Vœux du Président du Sénat aux sénateurs
Mercredi 17 janvier 2018
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Ministre chargé des relations avec le Parlement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Vice-présidents,
Messieurs les Questeurs,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires du Bureau du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Commission,
Madame et Messieurs les Présidents de Groupe du Sénat et de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Délégations et Office parlementaires,
Mes chers collègues,
Monsieur le Président de l’Amicale du Sénat,
Monsieur le Secrétaire Général de la Présidence,
Monsieur le Secrétaire Général de la Questure,
Mesdames et Messieurs,
Je souhaite vous dire combien je suis heureux que nous nous retrouvions ce soir pour célébrer cette nouvelle année.
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, je salue votre présence. J’ai entendu votre attachement au Parlement donc au bicamérisme. Pour qu’il fonctionne, il faut que les deux chambres dialoguent entre elles dans un esprit positif. Nous y veillerons ensemble.
L’année qui vient de s’achever aura été le théâtre de bouleversements politiques. Et force est de constater, une nouvelle fois, la solidité et la stabilité de nos institutions qui permettent au Président de la République d’agir et de mettre en œuvre la politique pour laquelle il a été élu.
Le premier tour de l’élection présidentielle, les élections sénatoriales, et une récente élection territoriale, ont démontré combien la France demeurait confrontée à de multiples fractures qu’elles soient politique, sociale, territoriale, ethnique ou religieuse.
Cette année aura été une nouvelle fois entachée par des actes barbares commis sur les Champs-Élysées comme à Marseille. Ces crimes démontrent que, malgré la défaite en cours de Daech au Levant, le combat contre l’islamisme radical n’est pas terminé !
Face à ces défis, le Sénat est attentif à la restauration de l’autorité de l’État.
Il est garant d’une République une et indivisible de la métropole aux Outre-Mer.
Le Sénat sera initiateur de libertés nouvelles accordées à nos collectivités territoriales dont l’expérimentation, l’adaptation et la différentiation seront « les maitres-mots ».
Garant de l’unité nationale, le Sénat sera régalien faisant de la défense, de la sécurité et de la justice des priorités. Les terribles agressions dont ont fait l’objet les forces de l’ordre et les pompiers en début d’année démontrent combien certains territoires doivent être concrètement réintégrés au sein de la République. Et nous le savons tous, en étant « régaliens », nous répondrons à une attente, pour ne pas dire à une impatience, des Français. Ils demandent que leurs élus disent non aux renoncements et notamment quand il s’agit de projets bénéficiant de l’onction du suffrage universel !
Mais le Sénat veille aussi à la cohésion sociale de notre pays et à l’indispensable dialogue social. 2018 sera l’année d’une réforme importante en matière de flexi-sécurité. En rénovant notre assurance chômage, notre formation professionnelle, notre apprentissage nous pourrons, nous l’espérons, offrir aux jeunes, aux salariés, aux demandeurs d’emploi des outils d’une insertion professionnelle et d’un retour plus rapide sur le marché du travail et là, je le dis, le Sénat sera particulièrement attentif.
Le renforcement de notre cohésion nationale passe aussi par l’instauration d’un dialogue renouvelé et sans doute plus volontariste avec les religions. Ceci n’est nullement incompatible avec la réaffirmation de la laïcité.
Le Sénat devra être attentif à la défense des valeurs républicaines, mais aussi de la culture et de la langue française qui doivent être un moyen de renforcer l’appartenance à la communauté nationale et le rayonnement de valeur universelle, tout en tenant compte de la diversité culturelle de nos territoires.
Enfin la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté se tiendra à l’automne prochain. Elle devra être exemplaire dans son organisation et incontestable dans son résultat, le Sénat y veillera.
Le Président de la République et le Gouvernement disposent d’une large majorité à l’Assemblée nationale. C’est le « fait majoritaire » renforcé depuis la réforme du quinquennat. Le Sénat doit plus que jamais montrer qu’il est garant de l’équilibre des pouvoirs, c’est dans sa nature.
Notre Assemblée a poursuivi sa mission avant et après l’élection du 24 septembre dernier : représenter les territoires, nos élus et nos concitoyens, proposer, faire la loi et contrôler le Gouvernement.
Mes vœux s’adressent donc à vous, mes chers collègues, vous qui enrichissez nos débats de vos interventions et de vos travaux, de votre action sur le terrain, en métropole, dans nos outre-mer, auprès de nos compatriotes établis hors de France. Ils s’adressent à mes collègues membres du Bureau et de la Conférence des Présidents dont je salue l’engagement et avec qui nous partageons le souci commun de l’Institution sénatoriale.
