Premières Rencontres Sociales du Sénat - La santé
Sénat - Palais du Luxembourg - 24 octobre 2005
Table ronde n°4 : « Un financement à géométrie variable »
Participent à la table ronde :
Jean AZEMA, Directeur général, Groupama
Ken DANIS, Président de la Fédération de l'Hospitalisation Privée
Thomas FATOME, Directeur de cabinet du directeur général, CNAMTS
Gilles JOHANET, Délégué du Président chargé des contrats collectifs et des contrats de santé, AGF
La table a été présidée par Alain VASSELLE, Sénateur de l'Oise et animée par Gilles BRIDIER, Consultant, API.doc.
Gilles BRIDIER
Le déficit de l'assurance maladie se situera autour de 6,1 milliards en 2006 et entre 3 et 3,5 milliards d'euros en 2007. Très rapidement, je souhaite vous donner connaissance de quelques grandes masses. Cette année, les dépenses de santé auront dépassé 3 000 euros par Français. Le déficit du régime général devrait atteindre 11,9 milliards d'euros en 2005 et toutes les branches devraient être dans le rouge cette année, ce qui n'a pas toujours été le cas. Toutes les actions de régulations menées entre 1996 et 2004 ont échoué, à l'exception des actions ayant porté sur les antibiotiques.
La réforme Douste-Blazy d'août 2004 a pour but d'enrayer la dérive des dépenses en luttant contre le nomadisme médical et en développant les génériques. Monsieur Vasselle, êtes-vous d'accord avec le ministre Xavier Bertrand lorsque celui-ci indique que « la Sécu va mieux » ?
Alain VASSELLE
La Sécurité Sociale va sans doute mieux qu'elle n'a été. Cependant, je ne sais pas si elle est aujourd'hui au stade de convalescence, au point d'être guérie assez rapidement. L'éventuel équilibre futur dépendra essentiellement du comportement de tous les acteurs, qui par leur comportement peuvent faire infléchir les résultats dans un sens ou dans un autre.
Compte tenu de mes connaissances sur les comptes de la Sécurité Sociale, je ne suis pas en mesure de contester les chiffres avancés par le ministre. Les deux syndicats des médecins qui ont signé la convention considèrent par exemple que les résultats sont au rendez-vous. Par ailleurs, il semblerait que l'objectif d'une économie d'un milliard d'euros contenue dans la convention signée par la CNAM et les professionnels de santé devrait être atteint, voire dépassé.
Gilles BRIDIER
Jean Azéma, quel constat dressez-vous des réformes qui ont été lancées ? Qu'attendez-vous du parcours de soin ? Estimez-vous qu'il est suffisant ?
Jean AZEMA
Groupama a mené une expérience en partenariat avec la Mutualité sociale agricole dans trois départements, pendant un an et demi. Cette expérience associait des médecins volontaires et des sociétaires de Groupama, ces derniers bénéficiant d'un tiers payant à 100 %. Elle avait pour objet d'utiliser le parcours de soin avant d'entreprendre toute autre démarche. Pendant ces 18 mois, nous avons animé des « groupes de progrès » par le biais de médecins, chaque groupe de médecins ayant choisi des axes d'amélioration. A la fin de l'expérience, nous avons constaté un écart de 15 à 20 % des dépenses de soins de ville entre la population traditionnelle et la population qui avait participé aux groupes de progrès.
Au-delà de l'expérience, l'enseignement que nous en tirons est que les acteurs sont à mêmes d'initier des marges de progrès des dépenses de santé lorsqu'ils réfléchissent ensemble. Il était ainsi intéressant de voir que les orientations n'ont pas été données par Groupama mais par les acteurs eux-mêmes.
Au moment où se met en place le parcours de soin au sein de la dernière réforme de l'assurance maladie, nous nous apercevons que la mise en place d'un médecin traitant ne sera pas suffisante. En effet, ce processus doit être animé pour aboutir à de véritables résultats. Cependant, la mise en oeuvre du médecin traitant et du DMP constituent deux éléments qui semblent aller dans le bon sens.
