RENCONTRES SÉNATORIALES DE LA JUSTICE
Palais du Luxembourg - Mardi 8 juin 2004
DEUXIEME TABLE RONDE
LA JUSTICE PENALE DES MINEURS : UN MAILLON FAIBLE ?
I - Un maillon exposé
II - Un maillon perfectible
Débats animés par :
Mme Laure de Vulpian,
journaliste à France Culture
Avec la participation de :
M. Jean-Claude Carle,
Sénateur de Haute-Savoie, rapporteur de la Commission d'enquête consacrée à la délinquance des mineurs
M. Dominique de Legge,
Délégué Interministériel à la Famille
M. Yvon Tallec,
Chef de la section des mineurs du Parquet du Tribunal de Grande Instance de Paris
Mme Sylviane Holtz-Deseez,
Présidente du Tribunal pour Enfants de Nanterre
M. Patrick Ardid,
Président du Tribunal pour Enfants de Toulon
M. Jean-Louis Daumas,
Directeur de la région Picardie de la Protection judiciaire de la Jeunesse
Mme Catherine Pouliquen,
Directeur de projets à l'association Les Nids
et le témoignage de :
M. Bernard Plasait,
Sénateur de Paris
M. Robert Bret,
Sénateur des Bouches-du-Rhône
M. Philippe Nogrix,
Sénateur d'Ille-et-Vilaine
Mme Laure de VULPIAN, modérateur, journaliste à France Culture -
Bonjour à tous. Notre après-midi sera consacrée à la justice des mineurs. Vous savez que la délinquance, et particulièrement celle des plus jeunes, est une question qui est inscrite de manière centrale dans le débat politique depuis plusieurs années et qu'elle a été particulièrement d'actualité au cours de la dernière campagne présidentielle.
Une commission d'enquête sénatoriale s'est penchée sur cette question et le rapport Schosteck-Carle, publié en juin 2002, décrit le phénomène de la délinquance juvénile.
Pour reprendre les termes du rapport, la commission a observé une « massification » de la délinquance qui a beaucoup évolué à la hausse. Les chiffres le prouvent. Parmi ses caractéristiques maintenant bien repérées, on peut dire qu'elle est devenue beaucoup plus violente qu'avant (les coups et blessures volontaires, les viols et les destructions de biens sont particulièrement en hausse). C'est aussi une délinquance plus précoce. Ce rajeunissement de la population délinquante s'observe en particulier chez les moins de 13 ans et parfois même chez les 8-12 ans. Vous noterez au passage cette observation de la commission selon laquelle, plus la délinquance est précoce plus les actes s'aggravent.
La délinquance est aussi plus concentrée sur une population qui semble constituer un noyau. 80 % des délinquants ne passeraient à l'acte qu'une fois. Cela signifie que 20 % d'entre eux seraient des réitérents, dont la moitié seulement serait des multirécidivistes. Le sociologue Sébastian Roché a développé une théorie selon laquelle 60 à 85 % des infractions sont commises par 5 % des délinquants. Selon lui, il ne s'agit pas de « noyaux durs" mais plutôt de « noyaux suractifs ».
Enfin, la délinquance est territorialisée, c'est à dire que la notion de bande s'efface devant celle de territoire.
D'un point de vue psychosociologique, il s'agit d'une délinquance d'exclusion ou d'« absence d'être », selon le psychologue Jean-Pierre Chartier, entendu par la Commission.
Auparavant, on repérait une délinquance initiatique et une délinquance pathologique. Aujourd'hui, on peut dire qu'elle touche plutôt des jeunes issus de groupes familiaux désinsérés, marqués par une culture de survie et de précarité.
Certaines familles vivent même dans l'illégalité, ce qui conduit les jeunes à la déviance et à la délinquance. Parallèlement, l'explosion des trafics, notamment de cannabis, a renforcé la ghettoïsation de certains quartiers.
Qui sont les mineurs délinquants ?
Ce sont plutôt des garçons (à 88 %). Ils sont souvent des victimes eux-mêmes avant d'être des auteurs. Ainsi à 80 %, les victimes d'actes de délinquance sont des mineurs.
En général, leur état sanitaire est déplorable. Beaucoup ont de sérieux problèmes de comportement et des conduites addictives. Enfin, selon la Commission, ils sont surreprésentés chez les jeunes issus de l'immigration.
Malgré ce constat très lourd et en dépit des appels à plus de sécurité et plus de répression, le rapport Schosteck-Carle n'a pas conclu à une remise en cause de l'ordonnance de 1945, mais au contraire, les auteurs affirment qu'elle doit être maintenue. La Commission ne dit pas non plus que la Justice est laxiste pour les mineurs mais erratique. En revanche, elle postule fortement qu'il faut réconcilier éducation et sanction, c'est-à-dire sanctionner en éduquant et éduquer en sanctionnant.
La Justice est peut-être un des outils de lutte contre la délinquance, mais elle ne peut pas tout résoudre seule, puisqu'elle est le dernier maillon de la chaîne ; elle intervient le plus souvent quand il est déjà trop tard.
En amont, il existe une multiplicité de maillons qui, chacun, auraient dû -mais n'ont pas pu- empêcher le passage à l'acte délinquant. Ces maillons sont : la famille, l'éducation, la santé, la politique de la ville et la prévention en général.
Or, si l'un des maillons fait défaut, la difficulté se reporte sur le suivant. La Justice, qui intervient en bout de chaîne, se trouve donc soumise à une pression et à une demande inflationnistes. C'est pourquoi, la Justice n'est pas parfaite ; c'est aussi pourquoi elle est perfectible, et nous nous pencherons longuement sur ce point.
Cette table ronde sera donc consacrée uniquement au traitement de la délinquance des mineurs, vue dans ses aspects judiciaires et politiques. Nous évacuerons volontairement les aspects policiers et sociaux, peut-être aussi par manque de temps.
Nous verrons d'abord que « la Justice apparaît comme un maillon faible et exposé », qu'elle est mise en difficulté, voire en échec par un certain nombre de facteurs repérés par les membres de la commission : les stupéfiants, les troubles du comportement et les mineurs étrangers isolés.
Ensuite, nous verrons que ce maillon faible est « perfectible ». Ainsi, des améliorations sont déjà intervenues depuis la publication du rapport, notamment sur proposition de la commission d'enquête sénatoriale, mais il reste encore beaucoup à faire.
Pour commencer, cette affirmation un peu à l'emporte pièce ou provocatrice :
« La justice des mineurs, un maillon faible »
* * *
I. UN MAILLON EXPOSÉ
La Justice, on lui demande tout et son contraire : aller vite et prendre son temps, être un outil de prévention et de répression, individualiser et être productive. Tous ces paradoxes ne sont pas faciles à gérer.
Un maillon faible et exposé, en particulier dans les trois domaines cités et que nous allons détailler point par point : les stupéfiants, les troubles du comportement et les mineurs étrangers isolés.
Je rappellerai au passage que la Commission s'est prononcée contre la dépénalisation du cannabis.
Mineurs et stupéfiants
On constate une explosion des trafics dans les cités, notamment du trafic de cannabis.
La lutte contre ces trafics est nécessaire, sachant qu'ils constituent une économie parallèle qui favorise la création de zones de non droit où plus personne ne va (ni la Police, ni les pompiers, ni les médecins).
Enfin, on constate qu'il y a lien évident entre consommation de stupéfiants et délinquance. La question la plus embarrassante qui se pose est la suivante : que faut-il faire des consommateurs ?
Yvon Tallec, sur l'ampleur de ce phénomène et sur les moyens de lutte, que peut-on dire, comment la Justice se protège-t-elle contre ce facteur aggravant qu'est l'usage de stupéfiants ?
M. Yvon TALLEC , Chef de la section des mineurs du Parquet du Tribunal de Grande Instance de Paris -
D'abord, nous n'avons pas à nous protéger contre ce phénomène, nous avons à le traiter. Il faut savoir comment, au niveau d'un Parquet, nous sommes informés des affaires dans lesquelles il y a une logique de consommation de stupéfiants.
Tout à l'heure, vous avez un peu rapidement indiqué que l'on évacuait l'aspect policier. Je voudrais rappeler que la Justice intervient dans une chaîne. Il est donc absolument inconcevable que nous puissions déterminer des actions et répondre à des procédures sans avoir une politique partenaire avec notre principal fournisseur d'affaires qu'est la Police.
Mme Laure de VULPIAN -
Je parlais de notre débat.
M. Yvon TALLEC -
Nous essayons avec les services de Police et nos correspondants de sensibiliser lesdits services à la problématique des stupéfiants.
Assez paradoxalement, alors que le phénomène de stupéfiants est important, nous avons peu de procédures concernant des mineurs usagers.
En fait, au-delà d'un certain nombre de procédures classiques de vols, de violences, il nous faut détecter ce qui renvoie à une problématique de stupéfiants. Nous le faisons de différentes façons, en particulier pour les primo délinquants, par le recours aux délégués du Procureur extrêmement sensibilisés aux affaires de vols, dégradations et violences légères et à la possibilité d'explication de l'infraction par un problème de dépendance aux stupéfiants.
Pour les mineurs primo délinquants, en cas de problème de consommation -majoritairement de cannabis-, nous orientons par l'intermédiaire des délégués vers des structures spécialisées. A Paris, nous avons la chance d'avoir trois structures spécialisées qui accueillent ces mineurs. Le délégué, après un classement sous condition, procède aux vérifications auprès du mineur et de sa famille. Lors de ces auditions devant le délégué, souvent les parents évoquent cette crainte ou leur connaissance de cette problématique de stupéfiants.
Nous orientons donc les mineurs et leur famille vers ces structures. Si une situation de danger se révèle à l'issue des entretiens menés dans ces structures, nous y répondons par la saisine du juge des enfants sur le plan du danger et non pas au pénal.
