Table des matières




Mercredi 29 mai 2002

- Présidence de M. Marcel Deneux, vice-président, puis de M. Gérard Larcher, président. -

Aménagement du territoire - Zones franches urbaines - Audition de M. El Hassan Bouod, président de l'association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. El Hassan Bouod, président de l'association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille.

Après que M. Marcel Deneux, président, eut rappelé que cette audition, comme la suivante, s'inscrivait dans le cadre de la réflexion menée par M. Pierre André sur les zones franches urbaines (ZFU), M. El Hassan Bouod a brièvement exposé les conditions d'activité de la société agroalimentaire qu'il dirige. Il s'agit d'une entreprise familiale d'abattage, de conditionnement et de vente de viande halal dont l'usine est implantée depuis cinq ans au coeur de la ZFU de Marseille, dans les quartiers Nord (16e arrondissement), sur un espace de 2.500 m² : 60 personnes travaillent sur le site et 60 autres dans des boucheries franchisées sur Marseille et la région PACA. Le chiffre d'affaires atteint aujourd'hui près de 22 millions d'euros, alors que celui de la boucherie constituant l'origine du groupe était de 3 millions de francs en 1985. Près de 30 % de la production est destinée à l'exportation (Italie et Espagne), la vente sur le marché du Maghreb étant le prochain objectif de la société. Se présentant comme un entrepreneur ayant misé sur les quartiers Nord de Marseille, M. El Hassan Bouod a rappelé qu'il est également président de l'Association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille et précisé qu'il représente le Centre des jeunes dirigeants au Conseil économique et social régional de la région PACA.

A M. Pierre André, rapporteur, qui l'interrogeait sur les raisons l'ayant conduit à s'installer dans un des quartiers les plus difficiles de Marseille, voire de France, et sur la manière dont il avait pu contribuer au développement de celui-ci en incitant d'autres entrepreneurs à y investir en s'appuyant sur le dispositif de la ZFU, M. El Hassan Bouod a indiqué que si le 16e arrondissement de Marseille était victime d'une mauvaise réputation, il jouissait en revanche d'une situation extrêmement favorable, à proximité immédiate de l'autoroute, à dix minutes du centre-ville et à un quart d'heure de l'aéroport. Les quartiers Nord constituaient donc un site intéressant pour construire l'usine nécessaire à l'adaptation de la chaîne de production aux normes européennes, telle qu'elle était envisagée dès 1994. Une fois les études de faisabilité réalisées, la construction des deux premières tranches a été entreprise en 1996/1997, date à laquelle l'institution des ZFU a constitué une aide précieuse pour former les personnels. Mais ce dispositif séduisant n'a pas été suffisant puisque les structures institutionnelles, telle l'ANPE, n'étaient pas préparées pour accompagner la création d'entreprises dans ces quartiers dont la population est entretenue dans certaines « habitudes » depuis de nombreuses années. Aussi est-ce grâce à sa bonne connaissance du tissu associatif local que M. El Hassan Bouod a pu, en s'investissant directement de manière très active, procéder au recrutement de ses salariés.

A ce sujet, M. El Hassan Bouod a regretté que la création des ZFU n'ait pas été mieux expliquée dans les quartiers concernés et que le message fort qui les structure, à savoir la redynamisation par l'activité économique de proximité, ait souvent été brouillé par l'image négative d'entrepreneurs « profiteurs économiques » s'installant pour cinq ans seulement afin de bénéficier d'avantages fiscaux. Il a souligné qu'il était difficile de convaincre des avantages et de la pérennité de l'insertion économique une population à laquelle n'a été proposé, depuis trente ans, qu'un modèle d'intégration par le social exempt de toute obligation de résultats et caractérisé par l'attribution à guichet ouvert de subventions à des associations ne présentant pas toujours un réel intérêt au regard des objectifs poursuivis. M. El Hassan Bouod a également expliqué les efforts personnels qu'il a dû consentir pour, par le dialogue et l'exemple, parvenir à embaucher des habitants des quartiers, leur faire admettre les contraintes du travail salarié et les convaincre de la pérennité de l'installation des entreprises investissant dans les ZFU (aimant à rappeler qu'elles ne sont pas « sur roulettes » et faciles à déplacer au gré des changements de politique fiscale ou de ciblage géographique des zones aidées), dès lors que la population locale elle-même s'implique fortement. Si le taux d'absentéisme comme le « turn-over » de ses employés est encore supérieur à la moyenne, il s'est tout de même félicité d'avoir contribué, avec l'aide active de la municipalité de Marseille, notamment s'agissant des relations avec les services fiscaux, l'ANPE ou l'URSSAF, à ce que le taux de chômage dans les quartiers Nord baisse de 30 % à 18 %, ce qui en fait aujourd'hui un des plus faibles au plan national dans les ZFU.

S'agissant des autres entreprises installées sur le site, M. El Hassan Bouod a stigmatisé les atermoiements consécutifs au changement de gouvernement en 1997 et considéré que les menaces d'interruption de l'expérience des ZFU avaient provoqué une crise de confiance chez les entrepreneurs, qui a retardé de plusieurs années le développement des quartiers concernés. C'est en raison de ce retard qu'il a soutenu, dans le cadre du Conseil national des Villes, la sortie du dispositif à l'issue des cinq ans sur une période dégressive de trois ans (60 % de prise en charge, puis 40 % et enfin 20 %). Il a en outre rappelé le rôle positif joué par l'Association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille pour susciter un esprit socio-économique favorable, mutualiser les expériences et rapprocher les partenaires, citant à titre d'exemple l'organisation en 2001 d'un forum réunissant le monde économique, des associations et l'éducation nationale, dont le succès a conduit à une seconde édition qui s'est tenue le 14 mai dernier et qui a réuni près de 300 personnes.

