L'office du juge
Paris, Palais du Luxembourg les 29 et 30 septembre 2006
LA LÉGITIMATION DU JUGE CONSTITUTIONNEL : UN LÉGISLATEUR DÉRIVÉ GARDIEN DES VALEURS DE LA DÉMOCRATIE
M. Roland RICCI, Professeur de droit public à l'Université de Bretagne Occidentale
Depuis l'apparition des sociétés humaines, l'action des instances de jugement s'est heurtée à une résistance instinctive des individus cherchant à préserver leur indépendance vis à vis d'un pouvoir exerçant une contrainte sur leur libre-arbitre. Ce n'est qu'à la suite d'un long processus de socialisation que s'est constituée une culture reconnaissant la nécessité de mettre en place des autorités juridictionnelles dont la fonction est de garantir la paix sociale au nom de la justice. Pour autant le pouvoir juridictionnel ne s'est pas affranchi des réactions négatives à son encontre, elles n'ont été que tempérées par l'acceptation d'une contrainte justifiée par la préservation de la structure sociale. Cette pondération de la défense de l'intérêt personnel par la poursuite d'un intérêt général a permis de rendre légitime l'action oppressive des juridictions. C'est une conséquence directe du consentement d'une partie largement majoritaire des membres du groupe social à la limitation de leurs pulsions individuelles pour instaurer un ordre public. L'arrivée du juge constitutionnel dans le paysage institutionnel des démocraties modernes a réactivé des réactions négatives vis à vis du pouvoir normatif des juridictions chargées du contrôle de constitutionnalité des lois. En contrepartie, l'installation des juridictions constitutionnelles a imposé une redéfinition de la légitimation de la fonction juridictionnelle adaptée à ces nouveaux contentieux.
Toutefois, les constructions antérieures du concept de légitimité n'ont pas été abandonnées. Tout au contraire, la question de la légitimation du juge constitutionnel renvoie aux origines du processus de légitimation qui est installé depuis longtemps dans les sociétés humaines. En effet la formulation des résistances à l'avènement du contrôle de constitutionnalité doit beaucoup à l'affirmation d'un défaut de légitimité des juges en charge de ce contrôle.
La notion de légitimité se situe sur un plan différent de celui de la légalité et ne concurrence pas les conditions de la validité des actes juridiques. Elle a trait à l'assentiment qu'un groupe social doit nécessairement accorder à la mise en place d'un pouvoir politique exerçant une action coercitive notamment par l'exercice de la fonction juridictionnelle. Faute de cet assentiment il en résulterait une situation de contestation systématique des décisions, débouchant sur des affrontements et rendant impossible la mise en oeuvre d'un principe de légalité. Au sein d'un groupe social donné, il ne saurait y avoir de stabilité durable sans légitimité des autorités juridictionnelles.
Le processus de légitimation n'est jamais acquis de manière définitive, il doit être renouvelé constamment car l'adhésion des individus demeure liée à des processus intellectuels et affectifs qui sont susceptibles d'évoluer en fonction de l'environnement social. En corollaire, cette instabilité a donné naissance, de la part des autorités juridictionnelles, à un désir de légitimation ressenti comme une condition indispensable au bon exercice de la fonction juridictionnelle.
Ce désir de légitimation n'a pas toujours eu la forme que nous lui connaissons, notamment en raison de la nature des autorités qui exerçaient la fonction juridictionnelle dans les sociétés antiques. Le processus de légitimation ne saurait être appréhendé sans la connaissance des archétypes de la légitimation (I). Cela nous permettra de mettre en évidence les éléments fondamentaux qui ont façonné ce concept dans l'histoire sociale.
Il ne s'agit pas pour autant d'une recherche uniquement historique car il existe une étroite correspondance entre ces archétypes et la situation actuelle. En effet, ces archétypes ont été intériorisés par les membres du corps social au moyen de la mise en place d'un « sur-moi-de-la-culture » 771 ( * ) qui a fourni le support des processus actuels. Dès lors la question de la légitimité du juge constitutionnel, fréquemment soulevée dans les controverses juridiques et politiques, ne saurait échapper à l'influence de ces archétypes. Il n'en demeure pas moins qu'il est indispensable de réexaminer la question de la légitimation à la lumière des exigences nouvelles des démocraties constitutionnelles.
Cela ne signifie nullement qu'il faille rompre avec les fondements de ce processus mais, au contraire, qu'il faut en développer la portée en rapport avec les finalités des organisations sociales contemporaines : il faut renouveler et enrichir la compréhension du processus de légitimation (II). Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons éviter des régressions aussi soudaines qu'incontrôlables agitant le corps social et empêchant le bon exercice de la fonction juridictionnelle.
I. LES ARCHÉTYPES DE LA LÉGITIMATION : LES ORIGINES DU DÉSIR DE LÉGITIMATION
Le processus de légitimation du juge peut se décrire comme la rencontre entre, d'une part, la satisfaction des conditions nécessaires pour qu'un groupe social accepte un pouvoir juridictionnel, et, d'autre part, la volonté des autorités juridictionnelles d'obtenir l'assentiment des membres du corps social. Néanmoins, la recherche de l'assentiment n'a pas toujours été une préoccupation majeure des autorités juridictionnelles. Elles se sont fréquemment appuyées presque exclusivement sur le pouvoir politique qu'elles détenaient.
