Discours du Président du Sénat, M. Gérard Larcher,
à l’occasion de la cérémonie
à la mémoire des étudiants résistants
(Jardin du Luxembourg, le 16 mai 2023)
Messieurs les Vice-présidents du Sénat,
Monsieur le Questeur,
Messieurs les Présidents de groupe,
Madame Jocelyne Guidez, Présidente du groupe d’étude du monde combattant et de la mémoire,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Chers collègues,
Monsieur le Recteur de l’Académie de Paris,
Madame le Maire-adjoint, Monsieur le Conseiller d’arrondissement,
Monsieur le Secrétaire général du Sénat,
Madame le Secrétaire général de la Questure,
Mon Général, Commandant militaire du Sénat,
Monsieur le Président de la Fondation de la Résistance,
Monsieur le Président de l’Association des Amis de la Fondation de la Résistance,
Madame et Messieurs les Présidents d’association et de fondation,
Mesdames, Messieurs,
Chers collégiens et lycéens,
C’est toujours aussi émouvant d’entendre ces poèmes et ces chants qui nous permettent de célébrer la mémoire des lycéennes et des lycéens, des étudiantes et des étudiants, qui donnèrent leur vie pour que notre pays jouisse de la paix et de la liberté.
Une paix qui nous est si chère alors qu’une guerre se déroule en ce moment même aux portes de l’Union européenne.
Une liberté qui vient d’être évoquée à travers ce Chant des Marais, avec cet espoir qui renait.
Alors que tout semblait perdu et que se répandait la voix de la soumission, une autre voix, celle du général de Gaulle, exprimait depuis Londres, sa volonté de poursuivre le combat.
C’était la voix du refus du renoncement qui a ponctué notre Histoire.
Dans l’ombre, de nombreux étudiants et lycéens choisirent la voie du courage et, au péril de leur vie, redonnèrent à la France sa dignité ! Ils subiront les dénonciations, l’emprisonnement, la torture, souvent hélas la mort.
C’est cet Appel qu’entendront les cinq martyrs du Lycée Buffon à Paris, et qui seront parmi les premiers dans la Résistance universitaire. Pierre Grelot, Jacques Baudry, Pierre Benoît, Lucien Legros, Jean Artus n’ont pas encore 18 ans lorsqu’ils sont fusillés le 8 février 1943, il y a 80 ans. Les lettres d’adieux bouleversantes à leurs parents resteront à jamais graver dans les mémoires. Ils partent vers le peloton d’exécution en chantant la Marseillaise et en criant « vive la France ! »
Cet Appel fut entendu par Jacques Bloch alors lycéen à Paris qui nous a quittés en janvier dernier et fut administrateur au Sénat. Il est en terminale quand, en février 1944, il rejoint le maquis. Jacques Bloch est gravement blessé. Un chirurgien lui ampute le bras. L’amputation est à peine achevée, il est arrêté par les Allemands. Il échappe à une exécution sommaire et fait partie de l’avant-dernier convoi français pour le camp de Buchenwald.
Lors de l’évacuation du camp par les Allemands, Jacques Bloch s’évade avec un camarade. Il est rapatrié peu après en France. Il entame des études de droit et passe un concours d’administrateur au Sénat. Je l’ai rencontré à mon arrivée au Sénat, j’ai pu mesurer son humanité.
Il a toujours délivré le même message : « Ne jamais renoncer à être ce que l’on est, quelles que soient les époques, quelles que soient les circonstances, c’est le message que nous devons retenir ».
C’est cet esprit de Résistance que porte encore aujourd’hui Odile de Vasselot qui nous fait l’honneur de sa présence. Agent de liaison au service de renseignement Zéro, puis membre du réseau Comète où elle fut chargée d'exfiltrer par le train des aviateurs alliés, son témoignage a une valeur inestimable.
On découvre aujourd’hui combien, dès le collège, il y eut des actes de Résistance, ainsi le livre de Josette Torrent publié récemment démontre qu’une collégienne de 12 ans a pu aider son père en transmettant des renseignements contenus dans des ouvrages scolaires. Son père sera arrêté et exécuté, mais elle décida de ne pas baisser les bras et de ne jamais renoncer.
C’est le message que portait, le Conseil de la Résistance qui fédéra les mouvements de la Résistance dans lesquels étudiants et lycéens prirent toute leur part.
Il y a 80 ans, la création du Conseil national de de Résistance fut la suite logique de la dernière rencontre entre Jean Moulin et le général de Gaulle dans sa maison d’Hampstead à Londres en février 1943, Londres où je me rendrai en juin prochain avec les sénateurs de l’amicale gaulliste du Sénat pour commémorer cet anniversaire.
À ce moment précis, le Général de Gaulle confia à Jean Moulin la mission d’unifier la Résistance, qui n’était encore que ce « désordre de courage » qu’évoquera, vingt ans plus tard, André Malraux. Il s’agissait, comme le dit Jean Moulin lui-même, de constituer « ces troupes, prêtes aux sacrifices mais éparses et anarchiques, en une armée cohérente ».
La lutte était loin d’être achevée et combien d’étudiants et de lycéens tombèrent encore avant que notre pays fut libéré, Jean Moulin lui même fut arrêté, torturé et assassiné.
André Malraux, lui rendra hommage, en 1964, lors de son entrée au Panthéon, il s’adressait à la jeunesse et déclarait alors : « Écoute aujourd’hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C’est la marche funèbre des cendres que voici. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France. »
C’est à vous, lycéens et collégiens, ici présents, qu’il revient aussi de faire vivre cet Appel, cette flamme de la Résistance auprès de vos familles, de vos amis, de vos camarades de classe, dans vos engagements présents et à venir. Alors que les dernières voix résistantes s’éteignent, c’est à vous, qui êtes l’avenir de la France, de reprendre ce flambeau et de faire preuve du même courage de celles et ceux qui vous ont précédé et de vous dresser face aux périls qui nous menacent.
Sachez défendre la liberté ! Seul cet esprit de Résistance vous permettra de rester dignes, c’est ce qu’avaient compris celles et ceux qui vous ont précédés et qui vous regardent aujourd’hui !