S'agissant de la consommation proprement dite, nous avons des procédures simples que nous traitons par une double approche dont je viens d'évoquer l'un des aspects : la possibilité d'orienter, s'il y a une installation peu marquée dans la délinquance, vers une structure spécialisée. Par contre, si la consommation devient révélatrice d'une situation de danger pour le mineur, nous envisageons, parfois après une enquête complémentaire confiée à la brigade des mineurs, de saisir le juge des enfants en assistance éducative.
Lorsque les faits sont répétés, il nous arrive de saisir le même juge des enfants mais sur la base de l'infraction pénale. C'est assez rare, mais nous ne nous privons pas de cette possibilité.
Voilà, pour l'ensemble de nos réponses aux procédures elles-mêmes.
Nous travaillons en partenariat très étroit avec les services confrontés à cette problématique, notamment l'Education nationale. Sur Paris, nous menons avec eux des actions ponctuelles et une grande sensibilisation dans les établissements, à la fois des personnels éducatifs et sociaux, à la détection des situations à risque.
Il est vrai que tout problème de consommation débutante ne doit pas obligatoirement être réglée par la Justice. Il y a beaucoup d'institutions avant la Justice. C'est peut-être ce qu'il faut promouvoir dans le débat d'aujourd'hui. Nous sommes un maillon comme vous l'avez dit, et notre maillon sera d'autant plus faible que nous serons le seul. Mais si dans la chaîne de partenariat, la sensibilisation est forte et que des actions sont menées, nous n'aurons à traiter que les cas les plus lourds.
Mme Laure de VULPIAN -
Peut-on mesurer l'ampleur des conduites d'usage de cannabis ?
M. Yvon TALLEC -
En statistiques, je pense que non.
Mme Laure de VULPIAN -
Est-ce répandu ?
M. Yvon TALLEC -
C'est un travail qui commence à se faire, nous n'avons pas encore de données chiffrées précises. Ce qui remonte des établissements scolaires est que l'usage du cannabis est généralisé dans tous les types d'établissements. Pendant de nombreuses années, il y avait des zones à risque. Aujourd'hui, nous avons un partenariat autant avec le secteur public qu'avec le secteur privé. Tous les établissements scolaires sont confrontés à cette problématique, d'où l'importance des politiques de prévention.
Mme Laure de VULPIAN -
Patrick Ardid, en tant que juge des enfants à Toulon, quel genre de mesures prenez-vous pour les petits consommateurs et ceux qui se livrent à des trafics ?
Patrick ARDID , Président du Tribunal pour Enfants de Toulon -
Je tiens à préciser que nous n'avons que très peu de procédures pénales, et même en assistance éducative, relatives à des mineurs qui consomment ou revendent des stupéfiants. A cet égard, on peut être surpris quand on connaît l'ampleur du phénomène.
Pour mémoire, j'ai été jusqu'il y a deux ans juge d'instruction, spécialisé en matière de trafics de stupéfiants. Par exemple sur la région PACA, j'ai vu arriver en quantité énorme des cachets de drogue de synthèse : ecstasy et autres -je ne parle même pas de cannabis-, pour voir arriver ensuite dans nos cabinets, de manière vraiment très résiduelle, des infractions à la législation sur les stupéfiants commises par les mineurs.
Le type de dossiers que nous avons est, par exemple, un mineur interpellé sur une plage en train de « se rouler un joint" -passez-moi l'expression-, mais très peu d'affaires de mineurs qui revendent à la sauvette devant les écoles. A ma connaissance, depuis deux ans en tout cas, pas de dossiers sur les trafics ou les reventes de cachets, alors que l'on sait que cela arrive par quantités importantes et qu'ils ont une influence considérable sur le comportement, le psychisme et la violence des mineurs.
Mme Laure de VULPIAN -
Les mineurs en prennent aussi ?
M. Patrick ARDID -
Absolument. Ce sont des souvenirs de juge d'instruction. Il faut savoir qu'il arrivait fréquemment 5 000 à 15 000 cachets sur les régions d'Aubagne, Toulon, La Ciotat. Nous savions que ces cachets étaient vendus dans des établissements de jeux électroniques, dans des boîtes de nuit fréquentées par les jeunes de 17 à 19 ans. Quand on est au Tribunal pour enfants, on n'a rien. On a l'impression que ce domaine n'est pas du tout infiltré par la Police. C'est un constat.
Mme Laure de VULPIAN -
Quand vous êtes tout de même en présence d'un mineur pour une infraction relative aux stupéfiants, quelle est votre attitude, quelles sont vos décisions ?
M. Patrick ARDID -
Tout dépend de l'ampleur du phénomène. Nous avons des consommateurs qui se révèlent par le biais d'une infraction à la législation sur les stupéfiants, mais également parfois par d'autres comportements de violence, par exemple intra-familiale. J'ai en mémoire le cas d'un adolescent très violent envers ses parents, pour lequel nous avions déterminé que la cause n'était pas liée à des carences éducatives ou des manques de la petite enfance, mais au fait qu'il consommait de manière inhabituelle et énorme des stupéfiants.
Très souvent, on les oriente vers des associations qui permettent de les sensibiliser, de leur organiser des séjours de rupture. On a pu se rendre compte à quel point cette dernière démarche était importante auprès de ce type de mineurs dont la consommation de ces produits est considérable et se traduit par des problèmes de comportements violents. Il s'agit d'organiser une rupture avec leur milieu par un départ sur des bateaux qui traversent l'Atlantique par exemple, ce qui leur permet de rompre avec des conduites addictives. Lorsqu'ils sont désintoxiqués par ce voyage ou ce dépaysement, on se rend compte que ces jeunes retrouvent un comportement normal. Ceci pour les mineurs qui consomment.
Nous avons aussi des mineurs qui revendent des stupéfiants. J'ai en tête un ou deux dossiers de mineurs interpellés avec 200 à 300 grammes de grosses plaques de stupéfiants, qui sont des revendeurs habituels. Là, nous appliquons une politique pénale traditionnelle. En général, ce ne sont pas de jeunes mineurs, ils sont déjà connus de la Police et du tribunal pour enfants. En l'occurrence, il n'y a pas d'autre solution que d'entrer dans la voie de la répression.
S'il s'agit d'un commerce très lucratif qui leur permet de gagner beaucoup d'argent en très peu de temps, il serait vain -on l'a d'ailleurs souvent essayé- d'imaginer que ces jeunes puissent être mis dans un circuit éducatif ou professionnel. On a vu qu'ils gagnaient jusqu'à 5 000 à 10 000 francs par jour parfois à 17 ans et demi. Ce n'est plus vraiment un problème éducatif mais de répression.
Mme Laure de VULPIAN -
Mme Sylviane Holtz-Deseez, le tribunal pour enfants de Nanterre n'étant pas au bord de la mer, que faites-vous ?
Mme Sylviane HOLTZ-DESEEZ , Présidente du Tribunal pour Enfants de Nanterre -
J'ai pu constater l'évolution en matière de toxicomanie, parce qu'il y a une vingtaine d'années les juges des enfants à Nanterre étaient confrontés réellement à la toxicomanie de jeunes qui se piquaient à l'héroïne. Nous avions des mineurs déférés pour des vols avec violence, qui étaient des zombies. Surtout sur le secteur de Nanterre, je me rappelle de certaines mères qui nous suppliaient de les mettre en détention pour leur sauver la vie car des jeunes mouraient d'overdose à l'époque. Ensuite, ce phénomène a disparu et nous n'avons plus vu ce type de jeunes.
Les spécialistes ont expliqué que les jeunes géraient leur toxicomanie autrement. Nous sommes confrontés à des jeunes dont nous savons qu'ils consomment parce que des clignotants s'allument : la déscolarisation, le manque de communication avec les parents et même une agression latente envers eux etc ; mais il nous est difficile d'intervenir utilement, lorsque ces jeunes ne coopèrent pas en assistance éducative.
Bien sûr, il y a des trafics de stupéfiants sur les Hauts de Seine. Cela passe alors obligatoirement par le juge d'instruction. Quand, ils arrivent à l'audience du TPE, ils sont proches de la majorité sinon majeurs, ils ont déjà eu beaucoup de mesures éducatives -comme le disait mon collègue-, et on est obligé d'entrer en voie de répression.
Pour les autres, à l'occasion de procédures engagées pour trafic de stupéfiants contre des jeunes devenus majeurs mais qui continuent à commettre des délits avec des mineurs, j'ai souvent été surprise d'entendre ces jeunes, que j'avais bien connus, dire qu'ils prenaient du shit depuis cinq ou six ans. Ni l'éducateur, ni la famille, ni moi, juge des enfants, n'avions détecté cela parce que l'enfant allait à l'école régulièrement et ne montrait aucun signe particulier. Il y avait quelques petits actes de délinquance, mais que nous n'arrivions pas à relier à de la consommation de drogue. Une fois en prison, le jeune disait où il en était de sa consommation.
Nous sommes donc assez démunis. Le Parquet nous saisit parfois -comme au Parquet de Paris- pour des injonctions thérapeutiques. Quand les jeunes ne se conforment pas à l'injonction thérapeutique, on est saisi par requête pénale et on a bien du mal à travailler avec ces jeunes-là. On les envoie aussi dans les associations. Si on a le temps et que l'on peut faire dans le luxe, on peut les renvoyer devant le TPE et prononcer un ou des ajournements, pour être sûr qu'ils ont changé de comportement. Nous ne pouvons le faire que si notre charge de travail nous permet de faire un travail de qualité. C'est rarement le cas.
Mais c'est un autre problème dont il faudrait parler dans le cadre d'un autre débat.
