Intervention de M. Gérard LARCHER, Président du Sénat,
à l’occasion de la remise du Prix de thèse du Sénat pour 2017
Mardi 27 juin 2017 à 18 h 00
Chère Madame DESCOURS- DESACRES,
Cher Président Claude BÉRIT-DÉBAT,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs les membres du Jury,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Chers lauréats,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir dans les salons de la Présidence du Sénat pour la remise du Prix de thèse du Sénat 2017.
Cette cérémonie concrétise l’aide que le Sénat apporte depuis 2001 à la recherche universitaire sur le droit parlementaire, le bicamérisme, l’institution sénatoriale ou les collectivités territoriales.
Cette aide à la recherche permet de financer la publication d’une thèse dans la collection « Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle » éditée chez DALLOZ et de verser une gratification significative à son auteur. Elle permet également d’attribuer chaque année une bourse de recherche, d’un montant de 40 000 euros sur une période maximale de cinq ans.
Le Prix de thèse et la bourse de recherche sont décernés par un jury émérite composé de professeurs d’universités, spécialistes du droit, de sciences politiques, d’histoire institutionnelle, de fonctionnaires du Sénat et de sénateurs issus de tous les groupes politiques.
Cette composition tripartite du jury à laquelle nous sommes très attachés permet un échange constructif entre le droit et le politique, entre la théorie juridique et la pratique institutionnelle. La participation d’éminents professeurs illustre notre souhait de développer la coopération entre le Sénat et le monde universitaire dont les avis et les critiques nous intéressent éminemment.
Je remercie vivement les membres du jury pour leur implication et le temps précieux qu’ils ont consacré à l’analyse des thèses et à l’élaboration du palmarès. Je remercie tout particulièrement M. le Vice-Président Claude BÉRIT-DÉBAT qui a accepté de présider et a mené les débats du jury avec talent et diplomatie.
Mieux faire connaître notre institution, élargir la réflexion sur le droit parlementaire, approfondir les connaissances sur les rouages du bicamérisme me paraissent autant d’objectifs à poursuivre avec constance et détermination. Ils le sont d’autant plus que dans le paysage politique actuel, le Sénat constituera « ce point ferme » de la République.
Sous l’impulsion du Bureau et du Conseil de Questure, il mène une politique active afin de mieux faire connaître son mode de fonctionnement et son rôle dans les institutions qui s’est traduite par la création de l’Institut du Sénat, dont la troisième promotion ne tardera pas à se constituer, ou la réalisation de cours en ligne, qui ont vocation à s’adresser à tous les citoyens attentifs à la défense de la démocratie parlementaire.
Un projet de convention avec le Comité d’histoire parlementaire et politique présidé par M. Jean GARRIGUES, prochainement soumis à l’approbation du Bureau, complétera ce dispositif de communication.
En ces temps d’interrogations de la vie publique et nous l’espérons, disposer ainsi d’une visibilité accrue et d’une information dynamique sur notre institution est un atout. Il importe en effet de se doter de tous les moyens disponibles pour lutter contre les critiques visant la démocratie parlementaire ou la légitimité des délibérations parlementaires. Nous devons rendre plus visible le sérieux de nos travaux, démontrer la nécessité d’un double regard (bicaméral), convaincre de l’intérêt d’une approche différente résultant d’un mode d’élection différent et complémentaire de celui de nos collègues députés.
Avant de présenter les lauréats, je vous rappelle que cette année le jury du Prix de thèse, auquel participait notre ancien collègue Ambroise DUPONT en tant que représentant de la fondation Jacques DESCOURS-DESACRES, devait également décerner le Prix de thèse de cette fondation récompensant, une année sur deux, une thèse portant sur « les finances publiques, la fiscalité, les finances locales ou la gestion publique locale » et doté de 6 000 € destinés à la publication de la thèse primée chez DALLOZ.
