- Mardi 24 novembre 2009
- Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Patrick Devedjian, ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
- Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
- Loi de finances pour 2010 - Mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » - Examen du rapport pour avis
- Résolution européenne - Nomination d'un rapporteur et délai limite
- Mercredi 25 novembre 2009
- Loi de finances pour 2010 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2010 - Mission « Ecologie, développement et aménagement durables » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2010 - Mission « Ville et logement » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2010 - Mission « Plan de relance de l'économie » - Examen du rapport pour avis
Mardi 24 novembre 2009
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Patrick Devedjian, ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Au cours d'une première séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Patrick Devedjian, ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, sur le projet de loi de finances pour 2010.
Après avoir relevé que l'examen du budget 2010 permettait de dresser un bilan du plan de relance près d'un an après son lancement par le Président de la République, M. Patrick Devedjian, ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, a souligné que la France avait choisi de mobiliser l'essentiel de ses efforts dès 2009, au contraire de nombre d'autres pays dont les plans de relance produiront majoritairement leurs effets en 2010. Il a jugé ce choix pertinent, l'effort ayant ainsi pu porter sur la période de crise la plus intense.
M. Patrick Devedjian a souligné que le plan de relance tourne aujourd'hui à plein régime, bénéficiant d'une mobilisation collective dépassant les clivages politiques. Il a salué l'action des préfets de région et indiqué que, à ce jour, 27 milliards d'euros ont été injectés dans l'économie. Par ailleurs, plus de 1 000 chantiers pilotés par l'État ont démarré.
S'agissant des investissements, il a indiqué que les services de l'État ont engagé les trois quarts des sommes ouvertes au budget, soit 3,1 milliards d'euros. Les mises en paiement suivent l'avancée des chantiers et 1,7 milliard d'euros ont été versés à ce jour. Les entreprises publiques ont, quant à elles, dépensé plus de 2,1 milliards d'euros.
Les collectivités territoriales participent pleinement à l'effort de relance. Pour bénéficier du remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), plus de 19 000 d'entre elles se sont en effet engagées par convention à un effort d'investissement de 54 milliards d'euros. Le coût de la mesure pour l'État s'élève ainsi à 3,8 milliards d'euros alors que seulement 2,5 milliards ont été ouverts en loi de finances. M. Patrick Devedjian s'est déclaré satisfait du rythme de progression de cet effort d'investissement : fin octobre 2009, près de 45 % des collectivités territoriales ont, d'ores et déjà rempli, leurs obligations. Ainsi, malgré la crise, les collectivités territoriales n'ont globalement pas réduit leurs investissements. Certaines d'entre elles ont cependant du mal à remplir leurs engagements pour des raisons liées aux délais d'élaboration des projets et de mandatement des paiements. C'est pourquoi le Premier ministre a annoncé un assouplissement de la règle : il suffira que les projets soient engagés en 2009 même si le paiement intervient seulement en 2010.
M. Patrick Devedjian s'est réjoui des excellents résultats du plan de relance en matière de logement, tant en métropole qu'outre-mer. Plus de 100 000 logements sociaux ou en accession sociale ont ainsi été financés, répondant à la forte demande et soutenant le secteur du bâtiment.
S'agissant des entreprises, elles ont reçu par le biais de mesures fiscales 13,3 milliards d'euros, contre 9,2 prévus initialement. OSEO a octroyé plus de 3,2 milliards d'euros de prêts garantis, au bénéfice de plus de 14 700 entreprises. Le dispositif CAP + en faveur de l'assurance-crédit, après un démarrage difficile, a couvert un encours de 615 millions d'euros. Enfin, la « prime à la casse » a concerné à ce jour 500 000 véhicules, jouant un rôle essentiel de sauvegarde de l'industrie automobile.
A ces mesures portant sur l'investissement s'ajoutent des mesures en faveur des ménages aux revenus modestes, 3 milliards d'euros leur ayant été consacrés via des mesures concrètes d'aides et de déductions fiscales. M. Patrick Devedjian a estimé que ce soutien à la consommation ne doit être ni oublié, ni sous-estimé, tout en reconnaissant que l'essentiel du plan de relance vise le soutien aux investissements. Il a indiqué, par ailleurs, que le soutien à l'emploi est devenu l'une des priorités de la relance, à l'exemple de l'aide à l'embauche pour les PME qui a permis 600 000 embauches, ou des vingt mesures du fonds d'investissement social (FISO).
Le bilan du plan de relance fait ressortir que 400 000 emplois ont été créés ou sauvegardés entre 2009 et 2010, hors effets d'aubaine, et que de nombreux projets porteurs d'emplois n'auraient pas vu le jour sans ce plan.
Le PIB a augmenté de 0,3 % au deuxième et au troisième trimestres 2009, et le rythme des destructions d'emplois a ralenti, passant de 185 000 au premier trimestre à 5 500 au troisième. Ces chiffres constituent un signe de stabilisation mais aussi une invitation à poursuivre les efforts.
S'agissant des crédits de la mission « Plan de relance de l'économie », M. Patrick Devedjian a indiqué que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit d'ouvrir 2,3 milliards d'euros d'engagement (AE) et 4,1 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Ces sommes doivent couvrir les engagements contractés en 2009, mais aussi permettre de proroger plusieurs dispositifs :
- 1,4 milliard d'euros seront affectés au fonds d'investissement social (FISO), en plus de la dotation de 1,3 milliard d'euros en 2009, et l'aide à l'embauche « zéro charges TPE » sera prolongée de six mois, pour un coût de 410 millions d'euros. Ces deux mesures illustrent la réaffirmation de la priorité à l'emploi ;
- la sortie progressive de la « prime à la casse » sera financée à hauteur de 240 millions d'euros ;
- une approche similaire a été retenue pour la majoration du prêt à taux zéro, dont le doublement sera maintenu durant les six premiers mois de l'année ; l'augmentation ne sera plus ensuite que de 50 % pour les six derniers mois. Cette mesure, qui a fait la preuve de son efficacité en 2009, continuera ainsi à soutenir la primo accession sociale à la propriété ;
- le soutien à l'outre-mer est renforcé avec le maintien du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) pour un coût de 280 millions d'euros et l'ouverture de nouveaux crédits pour le logement social et l'aménagement de terrains ;
- le remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche (CIR) est prolongé d'un an, et le doublement du prêt à taux zéro étendu aux six premiers mois de l'année prochaine.
En conclusion, M. Patrick Devedjian a indiqué que le plan de relance a contribué en 2009 à soutenir l'économie française et qu'il continuerait à le faire en 2010 ; il a mis en avant les meilleurs résultats de la France en matière de croissance par rapport à ses voisins européens.
M. Jean-Paul Emorine, président, a salué l'efficacité du plan de relance, estimant que les comparaisons avec les autres pays européens montrent que les orientations définies par le Gouvernement ont été judicieuses.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la mission « Plan de relance de l'économie », a salué la publication d'un rapport trimestriel détaillé sur l'état d'exécution du plan de relance, permettant aux parlementaires d'assurer, quasiment en temps réel, un suivi des mesures votées. Il a estimé que cela pourrait servir d'exemple pour le suivi de l'application des lois.
S'agissant du FCTVA, il a souhaité obtenir des précisions sur l'annonce faite par le Premier ministre sur la levée des sanctions pour les collectivités territoriales ayant signé une convention mais n'ayant pas satisfait à leurs engagements en matière d'investissement en 2009. Il a regretté ensuite le manque d'éléments relatifs à l'évaluation de la performance de la mission dans les documents budgétaires. Puis, il s'est interrogé sur le sort des crédits non entièrement consommés en 2009. Enfin, il a estimé que la lourdeur des procédures administratives peut constituer un frein à certaines opérations et que la vraie relance passe par leur allègement.
M. Patrick Devedjian a indiqué que, à la suite de l'annonce faite par le Premier ministre, le Gouvernement a déposé un amendement sur le projet de loi de finances prévoyant que l'engagement des projets en 2009 suffisait pour que les collectivités territoriales concernées soient considérées comme ayant rempli leurs obligations. Par ailleurs, il s'est félicité de la reconduction en 2010 du remboursement anticipé du FCTVA.
Il a fait valoir qu'il est difficile de disposer de ratios de performance dès la première année de mise en oeuvre de la mission budgétaire, beaucoup d'actions étant aujourd'hui encore en cours. Le rapport annuel de performances (RAP) sera cependant publié au début de 2010 : il sera attentif au caractère opérationnel des indicateurs de performance qui y figureront.
Les crédits 2009 non consommés seront reportés en 2010.
Enfin, s'agissant de l'allègement des procédures administratives, M. Patrick Devedjian a rappelé que la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés contient des mesures d'assouplissement, notamment en matière d'appels d'offres. Il a estimé qu'il faut cependant aller plus loin, regrettant, par exemple, que le seuil de l'enquête Bouchardeau n'ait pas été abaissé.
Après avoir salué la réactivité et l'efficacité du Gouvernement en matière de relance, M. Daniel Dubois a relayé les inquiétudes du secteur du bâtiment, qui subit, en effet, la baisse des demandes de permis de construire et, plus généralement, des commandes, ainsi qu'une véritable « guerre des prix ».
Il a estimé que l'effort en matière de relance doit être prolongé. Il a, lui aussi, appelé de ses voeux une évolution de la réglementation, indiquant que l'administration doit jouer un rôle de facilitateur. Ainsi il a relevé que les règles applicables aux entreprises en matière d'embauche de travailleurs handicapés alourdissaient leur situation, alors même que la demande était parfois inférieure à l'offre.
M. Jean-Jacques Mirassou a regretté que le plan de relance n'ait pas compris un volet axé sur la demande, estimant que ce plan a bénéficié essentiellement aux entreprises. Il a appelé l'attention de la commission sur la gravité de la situation sociale, évoquant notamment une augmentation exponentielle des vols dans les supermarchés ou de produits courants, y compris alimentaires, ce qui illustre la paupérisation croissante de la population.
Il a considéré que la suppression de la taxe professionnelle, élément clé du projet de loi de finances pour 2010, pourrait nuire à l'engagement résolu des collectivités territoriales en matière d'investissement.
M. Roland Courteau s'est interrogé, en tant que rapporteur budgétaire pour avis de la mission « Écologie », sur la place des énergies renouvelables dans le plan de relance et dans le grand emprunt annoncé par le Président de la République.
M. Marc Daunis s'est inquiété des impacts de l'évolution du taux du livret A sur le montant de la collecte qui pèse sur le logement social, les bailleurs sociaux voyant aujourd'hui leurs fonds disponibles stagner.
Après avoir rappelé les travaux du groupe de travail de la commission sur les pôles de compétitivité, il a relevé l'absence d'évaluation de l'impact du crédit d'impôt recherche (CIR) sur l'emploi. Il a évoqué également le cas d'une entreprise de son département ayant pris une décision de délocalisation quelques semaines après avoir bénéficié de fonds du CIR. Il s'est interrogé en conséquence sur la possibilité de mieux contrôler les fonds publics. Il a estimé également qu'un éventuel assouplissement de la réglementation pourrait conduire à des dérives.
M. Philippe Dominati a rendu hommage à la réactivité du Gouvernement à travers le plan de relance, soulignant qu'il avait été lui-même initialement sceptique quant à l'efficacité d'une relance par la dépense publique. Il s'est interrogé d'ailleurs sur la répartition de l'effort entre la sphère publique et le monde de l'entreprise. Enfin, il s'est inquiété de l'avenir du ministère de la relance après 2010 et de son rôle dans le cadre du grand emprunt, soulignant que la réussite de son action devait logiquement conduire à sa disparition.
En réponse à l'ensemble des intervenants, M. Patrick Devedjian a apporté les éléments de réponse suivants :
- les promoteurs du BTP ont vu leurs ventes augmenter de 30 % au deuxième trimestre 2009. Les résultats 2009 devraient être supérieurs à ceux de 2008 ;
- la faiblesse de l'économie française repose aujourd'hui sur la difficulté à faire démarrer l'investissement privé. Les actions de relance publique sont d'autant plus indispensables que les acteurs économiques demeurent assez pessimistes, signe que la France n'est pas encore sortie de la crise ;
- la « guerre sur les prix » dans les appels d'offres a permis au ministère de la relance d'investir les sommes économisées dans d'autres projets ;
- l'administration française a été particulièrement réactive dans le cadre du plan de relance : l'administration jacobine constitue un atout pour notre pays en période de crise ;
- la constitution d'un véritable « Small Business Act » en faveur des PME françaises, notamment dans leurs relations avec les administrations, est un enjeu majeur. Le tissu des PME est en effet plus faible et plus fragile en France qu'en Allemagne ;
- les stabilisateurs automatiques ont été un soutien important à l'économie en 2009, représentant près de 30 milliards d'euros, et l'appréciation sur le volet de soutien à la consommation du plan de relance doit en tenir compte. Au final, le plan de relance a plus soutenu la consommation que l'investissement ;
- la suppression de la taxe professionnelle sera intégralement compensée et certaines collectivités bénéficieront de cette réforme. Le Premier ministre s'est engagé sur le respect du principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales ;
- s'agissant des énergies renouvelables, l'économie verte constitue une part importante du plan de relance, estimée à environ 20 % par une étude de HSBC. Ce secteur constitue un véritable gisement d'emplois, à l'exemple de la rénovation de l'habitat privé. Si les arbitrages portant sur le grand emprunt n'ont pas été rendus à ce jour, des propositions sont faites pour consacrer 2 milliards d'euros à la lutte contre la précarité énergétique ;
- s'agissant du livret A, les dépôts sont supérieurs aux besoins et de nombreux dispositifs ont également stimulé le logement social : la construction de 125 000 logements sociaux devrait être engagée en 2009, soit un niveau record depuis les années 1990 ;
- aucune évaluation précise de l'impact du CIR sur l'emploi n'a été réalisée, mais ce dispositif est particulièrement attractif. Son remboursement anticipé dans le cadre du plan de relance a permis de sauver nombre d'entreprises qui étaient au bord du dépôt de bilan ;
- la disparition du ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance attestera du succès de l'entreprise.
Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi de finances pour 2010.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a présenté les dispositions du projet de loi de finances relatives à son ministère, avant d'évoquer la future loi de modernisation de l'agriculture et les perspectives européennes.
S'agissant du projet de loi de finances pour 2010, il a indiqué que le budget de son ministère dépasserait le seuil des 5 milliards d'euros pour la première fois, dont 3,4 milliards pour l'agriculture, la pêche, l'alimentation et la forêt et 1,6 milliard pour l'enseignement et la recherche. Les autorisations d'engagement augmentent de 10 %. Les crédits d'intervention de l'Union européenne sont toutefois cinq fois supérieurs à ceux inscrits dans le budget de l'État.
Le projet de budget prend en compte quatre événements majeurs :
- l'accord conclu en novembre 2008 entre les membres de l'Union européenne à l'occasion du bilan de santé de la politique agricole commune, se traduisant par 234 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ;
- la mise en place en 2010 de la taxe carbone (172 millions d'euros dont 43 millions sur le budget du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche (MAAP) ;
- le passage de la tempête Klaus dans les départements du sud-ouest de la France en janvier 2009 ;
- les crises spécifiques apparues dans de nombreuses filières.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a fixé comme priorité la mise en place du plan d'urgence annoncé par le Président de la République à Poligny : toutes les exploitations doivent être prises en compte, quel que soit le type de difficultés qu'elles rencontrent.
Évoquant le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a proposé la mise en place d'une politique publique de l'alimentation afin de garantir la sécurité alimentaire et sanitaire de la population ainsi que la qualité nutritionnelle de l'alimentation. Il a mis l'accent sur trois objectifs du projet de loi :
- garantir le revenu des agriculteurs sur le long terme : un contrat sera proposé entre les producteurs et les autres acteurs de la filière en aval ; une amélioration des dispositifs assurantiels favorisera une meilleure protection des agriculteurs ;
- améliorer et renforcer les organisations professionnelles : une meilleure organisation est nécessaire afin de développer les capacités en termes de commercialisation, notamment dans la filière vinicole où le nombre d'interprofessions devrait être ramené à une dizaine ;
- préserver les terres agricoles : un observatoire national sera mis en place, ainsi que des commissions départementales et une taxe sur le changement d'emploi des terres agricoles.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a enfin abordé le sujet de la régulation des marchés au niveau européen, rappelant que la France avait obtenu gain de cause sur le marché du lait. Il a considéré que la régulation, au niveau européen, devrait permettre de maintenir une capacité d'intervention sur les marchés et d'établir le commerce international sur des fondements équitables, s'agissant notamment du risque d'un impact négatif de la taxe carbone sur la compétitivité des produits européens par rapport aux produits importés.
M. Gérard César a souligné l'importance des dispositifs incitatifs à la couverture des risques par l'épargne individuelle ou collective, interrogeant le ministre sur les possibilités de développer l'assurance-récolte et d'inciter à l'épargne de précaution par la déduction pour aléas (DPA). Rappelant que l'Assemblée nationale avait étendu la DPA à l'aléa économique, il a souhaité que la question des seuils soit clarifiée et que la DPA soit mieux articulée avec l'assurance récolte. Il a également voulu savoir si le remboursement aux agriculteurs d'une fraction de la taxe carbone serait pérennisé au-delà de 2010. Enfin, il a demandé quel serait l'avenir du plan de performance énergétique.
M. Jean-Marc Pastor a pour sa part regretté que les crédits de l'observatoire des distorsions de concurrence aient disparu du budget agricole pour 2010 et souhaité que l'observatoire des distorsions, comme l'observatoire des prix et des marges, puissent être renforcés. Il a ensuite demandé si le Gouvernement comptait confirmer le choix fait dans le budget 2009 d'abandonner progressivement les soutiens à la filière des agro-carburants, dont le régime fiscal est de moins en moins favorable, et qui se voient appliquer la contribution carbone en 2010.
