en personnels maîtrisant les langues utiles à leurs activités. Il a déploré que cette lacune n'ait pas été comblée, et plus généralement que les moyens des services de renseignement n'aient toujours pas été portés au niveau nécessaire, surtout dans le contexte de la montée de la menace terroriste.

M. André Dulait, président, a précisé à ce propos que l'effort de recrutement de locuteurs de langues rares impliquait en amont une prise en compte de ce besoin dans les formations universitaires.

M. Jean-Guy Branger a souligné la nécessité de procéder à une analyse plus approfondie des crédits de recherche et développement, auxquels des rapports spécifiques avaient pu être consacrés par le passé.

A la suite de ces observations, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- la loi de programmation a prévu un relèvement de 18 % de l'effort de recherche et de technologie de 2002 à 2008 ; il est vrai qu'il est difficile d'analyser l'évolution des crédits, compte tenu de l'hétérogénéité des agrégats retenus ; à la suite des interrogations émises par de nombreux membres de la commission, il serait nécessaire que le gouvernement puisse apporter des éclairages lors de la séance publique ;

- le risque d'attaques biologiques ou chimiques est pris en compte par le ministère de la défense essentiellement sous l'angle de la protection des forces déployées en opérations ; la protection des populations contre de telles attaques exige une attention beaucoup plus soutenue mais elle relève d'une approche interministérielle, coordonnée sous l'égide du secrétariat général de la défense nationale, et implique également le ministère de l'intérieur et celui de la santé ;

- les Etats-Unis engagent des études sur la mise au point d'armes nucléaires de faible puissance et à forte capacité de pénétration en vue de la destruction d'objectifs durcis et profondément enterrés ; ils poursuivent leur programme de simulation, sur lequel la coopération avec la France n'a pas été affectée, mais si la décision était prise de lancer le développement d'armes nouvelles, la reprise d'essais nucléaires pourrait être envisagée ;

- le recours aux moyens de simulation doit s'appuyer sur l'ensemble des données recueillies lors de la dernière campagne d'essais nucléaires réalisée par la France en 1995 ;

- les grandes lignes de la modernisation de nos forces nucléaires ont été définies en 1996 et débattues lors du vote de la loi de programmation militaire 1997-2002 ; elles n'ont pas été remises en cause par les gouvernements qui se sont succédé depuis lors ;

- il est vrai que le modèle d'armée 2015 a été défini en 1996 mais, d'une part, nombre d'analyses sur lesquelles il se fondait demeurent valables et, d'autre part, il fait l'objet d'adaptations continues ; la loi de programmation militaire 2003-2008 a ainsi intégré des compléments sur la sécurité intérieure, la défense antimissiles ou les capacités de frappe de précision à longue distance ; l'approfondissement de la réflexion stratégique demeure toutefois nécessaire ; elle pourrait passer par un nouveau Livre blanc et s'appuyer sur la stratégie européenne de sécurité élaborée sous l'égide du Haut représentant pour la politique européenne de sécurité commune, M. Solana ;

- à la difficulté pour les services de renseignement de recruter des spécialistes en langues rares s'ajoute celle résultant du déplacement géographique de leurs centres d'intérêt ; l'Afghanistan, le Pakistan ou les pays situés à leur périphérie ne faisaient pas l'objet de la même priorité il y a une dizaine d'années ; le renforcement des moyens humains et techniques des services de renseignement doit être davantage pris en compte.

PJLF pour 2004 - Vote sur l'ensemble des crédits de la défense

La commission a ensuite procédé au vote sur l'ensemble des crédits de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004.

M. Serge Vinçon
, s'exprimant au nom du groupe UMP, a qualifié de courageux le budget de la défense pour 2004, dans la mesure où il permet de respecter pour la deuxième année consécutive la loi de programmation militaire, dans un contexte économique et financier particulièrement difficile. Il a considéré que le redressement des crédits de la défense engagé en 2003 et confirmé en 2004 était indispensable compte tenu de l'érosion qui avait marqué la période précédente et qui s'était traduite par une détérioration du niveau opérationnel des forces armées. S'agissant de la dissuasion nucléaire, il a estimé que sa modernisation était nécessaire et que dans l'environnement international actuel, il ne fallait pas porter atteinte à une fonction de notre outil de défense qui touche à l'essentiel. Au-delà de l'effort réalisé sur les équipements classiques, il s'est félicité de l'entrée en service en 2004 de deux nouveaux satellites, Syracuse III et Hélios II, qui amélioreront très significativement nos capacités. Il a souligné la contradiction consistant à contester à la fois la restructuration de certaines entreprises de défense et la hausse du budget d'équipement, qui se traduit pour ces mêmes entreprises par des commandes supplémentaires. En conclusion, il a indiqué que le groupe UMP approuvait le budget de la défense pour 2004.