Insistant sur le fait que les habitants des quartiers défavorisés ont besoin de reconnaissance et que celle-ci s'exprime notamment par la création d'un tissu économique de proximité pérenne et une urbanisation de qualité, M. El Hassan Bouod a souhaité qu'un bilan soit tiré des ZFU afin de distinguer les raisons et méthodes ayant conduit au succès de certaines d'entre elles. Observant qu'un consensus politique reconnaissait que le quartier accueillant la zone franche de Marseille est redevenu « fréquentable », il a estimé que les entreprises avaient « joué le jeu » malgré les difficultés législatives et réglementaires qui leur ont été imposées, par exemple en matière de licenciements à la suite de décisions contestées prises dans des grands groupes, alors que leur spécificité, qui les conduit déjà à supporter des contraintes opposées à la logique entrepreneuriale -tel le recrutement à raison du périmètre géographique et non sur les compétences des candidats- aurait dû leur permettre d'être exonérées de ces mesures décidées politiquement pour répondre à des problèmes qui ne les concernent pas. M. El Hassan Bouod a considéré qu'il était nécessaire de faire dans ces quartiers du « sur-mesure » en matière de législation du travail et qu'un excès de protection rendait très problématique la gestion d'un personnel aux caractéristiques déjà particulières. A cet égard, et tout en confirmant son credo en faveur de l'insertion par l'économique, il a estimé que les entreprises installées dans la ZFU de Marseille étaient parvenues à recruter toutes les personnes effectivement employables et qu'elles butaient désormais sur le noyau de ceux qui ne travailleraient jamais, préférant soit bénéficier des divers dispositifs de protection sociale, soit tirer profit de l'économie parallèle.

Après que M. Marcel Deneux, président, eut remercié M. El Hassan Bouod pour son vivant témoignage de chef d'entreprise et de militant de l'action sociale, M. Charles Guené s'est inquiété de ce que la réussite des ZFU puisse reposer essentiellement sur le talent et le charisme de certaines personnalités et a demandé si la sortie progressive du dispositif sur trois ans était une bonne solution.

En réponse, M. El Hassan Bouod a souligné, s'agissant du succès de la zone franche de Marseille, l'importance de l'aide logistique apportée aux entrepreneurs par la mairie, au travers de sa cellule spécialisée et d'un chef de projet mis à leur disposition, qui a constitué pour les intéressés un véritable investissement et qui leur a permis de gagner beaucoup de temps en matière de démarches administratives. Par ailleurs, il a justifié la sortie « en sifflet » du dispositif par le retard pris en 1997/1998 à la suite du changement de gouvernement, qui a interrompu des initiatives de manière très dommageable, et insisté sur la nécessité de supprimer les aides une fois le lancement des entreprises assuré, observant qu'il ne serait pas cohérent de contester la politique de subventions permanentes et sans critères de résultats accordées aux associations et de l'accepter pour les entreprises.

A M. François Fortassin qui lui demandait quelles raisons, au-delà du militantisme, l'avaient conduit à s'installer dans les quartiers Nord de Marseille, M. El Hassan Bouod a indiqué que sa décision d'investir dans ce site était exclusivement militante car antérieure à la création des ZFU, laquelle a toutefois été importante en tant que telle puisqu'elle lui a permis de doubler son investissement. Estimant indispensable que les immigrés soient les acteurs de leur intégration, laquelle « ne viendra pas du ciel », et considérant que la seule insertion durable est l'insertion économique, le statut d'ouvrier ou d'employé lui paraissant à cet égard de loin plus porteur de sens et d'avenir que celui de permanent associatif, il a souhaité incarner un témoignage de ce qu'il est possible de faire pour un immigré qui ambitionne de s'intégrer dans la société française, et affirmé vouloir aider par son action ceux qui désirent s'insérer.

Enfin, en réponse à MM. Pierre André, rapporteur, et Marcel Deneux, président, M. El Hassan Bouod a présenté en détail son parcours personnel, depuis sa naissance au Maroc jusqu'à ce jour, en expliquant notamment quelles difficultés administratives il avait rencontrées en ce qui concerne tant son admission au séjour puis, ultérieurement, son acquisition de la nationalité française, que le développement de son entreprise depuis sa reprise d'une boucherie de quartier en 1985.

Audition de M. Gérard Lacoste, directeur général adjoint de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Île-de-France (IAURIF), accompagné de M. Jean-Pierre Chauvel et de M. Olivier Mandon, chargés d'étude

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Gérard Lacoste, directeur général de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Ile-de-France (IAURIF), accompagné de MM. Jean-Pierre Chauvel et Olivier Mandon, chargés d'étude.

M. Gérard Lacoste a tout d'abord présenté le tableau de bord des zones franches urbaines (ZFU) tenu par l'IAURIF, fruit d'échanges suivis entre les collectivités locales, les services de l'Etat et l'ensemble des acteurs concernés par ce dispositif (URSSAF, chambres de commerces, services de la Région...). Il a souligné les difficultés rencontrées pour l'évaluation des politiques micro-locales, compte tenu du manque de données disponibles et des délais d'obtention nécessaires pour obtenir des données, par exemple sur l'emploi. Si le recensement national constitue une photographie fiable, a-t-il ajouté, sa périodicité ne permet pas de suivre, grâce à lui, les évolutions des politiques dont le rythme de mise en oeuvre ne coïncide pas avec elle.

Evoquant les problèmes qui s'attachent à la définition d'indicateurs pertinents, il a souligné les imprécisions relatives à la création d'emplois et d'entreprises et à l'incidence de cette politique sur les habitants des quartiers dont la mobilité s'accroît dès lors que leurs ressources s'améliorent.

S'agissant des difficultés tenant à la mise en oeuvre de la politique des ZFU, M. Gérard Lacoste a rappelé que ce dispositif, créé en 1996, avait concerné des communes très pauvres qui ne disposaient pas à l'origine de moyens humains propres à mener une politique active d'implantation d'entreprises. En outre, du fait d'un certain « retard à l'allumage », cette politique n'a, dans un premier temps, pas pu faire face au succès rencontré auprès des entreprises désireuses de s'installer. Au surplus, le manque de disponibilité foncière a constitué un frein dans un certain nombre de ces zones, tandis que les doutes qui ont plané au sujet de la pérennisation du dispositif ont également porté préjudice à sa réussite.

Il a déclaré que l'évolution de l'emploi dans les ZFU avait subi un « effet retard » par rapport au rythme de croissance global de l'économie, mais avait cependant permis d'améliorer notablement la situation.

Portant une appréciation positive sur la sélectivité très forte de cette politique, qui se distingue de l'extension systématique des périmètres observée dans d'autres systèmes d'aide, il a souligné la nécessité d'assurer la pérennité du dispositif pour les entrepreneurs.

M. Gérard Larcher, président, a, quant à lui, indiqué que cette sélectivité résultait notamment du souci de se conformer aux vues de la Commission européenne et a déploré que des rumeurs de suppression des ZFU se soient faites entendre à l'été 1997.

