L'office du juge
Paris, Palais du Luxembourg les 29 et 30 septembre 2006
II. LES PARAMÈTRES FINALITAIRES DE LA DÉCISION JUDICIAIRE
Les ravages du temps, les ravages du désordre, les ravages de l'ineffectivité : tels me paraissent être les principaux paramètres finalitaires de la décision judiciaire que le juge, et singulièrement le juge de cassation, doit prendre en compte lorsqu'il tranche un litige.
A. LES RAVAGES DU TEMPS
La dimension propre du droit c'est le temps «. Ainsi s'exprime Jean Carbonnier dans « Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur» 425 ( * ) , en ajoutant que toutes les institutions juridiques n'ont de sens que dans le temps.
Trancher un litige c'est tenir compte du temps qui peut en modifier toutes les données, voire rendre vaine et frustratoire la décision trop tardive. Le procès équitable, au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, c'est le procès qui est mené dans un délai raisonnable .La France, hélas, a subi a plusieurs reprises les foudres de la Cour européennes des droits de l'homme parce que ses tribunaux, qu'ils soient administratifs ou judiciaires, avaient failli à cette exigence.
Certes, et hommage soit à cet égard rendu au Premier président Drai qui en fût le plus efficace et le plus ardent défenseur, la juridiction des référés, qui permet de statuer très rapidement , et même d'heure à heure, dans les affaires urgentes, est maintenant solidement implantée dans tous les tribunaux et cours d'appel de l'ordre judiciaire ; et le juge administratif est ensuite entré dans la même voie, y compris le Conseil d'Etat. Mais force est de constater que la Cour de cassation fut longtemps peu sensible à cette dimension du temps, trop souvent ravageur des droits les plus élémentaires de la personne humaine engagée dans un procès, et cela tant en ce qui concerne l'instruction des pourvois que les renvois trop systématiques après cassation. On ne peut d'ailleurs manquer d'éprouver un malaise rétrospectif lorsqu'on sait que dans une matière aussi sensible que le droit du travail le délai moyen de jugement par la chambre sociale de la Cour de cassation était de 2 ans et 7 mois en 1993. Il a fallu attendre le début de 2003, après un palier à 1 an et 11 mois entre 1999 et 2002, pour que ce délai recommence à décroître pour se réduire, malgré une très forte augmentation du nombre de pourvois et du nombre d'arrêts, à 1 an et 7 mois en juin 2006, avec une perspective d'un an et 5 à 6 mois en fin d'année.
Il est vrai que les délais légaux d'instruction des pourvois sont longs, sans doute trop: cinq mois pour le dépôt du mémoire en demande, trois mois pour le mémoire en défense dans les pourvois avec représentation obligatoire, qui représentent l'écrasante majorité des pourvois puisque pratiquement seuls les pourvois en matière d'élection professionnelle et politique sont maintenant dispensés du ministère d'avocats aux Conseils. Compte tenu du délai pour former le pourvoi lui-même, de son allongement pour les parties résidant dans un département ou territoire d'outre-mer ou à l'étranger, des aléas des notifications et significations, des pourvois incidents ou provoqués, un pourvoi peut n'être en état d'être jugé dans certains cas que bien plus d'un an après la décision attaquée. Il a fallu attendre l'action de l'actuel premier président de la Cour de cassation pour que soit enfin mis en oeuvre de façon systématique, en application de l'article 1009 du nouveau code de procédure civile ,un processus de réduction des délais d'instruction dans les pourvois concernant la détermination de la juridiction compétente, l'état des personnes (divorce notamment), certaines décisions en référé marquées par le sceau de l'urgence, et les arrêts prononcés après une première cassation. Et, outre ces réductions de délais, tous ces pourvois font l'objet d'une distribution prioritaire à un rapporteur et sont audiencés en urgence de sorte que pour ce type de pourvois les arrêts sont maintenant rendus moins d'un an - et parfois largement moins - après la déclaration de pourvoi.