La commission, à sa majorité, a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances 2004.

Déplacement en Côte d'Ivoire - communication

Puis Mme Paulette Brisepierre a effectué une communication sur un récent déplacement en Côte d'Ivoire.

Mme Paulette Brisepierre a précisé que ce déplacement avait été entièrement consacré à la situation de nos compatriotes à Abidjan, et qu'elle n'avait eu, de ce fait, aucun contact avec les forces politiques de Côte d'Ivoire. Elle a alors décrit les principaux temps forts de sa visite, marquée notamment par la présentation de l'opération « Licorne » par le général Joana, qui la commande actuellement. Mme Paulette Brisepierre a souligné les très grandes qualités professionnelles des soldats français présents en Côte d'Ivoire, mais a regretté qu'ils soient relevés tous les quatre mois, ce qui lui semblait un rythme trop rapide. Elle a ensuite décrit son survol des points de ralliement prévus au sein de la ville d'Abidjan pour une éventuelle évacuation de nos compatriotes, et a salué l'excellente qualité du dispositif. Puis elle a relaté sa visite de différents établissements français d'enseignement, fonctionnant à nouveau à un rythme normal, mais qui ont renforcé leur dispositif de sécurité, avec notamment une capacité d'accueil des élèves 48 heures durant en cas de nécessité.

En réponse à M. André Dulait, président, qui l'interrogeait sur l'état du lycée français d'Abidjan qui avait été saccagé au début de l'année 2003, Mme Paulette Brisepierre a précisé que cet établissement fonctionnait à nouveau dans des conditions normales. Elle a évoqué également l'école primaire Jacques Prévert, dont la visite lui a confirmé la reprise d'une vie apparemment tranquille par nos compatriotes. Elle a conclu en estimant qu'au total, ceux-ci avaient su surmonter la crise, et reprendre leurs activités, mais que leur moral était affecté par une peur latente qui subsistait dans les esprits. Elle a souligné que les petites et moyennes entreprises ou industries avaient été le plus affectées par la crise récente, et qu'il conviendrait que la France leur apporte des mesures d'aide ponctuelle permettant de stabiliser les situations les plus précaires. Puis elle a évoqué la nécessité d'un réaménagement rapide de notre consulat, dont ni les personnels ni les locaux ne permettent actuellement de faire face, dans des conditions acceptables, à des sollicitations croissantes.

Au terme de cet exposé, un débat s'est instauré au sein de la commission.

M. Xavier de Villepin s'est inquiété d'un éventuel transfert des sièges des grandes sociétés françaises, actuellement localisées à Abidjan, vers l'Afrique du Sud.

M. Philippe de Gaulle a souhaité connaître le nombre de nos compatriotes résidant actuellement en Côte d'Ivoire, et s'est interrogé sur la qualité des forces de l'ordre ivoiriennes qui semblait s'être dégradée depuis la disparition du Président Houphouët Boigny.

M. Jean-Yves Autexier s'est enquis d'une éventuelle réduction des menaces qui pesaient sur l'ouest de la Côte d'Ivoire, grâce à l'accalmie qui s'est instaurée au Libéria.

En réponse, Mme Paulette Brisepierre a apporté les précisions suivantes :

- les principales sociétés françaises sont en effet tentées par un transfert de leur siège en Afrique du Sud. Cependant, la situation économique globale de nos compatriotes, au nombre d'environ 18.000, semble en voie d'amélioration ; ce léger mieux ne peut malheureusement être conforté par un appui financier de l'Agence française de développement, du fait d'un arriéré de dettes dû par la Côte d'Ivoire à cet organisme ;

- une des principales tâches des quelque 4.000 hommes qui composent l'opération « Licorne » réside dans l'encadrement et la formation de l'armée ivoirienne ;

- malgré la stabilité revenue au Libéria, il semble que des infiltrations d'hommes armés continuent à s'effectuer en direction de l'ouest de la Côte d'Ivoire. C'est pourquoi la priorité politique réside dans une réconciliation entre ce pays et ses grands voisins que sont le Mali et le Burkina Faso.

Groupe interparlementaire France-Afrique centrale - Déplacement au Gabon, en Guinée équatoriale et Sao Tomé

Puis la commission a entendu une communication effectuée par M. Jean-Pierre Cantegrit, président du groupe interparlementaire France-Afrique centrale, sur le déplacement d'une délégation de son groupe au Gabon, en Guinée équatoriale et à Sao Tomé.