Par ailleurs, nous sommes très peu saisis pour des mineurs qui consomment des stupéfiants.
Mme Laure de VULPIAN -
Bernard Plasait, sénateur UMP de Paris, vous avez été le rapporteur de la mission drogue. Je crois que vous vous apprêtez à déposer une proposition de loi sur la rénovation de l'injonction thérapeutique. Dans le cadre de ces journées sénatoriales, vous avez fait un stage à Créteil. Peut-être comme à Nanterre, y a-t-il beaucoup de drogue, pouvez-vous nous raconter ce que vous avez constaté ?
M. Bernard PLASAIT, Sénateur de Paris -
Sur cette question de drogue, je ferai le constat partagé par tous, de l'extraordinaire banalisation du cannabis qui cache la montée ou la passerelle potentielle vers d'autres drogues. On a fait l'erreur de parler de drogue douce avec le cannabis. C'est une drogue comme une autre, un poison, et il ne faut surtout pas parler de drogue douce. Cette banalisation est dans les chiffres.
Vous demandiez si nous avions des chiffres. Une enquête ESPAD, réalisée il y a quatre ans, montrait qu'un jeune de 18 ans sur deux fumait ou avait fumé du cannabis. La dernière enquête ESPAD, dont les résultats ont été publiés en avril dernier, montre cette fois que deux jeunes de 18 ans sur trois fument ou ont fumé du cannabis.
Plus inquiétant encore, en dix ans, le nombre de fumeurs réguliers a été multiplié par trois. Tous les spécialistes du corps médical nous disent que chez les fumeurs réguliers, les problèmes sont les plus importants, car c'est chez eux que l'on trouve la démotivation scolaire en particulier.
A partir du moment où un nombre de plus en plus important de jeunes fument de manière régulière, le problème numéro un est celui de l'échec scolaire, professionnel, social ; de l'échec de vie. Nous avons donc devant nous un véritable problème.
Devant ces dangers extrêmement importants, qui sont aussi des dangers de santé publique que l'on a tendance à oublier (des dangers pour la conduite automobile, pour le pilotage de centrales nucléaires), il y a un véritable danger que l'on passe sous silence.
La question fondamentale est de savoir s'il y a une réponse à cet ensemble de problèmes posés par la drogue. Ma réponse est non. Il n'y a pas, à l'heure actuelle, de réponse satisfaisante. D'abord, parce qu'il n'y a pas de vraie politique d'ensemble de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
On a évoqué ici les maillons de la chaîne. Il est vrai qu'une bonne politique est une chaîne, c'est à dire un ensemble de maillons, le premier étant la prévention. Or, il y a bien longtemps que dans notre pays, il n'y a plus de prévention véritable, comme la prévention primaire qui commence dès l'école.
Vous disiez tout à l'heure qu'il n'y a pas que la Justice qui soit concernée par la drogue. Bien évidemment. Les familles d'abord, l'école ensuite, sont les premiers concernés par les problèmes de drogue. Il faudrait donc une conception de la prévention sans doute dès le CM2, avec un certain nombre de rappels au fur et à mesure que les enfants deviennent des adolescents, c'est-à-dire une vraie politique de prévention.
Les maillons sont les soins. Avons-nous dans notre pays suffisamment de structures de soins pour répondre aux problèmes posés par la drogue classique -héroïne notamment-, mais aussi pour les nouveaux problèmes sanitaires posés par le cannabis ? La réponse est non. Le nombre de structures est évidemment insuffisant.
Le troisième point consiste à savoir si l'arsenal judiciaire correspond aux besoins. Est-ce un élément de réponse pertinent ? Ma réponse est encore non. Parce que la loi actuelle sur la lutte contre les stupéfiants est celle de 1970, elle a été faite alors pour lutter contre le fléau de drogue numéro un qu'était l'héroïne.
La problématique a complètement changé. Ce n'est pas que l'héroïne ou la cocaïne aient disparu ou qu'il n'y ait pas d'autres drogues dangereuses en circulation, bien sûr. Les drogues de synthèse et l'ecstasy sont sans doute des menaces importantes pour l'avenir, mais le phénomène du moment est l'explosion exponentielle du cannabis. Il est évident que la loi de 1970 n'est pas adaptée à cette nouvelle forme de la toxicomanie. Par conséquent, elle n'est plus appliquée, ou insuffisamment appliquée, ou pire, inégalement appliquée. Selon les endroits du territoire, les poursuites existent ou pas ou ne sont pas les mêmes.
Ma question est : ne faut-il pas changer la règle du jeu, c'est-à-dire arrêter de menacer de prison un simple fumeur de joint et avoir une réponse beaucoup plus adaptée, applicable à toutes les drogues, mais qui, par sa souplesse, par sa capacité à être personnalisée et graduée, permette d'avoir une réponse adaptée et systématique ?
Je terminerai par une autre remarque. Mon propos tend à montrer qu'il faut remplacer la loi de 1970 par une loi plus applicable et mieux appliquée, qui rappellerait l'interdit en le faisant respecter. Car, il n'y a rien de pire qu'un interdit transgressé en permanence, sans aucune sanction ; c'est un renfort même à la banalisation.
Une autre question : pourquoi ne pas utiliser davantage l'arsenal à notre disposition ? Pourquoi, en particulier, peut-on voir dans un grand nombre de nos banlieues, des boutiques dans lesquelles il y a ostensiblement une publicité faite pour le cannabis, sa consommation et sa culture, sans qu'il y ait poursuite ?
Comment se fait-il qu'il puisse y avoir, à la télévision ou dans les journaux, des provocations régulières ? Je pense à une émission de télévision régulière où l'on vante en permanence les vertus du cannabis.
Comment cela est-il possible, sans qu'il y ait utilisation de l'article L-630 qui sanctionne l'incitation à l'usage ?
Deux questions qui me paraissent tout à fait fondamentales.
Mme Laure de VULPIAN -
Un jour, le Parlement sera certainement saisi de cette question.
Monsieur Robert Bret, vous êtes sénateur du groupe communiste dans les Bouches-du-Rhône.
M. Robert BRET, sénateur des Bouches du Rhône -
Sénateur des Bouches-du-Rhône et conseiller municipal dans les quartiers Nord de Marseille, je connais le terrain des grands ensembles, cités et quartiers populaires. J'ai fait un stage l'année dernière sur Toulon, où j'ai eu l'occasion de travailler avec toute l'équipe sur la délinquance des mineurs, et notamment sur un stage parental, encore expérimental à l'époque, qui se mettait en place, pour essayer d'aider les parents à avoir leurs propres repères pour aider leurs enfants à avoir les leurs dans la vie.
Dans ce que vous évoquiez, nous restons essentiellement sur les problèmes de justice, sans aborder ceux de la Police, et surtout la question essentielle du terrain de la prévention. Je partage ce constat.
Il est dramatique de constater ces derniers mois ou ces dernières années combien, dans les quartiers, nous avons reculé au plan de la prévention, combien toute une série d'organisations et d'associations qui font un travail fantastique, sont en grande difficulté pour continuer à apporter ce que, bien souvent, les institutionnels n'ont pas pu apporter en direction de la jeunesse.
Plus on va fragiliser cet aspect, plus on mettra les autres maillons, notamment la Justice, dans des situations très compliquées.
On demande aujourd'hui aux magistrats de répondre à des enjeux de société, alors que nous, politiques, ne prenons pas suffisamment nos responsabilités sur ces questions. Nous l'avions dit dans le rapport et Jean-Claude Carle le dira certainement : si l'on n'investit pas plus et si l'on n'aide pas -je pense à la PJJ où l'on avait pointé toute une série de critiques et d'insuffisances- en amont, on sera dans des situations de plus en plus catastrophiques.
Je voulais apporter ce témoignage.
On ne règlera rien avec plus de pénalisation, avec des centres fermés ou avec des prisons pour mineurs si l'on n'apporte pas des réponses en amont et si l'on n'est pas capable d'offrir des perspectives pour ces jeunes. Je suis inquiet pour la société que l'on prépare pour demain.
Mme Laure de VULPIAN -
Vous parliez de la PJJ. Jean-Louis Daumas, vous recevez ces jeunes et vous vous en occupez à l'autre bout de la chaîne. Quelle est votre action ?
M. Jean-Louis DAUMAS , Directeur de la région Picardie de la Protection Judiciaire de la Jeunesse -
Il y a plusieurs types de situations. Lorsque les services de la PJJ interviennent, qu'il s'agisse du service public ou du secteur associatif habilité, le juge est intervenu auparavant. On vient de parler de la prévention ; à l'étape où la PJJ intervient, on est déjà plus loin.
En ce qui concerne les jeunes qui sont hébergés dans les établissements, les moins nombreux, quand on parle cannabis ou poly-toxicomanie, ce n'est pas la même chose.
S'agissant du cannabis, je me souviens parfaitement de ce que la commission sénatoriale avait dit. Les éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, dans leurs établissements, n'ont aucune ambiguïté par rapport au produit. S'il y a présence d'un produit dans un établissement, il y a évidemment intervention de l'éducateur, cela va de soi.
On a parlé de banalisation, de généralisation en milieu scolaire. L'établissement dans lequel le mineur est placé n'est pas ordinaire ou anodin. Le jeune est sous main de justice, le juge a dit la loi en le plaçant. D'autant que la plupart du temps, ces mineurs sont placés au titre de l'ordonnance de 1945, au pénal. Il y a retrait et destruction systématiques du produit et information du magistrat. Cela va de soi mais il faut le redire pour répondre à votre question.