Puis M. Olivier Mandon a rappelé que sur les 9 zones franches urbaines d'Ile-de-France, 3 étaient situées à la périphérie de territoires ruraux et de territoires urbains, tandis que les autres se trouvaient à proximité des zones urbaines. Après avoir souligné que près d'un tiers des personnes résidant dans les ZFU en France étaient établies en Ile-de-France, il a ajouté que de fortes disparités caractérisent les ZFU d'Ile-de-France, tant en termes de superficie que de population, avant d'indiquer qu'en quatre ans, de 1997 à 2000, environ 5.000 entreprises s'étaient implantées dans les ZFU d'Île-de-France. Les secteurs d'activités des établissements installés en ZFU concernent, essentiellement a-t-il précisé, les services de proximité et le marché économique local (services, commerces, et constructions notamment).

Ayant déclaré que les très petites entreprises (de moins de 5 salariés) représentaient 80 % des établissements implantés en ZFU, M. Olivier Mandon a souligné l'attractivité de ce dispositif, caractérisée par le fait que 63 % des implantations résultent de créations. Tout en soulignant que l'incidence du dispositif ZFU sur les entreprises déjà implantées était difficile à estimer, il a ajouté que malgré la vive réactivité des communes concernées, celles-ci s'étaient heurtées à des contraintes telles que le manque de disponibilité foncière et les incertitudes relatives au maintien du régime des ZFU.

Après avoir indiqué que le coût des exonérations fiscales et sociales dans les ZFU d'Ile-de-France était estimé à près de 1,9 milliard de francs en 2001, M. Jean-Pierre Chauvel a déclaré que les communes concernées demeuraient très défavorisées, avec un potentiel fiscal inférieur de moitié à la moyenne, et une pression fiscale supérieure de moitié à celle-ci. Il a également souligné la forte progression du montant des exonérations depuis 1997, due à l'accroissement des bases observées qui est plus rapide que sur le reste du territoire de l'Ile-de-France. Concluant son propos, il a estimé que ce dispositif s'était avéré « à la hauteur des enjeux » mais sans incidence notable sur la situation financière des collectivités locales.

Après avoir salué le courage et l'indépendance des vues exprimés par ses interlocuteurs, M. Pierre André,rapporteur, a regretté l'attitude de l'Etat, notamment en ce qui concerne la communication des données statistiques de nature à permettre une évaluation de cette politique, et estimé que les zones franches continueraient à donner des résultats positifs au cours des mois à venir.

M. Marcel Deneux s'étant étonné des disparités existantes dans les statistiques relatives à la région parisienne et celles relatives à la province, M. Gérard Lacoste a indiqué que la population résidente dans le périmètre observé par l'IAURIF s'élevait à 11 millions de personnes et, répondant à une question de M. Dominique Braye, a indiqué que les entreprises implantées en ZFU représentaient depuis 1996, environ 32 % du parc communal. Il a constaté que grâce à la sélectivité de cette politique, on avait observé un changement d'image des quartiers en question et estimé qu'il était souhaitable de privilégier une attitude de confiance vis-à-vis des entreprises qui permettait aux collectivités locales de parvenir à une meilleure connaissance du tissu économique.

M. Dominique Braye a souligné que les très petites entreprises constituaient une part très importante de celles situées en ZFU avant de déplorer qu'une politique de défiance vis-à-vis des entreprises ait, depuis 5 ans, pris le pas sur une politique de confiance.

M. Gérard Lacoste ayant fait part de ses inquiétudes quant au maintien des équipes locales chargées du suivi des ZFU, M. Dominique Braye a déclaré que les élus étaient parfaitement conscients de l'utilité de leur travail, tout en considérant que les collectivités locales qui les employaient manquaient bien souvent des moyens nécessaires à la pérennisation de leur activité.

Zones franches urbaines - Présentation du rapport d'étape

La commission a ensuite entendu la présentation, par M. Pierre André, de son rapport d'étape sur les zones franches urbaines.

M. Pierre André, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 a créé 44 zones franches urbaines (ZFU), dont 38 en métropole et 6 dans les départements d'outre-mer, où l'Etat a consenti aux entreprises de moins de 50 salariés exerçant une activité économique de proximité des exonérations de charges sociales, et d'impôts sur les bénéfices pour une durée de cinq ans.

Il a rappelé que cette loi n'avait pas fait l'objet d'une évaluation objective et que d'aucuns avaient même mis en doute la réalité de ses résultats, bien que sur le terrain les maires se soient déclarés satisfaits de ses effets sur l'activité économique et sur l'emploi, ce qui a conduit la commission à le charger d'établir un rapport d'information sur ces zones.

Evoquant les résultats positifs des ZFU, le rapporteur a indiqué que le nombre d'entreprises qui était de 2.000 en 1996, a dépassé 10.000 en 2001 et que :

- les emplois exonérés dans les ZFU pour des entreprises de moins de 50 salariés se situaient entre 60.000 et 65.000 ;

- sur ce total, le nombre d'emplois créés de 1997 à 2002 était de 30.000 environ, contre 10.000 prévus initialement, sans compter les emplois préservés.

Comme des entreprises de plus de 50 salariés qui ne sont pas éligibles aux exonérations se sont installées en ZFU, il convient, a-t-il ajouté, de considérer que plusieurs milliers d'emplois supplémentaires s'ajoutent à ces chiffres.

Evoquant la nature des emplois exonérés, il a observé que :

- les neuf dixièmes d'entre eux relevaient de contrats de travail à durée indéterminée, le solde étant constitué de contrats de travail à durée déterminée d'au moins douze mois, moins de la moitié environ du nombre total d'emplois exonérés provenant de transferts d'entreprises ;

- la clause d'embauche de personnel résidant dans les ZFU (fixée à un minimum de 20 % des emplois par la loi) a été très bien respectée, puisque le taux d'emploi local se situait entre 25 et 30 % selon les zones.

Considérant que les ZFU avaient eu une incidence bénéfique sur les finances locales, M. Pierre André a estimé que les collectivités locales concernées bénéficiaient du mécanisme de compensation par l'Etat des exonérations consenties aux entreprises pour un montant total de 56,9 millions d'euros (près de 374 millions de francs) en 2001.