Mais l'appréciation de la durée d'un procès ne se limite pas à la procédure de cassation. Chaque intervenant dans le processus judiciaire doit prendre en compte l'exigence de la durée raisonnable du procès dans sa totalité et ne pas de borner à l'horizon limité, même pour la Cour de cassation, de sa seule intervention. Ainsi en cas de cassation, le processus habituel est le renvoi de l'affaire devant une juridiction de même degré que celle dont la décision a été cassée; les parties, nonobstant les années de procédure, étant « replacées dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé «(art 625 du ncpc) avec toutes les conséquences humaines dramatiques et le coût que ce nouveau retard, qui peut atteindre des années en cas de nouveau pourvoi, peut causer. Toutefois l'article L 131-5 du code de l'organisation judiciaire (dont les dispositions sont reprises par l'article 627 du ncpc) permet de prononcer une cassation sans renvoi soit lorsqu'elle n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, soit lorsque les faits tels qu'ils ont été souverainement appréciés par les juges du fond lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée.
Cette faculté, donnée à la Cour de cassation de mettre fin au litige c'est-à-dire de trancher dans toute sa plénitude, permet de contribuer à cette exigence fondamentale du procès équitable, c'est-à-dire statuer dans un délai raisonnable en tenant en particulier compte de situations humaines de détresse dans lesquelles renvoyer les parties devant un nouveau juge du fond, avec tous les frais et le temps que cela implique, relève du mépris de la personne humaine et de sa dignité, sinon d'une forme de cruauté judiciaire et de déni de justice. Plusieurs chambres de la Cour de cassation, et plus particulièrement la première chambre civile et la chambre sociale, se sont engagées dans cette voie en développant des cassations sans renvoi et partiellement sans renvoi. Ainsi lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire a décidé à tort que les conditions d'une question préjudicielle étaient réunies et sursis à statuer jusqu'à la décision du juge administratif, la Cour de cassation casse sans renvoi 426 ( * ) . De même en matière de pourvois portant sur une question de conflit de compétence entre les tribunaux de l'ordre administratif et ceux de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation prononce quasi systématiquement des cassations sans renvoi lorsqu'une cour d'appel s'était déclarée compétente alors que le litige relevait du juge administratif. Lorsqu'un arrêt déféré à la Cour de cassation est infirmatif de la décision du premier juge et que cet arrêt est cassé, la Cour de cassation casse parfois sans renvoi en confirmant purement et simplement la décision du premier juge 427 ( * ) .
Mais, dans le souci d'accélérer le cours des procédures et de permettre le respect de cette exigence majeure du procès équitable qu'est le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, plusieurs dizaines d' arrêts de la Cour de cassation ont procédé à des cassations sans renvoi sur le point de droit contesté par un moyen, le renvoi étant limité aux seuls autres points restés en litige, et souvent à la seule détermination du montant des dommages-intérêts. Il s'agit des cassations partiellement sans renvoi qui ont été analysées en profondeur par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dans une chronique intitulée « La cassation avec renvoi limité, ou cassation partiellement sans renvoi en matière civile «publiée dans «Justice et Cassation « , Dalloz 2006, qui est la revue annuelle des avocats aux Conseils
Dans tous ces cas la Cour de cassation, après le prononcé de la cassation, tranche elle-même dans son dispositif le point de droit critiqué, la juridiction de renvoi n'ayant alors à statuer que sur les points restant en litige. S'agissant de l'indemnisation des victimes du SIDA, un arrêt de la première chambre civile du 27 mai 1997 428 ( * ) a ainsi décidé, à propos d'une affaire remontant à 1985 dans laquelle une cour d'appel s'était déclarée incompétente en 1995 de casser sans renvoi du chef de la compétence et de renvoyer uniquement sur le fond de la demande de réparation du préjudice des membres de la famille de la victime décédée en 1992. Lorsqu'une cour d'appel a, à tort, déclaré une action prescrite, l'arrêt de cassation rejette la fin de non recevoir tirée de cette prescription 429 ( * ) ou au contraire dit que l'action est prescrite 430 ( * ) . Lorsqu'une action a été à tort déclarée irrecevable, l'arrêt de cassation décide qu'elle est recevable 431 ( * ) . Si la décision frappée de pourvoi a, de façon erronée, écarté l'existence d'une faute alors que les constatations de faits des juges de fond devaient aboutir à sa reconnaissance, la Cour de cassation décide elle-même qu'une faute avait été commise 432 ( * ) , la juridiction de renvoi n'ayant alors qu'à se prononcer sur les questions afférentes au préjudice. Il y encore lieu à cassation partiellement sans renvoi dans le cas d'un arrêt ayant décidé à tort de rejeter une demande de résiliation de son contrat de travail formée par un salarié, la Cour de cassation mettant fin au litige de ce chef en prononçant la résiliation, le renvoi étant limité aux conséquences de celles-ci 433 ( * ) . Cette pratique suppose évidemment que tous les éléments de faits nécessaires figurent bien dans la décision attaquée du juge du fond, la cour de cassation se bornant alors à en tirer les conséquences légales en sa qualité de juge du droit.