Pour les autres, qui sont à mon sens les plus nombreux, ceux qui mélangent toutes sortes de produits -le cannabis, mais aussi de plus en plus l'alcool et les médicaments-, une enquête de l'INSERM réalisée en 1997 et en cours d'actualisation fait apparaître que la poly-toxicomanie traduit une paupérisation accrue de ces jeunes les plus en difficulté.
Pour répondre à la question, chaque fois que la PJJ, en plus de l'hébergement qu'elle assure pour ces jeunes, développe des activités d'insertion, c'est à dire ne se contente pas d'accompagner sur le plan humain en hébergeant, mais induit un rapport à l'existence, à la formation professionnelle, voire même au travail, elle contribue -même si cela peut sembler modeste- à faire reculer la relation au produit.
Si les jeunes s'adonnent au produit, c'est qu'ils sont immensément paupérisés et que le temps n'a pas de sens. Pourquoi se lever le matin quand il n'y a pas de formation en vue et que le moyen le plus sûr de se procurer de l'argent est de se livrer au trafic ?
Les services de la PJJ, et d'une manière générale, tous les lieux institutionnels qui hébergent, doivent avoir en parallèle le souci de donner du sens au temps et d'inscrire ces jeunes -comme une circulaire de 1999 le dit aux professionnels de la PJJ- dans des dispositifs d'insertion. Ceci afin que le travail de l'éducateur ait du sens dans la relation à l'hébergement, mais aussi pour qu'à travers des activités de formation, de scolarisation, les classes-relais, les jeunes soient pris en charge par les adultes de manière continue.
Nous pensons que ce rapport au temps plus structuré contribue à sa manière, et avec un accès développé aux soins, à faire reculer la relation aux produits (au pluriel).
Mme Laure de VULPIAN -
Madame Pouliquen, vous travaillez dans le secteur associatif habilité, partagez-vous l'avis de Jean-Louis Daumas, partagez-vous ces pratiques ?
Mme Catherine POULIQUEN , Directeur de projets à l'association « Les Nids » -
Globalement, oui. Maintenant, je préciserai d'où je parle. J'ai été invitée, et j'en remercie la présidence du Sénat, à cette deuxième journée sénatoriale. Depuis 2002, notre association s'est engagée dans la création d'un Centre Educatif Fermé. Je vais donc parler de ce sujet-là et de ces enfants-là.
Mme Laure de VULPIAN -
Nous en reparlerons tout à l'heure mais sur l'aspect « stupéfiants »...
Mme Catherine POULIQUEN -
Justement, cette expérimentation révèle un certain nombre de choses communes, à la fois pour le fonctionnement judiciaire et pour le fonctionnement des dispositifs éducatifs et sociaux.
Je l'élargis un peu. L'idée est que l'on ne peut pas regarder un enfant sous un seul prisme : celui de sa pathologie, de sa consommation de cannabis ou de ses actes délictuels. On est tous en train de dire que les choses sont très complexes et qu'il est important d'avoir une vision globale, pour ne pas poser le problème du cannabis avec sa réponse, mais présenter la question du cannabis dans un contexte particulier, multifacettes.
Il est peut-être aventureux de vouloir trouver une réponse et il est indispensable -c'est l'exigence de l'excellence me semble-t-il- d'être en capacité de construire la réponse. La construction de cette réponse est de s'y mettre à plusieurs, avec des logiques différentes : judiciaire, médicale, éducative, sociale, parentale. Tout cela est extrêmement difficile.
Il est vrai que dans un dispositif éducatif, quel qu'il soit, le cannabis n'a pas lieu d'être et la fonction d'éducateur, dès qu'il en est informé, est de détruire le produit.
La question est plus complexe pour nous, dirigeants des dispositifs éducatifs et sociaux : comment se fait-il que le produit soit arrivé jusqu'ici ?
De façon récurrente, on a l'habitude de poser la question : « Mais que font les éducateurs ? » après avoir dit : « Que fait la Police ? », « Que font les parents ? », « Que fait l'école ? », et bientôt « Que fait le législateur ? » et de repousser les choses ainsi, alors que la question se pose à l'ensemble de la communauté civile. C'est à nous de construire des réponses.
Comment ce produit est arrivé dans ce dispositif pose la question de l'organisation plus que la question de la compétence des éducateurs.
Mme Laure de VULPIAN -
Alors, Dominique De Legge, que fait la famille ?
M. Dominique de LEGGE , Délégué Interministériel à la Famille -
Je sentais qu'en fin de chaîne, nous parlerions de la famille. Je ne développerai pas tout ce qui a été dit sur la famille (dislocation, recomposition etc.) Je vous inviterai à trois réflexions très brèves.
1. Il y a quelques années, le législateur a introduit un article nouveau que les maires lisent à l'occasion des mariages sur l'autorité parentale.
Je suis maire d'une toute petite commune en Bretagne ; un jour où quelques jeunes avaient commis ce que l'on appelle des incivilités, j'ai convoqué les parents et j'ai eu cette réponse absolument extraordinaire : « On n'est pas contre le fait que vous voyiez nos enfants, mais ne nous demandez pas de leur faire la moindre observation parce qu'on ne voudrait pas se mettre mal avec eux ! ». J'ai convoqué les parents et les enfants et je n'ai plus parlé d'autorité parentale mais de responsabilité.
En termes de pédagogie, il faut rappeler aux familles qu'elles sont aussi responsables et pas simplement dépositaires d'une autorité. D'autant que, dans le contexte actuel, cela ne fait pas bien de faire acte d'autorité !
2. La deuxième réflexion que je voudrais vous livrer concerne le résultat des travaux de la conférence de la famille qui se tiendra dans quelques jours autour du thème de l'adolescence.
Qu'est-ce qui, fondamentalement, différencie aujourd'hui l'adolescent mineur de ce que nous avons pu être et de ce qu'ont été ceux qui nous ont précédés ?
Un des premiers éléments est que l'adolescence est de moins en moins vécue comme un temps court de passage de l'état d'enfance à l'état d'adulte, mais est une période de plus en plus longue. On démarre à 10 ans avec Lolita et on essaie de terminer à 30 ans avec Tanguy !
En même temps que nous assistons à ce phénomène, tout ce qui participait du rite, c'est-à-dire de la responsabilité des parents et des adolescents, a été supprimé. Que ce soit les rites religieux, le service militaire, le certificat d'étude, le BEPC ou le baccalauréat qui ont une moindre valeur.
Que reste-t-il aujourd'hui comme différence entre un mineur et un majeur ? Cela vous fera sourire car dans la réalité, ce n'est plus tout à fait vrai : le permis de conduire. Il n'y a plus de rite, et par conséquent, plus de prise de responsabilité.
Par rapport à la drogue qui a été évoquée, cela participe quelque part du rite entre adolescents.
Cela me conduit à une autre observation sur la conférence de la famille. L'adolescence est la période où l'on découvre ses limites, où l'on prend des risques. Nous vivons dans une société d'adultes qui a tellement peur des risques qu'elle enferme ses adolescents. Comment peut-on être adolescent aujourd'hui, découvrir ses limites et prendre un risque avec des adultes ?
Ce n'est pas possible en raison de la législation actuelle, de la sécurité etc. Si vous faites aujourd'hui un camp avec une association d'éducation populaire, vous ne prenez plus un sac à dos, mais vous avez des toilettes chimiques sur le dos et une charrette qui suit avec une cuisine, qui organise la marche en avant parce qu'il faut respecter la dernière norme. Evidemment, s'il y a un pépin sanitaire, il faudra trouver un responsable.
Il y a là un vrai sujet : comment notre société hyper-sécurisée accepte-t-elle que des adolescents prennent des risques avec des adultes, et comment ceux-ci acceptent-t-ils de prendre des risques avec les adolescents ?
3. Troisième et dernière observation puisque les problèmes de santé ont été évoqués. Je suis très frappé de voir qu'entre 0 et 6 ans, 20 visites obligatoires ou quasiment sont financées par la Sécurité sociale. Passé 6 ans, plus rien ! Or, c'est véritablement à ces moments-là que les problèmes commencent à se poser. Plutôt que de parler de visites médicales, il faut travailler sur des entretiens médicalisés avec un adulte qui peut avoir un contact, une vraie discussion et pas uniquement pour mettre un tampon « bon », « apte à faire du sport » ou « apte à aller à l'école ». Avoir une discussion approfondie avec un adolescent sur : comment se nourrit-il, comment se comporte-t-il, et le mettre en garde par rapport à un certain nombre de prises de risques.
Mme Laure de VULPIAN -
Jean-Claude Carle.
(Applaudissements)
M. Jean-Claude CARLE , Sénateur de Haute-Savoie, rapporteur de la Commission d'enquête consacrée à la délinquance des mineurs -
Merci.
Si vous le permettez, une petite rectification à ce que vous avez dit concernant la commission d'enquête où nous aurions écrit ou affirmé que la Justice est le maillon faible. Je ne crois pas que nous l'ayons écrit ou affirmé de façon aussi catégorique. Nous avons dit que la Justice avait des réponses un peu trop longues, un peu trop erratiques et que cela donnait le sentiment qu'elle était laxiste. Mais en aucun cas, la justice n'est le maillon faible car elle est l'un des derniers maillons et vient après les défaillances successives de la famille, du système éducatif ou du tissu associatif.
Il est vrai que nous avons dit que dans toute la chaîne judiciaire, de la Police jusqu'à la PJJ, c'était la politique de la patate chaude, où on se refilait, non pas le bébé, mais le délinquant.
Pour nous, le maillon faible, c'est la PJJ. Nous y reviendrons dans quelques instants.