S'agissant de la réforme de l'assurance maladie, j'apporterai deux bémols. Ainsi, il est prévu que l'ensemble des acteurs participe à une véritable concertation sur le pilotage de l'assurance maladie. Or sur les premières décisions qui ont été prises, les assureurs ont été assez peu concertés, ce dont nous nous étonnons. Nous espérons donc que cela ne préjugera pas de l'avenir.
Ensuite, il est nécessaire de préciser un certain nombre d'éléments, afin d'être opérationnels 1 er janvier 2006, aussi bien en assurance individuelle qu'en assurance collective. Ainsi, il ne faut pas oublier que si les contrats d'assurance doivent être modifiés pour qu'ils soient dits « responsables » dans l'esprit du décret, nous sommes toujours en l'attente d'une réponse qui faciliterait la mise en place de la réforme. Il est donc des points qui méritent d'être accélérés ou approfondis, en particulier l'animation des médecins référents.
Gilles BRIDIER
Gilles Johanet, la Fédération française des sociétés d'assurance a estimé que si la réforme était mise en oeuvre, il faudrait réévaluer les contrats entre 6 et 9 %. Maintenez-vous cette perspective ?
Gilles JOHANET
Nous maintenons cette perspective, dans la mesure où elle émane des prévisions que nous pouvons faire. De ce point de vue, nous avons eu un premier échange avec le ministre et nous espérons que d'autres chiffres permettront un examen moins contradictoire, au-delà des propos polémiques qui ont pu être tenus.
Mes constats en tant que citoyen
Nous avons soutenu la réforme, dans la mesure où nous pensons que ses fondamentaux sont bons. Nous acceptons une cohérence de la prise en charge de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance maladie complémentaire. De ce point de vue, le principe même du contrat responsable ne nous choque pas. Cependant, il s'agit d'une réforme inachevée.
En tant que citoyen, je relève que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a développé assez longuement l'approche médicalisée du système de soins, mais également l'approche financière. En revanche, peu a été dit sur une approche économique, c'est-à-dire le fait qu'en France, l'économie de la santé est fondamentalement une économie de rente. Cela signifie que nous subissons une hémorragie financière liée à une certaine quantité d'offre, indépendamment des besoins. Songez par exemple que nous avons 1 500 mammographes en France contre 600 en Grande-Bretagne et 400 en Allemagne.
Ensuite, il manque une vision de moyen terme. Les professionnels de santé vivent aujourd'hui un changement considérable dans leurs relations avec les assurés. Sur ce point, le silence du discours ne facilite pas l'adhésion des professionnels de santé à une politique de maîtrise. J'ajouterai que dans ce domaine, droite et gauche confondus, nous adorons pratiquer l'étapisme. Par exemple, le Code la Sécurité Sociale précise que le médecin traitant ne vaut que pour la commune de résidence.
Mes considérants en tant que Président du comité maladie de la FFSA
Nous trouvons que la réforme est inachevée, notamment dans le partenariat UNCAM-UNOCAM. Ainsi, dans le domaine de la politique conventionnelle, il n'existe toujours pas de lien entre l'UNCAM et l'UNOCAM qui permettrait de confronter les analyses et qui donnerait à l'UNCAM une plus grande marge de manoeuvre.
Au-delà figure un problème de fond, qui porte sur la nature du partenariat entre l'UNCAM et l'UNOCAM. Ainsi, nous sommes d'accord pour dire qu'il doit y avoir une cohérence dans le remboursement, mais cette modulation du reste à charge en fonction du choix individuel des assurés implique naturellement la cohérence de la prise en charge AMO-AMC, mais également la traçabilité des choix. Or nous n'avons pas accès à cette traçabilité : nous sommes toujours des partenaires « aveugles ».
En conséquence, la loi du 13 août porte une grande contradiction : le partenariat existe, mais le partenaire est entièrement à part. En outre, la situation est extrêmement intrigante, puisque l'assurance maladie obligatoire sait à peu près ce qu'elle rembourse, mais elle n'a pas le droit de prioriser ce qu'elle rembourse. A l'inverse, l'assurance maladie complémentaire a le droit de sélectionner, mais pas de savoir ce qu'elle rembourse. Il s'agit donc d'une situation typiquement française où 1+1=0.