L'examen des diverses configurations rencontrées tout au long de l'évolution de notre civilisation met en évidence une différenciation progressive en deux catégories de situations : en premier lieu, la recherche à titre principal de l'accord des individus pour désigner et parfois contrôler les autorités juridictionnelles ; en second lieu, l'invocation d'une autorité supérieure, distincte du pouvoir politique, et reconnue par le groupe social.
Dans le premier cas il s'agit de coller à l'expression de la volonté populaire par l'utilisation d'un processus démocratique, caractérisant ainsi la légitimation démocratique qui s'est progressivement substituée au recours à l'autorité du pouvoir politique (A). Quant au second cas, il recouvre les situations où l'on recherche l'appui d'une autorité extérieure et supérieure à la volonté des individus. Elle se traduit par la référence à des normes supérieures morales ou juridiques qui s'imposent aux institutions comme aux individus : il s'agit alors de la légitimation par l'application de normes suprêmes (B), car elles prévalent sur l'ensemble des normes d'un système juridique et jouissent d'une légitimité incontestable.
Bien sûr, les manifestations des processus de légitimation n'apparaissent pas nécessairement comme ressortissant exclusivement à l'une ou l'autre de ces catégories. Il arrive fréquemment que l'on cherche à combiner, dans des proportions variables, ces deux modes de légitimation. Ce fut le cas lors de la Révolution française de 1789 et, pour cette raison, il s'avère opportun de mettre en évidence la conception révolutionnaire de la légitimation (C) qui a profondément marqué notre pratique politique et juridique.
A. DE L'APPUI DE L'AUTORITÉ POLITIQUE À LA RECHERCHE DE LA LÉGITIMATION DÉMOCRATIQUE
L'élaboration d'un processus de légitimation démocratique est le fruit d'une longue évolution. Pendant longtemps il n'est pas apparu pertinent, dans les sociétés antiques, de légitimer le pouvoir juridictionnel autrement qu'en le considérant comme un démembrement du pouvoir exercé par l'autorité suprême au sein du groupe social. Ce fut notamment le cas en Egypte 772 ( * ) et en Mésopotamie 773 ( * ) .
Toutefois, dans ces sociétés, par commodité, les souverains se sont adjoints des conseils et ont délégué une partie substantielle de leurs pouvoirs juridictionnels afin de régler les affaires de moindre importance. Dès lors on a assisté à la coexistence entre, d'une part, un pouvoir juridictionnel suprême, exercé soit directement par le souverain, soit sous son contrôle, et, d'autre part, une justice de proximité confiée à des notables locaux. En général ces notables n'étaient pas des magistrats professionnels et occupaient des fonctions administratives 774 ( * ) . Il n'y avait donc pas de monopole des juridictions publiques 775 ( * ) mais une fonction de juger nettement différenciée. Si le pouvoir normatif ressortissait à l'autorité du souverain, les juges de proximité réglaient les affaires privées en n'exerçant pas une fonction juridictionnelle pleine et entière. Ces juges de proximité avaient tendance à s'abriter derrière la recherche d'une conciliation entre les parties et, pour justifier leurs décisions, ils invoquaient des lois supérieures (divines) ou avaient recours à des rites décisoires 776 ( * ) .
Le processus de légitimation de la fonction de juger ne se distinguait pas de celui de l'autorité du souverain. Cette autorité supérieure, lorsqu'elle n'était pas exercée, faisait place à la recherche de la médiation d'une autre autorité ou encore à une conception de la fonction juridictionnelle proche de l'arbitrage.
La question de la légitimation, dans ses rapports avec les sujets de droit, allait changer avec l'avènement de la civilisation grecque. C'est l'apparition de la polis ou cité qui a constitué le point d'inflexion caractérisant la culture grecque. Elle s'est accompagnée d'une nouvelle conception de l'exercice de la souveraineté dans laquelle les questions d'intérêt général étaient désormais soumises à la discussion devant un public : « Le contrôle constant de la communauté s'exerce sur les créations de l'esprit comme sur les magistratures de l'Etat. (...) Elles ne s'imposent plus par la force d'un prestige personnel ou religieux ; elles doivent démontrer leur rectitude par des procédés d'ordre dialectique » 777 ( * ) .
On est passé d'une structure pyramidale de la société, dont le roi occupait le sommet, comme dans les royaumes mycéniens, à un ordre social qui n'était plus sous la dépendance du souverain ou d'un personnage exceptionnel. Cette métamorphose a été observée dans l'Etat spartiate, où l'ordre était premier par rapport au pouvoir 778 ( * ) , et s'est ensuite manifestée par la mise en place de la démocratie dans la cité athénienne.