Sur le problème des stupéfiants et du cannabis, quelque chose m'a frappé. Vous avez tracé le profil des jeunes délinquants : en grande majorité des garçons, en situation de familles défaillantes, avec surtout l'absence du père ; absence que l'on va retrouver tout au long du cursus du jeune. D'abord le père dans la famille, puis une absence de l'homme au niveau du système scolaire et aussi au niveau de la justice -les juges pour enfants étant essentiellement des femmes-, et enfin absence de l'homme en cas de sanction à exécuter, le corps de la PJJ étant extrêmement féminisé.
Défaillance de la famille, échec scolaire ; l'éducation n'arrive pas à apporter la réponse et l'école est concurrencée par la rue.
Ce qui m'a beaucoup frappé, c'est que la grande majorité des jeunes que nous avons rencontrés était en situation de santé mentale, physique, morale ou psychologique extrêmement grave, avec une consommation d'alcool ou de drogues -quand ce n'est pas les deux-, en particulier le cannabis.
Je rejoins tout à fait M. Plasait, nous avons eu tort de banaliser le cannabis.
Là aussi, c'est peut-être une queue de comète de mai 1968. Le problème est que le cannabis d'aujourd'hui n'est plus celui de mai 1968. Les concentrations en THC sont 20 à 30 fois supérieures aux joints que certains ont fumé en mai 1968. Cela a des conséquences extrêmement graves.
Nous avons voulu en savoir plus. Nous avons interrogé des médecins, des pharmacologues, nous sommes allés voir de nombreuses expériences qui avaient été faites. Nous avons quelques données : on sait qu'aujourd'hui, dans les accidents de la circulation concernant les jeunes en fin de week-end, que dans 25 % des cas, il y a consommation de stupéfiants et en particulier de cannabis. On sait qu'il y a des effets très importants.
Une étude a été faite par l'armée ou la marine américaine sur des pilotes sur simulateur que l'on a fait atterrir en conditions normales, puis après avoir consommé du cannabis. Ils étaient épouvantés en voyant la vidéo de l'atterrissage en simulateur. En conditions normales, ils atterrissaient tous sur l'axe de la piste. Après avoir fumé un joint, il y avait délatérisation entre six et quinze mètres. Un pilote a même posé l'avion en dehors de la piste !
Cela montre bien les effets physiques sur l'individu et surtout la rémanence longue du cannabis par rapport à l'alcool. Si l'organisme élimine la moitié de l'alcool absorbé au bout de quatre heures, pour le cannabis, cela peut durer jusqu'à 96 jours. On a retrouvé de la rémanence de cannabis dans les cellules graisseuses du cerveau 96 jours après !
Nous avons donc eu tort. C'est un problème de société, ce n'est pas la faute de la Justice, c'est au législateur à adapter la législation en fonction de ce véritable fléau.
Mineurs et troubles du comportement
Mme Laure de VULPIAN -
Nous allons passer des stupéfiants aux troubles du comportement. Ils sont parfois induits par la toxicomanie ou préexistent à celle-ci. Ils sont plutôt mal et tardivement repérés.
Quels sont-ils, quelles sont leurs conséquences, que provoquent-ils, en quoi jouent-ils sur le facteur délinquant ?
Pourriez-vous dire un mot à ce sujet ?
M. Jean-Claude CARLE -
Je ne suis pas le mieux placé pour en parler car je ne fais pas partie du corps médical.
Il est vrai que nous avons constaté, quand nous sommes allés rencontrer ces jeunes, aussi bien en centre ouvert que fermé ou dans les centres d'incarcération, qu'ils étaient complètement déstructurés, n'avaient plus de repères et présentaient des troubles du comportement. Ils ne se comportaient pas comme des jeunes « normaux ». Bien sûr tout cela est relatif.
Mme Laure de VULPIAN -
Mme Sylviane HOLTZ-DESEEZ, en tant que juge des enfants, avez-vous affaire à des jeunes présentant des troubles du comportement sérieux qui ne sont pas pris en charge ?
Mme Sylviane HOLTZ-DESEEZ -
Oui, et des troubles extrêmement sérieux.
Ces cas sont en augmentation. Sur le département des Hauts-de-Seine, je pense que les troubles du comportement précoce sont bien détectés dans la petite enfance. Nous avons beaucoup de signalements et, dès la crèche ou la maternelle, on les détecte. Dans le parcours de certains adolescents délinquants, en reprenant leur histoire familiale et scolaire, on voit qu'ils étaient déjà suivis en CMP et que l'on avait déjà détecté leurs difficultés.
Le problème qui se pose est très grave en région parisienne. J'ai eu l'expérience de juge des enfants avant la décentralisation et nous avions des jeunes que les CDES envoyaient en province parce qu'il n'y a jamais eu assez d'établissements en région parisienne pour les accueillir.
Mme Laure de VULPIAN -
Quel genre d'établissement ?
Mme Sylviane HOLTZ-DESEEZ -
Ce que l'on appelle des internats ou instituts de rééducation, des établissements financés par la Sécurité sociale.
Ces jeunes étaient donc envoyés dans le Massif Central, en Normandie, dans les Pyrénées, etc. L'inconvénient est qu'ils voyaient peu leurs parents sinon aux vacances scolaires. L'aspect positif est qu'ils recevaient des soins et avaient une scolarité adaptée. C'était des jeunes qui ne pouvaient pas rester dans les établissements scolaires traditionnels.
Depuis la décentralisation, on s'est aperçu que de moins en moins, la province prenait ces jeunes. Nous sommes maintenant dans une situation où les établissements se sont restructurés en fonction des besoins des départements, mais on n'a pas créé le nombre d'établissements suffisants en région parisienne pour pallier ce manque.
Nous sommes donc dans une situation catastrophique.
Dans les Hauts-de-Seine, nous avons une centaine de mineurs déscolarisés ayant besoin de soins ou d'une scolarité adaptée, mais cela ne se fait pas, ils sont chez eux. Même si on prend des ordonnances de placement provisoire à l'Aide Sociale à l'Enfance, les services n'arrivent pas à leur trouver des établissements. C'est un énorme problème. On n'est peut-être pas conscients des effets pervers que cela aura pour ces jeunes, pour leur avenir et pour l'avenir de la société. On le verra peut-être plus tard.
Par exemple, le principe qui guide l'action des Parquets à l'égard des mineurs délinquants est : à tout acte de délinquance, une réponse systématique et lisible doit être apportée. Je proposerai : à toute déscolarisation, une réponse immédiate et adaptée doit être apportée. Ce n'est pas possible, en l'état actuel de l'équipement de la région parisienne alors que la scolarité est obligatoire.
Il y a des départements en province qui sont peut-être mieux équipés, d'autres sous-équipés, mais en région parisienne c'est une carence dramatique.
Mme Laure de VULPIAN -
Et à Paris même, Yvon Tallec ?
M. Yvon TALLEC -
Nous rencontrons exactement les mêmes difficultés, qu'il faut relativiser puisque, sur 5 300 mineurs impliqués dans des affaires de délinquance, nous évaluons à environ 140 à 150 ceux qui relèvent des difficultés dont nous parlons, c'est à dire qui posent de véritables problèmes de comportement.
Les problèmes posés par ce petit nombre sont tels que souvent nous n'avons pas de solution.
Je dois confesser que nous sommes quelquefois contraints de requérir des placements en détention faute d'existence d'une structure spécialisée.
Il faudrait arriver à promouvoir des structures intermédiaires entre Justice et psychiatrie. Il faut rappeler que ce sont des jeunes qui ne sont pas considérés par le secteur psychiatrique comme atteints suffisamment gravement pour être pris en charge dans le circuit psychiatrique classique, mais qui présentent de gros troubles de comportement, ne serait-ce que de façon épisodique dans leur circuit, et qui mettent en péril toute l'institution si nous les maintenons dans les structures habituelles.
Lors de certains placements, nous avons eu des incidents avec ce type de mineurs.
Il est vrai que la région parisienne dans son ensemble, et Paris en particulier, est en difficulté avec ce type de mineurs que les structures se renvoient.
C'est une réflexion plus globale que ces mineurs nous amènent à conduire : la difficulté dans un système de réponses très spécialisé d'avoir une prise en charge transversale.
Je pensais à la remarque de madame : on peut comprendre les structures qui, à un moment précis, ne veulent pas prendre en charge tel mineur parce qu'elles craignent, à partir d'un besoin de quelques jours, de l'avoir au-delà de ce temps alors qu'il ne relève pas de la spécificité de la structure. Il nous faut inventer des modalités de prise en charge à cet égard plus flexibles.
Mme Catherine POULIQUEN -
Faisons un bref retour en arrière sur l'évolution de nos organisations sociales, éducatives, médicales, judiciaires.
Nous sommes partis d'une organisation très familiale avec beaucoup de bonne volonté, de bon sens et de bonne foi pour mettre en place des organisations visant à aider, protéger des enfants, des adolescents et des familles en difficulté.
Puis, l'aire de l'hypertechnicisation est arrivée. On spécialise et professionnalise extrêmement les métiers sociaux, éducatifs et médicaux et l'on arrive à des organisations en cases, où un certain nombre de disciplines sont additionnées. On va même oser parler de pluridisciplinarité. Quand on dit cela, on voit bien que c'est un ajout de disciplines qui, dans le pire des cas, peuvent avoir des enjeux de pouvoirs pour imposer tel dogme par rapport à tel autre.
Je caricature mais nous n'en sommes pas loin.
Aujourd'hui, la complexité des problématiques des enfants, et notamment ceux en très grande difficulté dont on parle, est que ce système de cases ne marche pas du tout !
Que fait-on alors ? On se relance la patate chaude. Chacun dit que cela ne relève pas de son établissement. Finalement il n'y a personne pour les accueillir. C'est dramatique !
Jusqu'à quel moment va-t-on continuer à faire la politique de l'autruche ? Je le disais en riant, mais on dira alors : « Que fait le législateur ? ».