En introduction, M. Jean-Pierre Cantegrit a précisé que ce déplacement, effectué par six sénateurs, du 30 octobre au 6 novembre dernier, était consécutif à une invitation formulée par M. Georges Rawiri, président du Sénat gabonais. Il a rappelé que notre Haute Assemblée appuyait le Sénat gabonais depuis la création de ce dernier, et que de nouvelles actions étaient souhaitées par la partie gabonaise en matière de coopération décentralisée. Puis M. Jean-Pierre Cantegrit a évoqué l'entretien que la délégation qu'il conduisait avait eu avec le Président Omar Bongo, chef de l'Etat gabonais. M. Omar Bongo avait rappelé à cette occasion que l'industrie pétrolière qui avait fondé la prospérité du Gabon ces dernières années, avec une production annuelle de près de 18 millions de tonnes, arrivait à une phase critique avec la baisse prévisible de ses ressources. D'ici quelques années, la production devrait en effet chuter d'environ 12 millions de tonnes annuelles. Le président Omar Bongo avait souligné que cette évolution affecterait son pays qui dispose, certes, de ressources alternatives grâce aux ressources forestières et à la présence de minerai dans son sous-sol, mais qui était pénalisé par le poids d'une dette extérieure s'élevant à plusieurs milliards de dollars. Or, malgré la remise par la France d'une dette bilatérale de 56 millions d'euros, le Gabon peine à faire face à ses échéances, d'autant qu'il est classé par le Fonds monétaire international parmi les pays à revenu intermédiaire, ce qui l'exclut de l'initiative « Pays pauvres très endettés », réservée aux pays les moins avancés. Le président Omar Bongo a également évoqué le différend frontalier qui l'opposait à la Guinée équatoriale au sujet d'un îlot situé au large du Gabon ; un règlement à l'amiable, sous l'égide de la communauté internationale, est souhaité par le Gabon, alors que la Guinée équatoriale semble plus réservée.

Puis M. Jean-Pierre Cantegrit a évoqué la visite effectuée par la délégation qu'il conduisait à Lambaréné, ville d'élection du président Rawiri, puis l'accueil réservé à cette délégation par les troupes françaises stationnées au Gabon, ainsi que par l'équipage du bâtiment français « Le Siroccco », qui mouillait alors au large de Libreville.

Evoquant ensuite la Guinée équatoriale, M. Jean-Pierre Cantegrit a précisé que la délégation avait pu s'y entretenir avec le Président Théodoro Obiang N'Guema, chef de l'Etat ; ce dernier avait déploré l'absence des sociétés françaises dans l'activité d'extraction du pétrole qui constitue la première ressource de la Guinée équatoriale.

Enfin, M. Jean-Pierre Cantegrit a décrit l'étape finale de la délégation, à Sao Tomé, où elle s'est entretenue successivement avec le ministre des affaires étrangères, le premier ministre, et le chef de l'Etat, tous trois francophones. Ces autorités ont exprimé, à cette occasion, le souhait que la France soit plus présente dans cette ancienne colonie portugaise, marquée par une grande pauvreté, mais disposant de fortes ressources pétrolières dont l'exploitation était en voie de développement.

M. Jean-Pierre Cantegrit a rappelé que la France avait contribué, avec l'appui du Nigeria et du Gabon, au rétablissement de l'ordre constitutionnel dans l'archipel, brièvement compromis au mois de juillet dernier par une insurrection militaire.

Au terme de cet exposé, un débat s'est instauré au sein de la commission.

M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur l'avenir réservé au Gabon par la baisse de sa production pétrolière.

M. André Dulait, président, a souscrit à ces inquiétudes en évoquant les précautions prises par un certain nombre de pays producteurs, qui ont su constituer des réserves financières du temps de leur prospérité.

M. Jacques Peyrat a souhaité disposer d'informations sur l'organisation de la garde présidentielle du Gabon.

En réponse, M. Jean-Pierre Cantegrit a rappelé que le nombre de nos compatriotes avait chuté d'environ 15.000, il y a quelques années, à 9.000 aujourd'hui, du fait de la dégradation économique affectant le Gabon, mais a rappelé que ce pays disposait néanmoins de réserves pétrolières lui assurant des ressources garanties pendant encore une dizaine d'années. Enfin, M. Jean-Pierre Cantegrit a rappelé que des troupes françaises étaient stationnées dans la capitale, Libreville, ainsi qu'à Port Gentil, importante ville côtière ; ces troupes entretiennent des liens cordiaux avec la garde présidentielle.