La naissance de la démocratie en Grèce est indissociable de la consécration de la loi et de l'égalité, instruments dressés contre la tyrannie 779 ( * ) . Elle est l'aboutissement, au VIe siècle avant J.-C., de l'évolution d'une tradition égalitaire très ancienne, que l'on observait même dans la noblesse militaire, et qui avait établi, pour la première, fois une équivalence entre la qualification guerrière et le droit de participer aux affaires publiques. Par la suite, cette équivalence n'a plus été remise en question 780 ( * ) : « En dépit de tout ce qui les oppose dans le concret de la vie sociale, les citoyens se conçoivent, sur le plan politique, comme des unités interchangeables à l'intérieur d'un système dont la loi est l'équilibre, la norme l'égalité 781 ( * ) ».
L'installation du régime démocratique a été le fruit de l'action de réformateurs audacieux tels que Solon, Clisthène et Périclès, qui ont eu une influence décisive sur la construction de l'idéal démocratique.
Sur le plan des institutions juridiques, les différentes réformes, ont abouti à la création, au sein du démos , groupe autonome d'environ trente mille citoyens 782 ( * ) , de juridictions populaires auxquelles fut graduellement transféré le pouvoir juridictionnel qui était auparavant exercé par les archontes en même temps que le pouvoir politique783 ( * ). Ainsi a été mise en place, de manière systématique, la pratique d'une justice populaire confiée à des citoyens-jurés, tirés au sort, soumis au serment, et recevant une allocation pour cette charge 784 ( * ) . De la sorte, Périclès a instauré une séparation entre les compétences administratives et judiciaires 785 ( * ) au profit de juridictions populaires placées hors d'atteinte du pouvoir des anciens magistrats, les archontes. Cela a eut pour effet de façonner un idéal de la légitimation de la fonction juridictionnelle qui fut ensuite transféré, avec nombre de distorsions, du contexte des cités de la Grèce antique à celui la période révolutionnaire du XVIIIe siècle.
Pour autant, la culture politique au temps des Lumières ne s'appuyait pas uniquement sur la légitimation démocratique. Elle reconnaissait également une légitimation provenant de l'invocation de normes suprêmes car extérieures au champ des normes législatives de droit commun. Là encore, l'origine de ce processus s'avère très ancienne et nous renvoie à l'archétype de la légitimation par l'application de normes suprêmes.
B. LA LÉGITIMATION PAR L'APPLICATION DES NORMES SUPRÊMES
Dans les sociétés antiques, les lois fondamentales étaient adossées à des « mythes de souveraineté » 786 ( * ) . La société grecque ne fait pas exception et, avant que la philosophie ne s'occupe de résoudre les questions relatives aux origines, on y observait une théogonie présentant de nombreuses convergences avec les mythes babyloniens 787 ( * ) . Ainsi, les premières lois avaient une origine divine avant que, progressivement, la loi acquière son indépendance vis à vis des mythes fondateurs pour devenir le produit de la seule raison humaine 788 ( * ) .
Il n'en demeure pas moins qu'un événement d'une importance singulière est venu renouveler le rapport des hommes avec la Loi divine. Il s'agit de la naissance de la civilisation judéo-chrétienne, fondée sur la révélation progressive d'une législation d'origine divine. Le contenu de cette Loi la place hors de portée de la création humaine. On assiste en effet à une succession d'alliances entre le Dieu créateur et un peuple qu'il a choisi de distinguer au sein des populations existantes, avant que cette alliance soit étendue à l'ensemble de l'humanité 789 ( * ) .
Du point de vue juridique, l'épisode capital est constitué par l'alliance avec le peuple Hébreu grâce à la médiation de Moïse car elle s'accompagne du « don de la Loi » : le Décalogue. Cet événement ne saurait être cantonné dans la sphère religieuse, au sens qui lui est conféré aujourd'hui, car il a eu un impact décisif sur le statut des normes extérieures au champ de la création normative par les autorités sociales. Notamment, pour ce qui concerne le processus de légitimation des autorités juridictionnelles, l'importance du Décalogue s'avère double. Il constitue tout d'abord un texte empreint d'une grande autorité qui confère à l'organe qui l'applique avec discernement une légitimité certaine. Par ailleurs, le don de la Loi fut précédé, dans l'ordre biblique des textes, par la nomination des juges devant mettre en oeuvre le texte sacré, les associant de la sorte à son prestige.
Si le texte même du Décalogue a eu un impact décisif sur le processus de légitimation, il le doit tout autant à ses caractéristiques formelles qu'à son contenu.
