Premières Rencontres Sociales du Sénat - La santé
Sénat - Palais du Luxembourg - 24 octobre 2005
L'opinion des Français sur le système de santé
Présentation du sondage CSA
Stéphane ROZES, Directeur, CSA Opinion
Nos compatriotes sont historiquement attachés à leur système de santé. Le Sénat a demandé à l'institut de sondage CSA de produire une étude au moment où la réforme bouscule les Français. Ces derniers demandent de conserver les fondamentaux de notre système, tout en l'adaptant. Le Sénat nous a donc demandé de faire le point, d'abord sur les questions d'information, puis sur les questions d'attitude.
I. Le niveau d'information des Français en matière de santé
Le Sénat a souhaité faire un point sur le niveau d'information des Français en matière de santé, tant il est vrai que le patient doit être coeur du dispositif de la réforme actuelle. Nous avons donc commencé par demander aux personnes interrogées si elles se considéraient très bien informées, assez bien informé, assez mal informé ou très mal informé sur plusieurs aspects.
Environ, 68 % des Français ont le sentiment d'être bien informés sur le parcours de soin. La variable essentielle entre nos compatriotes n'est ni sociale, ni géographique. Elle porte essentiellement sur l'âge et les rapports avec le système de soins. Ainsi, les plus âgés nous disent à 74% qu'ils maîtrisent bien le système de soins contre 58 % chez les plus jeunes. De fait, plus l'on est au contact du système de soins, plus l'on maîtrise réellement l'ensemble du parcours de soin.
Ensuite, 67 % des Français s'estiment bien informés sur la qualité des soins pratiqués dans les différents hôpitaux, cliniques et centres de soins. Là encore, la variable d'âge est la variable la plus décisive. Enfin, 60 % des Français indiquent qu'ils maîtrisent les spécialités pratiquées dans les différents hôpitaux, cliniques et centres de soins. Ici, les réponses sont plus clivées socialement.
En résumé, les Français estiment globalement disposer d'une bonne information, qui est relativement bien partagée socialement et spatialement.
II. L'attitude des Français face au système de soin
1. Le lien entre les revenus et la qualité des soins reçus
Les Français sont d'accord à 71 % avec l'affirmation suivante : « On est mieux soigné lorsque l'on dispose de revenus importants ». Cela signifie qu'ils craignent qu'il puisse y avoir des différences de soin selon la situation sociale.
Si cette position n'est pas nouvelle, l'inquiétude d'une santé à deux vitesses émerge. Dans le détail, ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus aisées qui sont les plus inquiètes, là où les catégories populaires sont un peu plus confiantes. Ainsi, les catégories populaires, qui objectivement ont le plus profité des progrès médicaux voient plus le système de soin comme un correcteur des inégalités économiques et sociales. Ne pensez pas que ce paradoxe apparent soit propre au système socialisé de santé, il se retrouve également au niveau de l'Education nationale.
2. Pour une pénalisation des « gaspilleurs » ?
Le CSA a posé une question volontairement dure aux personnes interrogées : « Certains estiment que l'assurance maladie ne devrait plus prendre en charge les personnes qui mettent en danger leur santé, notamment en fumant, en mangeant trop, en buvant ou en ayant des comportements à risques. Sur ce sujet, quelle est votre opinion ? ».
Il existe effectivement des comportements à risques. Ainsi, les Français ont souvent tendance à penser que le gaspilleur, c'est l'autre. Cependant, 67 % des Français estiment que l'assurance maladie doit continuer à prendre en charge tous les assurés, quel que soit leur comportement. Cela signifie qu'un tiers des Français ont le sentiment qu'à terme, le système étant lui-même en difficulté, il faudrait pénaliser fortement les assurés qui mettent le système en danger. A cet égard, les personnes âgées sont les plus sévères : tout se passe comme si la dépendance au système montrait un attachement vital et la prise de conscience que tout n'est pas possible.
3. La fermeture ou le maintien des services hospitaliers
En matière d'avenir des services hospitaliers, les Français sont très partagés. Ainsi, 48 % d'entre eux sont favorables à maintenir ouverts tous les services des hôpitaux de proximité comme la maternité ou la chirurgie, mais avec une qualité de service moins bonne. En revanche, 43 % des Français se prononcent en faveur de la fermeture de certains services des hôpitaux de proximité comme la maternité ou la chirurgie au profit d'établissements plus éloignés, mais avec une meilleure qualité de service.
Les Français qui sont favorables au maintien des hôpitaux se retrouvent dans les catégories populaires, parmi les ruraux et ils sont idéologiquement plutôt des sympathisants de gauche que des sympathisants de droite. A l'inverse, on retrouve une plus grande proportion de personnes favorables à la fermeture chez les femmes, les 50-64 ans, les CSP +, les urbains, plus chez les sympathisants de droite que chez les sympathisants de gauche.
4. La réaction des Français face à un scénario catastrophe de disparition de la Sécurité Sociale
Nous avons essayé de comprendre l'arbitrage pratiqué par nos compatriotes entre la qualité d'une part et le coût, d'autre part, en leur posant une question volontairement provocante : « S'il n'y avait plus de Sécurité Sociale dans cinq ans, quelle serait votre réaction ? » . Dans le cadre de ce scénario imaginaire, 51 % des Français utiliseraient les services d'une mutuelle, quitte à payer plus cher et continueraient à aller chez le médecin comme aujourd'hui, mais sans être remboursés.
Pour les parents, entre la qualité et le coût, la qualité prime nécessairement, et ce plus fortement chez les catégories supérieures, qui pensent pouvoir se permettre un tel arbitrage. Cependant, même dans les catégories populaires, l'arbitrage est favorable à la qualité.
Ensuite, 21 % des Français affirment qu'ils diminueraient leurs achats de médicaments et ils indiquent dans la même proportion qu'ils éviteraient d'aller chez le médecin. Il n'est pas surprenant de constater que les catégories populaires sont les plus nombreuses à aller vers ce type d'arbitrage. En outre, la variable sociale joue d'ailleurs plus que la variable spatiale. Ceci est sans doute lié au fait que la qualité de la couverture de notre système de soins est très grande.
En conclusion, les Français sont attachés à leur système de soin et ont le sentiment que le niveau d'information est satisfaisant. Une étude que nous avons réalisée pour France 3 a également montré que la deuxième préoccupation des Français portait sur le système de santé. Ainsi, les Français estiment que le modèle social français est devenu une espèce de droit-créance. En même temps, les Français ont beaucoup évolué dans leurs attitudes. Il y a dix ans, nos compatriotes ne pensaient pas que notre système de santé devait se réformer pour pouvoir se pérenniser. Aujourd'hui, cela n'est plus le cas. Simplement, les Français semblent être favorables à une réforme synonyme de pérennisation, mais ils s'opposent à toute atténuation du principe de solidarité.
André VACHERON
Je crois que les Français ont pris conscience que nous ne pouvons plus continuer comme il y a dix ans. Ils sont conscients du danger d'une médecine à deux vitesses, si nous n'y prenons pas garde. Ceci est un gage de succès pour la réforme.