Rappelant que le bilan de santé de la PAC avait permis de dégager une enveloppe de 40 millions d'euros pour créer un fonds sanitaire, M. Daniel Soulage a demandé quelles seraient les modalités de mise en oeuvre de ce fonds. Par ailleurs, il a souligné que les mesures conjoncturelles prises en faveur du secteur des fruits et légumes pour faire face à la crise étaient bienvenues mais pas suffisantes, réclamant des mesures structurelles permettant d'améliorer la compétitivité de ce secteur et l'organisation des producteurs face au reste de la filière. Il a enfin demandé quelles mesures avaient été prises pour lutter contre la sharka.
M. François Fortassin a regretté la réduction des crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage dans le budget 2010. Il a suggéré d'encourager l'installation de panneaux photovoltaïques sur ces bâtiments soit pour baisser leur coût d'exploitation, soit pour apporter par la vente de l'électricité produite un complément de revenu aux éleveurs, grâce à la mobilisation des services de l'État, des chambres d'agriculture et des syndicats d'électrification, sans coût supplémentaire pour l'État. Il a ensuite rappelé l'importance de l'hydraulique agricole qui répond à une « logique prudentielle », précisant que le coût de stockage de l'eau destinée à l'agriculture était très faible.
M. Bruno Le Maire, ministre, a par ailleurs souhaité que le taux d'assurance augmente dans l'agriculture. Celui-ci se situe à 30 % dans les grandes cultures, 1 % dans la viticulture, et n'existe pas dans l'élevage. Les produits d'assurance disponibles sur le marché sont insuffisants, conduisant à faire reporter sur l'État le soin de faire face aux calamités. Parmi les outils permettant de couvrir les risques, la DPA joue un rôle essentiel. Elle a été étendue à l'aléa économique à l'Assemblée nationale. Son plafond est fixé à 23 000 euros/an dans le cadre d'un plafond global d'avantages fiscaux fixé à 150 000 euros/an. Si le Gouvernement n'envisage pas de faire évoluer ces plafonds, les parlementaires pourront eux faire des propositions, sous réserve de veiller à une bonne articulation entre la DPA et la dotation pour investissement (DPI). En effet, le plafond de cette dernière, lié à la DPA, s'il est établi à un niveau trop élevé, incite au surinvestissement en matériels agricoles, choix économiquement moins efficace que celui consistant à se regrouper au sein de coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA). La DPA ne pouvant être utilisée par tous les agriculteurs, notamment ceux qui ne peuvent immobiliser suffisamment d'épargne, il est également nécessaire d'élargir l'assurance récolte. Dans le cadre du bilan de santé de la PAC, les subventions à l'assurance récolte sont maintenues jusqu'en 2013, 65 % de la subvention étant pris en charge par l'Union européenne et 35 % par le budget de l'État. Au-delà des subventions, il est indispensable que les produits d'assurance soient disponibles. Or, dans certains secteurs, comme par exemple l'assurance du fourrage pour l'élevage, les assureurs ne proposent aucun produit, du fait de l'absence d'un marché de la réassurance suffisant. Un dispositif de réassurance, qui doit encore être arbitré par le Président de la République et le Premier ministre, pourrait figurer dans la loi de modernisation agricole.
M. Bruno Le Maire, ministre, a ensuite souhaité la pérennisation de l'exonération partielle de la contribution carbone au profit des agriculteurs et du reversement du solde au budget du ministère de l'agriculture sous forme d'abondement du plan de performances énergétiques, qui avait été doté de 30 millions d'euros dans le cadre du plan de relance.
Il a plaidé par ailleurs en faveur d'une approche volontariste des prix et des marges à travers trois mesures de la prochaine loi de modernisation agricole : la mise en place d'un statut législatif pour l'observatoire des prix et des marges, l'extension du champ d'action de l'observatoire à l'ensemble des produits agricoles et pas seulement au lait, au porc et aux fruits et légumes comme aujourd'hui, et l'attribution au Parlement d'un droit de suite sur les travaux de l'observatoire.
Par ailleurs, tout en prenant acte de l'application de la contribution carbone aux biocarburants, il a réaffirmé son engagement en faveur du maintien d'une politique de soutien fiscal à la filière des biocarburants.
Enfin, il a précisé que le fonds sanitaire ne serait alimenté qu'en cas de survenue d'une crise.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a estimé que le secteur des fruits et légumes constituait un enjeu majeur pour la France. La question de la survie de certaines productions sur le territoire national est posée. Il sera proposé de promouvoir dans la loi de modernisation agricole un renforcement de la filière sur la base des associations d'organisations de producteurs nationales (AOPn). En revanche, une augmentation du seuil de constitution des organisations de producteurs (OP) n'est pas envisagée. Un effort massif a été effectué par l'État en matière de coût du travail dans le cadre du plan exceptionnel de soutien présenté par le Président de la République visant à quasiment supprimer les charges patronales pour les salariés agricoles occasionnels de tous les secteurs en ramenant le coût du travail de 11,60 euros/heure à 9 euros/heure environ, contre 7 euros/heure en Allemagne, pour un coût budgétaire de 170 à 180 millions d'euros. Mais il reste nécessaire de travailler également sur le coût du travail permanent.
Précisant qu'il attendait les propositions des sénateurs en ce domaine, M. Bruno Le Maire, ministre, a mis en garde contre des solutions qui ne seraient pas respectueuses du droit français du travail et des règles européennes, et a précisé, pour lutter contre les pratiques de moins-disant social de certains États-membres, avoir saisi la Commission européenne afin d'élaborer une directive sur l'harmonisation des conditions du travail saisonnier. Concernant la lutte contre la sharka, maladie ancienne des arbres de type prunus, maîtrisée à travers des plans de suivi associant notamment l'État et les collectivités locales et prévoyant entre autre des actions d'arrachage, il a insisté sur la nécessité pour les professionnels de mettre rapidement en place des caisses de solidarité, et a précisé que l'État apporterait en 2010 une enveloppe d'indemnisations de trois millions d'euros.
M. Bruno Le Maire, ministre, a ensuite précisé que le dispositif du plan de modernisation des bâtiments d'élevage rencontrant un grand succès, il avait été pleinement utilisé, contraignant l'État à débloquer une rallonge budgétaire. S'il soutient l'installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments, il a suggéré d'encourager plus particulièrement ces initiatives dans la filière porcine, qui devra moderniser ses bâtiments pour respecter de nouvelles normes après 2013, alors même que de lourds investissements de mise aux normes ont déjà été récemment effectués. En ce qui concerne l'hydraulique agricole, le budget 2010 permettra au ministère d'honorer ses engagements, notamment de payer ses dettes.
M. Jean-Claude Merceron a ensuite rappelé qu'il ne sera plus possible de souscrire de nouveaux contrats en 2010 au titre de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE). Des solutions doivent être trouvées pour que le soutien aux agriculteurs qui avaient droit à cette prime soit maintenu au même niveau en 2010 qu'en 2009. Par ailleurs, les associations départementales d'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA) qui jouent un grand rôle dans la reprise d'exploitations par les jeunes agriculteurs voient leurs crédits réduits de 3 millions dans le projet de budget, alors que la dotation devrait être maintenue au même niveau qu'en 2009.
M. Didier Guillaume a souligné qu'une des réponses aux difficultés agricoles pourrait résider dans la conversion d'exploitations dans l'agriculture biologique.
M. Rémy Pointereau a salué le plan d'urgence de 1,65 milliard d'euros mais a souligné que, plus que des prêts de consolidation qui viennent grever davantage les trésoreries des exploitations, la profession agricole souhaitait bénéficier d'une année blanche, se traduisant par le report d'une année de toutes ses échéances. Il a également noté que la nouvelle régulation attendue ne pouvait intervenir qu'à l'échelle européenne, plaidant en faveur de la mise en oeuvre d'une préférence communautaire fondée sur le mieux-disant environnemental. Enfin, il a regretté que la France ait choisi d'aller au-delà des normes de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) communautaires en imposant un objectif de 5 % de surfaces en particularités topographiques, et non 3 %.
Mme Jacqueline Panis a souligné que le mécontentement du monde paysan recommençait, notamment dans le secteur du lait, dès lors que le plan de relance ne réglait pas les difficultés de chacun, et a souhaité que de nouvelles mesures puissent être envisagées. Des dispositifs pourraient également être prévus afin d'encourager l'acquisition de terres agricoles destinées à le rester, par des investisseurs non-agriculteurs. Enfin, la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) devrait pouvoir être supprimée, comme le demande la profession agricole.
M. Roland Courteau a rappelé que, si deux mois avaient été donnés aux professions viticoles pour se réorganiser, un délai plus long sera nécessaire dans les faits. Et si le salut de la viticulture, en crise depuis cinq à six ans, passe par l'augmentation des exportations, les efforts pour y parvenir seront considérables. La viticulture méridionale a connu des baisses de revenu de plus de 20 %, jusqu'à 88 % dans l'Aude en 2007-2008, malgré un travail réel sur la qualité du vin. La seule perspective offerte à de nombreux viticulteurs est l'arrachage des vignes, qui désole les campagnes et fait craindre de graves actes de désespoir. Un plan d'urgence spécifique à la viticulture est donc capital.
M. Martial Bourquin a ensuite rappelé que, dans le Doubs, la PHAE couvre 132 000 ha sur 170 000 ha exploités, répartis entre 2 200 exploitations, et représente 10 millions d'euros. Le nouveau dispositif d'aide à l'herbe ne favorise pas les zones de montagne et risque d'aggraver la crise laitière. Il est donc souhaitable de conserver l'aide d'État pour ne pas fragiliser davantage l'agriculture de montagne.
M. Alain Chatillon a indiqué que les entreprises de l'agro-alimentaire étaient également en souffrance. Les comparatifs de charges sociales et fiscales montrent que la France supporte une charge de 44 % contre 37 % en Allemagne et 36 % au Royaume-Uni. En conséquence, les entreprises agro-alimentaires françaises se développent moins et sont plus petites que les entreprises allemandes. Elles souffrent également de la politique de l'euro fort. Enfin, le suivi par le ministère des affaires étrangères de l'accompagnement à l'internationalisation de l'activité n'est pas le plus adapté, et pourrait être repris par le ministère de l'agriculture. En effet, les débouchés de l'industrie agro-alimentaire sont aussi ceux des producteurs agricoles.
M. Bruno Le Maire, ministre, a tout d'abord souligné que la politique agricole devait tendre à la fois à préserver le capital de production agricole de base et à s'insérer dans le jeu compétitif car, contrairement aux idées reçues, l'agriculture est délocalisable, à l'image des tomates, produites moins cher au Maroc. Dans cette optique il faut tenir un langage de vérité aux agriculteurs, sans toutefois abandonner les objectifs d'équilibre du territoire. Puis il a apporté les éléments de réponse suivants :
- dans le secteur du lait, les tensions ne révèlent pas une nouvelle crise mais un conflit de répartition dans un contexte où les prix ont augmenté. Un équilibre devrait être trouvé afin d'éviter que les industriels, du fait de prix trop élevés en France, s'approvisionnent en Allemagne. Par ailleurs, la politique des quotas ne pouvait pas être prolongée, car la France était isolée ;
- l'objectif fixé par le Gouvernement consiste à ce que les exploitants qui touchaient la PHAE ne perdent pas un euro avec la nouvelle prime. Une négociation est actuellement en cours avec la Commission européenne pour permettre le renouvellement d'un soutien équivalent à la PHAE ainsi qu'un basculement de tous les agriculteurs dans le nouveau dispositif qui sera en place à partir de 2011. Ce soutien serait co-financé par l'Etat. Par ailleurs, la nouvelle prime herbagère ne fixe pas de chargement minimum, mais la prime est dégressive à partir d'un taux plein de 0,8 UGB/ha, qui correspond à une densité faible d'utilisation de l'espace. La revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) devrait par ailleurs permettre de maintenir les grands équilibres dans les zones de montagne ;
- 700 000 euros seront ajoutés en gestion aux crédits prévus en loi de finances pour le financement des ADASEA, conformément aux engagements pris devant l'Assemblée nationale ;
- l'objectif de développement de l'agriculture biologique est de passer de 3 % aujourd'hui à 6 % de surfaces cultivées en 2012, grâce à 50 millions d'euros de soutiens en 2010. Toutefois, le bio reste un marché de niche qui ne garantit pas l'alimentation des français. Par ailleurs, les agriculteurs non engagés dans le bio et qui rencontrent des problèmes de débouchés acceptent mal un soutien apporté à une filière qui ne rencontre, elle, pas de problèmes de ce type ;
- les mesures du plan de soutien aboutissent quasiment à la mise en place d'une année blanche en 2010 pour les agriculteurs qui sont les plus en difficulté, leurs intérêts d'emprunt sont pris en charge à hauteur de 100 millions d'euros, ils bénéficient d'une possibilité de report d'intérêts d'une année et également d'une prise en charge de cotisations sociales à hauteur de 50 millions d'euros. La prise en charge de tous les intérêts d'emprunts aurait représenté 4 milliards d'euros, ce qui était impossible sur le plan budgétaire ;
- des exonérations de TFNB seront consenties au cas par cas, en fonction des difficultés des agriculteurs, dans le cadre d'une enveloppe de 50 millions d'euros ;
- concernant la mise en oeuvre du plan de soutien, des vérifications seront faites pour s'assurer que les aides arrivent effectivement à leurs destinataires, même si certaines exploitations ne survivront peut-être pas à la crise, y compris en raison d'erreurs de gestion ;
- les négociations communautaires sur la mise en place d'une régulation européenne des marchés agricoles sont très difficiles et les ministres de l'agriculture du groupe des vingt-deux pays constitué autour de la France seront réunis le 10 décembre pour défendre cet objectif. Mais d'autres partenaires européens, ainsi qu'une partie de la Commission européenne, considèrent que le budget d'intervention de la PAC est trop élevé et préfèreraient une renationalisation des dépenses après 2013, ce qui serait une erreur majeure, la PAC étant la seule politique européenne vraiment intégrée. Il est cependant possible de plaider contre une dérégulation totale, car celle-ci méconnaît les impératifs d'entretien des territoires et de sécurité alimentaire, mais la bataille pour la construction d'une nouvelle PAC sera difficile ;
- le regroupement des producteurs viticoles constitue un point de départ indispensable, même s'il ne règlera pas toutes les difficultés du secteur. Les 170 millions d'euros par an apportés par l'Union européenne en 2009 et 2010 au secteur viticole pouvaient être utilisés soit sous forme de bonus individuel aux droits à paiement uniques (DPU) soit sous forme collective destinée à valoriser les produits. La revalorisation des DPU n'aurait pas permis le redressement de la filière, seule l'organisation collective, passant notamment par une stratégie de vins de cépage, constitue une voie d'avenir. Il sera également nécessaire d'établir des contrats avec les metteurs sur marché, afin d'assurer une visibilité sur les débouchés ;
- les dispositifs comme SOPEXA et CapExport gérés par le ministère de l'agriculture soutiennent l'exportation dans l'agro-alimentaire. Dans la mesure où l'industrie agro-alimentaire utilise 70 % de la production agricole, ses difficultés se répercutent en effet sur les agriculteurs.
M. Alain Vasselle a ensuite relevé que si le plan de soutien avait éteint l'incendie, le feu couvait toujours dans le secteur agricole. Estimant la régulation des marchés indispensable, il s'est interrogé sur les chances de réussite en 2010 des projets envisagés dans ce domaine. Par ailleurs, il a regretté que les banques n'aient pas rapidement mis en oeuvre les mesures du plan de soutien. Enfin, il a souhaité que les contraintes environnementales du Grenelle qui pèsent lourdement sur les coûts de production puissent faire l'objet de compensations.
M. Gérard Bailly a souligné que l'agriculture s'était déjà modernisée, et que la nouvelle loi pourrait en conséquence s'appeler « loi d'adaptation » et non « loi de modernisation ». Il a souhaité que les contraintes du classement en zone Natura 2000 n'empêchent pas de mener une activité agricole sur ces terrains. Il a regretté que la production d'ovins soit durement concurrencée par les moutons de Nouvelle-Zélande, tout autant que par les grands prédateurs, qui causent des dégâts considérables aux troupeaux, au moment même où l'on impose de nouvelles normes de bien-être animal. Il a regretté également la baisse des crédits pour les bâtiments d'élevage et les ADASEA. Enfin, il s'est interrogé sur les efforts des pouvoirs publics en matière de retraites agricoles.
M. Thierry Repentin a fait part de la grande inquiétude des exploitants agricoles des zones de montagne concernant la PHAE et l'ICHN et, plus largement, sur la philosophie orientant l'agriculture vers la concentration des structures d'exploitation, impossible à réaliser en montagne. Par ailleurs, il a estimé nécessaire de réguler les conflits d'usage des terres agricoles, et a évoqué la possibilité d'un rachat public de terres agricoles en périphérie des villes, pour en conserver l'usage, assorti d'une contrepartie offerte au propriétaire désireux de valoriser sa terre en la transformant en terrain constructible.
M. Bernard Piras a demandé quels moyens seraient mis en oeuvre afin d'atteindre l'objectif de préservation des terrains agricoles et comment le ministre envisageait de convaincre les autres États européens sur les questions qu'il défend.
M. Charles Revet a mis l'accent sur la situation préoccupante du secteur de la pêche, alors que les instituts scientifiques français sont en pointe au niveau mondial. Il s'est inquiété des projets de classement « Natura 2000 » sur de grandes parties du littoral, suggérant que les services de l'administration évitent de classer des sites identifiés comme propices à l'aquaculture.