Il m’apparait tout à fait judicieux de récompenser des recherches dans ces domaines qui concernent directement notre institution, représentante des collectivités territoriales et chargée de l’élaboration de la législation fiscale.
Il me revient maintenant le plaisir de remettre officiellement les Prix attribués, le 16 mai dernier, à :
- M. Benjamin MOREL, pour sa thèse portant sur : Le Sénat et sa légitimité. L’institution interprète d’un rôle constitutionnel auquel a été décerné le Prix de thèse du Sénat 2017,
- et à M. Jérôme CHARPENTIER, pour sa thèse intitulée : Le recours à l’expertise en finances publiques, qui a reçu le Prix de la Fondation Jacques DESCOURS DESACRES.
Je leur adresse à tous deux mes plus chaleureuses félicitations car ils ont été choisis parmi vingt-huit dossiers candidats, et parmi les seize dossiers retenus par le comité de sélection, au nombre desquels figuraient ceux d’un boursier du Sénat, d’un fonctionnaire du Sénat et d’un collaborateur de sénateur, dont les travaux, même s’ils n’ont pas été primés, mériteraient de bénéficier d’une certaine publicité au sein de notre institution.
Après avoir distingué deux années de suite des recherches portant sur les collectivités territoriales, qui constituent à l’évidence l’un de nos principaux centres d’intérêt, le jury a décidé, cette année, d’honorer une thèse dont l’objet central est consacré au Sénat.
En prenant cette décision, le jury s’est également prononcé sur une question de principe : en effet, le lauréat ayant pu bénéficier d’un contrat doctoral de quatre années, était–il éligible à l’obtention du Prix ? La réponse a été positive sous réserve bien évidemment que la qualité de la recherche justifie l’attribution du Prix.
Présentée dans le cadre de l’École normale supérieure de Cachan, le 8 décembre 2016, la thèse en sciences politiques de M. Benjamin MOREL, codirigée par Mme Martine KALUSZYNSKI et M. Benoit BASTARD, présente le très grand intérêt de mêler, avec une rare maîtrise, l’analyse sociologique de l’institution sénatoriale et son étude juridique, de multiplier les références au droit constitutionnel et au droit parlementaire. Il s’agit d’un plaidoyer très construit en faveur du bicamérisme et d’une analyse précise de la particularité du Sénat et de son rôle au sein de nos institutions.
Dans la première partie consacrée à la recherche des fondements de la légitimité du Sénat, vous démontrez que l’existence du Sénat, loin de résulter du hasard, répond à un certain nombre d’exigences institutionnelles, notamment à celle de disposer d’un contrepoids efficace ou à l’obligation d’assurer une mission de représentation alternative et complémentaire de celle assurée par les membres de l’Assemblée nationale.
Dans la seconde partie, vous analysez de façon très originale l’action que prend l’institution elle-même dans la construction de sa légitimité.
Mais surtout, tout au long de votre recherche (900 pages) et au travers de nombreux exemples « vous donnez vie au Sénat et aux sénateurs », pour reprendre l’un des commentaires de votre jury de soutenance, vous le rendez « palpitant de vie », bien loin de la « réalité assez poussiéreuse, secondaire, voire fantomatique », encore trop souvent associée à notre institution, même si ce n’est pas la réalité. Vous décrivez ainsi le Sénat que mes collègues et moi-même pratiquons au quotidien et correspondant à l’image que nous nous employons à en donner à nos concitoyens.
Votre approche pragmatique fondée sur les nombreux entretiens avec les sénateurs et certains fonctionnaires parlementaires est très utile car le rôle et la place d’une institution ne peuvent bien se concevoir qu’au travers de la perception des acteurs directement impliqués dans son fonctionnement.
Je vous renouvelle toutes mes chaleureuses félicitations pour le travail impressionnant que vous avez accompli et pour la pierre que vous avez apportée à la défense du Sénat et du bicamérisme. Je suis persuadé que votre thèse fera référence et, à ce titre, il était pleinement justifié qu’elle soit récompensée par le Prix du Sénat.