Selon ses caractéristiques formelles, le Décalogue est un texte émanant de la plus haute autorité qu'il soit possible d'envisager d'un point de vue humain. Compte tenu du statut reconnu au Créateur tout au long de l'histoire de notre civilisation, cela a contribué à élever le statut des normes qui en émanent. Même si, pour nos contemporains, ce processus de légitimation est beaucoup moins efficient, il a pourtant produit des effets conséquents depuis de nombreux siècles. Par ailleurs, il faut reconnaître à l'autorité divine qui est révélée dans la Bible une permanence qui tranche avec les créations humaines. Aujourd'hui cette autorité est encore reconnue par un nombre non négligeable d'individus. De la sorte le Décalogue jouit d'un double statut : il constitue l'archétype des législations suprêmes édictées et appliquées tout au long de la civilisation judéo-chrétienne, et, dans le même temps, il continue de produire des effets directs en étant reçu par un nombre substantiel d'individus, soit directement, soit par l'intermédiaire de législations qui y font référence. Le prestige du Décalogue a ainsi contribué à renforcer la légitimité des autorités qui l'ont appliqué et a servi de modèle au processus de légitimation par le recours à des normes suprêmes.
Le contenu du Décalogue est également remarquable car il a marqué l'histoire de nos sociétés en instaurant le principe intangible du respect de tout être humain. Si l'on cherche l'origine des droits de l'homme on ne peut qu'aboutir au Décalogue : aucune autre législation générale n'institue des obligations telles que les interdictions de tuer, de commettre l'adultère, de voler, de porter des faux témoignages et de convoiter les biens de son prochain 790 ( * ) . Dès lors, il devient évident qu'il ne s'agit pas d'un texte destiné à satisfaire des désirs humains, analogues à ceux que la psychologie révélera ultérieurement. Tout au contraire le don de la Loi révèle une volonté de transformer les relations entre individus de manière à ce que chacun puisse avoir le droit de jouir de l'existence. En cela le Décalogue est apparu comme incarnant l'espoir des hommes en un avenir meilleur, ce qui a augmenté d'autant la force de légitimation de ces normes suprêmes.
Cette force de légitimation s'est également communiquée aux juges chargés de l'appliquer. Le processus de transfert de la légitimité des normes suprêmes a été accru par les circonstances de l'institution de ces juges. En effet les chapitres 19 et 20 du livre de l'Exode sont consacrés, respectivement, à la théophanie au cours de laquelle la promesse de l'alliance entre Dieu et son peuple est relatée (chapitre 19), puis (chapitre 20) à la proclamation du Décalogue. Or la fin du chapitre 18, précédant les deux chapitres consacrés au don de la Loi, porte sur l'institution des juges.
Jethro, le beau-père de Moïse, était venu le trouver et lui donnait le conseil suivant : « «Tiens-toi à la place du peuple devant Dieu. Instruis-les des décrets et des lois, fais-leur connaître la voie à suivre et la conduite à tenir. Mais choisis-toi parmi tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, sûrs, incorruptibles, et établis-les sur eux comme chefs (...). Ils jugeront le peuple en tout temps. Toute affaire importante, ils te la déféreront et toute affaire mineure, ils la jugeront eux-mêmes. (...)» Moïse suivit le conseil de son beau-père et fit tout ce qu'il lui avait dit 791 ( * ) ».
Il existe par conséquent un lien direct entre l'institution des juges, chargés d'appliquer les décrets et les lois divines, et la révélation du contenu de la Loi sous sa forme la plus sacrée : le Décalogue. Tout était mis en place pour que le processus de légitimation des juges par l'invocation de normes suprêmes fasse dorénavant partie intégrante de la culture transmise de génération en génération. C'est ce que confirme, après un saut de plusieurs siècles, l'analyse de la conception de la légitimation adoptée par les révolutionnaires de 1789.
C. LA CONCEPTION RÉVOLUTIONNAIRE DE LA LÉGITIMATION : UN DOUBLE PROCESSUS DE LÉGITIMATION
Si les révolutionnaires de 1789 sont réputés avoir adhéré à un processus de légitimation fondé sur la représentation de la volonté nationale, instaurant de la sorte une légitimation démocratique (2°), le mode de légitimation qu'ils ont retenu fait également appel à l'application de normes suprêmes (1°).
1°) Le recours à des normes suprêmes
Le lien entre le don de la Loi à Moïse et la période révolutionnaire de 1789 nous est suggéré par le vicomte de Mirabeau 792 ( * ) qui, dans la séance de l'Assemblée nationale constituante du 20 août 1789 consacrée à la discussion du préambule de la Constitution, a proposé de placer à la tête de la Loi fondamentale le Décalogue, qu'il qualifiait d'« ouvrage du plus grand des législateurs » 793 ( * ) . Ses propos expriment les contrastes d'une période féconde, qui a tenté de concilier les deux processus de légitimation que nous avons rencontrés, et dont la relecture positiviste a souvent dénaturé les apports.
L'intervention du vicomte de Mirabeau pourrait être interprétée comme l'expression d'une conviction personnelle sans correspondance avec la situation de l'époque. Ce n'est pourtant pas ce qui ressort des débats de la Constituante où la question de la référence au Créateur n'a pas été contestée lors de la confection de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
C'est d'abord le projet de déclaration discuté dans le sixième bureau de l'Assemblée nationale, présenté le 12 août 1789, qui indiquait que les représentants du peuple français se réunissaient « en présence du suprême législateur de l'univers 794 ( * ) ».