M. Bruno Le Maire, ministre, a ensuite apporté les éléments de réponse suivants :
- la régulation des marchés doit améliorer et compléter les instruments existants : la clause d'urgence devrait être activée sur le marché laitier et les marchés à terme pourraient être utilisés ; il est également souhaitable, quoique difficile, de mettre en place des indicateurs sur les volumes ;
- les aides environnementales décidées dans le bilan de santé de la PAC deviennent de moins en moins acceptables avec la baisse des prix ;
- les BCAE relatives aux particularités topographiques ont fait l'objet d'un engagement sur lequel il est impossible de revenir ; un point sera toutefois fait sur ce sujet en 2010 et une proposition transmise au Premier ministre afin que les prairies permanentes soient traitées comme les prairies temporaires, ce qui laissera plus de libertés aux agriculteurs ;
- 70 millions d'euros seront consacrés aux retraites agricoles en 2010 ;
- s'agissant des moutons de Nouvelle-Zélande, des progrès sont à faire en termes d'étiquetage ;
- dans le secteur du lait, des efforts de concentration doivent encore être réalisés ; par ailleurs, en montagne, les producteurs en appellation d'origine contrôlée (AOC) n'ont pas rencontré de difficultés pendant la crise ;
- la valorisation des terres agricoles passera par l'application d'une taxe en cas de changement d'usage ou de vente des terres agricoles et ne représentera pas une charge supplémentaire pour les collectivités locales. L'importance des plus-values réalisées par les propriétaires lors d'une telle vente rend la taxe supportable ;
- dans les négociations européennes, il convient de prendre l'offensive et d'expliquer aux partenaires de l'Union que la régulation est dans leur intérêt même ;
- au sujet de la pêche, la France vient de constituer une minorité de blocage afin d'empêcher l'adoption d'un règlement qui risquait de poser de vraies difficultés à l'activité des pêcheurs ; l'ensemble de la profession s'opposait au projet de règlement mais aucun autre État ne s'était encore manifesté.
Loi de finances pour 2010 - Mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor et François Fortassin sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a présenté les caractéristiques générales des budgets pour 2010 de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », avant de présenter plus spécifiquement la filière vitivinicole.
S'agissant en premier lieu du budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », ses crédits s'élèvent à un peu plus de 3,6 milliards d'euros, soit 10 % de plus que les crédits inscrits pour 2009. M. Gérard César, rapporteur pour avis, a estimé qu'il s'agissait là d'un effort notable, alors même que la situation générale des finances publiques est tendue. Il a précisé que cet effort était intervenu en deux temps :
- dans le projet de loi de finances initiale déposé à l'Assemblée nationale début octobre 2009, les dotations pour la mission « Agriculture » s'établissaient à un peu plus de 3,4 milliards d'euros, soit une hausse des autorisations d'engagement (AE) de 6 % et une légère baisse des crédits de paiement (CP) de 0,8 %. Ce budget traduisait déjà l'attention portée par les pouvoirs publics au secteur agricole puisqu'il plaçait la mission largement au dessus de la cible définie en loi de programmation des finances publiques ;
- à la fin de la discussion de ce projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, le 13 novembre 2009, en seconde délibération, sur proposition du Gouvernement, les crédits de la mission ont été augmentés de 200 millions d'euros. M. Gérard César, rapporteur pour avis, a indiqué que cette augmentation correspondait au plan de soutien exceptionnel annoncé par le Président de la République, le 27 octobre 2009, à Poligny ;
- les crédits AGRIDIFF, qui permettent de venir en aide aux exploitations en difficulté, sont abondés pour 100 millions d'euros en AE et 50 millions d'euros en CP, dotations bien supérieures aux 3,7 millions seulement prévus à l'origine ;
- 100 millions d'euros supplémentaires sont consacrés au fonds d'allègement des charges (FAC), destiné à prendre en charge les frais financiers des agriculteurs en difficulté au titre des prêts de moyen et long terme qu'ils ont souscrits.
Ces outils se combinent avec les nouveaux prêts bonifiés de consolidation ou de trésorerie et avec les allègements de charges sociales dues à la mutualité sociale agricole qui figurent dans le collectif budgétaire 2009 de fin d'année.
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a précisé que la même logique d'aide exceptionnelle en situation de crise explique la forte augmentation des crédits du programme n° 149, « Forêt ». L'ampleur de la catastrophe causée par la tempête Klaus dans le sud-ouest, le 24 janvier 2009, a justifié la mise en oeuvre d'un plan d'urgence sous la forme de subventions et de prêts bonifiés par l'État : la loi de finances rectificative du 20 avril 2009 a ouvert 109 millions d'euros, montant égal à celui qui sera remboursé par le fonds de solidarité de l'Union européenne. Un décret d'avance signé en novembre 2009 a ajouté 44 millions d'euros. Le budget 2010 apporte des aides à la fois pour la bonification des prêts (8 millions d'euros), pour le nettoyage des forêts (56 millions) et pour leur reconstitution (40 millions).
En deuxième lieu, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a considéré que, une fois la situation de crise passée, la future loi de modernisation agricole dressera de nouvelles perspectives pour l'agriculture française, dans un cadre communautaire modifié. 2010 constitue en effet la première année d'application du bilan de santé de la politique agricole commune (PAC), avec des conséquences pour le budget de l'agriculture : création d'une nouvelle aide rotationnelle ; hausse des crédits destinés à l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) ; baisse des crédits de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) ; hausse des cofinancements communautaires en faveur de l'assurance récolte, l'enveloppe communautaire passant à 100 millions d'euros et l'enveloppe nationale augmentant de 19 % à 38,1 millions d'euros.
Puis, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a précisé les secteurs prioritaires définis par le ministère, dont les dotations sont confortées dans le budget 2010 :
- l'enveloppe budgétaire globale consacrée à l'installation est maintenue en 2010, avec un indicateur de performance fixé à 49 % d'installations d'agriculteurs rapportées aux départs, contre 45 % en 2009. Seuls les crédits relatifs aux associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA) sont réduits de 3 millions d'euros, ce qui est au demeurant regrettable, compte tenu du travail effectué par ces associations pour préparer la modernisation des exploitations à l'occasion des installations ;
- l'appui économique aux filières est globalement maintenu avec notamment un renforcement de l'aide aux filières de production outre-mer, ses crédits passant de 56 à 90 millions d'euros, auxquels se rajoutent 40 millions votés en seconde délibération par l'Assemblée nationale dans le cadre du programme POSEIDOM ;
- l'effort en faveur de la santé animale est également préservé ;
- enfin, les efforts demandés à l'administration du ministère et aux opérateurs sont réels mais non insurmontables : les dotations pour charges de service public demeurent stables par rapport à 2009 et le programme n° 215, qui porte sur les moyens des administrations centrale et déconcentrées du ministère, n'accuse pas de réduction de dotation, en raison notamment de la nécessité de prendre en charge le recensement général agricole qui débutera en 2010.
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a indiqué que des restrictions touchent en contrepartie d'autres enveloppes :
- comme en 2009, les dispositifs consacrés à l'aide au départ baissent de plus de 10 millions d'euros pour s'établir à 61 millions environ ;
- le budget 2010 confirme le délaissement de l'hydraulique agricole, dont les crédits ne s'élèvent plus qu'à 5 millions d'euros environ ;
- la fin du plan pêche entraîne une baisse d'un tiers des crédits de l'action pêche du programme 154.
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a abordé ensuite les dispositions fiscales du projet de loi de finances pour 2010 :
- l'article 7 compense la nouvelle contribution carbone à hauteur des trois quarts dans les secteurs agricole et piscicole, un acompte total de remboursement de contribution étant versé en début d'année. Or, la charge nette supplémentaire sera de 29 millions d'euros et intervient au moment où l'agriculture traverse une crise sans précédent. M. Gérard César, rapporteur pour avis, a salué le choix fait par le Gouvernement de redistribuer le quart restant de la contribution carbone en abondant le plan de performance énergétique, dispositif issu du plan de relance. Il s'est interrogé sur le remboursement de la contribution carbone et le plan de performance énergétique au-delà de 2010 ;
- le projet annuel de performances de la mission « Agriculture » prévoyait une montée en charge de la déduction pour aléas (DPA) jusqu'à 100 millions d'euros de dépense fiscale. L'Assemblée nationale a fait évoluer la DPA, anticipant sur la loi de modernisation agricole, en autorisant son utilisation en cas d'aléa économique. M. Gérard César, rapporteur pour avis, a salué cette initiative, estimant toutefois qu'elle devra être poursuivie dans le cadre de l'examen du projet de loi à venir, par une action portant notamment sur les plafonds ;
- en outre, l'Assemblée nationale a reconduit le dispositif de crédit d'impôt remplacement, qui, sans ce vote, était appelé à s'éteindre en 2009.
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a présenté les difficultés rencontrées par la filière vitivinicole en 2009, secteur durement touché par la crise économique mondiale :
- selon les dernières données fournies par FranceAgriMer, les exportations ont chuté de 12 % en volume et 18 % en valeur. Les vins d'appellation d'origine contrôlée, les vins de qualité supérieure et les vins effervescents ont connu les baisses les plus sévères ;
- la France, grâce notamment à l'intervention de la commission de l'économie du Sénat qui a adopté une résolution au mois d'avril 2009, a fait valoir ses positions au sujet du vin rosé coupé que la Commission européenne voulait imposer ;
- les exceptions au principe d'interdiction de la vente d'alcool au forfait formulées par la loi « Hôpital Patients Santé Territoires » ont permis de sauvegarder les foires aux vins. Les services de communication en ligne ont même été inclus parmi les supports sur lesquels la publicité pour les boissons alcooliques est autorisée, à l'exclusion des sites principalement destinés à la jeunesse et de ceux liés aux activités sportives.
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les difficultés qui pourraient frapper le secteur en 2010 :
- les maladies de la vigne, notamment l'esca, sont ravageuses. Des efforts supplémentaires de recherche de la part de l'INRA doivent aboutir à des solutions adaptées, dans un contexte rendu plus complexe par le Grenelle de l'environnement qui contraint les possibilités d'usage de produits phytopharmaceutiques ;
- les viticulteurs demeurent extrêmement vulnérables aux aléas climatiques : une combinaison de solutions assurantielles et d'épargne individuelle est nécessaire et devra être perfectionnée dans la future loi de modernisation agricole ; elle devrait être accompagnée de la création d'une caisse de réassurance publique.
M. Gérard César, rapporteur pour avis, a proposé, compte tenu à la fois des efforts budgétaires réalisés afin de répondre à la crise et du maintien des orientations fondatrices de la politique agricole nationale, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », ainsi qu'aux crédits du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».
Il a proposé un amendement tendant à reconduire, comme cela a déjà été fait dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, le dispositif permettant aux chambres d'agriculture d'augmenter le produit de la taxe qui les finance de 1,5 %, en raison de leur rôle d'animation et de promotion de l'agriculture dans les départements. L'amendement prévoit en outre un mécanisme de reversement entre chambres départementales et chambres régionales.
M. Charles Revet a rappelé que la France, dotée pourtant de la deuxième zone économique de pêche mondiale, ne couvre ses besoins en pêche et aquaculture qu'à moins de 20 %. Il a plaidé pour que la commission de l'économie affirme son attachement à ce potentiel et souligne la nécessité de mieux organiser le secteur de l'aquaculture et de disposer de sites préservés du classement « Natura 2000 ».
M. Jean-Claude Merceron s'est associé à ces propos, indiquant que les professionnels étaient démoralisés.
Mme Odette Herviaux a insisté sur l'existence de problématiques communes aux mondes de l'agriculture et de la pêche.
M. Gérard Bailly a regretté que la politique de protection des prédateurs s'exerce trop souvent au détriment des moutons et en faisant fi du découragement des éleveurs. Il a annoncé le dépôt d'un amendement tendant à réduire les moyens de cette politique. Tout en soutenant le principe du plan Ecophyto 2018, il s'est interrogé sur l'impact qu'il pourrait avoir, s'agissant notamment des risques de prolifération des insectes.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a présenté les crédits du programme n° 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » rattaché en 2009 à la mission « Agriculture » et qui ne connaît pas de bouleversement majeur dans le projet de budget pour 2010. Par rapport à 2009, il augmente de 3,5 % en AE pour s'établir à 542 millions d'euros et baisse de 2,9 % en CP à 563 millions d'euros.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a toutefois fait observer que des fluctuations affectaient les différentes actions qui le composent :
- l'essentiel des réductions de crédits sont imputées sur l'action n° 5 qui comprend deux dispositifs en déclin : d'une part, le stockage des farines animales prendra fin en 2010, ce qui permettra de ne plus inscrire que 15 millions d'euros là où, en 2007 et 2008, l'État en consommait 50 ; d'autre part, le transfert aux filières du financement et de la gestion de l'équarrissage réduit à 5 millions d'euros les crédits nécessaires au fonctionnement du service public de l'équarrissage, qui est résiduel : il ne concerne plus que les animaux morts abandonnés sur la voie publique ou les baleines qui viendraient à s'échouer sur les côtes, ainsi que les élevages ultramarins. M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a souhaité que soit examinée la possibilité d'étendre outre-mer cette réforme de l'équarrissage. Il a noté par ailleurs que la dette de l'État à l'égard des équarrisseurs n'était pas totalement honorée, 15 millions d'euros de crédits supplémentaires environ étant encore inscrits en loi de finances pour 2010. À ce rythme, la dette devrait s'éteindre en 2011 ;
- l'efficacité de la stratégie de vaccination obligatoire mise en oeuvre pour maîtriser l'épidémie de fièvre catarrhale ovine doit être saluée : alors qu'il y avait 24 000 foyers d'infection en 2008, il n'en reste que 73 en 2009. La vaccination évite des dépenses liées aux indemnisations pour l'abattage des troupeaux infectés. Le ministre a annoncé le 7 octobre 2009 la reconduction en 2009-2010 de la vaccination obligatoire et gratuite pour les éleveurs qui coûtera cet hiver 98 millions d'euros, cofinancés à 50 % par l'Union européenne.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a trouvé insuffisant le niveau des dotations inscrites en loi de finances pour 2010, à hauteur de 11 millions d'euros, même si, pour la campagne 2009-2010, 60 millions ont été ajoutés au projet de loi de finances rectificative pour 2009. Si la vaccination obligatoire tend à être reconduite année après année, il serait préférable qu'une dotation suffisante figure dès la loi de finances initiale ;
- dans la mesure où ont été votées dans les projets de lois « Grenelle I » et « Grenelle II » des dispositions transformant les conditions des productions végétales, avec un objectif de moindre usage de pesticides, ce qui signifie aussi une plus grande sensibilité aux parasites, M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, s'est étonné de la modestie des moyens consacrés à la santé des végétaux dans le projet de loi de finances. Ainsi, 1 million d'euros seulement seront consacrés au plan Ecophyto 2018 sur l'action n° 1 et il convient à tout le moins d'évaluer les conséquences de ce plan sur les productions et sur les parasites ;
- s'agissant enfin de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), la subvention pour charges de service public a été portée à 55,5 millions d'euros, en augmentation de 5 % par rapport à 2009, afin de rattraper la sous-dotation de 2009. La loi « Hôpital patients santé territoires » (HPST) ayant prévu la fusion de l'AFSSA avec l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET), M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a souhaité que des indications soient données sur les conditions de cette fusion et sur les éventuelles économies attendues, qui ne sauraient se faire au détriment des missions indispensables remplies par l'AFSSA en matière d'alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a ensuite émis quelques observations sur le sort des filières agricoles face aux crises et sur la réponse des pouvoirs publics. L'urgence de la situation requiert une réponse énergique, ce que fait le projet de budget pour 2010 avec 200 millions d'euros de plus que le montant prévu initialement, dans le cadre d'un plan d'urgence de 650 millions. Le plan de soutien ne produira cependant ses pleins effets que s'il est mis en oeuvre avec rapidité. Ainsi, il est souhaitable que la procédure AFRIDIFF, traditionnellement lourde et lente, soit simplifiée.
En ce qui concerne le secteur des fruits et légumes, si les mesures d'urgence telles que les soutiens fiscaux et budgétaires figurant au sein du budget de la mission « Agriculture » sont susceptibles de permettre aux exploitations de tenir, elles ne règlent pas les problèmes structurels.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, s'est réjoui qu'une action en faveur de la qualité de l'alimentation et de l'offre alimentaire voie ses crédits passer de 2,2 à 3 millions d'euros au sein du programme n° 206. Il a espéré que l'éducation à l'alimentation, dans les écoles notamment, permette de réorienter la consommation vers les produits frais et d'atteindre l'objectif du programme national nutrition santé de cinq fruits et légumes par jour. Le budget de l'État devrait aussi offrir des conditions de production favorables aux producteurs, par exemple par l'allègement des charges sociales qui pèsent sur les secteurs très utilisateurs de main d'oeuvre. L'allègement de charges financé sur le collectif budgétaire de 2009 est un premier pas mais il ne concerne que le travail saisonnier.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a ensuite fait valoir que l'outil fiscal ne devait pas pénaliser la production, ce qui n'est pas le cas avec la contribution carbone remboursée seulement à 75 %, laissant une charge résiduelle forte notamment aux producteurs en serre.
Enfin, il a souhaité que, en complément du budget communautaire et dans les limites permises par le droit européen, le budget national soutienne l'organisation des filières afin de rééquilibrer les pouvoirs de marché entre l'amont et l'aval des filières. De ce point de vue, il a trouvé inquiétante la baisse des crédits de soutien aux filières dans le cadre du programme n°215.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».
M. Jean-Paul Emorine a rappelé, s'agissant de l'usage des pesticides, que l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) devait être en mesure de fournir des réponses techniques sur des produits de substitution.