Gilles BRIDIER
L'hospitalisation est concernée par la réforme. En tant que représentant de la Fédération de l'Hospitalisation Privée, qu'en pensez-vous ?
Ken DANIS
Gilles Johanet vient de parler de partenariats aveugles. Aujourd'hui, nous sommes au milieu du gué et il nous faut aller de l'avant. Ainsi, nous parlons du déficit de l'assurance maladie, que nous avons tous envie de sauver. En même temps, nous avons du mal à financer ce déficit tous les ans. De plus, la moitié des dépenses d'assurance maladie sont des dépenses hospitalières et ne sont pas mises sous transparence.
Un premier effort a cependant été réalisé. Il concerne la tarification à l'activité, dans laquelle l'hospitalisation privée facture ses séjours en fonction de la nature des soins qui sont pratiqués. Cependant, nous n'avons pas encore clairement le sentiment que l'on est prêt à aller vers la totale transparence. Aujourd'hui, la moitié des dépenses d'assurance-maladie ne sont pas gérées parce que nous ne les connaissons pas. Désormais, il faut établir une différence complète entre les soins, notamment en termes de tarification.
A côté de cela, tous les établissements doivent remplir d'autres missions, comme la recherche, l'enseignement ou l'aide à la précarité. Ces missions doivent être listées et décrites, afin de leur donner un tarif. Ceci permettra d'aboutir à un système concurrentiel et transparent, c'est-à-dire le seul moyen de gérer la moitié des ressources d'assurance maladie. En résumé, la réforme est très intéressante, mais elle demeure très inachevée
Gilles BRIDIER
Thomas Fatome, quel constat la CNAMTS tire-t-elle de la réforme ?
Thomas FATOME
Si la réforme avait été une réponse définitive aux difficultés rencontrées par le financement de la Sécurité Sociale, ses auteurs auraient eu le prix Nobel d'économie. Aujourd'hui, nous sommes inscrits dans un retour vers l'équilibre au prix d'efforts considérables, sans commune mesure avec les efforts entrepris dans les plans précédents.
Ensuite, nous voyons aujourd'hui que le parcours de soin se met en place. Les dépenses de soins de ville suivent désormais un rythme extrêmement modéré, autour de 2 % pour l'année 2005. Des indicateurs montrent ainsi une véritable évolution. Par conséquent, il convient de donner du temps à la réforme.
Par ailleurs, je tiens à revenir sur le partenariat UNCAM-UNOCAM. Ainsi, la convention médicale a été signée en janvier, à un moment où l'UNOCAM n'était pas encore créée. Ensuite, la loi fixe un cap pour la collaboration entre les deux institutions. Enfin, sur le dentaire comme sur les discussions en cours pour le secteur optionnel des chirurgiens, l'UNCAM a saisi l'UNOCAM de ses propositions et elle attend avec beaucoup d'intérêt un retour de sa part. En résumé, nous sommes partisans d'un dialogue à partir du moment où le deuxième partenaire est là et où le troisième partenaire est d'accord pour discuter. Cependant, il est exact qu'il s'agit d'une véritable rupture dans le paysage pour tous les acteurs.
Gilles BRIDIER
Récemment, nous avons appris que des mesures d'économie supplémentaires permettraient de rapporter 1,1 milliard d'euros en 2006. S'agit-il d'un premier pas vers l'application générale du tarif forfaitaire de responsabilité ?
Thomas FATOME
Des discussions sont actuellement en cours sur ces sujets. L'assurance maladie souhaite promouvoir les médicaments à leur juste prix, pouvoir valoriser l'innovation et consacrer son financement à des médicaments utiles. Elle est également désireuse de construire une dynamique de long terme avec les professionnels, notamment les pharmaciens.
Gilles BRIDIER
Ce matin, André Vacheron a indiqué que les soins sont aujourd'hui perçus par l'opinion publique comme des produits de consommation gratuits. Jean Azéma, sur la base de votre expérience, que faudrait-il mettre en place pour construire un mode de financement pérenne ?