Ensuite l'abbé Grégoire a déclaré dans la séance du 18 août 1789 : « L'homme n'a pas été jeté au hasard sur le coin de terre qu'il occupe. S'il a des droits, il faut parler de celui dont il les tient ; s'il a des devoirs, il faut lui rappeler celui qui les lui prescrit. Quel nom plus auguste, plus grand, peut-on placer à la tête de la déclaration, que celui de la divinité, que ce nom qui retentit dans toute la nature, dans tous les coeurs, que l'on trouve écrit sur la terre, et que nos yeux fixent encore dans les cieux ? » 795 ( * ) .
Sa position fut confortée par les propos précités du vicomte de Mirabeau ainsi que par les débats au cours desquels ils furent prononcés. En effet, juste avant l'intervention du vicomte de Mirabeau, le député Fos de Laborde avait proposé un préambule dans lequel les représentants de la nation adopteraient la Constitution « après avoir invoqué l'Etre suprême » 796 ( * ) . Son intervention fut immédiatement approuvée par le député Duquesnoy et le comte de Virieu qui affirma être touché par l'invocation de l'Etre suprême car la nature est « un mot vide de sens, qui nous dérobe l'image du créateur pour ne considérer que la matière ». Le comte de Virieu proposa à son tour un préambule qui s'achevait par la phrase suivante : « Voulant enfin consacrer, au nom du peuple français et en présence de l'Etre suprême, les droits imprescriptibles de tout citoyen » 797 ( * ) .
C'est à ce moment que le vicomte de Mirabeau est intervenu en lisant, après avoir proposé l'insertion du Décalogue, un court préambule à la Déclaration construit autour des termes de sûreté, propriété, liberté 798 ( * ) . Après cette lecture le député Chasseboeuf de Volney a suggéré une autre forme de préambule axé sur les circonstances qui ont rendu nécessaire une déclaration des droits. C'est à ce moment que : « Plusieurs membres insistent pour qu'on mette dans le préambule ces mots : en présence de l'Etre suprême ; d'autres observent que la présence de l'Etre suprême étant partout, il est inutile de l'énoncer 799 ( * ) ».
L'échange a alors porté sur cette question : faut-il ou non mentionner le nom de l'Etre suprême dans le préambule de la Déclaration ? Le débat fut très court et s'est circonscrit entre l'évêque de Nîmes Cortois de Balore et les députés Mougins de Roquefort (Draguignan) et Pellerin de la Buxière (Orléans).
Cortois de Balore a ainsi déclaré : « C'est une idée triviale, a-t-on dit, que l'homme tient son existence de Dieu. Plût à Dieu qu'elle le fût encore davantage, et qu'elle ne fût jamais contestée ! Mais quand on fait des lois, il est beau de les placer sous l'égide de la Divinité » 800 ( * ) . Les députés Mougins et Pellerin ramenèrent alors la discussion aux faits historiques en indiquant : « que les législateurs de Rome, de la Russie et de l'Amérique ont invoqué l'Etre suprême dans les premières pages de leur code» 801 ( * ) .
Les différents projets de préambule ont ensuite été relus et le choix des députés s'est porté sur le projet rédigé par le comité des cinq 802 ( * ) , corrigé par Desmeuniers conformément à la teneur du débat. Le préambule a été repris presque à l'identique, les modifications apportées étant pour l'essentiel formelles avec un ajout substantiel dans sa dernière phrase :
- version du comité des cinq : « En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare des articles suivants : ... »
- version définitive adoptée le 21 août 1789 : « En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen » 803 ( * ) .
La référence à l'Etre suprême n'a pas été la seule expression maintenue. Un autre passage significatif du texte du comité des cinq, tiré de l'ensemble des projets débattus, a été gardé. Il s'agit de la mention des « droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme ». Tous les projets présentés après le 4 août 1789 ont fait référence à des droits issus de la nature, insérés dans la sphère sociale, et devant être préservés de toute modification. La protection de ces droits imposait dès lors de les placer hors d'atteinte des pouvoirs politiques 804 ( * ) .
Les débats devant la Constituante nous révèlent ainsi un processus de légitimation par l'invocation d'une norme suprême, extérieure au système juridique, dont l'application donne naissance à un texte normatif placé au sommet du système de droit positif, et ne pouvant à l'avenir être remis en cause par le législateur. Pour autant la recherche d'une légitimation démocratique n'est pas absente des débats. Elle est le produit conjoint des efforts des révolutionnaires pour théoriser l'intervention du pouvoir constituant, ainsi que pour construire une fonction législative adossée à l'expression de la volonté générale.
2°) Le renouvellement de la légitimation démocratique
On oppose fréquemment la démocratie au système représentatif en relevant de profondes différences qui seraient liées à la poursuite de finalités bien distinctes. C'est oublier la distinction entre modalités d'exercice de la souveraineté et formes de gouvernement 805 ( * ) , la démocratie ressortissant à la première catégorie et le gouvernement représentatif à la seconde. Par conséquent, le choix du système représentatif n'implique pas nécessairement l'abandon de la démocratie 806 ( * ) . C'est pourquoi les députés de la Constituante, bien qu'attachés à mettre en place un régime représentatif, n'ont pas pour autant abandonné la recherche d'une légitimité démocratique.