Le temps des vœux est aussi le moment de se souvenir, se souvenir de celles et ceux qui nous ont quittés l’année dernière, je pense tout particulièrement à Nicole Bricq, François Fortassin, Patrick Masclet, Nelly Ollin, mais aussi à Jack Ralite et d’autres anciens collègues qui marquèrent la Haute Assemblée de leur personnalité et de leurs travaux.
Mes Chers Collègues, grâce à vous, l’exigence législative du Sénat a été au rendez-vous de 2017. Notre Haute Assemblée a imprimé sa marque sur nombre de textes qu’il s’agisse du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qu’il s’agisse des propositions de loi sur le redressement de la justice, de la proposition de loi simplifiant les normes applicables aux collectivités territoriales en matière de service public d’eau potable ou du projet de loi de programmation des finances publiques.
Le Sénat a exprimé sa position lors de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale à propos, entre autres, de la hausse de la CSG sur les retraites.
Lors de la discussion du projet de loi de finances, nous avons pu faire entendre notre différence à propos du nouvel impôt sur la fortune immobilière ou de la réforme de la taxe d’habitation.
En matière de fiscalité locale, le groupe de travail créé par la commission des finances fera des propositions quant à une réforme de la fiscalité locale garantissant l’autonomie financière des collectivités territoriales. Je me suis exprimé en ce sens lors de la dernière Conférence Nationale des Territoires à Cahors ; à partir de maintenant, nous allons entrer dans le concret en mobilisant des moyens autonomes d’études, c’est la vocation du Parlement, l’initiative et le contrôle.
Le Sénat a fait des propositions au sujet du logement social au cours du débat budgétaire. La conférence de consensus sur le logement qui s’est ouverte le 12 décembre dernier réunit toutes les parties prenantes et contribuera à l’élaboration du futur projet de loi logement et j’attends du Gouvernement qu’il prenne en compte concrètement ses travaux.
- Au plan de la sécurité extérieure et intérieure de notre pays, nos forces armées assurent une mission exemplaire. Notre commission de la défense, des affaires étrangères et des forces armées aura à se prononcer sur les moyens accordés à nos armées dans le cadre de la future loi de programmation militaire et à veiller à ce que soit engagé le renouvellement de notre dissuasion nucléaire avec pour objectif d’atteindre les 2 % du PIB pour notre budget de la défense.
- En matière de sécurité intérieure, le Sénat a approuvé la création d'une commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité. Face aux difficultés matérielles et morales croissantes auxquelles sont confrontées les forces de l'ordre et en ce début d’année je les ressens fortement (!) Le Sénat estime indispensable d'analyser l'état des forces de sécurité en France.
- La question des migrations pose un vrai défi à notre pays et à l’Union européenne. Elle est aussi « miroir » de l’état du monde ! Nous savons que c’est un problème majeur auquel nous devons trouver des réponses. Entre drames humains, respect du droit d’asile, immigration économique qu’il faut contrôler, exigences d’intégration, et co développement indispensable, il nous faut tracer la voie. Nous aurons à aborder ce sujet notamment lors de la discussion du Projet de loi immigration. Ce sera aussi un sujet avec nos collègues des Parlements nationaux de l’Union européenne.
- Sous l’impulsion de notre Commission des affaires européennes, le Sénat restera pleinement mobilisé sur des grands dossiers : Brexit, Politique agricole, convergence sociale et fiscale, Europe de la défense… Tout en étant plus proche des citoyens par le renforcement de la subsidiarité.
Le Sénat fera tout pour favoriser les convergences les plus larges possibles autour du futur projet de révision des lois de bioéthique. Le Sénat débat de ces sujets depuis longtemps, le texte présenté doit faire l’objet d’une véritable expertise que nous mènerons à bien.
La semaine passée, je présentais mes vœux auprès de collectivités très diverses ou d’institutions les représentant. Jeudi, c’était le nouvel Institut des Métropoles. Vendredi, c’était dans le bocage domfrontais à Champsecret une commune rurale, samedi, dans une sous-préfecture historique de mon département, lundi c’était avec l’Assemblée des Départements de France :
La cohésion de notre pays, c’est l’équilibre des territoires. Un principe que j’ai réaffirmé au Président de la République en lui rappelant que « les collectivités territoriales ne sont pas le problème mais une des clés des solutions » et donc une chance pour la France !