Nos résistances au changement sont récurrentes depuis des dizaines d'années. Aujourd'hui, il y a moins de 10 % d'enfants en très grande difficulté, dangereux pour eux-mêmes et donc pour la société -cela va ensemble-, qui ne tiennent nulle part et pour lesquels on se renvoie régulièrement la balle.
Si l'on parle d'urgence, comme je l'espère, on verra ces systèmes récurrents où l'on cherche régulièrement une place pour cet enfant-là parce qu'il n'y en a jamais pour lui.
Mme Laure de VULPIAN -
Dominique de Legge, une réaction à ces propos ?
M. Dominique de LEGGE -
J'aurai deux réactions.
Mme Pouliquen pose très bien la question de la patate chaude. Quand le psychiatre dit qu'il veut bien voir le jeune, mais qu'il faudrait que celui-ci ait envie de le voir... Je n'ai jamais rencontré un adolescent en difficulté dire qu'il ne va pas bien et qu'il a envie d'aller voir un psychiatre !
On peut tous faire le procès du voisin, chacun en balayant devant sa porte. De l'Education nationale, qui peut être parfois tentée de demander une orientation pour un jeune qui fait « tache » dans l'établissement, au travailleur social qui dit qu'il va saisir la PJJ ou la Justice n'arrivant pas à convaincre les parents, puis, aux institutions judiciaires qui peuvent être tentées d'avoir une vision éducative en se disant « après tout, allons voir le psychiatre ! ».
On tourne en rond.
Sans doute, manquons-nous de place, je ne le conteste pas, mais je vous invite à réfléchir à autre chose. Ces manques de places que nous évoquons concernent, dans 90 % des cas, des problèmes qui nous sont posés en urgence. Or globalement, les troubles du comportement n'apparaissent pas comme une génération spontanée, on les a vus venir.
On sait qu'à un certain moment, il serait possible de proposer, à la famille comme au jeune, une période de rupture, ce que j'appellerais un répit. Les enfants peuvent avoir besoin de souffler par rapport à leur milieu, comme les parents peuvent en avoir besoin par rapport à leurs enfants. Ces formules d'accueil « spontané », sur la base d'un volontariat -je ne rêve pas, j'ai connu des cas où c'était possible et où la famille et le mineur étaient d'accord pour se séparer un temps- ne sont plus possibles parce que nous vivons dans une culture où il est considéré comme épouvantable de séparer un enfant de ses parents ; c'est reconnaître qu'il y a échec.
J'ai envie de dire qu'il ne s'agit pas de reconnaître un échec mais qu'il y a un problème et qu'il faut prendre les choses le plus en amont possible.
Dans le rapport qui nous réunit cet après-midi, des choses excellentes ont été dites sur les internats scolaires, sur les familles d'accueil etc. Je rejoins tout ce qui a pu être dit sur la prévention par les intervenants précédents. Essayons de régler les problèmes en acceptant de reconnaître qu'ils vont se poser en urgence, vraisemblablement dans six mois ou un an. Cela a peut être un coût, mais le fait de les prendre en charge aujourd'hui, c'est apporter une réponse à la fois sur les plans éducatif et social et, in fine, sans doute à un moindre coût.
Mme Laure de VULPIAN -
Stupéfiants et troubles du comportement, quelqu'un a-t-il envie de réagir ou d'apporter sa pièce au débat ? Monsieur Nogrix ?
Dans la salle :
M. NOGRIX, sénateur d'Ille-et-Vilaine -
C'est une invitation et pas une acceptation !
J'ai été amené à témoigner devant la commission en tant que représentant des départements de France. L'un des grands problèmes que nous avons est l'adaptation du travail social à l'évolution de la société. Les outils dont nous disposons, les personnels et leur formation, ne sont peut-être plus adaptés à la réponse à donner.
D'autre part, il y a sûrement un manque de complémentarité partagée entre le département, qui doit faire de la prévention, et le judiciaire, qui doit faire éventuellement de la répression ou qui doit montrer en quelque sorte la baguette.
C'est pourquoi, de plus en plus dans les départements, au moment où nous écrivons les schémas départementaux sur la prévention, nous essayons de prévoir des chartes ou des partenariats écrits entre l'Education nationale, les départements et les services de la Justice. Car, il y a des étapes.
J'ai bien aimé ce que disait M. de Legge : il y a des moments de rupture. Si nous ne choisissons pas ces moments pour intervenir de façon rapide, nous risquons de dépenser beaucoup d'énergie pour rattraper les choses.
En outre, il y a tout cet aspect intellectuel autour de la parentalité, qui peut nous aider dans nos réflexions mais nous gêner dans nos actions. La parentalité est essentielle mais quand elle est défaillante, il faut bien la remplacer par autre chose.
Si l'on pouvait remplacer le mot de « rupture » par « répit », cela m'irait bien. Donner à un certain moment à quelqu'un le temps de souffler. Cela nous est tous arrivé dans notre parcours de vie d'avoir besoin de nous isoler, que d'autres nous accueillent ou qu'il y ait des rencontres qui nous permettent d'échanger.
Il est certain que par moment, il faut savoir être sévère. La sévérité est absolument nécessaire quand on est en construction de sa personnalité comme le sont les adolescents. Quand il y a disparition des repères, il faut bien que quelqu'un les remette. Quels que soient les termes que l'on emploie, même s'ils font peur, même s'ils ne sont pas à la mode, qu'il sont ringards, il faut savoir les utiliser. De temps en temps, il faut savoir punir, rectifier, redresser.
Concernant les moyens, j'ai bien entendu que beaucoup regrettaient de ne pas avoir suffisamment de moyens, d'établissements... Je serais tenté de dire que nous en avons, mais que nous ne savons pas nous en servir. Il y a nécessité absolue de diversifier les conditions d'accueil des adolescents en difficulté et de coordonner les actions des uns et des autres.
Rien de plus déplorable que de voir sept intervenants dans une famille de sept institutions différentes, qui ne se rencontrent jamais, qui ne se rendent jamais compte, qui n'évaluent jamais les actions des uns et des autres. Comment voulez-vous que l'adolescent n'en profite pas ? Diviser pour mieux régner, c'est vieux comme le monde !
Les associations, qui ont fait un très bon travail, se sont parfois quelque peu sanctuarisées. Nous avons vécu une époque difficile où il était davantage question du statut des professionnels de l'éducation spécialisée que des enfants dont on s'occupait. J'espère que cette époque est passée et que nous allons vite faire comprendre à ceux qui défilent aujourd'hui dans la rue que leurs revendications ne s'expliquent pas complètement.
On peut comprendre que cela les gêne tout à coup de quitter le secret, l'anonymat absolu. Mais dans le travail social, il y a longtemps que l'on fait du partage de connaissances de cas particuliers. Je ne crois pas que ce soit du flicage que de vouloir faire de l'action sociale globale ou de l'accompagnement.
Sincèrement, c'est un sujet difficile mais dans lequel nous avons tous des compétences à partager. Il ne faut pas nous isoler dans nos rôles, avec le département d'un côté, la Justice de l'autre avec ses capacités d'intervention et de procédures, la PJJ et les associations par ailleurs. Il faut que nous réussissions à faire des partenariats écrits et des chartes de respect des uns et des autres.
Respect et confiance sont deux mots qu'il faut que nous apprenions à partager : respect entre nous et confiance dans nos procédures. On avancerait un peu.
Mme Laure de VULPIAN -
Deux réponses du côté de la tribune, Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude CARLE -
Le traitement de ces jeunes n'est pas évident. Les moyens sont sans doute insuffisants, inadaptés et arrivent trop tard. Cela passe par de la détection beaucoup plus tôt et par de la prévention. On l'a vu en Hollande où la détection est beaucoup plus précoce que chez nous. C'est clair. Peut-être aussi -M. Nogrix vient de le dire- par un partenariat avec les collectivités locales.
L'Education nationale a du mal à traiter ces populations. On le voit, c'est la fin de la courbe de Gauss de la population scolaire. L'éducation a des difficultés avec cette population qui n'a pas sombré dans la délinquance mais qui peut le faire.
Il faut faire en sorte de ne pas les maintenir au quotidien en situation d'échec et essayer de valoriser -dans tout jeune il y a des points positifs- des formes d'intelligence que l'on n'a pas su mettre en avant. Très tôt, il faudra valoriser cette intelligence de la main, qui est peut-être plus développée chez ces jeunes, plutôt que de les maintenir dans un système qui chaque jour les exclut davantage.
Cela passe par des partenariats et c'est inclus dans nos propositions : faire en sorte que les départements qui le souhaitent -puisque la loi permet des expérimentations- puissent être collectivités de tutelle pour le faire et que les partenaires dont on a parlé, comme la PJJ, puissent se recentrer sur cette fonction de fil rouge.
On voit bien que ce qui manque à ces jeunes, c'est quelqu'un qui les suit et les guide. Ils n'ont pas la chance d'avoir la famille, le père et la mère, pour les guider, ni d'avoir l'école pour les intégrer. Essayons de leur donner quelqu'un qui les accompagne.
C'est le rôle de la PJJ, pour peu qu'on la soulage d'un certain nombre de tâches qu'elle fait, mais mal. On a vu qu'en matière de gestion du patrimoine et d'immobilier, il y a sûrement des économies d'échelle à faire. C'est un partenariat avec le département qui a déjà des compétences en matière d'enfance en danger et d'enfance dangereuse. La frontière est quelquefois ténue. Les partenariats avec les départements permettraient de faire avancer les choses.
Mme Laure de VULPIAN -
Merci, monsieur Carle.