Le désir de recourir à la légitimation démocratique est manifeste dans la manière dont les constituants ont tenté d'obtenir la participation des citoyens à formation de la « volonté générale ». Cette détermination a contribué à créer les conditions nécessaires à l'implantation durable d'un désir de légitimation auquel le juge constitutionnel a été par la suite confronté.
La recherche de la légitimité démocratique est illustrée par les discussions autour de la rédaction de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui proclame que « La loi est l'expression de la volonté générale. » On a fait dire beaucoup de choses à cet article qui ne reflètent pas la teneur des débats à l'Assemblée nationale. Si le contenu des échanges ayant conduit à l'adoption de la Déclaration n'impose aucune contrainte juridique à l'organe appliquant ce texte, il révèle toutefois la conception révolutionnaire de la légitimation démocratique.
Les discussions à la Constituante se sont déroulées sur le projet présenté par le sixième bureau de l'Assemblée et sur celui du comité des cinq chargé de résumer le travail relatif à la Déclaration des droits de l'homme de du citoyen. Leurs contributions à l'élaboration du futur article 6 étaient les suivantes :
-sixième bureau -Article 12 : « La loi étant l'expression de la volonté générale, tout citoyen doit avoir coopéré immédiatement à la formation de la loi » 807 ( * ) .
-comité des cinq -Article 5 : « La loi étant l'expression de la volonté générale, doit être générale par son objet, et tendre toujours à assurer à tous les citoyens la liberté, la propriété et l'égalité civile » 808 ( * ) .
Par rapport à la rédaction que nous connaissons, « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. », la principale différence est le lien existant, dans les projets, entre deux propositions alors que, dans la version définitive, on trouve deux phrases pouvant s'entendre indépendamment. C'est plus particulièrement la première phrase « La loi est l'expression de la volonté générale. » qui est interprétée comme révélant la conception révolutionnaire de la loi.
Selon les projets : c'est parce que la loi doit être l'expression de la volonté générale que tout citoyen doit contribuer à sa formation et qu'elle doit être générale par son objet. Il s'agissait donc, toujours selon les projets, d'une volonté d'instaurer une légitimation démocratique de la fonction législative en imposant le recours au peuple ainsi qu'un objet général. La question se pose alors de la raison pour laquelle le lien de condition à conséquence a disparu. La teneur des débats devant l'Assemblée nationale constituante nous fournit la réponse.
L'examen du texte du futur article 6 de la Déclaration s'est déroulé le lendemain de l'adoption du préambule, le 21 août 1789. Les travaux ont commencé par la discussion des articles 7 à 10 du projet du comité qui portaient sur la définition de la liberté et l'objet et la fonction de la loi. Au cours des débats, la question de la définition de la loi a été alors abordée et a suscité plusieurs propositions.
Le député Martineau a présenté plusieurs articles dans lesquels on trouvait la formule suivante « La loi est une convention des citoyens réunis ; elle se forme par la volonté générale. » Ces articles ont fait l'objet de nombreuses approbations. En revanche les propositions du député Camus ont été rejetées, « Les lois n'étant que des conventions faites par la société, chaque citoyen doit y concourir par lui-même ou par ses représentants. » Celle de Target a subi le même sort : « Art. 1-La loi est l'expression de la volonté générale ; elle seule peut commander par l'organe des magistrats, et tous les citoyens y sont soumis. Art. 2-Tous les citoyens ont le droit de coopérer médiatement ou immédiatement à sa formation » 809 ( * ) .
La discussion a ensuite repris sur l'égalité devant la loi et l'admissibilité des citoyens aux emplois publics. Aucun accord n'avait été trouvé jusqu'à ce que Talleyrand-Périgord, l'évêque d'Autun, propose un article unique : « La loi étant l'expression de la volonté générale, tous les citoyens doivent concourir personnellement ou par représentation à sa formation ; elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont susceptibles de toutes les places, de tous les emplois publics, selon leur capacité » 810 ( * ) .
Cet article a recueilli l'assentiment de l'Assemblée qui a demandé à voter. Les députés devaient se prononcer sur chacun des projets, celui de Talleyrand-Périgord étant le dernier. Mais Barnave a fait adopter une motion qui demandait l'examen en priorité du projet de Talleyrand-Périgord 811 ( * ) . A ce moment Mounier a proposé quatre amendements successifs portant sur la dernière phrase et concernant l'admissibilité des citoyens aux emplois publics. Les amendements ont été mis au vote et les deux premiers ont été adoptés ce qui a provoqué notamment le remplacement de « susceptibles » par « admissibles » après une controverse sur l'expression « selon leur capacité ». Sont ensuite ajoutés les mots « sans distinction de naissance ».