Après avoir précisé que les exonérations de cotisations sociales étaient de plus de 221 millions d'euros (1.450 millions de francs) pour les dix premiers mois de 2001, contre 242 millions d'euros (1.588 millions de francs) en 2000, et que l'exonération fiscale se situait à environ 141,78 millions d'euros (930 millions de francs) pour 2002, le rapporteur a jugé que les ZFU constituaient un « dispositif transparent » qui, allié à d'autres opérations (grands projets de villes, financements européens) a permis de remodeler des quartiers entiers, en dotant des « communes-dortoir » de véritables pôles économiques grâce à la mobilisation d'importants investissements publics et privés qui ont eu un effet multiplicateur sur l'activité économique locale.

Il s'en est suivi, a-t-il ajouté, une modification déterminante de l'image des quartiers et une réaffirmation du rôle du travail dans l'intégration sociale.

Evoquant la procédure de mise en oeuvre des exonérations par les entreprises elles-mêmes, au rythme de leurs déclarations fiscales et sociales, qu'il a qualifiée de « particulièrement souple et attractive » par rapport à la lourdeur des procédures d'agrément préalable sur dossier et d'octroi des financements par voie de subventions, le rapporteur a ajouté que de nombreuses entreprises -notamment individuelles- avaient, grâce à ces exonérations, disposé d'un complément de financement sans lequel, faute de fonds propres, elles n'auraient pas pu démarrer leur activité.

Abordant la question du contrôle des ZFU, M. Pierre André, rapporteur, a évoqué l'action des comités d'orientation et de surveillance (COS) créés en 1996, à l'initiative du Sénat, lesquels ont bien joué leur rôle de lutte contre les « chasseurs de primes », en permettant un contrôle décentralisé et une sélection des entreprises. Les ZFU n'ont, a-t-il affirmé, en rien constitué des « paradis fiscaux », car les services fiscaux et les URSSAF ont effectué des contrôles quasi systématiques. Rappelant que si certaines URSSAF avaient eu une approche très constructive de la mise en oeuvre du dispositif, il a regretté que d'autres aient affiché une interprétation excessivement restrictive de la loi de 1996, conduisant les entreprises à l'attentisme, au détriment de la création d'emplois.

Sans préjuger des conclusions qu'adoptera la commission, le rapporteur a défini plusieurs pistes de recherche au terme de son rapport d'étape et notamment :

- définir un nouveau statut pour des zones franches de « nouvelle génération » qui permette de faire une place aux activités économiques créatrices d'emplois et de richesse dans les quartiers défavorisés, par le recours à une politique d'exonération qui évite la lourdeur des agréments et des subventions administratives ;

- renforcer l'incidence de cette politique sur l'emploi en réexaminant la clause d'embauche de 20 % eu égard aux difficultés rencontrées par certaines entreprises pour trouver du personnel qualifié, en envisageant de l'appliquer non pas exclusivement au niveau de la ZFU elle-même mais aussi dans les autres quartiers éligibles soit à la politique de la ville, soit aux fonds structurels européens, pour permettre l'embauche de personnes en difficulté ou se trouvant dans une situation sociale précaire et désireuses de travailler ;

- mener une politique active de formation des jeunes et de « mise à niveau » des compétences des chômeurs dont l'employabilité est faible ;

- affirmer le rôle des collectivités locales dans la gestion du dispositif.

Considérant que le maillon faible de la politique de la ville concerne le logement, il a jugé souhaitable de renforcer l'action des pouvoirs publics en la matière :

- au niveau national en dotant le ministère de la ville de cette compétence ;

- au plan local en accroissant les pouvoirs et les moyens des maires.

Après l'expérience des ZFU, a-t-il ajouté, il serait inconcevable de revenir à un système centralisé d'aides, car les maires ou les présidents d'autorités d'agglomérations sont au coeur du dispositif.

Jugeant indispensable de se donner, ex ante, les moyens d'une évaluation précise, le rapporteur a noté, parmi les déficiences observées dans l'activité de la Délégation interministérielle à la ville, outre une carence dans l'évaluation des politiques, des insuffisances dans les contacts avec les élus.

Après avoir félicité le rapporteur, M. Dominique Braye s'est déclaré favorable à l'instauration d'une « logique de confiance » vis-à-vis des entreprises et à une lutte déterminée contre l'économie parallèle, tout en souhaitant, d'une part, que le régime des ZFU soit prorogé dans les zones où elles existent déjà compte tenu des marges de progression qui restent à conquérir pour remettre ces quartiers à niveau et, d'autre part, que des actions de formation soient menées pour améliorer l'employabilité des chômeurs.

M. Jacques Bellanger a considéré que cette politique ne pouvait réussir que s'il existait une coopération avec les élus, et s'est interrogé sur la possibilité de faire intervenir la région dans le dispositif. Il a estimé que cette politique ne devait pas être interrompue brutalement, mais s'éteindre progressivement dans le cadre d'une sortie « en sifflet », avant de se déclarer dubitatif quant à l'opportunité de conférer au ministère de la ville l'autorité sur les services en charge du logement.

Répondant à une question de M. Bruno Sido, le rapporteur a estimé qu'il était très difficile de déterminer le nombre d'emplois supplémentaires dus à la création des ZFU, tout en se déclarant convaincu que la situation des quartiers qui en ont bénéficié se serait dégradée si les zones n'avaient pas été instituées.

M. Gérard Larcher, président, a enfin considéré que cette politique devait reposer, à l'avenir, sur les concepts de sélectivité, de pérennité, de simplicité de confiance dans le développement économique et sur l'action des élus locaux.

Organismes extraparlementaires - Désignations de membres

Rendant compte de la brève réunion de Bureau tenue avant la réunion de la commission, M. Gérard Larcher, président, a indiqué que le Bureau avait réaffirmé son attachement au principe d'une nomination au sein de la commission des membres des organismes extra-parlementaires qu'il lui incombait de désigner.

La commission a enfin procédé à la désignation, pour être proposés à la nomination du Sénat, de :

M. Francis Grignon en qualité de titulaire et de M. Marcel-Pierre Cléach en qualité de suppléant pour siéger au sein de la Conférence permanente « habitat - construction - développement durable » ;

M. Marcel Deneux en qualité de titulaire et M. Gérard Le Cam en qualité de suppléant pour siéger au sein du Conseil d'orientation de l'observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer, M.  Gérard Le Cam exposant les motifs de sa candidature ;

- et, enfin, MM. Daniel Reiner et Philippe Darniche pour siéger, en qualité de titulaires, au sein de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers.