Mme Odette Herviaux a partagé les inquiétudes du rapporteur pour avis au sujet de la fusion entre l'AFSSA et l'AFSSET, soulignant la nécessité de garantir l'exercice des missions de l'AFSSA relatives à la sécurité alimentaire.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a présenté la mise en oeuvre par le projet de budget pour 2010 de la préservation du modèle agricole français qui vise à faire vivre en harmonie un amont, constitué du monde des producteurs, dans sa diversité qui est une richesse de notre pays, et un aval constitué non seulement de la distribution mais également du consommateur, qui attend une certaine qualité et une grande sécurité de son alimentation.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a constaté que le budget mettait l'accent sur la politique alimentaire et sur le consommateur : l'objectif principal du programme n° 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » est en effet d'accroître la confiance des consommateurs et, partant, les débouchés des produits, en promouvant la production agricole sous signes officiels de qualité : appellations d'origine contrôlée, indication géographique protégée, spécialités traditionnelles garanties. 15,4 millions d'euros sont ainsi inscrits afin de financer l'Institut national de l'origine et de la qualité, en légère hausse par rapport à 2009. Au sein du programme n° 206, près de 3 millions seront consacrés à la qualité de l'alimentation et de l'offre alimentaire.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a ajouté que la qualité ne pouvait venir que d'une agriculture diversifiée et respectueuse de l'environnement. Le deuxième pilier de la PAC vise précisément à préserver ce modèle agricole, mais la différence entre premier et deuxième pilier s'estompe avec le bilan de santé de la PAC, au risque d'obscurcir les objectifs spécifiques de la politique de développement rural.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a fait observer que le modèle agricole repose sur un équilibre entre productions animales et productions végétales, garanti par la PAC. Alors que les céréaliers bénéficiaient d'aides importantes permettant d'offrir des prix maîtrisés aux éleveurs, moins aidés, mais qui profitaient d'un faible coût des aliments pour bétail, l'augmentation des prix de l'alimentation animale et la réduction progressive des soutiens communautaires aux grandes cultures font voler cet équilibre en éclats. Une nouvelle régulation reste à inventer, afin de restaurer un équilibre qui permette la relocalisation des productions et la préservation d'un tissu agricole diversifié sur tout le territoire, où l'élevage extensif aurait toute sa place.
Enfin, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a insisté sur les conditions de formation des prix agricoles. Il a regretté que le budget 2010 ne permette pas d'identifier les crédits affectés à l'observatoire des distorsions de concurrence et à l'observatoire des prix et des marges, qui, il est vrai, dépendent à la fois de FranceAgriMer pour les chiffres et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les analyses. Il s'est demandé si le nouvel observatoire annoncé par le ministre arriverait au moment adéquat.
Il a fait observer que les prix agricoles se rapprochent des prix mondiaux, alors que les conditions de production sont très différentes d'un point à l'autre de la planète et qu'il y a un intérêt, notamment écologique, à produire au plus près des lieux de consommation.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a estimé que la puissance publique devait exercer un rôle de régulateur et qu'il lui appartenait de faire toute la transparence sur les conditions de formation des prix, afin qu'aucun acteur de la chaîne ne capte à lui seul la valeur ajoutée. Ce n'est pas là seulement une question de justice mais de maintien de la qualité de la production, car la course aux prix les plus bas aligne la production sur les modèles industriels avec des produits standards mais médiocres, et constitue également un désastre écologique en orientant les agriculteurs vers des méthodes de plus en plus intensives.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a considéré qu'il appartiendrait à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de dresser les perspectives d'avenir pour l'agriculture française, le budget 2010 se contentant de mettre en place des outils économiques pour faire face à l'urgence.
Il a proposé d'adopter un avis de sagesse en conclusion de l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
M. Jean-Paul Emorine, président, a approuvé les propos de M. Jean-Marc Pastor relatifs au rôle de la puissance publique en matière de régulation des prix agricoles, considérant qu'ils étaient également valables au niveau européen.
M. François Fortassin, rapporteur pour avis, a présenté les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » consacrés aux mesures environnementales et en particulier ceux soutenant l'élevage.
Il a indiqué que, conformément au Grenelle de l'environnement, l'appui aux modes de production respectueux de l'environnement est un axe majeur de la politique agricole nationale, comme de la PAC, qui impose la conditionnalité environnementale des aides. Peu d'indicateurs sont cependant prévus par le projet annuel de performances de la mission pour juger de l'orientation vers une agriculture durable :
- la part des surfaces cultivées en bio doit passer de 2,75 % en 2009 à 3,5 % en 2010, pour atteindre 6 % en 2012. À cette fin, il est prévu de doubler la dépense fiscale du crédit d'impôt sur le revenu pour les agriculteurs bio, qui passerait de 10 à 20 millions d'euros, les règles fiscales de ce crédit d'impôt n'étant pas modifiées par rapport au projet de loi de finances pour 2009 ;
- la part des surfaces contractualisées en mesures agro-environnementales dans des zones « Natura 2000 » est fixée à 11 % en 2010, comme en 2009 ;
- enfin, la part d'exploitations en zones défavorisées par rapport au nombre total d'exploitations est un bon indicateur de la résistance de notre modèle d'agriculture diverse, respectueuse de l'environnement, à taille humaine, fixé à 42,5 % en 2010, comme en 2009.
Au-delà des indicateurs, M. François Fortassin, rapporteur pour avis, a évoqué les engagements financiers pris par l'État. L'action n° 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme n° 154 concentre les moyens nationaux mobilisés en faveur d'une agriculture durable, à l'exception des 3 millions d'euros de crédits de l'Agence Bio chargée de la promotion de ce mode de production, inscrits à l'action n° 11.
Ces dotations connaissent une évolution contrastée avec 553 millions d'euros en AE, en augmentation de 34 %, et 524 millions en CP, en baisse de 5,8 %, l'entrée en vigueur du bilan de santé de la PAC modifiant la clef de répartition de certains dispositifs entre l'Etat et l'Union européenne :
- certains dispositifs en fin de parcours voient logiquement leur dotation baisser, comme le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA), qui n'est plus doté en AE et diminue de 3 millions d'euros en CP, après une baisse de 10 millions d'euros l'année dernière. Les crédits consacrés à l'hydraulique agricole ont été divisés par deux par rapport à 2009 ;
- la baisse des crédits de paiement des mesures agro-environnementales régionales (MAER), passant de 70 millions d'euros en 2009 à 60,6 millions en 2010, ne résulte pas d'un abandon des politiques de développement rural mais s'explique par l'augmentation de la prise en charge communautaire de ces programmes ;
- les CP consacrés à la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) sont divisés par deux par rapport à 2009, pour s'établir à 60 millions d'euros, la prise en charge européenne passant de 55 % à 75 %.
A cet égard, M. François Fortassin, rapporteur pour avis, a rappelé que 45 % de la surface agricole est couverte par des surfaces herbagères et que l'élevage sur ces surfaces contribue au maintien de l'activité et de l'emploi dans ces zones, sans qu'il y ait d'alternative possible. Le maintien de cette activité participe à la qualité des paysages, à la préservation de la biodiversité et à la qualité de l'eau. Il a donc salué le choix fait par la France, dans le cadre de la modulation permise par le bilan de santé de la PAC, de mettre en oeuvre une politique de soutien différencié en faveur de l'élevage, qui se traduira par l'établissement d'une nouvelle prime à l'herbe pour 700 millions d'euros, par des aides agro-environnementales communautaires d'un montant de 180 millions sur les surfaces extensives et par 30 millions d'aides aux fourrages.
Toutefois, M. François Fortassin, rapporteur pour avis, a souligné l'inquiétude des agriculteurs qui craignent que la nouvelle prime à l'herbe ne défavorise l'agriculture très extensive, par rapport au dispositif de la PHAE ;
À l'inverse, l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) est augmentée de 8 % pour s'établir à 248 millions d'euros, afin de revaloriser de 50 % l'aide versée pour les 25 premiers hectares situés dans toutes les zones défavorisées.
Par ailleurs, M. François Fortassin, rapporteur pour avis, a salué la création d'une nouvelle mesure agro-alimentaire rotationnelle de troisième génération ouverte dans les départements intermédiaires, qui vise à encourager la diversité des assolements. Son montant est de 32 euros par hectare engagés par an avec un plafond par exploitation de 7 600 euros. La mesure bénéficie d'un cofinancement communautaire du FEADER de 55 %. Sont inscrits en 2010 135 millions d'euros en AE représentant la totalité de l'enveloppe des contrats pouvant être conclus sur cinq ans et 29,5 millions d'euros en CP.
Il a regretté également la suppression des aides à la création des associations foncières pastorales et a souhaité que leurs crédits soient au contraire pérennisés.
Enfin, M. François Fortassin, rapporteur pour avis, a mis l'accent sur la nécessité de soutenir massivement l'élevage français. Si la crise du lait a démontré le profond désarroi des éleveurs devant la baisse des cours en dessous de leurs coûts de production, la situation des éleveurs orientés vers la production de viande n'est pas non plus très florissante depuis 2007 en raison de la chute continue des cours. Or, la présence de ruminants sur le territoire rend des services environnementaux précieux et contribue encore à la valorisation énergétique, à travers notamment la méthanisation.
Il a donc proposé de conforter les initiatives destinées à favoriser le maintien d'une agriculture à taille humaine, ce qui n'exclut pas cependant d'encourager l'amélioration des conditions de production. Il s'est étonné, à cet égard, de la baisse de 40 % des crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), alors que l'élevage rencontre de très graves difficultés. Il a proposé à la commission un amendement tendant à revenir sur cette baisse et a rappelé son souhait d'encourager l'installation de panneaux solaires sur le toit des bâtiments, pour limiter leur coût de fonctionnement ou pour améliorer leurs revenus par la revente de l'électricité produite à EDF.
En conclusion, il a proposé à la commission d'émettre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » assorti d'un amendement permettant d'abonder de 11,25 millions d'euros les crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage et d'un amendement rétablissant les 200 000 euros de crédits consacrés aux associations foncières pastorales.
M. Gérard Bailly a indiqué son intention de déposer également un amendement tendant à abonder les crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage.
La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation forêt et affaires rurales », tels que modifiés par les amendements proposés par les rapporteurs.
- un amendement autorisant les chambres d'agriculture à augmenter le produit de la taxe de 1,5 % ;
- un amendement abondant de 11,25 millions d'euros les crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage ;
- un amendement abondant les crédits consacrés aux associations foncières pastorales à hauteur de 200 000 euros.
Résolution européenne - Nomination d'un rapporteur et délai limite
Puis la commission a désigné M. Jean Bizet comme rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 98 (2009-2010) présentée par Mme Fabienne Keller au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le marché des quotas de CO2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières.
En outre, elle a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements en commission au lundi 30 novembre à 17 heures.
Mercredi 25 novembre 2009
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Loi de finances pour 2010 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de MM. Michel Houel et Daniel Raoul sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a tout d'abord donné lecture de l'intervention de M. Michel Houel sur lesdits crédits, en l'absence de ce dernier. Il a, en premier lieu, souligné l'effort exceptionnel consenti par le Gouvernement en la matière : pour la troisième année consécutive, et conformément aux engagements pris par le Président de la République d'y consacrer 1,8 milliard d'euros supplémentaire par an, les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche constituent la première préoccupation budgétaire. Ceci traduit la volonté, ancrée dans la « stratégie de Lisbonne », de faire de l'économie de la connaissance la base d'une croissance durable et du développement social. Cet effort budgétaire est d'autant plus appréciable qu'il intervient dans une conjoncture récessive et dans le cadre d'un effort de stabilisation des dépenses publiques.
Avec 25,42 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 24,81 milliards d'euros en crédits de paiement, les dotations de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) sont en hausse respective de 3,7 % et 2,9 %, soit une augmentation largement supérieure à la hausse prévisionnelle de l'inflation, qui a été évaluée à + 1,2 % par le projet de loi de finances. L'enveloppe supplémentaire de 1,8 milliard d'euros ainsi dégagée est répartie en deux sous enveloppes : l'une de 995 millions d'euros, affectée à l'enseignement supérieur, et l'autre de 804 millions d'euros, consacrée à la recherche.
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, ayant alors réitéré son souhait de voir la compétence « recherche » globalement rattachée à la commission, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé avoir obtenu que ce soit le cas pour sa composante « recherche appliquée », mais qu'il était légitime que le volet « recherche fondamentale » relève de la commission des affaires culturelles en raison de ses liens étroits avec l'enseignement supérieur et les universités.
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a indiqué que l'enveloppe de 804 millions d'euros attribués en sus à la recherche pour l'exercice 2010 sera utilisée selon quatre grands axes d'action :
- la réforme des organismes de recherche, à laquelle 23 millions d'euros supplémentaires seront consacrés. Afin de répondre aux critiques émises sur les lacunes du pilotage des organismes de recherche, seront créés huit instituts au sein de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), et dix au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). En vue de remédier au manque de relations entre organismes de recherche, ceux-ci tendront à se rapprocher. Enfin, sera mis en place un nouveau partenariat entre universités et organismes de recherche, dont la coopération est souvent insuffisante ;
- la valorisation de l'excellence dans les laboratoires donnera lieu à l'allocation de 79,5 millions d'euros supplémentaires. 5,4 millions d'euros financeront les chaires d'excellence, dispositif qui favorise l'accueil commun des chercheurs par des organismes et universités, en offrant aux meilleurs d'entre eux les moyens de réaliser rapidement leur projet de recherche ; 74,1 millions d'euros seront affectés au soutien de base et aux contrats d'objectifs des grands organismes de recherche, une partie étant mobilisée au profit du plan Alzheimer et du « Grenelle de l'environnement » ;
- l'amélioration de l'environnement scientifique mobilisera 54,4 millions d'euros de plus qu'en 2009. Les contributions aux organisations internationales seront augmentées de 30,5 millions d'euros, de façon à placer la France au premier plan de la recherche internationale, tandis que les très grandes infrastructures de recherche seront confortées de 23,9 millions d'euros supplémentaires ;
- le renforcement de l'attractivité des carrières bénéficiera de 59,4 millions d'euros supplémentaires ; 14,4 millions d'euros seront affectés aux carrières, 15,4 millions d'euros financeront des hausses de salaires et 25 millions d'euros seront consacrés aux pensions.
A l'ensemble de ces financements prévus en loi de finances, il convient d'ajouter les soutiens supplémentaires prévus dans des plans d'aide transversaux pour la recherche. Tout d'abord, 280 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été mobilisés par le « plan de relance de l'économie » pour les très grandes infrastructures de recherche, les organismes de recherche et trois chantiers spécifiques que sont le « plan nanotechnologies », les technologies de défense et le « Grenelle de l'environnement ».
En outre et surtout, la commission de réflexion sur le « grand emprunt » a proposé, le 19 novembre, de consacrer à la recherche six milliards d'euros. Deux d'entre eux financeraient, sur un appel à projets ouvert à tous les établissements de l'enseignement supérieur, des équipements de recherche, des projets pédagogiques innovants et des bourses visant à attirer ou faire revenir en France des chercheurs de renommée internationale. Par ailleurs, 3,5 milliards serviraient au développement de quatre à six campus d'innovation technologique, inspirés des meilleures pratiques mondiales et organisés sur un site unique autour d'institutions de recherche technologique. En réalité, les fonds mobilisables au profit de la recherche dépasseront cette enveloppe de 6 milliards d'euros stricto sensu, dans la mesure où certains des autres programmes de financement évoqués par la commission irrigueront le secteur de la recherche.
En conclusion, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a relayé l'opinion globalement très favorable de M. Michel Houel sur l'orientation des crédits de la MIRES, et son invitation à les adopter.
Insistant sur l'importance des montants en jeu au sein de la MIRES, M. Jean-Paul Emorine, président, a appelé, dans la détermination des campus d'innovation technologique, à s'inspirer des exemples en Inde, qu'une délégation de la commission avait eu l'occasion de visiter.
Procédant ensuite à sa propre présentation des crédits, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a tenu à relativiser leur croissance formelle de 1,8 milliard d'euros, dans la mesure où elle résulte de l'addition, aux crédits budgétaires de la mission proprement dite, d'autres éléments qu'il a jugés plus discutables, tels que :
- le crédit d'impôt recherche (CIR) (+ 530 millions d'euros), qui profite au seul secteur privé et dont l'utilité est sujette à débat ;
- les crédits affectés aux partenariats public-privé (PPP) (+ 440 millions d'euros), qui s'analysent comme des emprunts sur une trentaine d'années, et non comme des ressources. De plus, la moitié de cette enveloppe est en réalité constituée de reports déjà comptabilisés lors du dernier exercice budgétaire pour atteindre l'augmentation affichée de 1,8 milliard d'euros de crédits, tandis que l'autre moitié serait inutilisable dans les délais, d'après la conférence des présidents d'université (CPU) ;
- et, enfin, les intérêts des 5 milliards d'euros du « plan campus » (+ 164 millions d'euros), à nouveau affectés au remboursement des emprunts liés aux PPP, qui risquent de ne pas être utilisés en 2010 du fait du faible montant des sommes à rembourser.
Par ailleurs, a-t-il poursuivi, cette augmentation formelle des crédits, si elle donne l'impression d'un effort prioritaire pour la recherche, ne permet pas en réalité au Gouvernement de respecter l'engagement pris en 2002 de consacrer 3 % du PIB à ce secteur. Les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), comme celles des documents budgétaires, montrent ainsi que l'effort consacré à la recherche n'a cessé, en part relative, de diminuer depuis 2002. Classée au quatorzième rang mondial à cet égard, la France a accentué son retard sur les premiers et se positionne désormais significativement en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE.
Puis, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a fait valoir quelques remarques sur l'affectation de ces crédits aux organismes de recherche.
L'Institut national de la recherche agronomique (INRA), avec une augmentation des transferts publics de 1,6 %, est le moins bien loti des organismes de recherche, à l'heure où un effort budgétaire substantiel devrait être mis en oeuvre dans le domaine de la recherche agronomique pour y attirer davantage de chercheurs. A titre d'exemple emblématique, la recherche sur la transgénèse, pourtant fondamentale dans la perspective des défis alimentaires à relever dans les décennies à venir, est aujourd'hui sinistrée et les vocations rares. Ainsi, l'Agence nationale pour la recherche (ANR) ne consacre plus aucun financement à la thématique des plantes génétiquement modifiées depuis 2007, laissant craindre une grave perte de compétence de la France en ce domaine.