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J’en viens au Prix de la Fondation Jacques DESCOURS-DESACRES qui a été décerné à M. Jérôme CHARPENTIER pour sa thèse de droit public élaborée dans le cadre de la faculté de droit, sciences économiques et gestion de l’université de Lorraine et co dirigée par Mme Katia BLAIRON et M. Christophe FARDET que vous avez soutenu le 24 novembre 2016 devant un jury présidé par Mme Marie-Christine ESCLASSAN.
Avant tout autre commentaire, je tiens à souligner la grande satisfaction dont m’ont fait part les membres du jury du Sénat sur la qualité des thèses candidates au Prix DESCOURS DESACRES. Je le souligne d’autant plus qu’à deux reprises récemment, l’attribution de ce Prix avait été reportée soit en raison du faible nombre de candidats, soit en raison de la qualité des thèses. Cette année, au contraire, le jury aurait bien voulu pouvoir récompenser plusieurs travaux de très grande qualité. Votre mérite n’en est que plus grand !
En consacrant près de 900 pages, vous aussi, à l’étude du « recours à l’expertise en finances publiques », vous avez permis de combler un vide doctrinal. Aussi curieux que cela puisse paraître à une époque où le recours à l’expertise parait être si naturel et quasi systématique, ce sujet n’avait fait l’objet d’aucune étude approfondie.
Outre l’intérêt de proposer une définition de ce que peut être l’expertise en finances publiques, vous vous êtes attaché à analyser les incidences que cette pratique pouvait avoir sur la gouvernance financière et la manière dont sont élaborées les politiques budgétaires et financières.
En vous appuyant non seulement sur le droit public mais également sur la science administrative et en ayant recours aux analyses de droit comparé, vous fournissez une vue très complète de ce phénomène et du parallèle existant entre la montée des risques financiers et la fréquence de plus en plus grande du recours à l’expertise en finances publiques.
Vous proposez des développements très concrets sur les conséquences que le recours à l’expertise financière peut avoir sur le fonctionnement de l’institution parlementaire et la valorisation du rôle budgétaire et financier du Parlement. Je puis vous assurer qu’une lecture très attentive de ces chapitres sera effectuée par les services directement concernés de notre administration.
Ainsi, en partant d’un sujet apparemment très technique, vous offrez une réflexion qualifiée de « très stimulante » sur les mutations de l’action publique, le rapport entre l’expert et le politique et plus généralement sur le processus de décision publique.
Je ne doute pas que Mme DESCOURS-DESACRES, qui dans quelques instants vous remettra le Prix de sa fondation, considère comme moi, que vous avez ainsi atteint l’objectif de ce que doit être la recherche universitaire : vous avez permis de combler une lacune doctrinale et vous avez ouvert des perspectives de réflexion.
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Je souhaite que ces brèves évocations aient suscité l’envie de consulter les thèses primées, qui, dans l’attente de leur publication chez DALLOZ, sont disponibles à la Bibliothèque du Sénat. Ce palmarès marque tout l’intérêt que porte le Sénat au monde de la recherche universitaire et je salue la présence ce soir de directeurs de recherche et de membres éminents des universités.
Je remercie tous ceux qui ont répondu à notre invitation, Sénatrices, Sénateurs, ainsi que parents et amis des lauréats que nous sommes très heureux d’entourer dans ce moment de convivialité, pour fêter l’heureux achèvement de longues années de travail.
Je vais maintenant remettre les récompenses aux deux lauréats et pour cela je convie les membres du jury et Mme DESCOURS-DESACRES à venir me rejoindre
- le Prix de thèse du Sénat à M. Benjamin MOREL,
- le Prix de la Fondation Jacques DESCOURS-DESACRES à M. Jérôme CHARPENTIER.