Mme Catherine POULIQUEN -
Je ne suis pas certaine du tout qu'il faille des moyens supplémentaires et que nous manquions de place. Quitte à tenir un discours qui peut déplaire, je n'en suis pas du tout persuadée, loin de là. Je pense qu'il y a des dispositifs existants qui ont sérieusement besoin d'être adaptés, en tout cas, re-questionnés.
Le grand problème qui se pose à nous est que les projets de ces dispositifs, établissements et services, ont été en général de grandes déclarations d'intention, mais que nous n'avons pas les moyens d'évaluer très précisément les mises en oeuvre des actions et leurs effets.
Je milite pour cela. On ne peut pas demander aux citoyens de payer des impôts, des dispositifs qui coûtent cher, sans demander les résultats, les effets des actions entreprises.
Je ne suis pas seulement directeur de projet à l'association « Les Nids », mais aussi consultante pour un cabinet conseil. Je me déplace dans toute la France et en Suisse. On constate de façon très récurrente que des gens remarquables font un travail remarquable mais où la traçabilité n'existe pas. Autrement dit, on peut se rendre compte qu'un travail fabuleux est fait auprès des enfants et des familles, mais il n'y a pas moyen d'aller regarder de près ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il faut préserver ce qui marche, mais aller regarder de très près ce qui ne marche pas.
J'étais ravie d'entendre parler ce matin de critères qualité, de critères partagés et d'évaluation car c'est rarissime dans notre champ professionnel, même si -je vous le garantis- des associations sont déjà dans des démarches qualités.
Malheureusement, nous n'en sommes pas tous là.
Mme Laure de VULPIAN -
Sylviane Holtz-Deseez, brièvement.
Mme HOLTZ-DESEEZ -
J'ai l'impression que l'on ne parle pas tout à fait des mêmes mineurs. Quand des mineurs ont des troubles du comportement et de caractère, je parle des mineurs de l'âge de quelques mois à la majorité.
Je suis stupéfaite pour des jeunes que l'on a détectés, dont on sait qu'ils doivent aller au CMP régulièrement, qu'il y ait des listes d'attente dans les CMP parce qu'il n'y a pas suffisamment de pédopsychiatres. Quand celui-ci reçoit, comme il est surchargé, il dit qu'il ne pourra pas voir le jeune plus d'une fois par mois, alors que ces jeunes sont en très grande difficulté. Ensuite, ils sont déscolarisés parce qu'ils sont dangereux pour eux ou pour les autres.
Quand je vois des enfants de 9 ou 10 ans qui restent parfois deux ou trois ans chez eux sans solution, avec le CMP qui se débrouille comme il peut... Parfois l'assistante sociale du CMP envoie 50 à 60 dossiers dans différents établissements pour obtenir des réponses négatives, et pendant ce temps, le jeune reste chez lui ou dans la rue.
On a beau les placer. Je les place par exemple au service de l'ASE qui ne peut pas trouver de places en établissements spécialisés.
Un système pervers se produit sur les Hauts-de-Seine : les écoles et les CMP signalent au Procureur que le mineur est en danger, non pas du fait de ses parents, mais par carence des institutions. Car, les parents sont aussi demandeurs que l'on puisse placer leurs enfants pour qu'ils aient une scolarité spécialisée et adaptée.
Le Parquet saisit le juge des enfants au titre du danger ! Les juges des enfants ont des réponses diverses sur le 92. Certains clôturent tout de suite le dossier en disant non, considérant que l'enfant n'est pas en danger du fait de ses parents mais du fait qu'il n'y a pas de place dans les établissements. Je parle de l'équipement de la région parisienne et non pas de la province.
D'autres juges des enfants confient le jeune aux services de l'Aide Sociale à l'Enfance qui nous demande la main levée deux à trois mois après, en disant avoir fait diverses démarches et ne trouver aucune solution. On récupère alors ces jeunes à 13-14 ans, avec déjà des actes de délinquance ou des troubles de comportement très graves qui les conduisent parfois à l'hôpital psychiatrique.
On croit que le juge des enfants, les services éducatifs, la PJJ et les services d'AEMO qui travaillent sous mandat judiciaire ont une baguette magique. Mais non, on ne peut leur trouver une scolarité, faute de place dans les établissements spécialisés.
J'ai donc l'impression que l'on ne parle pas tout à fait des mêmes mineurs quand on dit qu'il suffit d'un bon partenariat. Quand il y a des manques, le partenariat a ses limites.
Dans la salle :
Mme Martine de MAXIMY , Vice-Présidente du Tribunal pour Enfants de Paris -
De ma place de juge des enfants, je ne me suis pas retrouvée quand on a dit qu'il n'y avait pas de partenariat. Précisément, notre travail est essentiellement fondé sur le partenariat et sur l'échange des informations, des points de vue et des solutions.
Je rejoins le propos selon lequel le problème crucial est le manque de moyens, et surtout, l'impossibilité parfois de faire modifier les choses.
Quand vous disiez que du côté de l'Education nationale, il faudrait que certains enfants qui n'accrochent pas du tout au système scolaire traditionnel puissent travailler, entrer en apprentissage plus tôt, je suis assez convaincue de cela, mais nous sommes confrontés à l'impossibilité légale de mettre en place ce genre de solutions. C'est un point qui ne peut pas se résoudre par le partenariat sur le terrain.
Ensuite, j'ai envie d'analyser le problème des mineurs dont on a parlé qui sont, ce que Jean-Pierre Chartier avait appelé les « incasables », c'est à dire les enfants trop mal -pour ne pas dire trop malades mentaux ou pas assez- et trop violents. Donc trop malades pour la Protection judiciaire de la jeunesse et trop violents pour la psychiatrie et qui ne peuvent pas entrer dans des instituts qui sont pourtant faits pour eux et qui existent mais en trop petit nombre.
Pourquoi ne peuvent-ils pas entrer dans ces instituts ? Parce que ceux-ci, face à de nombreuses demandes, vont accueillir les cas « les plus faciles » qui leur poseront le moins de problèmes.
Pourquoi cela ? Parce que, en amont, il n'y a pas de solution. Notamment les internats scolaires. A chaque fois que j'en ai parlé, que j'ai pu m'adresser à des décideurs, on m'a répondu que c'était une excellente idée et que l'on allait augmenter les internats scolaires. Apparemment, à Paris ils ferment !
Tous ces enfants, qui ont des problèmes de logement, qui ne peuvent pas travailler chez eux (sauf à l'angle de la télévision, par terre, sans table pour travailler ou dans le bruit) et ne peuvent pas suivre leur scolarité, pourraient bénéficier d'un internat scolaire et ainsi ne seraient pas déscolarisés comme ils le sont ensuite. Ils n'en bénéficient pas et vont, petit à petit, prendre les places de ceux qui auraient besoin d'une structure très spécialisée.
M. Jean-Pierre DESCHAMPS, substitut général au Parquet général de Paris, chargé de la section des mineurs -
Précédemment, j'ai été pendant dix ans président du Tribunal pour enfants de Marseille.
Je suis un peu étonné. Vous avez précisé que l'on parlait de la justice pénale des mineurs et vous parlez de troubles du comportement. A ma connaissance, cela ne fait par partie du Code pénal aujourd'hui.
Mme Laure de VULPIAN -
Cela peut préexister à la délinquance ou l'accompagner.
M. Jean-Pierre DESCHAMPS -
D'accord, mais il me semble intéressant néanmoins de préciser que les troubles du comportement ne font pas partie des délits répertoriés par le Code pénal. On a parfois tendance à confondre les choses.
Concernant les établissements qui reçoivent les mineurs et dont on n'arrive pas à savoir s'il y en a suffisamment ou pas, je suis plutôt dans le camp de ceux qui pensent qu'il y en a suffisamment mais assez mal déployés.
En tant que juge des enfants, à lire les projets pédagogiques de la plupart des établissements qui reçoivent des mineurs de justice, on voit très fréquemment qu'en sont exclus les mineurs atteints de troubles du comportement. Or, les troubles du comportement, je ne sais pas très bien ce que c'est.
Cela étant, pour tous les gamins qui sont passés par mon cabinet ou dans quelques autres -celui de Patrick Ardid par exemple-, on peut dire qu'ils ont des comportements troublés sinon des troubles du comportement. Curieusement, les établissements ne les reçoivent pas et excluent de le faire.
On parle de schémas départementaux. J'aimerais que l'on parle de cela à ce niveau et que la mode, sans doute excellente, d'avoir des projets pédagogiques par établissement, prévoit que lorsque l'on crée un établissement pour enfants en danger, on ne doit pas en exclure tous les mineurs atteints de troubles du comportement.
Cela étant, je pense que cela a une explication que l'on peut comprendre. Il est vrai qu'il est très difficile de gérer un certain nombre de gamins atteints de troubles du comportement ou de comportements troublés. C'est d'autant plus difficile, me semble-t-il, que les établissements fonctionnent d'une certaine manière en circuit fermé, c'est à dire dans une globalité, sans faire appel à des équipes extérieures ou sans pouvoir le faire.
J'ai expérimenté -je pourrais le dire en d'autres occasions- la création, non pas d'établissements, mais d'équipes spécialisées dans l'intervention sur un problème particulier dans les établissements. Ce sont des équipes volantes qui se déplacent à la demande.
On connaît tous des enfants placés en établissement qui fonctionneront de manière linéaire et à peu près correcte pendant huit jours et tout à coup : le clash ! L'équipe n'est alors pas en capacité de traiter la situation. C'est là que l'on arrive à la patate chaude. On appelle l'hôpital psychiatrique, spécialisé qui n'a pas de place, on demande au juge de prendre une ordonnance et il ne reste plus qu'à « caser » le gamin en hôpital spécialisé.
Il suffirait d'avoir des équipes volantes capables d'intervenir d'heure à heure, quelques heures ou quelques jours dans un établissement, pour y remettre la paix en quelque sorte.