Evoquant ensuite la politique d'appel à projets conduite par l'ANR, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis :
- a estimé opportun de faire porter certains d'entre eux sur les rapports entre science et société. Les débats d'actualité sur les effets sanitaires du développement des organismes génétiquement modifiés (OGM) et des nanotechnologies, ou encore de l'implantation d'antennes relais de téléphonie mobile, illustrent selon lui la difficulté d'une approche rationnelle par le grand public de problématiques à forte composante scientifique et technologique ;
- a souhaité voir davantage prise en compte par l'ANR une approche transversale des thématiques relatives aux nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives, dites NBIC. Ces technologies d'avenir, dont l'hybridation permettrait d'assurer la convergence entre le naturel et l'artificiel, font l'objet de travaux d'origine essentiellement anglo-saxonne, et la France a déjà pris du retard dans ce domaine stratégique. Il conviendrait donc d'accorder davantage de place à ces problématiques au sein des appels à projets de l'ANR, en coordination avec les programmes menés en la matière au niveau européen.
Puis, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a abordé la problématique du crédit impôt recherche (CIR). Créée en 1983, améliorée par la loi de finances 2004 et à nouveau modifiée par la loi de finances 2008, cette mesure fiscale consiste en un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu'à 100 millions d'euros et de 5 % au-delà de ce montant.
Le coût du CIR pour le budget national n'a cessé d'augmenter depuis sa création, au gré de ses réformes successives, et notamment de la dernière. Il est passé de 428 millions d'euros en 2003 à environ 2 milliards d'euros de créances fiscales en 2009. Il représente désormais 530 des 565 millions d'euros de dépenses fiscales en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2010, soit pas moins de 94 % des sommes globalement budgétées à cet effet. En volume de financement, il constitue ainsi la deuxième des mesures fiscales de l'Etat.
Certes, ce mécanisme a sans doute joué un rôle d'amortisseur face à la crise. Ainsi, et malgré la conjoncture, l'effort privé de R & D est demeuré constant en 2008 à 15 milliards d'euros. Cette même année, si deux secteurs particulièrement touchés par la crise ont vu leurs dépenses de recherche diminuer (- 20 % pour l'automobile et l'aéronautique), l'ensemble des autres secteurs les a augmentées de 2 % en moyenne.
Cependant, le CIR prête le flanc à plusieurs critiques :
- la faiblesse relative de la part des financements profitant à l'industrie, dont on aurait pourtant pu penser qu'elle était la plus consommatrice de tels crédits. Comme le souligne un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, c'est le secteur des services qui, avec près des deux tiers des créances, bénéficie de l'essentiel de la dépense fiscale découlant du CIR. Ainsi, les créances de l'Etat sont environ dix fois supérieures, dans les secteurs de l'assistance aux entreprises et des services financiers et d'assurance, à celles consenties à l'industrie automobile, navale, ferroviaire, aéronautique, ou pharmaceutique ;
- la concentration massive du dispositif sur les grandes entreprises. Comme le souligne le rapport récent de M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, dans l'application de la loi fiscale, le gain de la réforme, qui se traduit par une augmentation considérable du montant des créances de crédit d'impôt recherche à 4,13 milliards d'euros, sera concentré à près de 80 % sur les entreprises de plus de 250 salariés. Cette répartition du CIR selon la taille de l'entreprise, si elle ne fait en réalité que suivre la répartition des dépenses de recherche elles-mêmes, prête à discussion dans la mesure où le dispositif profite in fine aux entreprises ayant naturellement le plus de facilités à financer leur effort de recherche et où il en résulte pour certaines d'entre elles un effet d'aubaine ;
- l'absence d'un dispositif pérenne d'évaluation et l'insuffisance du dispositif de contrôle ;
- les doutes sur l'efficience du CIR. Pour la Cour des comptes, le choix d'utiliser le levier fiscal pour attirer les centres de recherche pourrait ne pas être le plus pertinent en termes d'attractivité. La portée du crédit d'impôt a sans doute été limitée par la forte instabilité des règles, le CIR ayant été modifié quasiment chaque année depuis sa création. La haute juridiction souligne par ailleurs une corrélation inversée entre l'évolution du montant du CIR entre 2002 et 2006, qui a plus que doublé, et celle de la part du financement privé de la R & D dans le PIB, qui a fortement baissé.
En conclusion, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a fait part de son avis réservé vis-à-vis des crédits de la MIRES pour 2010, voyant dans les sommes allouées à la recherche et à l'enseignement supérieur par le « grand emprunt » la preuve de l'insuffisance des crédits y étant affectés dans le projet de loi de finances.
M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que la France comptait 280 000 exploitations agricoles professionnelles et que l'INRA, avec 8 000 chercheurs, était en mesure de contribuer à la nécessaire adaptation de l'agriculture à l'horizon 2050. Faisant valoir que des pays tels que l'Inde, la Chine ou le Brésil, dans lesquels des délégations de la commission se sont rendues, investissaient des sommes considérables dans la recherche, il a appelé à faire de celle-ci une priorité pour conserver l'avance technologique française.
M. Francis Grignon a interrogé le rapporteur pour avis sur le périmètre du terme « industrie » évoqué dans son rapport, faisant remarquer à cet égard que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en donnait une définition restreinte à la production manufacturière.
M. Denis Detcheverry a souhaité obtenir des précisions sur la part relative de l'investissement public et privé dans la recherche en France.
Revenant sur la diminution relative des crédits alloués à la recherche, M. Martial Bourquin s'est formalisé de l'accaparement d'une partie majeure des financements consacrés au CIR par le secteur des services et des banques.
Soulignant la qualité de la recherche française, M. Charles Revet a néanmoins appelé à rapprocher son volet théorique des applications pratiques.
M. Yves Chastan s'est interrogé sur le degré de connaissance, dans l'octroi et l'utilisation du CIR, des capacités d'innovation des PME.
En réponse aux différents intervenants, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a apporté les éléments de précision suivants :
- le rapport fait allusion à l'industrie de production, dont la part dans le PIB français, estimée à 17,8 %, ne cesse de reculer, même si les comparaisons intertemporelles sont délicates ;
- la recherche est, en France, très majoritairement publique ;
- le CIR fait effectivement l'objet d'un dévoiement dans son usage et devrait bénéficier davantage au secteur industriel ;
- les PME ne sont pas structurellement en mesure de profiter comme elles le devraient du CIR, sauf à ce qu'elles soient adossées à une technopole les y aidant ;
- si l'INSERM et l'INRA, notamment, sont des références mondiales dans leur secteur de recherche, ce dernier perd du terrain du fait de la pression existant sur certains de ses chercheurs, et ce alors que les Etats-Unis d'Amérique et les pays d'Asie consacrent des moyens croissants en la matière.
M. Jean-Jacques Mirassou s'est interrogé sur les moyens à mettre en oeuvre pour que les crédits octroyés au titre du CIR financent effectivement la recherche.
Convenant que la baisse du niveau d'industrialisation de la France était inquiétante, M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné l'intérêt d'une réflexion au sein de la commission sur la mise en oeuvre du CIR.
Appelant à ce que l'incitation publique favorise la mobilisation des organisations professionnelles en vue d'atteindre les niveaux de seuil permettant de bénéficier du CIR, M. Yves Chastan a évoqué la question des capacités d'ingénierie des pôles de compétitivité et d'excellence rurale.
Reconnaissant que la taille et la structuration des PME les empêchaient de profiter pleinement du CIR, contrairement aux grandes entreprises maîtrisant parfaitement la technique fiscale, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a préconisé leur rapprochement au sein de groupements d'employeurs et auprès de technopoles.
Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des articles rattachés 54 quinquies et sexies, le groupe socialiste s'abstenant et le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche votant contre.
Loi de finances pour 2010 - Mission « Ecologie, développement et aménagement durables » - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de MM. Jean Bizet, Jean-François Le Grand, Francis Grignon et Roland Courteau sur les crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Avec des montants demandés pour 2010 de 10,29 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 10,15 milliards d'euros en crédits de paiement, la mission est présentée en quasi stabilité : la hausse n'est que de 0,7 % en crédits de paiement. Mais cette dotation est largement complétée par des ressources extrabudgétaires, qui s'élèvent à 2,5 milliards d'euros pour 2010, et par des dépenses fiscales, qui atteignent 3,9 milliards d'euros.
Après l'importante réorganisation du ministère en 2008, les structures se sont stabilisées en 2009 autour de cinq grandes directions d'administration centrale, d'un secrétariat général et d'un Commissariat général du développement durable. Cette réorganisation trouve son prolongement au niveau territorial. La création des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) suit son cours, par fusion des DRE, des DRIRE et des DIREN. La fusion des directions départementales de l'équipement et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt est, quant à elle, effective dans 47 départements et sera à terme généralisée dans l'ensemble du territoire.
Ces réorganisations ne se font pas à effectifs constants : 1 770 équivalents temps plein seront supprimés en 2010 en application de la révision générale des politiques publiques (RGPP), tandis que 470 emplois seront créés pour la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et que 6 emplois seront déplafonnés au profit de l'Autorité de sûreté nucléaire. Le solde net s'établit à 1 294 emplois, ce qui abaisse le plafond d'emplois à 66 224 équivalents temps plein travaillé.
Puis M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a abordé plus spécifiquement les programmes « infrastructures et services de transports » et « sécurité et affaires maritimes », la question de la sécurité routière à travers le programme « sécurité et circulation routière » et le compte d'affectation spéciale « contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route », le compte de concours financiers « avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres » et, enfin, la contribution carbone, mais uniquement sous l'angle du transport routier de marchandises.
Si le premier programme « infrastructures et services de transports », doté de 4,44 milliards d'euros en autorisation d'engagement, est, certes, en légère baisse par rapport à l'an passé (- 2,2 %), il convient toutefois de souligner que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (l'AFITF) voit ses crédits préservés. En effet, cette année encore, l'Agence recevra de l'État une subvention d'équilibre d'un milliard d'euros, qui est nécessaire en attendant l'instauration de la taxe poids lourds au début de 2012. En outre, les crédits de l'action « entretien et exploitation du réseau routier national » connaissent, quant à eux, une baisse sensible de 30 % environ en autorisations d'engagement, passant de 590 à 424 millions d'euros. Mais cette chute des crédits n'est qu'apparente pour deux raisons. D'une part, l'année 2009 fut exceptionnelle, dans la mesure où 150 millions d'euros en autorisations d'engagement furent inscrits pour financer la construction en partenariat public-privé de 63 centres d'entretien et d'intervention. D'autre part, le plan de relance a débloqué une enveloppe de 115 millions d'euros pour les programmes d'entretien routier en 2009.
Concernant le programme « sécurité et affaires maritimes », M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a observé que ses crédits sont stables, atteignant 132,1 millions en autorisations d'engagement en 2010, auxquels il faut rajouter 244 millions d'euros de dépenses fiscales pour certaines entreprises du secteur. Sous l'effet du Grenelle de la mer, ces crédits devraient logiquement augmenter dans les années à venir, notamment pour accélérer la réforme de l'enseignement maritime secondaire et supérieur, et également pour enrayer la baisse sensible du nombre de contrôles de pêche depuis la fin 2008.
Abordant ensuite la question de la sécurité routière, il a constaté en premier lieu que les crédits du programme « sécurité et circulation routière » atteignent 61,5 millions d'euros en autorisations d'engagement, en légère progression de 1,6 % par rapport à 2009. Toutefois, les résultats de cette politique publique sont stationnaires alors que le Président de la République a fixé comme objectif que la France passe sous la barre des 3 000 tués sur les routes en 2012. Il est en effet fort probable que, pour la première fois en sept ans, le nombre de tués sur les routes françaises reparte à la hausse et atteigne avant la fin de l'année 4 400 morts, contre 4 275 l'an passé. En outre, le nombre d'accidents mortels des usagers de deux-roues s'est récemment nettement aggravé, ce qui plaide pour des mesures adaptées à ce public. En second lieu, il a observé que les recettes du compte d'affectation spéciale « contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route » sont reconduites, comme l'an passé, au niveau de 212,05 millions d'euros. Il s'est félicité que 530 nouveaux radars soient prévus pour 2010, et que certains appareils pourront contrôler, outre les règles de vitesse, le respect des feux rouges ou encore des passages à niveau. En outre, il a déploré le coût du vandalisme sur les radars fixes qui atteint 14,7 millions d'euros en 2010 et a plaidé pour une condamnation exemplaire des automobilistes malveillants.
S'agissant du compte de concours financiers « avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres », qui retrace les crédits affectés au bonus-malus automobile, M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a estimé que ce dispositif est un remarquable outil écologique car il a modifié en profondeur le comportement des Français qui achètent des voitures neuves. Cependant, il a regretté son coût important pour les finances publiques puisque le bonus-malus, censé être équilibré budgétairement, devrait enregistrer un déficit d'un demi-milliard d'euros en 2009. En outre, si le bonus-malus a eu un effet très bénéfique sur la filière automobile française, il a porté préjudice à l'industrie de la casse et des ferrailleurs.
Enfin, il a évoqué la contribution carbone sous l'angle du transport routier de marchandises. Cette contribution, mesure emblématique du Gouvernement pour lutter contre les changements climatiques, est normalement payée par tous les citoyens mais le Président de la République a souhaité que des aménagements soient prévus, entre autres, pour les transports routiers. C'est pourquoi le projet de loi de finances prévoyait initialement de remplacer cette contribution carbone par une taxe sur les activités polluantes (TGAP) payée par le bénéficiaire des prestations de transport, à la condition que le véhicule pèse plus de 7,5 tonnes.
Toutefois, à l'issue des débats à l'Assemblée nationale, il a été décidé que les transporteurs seront pleinement assujettis à la contribution carbone, soit 283 millions d'euros en 2010, trois mesures étant prises pour assurer la neutralité fiscale de cette taxe :
- la réforme de la taxe professionnelle génèrera pour le secteur un gain de 50 millions d'euros ;
- le remboursement partiel de la contribution carbone par le mécanisme de remboursement de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) s'élèvera à 100 millions d'euros ;
- enfin, la réforme sociale du transport, qui consiste à modifier la définition du temps de disponibilité des chauffeurs, devrait permettre une baisse des charges sociales de l'ordre de 133 millions d'euros.
Rappelant les évolutions fiscales importantes que connaît actuellement le secteur du transport routier de marchandises et l'ouverture du cabotage international, M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a souhaité que la commission de l'économie engage, courant 2010, une réflexion approfondie sur les profondes mutations que connaît ce secteur.
M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que les différences de traitement entre le transport fluvial et le transport maritime, dans le cadre de la contribution carbone visée à l'article 5 du projet de loi de finances pour 2010, pourraient être réglées lors de la commission mixte paritaire. En outre, il a estimé que la commission de l'économie devait effectivement se pencher sur les coûts du transport routier, afin de s'assurer de la compétitivité des entreprises françaises de transport.
M. Michel Teston a regretté le décalage entre les annonces du Gouvernement et le manque d'ambition du projet de loi de finances, jugeant que ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux liés au Grenelle de l'environnement, au plan de régénération du réseau ferroviaire, à la relance de l'économie, et à l'engagement national pour le fret ferroviaire. Concentrant son analyse sur les crédits affectés aux transports ferroviaires, il a souhaité présenter les observations suivantes :
- les documents budgétaires ne sont pas clairs quant à la somme exacte qui sera allouée à la régénération du réseau. La hausse des concours financiers de l'État à Réseau ferré de France pour la gestion de l'infrastructure passe, certes, de 2,441 milliards à 2,653 milliards d'euros entre 2009 et 2010, mais cette augmentation est artificielle, car elle intègre 264 millions d'euros d'aides aux opérateurs de fret par réduction de péage ;
- les contrats de projets Etat-régions imposent des charges financières croissantes à ces dernières, tandis que les régions Auvergne, Midi-Pyrénées et Limousin participent désormais à la régénération des voies ;
- l'aide au transport pour les trains Corail connaîtra en 2010 une baisse de 76 millions d'euros, contrairement aux engagements pris lors du Grenelle de l'environnement ;
- la subvention d'équilibre versée à l'AFITF, de 1,2 milliard l'an passé, est tombée à 980 millions cette année ;
- le transport combiné a vu ses crédits augmenter de 6 millions d'euros pour atteindre 35 millions d'euros, contre 90 millions en moyenne entre 1999 et 2002 ;
- l'enveloppe de 7 milliards d'euros annoncée pour financer le plan fret n'a reçu aucune traduction concrète dans le projet de loi de finances pour 2010.
M. Martial Bourquin, constatant le retard considérable de la France en matière de ferroutage, en particulier par rapport à la Suisse, s'est inquiété de la faiblesse des crédits alloués à ce mode de transport. Le désengagement de l'État aura des conséquences encore plus dramatiques si les communes perdent la clause de compétence générale du fait de la prochaine réforme des collectivités territoriales. Critiquant la baisse des crédits affectés à la rénovation des routes nationales et le manque d'ambition de la politique nationale de fret, il a constaté que le nombre de radars augmentera sensiblement en 2010, ce qui est certes nécessaire en termes de sécurité routière mais risque d'être mal perçu par l'opinion publique. Enfin, il a souhaité la création d'une mission parlementaire sur l'impact du cabotage routier, qui permettra à des entreprises étrangères de transport d'effectuer des livraisons en France dans le cadre de prestations internationales.
M. Jean-Jacques Mirassou, soulignant également les distorsions entre l'ambition du Grenelle de l'environnement et le projet de loi de finances, a estimé que le plan de relance porte manifestement bien mal son nom, et il a craint une grande déception de l'opinion publique. En outre, il a regretté que l'État ait transféré aux conseils généraux les routes les plus dégradées et il a déploré la mise en place de radars aux passages à niveau, alors même que les travaux d'aménagement de ces passages n'ont pas tous été achevés.