D'aucuns ont objecté que cette pratique des cassations partiellement sans renvoi limite les prérogatives des juges du fond et leur «droit de rébellion» contre l'arrêt de la Cour de cassation. L'objection est évidemment irrecevable, sinon indigne, car on ne peut mettre en balance des détresses humaines qui attendent depuis des années (comme dans les affaires tragiques ayant donné lieu aux arrêts précités du 27 mai 1997 et du 18 juillet 2000) qu'on leur rende justice et la limitation des attributions des juges appelés à statuer à la suite d'une cassation. Avant la prétendue « frustration » quant à l'étendue de ses pouvoirs d'appréciation de la juridiction de renvoi après cassation, il y a le devoir de respecter la personne humaine dans son attente de justice rendue dans un délai raisonnable.
B. LES RAVAGES DU DÉSORDRE
Il y a désordre d'abord lorsque au sein de la Cour de cassation la même question de droit fait l'objet de solutions différentes selon les chambres .Certes, chacune des chambres a en principe une compétence spécifique, mais des recoupements sont inévitables.
Sur certains points qui peuvent engendrer des contrariétés de jurisprudence. La Cour de cassation manque alors à sa vocation fondamentale d'unificatrice de l'interprétation de la norme .La solution curative est alors le recours à une chambre mixte ou à une assemblée plénière, mais le trouble aura persisté entre temps, et parfois longtemps.
La solution préventive, maintenant mise en place de façon systématique, est le recours à une veille juridique faite par le service de documentation et d'études de la Cour de cassation de façon à détecter les divergences , ou mieux les potentialités de divergences, le plus rapidement possible et à provoquer très vite une harmonisation soit par une évolution des chambres en divergence, soit par une chambre mixte ou une assemblée plénière. Il y ainsi régulièrement des réunions du premier président et des présidents de chambre sur ce sujet et les rapporteurs sont invités à avoir une attention particulière sur les risques de divergence.
Il y a également désordre lorsque, sur une même question de droit, les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ont une approche différente .Il ne s'agit pas là d'un conflit de compétence, dont le mode de règlement, c'est-à-dire le recours au Tribunal des conflits, est connu, mais de situations où chaque juge est compétent mais où les solutions divergent. Cette divergence d'interprétation d'un même texte par les deux Ordres relève de ce que le doyen Vedel appelait une «divergence accidentelle» par opposition à une «divergence essentielle» dans son commentaire d'un jugement du Tribunal des conflits du 26 mai 1954 434 ( * ) . Mais il est toujours regrettable, sauf raison majeure inhérente à des approches spécifiques du juge administratif et du juge judiciaire, que les deux plus hautes juridictions administrative et judiciaire donnent une interprétation différente d'une même règle de droit. Ce type de désordre peut avoir de lourdes conséquences, comme par exemple dans les drames du sang contaminé ou de l'amiante, où il eut été incompréhensible et indécent, sinon inhumain, pour les victimes que leurs droits soient jugés de façon fondamentalement différente selon le juge compétent. Fort heureusement les deux Ordres ont veillé à ce que les solutions soient très proches malgré des concepts juridiques différents .La Cour de cassation, et notamment sa chambre sociale , est en tout cas très attentive - et je sais que la réciproque est vraie- à ce qu'une très grande attention soit portée à nos jurisprudences réciproques sur les mêmes questions de façon à limiter autant que faire se peut les désordres injustifiés. Le rapport annuel de la Cour de cassation de 2005 en donne d'ailleurs deux exemples précis à propos d'un arrêt du 22 février 2005 435 ( * ) . Dans le premier la chambre sociale a considéré qu`il existait des raisons pertinentes pour maintenir sa position, distincte de celle du Conseil d'Etat, par contre dans le second elle a estimé que de telles raisons n'existaient pas et s'est ralliée à celle du Conseil.