Jean AZEMA
Si la solution était si simple, nous n'aurions pas attendu cette table ronde pour la fournir... Plus fondamentalement, l'objectif que nous devons viser est l'efficience de chaque euro dépensé. Au-delà, la maîtrise des dépenses est effectivement un axe de travail. Il convient donc de se poser la question du pilotage. Il me semble que la capacité de rapprocher les données entre les prescriptions et les résultats est essentielle.
Ensuite, l'efficience a pour objectif de mesurer la qualité des prestations délivrées par l'assurance maladie et les différents acteurs. Si nous recherchons une efficience, il faut bien évidemment rechercher la performance. Je crois que nous devons véritablement travailler sur la performance du système d'assurance-santé, son pilotage et la mesure de son efficacité.
Gilles BRIDIER
Gilles Johanet, quel socle permettrait de bâtir une politique de financement des soins compatible avec l'évolution de la démographie et l'évolution des besoins ?
Gilles JOHANET
Je tiens par avance à m'excuser du caractère provoquant de ma réponse. Je pense ainsi que le seul engagement qu'il conviendrait de prendre serait de ne pas augmenter le financement. En Allemagne, la réforme d'Ulla Schmidt vise explicitement à ce que la cotisation consolidée sur le salaire passe de 16,5 % à 15%. En France, il faut reconnaître et qu'elle est d'ores et déjà passée de 21 à 23 % du salaire. Je ne crois pas que les techniques du financement soient en cause, mais bien l'efficience.
Nous entendons dire ici et là que la densité d'IRM est faible en France. Dans le privé, un IRM fait 13 000 actes par an contre 5 000 dans le public. Ne conviendrait-il pas d'améliorer la rentabilité du capital dans le public ? Par conséquent, je suis circonspect quand on me parle d'augmenter le financement, dans la mesure où nous sommes là dans les rendements décroissants.
Gilles BRIDIER
A votre avis, si le financement est consolidé, c'est-à-dire non augmenté, porte-t-on atteinte à la solidarité ?
Gilles JOHANET
C'est l'exact contraire. Plus nous augmentons le financement, plus le gaspillage s'accompagne de pénurie et plus la pénurie est connotée socialement. En effet, notre système est opaque et nous sommes incapables de maintenir le niveau d'égal accès aux soins que nous avions il y a vingt ans.
Gilles BRIDIER
Ken Danis, vous avez expliqué que les cliniques privées assurent 60 % des actes chirurgicaux en France. Afin de consolider le financement des soins, quelles mesures devraient être prises au niveau de l'hospitalisation ?
Ken DANIS
Il faut mettre sous transparence pour mieux gérer. Aujourd'hui, nous demandons de plus en plus d'efforts aux Français, qui devront payer 18 euros pour chaque hospitalisation. Or en matière d'hospitalisation nous ne savons pas ce qui est produit établissement par établissement en contrepartie des sommes investies. Devant la gravité du problème, clarifions d'abord les euros utilisés.
Gilles BRIDIER
Vous défendez dans un ouvrage le concept d'« hôpital entreprise ». Pouvez-vous expliciter ce concept, qui est souvent mal perçu par le public ?
Ken DANIS
Je pense que les comportements ont considérablement évolué. Ainsi, il y a dix ans, il était particulièrement iconoclaste de parler de gestion et de santé. Ensuite, le fait de gérer la santé diminuera-t-elle sa qualité ? Assurément, non. Si les cliniques privées assurent 60 % des actes chirurgicaux en France, c'est bien parce quelque les Français ont le sentiment que la qualité des soins n'y est pas mauvaise.
Ensuite, si nous allons très clairement dans la gestion des dépenses hospitalières, il faut également développer une politique de mesure très précise de la qualité. Ainsi, nous nous préparons actuellement à favoriser la mesure de la qualité des soins produits dans nos établissements, non pas par la mesure des moyens mis à disposition, mais par la mesure des résultats médicaux produits.