C'est alors qu'éclate un incident de séance car un député, suivi par une partie de l'Assemblée, avait contesté la procédure d'adoption des amendements qui se serait déroulée sans discussion 812 ( * ) . Cela a provoqué une réaction vigoureuse de Lally-Tollendal qui s'est opposé à ce que la minorité mécontente puisse provoquer le retrait d'un amendement dont le vote avait été régulièrement obtenu. Il a également proposé un sous-amendement destiné à remplacer l'expression « sans distinction de naissance » par celle-ci : « sans autre distinction que celle de leurs talents et de leurs vertus ».
Nous nous reportons au compte rendu des Archives parlementaires qui indique : « Ce sous-amendement passe à la presque unanimité, après quoi l'on va enfin aux voix sur la rédaction de M. l'évêque d'Autun. Elle est admise à l'unanimité avec les amendements, en ces termes : «La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation. ...» » 813 ( * ) C'est-à-dire la rédaction que nous connaissons et qui fait partie de notre droit positif.
Il ne s'agit pas, bien sûr, de contester la valeur juridique du texte de l'article 6 de la Déclaration. Toutefois, si l'on cherche à connaître la conception révolutionnaire de la loi il est indispensable de ne pas s'en tenir à la rédaction du texte et de se reporter aux conditions de son adoption. Celles-ci montrent que la coupure du lien entre les deux premières phrases est purement contingente et qu'elle résulte d'une modification intervenue au moment de la rédaction des interventions pendant les débats. Par conséquent les changements dans la rédaction mise aux voix, puis adoptée, ne provient pas d'une décision de l'Assemblée. Il en résulte que les révolutionnaires n'avaient pas souhaité conférer à la loi un statut privilégié découlant uniquement de ses caractéristiques formelles. Ils avaient au contraire lié ce statut au fait que la loi devait nécessairement bénéficier d'une légitimation démocratique pour acquérir son statut juridique.
Nous pouvons en conclure que les constituants de 1789 ont retenu, à côté de la légitimation par la norme suprême, une légitimité démocratique qui repose sur la nécessité pour le peuple de concourir à la formation de l'acte législatif. Cette exigence de la présence active du peuple peut également s'observer dans les travaux relatifs à l'établissement du pouvoir judiciaire814 ( * ) qui ont été repris dans la Constitution de 1791 dont un article disposait : « Le Pouvoir Judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple. » 815 ( * )
Le projet de Sieyès relatif à l'institution d'un « Jury constitutionnaire » n'ayant pas reçu un accueil favorable, le juge constitutionnel n'est arrivé que beaucoup plus tard dans le paysage institutionnel. Néanmoins, il a dû composer avec le désir de légitimation, réaffirmé par les révolutionnaires de 1789, ainsi qu'avec la légitimité renforcée de l'acte législatif telle qu'elle a été façonnée sous la IIIe République. Dès lors le juge constitutionnel ne pouvait tirer sa légitimité que d'un nouveau concept de légitimation forgé au moment de la création des cours constitutionnelles. Toutefois ces procédés de légitimation, bien qu'ayant rempli leur office en permettant l'installation des juridictions constitutionnelles, présentent de nombreux inconvénients. Il convient donc d'examiner l'opportunité de leur renouvellement au regard du développement du contentieux constitutionnel dans les démocraties contemporaines.
* 771 S. FREUD, Le malaise dans la culture, trad. P. Cotet, R. Lainé, J. Stute-Cadio, Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 4e édition, 2000, p. 85.
* 772B. MENU, Aspects de la fonction de juger dans l'Egypte pharaonique, Droit et Cultures, n° 47, 2004/1, p. 123-137.
* 773F. JOANNES, La pratique judiciaire en Babylonie récente (VIe-IIIe siècles avant J.-C.), Droit et Cultures, n° 47, 2004/1, p. 121.
* 774 P. VILLARD, La fonction de juge dans l'empire néo-assyrien, Droit et Cultures, n° 47, 2004/1, p. 171-184.
* 775S. DEMARE-LAFONT, Jugement et arbitrage en Mésopotamie, Droit et Cultures, n° 47, 2004/1, p. 67-79 ; A. PHILIP-STEPHAN, Juger sous l'Ancien Empire égyptien, Droit et Cultures, n° 47, 2004/1, p. 139-152.
* 776 R. JACOB, Le procès, la contrainte et le jugement. Questions d'histoire comparée, Droit et Cultures, n° 47, 2004/1, p. 13-34.
* 777 J.-P. VERNANT, Les origines de la pensée grecque, Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 10e édition, 2004, p. 47.
* 778 J.-P. VERNANT, op. cit., p. 62-63.
* 779 J. de ROMILLY, La loi dans la pensée grecque, Paris, Les Belles Lettres, 2e édition, 2002, p. 148-151.
* 780 J.-P. VERNANT, op. cit., p. 56-57.
* 781 J.-P. VERNANT, op. cit., p. 56.
* 782 P. VIDAL-NAQUET, Les Grecs, les historiens, la démocratie : le grand écart, Paris, La Découverte, 2000, p. 167.
* 783 G. GROTE, Histoire de la Grèce, Paris, Librairie Internationale, tome 5, 1865, p. 309-312.