Mme Odette Herviaux, rappelant que la sécurité des navires est également assurée par la marine française, a souhaité que le rapporteur mette en perspective la stagnation des crédits affectés au programme « sécurité et affaires maritimes » et l'évolution des crédits inscrits dans la loi de programmation militaire.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a apporté les éléments de réponse suivants :
- le transport ferroviaire de marchandises demeure une priorité du Gouvernement, dans la mesure où l'action « infrastructures de transports collectifs et ferroviaires » représente environ 80 % des crédits alloués au programme « infrastructures et services de transports ». La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a créé un groupe de travail chargé de réfléchir à la relance du fret ferroviaire et d'analyser la portée du plan portant « engagement national pour le fret ». M. Daniel Bursaux, responsable de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), lors de son audition par le groupe de travail, a précisé les différentes recettes alimentant l'enveloppe de 7 milliards d'euros ainsi que sa ventilation en dépenses ;
- la relance du fret ferroviaire passe également par des réformes organisationnelles, et notamment de nouvelles relations avec les entreprises clientes, ainsi que des gains de productivité lors de la réalisation des travaux d'entretien du réseau ;
- des annonces seront faites avant les élections régionales en matière de ferroutage ;
- l'entretien de beaucoup de routes dépend désormais des conseils généraux, depuis l'adoption de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
- le plan de relance a débloqué en 2009, d'une part, 150 millions d'euros pour le volet ferroviaire des contrats de projets État-Régions, d'autre part, 100 millions d'euros pour les travaux de régénération du réseau ferroviaire, qui viennent s'ajouter aux crédits de la mission « écologie » ;
- lors de l'examen en séance plénière des crédits de la mission « écologie », des indications seront fournies aux commissaires afin de les informer des crédits alloués en loi de programmation militaire pour assurer la sécurité des navires.
M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que les deux tiers des 600 millions du déficit de la branche SNCF Fret s'expliquent par les difficultés liées au transport par wagon isolé. Soulignant l'intérêt du fret ferroviaire pour des distances supérieures à cent kilomètres, il a rappelé les difficultés sérieuses auxquelles sont confrontées les entreprises concurrentes de la SNCF lors de leur demande d'attribution de sillons. Enfin, il a appelé les présidents de conseils régionaux à ne pas privilégier exagérément le transport de voyageurs par TER au détriment du transport ferroviaire de marchandises.
Ensuite, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a présenté les deux programmes spécifiquement consacrés à la protection de l'environnement au sein de la mission « écologie » : le programme « urbanisme, paysages, eau et biodiversité » et le programme « prévention des risques », qui concerne les risques technologiques et les pollutions, la prévention des risques naturels et hydrauliques, la gestion de l'après-mines et la sûreté nucléaire.
Les crédits pour 2010 de ces deux programmes connaissent, dans la continuité de l'année dernière, des hausses sensibles, en lien avec la mise en oeuvre des priorités définies dans le cadre du Grenelle de l'environnement :
- le programme « urbanisme, paysages, eau et biodiversité », qui n'a pas connu de changement de périmètre cette année, prévoit 346 millions d'euros, soit une hausse de 5 % par rapport au budget pour 2009 ;
- le programme « prévention des risques » est doté de 306,7 millions d'euros, soit une hausse de 30 % par rapport aux crédits de la loi de finances initiale pour 2009.
Sans entrer dans le détail des différentes enveloppes budgétaires, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a présenté trois sujets sur lesquels la commission de l'économie pourrait utilement interroger le Gouvernement en séance plénière. Le premier concerne l'aide aux collectivités territoriales dans l'élaboration de leurs documents d'urbanisme. La commission avait déposé, dans le cadre du budget pour 2009, un amendement visant à rétablir un dispositif spécifique d'aide à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT), puisque le dispositif « un euro par habitant » avait pris fin le 31 décembre 2007. Cet amendement avait été retiré en séance sous réserve de l'engagement du Gouvernement à élaborer très rapidement ce dispositif, en lien avec le projet de loi « Grenelle II ».
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a souligné que ce dispositif était d'autant plus important que la commission avait adopté dans le cadre du Grenelle II, à l'initiative du président Jean-Paul Emorine, un amendement visant à la généralisation des SCOT, témoignant par là de l'importance qu'elle accorde à cet outil de planification. Il est donc essentiel que les collectivités territoriales soient incitées à produire des documents de qualité et qu'elles reçoivent pour cela une aide de l'État. La commission a obtenu en partie satisfaction en 2009, puisque douze projets de SCOT innovants sur le plan environnemental ont été financés, à raison de 100 000 euros par projet. Toutefois, aucun dispositif global n'est prévu pour aider les autres projets, alors même que, en 2009, 230 secteurs ont manifesté l'intention de lancer un SCOT. Or, le budget prévoit par ailleurs une aide pour vingt PLU intercommunaux, alors même que, en 2009, était prévue une enveloppe de 1,5 million d'euros pour en financer trente et que, finalement, aucun ne l'a été faute de demande d'après le ministère. C'est pourquoi M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a jugé nécessaire d'interroger le Gouvernement sur l'utilisation optimale qui peut être faite de l'enveloppe allouée à l'aide à la planification, et notamment sur la nécessité d'augmenter le nombre de projets de SCOT aidés.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, abordant le financement de la politique des déchets, a fait part de ses sujets d'interrogations :
- l'article 46 de la loi Grenelle I a demandé au Gouvernement un rapport, avant le 10 octobre 2009, étudiant la possibilité d'alléger la TGAP pesant sur les collectivités dont les déchets sont éliminés dans des installations de stockage, notamment lorsqu'elles réalisent des installations de récupération du biogaz. Or, ce rapport n'a pas été transmis au Parlement, alors même qu'il s'agit d'une demande forte des collectivités territoriales ;
- par ailleurs, les élus ont du mal aujourd'hui à avoir des éléments clairs sur les investissements à réaliser en matière de traitement de déchets : entre méthanisation, traitement mécano-biologique ou encore valorisation énergétique via l'incinération, une confusion règne sur l'efficacité relative des différents modes, voire sur les critères de financement de l'ADEME ;
- enfin, de très fortes inquiétudes se manifestent depuis l'entrée en vigueur des hausses de taxe générale sur les activités polluante (TGAP) chez les élus locaux, certains estimant que la hausse de taxe d'enlèvement des ordures ménagères liée à la TGAP pourrait être de l'ordre de 2 ou 3 points en moyenne en 2010.
Du fait des nouvelles charges ainsi induites, certaines collectivités repoussent des investissements pourtant nécessaires, les élus exprimant leur incertitude quant aux financements effectifs dont ils devraient en retour bénéficier. La commission devra en conséquence être particulièrement attentive à l'affectation du produit de la TGAP dans les prochains budgets.
Pour toutes ces raisons, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, s'est félicité que, à l'initiative du groupe de l'Union centriste, une mission commune d'information sur les déchets ait été créée afin d'examiner les performances respectives des différents modes de traitement et de réfléchir à des ajustements pour la TGAP.
Enfin, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a évoqué les subventions accordées par le ministère, qui ont connu entre 2007 et 2008 des évolutions relativement importantes. En effet, les subventions accordées aux principales associations nationales de protection de l'environnement, comme France Nature Environnement ou encore la Ligue de protection des oiseaux, ont augmenté de plus de 30 %. Cette hausse correspond à une inflexion volontaire de la part du ministère, qui souhaite que les associations s'impliquent davantage dans les décisions, tant au niveau national que local. M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a pris acte de cette réorientation sans pour autant s'en féliciter, dans la mesure où le corollaire de l'aide publique devrait être la responsabilisation des associations. Or, celles-ci sont trop souvent à l'origine de recours systématiques et parfois abusifs contre des projets de développement local. Il a estimé ainsi étonnant de constater qu'une de ces associations nationales affiche sur la page Internet consacrée à ses objectifs le nombre de recours contentieux engagés en 2005, comme s'il s'agissait d'une fin en soi. Les associations parties prenantes du Grenelle doivent impérativement respecter les accords passés à cette occasion. En conséquence, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis a proposé d'interroger le Gouvernement sur le bilan qu'il tire de la hausse des subventions aux associations de protection de l'environnement en 2008 et sur la manière dont ont été utilisés les fonds supplémentaires.
M. Gérard Bailly a fortement déploré les hausses de TGAP et leur impact en milieu rural, dans lequel les populations ont réalisé d'importants efforts pour améliorer le tri et ne comprennent pas, en conséquence, l'obligation de payer davantage. Après avoir évoqué le problème du « bilan carbone » du transport des déchets des artisans et des déchets verts, il s'est interrogé sur l'utilité de l'instauration d'une tarification incitative. Enfin, dans un tout autre domaine, il a jugé qu'il convient de protéger les moutons contre les loups.
Mme Évelyne Didier a estimé que le constat de l'ADEME d'une perte d'autonomie départementale en matière de traitement des déchets, en l'absence de création de nouvelles unités d'incinération, était particulièrement inquiétant et a jugé qu'une part importante de la responsabilité de cette situation incombait aux industriels qui ont longtemps manqué de transparence. Elle a souligné la nécessité d'éviter le phénomène de transport des déchets et d'encourager le ferroutage ou le transport par voie fluviale.
M. Daniel Dubois a approuvé les propos de M. Gérard Bailly en regrettant que, du fait des hausses de TGAP, l'impression que « plus on trie, plus on paie » soit désormais dominante en milieu rural
M. Jean-François Le Grand a déclaré partager également le constat effectué sur la politique des déchets et s'est inquiété de l'ambiguïté actuelle quant à l'utilisation des boues de station d'épuration en milieu agricole. Soulignant la nécessité de maintenir l'indépendance et la capacité d'agir des associations, il a déploré toutefois que de petites associations intentent des recours au niveau local pour équilibrer leur budget, très loin des préoccupations relatives à la protection de l'environnement. En conséquence, il a jugé indispensable de corriger certains excès.
M. Daniel Soulage a remercié le président de la commission d'avoir permis la création de la mission commune d'information sur les déchets, et souhaité que celle-ci permette aux élus de prendre des décisions adaptées.
Après avoir évoqué le problème de l'enfouissement des déchets, M. Jean-Paul Emorine, président, a déploré que seuls douze projets de SCOT sur 230 aient été aidés en 2009 et souhaité que ce problème soit étudié de près.
M. Jean-François Le Grand a jugé que beaucoup de clarifications devaient être apportées s'agissant de la méthanisation, concernant, d'une part, son coût et, d'autre part, la définition de ce qui peut être injecté dans les réseaux.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a apporté les éléments suivants :
- la convergence des interventions sur la TGAP démontre l'utilité de la mission commune d'information, qui devra impérativement se pencher sur cette question ;
- le manque de transparence en matière d'incinération a effectivement joué un rôle très négatif ;
- il peut être utile de développer de petites unités de méthanisation ;
- il faut effectivement clarifier la question de l'utilisation des boues d'épuration dans l'agriculture ;
- la tarification incitative sur les déchets est peut-être la moins mauvaise des solutions ;
- les associations doivent être responsables dans leurs relations avec les collectivités territoriales et il est impératif de moraliser leur fonctionnement.
Enfin, Mme Évelyne Didier a insisté sur la nécessité de travailler davantage à la réduction à la source de la production de déchets.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a ensuite présenté le programme « énergie et après-mines », qui s'élève pour 2010 à 818,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 820,3 millions d'euros en crédits de paiement. Il a rappelé que ce programme apparaît très déséquilibré si l'on considère les seuls volumes des crédits, puisque l'action 4 « gestion économique et sociale de l'après-mines », qui est dotée de 756,4 millions d'euros, représente 92 % du total en crédits de paiement. Cette action est pour l'essentiel consacrée aux prestations servies par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) et par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) aux anciens mineurs et à leurs ayants droit, au nombre d'environ 180 000. L'évolution démographique spontanée de cette population, qui ne se renouvelle plus, explique que les crédits correspondants soient en diminution de près de 5 % en 2010 par rapport à 2009.
Il a souligné que la baisse tendancielle des crédits de l'après-mine permet de dégager une marge de manoeuvre pour l'accroissement des autres actions du programme. C'est ainsi que l'action « politique de l'énergie » est présentée en augmentation de 61 % en crédits de paiement, pour atteindre 38,1 millions d'euros. Ces crédits, qui ne représentent toutefois que 5 % du programme, sont essentiellement consacrés aux subventions à l'ADEME et à l'ANDRA. Leur hausse spectaculaire se justifie par les moyens nouveaux nécessaires à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. A ce sujet, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a cité notamment la création du fonds de soutien au développement de la chaleur renouvelable, qui est doté de 110 millions d'euros en crédits de paiement, ainsi que celle du fonds démonstrateur de recherche, doté de 41 millions d'euros, et qui vise à valider en grandeur réelle les technologies émergentes en amont de la phase de déploiement industriel et commercial. Il s'agit du captage et stockage de CO2, de l'énergie solaire, des biocarburants de deuxième génération, du stockage et de la gestion de l'énergie, des véhicules hybrides et électriques, des énergies marines et des bâtiments à énergie positive.
Il a indiqué que l'action « lutte contre le changement climatique » est présentée en hausse de 22 %, pour atteindre 25,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit 3 % du programme. Ces crédits sont consacrés en majorité aux subventions au Centre interprofessionnel d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA) et aux Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA). Mais leur augmentation s'explique principalement par l'accroissement des moyens consacrés à la lutte contre l'intensification de l'effet de serre, qui bondissent de moins de 900 000 euros en 2009 à plus de 4 millions d'euros en 2010. Ces crédits financeront notamment les études nécessaires à la mise en place des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie prévus par le projet de loi portant engagement national pour l'environnement.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a observé qu'une particularité du programme « énergie et après-mines » est l'importance des dépenses fiscales qui lui sont attachées. En effet, celles-ci sont estimées pour 2010 à 2,9 milliards d'euros au total. Ce montant impressionnant est à comparer à celui des crédits, qui n'est que de 820 millions d'euros. L'essentiel de ces dépenses fiscales est constitué par le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable, qui est chiffré à lui seul à 2,6 milliards d'euros. Le reste est constitué de dix-neuf catégories d'incitations fiscales différentes, dont les coûts sont bien plus modestes.
Il a souhaité revenir sur l'un des éléments du crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie, qui a été recentré par la loi de finances initiale pour 2009. C'est ainsi que le taux d'exonération des chaudières au bois a été progressivement abaissé de 50 % jusqu'alors à 40 % en 2009, puis à 25 % à compter de 2010.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a estimé que cette réduction de l'avantage fiscal, votée dans un souci d'économie budgétaire, présente un inconvénient. En effet, environ 4 millions sur les 6 millions du parc des chaudières au bois domestique sont anciennes et ont des performances énergétiques et environnementales faibles, avec un rendement médiocre et un taux d'émissions polluantes élevé. Un label « Flamme verte » a été lancé en l'an 2000, et les performances des appareils n'ont cessé de s'améliorer depuis lors, leur facteur d'émission d'oxyde de carbone ayant été divisé par quatre en moyenne entre 2001 et 2009. Il a donc considéré qu'il conviendrait d'inciter au renouvellement du parc, en maintenant un taux d'exonération de 40 % pour les chaudières qui viennent en remplacement d'un équipement existant.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission de l'économie avait adopté, à l'initiative de M. Jean-Claude Merceron et des membres du groupe de l'Union centriste, un amendement en ce sens dans le cadre de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement. Toutefois, en séance publique, le Gouvernement a demandé la suppression de cette disposition, au motif principalement qu'elle serait difficile à contrôler, et le Sénat a bien voulu l'accepter. Il a estimé cette suppression très regrettable. La modernisation du parc des chaudières au bois est non seulement un enjeu en termes d'économies d'énergie et de réduction des émissions polluantes, mais aussi en termes industriels. Les trois quarts des chaudières vendues en France sont de fabrication française, et cette filière représente 20 000 emplois selon l'ADEME. Il a donc estimé opportun de donner un « coup de pouce » à la décision du propriétaire d'une chaudière au bois vieillissante, mais qui hésiterait à la renouveler.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a annoncé qu'il déposerait cet amendement en seconde partie du projet de loi de finances, à titre personnel, en l'assortissant d'une disposition prévoyant que le bénéfice du taux de 40 % est subordonné à la justification de la reprise de l'ancienne chaudière par l'installateur en vue de sa destruction, afin de répondre à l'objection du Gouvernement relative au bon contrôle du dispositif. Bien sûr, le taux demeurera fixé à 25 % pour une première installation. Le coût net de cet amendement, par différence entre le taux de 40 % et le taux de 25 %, est d'environ 30 millions d'euros.
Outre les crédits budgétaires et les dépenses fiscales, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a mentionné les ressources extrabudgétaires dont disposent les divers organismes intervenant dans le champ de ce programme. En 2009, ces ressources affectées devraient s'élever à 220,7 millions d'euros pour l'ANDRA, 57,4 millions d'euros pour l'ANGDM, 600 000 euros pour le CITEPA et 531,7 millions d'euros pour l'ADEME, qui est destinataire du produit de la taxe générale sur les activités polluantes.
Dans ce domaine, il a évoqué le sujet du financement des commissions locales d'information (CLI), instituées auprès des sites accueillant des installations nucléaires de base, abordé lors de la récente audition par la commission de M. André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L'article 22 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN », prévoit un financement mixte des CLI par l'Etat et par les collectivités locales concernées. Pour les CLI non dotées de la personnalité morale, le fonctionnement est assuré par des personnels du conseil général. Par contre, les CLI adoptant un statut d'association, comme la loi TSN les y incite, doivent recourir à l'embauche de salariés. M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a estimé qu'il convient qu'une partie au moins de ces charges de personnel soient couvertes par des ressources de niveau national. Or, les crédits dont dispose l'ASN pour subventionner les CLI permettent tout juste de soutenir des actions d'information ou des études, mais non de rémunérer leurs salariés.
Il a rappelé que l'article 22 de la loi TSN prévoit que les CLI dotées de la personnalité juridique peuvent recevoir une partie du produit de la taxe sur les installations nucléaires de base instituée par l'article 43 de la loi de finances pour 2000. Pour l'année 2010, une douzaine de CLI répondraient aux critères pour bénéficier de cette affectation de taxe, dont les conditions doivent être définies par une loi de finances. Sur la base d'une dotation de 50 000 euros au maximum pour chacune d'entre elles, le montant ainsi prélevé sur le produit de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB), qui est estimé à 363 millions d'euros pour 2010, serait de 600 000 euros. A terme, il pourrait y avoir une quarantaine de CLI en activité sous statut associatif, ce qui implique un prélèvement s'élevant alors à 2 millions d'euros.