Gilles BRIDIER
Thomas Fatome, pouvons-nous imaginer consolider le financement, dans la mesure où nous nous sommes dans un contexte de vieillissement de la population et donc de coût de la santé de plus en plus élevé ?
Thomas FATOME
Il n'existe pas de trésor caché : il n'existe pas des ressources qui n'auraient pas été sollicitées à un moment ou à un autre par un gouvernement. En conséquence, il faut tuer le mythe de l'existence d'autres sources de financement, sauf à durablement augmenter les prélèvements obligatoires.
Notre responsabilité consiste justement à travailler sur l'efficience, c'est-à-dire nous assurer que la dépense d'assurance maladie est utile pour la santé du patient. Par exemple, nous avons ciblé des assurés malades chroniques qui consommaient le médicament princeps alors qu'il existait un générique. A la suite d'un courrier que nous leur avons adressé pour leur expliquer la situation et leur demander d'en parler à un médecin, entre 30 et 50 % des patients ont changé leur comportement dans le mois suivant.
Par conséquent, il existe des marges de manoeuvre considérables. Ensuite, si nous nous rendons compte que nous voulons financer un tissu hospitalier et un tissu libéral extrêmement denses, il faudra avoir un débat collectif sur la santé. Toutes les études convergent pour dire que moins de 15 % de l'amélioration de l'espérance de vie tient à l'argent mis dans le système de santé.
Le message que porte l'assurance-maladie consiste à agir sur la dépense pour nous assurer qu'elle est utile.
Gilles BRIDIER
Nous entendons bien vos propos. Cependant, il convient de prendre des décisions, qui tardent cependant à être effectuées.
Thomas FATOME
En 2005, le gouvernement a pris ses responsabilités de dérembourser 156 médicaments. Or au regard des changements de comportements, cette décision est bien difficile à prendre.
Gilles BRIDIER
Lorsqu'il y a de grandes pathologies comme celles liées à la dépendance, comment allons-nous les financer ? Lesquelles faudra-t-il privilégier ? Qui prendra ces décisions ? Quand ?
Thomas FATOME
Encore une fois, il s'agit de faire des choix. Dans le cas d'une personne âgée de 80 ans qui a un cancer et dont l'espérance de vie est limitée, les Anglais se demandent s'il faut opérer ou non. En France, nous avons fait le choix de ne pas nous poser cette question et d'opérer. Si nous voulons garder cette solidarité, efforçons-nous d'avoir des dépenses réellement efficaces.
Gilles BRIDIER
Jean Azéma, qu'attendez-vous de la part des pouvoirs publics ?
Jean AZEMA
Nous souhaitons que l'esprit de la réforme soit bien respecté dans la concertation nécessaire et dans l'évolution des réglementations qui nous seront appliquées. Au-delà de la réforme en cours, l'Etat est garant de l'accès au soin pour tous. Pour autant, l'Etat n'est pas forcément le mieux placé pour tout gérer. Ainsi, nous gagnerions à introduire une mesure de la qualité et de l'efficience. Ensuite, il s'agit éventuellement d'introduire un certain nombre de règle de concurrence dans l'organisation du système de soin qui est aujourd'hui extrêmement monolithique.
Gilles JOHANET
Je partage l'avis de Jean Azéma. L'affaire des 18 euros nous conduit à émettre des souhaits simples. Ainsi, je souhaite que les décisions financières qui nous impactent soient discutées de manière informelle. Aujourd'hui, nous ne savons pas combien coûte l'affaire des 18 euros aux complémentaires. De fait, cette période de latence n'est bénéfique pour personne.
Gilles BRIDIER
Ken Danis, souhaitez-vous que le marché soit plus régulateur du système de santé ?
Ken DANIS
Je pense que l'Etat doit être le garant de l'accès de tous aux soins. Pour autant, je demande que nos gouvernants aillent encore plus loin dans la réforme engagée et mettent le plus rapidement possible les dépenses hospitalières sous totale transparence. Je demande qu'ils continuent à accréditer l'idée que l'on peut parfaitement parler de gestion et de santé de manière transparente. Enfin, je suis convaincu qu'à côté de cette transparence, l'autre mot important est la concurrence.