Il y a tout un travail à faire autour de ces projets pédagogiques et surtout autour de ces idées d'équipes volantes. On avait travaillé là-dessus dans les Bouches-du-Rhône avec M. Ruffo, sur une sorte de « SAMU des troubles du comportement » qui permettrait d'aider les établissements à ne pas être dans une dynamique d'exclusion. Il y a là réellement un travail à faire, qui n'a pas été fait à mon sens, qui permettrait de dire qu'il y a suffisamment de places et qu'elles sont suffisamment sécurisées par des interventions extérieures.
M. Yves BOT , Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Paris -
Je serai bref. Tout cela marque bien qu'il n'y a de chance d'arriver à un résultat que dès lors que l'on s'inscrit très tôt dans une action. C'est une chose de retracer les difficultés que l'on a et une autre de concevoir une action pour y apporter remède.
Je suis en accord avec la remarque de M. de Legge qui notait que dans les premières années de la vie, on avait un examen médical tous les mois, et ensuite on disparaissait jusqu'à ce que, brutalement, on se révèle à nouveau aux institutions sociales par le biais, le plus souvent, d'un acte de violence.
Une question de dépistage se pose donc. Or, le dépistage, qui est le début de l'anticipation, ne peut se produire tant que les institutions fonctionnent de façon cloisonnée. Le décloisonnement est l'une des priorités dans laquelle nous agissons tous.
Plus on fait de la prévention, plus je suis content, parce qu'il n'y a rien de pire, pour un magistrat spécialisé dans le pénal, que de voir arriver des gosses de 12, 13 ou 14 ans qui ont déjà un lourd passé. De plus, ils sont dans une période d'âge difficile, alors qu'auparavant, il y avait eu des signes avant-coureurs montrant que le cas sortait de l'ordinaire et ceux-ci n'ont pas été des marqueurs pour justifier une intervention.
Or, le décloisonnement, nous l'inscrivons tous dans nos partenariats. Il n'y a pas un Contrat Local de Sécurité, une convention de partenariat, qui n'inscrive pas cela comme priorité.
Parlons de la déscolarisation et de l'absentéisme scolaire. Qui n'a pas dit que c'était une priorité de lutter contre, qui ici dans son ressort peut dire quel est le volume d'absentéisme scolaire ? Personne ne le sait, on ne le dit pas. Le partenariat a ses limites, il faudra en faire le bilan un jour.
M. Pierre BILLARD , avocat général à la Cour d'appel de Poitiers -
Mon propos surprendra peut-être par rapport à la fonction d'avocat général, mais cela s'explique sans doute par mon histoire personnelle. J'ai d'abord été juge des enfants puis enseignant à la fonction de juge des enfants. J'ai coupé un peu avec le monde des mineurs, en choisissant le Parquet. J'ai retrouvé au bout d'un certain temps des problématiques de mineurs qui me conduisent à une réflexion s'inscrivant dans la durée.
Dans ce qui a été dit, il y a des choses très vraies et intéressantes mais il y a parfois des confusions entre les causes et les conséquences.
Une expérience de trente ans conduit au constat permanent des 10 % de délinquants qui sont effectivement des cas qui posent problème et qui en ont toujours posé. C'est encore le même nombre qui en pose spécifiquement aujourd'hui ; ce ne sont pas les mêmes types de problèmes mais la proportion est identique. Première constante.
Deuxième constante. Vous avez commencé en parlant du problème des stupéfiants, en le présentant presque comme étant une cause. Le problème des stupéfiants est réel, mais il est autant une conséquence qu'une cause. Il y a une interaction progressive qui conduit à ce qu'il y ait une augmentation dans ce domaine.
Il y a transfert de produits. Auparavant, il y avait l'alcool, de manière quasi exclusive, y compris chez les mineurs, même très jeunes. Il y en a peut-être un peu moins mais c'est relayé par d'autres produits. Actuellement, il y a le cannabis. On voit énormément se développer l'ecstasy et les drogues de synthèse. C'est presque une question économique. On se reporte sur ce qui va donner, ce qui peut être une attente et au coût que l'on peut atteindre, sans avoir trop d'efforts à faire.
Il me semble aussi que certaines causes sont d'ordre culturel. C'est aux juges, auxquels on dit que la justice pénale est le maillon faible dans le fonctionnement social, de dire à la société... C'est le titre qui a été donné, c'est d'ailleurs vrai, parce que la société a donné à la Justice le rôle du dernier maillon, lorsque tous les autres ont échoué.
Il faut prendre conscience que c'est un phénomène culturel et global et une responsabilité de tous les adultes face à ce phénomène de la délinquance des jeunes.
Simplement, trois ou quatre pistes d'observation.
On a dit que les parents doivent être responsabilisés, qu'il y a défaillance des parents. J'ai constaté encore très récemment que dans ces quelques 10 %, les parents ne sont pas absents, mais inexistants en tant qu'image et en incapacité d'exercer cette responsabilité et autorité parentale.
Il faut trouver des méthodes, on commence à en trouver mais cela mérite d'être développé sous forme de soutien à l'exercice de l'autorité parentale.
Deuxième caractère fondamental : on est dans une révolution culturelle en matière de référence au temps et à l'espace. Ce qui était parfois de nature à fonder la possibilité d'autorité d'une génération par rapport à l'autre a été complètement inversé. Certains jeunes, comme certains adultes, ne vivent plus que dans une absence d'avenir mais aussi dans une immédiateté et un zapping.
Si les adultes ne sont pas capables de proposer d'autres types de réponses culturelles aux enfants, il n'y aura pas de possibilité d'exercice d'autorité. Il faudra effectivement constater que certains passent « en perte et profit » et il faudra bien réagir de manière répressive à leur égard, non pas comme solution de réinsertion mais comme solution d'échec. C'est un mal nécessaire où l'on essaie de leur rendre le moins mal possible.
Dernier point : une absence de projet et une absence de respect des autres.
Par exemple, aujourd'hui on entend dire de manière permanente que l'Europe est un projet vital pour les citoyens français. Quel est l'engagement citoyen que l'on aura aux élections de dimanche prochain ? Si les adultes votent à moins de 50 %, il ne sera pas possible de faire croire aux enfants qu'il y a des adultes qui se mobilisent pour un projet.
Enfin, il y a un problème de culture fondamentale : l'éducation reste encore fondée sur une culture de caractère essentiellement écrit alors que les mineurs ne sont confrontés qu'à une culture orale ou audiovisuelle.
Mme Laure de VULPIAN -
Merci, monsieur l'Avocat général.
Mineurs isolés
Mme Laure de VULPIAN , modérateur -
Nous allons maintenant passer à la question des mineurs étrangers isolés délinquants.
Ces mineurs sont à peu près 25 000 en France. Ils n'ont aucun référent parental. Habituellement, on les trouve dans certaines régions comme Paris, Marseille, Toulon ou Lyon. Tous sont inexpulsables, et pourtant, il faut bien les gérer, prévoir des dispositifs pour eux ; bref, en faire quelque chose.
Là encore, face à ces jeunes délinquants, la justice semble se trouver impuissante. Je pose la question à Patrick Ardid.
M. Patrick ARDID -
Nous sommes confrontés aux mineurs isolés, non seulement dans la délinquance, mais aussi en assistance éducative. Nous sommes régulièrement saisis de cas d'adolescents ou de grands adolescents qui arrivent par des filières d'immigration clandestine ou qui sont envoyés par leur famille chez une cousine, une soeur, une amie, qui les déposent devant le commissariat à 22 heures. Ils demandent à être pris en charge par les services sociaux parce qu'ils n'ont plus d'hébergement.
Nous avons également le cas du mineur qui sera arrêté à l'occasion d'une infraction et qui s'avère être en situation irrégulière et sans parents sur le territoire français.
Nous n'avons pas une grande diversité de réponses. En général, ces mineurs sont âgés. Sur la Côte, on en a beaucoup puisqu'ils arrivent dans nos ports, parfois même dans les cales de navire.
La délinquance, c'est surtout de la revente de stupéfiants ou des actes de violence.
Mme Laure de VULPIAN -
Qu'en faites-vous concrètement ?
M. Patrick ARDID -
Un mineur arrêté qui vient de commettre des faits graves de violence ou de revente de stupéfiants, est interpellé, mis en garde à vue, présenté au juge et souvent incarcéré. Il n'y a pas d'autre solution.
Ils n'ont aucune garantie de représentation. Si nous les plaçons en foyer, ils fuguent dans l'heure qui suit. Donc, ils ne répondront pas de leurs actes. Le juge des enfants ne peut actionner l'alternative éducative que lorsqu'elle peut être mise en oeuvre. Là, ce n'est pas le cas.
Il ne faut pas faire de généralité, il y a des situations qui méritent d'être examinées de plus près. Mais, dans la majorité des cas, nous avons recours à la détention concernant ces mineurs lorsqu'ils entrent dans les cas prévus par la loi.
M. Jean-Claude CARLE -
Il y a deux types de mineurs isolés : ceux qui sont partis de leur pays pour venir chez nous et ceux qui sont utilisés par des adultes ou des bandes organisées. Là, il faut sévir sur les adultes qui les utilisent. Nous avons renforcé les mesures dans le cadre de la Loi Perben, nous avons durci les peines pour les majeurs qui utilisent les mineurs.
Ce problème doit être traité à l'origine, avec les pays dont proviennent ces jeunes, pour faire en sorte qu'il en vienne de moins en moins et que l'on puisse aider ces pays. C'est d'ailleurs ce qu'avait fait le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, en particulier avec la Roumanie et la Hongrie.
Mme Laure de VULPIAN -
Je crois qu'il a abandonné car ce n'est pas très facile à mettre en place.
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