* 784 G. GROTE, Histoire de la Grèce, Paris, Librairie Internationale, tome 7, 1865, p. 340.
* 785 G. GROTE, Histoire de la Grèce, op. cit., tome 7, p. 353.
* 786 J.-P. VERNANT, Les origines de la pensée grecque, Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 10e édition, 2004, p. 100-117 : « Cosmogonies et mythes de souveraineté ».
* 787 J.-P. VERNANT, op. cit., p. 108-112.
* 788 J. de ROMILLY, La loi dans la pensée grecque, Paris, Les Belles Lettres, 2e édition, 2002, p. 169-175.
* 789 On distingue ainsi dans la pédagogie de la révélation judéo-chrétienne : l'alliance avec Noé, l'alliance avec Abraham, puis l'alliance solennelle avec Moïse et, enfin, le renouvellement de cette alliance au travers de la personne du Christ.
* 790 Exode, 20, 13-17.
* 791 La Bible de Jérusalem, Paris, Editions du Cerf, 6e édition, 1981, p. 129 : Exode, 18, 19-24.
* 792 Il s'agit du député de la sénéchaussée du Haut-Limousin, colonel du régiment de Touraine, représentant la Noblesse, et non du comte de Mirabeau, député du Tiers-état de la Sénéchaussée d'Aix connu sous le nom de « Mirabeau ».
* 793 Archives parlementaires, Paris, Librairie administrative Paul Dupont, 1875, Première série (1789-1799), Tome VIII du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789, p. 462.
* 794 Archives parlementaires, op. cit., p. 431.
* 795 Archives parlementaires, op. cit., p. 452.
* 796 Archives parlementaires, op. cit., p. 462.
* 797 Ibid.
* 798 Ibid.
* 799 Ibid.
* 800 Archives parlementaires, op. cit., p. 462-463.
* 801 Archives parlementaires, op. cit., p. 463.
* 802 Il s'agit du comité chargé au sein de la Constituante de résumer le travail relatif à la déclaration des droits de l'homme de du citoyen. Le projet du comité a été communiqué aux députés lors de la séance du 17 août 1789 par le comte de Mirabeau (Archives parlementaires, op. cit., p. 438-439). Ce projet avait pourtant été abandonné, le 19 août, les députés ayant alors choisi de discuter le projet du sixième bureau en raison de difficultés liées à l'examen du projet du comité des cinq (Archives parlementaires, op. cit, p. 459).
* 803 Archives parlementaires, op. cit., p. 463.
* 804 Rabaud de Saint-Etienne, dans le projet présenté le 12 août 1789, parle de « droit inaliénable et imprescriptible » (Archives parlementaires, op. cit., p. 406).
* 805Nous reprenons ici la classification établie par E. Kant : « On peut diviser les formes d'un Etat (civitas) soit selon la différence des personnes qui détiennent le pouvoir suprême de l'Etat, soit selon la manière, quelle qu'elle soit, dont le chef gouverne le peuple ; la première s'appelle proprement la forme de souveraineté (forma imperii) et il n'y en a que trois qui soient possibles : ou bien en effet un seul, ou bien quelques-uns liés entre eux ou bien tous ceux qui ensemble constituent la société civile, détiennent le pouvoir souverain (autocratie, aristocratie et démocratie ; pouvoir du prince, pouvoir de la noblesse et pouvoir du peuple) ; la deuxième est la forme de gouvernement (forma regiminis) et concerne la manière fondée sur la constitution (l'acte de volonté universelle par laquelle la foule devient un peuple) dont l'Etat fait usage de sa pleine puissance. Sous ce rapport elle est soit républicaine soit despotique. » ; (E. KANT, Vers la paix perpétuelle, Paris, Flammarion, 1991, p. 86).
* 806 Nous ne partageons pas la position de M. Troper qui oppose principe représentatif et démocratie représentative notamment parce qu'elle méconnaît la pluralité de fonctions du mécanisme représentatif qui n'est pas uniquement appliqué à la représentation de la volonté législatrice (« La Constitution de 1791 aujourd'hui », Revue française de droit constitutionnel, n°9, 1992. p.3-14). Certaines formes de représentation, comme l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct, sont liées à la fonction de légitimation et non à la représentation de la volonté législatrice.
* 807 Projet de déclaration des droits de l'homme et du citoyen discuté devant le sixième bureau de l'Assemblée nationale, présenté le 12 août 1789, Archives parlementaires, op. cit., p. 432.
* 808 Projet de déclaration des droits de l'homme et du citoyen du comité des cinq, présenté le 17 août 1789, Archives parlementaires, op. cit., p. 439.
* 809 Archives parlementaires, op. cit., p. 465.
* 810 Ibid.
* 811 Ibid.
* 812 Archives parlementaires, op. cit., p. 466.
* 813 Ibid.
* 814 Rapport du député Bergasse au nom du comité de Constitution sur l'organisation du pouvoir judiciaire, Archives parlementaires, op. cit., p. 440-450.
* 815 Constitution de 1791, Titre III, article 5.