Dans la mesure où cet amendement ne peut plus être déposé en première partie du projet de loi de finances initiale, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a proposé qu'il soit présenté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui viendra bientôt en discussion au Sénat. L'amendement pourrait être cosigné par tous les membres du groupe d'études de l'énergie qui voudront bien se joindre à cette initiative. Dans l'immédiat, il a suggéré à la commission d'adopter un amendement de crédits, qui abonde de 600 000 euros le programme « Prévention des risques », afin de financer les CLI en 2010, dans l'attente de la mise en place du prélèvement sur la taxe INB.
Pour conclure, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a abordé le développement des énergies renouvelables. Evoquant le rapport de la commission sur le grand emprunt national, coprésidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, qui fixe le montant souhaité de l'emprunt à 35 milliards d'euros et ventile les investissements qui seront ainsi financés selon sept axes thématiques, il a relevé que l'axe 4, auquel seraient affectés 3,5 milliards d'euros, soit exactement un dixième de la somme empruntée, est consacré au développement des énergies décarbonées et à l'efficacité dans la gestion des ressources.
Il a indiqué que le rapport de la commission propose d'identifier un acteur public consacré au développement de solutions énergétiques décarbonées, qui permettent à la France de rassembler ses forces et ses compétences pour atteindre ses objectifs écologiques ambitieux. Une agence de moyens légers, l'Agence pour les énergies renouvelables, dotée de la personnalité juridique, pourrait rapidement être créée à cet effet, et financée par l'emprunt national pour co-investir dans la recherche partenariale et l'innovation dans le domaine des technologies propres et économes, à l'exclusion du nucléaire. Plus spécifiquement, le rapport de la commission identifie trois actions différentes pour cet axe d'investissement :
- le développement de démonstrateurs et de plateformes coopératives d'expérimentation pour les nouvelles technologies dans les énergies décarbonées et l'économie du recyclage, auquel seraient attribué 1,5 milliard d'euros ;
- la création de cinq à dix instituts de recherche technologique dans le domaine des énergies décarbonées, sélectionnés par un jury international, auxquels seraient attribué 1 milliard d'euros ;
- l'accélération de la transition vers les technologies nucléaires de demain et vers une gestion encore plus efficace des déchets radioactifs, auxquelles seraient attribué 1 milliard d'euros.
Enfin, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a formulé quelques réflexions à propos des différentes énergies renouvelables (ENR). Rappelant que la France a pris l'engagement d'atteindre le pourcentage de 23 % d'énergies renouvelables dans sa consommation énergétique totale en 2020, ce qui correspond à un accroissement de 20 millions de tonnes équivalent pétrole par rapport à 2006, il a indiqué que cet objectif suppose qu'elle multiplie par deux sa production dans le domaine du bois énergie, par six dans celui de la géothermie, par dix dans l'éolien, et par quatre cents dans celui de l'électricité photovoltaïque.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a estimé que, si le succès n'est jamais assuré, la France semble prendre le chemin pour atteindre cet objectif. Selon les chiffres publiés à la fin du premier semestre de cette année, la production d'électricité éolienne a progressé de 36 % en un an, et celle d'électricité d'origine photovoltaïque de 265 %. Il a considéré que notre pays semble donc avoir effectivement commencé sa transition énergétique. Compte tenu du fait que le potentiel hydraulique est déjà pleinement exploité, sous réserve du développement encore possible de la petite hydraulique, et que le photovoltaïque n'en est qu'à ses débuts, ce sont surtout la biomasse et l'éolien qui permettront d'atteindre l'objectif de 23 % d'ENR dans la consommation finale en 2020.
Il a rappelé que la France est déjà aujourd'hui le premier producteur européen de bois énergie, qui représentait 5 % de la consommation finale énergétique en 2007. Mais le gisement de la biomasse est encore largement inexploité. Ainsi, la récolte annuelle de bois, soit 52 millions de m3, est inférieure à la production biologique de la forêt française, soit 125 millions de m3. La forêt progresse de 48 000 hectares par an. Selon l'ADEME, une ressource supplémentaire de bois pour l'énergie d'environ 7 à 12 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) est mobilisable en plus des 9,4 millions de tep prélevées actuellement.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a indiqué que l'autre filière sur laquelle la France devait fonder l'essentiel de ses espoirs est celle de l'énergie éolienne, dont la technologie est à la fois la plus mature et la moins chère. Mais il a constaté que les éoliennes sont aujourd'hui contestées, et estimé qu'il y a eu pendant trop longtemps un défaut d'encadrement de la filière par l'État, qui n'y a pas vraiment cru. En l'absence de véritables schémas directeurs, le développement de l'éolien s'est fait de manière anarchique, suscitant en retour une opposition de plus en plus virulente. Il a espéré que les choses rentreront progressivement dans l'ordre, avec les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie prévus par le projet de loi d'engagement national pour l'environnement en cours de discussion.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a estimé que le passage des éoliennes sous le régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), voulu par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi « Grenelle II », n'est pas réellement une bonne idée, et que la commission de l'économie a eu raison d'introduire dans le projet de loi des dispositions d'accompagnement destinées à atténuer les inconvénients de ce classement ICPE. Il a indiqué que le dispositif est d'ailleurs encore susceptible d'évoluer, puisque l'Assemblée nationale vient de créer une mission d'information sur l'éolien commune à la commission des affaires économiques et à celle du développement durable. Il a considéré que l'une des faiblesses de l'énergie éolienne est l'absence de véritable filière industrielle dans ce secteur en France, même si de nombreuses entreprises françaises en fabriquent déjà des composantes, mais s'est déclaré convaincu que le développement d'une industrie éolienne dans notre pays est encore possible, dès lors qu'existe une volonté politique.
Mme Évelyne Didier a admis qu'il est compréhensible que les crédits consacrés aux anciens mineurs soient orientés à la baisse, s'agissant d'une population qui diminue, mais a affirmé qu'il ne faudrait pas pour autant que leurs droits sociaux en soient affectés. A cet égard, elle s'est inquiétée de la suppression progressive des centres de santé spécialisés qui sont prévus pour les anciens mineurs. Elle a approuvé toute initiative de nature à améliorer l'information des citoyens en matière de sûreté nucléaire. Tout en considérant également la biomasse et l'éolien comme les deux principales énergies renouvelables en croissance pour les prochaines années, elle s'est déclarée convaincue que l'énergie photovoltaïque a aussi de grandes marges de progression.
M. Jean-François Le Grand a apporté son soutien à l'amendement tendant à abonder le financement des commissions locales d'information, estimant anormal que les collectivités territoriales en portent seules la charge.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a précisé, s'agissant de l'énergie photovoltaïque, qu'un arrêté sera prochainement publié pour fixer les tarifs applicables à 60,2 centimes d'euro par kilowatt/heure pour les installations « intégrées au bâti », à 45 centimes d'euro pour les installations avec « intégration simplifiée au bâti », qui concernent les bâtiments industriels, agricoles et commerciaux, et à 32,8 centimes d'euro par kilowatt/heure pour les installations au sol.
La commission a alors adopté un amendement portant sur les crédits tendant à abonder de 600 000 euros les moyens destinés à financer les commissions locales d'information.
Enfin, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a présenté les crédits relatifs aux transports aériens dans le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » ainsi que dans certains programmes de la mission « écologie, développement et aménagement durables ».
Il a indiqué d'abord que le Gouvernement venait de remettre au Parlement un rapport sur les perspectives d'évolution de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), en application de l'article 193 de la loi de finances pour 2009. Ce rapport propose de transformer la DGAC en établissement public administratif.
S'agissant du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a précisé que ses moyens étaient de 1,9 milliard d'euros en AE et de 1,9 milliard d'euros en CP. Le budget de l'ACNUSA est en hausse de 17 %, afin de prendre en compte les nouvelles compétences qui lui sont transférées dans le cadre du projet de loi « Grenelle II » portant engagement national pour l'environnement.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a présenté la situation catastrophique du secteur du transport aérien, caractérisée par une baisse de 20 % du fret au niveau mondial en 2009, une diminution du nombre de passagers de 180 millions et, au niveau français, une baisse de 5 % du trafic de passagers sur les huit premiers mois.
Il a souligné que le secteur n'a pas bénéficié du plan de relance. En conséquence, il a demandé que le produit de la taxe d'aviation civile soit reversé à 100 % au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », et non à 80 % comme c'est le cas actuellement.
S'agissant des liaisons d'aménagement du territoire, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a précisé que 17 millions d'euros de crédits leur étaient consacrés sur dix-huit lignes, mais que l'impact de la crise pourrait amener l'État à soutenir quelques lignes supplémentaires en fonction des nécessités d'aménagement du territoire.
Enfin, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a abordé le projet de ciel unique européen, qui vise notamment à désengorger l'espace aérien. Il a apporté son soutien à une initiative lancée par dix-sept syndicats européens et tendant à mettre en place une organisation unique du contrôle aérien qui concernerait dans un premier temps six pays, dont la France. Le statut social des employés serait aligné sur le haut, mais la réorganisation des routes aériennes permettrait d'économiser 2,2 milliards d'euros et de réduire de manière importante les émissions de gaz à effet de serre, tout en diminuant les temps de parcours et en améliorant la sécurité.
La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « écologie, développement et aménagement durables », le groupe socialiste votant contre et le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.
Loi de finances pour 2010 - Mission « Ville et logement » - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de MM. Pierre André et Thierry Repentin sur les crédits de la mission « Ville et logement ».
M. Jean-Paul Emorine, président, a présenté au nom de M. Pierre André, les crédits relatifs à la « politique de la Ville » inscrits au projet de loi de finances pour 2010.
Rappelant que cette politique vise à réduire les écarts entre les quartiers en difficulté et les autres quartiers urbains de nos villes, il a, en préambule, cité le Président de la République qui expliquait, dans son discours du 8 février 2009 relatif au plan « espoir banlieue » : « la politique de la ville a été conçue pour intervenir de manière spécifique, comme effet levier, dès lors que les politiques de droit commun de l'Etat et des collectivités territoriales se sont pleinement exercées ». Cette politique, mise en oeuvre dans des territoires d'intervention prioritaires, repose, aujourd'hui, essentiellement sur une logique de zonage.
Indiquant que plus de 8 millions de nos concitoyens vivent dans un quartier éligible à la politique de la ville, il a estimé que cette politique publique est un enjeu de cohésion nationale qui suscite toutefois les plus vifs débats, opposant souvent deux attitudes.
D'un coté, s'expriment ceux qui doutent de son utilité, considérant que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, surtout lorsque les médias relayent les faits divers qui surviennent dans nos quartiers dits « sensibles ».
De l'autre, se trouvent ceux qui considèrent que la politique de la ville fonctionne finalement plutôt bien et qu'il ne faut surtout pas en changer, craignant que toute réforme se traduise par un désengagement financier des partenaires.
M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que cette politique garde plus que jamais sa pertinence.
Il a fait remarquer que les changements opérés dans ce budget 2010 sont peu nombreux, celui-ci s'inscrivant finalement dans la continuité de l'année précédente, conformément à la programmation triennale des finances publiques pour les années 2009 à 2011.
Aussi, a-t-il relevé pour 2010 que :
- l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ASCE) reste le principal opérateur de la politique de la ville, qui gère directement plus de 56 % des crédits du programme ;
- la nouvelle gouvernance de la politique de la ville est désormais bien établie et repose sur le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) qui remplace la délégation interministérielle à la ville (DIV) et qui sera chargé de préparer les travaux du comité interministériel des villes (CIV), cette dernière étant l'instance de pilotage et de décision présidée par le Premier ministre qui doit se réunir au moins deux fois par an.
- l'avenir des dispositifs de zones franches urbaines est de plus en plus incertain, alors même que leurs effets sur l'emploi ont été démontrés par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS). Il a, à cet égard, rappelé que la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, s'était opposée, avec celles des finances et des affaires sociales, à la réforme engagée dans le cadre de la précédente loi de finances, jugeant qu'elle aurait des effets sur la nature des emplois créés dans les quartiers ;
- enfin, l'effort de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) doit être salué, notamment du fait de sa participation au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), en plus du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Toutefois, il a souligné que le financement de cette agence s'annoncera problématique à partir de 2012, et a appelé le Gouvernement à s'exprimer sur ce point.
M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite fait valoir que cette relative stabilité de la maquette budgétaire n'interdit toutefois pas de s'interroger sur les modalités d'intervention de la politique de la ville. En avril dernier, M. Pierre André, s'est ainsi vu confié, avec le député Gérard Hamel, une mission par le Premier Ministre afin de proposer au Gouvernement une méthode opérationnelle de révision de la géographie des zones urbaines sensibles et des contrats urbains de cohésion sociale.
Leur constat est simple : « force est de constater que l'action par zonage n'a pas fait la preuve de son efficacité ». Selon eux, malgré la multiplication des actions conduites dans les territoires prioritaires, les écarts avec le reste de la ville ne se sont pas véritablement réduits, notamment dans le domaine clé de l'emploi. Au contraire, en confinant l'action publique aux quartiers, le zonage trop strict a produit des effets pervers et prive les partenaires locaux de capacités plus grandes pour mener des actions plus globales à l'échelle de la ville.
La sortie du zonage est donc le point d'entrée de la réforme qu'ils proposent : trop rigide, nuisant au partenariat local et à la responsabilisation des acteurs, trop stigmatisant aussi, MM. Pierre André et Gérard Hamel constatent « qu'aucun territoire prioritaire n'est jamais sorti de son zonage ». Ceux-ci suggèrent donc de remplacer le contrat urbain de cohésion social et les nombreux dispositifs associés, notamment les zones urbaines sensibles (ZUS), par un contrat unique signé entre le maire et le préfet et adossé à la durée du mandat municipal. Dans cette perspective, les crédits devront être répartis suivant de nouveaux critères et de telle sorte que les communes les plus pauvres soient aidées en priorité. Les critères ainsi mis en avant sont : le taux de chômage, la part des jeunes sans qualification professionnelle, la proportion de HLM, la part de bénéficiaires de minima sociaux et d'allocations logement, ces critères étant pondérés par le potentiel financier des communes.
M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que, en définitive, MM. Pierre André et Gérard Hamel suggèrent de redonner au maire un rôle pour agir autour d'un véritable projet territorial. Or, le secrétariat d'Etat à la politique de la ville est loin de partager toutes les options préconisées. Pourtant, les divergences ne portent pas sur les constats qui sont unanimement partagés. Tous s'accordent en effet sur la nécessité de ne plus écarter « les quartiers » du reste de la ville et de mieux impliquer les différents partenaires. Le rôle de l'Etat comme garant de la solidarité nationale et de l'égalité républicaine des territoires et des populations doit être préservé afin que les politiques de droit commun continuent de s'exercer pleinement.
C'est pourquoi M. Pierre André souhaite que le Gouvernement fasse preuve de sagesse en suivant les recommandations des élus locaux qui sont concernés au premier plan par cette politique. Pour cela, il faudra donc convaincre la secrétaire d'Etat, chargée de la politique de la ville, que le maire a bien vocation à être le pivot de la politique de la ville.
Sous le bénéfice des ces observations, M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que le rapporteur pour avis propose d'adopter les crédits se rapportant à la politique de la ville dans la mission « ville et logement ».
M. Daniel Raoul a tenu à faire part de sa divergence de vue avec l'analyse du rapporteur pour avis. Selon lui, la logique du zonage s'avère parfois efficace, notamment dans le cadre des zones franches urbaines qui ont prouvé leur efficacité en matière de développement de l'emploi dans les quartiers. Il a, toutefois, reconnu que l'idée du contrat unique n'est pas dénuée de pertinence, faisant observer que les contrats urbains de cohésion sociale se sont essoufflés et n'ont qu'un maigre effet de levier, dans la mesure où l'Etat ne contribue que très marginalement à leur financement.
M. Jean-Paul Emorine, président, a fait remarquer que le rapporteur pour avis ne conteste nullement l'efficacité des zones franches urbaines mais explique surtout que la logique du zonage est devenue trop stigmatisante pour de nombreux quartiers éligibles à la politique de la ville.
M. Daniel Dubois a estimé que la logique du zonage poussée à l'extrême n'est pas efficace. Toutefois, il a expliqué qu'un traitement différencié se justifie à l'égard des quartiers qui cumulent des handicaps dans tous les domaines, l'objectif étant de les raccrocher à l'ensemble urbain plus vaste. Par ailleurs, il a souligné que, dans certains cas heureusement peu répandus, les villes ne portent pas suffisamment les projets au sein de ces quartiers. M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé qu'il convient de laisser davantage de souplesse au maire afin de lui permettre de mieux s'adapter aux besoins locaux.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a expliqué que la politique de la ville est extrêmement complexe compte tenu de la multitude de dispositifs qui se superposent. Il a ensuite estimé que la question de l'évolution du zonage est légitime, notamment au regard de l'échec de la politique de lutte contre la pauvreté. Toutefois, il a souligné que le zonage a bien fonctionné en matière de rénovation urbaine. Quoiqu'il en soit, il a considéré que l'Etat doit demeurer le garant de la solidarité territoriale et s'assurer qu'aucune population n'est abandonnée. Il a, à cet égard, regretté que le secrétariat d'Etat au logement et à l'urbanisme soit peu audible, notamment s'agissant du besoin de financement de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui s'élève à plus de 1,5 milliard d'euros à l'échéance 2011. Enfin, il a souhaité que le Gouvernement indique clairement aux élus locaux ce qu'il compte faire dans le cadre de la réorientation programmée de la dotation de solidarité urbaine (DSU) en faveur d'un nombre plus restreint de communes.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, rapporteur sur les crédits relatifs à la mission « ville et logement », a ensuite présenté les grands axes des programmes consacrés au logement.
Indiquant en préambule que notre pays traverse l'une des crises les plus dures des vingt dernières années, il a expliqué que ce contexte n'est pas sans conséquence sur la situation du logement en France. Ainsi, 340 000 logements ont été mis en chantiers sur les douze derniers mois, soit un repli de 20 % par rapport aux douze mois précédents. Les promoteurs immobiliers craignent en effet de ne pas trouver d'acheteurs, tétanisés par le contexte économique. Or, 270 000 ménages de plus arrivent chaque année sur un marché qui accuse déjà un déficit évalué à 800 000 logements.