Table des matières




Mercredi 29 mai 2002

- Présidence de M. Marcel Deneux, vice-président, puis de M. Gérard Larcher, président. -

Aménagement du territoire - Zones franches urbaines - Audition de M. El Hassan Bouod, président de l'association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. El Hassan Bouod, président de l'association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille.

Après que M. Marcel Deneux, président, eut rappelé que cette audition, comme la suivante, s'inscrivait dans le cadre de la réflexion menée par M. Pierre André sur les zones franches urbaines (ZFU), M. El Hassan Bouod a brièvement exposé les conditions d'activité de la société agroalimentaire qu'il dirige. Il s'agit d'une entreprise familiale d'abattage, de conditionnement et de vente de viande halal dont l'usine est implantée depuis cinq ans au coeur de la ZFU de Marseille, dans les quartiers Nord (16e arrondissement), sur un espace de 2.500 m² : 60 personnes travaillent sur le site et 60 autres dans des boucheries franchisées sur Marseille et la région PACA. Le chiffre d'affaires atteint aujourd'hui près de 22 millions d'euros, alors que celui de la boucherie constituant l'origine du groupe était de 3 millions de francs en 1985. Près de 30 % de la production est destinée à l'exportation (Italie et Espagne), la vente sur le marché du Maghreb étant le prochain objectif de la société. Se présentant comme un entrepreneur ayant misé sur les quartiers Nord de Marseille, M. El Hassan Bouod a rappelé qu'il est également président de l'Association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille et précisé qu'il représente le Centre des jeunes dirigeants au Conseil économique et social régional de la région PACA.

A M. Pierre André, rapporteur, qui l'interrogeait sur les raisons l'ayant conduit à s'installer dans un des quartiers les plus difficiles de Marseille, voire de France, et sur la manière dont il avait pu contribuer au développement de celui-ci en incitant d'autres entrepreneurs à y investir en s'appuyant sur le dispositif de la ZFU, M. El Hassan Bouod a indiqué que si le 16e arrondissement de Marseille était victime d'une mauvaise réputation, il jouissait en revanche d'une situation extrêmement favorable, à proximité immédiate de l'autoroute, à dix minutes du centre-ville et à un quart d'heure de l'aéroport. Les quartiers Nord constituaient donc un site intéressant pour construire l'usine nécessaire à l'adaptation de la chaîne de production aux normes européennes, telle qu'elle était envisagée dès 1994. Une fois les études de faisabilité réalisées, la construction des deux premières tranches a été entreprise en 1996/1997, date à laquelle l'institution des ZFU a constitué une aide précieuse pour former les personnels. Mais ce dispositif séduisant n'a pas été suffisant puisque les structures institutionnelles, telle l'ANPE, n'étaient pas préparées pour accompagner la création d'entreprises dans ces quartiers dont la population est entretenue dans certaines « habitudes » depuis de nombreuses années. Aussi est-ce grâce à sa bonne connaissance du tissu associatif local que M. El Hassan Bouod a pu, en s'investissant directement de manière très active, procéder au recrutement de ses salariés.

A ce sujet, M. El Hassan Bouod a regretté que la création des ZFU n'ait pas été mieux expliquée dans les quartiers concernés et que le message fort qui les structure, à savoir la redynamisation par l'activité économique de proximité, ait souvent été brouillé par l'image négative d'entrepreneurs « profiteurs économiques » s'installant pour cinq ans seulement afin de bénéficier d'avantages fiscaux. Il a souligné qu'il était difficile de convaincre des avantages et de la pérennité de l'insertion économique une population à laquelle n'a été proposé, depuis trente ans, qu'un modèle d'intégration par le social exempt de toute obligation de résultats et caractérisé par l'attribution à guichet ouvert de subventions à des associations ne présentant pas toujours un réel intérêt au regard des objectifs poursuivis. M. El Hassan Bouod a également expliqué les efforts personnels qu'il a dû consentir pour, par le dialogue et l'exemple, parvenir à embaucher des habitants des quartiers, leur faire admettre les contraintes du travail salarié et les convaincre de la pérennité de l'installation des entreprises investissant dans les ZFU (aimant à rappeler qu'elles ne sont pas « sur roulettes » et faciles à déplacer au gré des changements de politique fiscale ou de ciblage géographique des zones aidées), dès lors que la population locale elle-même s'implique fortement. Si le taux d'absentéisme comme le « turn-over » de ses employés est encore supérieur à la moyenne, il s'est tout de même félicité d'avoir contribué, avec l'aide active de la municipalité de Marseille, notamment s'agissant des relations avec les services fiscaux, l'ANPE ou l'URSSAF, à ce que le taux de chômage dans les quartiers Nord baisse de 30 % à 18 %, ce qui en fait aujourd'hui un des plus faibles au plan national dans les ZFU.

S'agissant des autres entreprises installées sur le site, M. El Hassan Bouod a stigmatisé les atermoiements consécutifs au changement de gouvernement en 1997 et considéré que les menaces d'interruption de l'expérience des ZFU avaient provoqué une crise de confiance chez les entrepreneurs, qui a retardé de plusieurs années le développement des quartiers concernés. C'est en raison de ce retard qu'il a soutenu, dans le cadre du Conseil national des Villes, la sortie du dispositif à l'issue des cinq ans sur une période dégressive de trois ans (60 % de prise en charge, puis 40 % et enfin 20 %). Il a en outre rappelé le rôle positif joué par l'Association des entrepreneurs de la zone franche de Marseille pour susciter un esprit socio-économique favorable, mutualiser les expériences et rapprocher les partenaires, citant à titre d'exemple l'organisation en 2001 d'un forum réunissant le monde économique, des associations et l'éducation nationale, dont le succès a conduit à une seconde édition qui s'est tenue le 14 mai dernier et qui a réuni près de 300 personnes.