Gilles BRIDIER
Sénateur Vasselle, pouvez-vous nous livrer une conclusion provisoire ?
Alain VASSELLE
Il est difficile de réformer la Sécurité Sociale à un rythme aussi rapide que le souhaiteraient les différents intervenants. Ceci nécessite une véritable volonté politique, afin de veiller à ce que l'administration ne tourne pas au ralenti. L'objectif de transparence et de sincérité émis par le Parlement est donc partagée par le gouvernement, mais à une vitesse moindre.
Les objectifs de sincérité et de transparence
Cependant, il ne faudrait pas donner le sentiment que nous bâclons cette réforme. Il s'agit de concilier et de rendre compatibles les intérêts de ceux qui défendent un système permettant aux complémentaires de jouer un rôle plus important, tout en veillant à ce que la solidarité nationale ne laisse pas sur le bord du chemin un certain nombre de patients.
Le Parlement a démontré sa volonté d'aller en avant dans le domaine de la sincérité et de la transparence. De fait, tant que nous ne savons pas très bien qui fait quoi et comment, il est difficile d'engager la réforme. Par exemple, la CNAM paye aujourd'hui complètement à l'aveugle les factures des hôpitaux.
Les avancées permises par les dispositifs législatifs
Grâce à la réforme d'août 2004 et à la loi organique, nous avons donné des moyens juridiques supplémentaires à la CNAM pour mener des investigations. De plus, la Cour des comptes certifiera désormais les comptes de la Sécurité Sociale. Ensuite, nous allons examiner le budget en plusieurs parties :
· l'exercice clos ;
· l'exercice en cours ;
· l'exercice futur, avec les volets recettes et dépenses.
Ensuite, l'Etat a aussi un problème de crédibilité. Ainsi, le gouvernement Jospin a décidé d'accélérer le rythme des allègements de charge, mais a publié d'assurer la compensation de ces allègements. Il a ainsi fallu que je me batte pour sensibiliser Bercy sur la nécessité de respecter les engagements qui avaient été pris dans la loi de 1994. Ensuite, les 35 milliards d'euros de déficit que nous avons redonné à la CADES en 2004 correspondent pour 25 milliards d'entre eux aux recettes perdues par la Sécurité Sociale sur les allègements de charges. Or si nous voulons que les Français jouent le jeu, l'Etat doit d'abord être vertueux dans la gestion des comptes.
L'avenir du système de santé
Ensuite, nous cherchons une meilleure efficience des soins et des intervenants. Il est vrai que des marges de manoeuvre considérables existent et que nous sommes incapables de mesurer l'effet à plein de la réforme du plan Hôpital 2007. Il faudra d'ailleurs compléter cette réforme pour nous permettre d'aller plus loin.
Il existe donc un certain nombre de pistes qui nous permettront d'aller plus loin. Je rappelle néanmoins nous avons réussi à atténuer la progression des dépenses en médecine de ville. Néanmoins le niveau des dépenses est de deux points supérieur au niveau des recettes de la Sécurité Sociale. Je pense pour ma part qu'il est possible de conserver une bonne qualité de soin à moyens constants.
Certains ont indiqué que le déremboursement de plus de 150 médicaments est lié au fait que le Haut Conseil a considéré que leur service médical rendu était insuffisant. D'aucuns ont alors conclu que ces médicaments n'avaient pas d'utilité et qu'ils pouvaient être classés au rang des placebos. Or ceci est erroné : ces médicaments rendent un service, mais le régime de base ne peut pas tout supporter. Ainsi, nous concentrons l'essentiel de nos moyens sur le financement des pathologies lourdes. Il ne s'agit donc pas de supprimer l'accès à des médicaments, mais de répartir différemment la charge de la dépense.
Débat avec la salle
De la salle, une représentante de la Mutualité de la fonction publique
Vous avez évoqué les éléments suivants :
· l'amélioration de la transparence ;
· la réduction des dépenses de santé ;
· la rationalisation et amélioration des soins
· l'introduction de la concurrence ;
· le développement de partenariats publics-privés pour les hôpitaux.