Il y aurait enfin désordre si le juge, qu'il soit administratif ou judiciaire, ne tenait pas compte de l'interprétation, et notamment des réserves d'interprétation, faites par le Conseil constitutionnel sur une loi. Mais aucun désordre de ce type ne me paraît avoir été caractérisé, la Cour de cassation veillant bien entendu à ce que ce type de désordre ne se produise pas ; l'arrêt dit des «pages jaunes « du 11 janvier 2006 436 ( * ) a ainsi pris en considération le décision 2001-455 du 12 janvier 2002 du Conseil Constitutionnel, comme en témoigne le communiqué mis en ligne sur le site internet de la Cour de cassation.
C. LES RAVAGES DE L'INEFFECTIVITÉ
Dans son ouvrage déjà cité Jean Carbonnier consacre une étude de référence au thème « Effectivité et ineffectivité» de la règle de droit « 437 ( * ) , Plus récemment Jacques Commaille dans le » Dictionnaire de la culture juridique « de Denis Alland et Stéphane Rials 438 ( * ) en a aussi souligné l'importance majeure en relevant en particulier la primauté de la prise en compte de la réalisation sociale effective de la règle de droit. De son côté la Cour européenne des droits de l'homme affirme avec constance et force depuis le célèbre arrêt Airey du 9 octobre 1979 439 ( * ) , la primauté de l'exigence d'effectivité dans l'application du droit et fustige son ineffectivité.
Trancher c'est prendre en compte cette exigence d'effectivité de la règle de droit dans la solution d'un litige; c'est, au delà d'une interprétation plus ou moins exégétique, chercher à rendre le droit effectif dans son application, c'est-à-dire à se conformer à la finalité de la loi. Les arrêts «amiante» de la chambre sociale du 28 février 2002 440 ( * ) ont cherché, à travers un revirement majeur de jurisprudence sur la définition de la faute inexcusable et la mise en exergue de l'obligation de sécurité de résultat, à rendre effective la protection de la santé du salarié dans l'entreprise et à permettre une meilleure réparation de ses préjudices. L'arrêt sur le tabagisme accentue encore cette prise en compte afin de permettre la prohibition effective de l'usage du tabac dans les locaux de l'entreprise. 441 ( * ) Plus récemment, un arrêt du 28 février 2006 est encore plus explicite 442 ( * ) en énonçant que « L'employeur ,tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité «, formule qui rejoint mutatis mutandis celle de l'arrêt Samse du 17 décembre 2004 énonçant que « l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non concurrence répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle « 443 ( * ) . Et je relève avec satisfaction que le juge administratif entend également lutter contre les ravages de l'ineffectivité et mettant lui aussi en lumière l'impératif pour le juge qui tranche un litige d'assurer l'effectivité de la norme. L'arrêt Onesto du 8 mars 2006 444 ( * ) fait ainsi état de l'obligation pesant sur les organes dirigeants de la RATP d'assurer « L'effectivité du principe fondamental de la continuité du service public des transports collectifs dans l'agglomération parisienne «; et l'arrêt « Centre d'exportation du livre français du 29 mars 2006 445 ( * ) évoque expressis verbis la nécessité pour les règles de droit national de ne pas » faire obstacle à la pleine effectivité du droit communautaire «.
Sans doute pourrait-on évoquer d'autres paramètres qui doivent entrer en compte dans l'acte judiciaire par excellence consistant à trancher un litige.
J'aurais ainsi pu ainsi évoquer - et le dernier arrêt du Conseil d'Etat que je viens de citer à propos de la nécessité d'assurer l'effectivité du droit communautaire y incite - au titre des ravages du désordre, celui du «désordre international «, c'est-à-dire le fait pour le juge français de négliger les normes du droit communautaire, ou du droit conventionnel, tel celui issu de la convention européenne des droits de l'homme ou de conventions internationales du travail. Mais j'ai volontairement écarté ce point qui, eu égard à son importance et aux conséquences spécifiques qu'il peut avoir sur la mise en cause de la responsabilité de la France, mériterait un débat autonome long et approfondi qui pourrait absorber la totalité de la journée. De même aurait pu être analysée la saisine pour avis de la Cour de cassation qui permet de donner rapidement, et de limiter ainsi un aspect des « ravages du temps «, une interprétation sur une question de droit nouvelle se posant dans de nombreux litiges.