Insistant sur le fait que les habitants des quartiers défavorisés ont besoin de reconnaissance et que celle-ci s'exprime notamment par la création d'un tissu économique de proximité pérenne et une urbanisation de qualité, M. El Hassan Bouod a souhaité qu'un bilan soit tiré des ZFU afin de distinguer les raisons et méthodes ayant conduit au succès de certaines d'entre elles. Observant qu'un consensus politique reconnaissait que le quartier accueillant la zone franche de Marseille est redevenu « fréquentable », il a estimé que les entreprises avaient « joué le jeu » malgré les difficultés législatives et réglementaires qui leur ont été imposées, par exemple en matière de licenciements à la suite de décisions contestées prises dans des grands groupes, alors que leur spécificité, qui les conduit déjà à supporter des contraintes opposées à la logique entrepreneuriale -tel le recrutement à raison du périmètre géographique et non sur les compétences des candidats- aurait dû leur permettre d'être exonérées de ces mesures décidées politiquement pour répondre à des problèmes qui ne les concernent pas. M. El Hassan Bouod a considéré qu'il était nécessaire de faire dans ces quartiers du « sur-mesure » en matière de législation du travail et qu'un excès de protection rendait très problématique la gestion d'un personnel aux caractéristiques déjà particulières. A cet égard, et tout en confirmant son credo en faveur de l'insertion par l'économique, il a estimé que les entreprises installées dans la ZFU de Marseille étaient parvenues à recruter toutes les personnes effectivement employables et qu'elles butaient désormais sur le noyau de ceux qui ne travailleraient jamais, préférant soit bénéficier des divers dispositifs de protection sociale, soit tirer profit de l'économie parallèle.

Après que M. Marcel Deneux, président, eut remercié M. El Hassan Bouod pour son vivant témoignage de chef d'entreprise et de militant de l'action sociale, M. Charles Guené s'est inquiété de ce que la réussite des ZFU puisse reposer essentiellement sur le talent et le charisme de certaines personnalités et a demandé si la sortie progressive du dispositif sur trois ans était une bonne solution.

En réponse, M. El Hassan Bouod a souligné, s'agissant du succès de la zone franche de Marseille, l'importance de l'aide logistique apportée aux entrepreneurs par la mairie, au travers de sa cellule spécialisée et d'un chef de projet mis à leur disposition, qui a constitué pour les intéressés un véritable investissement et qui leur a permis de gagner beaucoup de temps en matière de démarches administratives. Par ailleurs, il a justifié la sortie « en sifflet » du dispositif par le retard pris en 1997/1998 à la suite du changement de gouvernement, qui a interrompu des initiatives de manière très dommageable, et insisté sur la nécessité de supprimer les aides une fois le lancement des entreprises assuré, observant qu'il ne serait pas cohérent de contester la politique de subventions permanentes et sans critères de résultats accordées aux associations et de l'accepter pour les entreprises.

A M. François Fortassin qui lui demandait quelles raisons, au-delà du militantisme, l'avaient conduit à s'installer dans les quartiers Nord de Marseille, M. El Hassan Bouod a indiqué que sa décision d'investir dans ce site était exclusivement militante car antérieure à la création des ZFU, laquelle a toutefois été importante en tant que telle puisqu'elle lui a permis de doubler son investissement. Estimant indispensable que les immigrés soient les acteurs de leur intégration, laquelle « ne viendra pas du ciel », et considérant que la seule insertion durable est l'insertion économique, le statut d'ouvrier ou d'employé lui paraissant à cet égard de loin plus porteur de sens et d'avenir que celui de permanent associatif, il a souhaité incarner un témoignage de ce qu'il est possible de faire pour un immigré qui ambitionne de s'intégrer dans la société française, et affirmé vouloir aider par son action ceux qui désirent s'insérer.

Enfin, en réponse à MM. Pierre André, rapporteur, et Marcel Deneux, président, M. El Hassan Bouod a présenté en détail son parcours personnel, depuis sa naissance au Maroc jusqu'à ce jour, en expliquant notamment quelles difficultés administratives il avait rencontrées en ce qui concerne tant son admission au séjour puis, ultérieurement, son acquisition de la nationalité française, que le développement de son entreprise depuis sa reprise d'une boucherie de quartier en 1985.

Audition de M. Gérard Lacoste, directeur général adjoint de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Île-de-France (IAURIF), accompagné de M. Jean-Pierre Chauvel et de M. Olivier Mandon, chargés d'étude

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Gérard Lacoste, directeur général de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Ile-de-France (IAURIF), accompagné de MM. Jean-Pierre Chauvel et Olivier Mandon, chargés d'étude.

M. Gérard Lacoste a tout d'abord présenté le tableau de bord des zones franches urbaines (ZFU) tenu par l'IAURIF, fruit d'échanges suivis entre les collectivités locales, les services de l'Etat et l'ensemble des acteurs concernés par ce dispositif (URSSAF, chambres de commerces, services de la Région...). Il a souligné les difficultés rencontrées pour l'évaluation des politiques micro-locales, compte tenu du manque de données disponibles et des délais d'obtention nécessaires pour obtenir des données, par exemple sur l'emploi. Si le recensement national constitue une photographie fiable, a-t-il ajouté, sa périodicité ne permet pas de suivre, grâce à lui, les évolutions des politiques dont le rythme de mise en oeuvre ne coïncide pas avec elle.

Evoquant les problèmes qui s'attachent à la définition d'indicateurs pertinents, il a souligné les imprécisions relatives à la création d'emplois et d'entreprises et à l'incidence de cette politique sur les habitants des quartiers dont la mobilité s'accroît dès lors que leurs ressources s'améliorent.

S'agissant des difficultés tenant à la mise en oeuvre de la politique des ZFU, M. Gérard Lacoste a rappelé que ce dispositif, créé en 1996, avait concerné des communes très pauvres qui ne disposaient pas à l'origine de moyens humains propres à mener une politique active d'implantation d'entreprises. En outre, du fait d'un certain « retard à l'allumage », cette politique n'a, dans un premier temps, pas pu faire face au succès rencontré auprès des entreprises désireuses de s'installer. Au surplus, le manque de disponibilité foncière a constitué un frein dans un certain nombre de ces zones, tandis que les doutes qui ont plané au sujet de la pérennisation du dispositif ont également porté préjudice à sa réussite.

Il a déclaré que l'évolution de l'emploi dans les ZFU avait subi un « effet retard » par rapport au rythme de croissance global de l'économie, mais avait cependant permis d'améliorer notablement la situation.

Portant une appréciation positive sur la sélectivité très forte de cette politique, qui se distingue de l'extension systématique des périmètres observée dans d'autres systèmes d'aide, il a souligné la nécessité d'assurer la pérennité du dispositif pour les entrepreneurs.

M. Gérard Larcher, président, a, quant à lui, indiqué que cette sélectivité résultait notamment du souci de se conformer aux vues de la Commission européenne et a déploré que des rumeurs de suppression des ZFU se soient faites entendre à l'été 1997.