Or il s'agit là des objectifs fixés par Tony Blair dans le cadre de la réforme du système anglais. Sommes-nous obligés de mettre en place moins de solidarité pour sauver le système français ?
Ken DANIS
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'être moins solidaires pour dépenser moins. Nous avons tous le devoir de rechercher à utiliser de la manière la plus efficiente possible les sommes gigantesques qui sont mises à la disposition des Français. Je ne pense pas qu'un seul des intervenants ait fait part de sa volonté de diminuer la notion d'accès aux soins. Pour autant, nous avons tous la certitude que les sommes qui sont mises en jeu dans le financement des soins sont utilisées au mieux.
Thomas FATOME
Il existe beaucoup de différences entre le système français et le système anglais, notamment sur le pourcentage de PIB que les Anglais investissent dans leur système de santé. Ainsi, les Anglais investissent deux points de PIB de plus que nous, sur une base organisationnelle très différente, afin de combler leur retard.
Alain PRUAL, praticien hospitalier
D'abord, je souhaiterais savoir pourquoi aucun représentant de la Fédération Hospitalière de France (FHF) n'est présent à la tribune.
Alain VASSELLE
La Présidence du Sénat a invité la FHF il y a quatre mois, mais elle a considéré avoir été prévenue trop tardivement pour pouvoir être disponible aujourd'hui.
Alain PRUAL
Ensuite, je souhaite vous faire part de quelques remarques. La réforme de la T2A n'a pas été évoquée au cours de cette journée alors qu'elle se passe très mal au sein des hôpitaux publics. Vous avez également indiqué qu'il fallait accélérer le taux de financement à l'activité, alors même que les directeurs des établissements nagent à vue actuellement, puisqu'ils ne savent pas quel sera le pourcentage de la T2A l'année prochaine.
De plus, nous n'avons pas évoqué la mise en place de la CCAM tarifiante. Enfin, je m'inscris en faux vis-à-vis des propos de Monsieur Bridier, lorsque celui-ci indique que le privé est plus efficient le secteur public. En effet, il manque des données pour pouvoir établir des comparaisons.
Gilles BRIDIER
Je parlais uniquement du financement et des coûts.
Ken DANIS
La direction des hôpitaux et de l'organisation des soins clairement a indiqué dans une circulaire de février 2005 que le secteur public était plus coûteux que le secteur privé.
Alain PRUAL
Vous avez également parlé de transparence, mais il convient de remarquer que les données des hôpitaux publiques sont particulièrement transparentes et accessibles, notamment le budget et l'activité PMSI.
Enfin, je tiens à conclure en évoquant la réforme de la T2A et les capacités d'amélioration de la rentabilité des hôpitaux. Les hôpitaux peuvent naturellement être mieux gérés. Cependant, rappelons tout de même que 80 % du budget des hôpitaux sont consacrés aux salaires. Le directeur a donc une marge de manoeuvre très faible de 20 %. Les mesures d'économies possibles sont donc extrêmement limitées.
Alain VASSELLE
S'agissant de la T2A, il est trop tôt pour titrer des conclusions. Cependant, un manque de lisibilité est patent dans ce domaine. Je crois néanmoins que le gouvernement est décidé à faire afficher des tarifs pour l'année 2006. Pour l'année 2005, la baisse des tarifs pour certains actes a résulté de la parution du décret définissant le MIGAC. L'année 2006 sera mise à profit pour caler le périmètre des dépenses entre ce qui ressort de la tarification à l'activité et ce qui ressort des missions d'intérêt général. Ce n'est qu'à partir de là que nous pourrons entamer la construction de la convergence entre les tarifs des hôpitaux publics et ceux des hôpitaux privés
Quant à la transparence, tout le monde peut avoir accès au budget de l'hôpital. Cependant, le problème n'est pas là. Ainsi, la construction du budget varie d'un établissement à l'autre sur l'ensemble du territoire national. Il convient donc d'harmoniser les procédures pour pouvoir comparer les dépenses des hôpitaux publics entre eux avant de pouvoir les comparer avec celles des hôpitaux privés.