S'il fallait enfin mettre en exergue dans tous ces paramètres un point particulier, je crois que j'insisterais sur les» ravages du temps « dans nos processus décisionnels judiciaires. Tout doit être fait pour que nous tranchions les litiges dans un délai raisonnable en prenant en considération l'ensemble du processus aboutissant à une décision définitive et exécutoire. J'ai évoqué à cet égard l'évolution des pratiques de la Cour de cassation remettant en cause le caractère trop automatique des renvois après cassation, avec notamment les cassations partiellement sans renvoi .Je regrette d'ailleurs qu'à la différence du Conseil d'Etat, du Tribunal de première instance et de la Cour de justice des communautés européennes, la Cour de cassation n `ait pas la faculté après cassation d'évoquer et de statuer au fond, ce qui pourrait se faire par une simple modification des articles 626 et 627 du ncpc. La Cour de justice des communautés européennes nous donne d'ailleurs l'exemple : alors que l'article 61 de son statut lui ouvre la faculté, lorsque le pourvoi est fondé, de renvoyer l'affaire devant le tribunal, elle n'en use pratiquement plus puisque sur 22 annulations prononcées en 2004 et 2005, 21 ont été faites sans renvoi. Et l'article 13 du nouveau statut du tribunal de première instance statuant en tant que juge de cassation des litiges opposant les communautés à leurs agents fait des cassations sans renvoi la norme. Les renvois après cassation sont sans doute à renvoyer aux vestiges et aux vertiges d'un temps révolu de l'histoire judiciaire pour laquelle l'être humain était un sujet et un objet abstrait d'application d'un droit plus ou moins théorique, et non un titulaire du droit fondamental d'obtenir justice dans un délai raisonnable. Tel est d'ailleurs l'objectif de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice créée le 18 septembre 2002 qui souhaite que chaque affaire soit traitée dans un délai optimal et prévisible.
Intervention du Président Guy CANIVET
Merci M. le Président Sargos d'avoir bien montré par votre développement les tensions qu'il peut y avoir, au moment où le juge tranche, entre la fonction de « dire le droit » par un acte d'autorité et la prise en compte des intérêts des parties qui oblige à réintroduire dans ce mécanisme de la temporalité là où les juridictions suprêmes estimaient oeuvrer dans l'intemporel. Avant de lancer le débat sur ces questions qui sont finalement assez communes entre Conseil d'Etat et Cour de cassation, il reste à aborder la situation particulière de la Cour des comptes. Le professeur Orsoni ose pose une question redoutable au juge des comptes : que juge-t-il, doit-il encore juger ? On pourrait ajouter le juge des comptes est-il un juge... Vous avez la parole.
* 425 L.G.D.J. 10° édition, p.383.
* 426 Civ I 21 mai 1986 Bull. n°131.
* 427 Par exemple, Soc. 9 novembre 2005, Bull. V n°312. et Rap.annuel Cass 2005 p 244; elle peut aussi casser sans renvoi en déboutant le demandeur au pourvoi de sa demande, Soc 3 mai 2006 Bull V n° 16O.
* 428 Bull n° 175
* 429 Civ I 1° juin 1999, Bull n° 178
* 430 Soc 14 décembre 2005, Bull n° 364
* 431 Civ I .7 novembre 2000, Bull n° 274
* 432 Par exemple Civ I 18 juillet 2000, Bull n° 221 et Rap annuel 2000 p.386.
* 433 Soc 15 février 2006 Bull V n° 74 ;
* 434 JCP 1954-II- 8334, point XVII.
* 435 Bull V n° 60 et p.250 du rapport- et du 6 juillet 2005 - Bull.V.n° 237 et p 253 du rapport.
* 436 Bull.V.n° 10.
* 437 Flexible Droit ,10° éd.p .136.
* 438 PUF, 2003 p. 583
* 439 Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, Frédéric SUDRE, Jean-Pierre MARGUENAUD, Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA , Adeline GOUTTENOIRE et Michel LEVINET , Thémis , 2° édition , p 18.
* 440 Bull V n° 81.Rapp.annuel 2002 p 109.
* 441 Soc 29 juin 2005 Bull.V.n° 219. Rapp. annuel 2005 p 247.
* 442 Bull.V. n°87 JCP S 2006 .1278;
* 443 Bull V n° 346 p 310 et Rapp. 2004 p,210 et 213 ;
* 444 Req n° 278999. RJEP juillet 2006 p.307.
* 445 Req.n°274923 et 274967