Puis M. Olivier Mandon a rappelé que sur les 9 zones franches urbaines d'Ile-de-France, 3 étaient situées à la périphérie de territoires ruraux et de territoires urbains, tandis que les autres se trouvaient à proximité des zones urbaines. Après avoir souligné que près d'un tiers des personnes résidant dans les ZFU en France étaient établies en Ile-de-France, il a ajouté que de fortes disparités caractérisent les ZFU d'Ile-de-France, tant en termes de superficie que de population, avant d'indiquer qu'en quatre ans, de 1997 à 2000, environ 5.000 entreprises s'étaient implantées dans les ZFU d'Île-de-France. Les secteurs d'activités des établissements installés en ZFU concernent, essentiellement a-t-il précisé, les services de proximité et le marché économique local (services, commerces, et constructions notamment).

Ayant déclaré que les très petites entreprises (de moins de 5 salariés) représentaient 80 % des établissements implantés en ZFU, M. Olivier Mandon a souligné l'attractivité de ce dispositif, caractérisée par le fait que 63 % des implantations résultent de créations. Tout en soulignant que l'incidence du dispositif ZFU sur les entreprises déjà implantées était difficile à estimer, il a ajouté que malgré la vive réactivité des communes concernées, celles-ci s'étaient heurtées à des contraintes telles que le manque de disponibilité foncière et les incertitudes relatives au maintien du régime des ZFU.

Après avoir indiqué que le coût des exonérations fiscales et sociales dans les ZFU d'Ile-de-France était estimé à près de 1,9 milliard de francs en 2001, M. Jean-Pierre Chauvel a déclaré que les communes concernées demeuraient très défavorisées, avec un potentiel fiscal inférieur de moitié à la moyenne, et une pression fiscale supérieure de moitié à celle-ci. Il a également souligné la forte progression du montant des exonérations depuis 1997, due à l'accroissement des bases observées qui est plus rapide que sur le reste du territoire de l'Ile-de-France. Concluant son propos, il a estimé que ce dispositif s'était avéré « à la hauteur des enjeux » mais sans incidence notable sur la situation financière des collectivités locales.

Après avoir salué le courage et l'indépendance des vues exprimés par ses interlocuteurs, M. Pierre André,rapporteur, a regretté l'attitude de l'Etat, notamment en ce qui concerne la communication des données statistiques de nature à permettre une évaluation de cette politique, et estimé que les zones franches continueraient à donner des résultats positifs au cours des mois à venir.

M. Marcel Deneux s'étant étonné des disparités existantes dans les statistiques relatives à la région parisienne et celles relatives à la province, M. Gérard Lacoste a indiqué que la population résidente dans le périmètre observé par l'IAURIF s'élevait à 11 millions de personnes et, répondant à une question de M. Dominique Braye, a indiqué que les entreprises implantées en ZFU représentaient depuis 1996, environ 32 % du parc communal. Il a constaté que grâce à la sélectivité de cette politique, on avait observé un changement d'image des quartiers en question et estimé qu'il était souhaitable de privilégier une attitude de confiance vis-à-vis des entreprises qui permettait aux collectivités locales de parvenir à une meilleure connaissance du tissu économique.

M. Dominique Braye a souligné que les très petites entreprises constituaient une part très importante de celles situées en ZFU avant de déplorer qu'une politique de défiance vis-à-vis des entreprises ait, depuis 5 ans, pris le pas sur une politique de confiance.

M. Gérard Lacoste ayant fait part de ses inquiétudes quant au maintien des équipes locales chargées du suivi des ZFU, M. Dominique Braye a déclaré que les élus étaient parfaitement conscients de l'utilité de leur travail, tout en considérant que les collectivités locales qui les employaient manquaient bien souvent des moyens nécessaires à la pérennisation de leur activité.

Zones franches urbaines - Présentation du rapport d'étape

La commission a ensuite entendu la présentation, par M. Pierre André, de son rapport d'étape sur les zones franches urbaines.

M. Pierre André, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 a créé 44 zones franches urbaines (ZFU), dont 38 en métropole et 6 dans les départements d'outre-mer, où l'Etat a consenti aux entreprises de moins de 50 salariés exerçant une activité économique de proximité des exonérations de charges sociales, et d'impôts sur les bénéfices pour une durée de cinq ans.

Il a rappelé que cette loi n'avait pas fait l'objet d'une évaluation objective et que d'aucuns avaient même mis en doute la réalité de ses résultats, bien que sur le terrain les maires se soient déclarés satisfaits de ses effets sur l'activité économique et sur l'emploi, ce qui a conduit la commission à le charger d'établir un rapport d'information sur ces zones.

Evoquant les résultats positifs des ZFU, le rapporteur a indiqué que le nombre d'entreprises qui était de 2.000 en 1996, a dépassé 10.000 en 2001 et que :

- les emplois exonérés dans les ZFU pour des entreprises de moins de 50 salariés se situaient entre 60.000 et 65.000 ;

- sur ce total, le nombre d'emplois créés de 1997 à 2002 était de 30.000 environ, contre 10.000 prévus initialement, sans compter les emplois préservés.

Comme des entreprises de plus de 50 salariés qui ne sont pas éligibles aux exonérations se sont installées en ZFU, il convient, a-t-il ajouté, de considérer que plusieurs milliers d'emplois supplémentaires s'ajoutent à ces chiffres.

Evoquant la nature des emplois exonérés, il a observé que :

- les neuf dixièmes d'entre eux relevaient de contrats de travail à durée indéterminée, le solde étant constitué de contrats de travail à durée déterminée d'au moins douze mois, moins de la moitié environ du nombre total d'emplois exonérés provenant de transferts d'entreprises ;

- la clause d'embauche de personnel résidant dans les ZFU (fixée à un minimum de 20 % des emplois par la loi) a été très bien respectée, puisque le taux d'emploi local se situait entre 25 et 30 % selon les zones.

Considérant que les ZFU avaient eu une incidence bénéfique sur les finances locales, M. Pierre André a estimé que les collectivités locales concernées bénéficiaient du mécanisme de compensation par l'Etat des exonérations consenties aux entreprises pour un montant total de 56,9 millions d'euros (près de 374 millions de francs) en 2001.