Cet équilibre des territoires, le Sénat le défend à travers la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale qui se penche sur la question essentielle de la place de l’échelon communal. Il le défend à travers la Délégation aux collectivités territoriales. Elle s’est saisie de la revitalisation indispensable des centres villes et des centres bourgs ; elle a aussi constitué un groupe de travail chargé de mener une réflexion sur le statut des élus locaux. Nous restons enfin très attentifs au devenir du département qui n’est pas la nostalgie d’une organisation post révolutionnaire mais une proximité encore plus indispensable aujourd’hui.
Si cet équilibre des territoires passe, comme nous l’avons proposé, par une plus grande liberté accordée à nos territoires, cela doit se faire sans fracturer la République. Le Président de la République a proposé que l’article 72 de notre Constitution puisse être modifié pour permettre aux collectivités de pérenniser une expérimentation réussie, sans que celle-ci ait vocation à être généralisée au plan national. Nous serons, là encore, force de propositions.
La Constitution, dont nous allons fêter le 60ème anniversaire le 4 octobre 2018, est le pacte fondamental qui unit tous les Français. Le Général de Gaulle, lors de sa conférence de presse du 31 janvier 1964, expliquait qu’« une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique », il sera primordial de se souvenir de ce triptyque pour replacer au cœur du contrat républicain le renforcement indispensable de la confiance de nos concitoyens dans la République.
La plupart des sujets de révisions constitutionnelles annoncées par le Président de la République au Congrès –CSM, présence des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel ou suppression de la Cour de justice de la République– ne sont pas nouveaux. Le Président de la République veut aussi qu’une réflexion s’engage concernant la « fabrique de la loi » et le travail parlementaire.
Je le partage, c’était une des orientations que je vous ai proposées dans mon projet pour le triennat. Le Sénat a créé un groupe de travail transgroupe consacré à la révision constitutionnelle. Je rendrai publiques les propositions le 24 janvier prochain. Se poursuivra alors un dialogue avec vous, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, qui permettra, je l’espère, de dégager des lignes de convergence entre nos deux assemblées et le Gouvernement. Dialogue qui se poursuivra aussi avec le Président de la République.
Si l’objectif de la révision constitutionnelle, c’est de mieux faire la loi, de renforcer la démocratie parlementaire et le lien Territoire-parlementaire, alors je vous proposerai d’en être avec exigence avec une attention particulière aux territoires moins denses.
2017 a été une année de la consolidation de la réforme du Sénat que nous avons mise en œuvre collectivement depuis 2015 : réformes des méthodes de travail, agenda plus clair, incitation à la présence qui porte ses fruits grâce à chacune et chacun d’entre vous et je voulais vous en remercier.
En adoptant, le 14 décembre dernier, la proposition de résolution visant à modifier le Règlement du Sénat pour pérenniser et adapter la procédure de législation en commission que nous avions expérimentée dès 2015, nous nous sommes donné « un temps d’avance », tout en étant attentif au droit d’amendement. Travailler mieux ne doit pas se traduire par moins de liberté pour chaque parlementaire.
Le Conseil constitutionnel vient de la valider.
Dans toute démocratie, un parlementaire doit être protégé dans l’exercice de son mandat, son indépendance garantie et doit disposer des conditions matérielles et morales indispensables à son activité. Le Bureau du Sénat a adopté à l’unanimité un nouveau régime de prise en charge des frais de mandat conformément aux dispositions de la loi pour la confiance dans la vie politique. Nous l’ajusterons si nécessaire et nos questeurs, que je voudrais remercier de leur engagement, seront, avec les membres du Bureau et moi-même, attentifs à vos suggestions et observations.
Mais cette décision s’inscrit dans le contexte politique que nous connaissons, marqué par la montée d’un antiparlementarisme préoccupant pour la démocratie et j’ai partagé vos propos lors de vos vœux hier, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale. « La transparence » est indispensable mais elle ne peut nourrir l’antiparlementarisme qui conduit droit vers le populisme.
Je tiens à vous affirmer ma détermination à assurer la dignité et la respectabilité du mandat de sénateur !
Être parlementaire,
C’est représenter la Nation,
C’est porter une parcelle de sa légitimité et de sa souveraineté, « cette souveraineté qui est pour l’État ce que la liberté est à la personne humaine » écrit Édith Stein.
Être parlementaire, c’est une fonction essentielle dans une Démocratie,
C’est une fonction où, dans la proximité, vous sentez le pouls de nos concitoyens, de nos territoires,
C’est une responsabilité,
C’est un Honneur et je sais que vous l’assumez avec conviction.
Alors je vous souhaite une très bonne année à chacune et à chacun,
Oui, très bonne année au Sénat,
Oui, très bonne année à la France !
Seul le prononcé fait foi