En clair, a-t-il indiqué, la France manque de logement, surtout là où elle en aurait le plus besoin, puisque paradoxalement, c'est là où les besoins sont les plus importants que construire coûte le plus cher.
C'est dans son contexte qu'il convient, selon lui, d'analyser le budget du logement. Certes, ce budget évalué à 6,98 milliards d'euros en autorisations d'engagements et 7,1 milliards d'euros en crédits de paiement connaît une hausse de 6 % par rapport à l'année dernière. Toutefois, il a tenu à relativiser immédiatement cette augmentation. En effet, elle ne résulte pas d'un effort particulier du Gouvernement en faveur du logement mais s'explique en réalité par la hausse des aides personnalisées au logement qui augmentent mécaniquement sous l'effet de la montée du chômage pesant directement sur la situation financière des ménages.
A cet égard, il s'est inquiété de l'avenir du financement des aides personnalisées au logement puisqu'une partie de celui-ci provient des cotisations des employeurs, amenées à décroitre sous l'impact du ralentissement économique.
Pourtant, ces aides sont aujourd'hui indispensables, selon lui, pour nos concitoyens. En 2008, plus de 6,3 millions de ménages ont ainsi bénéficié d'une aide personnelle au logement, leur permettant de réduire, dans le secteur locatif comme dans le secteur de l'accession, leurs dépenses de loyers ou de mensualités d'emprunt et charges. C'est pourquoi il a estimé que, en ces temps d'interrogation sur le pouvoir d'achat, le logement est devenu un critère pertinent pour mesurer les disparités de conditions de vie entre les ménages les plus aisés et les plus modestes. Plus généralement, il a constaté que, depuis une vingtaine d'années, ce poste de dépenses a augmenté, passant de 14 % du budget des ménages en 1988 à près de 30 % aujourd'hui. Or, l'élévation du coût du logement est de plus en plus durement ressentie par les ménages qui s'imposent des restrictions sur d'autres postes de leur budget.
S'agissant du programme consacré à la « prévention de l'exclusion » et à « l'insertion des personnes vulnérables », il a fait part de son étonnement en découvrant que 56 % des Français estiment pouvoir un jour se retrouver sans-abri, selon le résultat d'un sondage réalisé le 20 novembre dernier par l'institut CSA pour le compte de l'association Emmaüs.
Ces inquiétudes démontrent, selon lui, à quel point la prévention de l'exclusion et l'insertion des personnes vulnérables doit rester une composante essentielle de la politique du logement en France.
Il a ensuite fait part d'un constat douloureux pour la France : aujourd'hui, près de 8 millions de personnes, soit plus de 13 % des Français, sont confrontés à la pauvreté. C'est pourquoi il s'est étonné de constater une diminution de près de 2 % des crédits consacrés à cette politique alors même que la situation sociale se dégrade sous l'impact de la crise économique.
S'agissant du programme consacré au « développement et à l'amélioration de l'offre de logement », il s'est demandé ce qui peut justifier une baisse de plus de 15 % des crédits budgétés en autorisation d'engagement, alors même que ces dotations sont indispensables pour financer la construction de logements sociaux et la réhabilitation du parc privé et que les besoins en la matière sont considérables. C'est pourquoi il a considéré que le désengagement progressif de l'Etat est inacceptable, dans la mesure où la mobilisation des opérateurs du logement social ne cesse de se confirmer et de s'amplifier et que les collectivités locales sont de plus en plus mises à contribution.
Il a également souligné que la participation des employeurs à l'effort de construction illustre le désengagement de l'Etat, celle-ci représentant près de 4 milliards d'euros.
A cet égard, il a émis des doutes sur la pertinence de la réforme du « 1 % logement ». En effet, celui-ci devrait théoriquement contribuer au financement de l'ANAH à hauteur de 480 millions d'euros par an en 2009, 2010 et 2011. Or, ce versement accuse déjà un retard en 2009, puisque seulement 200 millions d'euros ont été versés à ce jour.
Il a par ailleurs indiqué que 480 millions d'euros sont budgétés cette année pour produire 110 000 nouveaux logements sociaux, un chiffre bien insuffisant face à l'ampleur des besoins, puisqu'aujourd'hui 60 % des ménages français sont éligibles à l'attribution d'un logement social. Surtout, il a observé que le Gouvernement réduit l'enveloppe budgétaire consacrée au logement social de 550 millions d'euros en 2009 à 480 millions d'euros cette année. Comme le nombre de logements financés en PLUS et PLAI est identique à celui de 2009, ce sont donc les subventions unitaires moyennes qui seront revues à la baisse. Le choix a été donc fait d'une réduction de la subvention unitaire du PLUS de 2 700 euros à 1 000 euros, un choix paradoxal puisque, au moment où l'Etat demande de développer le logement social, il diminue sa participation.
Enfin, il a souligné que, contrairement aux idées reçues, l'effort national en faveur du logement ne concerne que très marginalement le logement social, les avantages fiscaux en faveur de la production de logements sociaux devraient représentant en effet 1,53 milliard d'euros en 2010 sur un total de 34,9 milliards d'euros. Les deux plus significatifs sont ainsi le taux réduit de TVA pour certaines opérations portant sur les logements sociaux (750 millions d'euros) et l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les organismes HLM et les offices publics d'aménagement et de construction (700 millions d'euros). A titre de comparaison, à eux seuls les dispositifs d'aide à l'investissement locatif (Robien, Borloo, Scellier) représentent une dépense de 665 millions d'euros en 2010.
Enfin, il a tenu à insister sur le sujet de la promotion de l'habitat durable qui intéresse particulièrement la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et pour lequel celle-ci a été très active lors des discussions relatives au Grenelle de l'environnement.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a fait part de sa conviction selon laquelle le secteur du logement peut apporter une contribution majeure à la lutte contre le changement climatique, celui-ci représentant en effet 40 % de la consommation d'énergie finale dans notre pays.
C'est pourquoi il a estimé que la conversion de notre habitat à un haut niveau de performance énergétique est un impératif pour notre parc immobilier. Ainsi, la consommation énergétique moyenne des 32 millions de logements en France atteint 240 kWh/m2/an et doit être abaissé de 38 % d'ici à 2020 pour répondre aux objectifs du Grenelle de l'environnement. Or, de nombreux logements demeurent « énergivores », à l'image des maisons individuelles construites avant 1975 qui n'ont pas été rénovées et qui consomment en moyenne 460 kWh/m2/an. L'ANAH évalue le nombre de « passoires thermiques » dans notre pays à 7 millions. Toutefois, les propriétaires concernés sont souvent modestes alors que la rénovation de ce parc est très coûteuse. Cette contradiction indique donc l'ampleur de l'effort qui reste à fournir et, dans cette perspective, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a souscrit à l'objectif de « verdissement » de la législation fiscale dans le domaine du logement.
En définitive, il a expliqué que la crise que nous traversons doit être l'occasion de refonder la politique du logement pour l'adapter aux besoins des personnes et l'orienter résolument vers l'édification d'un habitat durable. Répondre à cette exigence constitue en réalité, selon lui, un double dividende pour la société. Elle permettra, d'une part, d'assurer la pérennité d'un parc respectueux de l'environnement, et, d'autre part, de réduire la facture de nos concitoyens, consacrée à un poste de dépenses devenu aujourd'hui incontournable.
Sous le bénéfice de ces observations, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a appelé à voter contre le budget consacré à la politique du logement.
M. Gérard Bailly a fait observer que la question du logement vacant est encore trop souvent oubliée. Or, ces logements constituent un potentiel considérable pour répondre au déficit de l'offre en la matière. Il convient, selon lui, d'étudier les raisons profondes qui poussent nos concitoyens à refuser de mettre sur le marché leurs biens immobiliers, suggérant, à cet égard, la création d'une mission d'information.
M. Jean-Paul Emorine, président, a fait remarquer que le Sénat a déjà examiné, le 17 novembre dernier, une proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a précisé qu'il existe une taxe sur les logements vacants qui s'applique depuis dix ans dans huit agglomérations françaises. Ainsi, en dix ans, près de 50 % des logements vacants ont finalement été remis sur le marché, ce qui témoigne de l'efficacité du dispositif. Il a rappelé que le ministre du logement et de l'urbanisme a indiqué, à l'occasion de la discussion de cette proposition de loi, qu'il faudra étudier les possibilités d'élargir ce dispositif à l'ensemble du territoire.
M. Dominique Braye a, pour sa part, considéré que le projet de budget pour 2010 est courageux et volontariste puisqu'il s'inscrit dans un contexte de crise économique pesant sur les finances de l'Etat. A cet égard, il a expliqué que :
- l'accession sociale à la propriété et la construction de logements neufs constituent bien des priorités pour l'Etat ; d'ailleurs, le prêt à taux zéro est prolongé jusqu'en 2012 ;
- 110 000 logements locatifs sociaux vont être construits en 2010, un chiffre considérable dans une période de crise ;
- les aides personnalisées au logement augmentent de façon significative, soit 8 %, alors même que les recettes de l'Etat diminuent ;
- le programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) fait l'objet d'un engagement financier remarquable de la part de l'ANRU ;
- la rénovation thermique des bâtiments exigée dans le cadre du Grenelle de l'environnement fait peser de nouvelles charges que le Gouvernement prend en compte à travers le « verdissement » de la législation fiscale.
En définitive, il a considéré que ce budget est volontariste et a appelé ses collègues à le voter.
Puis la commission, sur la proposition de l'un de ses deux rapporteurs pour avis, M. Pierre André, et contre l'avis de l'autre de ses rapporteurs pour avis, M. Thierry Repentin, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « ville et logement », le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche votant contre.
Loi de finances pour 2010 - Mission « Plan de relance de l'économie » - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de M. Charles Revet sur les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie ».
M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a fait valoir que l'ampleur du plan de relance est proportionnée à la sévérité de la récession. L'effort exceptionnel de l'Etat s'élève en effet à 28 milliards d'euros en 2009, ou 25 milliards si l'on exclut la dotation de 3 milliards au Fonds stratégique d'investissement, qui ne constitue pas une dépense exceptionnelle de soutien à la conjoncture mais plutôt un outil de la politique industrielle de la France.
Sur ces 25 milliards, la mission « Plan de relance de l'économie » représente à elle seule un total de 14,2 milliards d'euros de dépenses réparties en trois programmes consacrés, pour le premier, à un effort en matière d'investissement public, pour le deuxième, à un soutien à l'activité économique et à l'emploi et, pour le troisième, à un effort en faveur du logement et de la solidarité. Les montants qui y sont consacrés illustrent leur caractère exceptionnel. Outre les crédits inscrits sur cette mission, le plan de relance comprend également, pour 10,4 milliards d'euros, le remboursement anticipé de dettes fiscales vis-à-vis des entreprises afin de soulager leur trésorerie, notamment le remboursement anticipé des reports en arrière de déficits d'impôts sur les sociétés. S'y ajoutent l'allègement exceptionnel de l'impôt sur le revenu pour les ménages du bas du barème, soit 1,1 milliard d'euros, ainsi que le versement anticipé du FCTVA aux collectivités s'engageant sur un effort d'investissement, pour un montant de 2,5 milliards d'euros.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a souligné que cet effort de relance est non seulement conséquent, mais également équilibré, puisqu'il comprend deux blocs d'importance à peu près équivalente :
- le premier est constitué des 12,3 milliards d'euros de dépenses de relance keynésienne stricto sensu, pour un tiers consacrées à des actions de soutien au pouvoir d'achat, le solde soutenant un effort exceptionnel d'investissement public ;
- le second bloc comprend les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, sous forme de dépenses fiscales, de subventions ou d'appui d'OSEO pour un montant de 13,5 milliards d'euros.
M. Charles Revet a insisté sur le fait que les mesures de soutien aux entreprises sont aussi nécessaires que les actions de relance keynésienne pour faire face à la crise économique, car les difficultés à financer le cycle d'exploitation du fait d'un manque de liquidités constituent pour les entreprises une menace tout aussi importante que le manque de débouchés commerciaux.
Il a également souligné que les stabilisateurs automatiques liés au système français de protection sociale ont joué à plein, permettant de contenir la dégradation du pouvoir d'achat et du PIB par rapport à ce qui s'observe dans d'autres pays comme le Royaume-Uni ou l'Espagne.
Pour 2010, M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a indiqué que les dépenses au titre du plan de relance seront plus faibles qu'en 2009, la volonté du Gouvernement ayant été de réagir très vite et massivement dès le début de la crise. Le programme n° 316 « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » sera ainsi doté de 2 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2010, dont 1,4 milliard pour le fonds d'investissement social (FISO), afin de soutenir les politiques de l'emploi ; 240 millions pour financer la sortie progressive de la prime à la casse ; 410 millions pour la prolongation de l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises. Sur le programme n° 317, l'essentiel des ouvertures de crédits, soit 280 millions d'euros sur un total de 290 millions, concerne le revenu spécial temporaire d'activité (RSTA).
Toujours dans le cadre du plan de relance, mais en-dehors des crédits de la mission proprement dite, le budget 2010 prévoit également la reconduction du remboursement anticipé du crédit impôt recherche pour un coût estimé à 2,5 milliards d'euros, ainsi que la prolongation de l'amortissement accéléré des investissements, dont le coût est estimé à 0,4 milliard d'euros en 2010.
Par ailleurs, M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a fait valoir que le budget 2010 est dans son ensemble un budget de soutien à l'économie, d'autant que les dépenses de l'Etat intégreront aussi les 35 milliards d'investissement du grand emprunt. Enfin, la réforme de la taxe professionnelle se traduit par un allègement de la fiscalité des entreprises de plus de 7 milliards d'euros en 2010.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la rapidité de mise en oeuvre du plan de relance, qui est une condition nécessaire de son efficacité. Il a souligné que les dépenses du plan de relance ont été mises en oeuvre, à près de 80 %, selon le calendrier prévu, même si d'une action à l'autre le succès n'est pas le même. Parmi les mesures qui ont connu le plus de succès, il a cité :
- le remboursement des reports en arrière de déficit d'impôt sur les sociétés (IS), dont le coût s'élève à 3,9 milliards d'euros, alors que la dépense prévue était de 1,8 milliard d'euros ;
- le versement anticipé du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les collectivités territoriales s'engageant dans un effort d'investissement, dont le coût s'établit à 3,8 milliards au lieu des 2,5 prévus ;
- la prime à la casse qui a déjà bénéficié à 500 000 véhicules, pour une dépense d'un demi milliard d'euros, alors que seulement 220 millions d'euros avaient été inscrits dans le budget ;
- la prime de solidarité active, qui a coûté 880 millions d'euros pour un budget initial de 760 millions.
Tous ces dépassements d'enveloppe compensent la mise en place plus laborieuse d'autres mesures, par exemple dans le domaine de l'hébergement d'urgence ou des politiques de l'emploi.
Pour conclure, M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a regretté le caractère lacunaire des mesures d'évaluation du plan de relance dans le projet annuel de performance de la mission, la plupart des indicateurs n'étant pas renseignés, et a souhaité que l'effort réalisé par l'administration pour faciliter la vie quotidienne des Français et des entreprises ne reste pas exceptionnel, une relance pérenne de l'économie passant en effet par une mutation profonde de l'administration, d'un rôle de contrôle et de sanction à une fonction de conseil et d'accompagnement.
M. Jean-Paul Emorine, président, a tenu à souligner la remarquable réactivité dont avait fait preuve l'administration dans cette période de crise.
M. Daniel Dubois, tout en reconnaissant ce dernier point, a souhaité que l'administration améliore son efficacité en temps ordinaire. Il a regretté que le plan de relance ait davantage été un plan de freinage de la récession qu'un véritable plan de relance, et jugé que la mobilisation devait rester forte, la crise économique n'étant pas terminée. Il a jugé que l'organisation d'un Grenelle de l'industrie était indispensable pour renforcer le réseau français d'entreprises moyennes et sauver notre outil de production industrielle.
M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné le rôle des stabilisateurs sociaux automatiques dans notre pays, indiquant que des pays comme les Etats-Unis, où la part de la dépense socialisée est moindre, ont été plus durement touchés que la France.
M. Denis Detcheverry a déploré le manque de connaissance du terrain de l'administration, tout particulièrement dans les territoires ruraux.
M. Jean-Paul Emorine, président, a insisté sur le rôle d'accompagnateur et de facilitateur que doivent jouer les sous-préfets.
M. Daniel Raoul a estimé nécessaire que le Parlement dispose d'une véritable évaluation de l'impact du plan de relance, et relevé que ce dernier contient des mesures de soutien aux ménages les plus fragiles, sans toutefois soutenir le pouvoir d'achat autant qu'il aurait été nécessaire. Il a reconnu que le modèle social français explique le moindre recul de l'économie française au cours de l'année écoulée, et précisé qu'un véritable plan de sauvegarde de l'industrie doit être défini au niveau européen et pas seulement national, et en liaison avec la politique énergétique. Enfin, il a indiqué que le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie ».
En réponse, M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- au-delà du débat sémantique pour savoir s'il fallait parler de relance ou d'amortissement de la crise, l'important est de noter que la France a été moins affectée par la crise que ses principaux partenaires ;
- le plan de relance n'a pas suscité de projets d'investissements radicalement nouveaux, mais a permis la réalisation accélérée de projets qui étaient envisagés : c'est bien pourquoi sa mise en oeuvre a pu être si rapide ;
- il existe en France de très nombreux projets privés qui ne demandent, pour se réaliser, qu'un assouplissement des contraintes administratives ; l'Etat n'a pas forcément à porter les projets mais à les laisser émerger.
M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné que, sans la stabilité des changes apportée par l'euro, l'impact de la crise aurait sans doute été plus fort en Europe.
Puis la commission, sur proposition de M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Plan de relance de l'économie », le groupe socialiste votant contre.