Après avoir précisé que les exonérations de cotisations sociales étaient de plus de 221 millions d'euros (1.450 millions de francs) pour les dix premiers mois de 2001, contre 242 millions d'euros (1.588 millions de francs) en 2000, et que l'exonération fiscale se situait à environ 141,78 millions d'euros (930 millions de francs) pour 2002, le rapporteur a jugé que les ZFU constituaient un « dispositif transparent » qui, allié à d'autres opérations (grands projets de villes, financements européens) a permis de remodeler des quartiers entiers, en dotant des « communes-dortoir » de véritables pôles économiques grâce à la mobilisation d'importants investissements publics et privés qui ont eu un effet multiplicateur sur l'activité économique locale.

Il s'en est suivi, a-t-il ajouté, une modification déterminante de l'image des quartiers et une réaffirmation du rôle du travail dans l'intégration sociale.

Evoquant la procédure de mise en oeuvre des exonérations par les entreprises elles-mêmes, au rythme de leurs déclarations fiscales et sociales, qu'il a qualifiée de « particulièrement souple et attractive » par rapport à la lourdeur des procédures d'agrément préalable sur dossier et d'octroi des financements par voie de subventions, le rapporteur a ajouté que de nombreuses entreprises -notamment individuelles- avaient, grâce à ces exonérations, disposé d'un complément de financement sans lequel, faute de fonds propres, elles n'auraient pas pu démarrer leur activité.

Abordant la question du contrôle des ZFU, M. Pierre André, rapporteur, a évoqué l'action des comités d'orientation et de surveillance (COS) créés en 1996, à l'initiative du Sénat, lesquels ont bien joué leur rôle de lutte contre les « chasseurs de primes », en permettant un contrôle décentralisé et une sélection des entreprises. Les ZFU n'ont, a-t-il affirmé, en rien constitué des « paradis fiscaux », car les services fiscaux et les URSSAF ont effectué des contrôles quasi systématiques. Rappelant que si certaines URSSAF avaient eu une approche très constructive de la mise en oeuvre du dispositif, il a regretté que d'autres aient affiché une interprétation excessivement restrictive de la loi de 1996, conduisant les entreprises à l'attentisme, au détriment de la création d'emplois.

Sans préjuger des conclusions qu'adoptera la commission, le rapporteur a défini plusieurs pistes de recherche au terme de son rapport d'étape et notamment :

- définir un nouveau statut pour des zones franches de « nouvelle génération » qui permette de faire une place aux activités économiques créatrices d'emplois et de richesse dans les quartiers défavorisés, par le recours à une politique d'exonération qui évite la lourdeur des agréments et des subventions administratives ;

- renforcer l'incidence de cette politique sur l'emploi en réexaminant la clause d'embauche de 20 % eu égard aux difficultés rencontrées par certaines entreprises pour trouver du personnel qualifié, en envisageant de l'appliquer non pas exclusivement au niveau de la ZFU elle-même mais aussi dans les autres quartiers éligibles soit à la politique de la ville, soit aux fonds structurels européens, pour permettre l'embauche de personnes en difficulté ou se trouvant dans une situation sociale précaire et désireuses de travailler ;

- mener une politique active de formation des jeunes et de « mise à niveau » des compétences des chômeurs dont l'employabilité est faible ;

- affirmer le rôle des collectivités locales dans la gestion du dispositif.

Considérant que le maillon faible de la politique de la ville concerne le logement, il a jugé souhaitable de renforcer l'action des pouvoirs publics en la matière :

- au niveau national en dotant le ministère de la ville de cette compétence ;

- au plan local en accroissant les pouvoirs et les moyens des maires.

Après l'expérience des ZFU, a-t-il ajouté, il serait inconcevable de revenir à un système centralisé d'aides, car les maires ou les présidents d'autorités d'agglomérations sont au coeur du dispositif.

Jugeant indispensable de se donner, ex ante, les moyens d'une évaluation précise, le rapporteur a noté, parmi les déficiences observées dans l'activité de la Délégation interministérielle à la ville, outre une carence dans l'évaluation des politiques, des insuffisances dans les contacts avec les élus.

Après avoir félicité le rapporteur, M. Dominique Braye s'est déclaré favorable à l'instauration d'une « logique de confiance » vis-à-vis des entreprises et à une lutte déterminée contre l'économie parallèle, tout en souhaitant, d'une part, que le régime des ZFU soit prorogé dans les zones où elles existent déjà compte tenu des marges de progression qui restent à conquérir pour remettre ces quartiers à niveau et, d'autre part, que des actions de formation soient menées pour améliorer l'employabilité des chômeurs.

M. Jacques Bellanger a considéré que cette politique ne pouvait réussir que s'il existait une coopération avec les élus, et s'est interrogé sur la possibilité de faire intervenir la région dans le dispositif. Il a estimé que cette politique ne devait pas être interrompue brutalement, mais s'éteindre progressivement dans le cadre d'une sortie « en sifflet », avant de se déclarer dubitatif quant à l'opportunité de conférer au ministère de la ville l'autorité sur les services en charge du logement.

Répondant à une question de M. Bruno Sido, le rapporteur a estimé qu'il était très difficile de déterminer le nombre d'emplois supplémentaires dus à la création des ZFU, tout en se déclarant convaincu que la situation des quartiers qui en ont bénéficié se serait dégradée si les zones n'avaient pas été instituées.

M. Gérard Larcher, président, a enfin considéré que cette politique devait reposer, à l'avenir, sur les concepts de sélectivité, de pérennité, de simplicité de confiance dans le développement économique et sur l'action des élus locaux.

Organismes extraparlementaires - Désignations de membres

Rendant compte de la brève réunion de Bureau tenue avant la réunion de la commission, M. Gérard Larcher, président, a indiqué que le Bureau avait réaffirmé son attachement au principe d'une nomination au sein de la commission des membres des organismes extra-parlementaires qu'il lui incombait de désigner.

La commission a enfin procédé à la désignation, pour être proposés à la nomination du Sénat, de :

M. Francis Grignon en qualité de titulaire et de M. Marcel-Pierre Cléach en qualité de suppléant pour siéger au sein de la Conférence permanente « habitat - construction - développement durable » ;

M. Marcel Deneux en qualité de titulaire et M. Gérard Le Cam en qualité de suppléant pour siéger au sein du Conseil d'orientation de l'observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer, M.  Gérard Le Cam exposant les motifs de sa candidature ;

- et, enfin, MM. Daniel Reiner et Philippe Darniche pour siéger, en qualité de titulaires, au sein de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers.